Archives de catégorie : Newsletter Actu Sociale N°102

SYNDICAT

Réforme de la représentativité patronale : il est urgent d’attendre

20/07/2023

La “mission flash” menée par Hadrien Clouet (député France Insoumise/Nupes de Haute-Garonne) et Didier le Gac (député Renaissance du Finistère) a rendu ses conclusions mercredi 19 juillet devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Selon les parlementaires, les syndicats patronaux souffrent comme leurs homologues salariés d’un faible taux de couverture. Ils jugent cependant plus prudent de n’engager aucune réforme de la représentativité patronale pour l’instant, d’une part parce que les procédures du prochain cycle électoral sont déjà engagées, et d’autre part parce qu’ils jugent nécessaire un accord préalable des syndicats patronaux sur une réforme à mener.

Pour mémoire, les syndicats patronaux ont connu en 2021 leur deuxième cycle électoral. Tout comme les syndicats de salariés, la représentativité patronale obéit à des critères d’audience : les organisations doivent établir qu’elles représentent 8 % des sociétés affiliées à un syndicat patronal ou que leurs entreprises adhérentes emploient au moins 8% de l’ensemble des salariés employés par des entreprises adhérentes à un mouvement patronal.

Source : actuel CSE

PROTECTION SOCIALE

Retraite: la Cnav publie une circulaire sur le nouveau régime des carrières longues

17/07/2023

L’article 11 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 portant la réforme des retraites a profondément modifié le régime des départs anticipés pour carrière longue. Les décrets d’application nécessaires pour l’entrée en vigueur des nouvelles modalités de départ à ce titre sont d’ores et déjà parus au Journal officiel du 4 juin. Il y aura donc bien, dès septembre prochain, quatre (et non plus deux) bornes d’âge de départ pour les carrières longues, une durée d’assurance identique pour chacune d’elle, à savoir celle requise pour l’obtention du taux plein, une clause de sauvegarde pour les assurés devenus inéligibles du fait de la réforme,… 

Tirant les conséquences de ces modifications, la Cnav a publié le 10 juillet une circulaire spécialement dédiée au régime de retraite anticipée pour carrière longue applicable à compter du 1er septembre. Elle détaille entre autres les conditions d’ouverture de droit pour les concernés (en intégrant par exemple la prise en compte des trimestres acquis au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer ou de la nouvelle assurance vieillesse des aidants), les modalités de calcul de la retraite, ou encore les avantages complémentaires qui peuvent être octroyés (majoration pour enfant, etc.). La circulaire contient par ailleurs des tableaux de synthèse sur les périodes retenues ou non dans la durée d’assurance cotisée et sur les conditions à remplir selon les générations, de même que de multiples exemples illustrant les différentes situations.

Source : actuel CSE

Selon le Comité de suivi des retraites, la question des déficits n’est pas réglée

18/07/2023

Le comité de suivi des retraites, le CSR (*), a rendu la semaine dernière son dixième avis fondé sur le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR). Si l’organisme concède que le déficit du régime des retraites sera réduit en 2030 (mais toutefois pas annulé : il resterait l’équivalent de 0,2 point de PIB), il avertit qu’un “déficit global continuerait de se creuser ensuite”. A l’horizon 2070, les dépenses seraient plus élevées de 9,5 milliards d’euros en comparaison de la situation où aucune réforme n’aurait été adoptée en 2023.

D’une part, les Français travaillant plus longtemps en raison du report de l’âge légal de départ à 64 ans bénéficieraient de pensions plus généreuses, ce qui occasionne des dépenses plus élevées. D’autre part, le CSR pointe les dépenses dans d’autres régimes sociaux (RSA, invalidité, maladie, chômage) liées notamment aux seniors non maintenus dans l’emploi. Des effets pervers de l’allongement de l’âge légal et de la durée de cotisation déjà dénoncés par le COR lors de la préparation de la réforme des retraites.

Cet avis du CSR vient une nouvelle fois jeter la pierre dans la mare d’un pilotage purement financier du régime des retraites et des effets court-termistes des réformes paramétriques. Sans  relancer le sujet d’une réforme systémique (comme le projet de  réforme de la retraite par points abandonné en 2020), il formule quelques recommandations. Il considère comme une option “à ne pas exclure d’office” la hausse des cotisations et propose de revoir le cadre méthodologique servant à bâtir les projections du système. “On arrive au bout de ce que peuvent faire les démarches paramétriques dans un système qui reste aussi éclaté et peu lisible. (…) Il faudrait parvenir à élaborer une stratégie intermédiaire qui ne soit ni la remise à plat complète du système, ni d’attendre passivement que le besoin d’actionner les leviers existants se manifeste à nouveau, sans avoir cherché à les faire évoluer”, conclue-t-il.

(*)  Rattaché à la Première ministre, le CSR a été créé par la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. Il constitue un organisme de pilotage dont les avis, articulés avec ceux rendus par le Conseil d’orientation des retraites, sont destinés à garantir que le système de retraite respecte ses objectifs d’équilibre financier.

Source : actuel CSE

CSE

Sur un an, le nombre de défaillances d’entreprises reste plus faible qu’avant la crise sanitaire

17/07/2023

Entre juillet 2022 et juin 2023, il y a eu 48 673 défaillances d’entreprises, estime la Banque de France. En 2019, leur nombre s’élevait à 51 145. Et à 33 570 entre juillet 2021 et juin 2022.

Source : actuel CSE

Rachat de Cora et Match par Carrefour : FO s’inquiète pour les emplois

17/07/2023

Le groupe Carrefour a annoncé par voie de presse le rachat prochain des enseignes de grande distribution Cora et Match. Une opération qui déplaît déjà aux syndicats qui déplorent de n’avoir pas été d’abord informés en interne. Force Ouvrière (majoritaire chez Carrefour) s’est immédiatement alarmée des risques pesant sur l’emploi des magasins ainsi rachetés, notamment pour les sièges et les bases logistiques. FO dénonce également “les vagues successives de passage de ses magasins en location-gérance et franchise, des statuts juridiques moins-disants socialement et syndicalement pour les salariés des magasins concernés, les privant du bénéfice des accords qui s’appliquent aux magasins intégrés” (lire le communiqué sur le site internet de la fédération). Pour l’instant, les CSE n’ont été ni réunis ni informés de ce projet, nous a indiqué Véronique Revillod, secrétaire générale de la fédération des services CFDT (lire le communiqué). Carrefour a par ailleurs annoncé fin juin aux élus du CSE central un plan de départ volontaire de 980 salariés.

Source : actuel CSE

Le site Blast évoque un conflit d’intérêt entre Marc Ferracci et le groupe Alpha, l’intéressé s’inscrit en faux

17/07/2023

Le site d’informations Blast a publié une enquête évoquant de possibles conflits d’intérêt concernant Marc Ferracci. Proche d’Emmanuel Macron, l’économiste Marc Ferracci, spécialiste du marché du travail, a été conseiller du Premier ministre Jean Castex et de la ministre du travail Muriel Pénicaud et il est à l’origine de certains aspects de la réforme de l’assurance chômage, comme les idées de bonus-malus des cotisations patronales et de contracyclicité (variation de la durée d’indemnisation en fonction du taux de chômage).

Député Renaissance, il est rapporteur du projet de loi sur le plein emploi. Marc Ferrracci est également le fils de Pierre Ferracci, qui a créé le cabinet Secafi (spécialisé dans l’expertise auprès des CSE) et le groupe Alpha (qui comprend Semaphores, un cabinet de reclassement et de conseil RH). Selon les informations de Blast, il y a aurait conflit d’intérêt dans la mesure où Marc Ferracci joue un rôle important dans la conception de la future législation réformant Pôle emploi pour créer France Travail, une réforme qui pourrait favoriser l’activité du groupe Alpha. De quelle façon ? Sémaphores, le cabinet conseil du groupe Alpha, a signé un partenariat avec la société Aksis pour lancer une co-entreprise, Alliance Compétences, dont l’activité concerne les transitions, les mobilités professionnelles et la formation professionnelle. Or, selon Blast, la création de cette entreprise aurait permis au groupe Alpha de devenir le principal opérateur privé de Pôle emploi du fait d’un contrat initial liant Aksis à Pôle emploi. Quel lien avec Pierre Ferracci ? Pour Blast, “la transformation en cours de Pôle emploi en France Travail laisse entrevoir pour l’avenir à nouveau une très forte activité des sous-traitants, une excellente nouvelle pour le groupe Alpha et son patron, grâce à sa coentreprise avec Aksis”. Par ailleurs, le site d’information souligne que Marc Ferracci possède 35% d’Icare Finance, “la holding familiale qui porte a participation de Pierre Ferraci dans le groupe Secafi Alpha”. 

Après avoir réagi à chaud en démentant tout conflit d’intérêt, Marc Ferracci a publié jeudi 13 juillet sur Twitter un communiqué plus long (voir ci-dessous). D’une part, il souligne que ce n’est pas un parlementaire comme lui “qui pilote une réforme” comme France Travail “préparée par le gouvernement”. D’autre part, il affirme que depuis 2016, le groupe Alpha n’effectue plus aucune activité de prestation de placement pour le compte de Pôle emploi. “L’article de Blast évoque pour contester ce fait une alliance entre la filiale Sémaphores du groupe Alpha et l’entreprise Aksis, qui réaliserait quant à elle des prestations de placement”, “mais il se trouve que cette alliance exclut expressément de son périmètre les marchés Pôle emploi spécifiques aux demandeurs d’emplois inscrits à Pôle emploi”. Et le député de conclure : “Cela signifie que l’augmentation du nombre d’inscrits à Pôle emploi (ou demain à France travail) ne saurait avoir aucune conséquence sur les résultats économiques de Sémaphores, et donc du groupe Alpha”. 

Marc Ferracci annonce néanmoins, “afin de ne laisser aucune prise au soupçon”, avoir saisi le déontologue de l’Assemblée nationale au sujet de sa nomination comme rapporteur du projet de loi Plein emploi. Il précise exclure d’ores et déjà d’intervenir sur le titre 2 du projet de loi qui concerne France Travail. 

Source : actuel CSE

Casino : l’inquiétude des salariés avant la reprise

19/07/2023

Chez Casino, les 50 000 salariés français se partagent en deux camps : les 45 000 qui attendent la confirmation de la reprise de l’enseigne de Saint Etienne par l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, et les 4 500 salariés des 119 magasins récemment cédés à Intermarché. Paroles d’élus de CSE et de délégués syndicaux.

Jeudi de cette semaine, le comité social et économique central (CSEC) de Casino se réunira. Mais il ne devrait pas y être question de l’offre de reprise de l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky (*), désormais seul en lice pour la reprise de l’enseigne de distribution née à Saint Etienne.

Au menu figureront des questions “formelles” liées à la situation concurrentielle suite au projet de cession des 119 magasins dont Casino a d’ores et déjà annoncé la vente à Intermarché. Les élus et délégués syndicaux de Casino espèrent en savoir plus sur le sort de leur groupe en fin semaine, via notamment une réunion des délégués du groupe, et surtout d’ici le 27 juillet.

L’échéance du 27 juillet

Cette date, qui correspond à la présentation des résultats semestriels de Casino, est la limite donnée aux créanciers du groupe pour dire s’ils acceptent ou non l’offre de reprise, qui comporte une injection d’argent frais (900 millions d’euros) mais aussi une conversion d’une partie des créances en actions, ce qui suppose de recueillir la confiance des investisseurs.

“Pour l’instant, nous ne sommes informés que par la presse”, constate Sandrine Parly, secrétaire adjointe du CSE central. “Nous essayons de ne pas inquiéter le personnel mais nous sommes dans l’attente”, commente Alida Melizi, déléguée syndicale groupe FO.

Si la décision finale ne fait guère de doute, les discussions ne sont pas achevées : lundi soir, les administrateurs de Casino ont décidé de poursuivre les discussions sur la reprise du groupe avec Daniel Kretinsky.

Le CSE central a lancé une alerte économique

La confiance, c’est peut-être le mot capital dans cette affaire, le patron de Casino, Jean-Charles Naouri, dénonçant le comportement des fonds d’investissement qui auraient spéculé à la baisse pour faire plier le groupe quand d’autres investisseurs posent eux des questions sur la stratégie suivie, la directon n’ayant selon eux pas suffisamment réinvesti les résultats générés par les magasins, résultats qui seraient aujourd’hui en forte baisse.

Le consortium 3F, conduit par les hommes d’affaires Mathieu Pigasse et Xavier Niel (le patron de Free), a par exemple jeté l’éponge en dénonçant dans un communiqué d’une part le double jeu d’un fonds d’investissement mais aussi le manque d’informations et de transparence sur ses comptes de Casino. Le 12 juin dernier, le CSE central a d’ailleurs lancé une procédure d’alerte économique pour y voir plus clair également dans les comptes du groupe, comme nous l’indique la secrétaire adjointe du comité, Sandrine Parly.

L’offre de Kretinsky nous semble la plus viable 

D’ici là, les salariés sont plongés dans l’incertitude. Thomas Meyer, délégué syndical groupe UNSA, n’est toutefois pas loin de pousser un soupir de soulagement : son syndicat était clairement partisan de l’offre pilotée par Daniel Kretinsky. “Nous ne pouvons que nous réjouir que cette offre reste seule en lice. C’est celle qui nous paraît la plus viable et qui protège le plus l’entité du groupe, avec l’engagement de maintenir le siège à Saint Etienne et de procéder à des embauches pour Casino”, soutient le délégué syndical. Mais ce dernier reste “vigilant” pour parer à toute “casse sociale” : “Nous voulons des garanties mais aussi des éclaircissements sur le sort des deux activités logistiques du groupe et sur le statut des gérants mandataires”.

Alida Melizi, déléguée syndicale groupe FO chez Easidys, la partie logistique de Casino (2 300 salariés), partage, mais de façon plus prudente, cette analyse : “Nous essayons d’en savoir plus auprès de l’équipe de Daniel Kerensky. Ils se montrent rassurants en nous assurant qu’ils vont embaucher, rénover les magasins, garder le siège à Saint Etienne. On nous donne des assurances, mais cela ne nous empêche pas d’être inquiets”. 

L’inquiétude des salariés des magasins 

Du coup, l’effectif de 50 000 personnes de Casino se divise en deux camps, inquiets mais pas pour les mêmes raisons. “Il y a ceux, environ 4 500 salariés, qui appartiennent aux 119 magasins Casino qui vont être vendus à Intermarché. Eux savent où ils vont, mais ils s’inquiètent de la perte de leurs avantages. Les autres salariés, 45 000, sont eux toujours dans l’incertitude”, réagit Nathalie Mezigheche, élue au CSE central et déléguée syndicale centrale UNSA. Elle-même n’est sûre de rien : adjointe dans un hypermarché de Dijon qui emploie 70 salariés, son site ne figure pas sur la liste des cessions à Intermarché, mais, nous dit-elle, qui sait ce qui va se passer ? “Les salariés sont très anxieux. Même les clients nous interrogent pour savoir ce qui se passe. Et on ne parle même pas des prestataires, des agents de sécurité, des agents de ménage…” nous dit-elle.  

 Notre hypermarché n’est pas vendu mais l’effectif a été divisé de moitié depuis 1995

Sandrine Parly, qui travaille en polyvalence dans l’hypermarché Casino d’Auxerre (tantôt hôtesse d’accueil, tantôt hôtesse de caisse), s’interroge également. “Nous ne faisons pas partie des magasins vendus mais on se demande quand même où on va car le modèle de l’hypermarché est sur la sellette”, constate la secrétaire adjointe du CSE central. Et cette dernière, qui travaille chez Casino depuis 1995, constate la décrue régulière des effectifs : “Quand j’ai commencé, nous étions 200. Aujourd’hui nous ne sommes plus que 100. Les départs ne sont plus remplacés, même chose pour les arrêts maladie”. 

Dans cette vague d’inquiétudes, la partie logistique n’est pas en reste. A l’instar de la formatrice en logistique Alida Melizi, dont le syndicat FO représente 40% des voix aux dernières élections professionnelles, les salariés de ce secteur ont bien identifié les pertes d’activité liées à la vente d’une centaine de magasins à Intermarché : “Chez Easydis, nous livrons les hyper, les super et les magasins de proximité. Par exemple sur Besançon, nous allons devoir faire avec 40% d’activité en moins…” 

Si les créanciers acceptent d’ici le 27 juillet le plan de reprise, celui-ci devrait être soumis aux actionnaires lors d’une assemblée générale avant le 30 septembre, pour une reprise qui serait donc effective d’ici fin 2023. 

(*) Daniel Kretinsky s’est associé à Marc Ladreit de Lacharrière pour présenter une offre. L’homme d’affaires tchèque, dont la fortune s’élève à 9,7 milliards de dollars selon Forbes, connaît le secteur de la distribution. Selon les Echos, il possède un peu moins de 50 % de l’allemand Metro, il est le second actionnaire du britannique Sainsbury et il est entré chez FNAC-Darty et Foot Locker.

Bernard Domergue

Emeutes : une aide jusqu’à 6 000 euros pour les travailleurs indépendants impactés

19/07/2023

Bercy a annoncé que les victimes d’actes de vandalisme peuvent demander jusqu’au 31 août une aide financière exceptionnelle pouvant atteindre 6000 euros. Les demandes seraient examinées dans un délai de 10 jours.

Nouveau coup de pouce pour les travailleurs indépendants victimes des émeutes qui touchent la France depuis fin juin. Le 17 juillet, Bercy a annoncé un “assouplissement” du dispositif d’aide financière exceptionnelle (AFE), allouée par le Conseil de la Protection Sociale des Travailleurs Indépendants (CPSTI) en cas de difficulté exceptionnelle et ponctuelle susceptible de menacer la pérennité de l’activité professionnelle. 

“C’est une volonté des ministres de répondre aux inquiétudes des commerçants indépendants dans leurs problèmes de trésorerie” et en raison de leur inéligibilité à l’activité partielle (dont peuvent bénéficier les salariés des commerçants sinistrés), explique le cabinet d’Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, lors d’un point presse.

6 000€ maximum pour une fermeture de plus de 15 jours

Le montant de cette aide pourra atteindre 6 000 euros par travailleur indépendant. Ce maximum sera réservé aux professionnels dont l’établissement a fermé plus de 15 jours, indique le cabinet d’Olivia Grégoire. Mais pas d’attribution automatique. Les dossiers seront étudiés au cas par cas, prévient Bercy. Le montant de l’AFE variera “en fonction de l’importance de l’impact subi et en application des principes d’éligibilité qu’il [le CPSTI] a définis”, selon le communiqué de Bercy. 

L’AFE, qui a été mise en place lors de la crise Covid, est soumise à un plafond annuel d’un montant moindre

Délai de 7-10 jours pour le traitement des demandes

Les professionnels dont l’entreprise a été touchée par les émeutes peuvent effectuer une demande d’aide jusqu’au 31 août 2023. La demande doit être déposée auprès de l’Urssaf du lieu d’activité professionnelle, accompagnée d’un formulaire d’AFE intégrant une “déclaration sur l’honneur quant à la fermeture minimale d’une journée imposée par les dégâts sur les locaux de l’entreprise”, d’une copie du dépôt de plainte et d’une copie de la déclaration d’assurance. 

Le traitement de la demande d’aide serait accéléré et le versement pourrait intervenir dans un délai de 7 à 10 jours à compter du dépôt, indique le cabinet du ministre.

L’aide perçue par les victimes des émeutes n’est “pas récupérable” et n’est soumise “ni à cotisations et contributions sociales, ni à charges fiscales”.

A côté de l’assouplissement de l’aide financière exceptionnelle (AFE), Bercy a annoncé la nomination d’une référente nationale, Chantal Chambellan Le Levier, en matière d’assurance. Son objectif : accompagner dans leurs démarches les commerçants et entreprises les plus en difficulté, en lien avec leur assureur et leur conseiller départemental d’accompagnement des entreprises en difficulté. Depuis le début des évènements, le gouvernement a mis en place plusieurs mesures pour venir en aide aux professionnels dont le commerce a été endommagé, telles que l’étalement – voire l’annulation – des charges sociales et fiscales.

Céline Chapuis

Le CSE de la Mutualité Française saisit la justice sur les risques psychosociaux dans l’entreprise

19/07/2023

“Bien que trois experts se soient penchés sur la question, les risques psychosociaux ne sont toujours pas maîtrisés”, nous a indiqué, hier, le CSE de la Mutualité Française. Après une réunion extraordinaire le 13 juillet dernier, l’instance de représentation du personnel a adopté à l’unanimité une délibération en faveur d’une saisine de la justice en référé afin de faire cesser cette situation (communiqué de presse en pièce jointe). En parallèle, l’inspection du travail a été saisie et a assisté à cette réunion du CSE. Les élus pointent depuis plusieurs années des problèmes de surcharge de travail, d’isolement et de fonctionnement clanique au sein de leur entreprise. Le document unique d’évaluation des risques ne serait selon eux pas à jour et aucune politique de prévention des risques mise en place. Ils s’appuient notamment sur un rapport d’expertise remis par le cabinet Ethis/Orseu, selon lequel la culture même de l’entreprise ferait apparaître des risques de maltraitance des salariés. Les élus font par ailleurs face à un plan de restructuration dont ils craignent les conséquences sur le personnel.

Source : actuel CSE

Pics de pollution : l’Etat condamné à réparer le préjudice subi du fait de pathologies respiratoires

20/07/2023

Le tribunal administratif juge qu’une partie des symptômes dont ont souffert les enfants a été causé par le dépassement des seuils de pollution résultant de la faute de l’État.

Imputant les maladies respiratoires contractées par leurs filles mineures depuis leur naissance à la pollution atmosphérique francilienne, des parents ont adressé une réclamation indemnitaire au ministre de la transition écologique et solidaire et au préfet de police. Dans un jugement avant-dire droit du 7 février 2022, le tribunal administratif a jugé que l’État avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, en ce que les mesures adoptées n’ont pas permis que les périodes de dépassement des valeurs limites de concentration de polluants dans l’atmosphère de la région Île-de-France soient les plus courtes possibles. Il a, en outre, ordonné une expertise afin d’apprécier les conséquences des dépassements des seuils de concentration de gaz polluants fixés à l’article R. 221-1 du code de l’environnement sur l’état de santé des enfants et, par suite, l’importance des préjudices en lien avec la faute de l’État.
Dans deux nouveaux jugements du 16 juin 2023 (lire en pièce jointe), le tribunal administratif conclut qu’une partie des symptômes dont ont souffert les enfants a été causé par le dépassement des seuils de pollution résultant de la faute de l’État.

Le raisonnement du juge

Il appartient à la juridiction saisie d’un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d’une exposition à des pics de pollution résultant de la faute de l’État, de rechercher, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, s’il n’y a aucune probabilité qu’un tel lien existe.
Dans l’hypothèse inverse, elle doit procéder à l’examen des circonstances de l’espèce et ne retenir l’existence d’un lien de causalité entre l’exposition aux pics de pollution subie par l’intéressée et les symptômes qu’elle a ressentis que si ceux-ci sont apparus dans un délai normal pour ce type d’affection, et, par ailleurs, s’il ne ressort pas du dossier que ces symptômes peuvent être regardés comme résultant d’une autre cause que l’exposition aux pics de pollution.

Otites, asthme et bronchiolites coïncidant avec des épisodes de pollution

En l’espèce, le juge relève que les études scientifiques apportent des arguments en faveur d’un lien entre pollution et survenue d’otites moyennes, notamment en ce qui concerne les dérivés oxygénés de l’azote, composés produits par les moteurs thermiques, irritants pour les voies respiratoires. De même, des études scientifiques établissent de façon épidémiologique et statistiquement significative un lien entre asthme du nourrisson et pollution. Toutefois, d’autres facteurs peuvent contribuer à la survenue des pathologies, comme par exemple le tabagisme parental.
En l’occurrence, les troubles ORL subis par les enfants ont coïncidé à plusieurs reprises avec des épisodes de pollution à dépassement de seuil. Si les enfants ont fréquenté la crèche, les parents étaient non-fumeurs et leurs logements ne comportaient pas, selon eux, d’élément favorisant asthme ou allergies. Enfin, à la suite du déménagement respectif des deux familles hors de la région parisienne, alors qu’elle habitaient jusqu’alors à 500 et 700 mètres du boulevard périphérique parisien, une amélioration nette de l’état de santé des enfants a été observée.

Condamnation de l’État

Le juge en conclut que les requérants étaient fondés à demander à l’État la réparation des préjudices subis du fait de ces pathologies.
Il condamne ce dernier à verser respectivement aux deux parties, en réparation, 2 000 euros.

Camille Vinit, Code permanent Environnement et nuisances

Un arrêté consacre “l’indépendance professionnelle” de la Dares

20/07/2023

La Dares est la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion. Elle produit de nombreuses notes et études sur le champ du travail et du dialogue social qui font souvent référence. Mais certaines publications de la Dares ont été récemment critiquées par la presse et certains experts, comme celle sur les abandons de poste, tout comme le fait que certaines études paraissent avoir été retardées en fonction de considérations politiques. C’est dans ce contexte qu’un décret paru hier au Journal officiel inscrit l’indépendance professionnelle de la Dares dans l’exercice de ses missions en liaison avec l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). La Dares, dit le texte, “est responsable, dans le respect de l’indépendance professionnelle, de la production statistique dans les domaines du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, en liaison avec l’Institut national de la statistique et des études économiques, responsable de la coordination statistique au sein du service statistique public. Elle constitue l’autorité nationale pour la production de certaines statistiques européennes dans ces domaines de compétence”.

Source : actuel CSE

DROITS DES SALARIÉS

Projet de loi plein emploi : les évolutions du Sénat sur le volet “handicap”

17/07/2023

Prise en compte de la lourdeur du handicap pour moduler le montant de la contribution OETH, portabilité des équipements de compensation du handicap en cas de changement d’employeur… Les sénateurs ont voté de nouvelles mesures en faveur des personnes handicapées.

Le projet de loi pour le « plein emploi », adopté en première lecture au Sénat le 11 juillet, comporte un volet visant à favoriser l’accès et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées. Les sénateurs y ont apporté une série de modifications, en matière notamment d’obligation d’emploi des travailleurs handicapées (OETH) et de portabilité des équipements liés à l’aménagement du poste de travail lorsque les travailleurs handicapés changent d’employeur.

Modulation de la contribution OETH

Parmi les évolutions, la prise en compte de la lourdeur du handicap comme critère de modulation de la contribution due par les employeurs ne respectant pas l’OETH (obligation d’emploi d’un travailleur handicapé) est rétablie. Pour mémoire, les employeurs de 20 salariés et plus qui ne s’acquittent pas de leur obligation d’employer des personnes en situation de handicap dans une proportion d’au moins 6 % de leur effectif sont redevables d’une contribution financière.

Jusqu’à la réforme de l’OETH, en vigueur depuis le 1 er janvier 2020, le montant de cette contribution pouvait être modulé en fonction de la reconnaissance de la lourdeur du handicap des travailleurs handicapés en emploi dans l’entreprise. Or, la suppression de ce critère de modulation “a pu porter préjudice aux personnes dont le handicap est de nature à faire supporter des charges importantes à leur employeur, lequel n’est plus incité à poursuivre cet effort”, est-il souligné dans le rapport du Sénat sur le projet de loi.

Les sénateurs l’ont donc réintroduit, en commission.

Équivalence de la RQTH

Le Sénat a par ailleurs fait évoluer les dispositions du projet de loi initial visant à étendre les droits liés à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) aux bénéficiaires de l’OETH (titulaires de l’allocation aux adultes handicapés, de la carte mobilité inclusion portant la mention « invalidité », etc.). L’idée est de faire bénéficier ces derniers des dispositions du code du travail spécifiquement réservées, pour l’instant, aux personnes titulaires de la RQTH (droit à des aménagements du poste de travail, éligibilité au dispositif d’emploi accompagné, etc.).

Ainsi, les bénéficiaires de l’OETH auront accès “à l’ensemble des dispositifs visant les travailleurs reconnus handicapés sans avoir besoin de passer par une demande de RQTH auprès de la MDPH”, explique le rapport du Sénat. Les sénateurs sont venus préciser que cette équivalence de la RQTH s’appliquera également aux bénéficiaires de l’obligation d’emploi exerçant dans la fonction publique (agents reclassés, en période de préparation au reclassement, etc.).

Octroi de la RQTH aux jeunes adultes

Autre évolution actée par le Sénat : l’octroi automatique de la RQTH aux jeunes de 18 à 20 ans bénéficiaires de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS). Cette attribution automatique a déjà été reconnue aux mineurs âgés de 16 à 18 ans, dans les mêmes conditions, par la loi 3DS du 21 février 2022. L’idée est d’assurer “une transition effective jusqu’à l’ouverture des droits adulte de la personne en situation de handicap fixée à vingt ans”, précise le gouvernement à l’origine de l’amendement.

Portabilité des équipements de travail adaptés

Par ailleurs, les sénateurs ont adopté l’amendement du gouvernement portant sur la portabilité, d’un employeur à un autre, des équipements de compensation du handicap dont a bénéficié un travailleur handicapé. Une mesure annoncée lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) du 26 avril 2023. Le projet de loi précise ainsi qu’en cas de changement d’employeur, les équipements contribuant à l’adaptation du poste de travail des personnes handicapées pourront être conservés, selon des modalités prévues par convention entre les deux entreprises, si le nouveau poste comporte les mêmes caractéristiques.

Autre proposition gouvernementale votée par le Sénat : la création d’un système numérique personnel, qui recensera les informations relatives aux aménagements dont a bénéficié la personne handicapée pendant sa scolarité, en formation professionnelle ou en emploi. L’objectif de cette mesure, également prévue par la Conférence du handicap : “Faciliter la mise en place de nouveaux aménagements quand [la personne handicapée] intègre une formation ou quand elle accède à un emploi”, explique le gouvernement.

Recours à l’intérim

Enfin, les sénateurs ont pérennisé, en commission des affaires sociales, l’expérimentation permettant de mettre à disposition, dans le cadre de l’intérim, un salarié bénéficiaire de l’OETH. Celle-ci doit en principe prendre fin le 31 décembre 2023. Cette mesure s’est en effet  “avérée complémentaire de l’expérimentation des entreprises adaptées de travail temporaire (EATT)”, explique le rapport pour le Sénat. “Selon l’Union nationale des entreprises adaptées (Unea), les EATT utilisent aujourd’hui très largement le cas de recours “BOETH”. Ce motif de recours constitue en effet, par sa simplicité, un élément d’attractivité du point de vue des entreprises utilisatrices puisqu’il ne requiert pas d’autre justification que la situation de handicap du salarié”.

L’inscription de cette mesure dans le droit commun devrait contribuer à accompagner la montée en puissance des EATT, ces dernières étant elles-mêmes pérennisées par le projet de loi.

Rappelons par ailleurs que le texte prévoit également la généralisation de l’expérimentation des « CDD Tremplin », dispositif permettant aux entreprises adaptées de conclure avec les personnes handicapées des contrats de travail à durée déterminée afin de faciliter la transition professionnelle vers d’autres employeurs.

Plein emploi : 16 propositions de Nexem
Le secteur social, médico-social et sanitaire “doit être un objectif de plein emploi et donc être soutenu dans la crise qu’il traverse en matière de recrutements et d’attractivité des métiers”, prône Nexem, l’organisation patronale de la branche du secteur privé non lucratif, dans un communiqué du 12 juillet. Afin de réduire les tensions de recrutement, “de plus en plus prégnantes” dans ce secteur, il faut “soutenir les métiers des solidarités et libérer les contraintes à l’embauche”. L’organisation professionnelle d’employeurs formule par ailleurs 16 propositions pour favoriser l’inclusion par l’emploi des seniors, des personnes handicapées et des personnes en situation de précarité. Elle propose ainsi de faciliter l’accès au RSA jeunes actifs pour les jeunes issus de l’aide sociale à l’enfance, de soutenir les établissements et services d’aide par le travail (Esat) dans la mise en œuvre des nouveaux droits des travailleurs ou encore d’assouplir les conditions de recours au CDD à objet défini. 

Virginie Fleury

Transfert des contrats de travail en cas de réorganisation des activités d’un groupe : les règles applicables

17/07/2023

Le fait que l’activité transférée provienne de deux entreprises juridiquement distinctes, mais faisant partie d’un même groupe de sociétés, ne fait pas obstacle à l’application des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail.

Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise (article L.1224-1 du code du travail).

Pour interpréter cette règle et en fixer les contours, la Cour de cassation s’appuie sur la directive européenne n° 2001/23/CE du 12 mars 2001. Elle juge ainsi que “l’article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, s’applique en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise, c’est-à-dire au transfert d’un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre” (arrêt du 23 octobre 2007 ; arrêt du 23 juin 2021).

Ces deux textes font référence à la notion d’entreprise. Faut-il l’entendre au sens strict ou la notion d’entité économique autonome permet-elle de l’entendre au sens large ? Plus précisément, une entité économique autonome, au sens de l’article L.1224-1, peut-elle être caractérisée au niveau d’un groupe de sociétés ou seulement au sein d’une seule et même entreprise ? C’est la question qui se posait à la Cour de cassation.

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de se prononcer en cas de transfert partiel au niveau de l’entreprise : lexistence dune entité autonome est caractérisée lorsque le secteur d’activité transféré constitue une entité distincte et détachable des autres activités exercées par le cédant (arrêt du 28 juin 2000), a des moyens corporels et incorporels spécifiques et poursuit un objectif propre (Cass. soc., 2 févr. 2006, n° 04- 41.089), a une autonomie de gestion (arrêt du 8 juillet 2009) ou une autonomie budgétaire et comptable (arrêt du 26 février 2003). Elle a également admis l’existence d’une entité autonome pour des services communs des sociétés d’une UES (arrêt du  26 mai 2004).

Les faits

En l’espèce, en 2016, le groupe Intel a procédé à une réorganisation mondiale de ses activités. Ce groupe disposait alors de deux sociétés implantées en France, la société Intel Mobile Communications France (IMC) et la société Intel Corporation (Intel Corp), dont les activités étaient réparties sur trois sites. La réorganisation envisagée devait conduire à la fermeture de plusieurs sites et 750 emplois étaient susceptibles d’être supprimés. Un plan de sauvegarde de l’emploi a donc été mis en œuvre au sein de ces deux sociétés.

En mai 2017, l’activité “recherche et développement des logiciels embarqués”, exploitée par ces deux sociétés (IMC et Intel Corp), a été reprise par une nouvelle société créée pour cette opération, la société Newco, devenue ensuite la société Renault Software Labs, appartenant au groupe Renault.

A cette fin, les deux sociétés, IMC et Intel Corp, ont procédé à un apport partiel d’actifs de l’activité cédée à la société Newco. La cession est devenue effective au 1er juillet 2017, date à laquelle les contrats de travail des salariés ont été transférés à la société Newco, devenue Renault Software Labs.

Cette opération a conduit à la reprise de 460 salariés (sur les 750) des sociétés IMC et Intel Corp, soit l’intégralité d’un des trois sites et une partie du personnel des deux autres sites. La société IMC a été absorbée par la société Intel Corp le 1er septembre 2018.

Des salariés transférés ont saisi la juridiction prud’homale pour contester l’application de l’article L.1224-1 du code du travail au motif que cet article ne pouvait pas s’appliquer. Ils prétendaient que l’existence d’une entité économique autonome ne peut être caractérisée qu’au sein d’une même société et non par référence à une activité exercée au niveau du groupe et que tous les contrats de travail des salariés nécessaires au fonctionnement de l’entité n’avaient pas été transférés. ils demandaient en conséquence des indemnités pour rupture injustifiée de leur contrat. Ils sont déboutés et forment un pourvoi.

L’existence d’une entité économique autonome au sein d’un groupe

Pour savoir si la demande des salariés est fondée ou non, il est nécessaire de rechercher si une entité économique autonome, au sens de l’article L.1224-1, peut être caractérisée au niveau d’un groupe de sociétés et non au sein d’une seule et même entreprise.

Après avoir rappelé la notion d’entité économique autonome issue de sa jurisprudence, la Cour de cassation en dégage la règle suivante : “l’existence d’une entité économique autonome est indépendante des règles d’organisation, de fonctionnement et de gestion du service exerçant une activité économique, en sorte qu’une entité économique autonome au sens des dispositions du texte susvisé peut résulter de deux parties d’entreprises distinctes d’un même groupe”.

Cette règle avait déjà été retenue dans une autre situation : l’entité transférée était constituée par le personnel employé par une association et le matériel d’une autre société (arrêt du 27 mai 2009).

La Cour de cassation confirme l’existence d’un transfert d’une entité économique autonome et donc le maintien de plein droit des contrats de travail des salariés relevant de l’activité recherche et développement des logiciels embarqués avec le nouvel employeur. Elle s’appuie sur les constats faits par la cour d’appel :

l’activité de recherche et développement sur les logiciels embarqués, développée par les deux sociétés, IMC et Intel, constituait une activité autonome, distincte des autres activités exercées par le groupe Intel France relatives à la conception de circuits intégrés, vente/marketing, support client ;

cette activité était dotée d’équipes de salariés dédiées dont l’expertise était spécifique et poursuivant un objectif propre ;

les fonctions supports (services finances, services généraux, administration générale des sites) nécessaires à l’exercice de cette activité ont été transférées ;

les moyens corporels et incorporels spécifiquement affectés à l’activité de recherche et développement des logiciels embarqués, tels les équipements et les licences informatiques, le matériel de laboratoire audio encore utilisé, les baux et les contrats de maintenance, de sous-traitance ainsi que les contrats conclus avec les fournisseurs ont été également transférés ;

l’activité de recherche et de développement des logiciels embarqués transférée à la nouvelle société (société Newco reprise ensuite par la société Renault Software Labs) avait conservé son identité et s’est poursuivie dans des conditions analogues par le cessionnaire. La modification ultérieure de l’organisation des équipes après la reprise de la nouvelle société (par Renault Software Labs) ne remet pas en cause le transfert.

L’appréciation de l’existence d’une entité économique autonome et de son transfert relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Mais la Cour de cassation contrôle la qualification donnée par les juges du fond de ces notions (arrêt du 25 septembre 2019).

Nathalie Lebreton

La proposition de loi renforçant les droits des parents d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap est définitivement adoptée

18/07/2023

Le Parlement vient d’adopter définitivement la proposition de loi qui renforce la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité. Le texte allonge le nombre de jours de congé en cas de décès de l’enfant et protège le salarié en congé de présence parentale contre la rupture de son contrat de travail.

La proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants malades a été adoptée définitivement par le Parlement, le 12 juillet après que la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 6 juillet, ait abouti à un accord. Dans l’attente de sa publication au Journal officiel, nous récapitulons les principales mesures qui intéressent les salariés et les entreprises. 

Interdiction de licencier

Le texte introduit dans le code du travail un nouvel article L.1225‑4‑4 qui vise à interdire à l’employeur toute rupture du contrat de travail d’un salarié pendant un congé de présence parentale et pendant les périodes travaillées si le congé de présence parentale est fractionné ou pris à temps partiel.

 Le congé de présence parentale permet au salarié de s’occuper d’un enfant à charge dont l’état de santé nécessite une présence soutenue et des soins contraignants (article L.1225‑62 du code du travail).

Il est toutefois précisé que l’employeur pourra rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’état de santé de l’enfant de l’intéressé. 

Davantage de jours de congé

La proposition de loi modifie l’article L.3142‑4 du code du travail afin d’allonger la durée du congé, en cas de décès d’un enfant, de 5 à 12 jours.

Ce délai est également étendu de 7 à 14 jours lorsque l’enfant est âgé de moins de 25 ans et quel que soit son âge si l’enfant décédé était lui-même parent ou en cas de décès d’une personne âgée de moins de 25 ans à sa charge effective et permanente.

Par ailleurs, en cas d’annonce de la survenue d’un handicap, d’une pathologie chronique nécessitant un apprentissage thérapeutique ou d’un cancer chez un enfant, le congé qui était de 2 jours sera de 5 jours.

Rappelons que ces délais peuvent être améliorés par accord de branche ou accord d’entreprise.

Faciliter le télétravail 

Lorsque la demande de recours au télétravail est formulée par un travailleur handicapé ou un proche aidant, l’employeur doit motiver sa décision de refus, prévoit actuellement L’article L.1222-9 du code du travail. La proposition de loi précise que le salarié aidant est celui d’un aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche. 

Par ailleurs, la proposition de loi vise à enrichir l’accord collectif ou la charte sur le télétravail en y insérant les modalités d’accès des salariés aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche à une organisation en télétravail.

Avance sur l’allocation journalière de présence parentale

Une autre disposition vise à permettre aux caisses d’allocations familiales ou aux mutualités sociales agricoles de verser le droit à l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) dans l’attente de l’avis du service du contrôle médical des caisses primaires d’assurance maladie. Ces avances contribueront à réduire les délais de traitement et permettront aux parents d’enfants malades de voir leurs arrêts d’activités compensés plus rapidement. 

Faciliter le renouvellement du congé de présence parentale

Le nombre de jours de congés dont peut bénéficier le salarié au titre du congé de présence parentale est au maximum de 310 jours ouvrés dans la limite maximale de trois ans. Le salarié peut, avec l’accord de son employeur, transformer ce congé en période d’activité à temps partiel ou le fractionner. 

Le salarié peut bénéficier d’un autre congé de présence parentale (soit 620 jours en tout) à la fin de la période de trois ans ou s’il a utilisé la réserve de 310 jours avant la fin des trois ans du congé initial.

A titre exceptionnel, lorsque le nombre maximal de jours de congés est atteint au cours de la période des trois ans, un renouvellement est possible si un nouveau certificat médical établi par le médecin qui suit l’enfant attestant le caractère indispensable, au regard du traitement de la pathologie ou du besoin d’accompagnement de l’enfant, de la poursuite des soins contraignants et d’une présence soutenue. Il est également nécessaire d’obtenir l’accord explicite du service du contrôle médical. La proposition de loi supprime la condition d’un accord “explicite”. 

Florence Mehrez

L’entretien professionnel est distinct de l’entretien d’évaluation mais peut se tenir à la même date

18/07/2023

Dans un arrêt du 5 juillet 2023, la Cour de cassation précise que l’entretien professionnel peut se dérouler à la même date que l’entretien annuel d’évaluation.

Depuis le 7 mars 2014, tout salarié doit bénéficier tous les deux ans d’un entretien professionnel consacré à ses perspectives d’évolution en termes de qualification et d’emploi. Tous les six ans, l’employeur doit dresser un état des lieux récapitulant le parcours professionnel du salarié. 

Cet entretien doit être proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité après une longue période d’absence de l’entreprise (congé de maternité, congé parental d’éducation, congé de proche aidant, congé d’adoption, congé sabbatique…). 

Cet entretien n’a pas le même objet que l’entretien annuel d’évaluation mais la tentation peut être grande pour les employeurs de faire d’une pierre deux coups et d’évoquer ces deux sujets au cours d’un même entretien. 

La Cour de cassation vient clarifier les règles relatives à l’articulation entre ces deux entretiens, notamment leur date de tenue dans un arrêt rendu le 5 juillet

L’entretien professionnel et l’entretien d’évaluation peuvent se dérouler le même jour

Dans cette affaire, le syndicat des cadres de la CGT, l’Ugict-CGT, avait demandé à la justice d’ordonner à l’employeur d’organiser les entretiens professionnels prévus à l’article L. 6315-1 du code du travail à une date distincte de la tenue des entretiens annuels d’évaluation. Selon le syndicat, le salarié devait bénéficier, d’un entretien distinct et à une date différente, consacré à l’évolution de son travail, contrairement à ce qu’avait décidé la cour d’appel de Versailles.

La Cour de cassation confirme la solution retenue par les juges du fond. Elle rappelle que “cet entretien, qui ne porte pas sur l’évaluation du salarié, donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié”. Toutefois, rien n’empêche l’employeur d’organiser les deux entretiens le même jour. “Ce texte ne s’oppose pas à la tenue à la même date de l’entretien d’évaluation et de l’entretien professionnel pourvu que, lors de la tenue de ce dernier, les questions d’évaluation ne soient pas évoquées”, indique ainsi la Haute cour. 

 Il convient toutefois de veiller à bien distinguer les deux entretiens quand bien même ils seraient organisés le même jour à la suite l’un de l’autre et veiller à bien remplir avec le salarié deux documents distincts.

Un document comportant des mentions spécifiques

Dans un arrêt récent du 13 avril 2023, la cour d’appel de Rouen a eu également à se prononcer sur la question de l’articulation entre entretien professionnel et entretien annuel d’évaluation.

Cette cour d’appel insiste sur la nécessité de ne pas créer de “confusion” entre l’entretien annuel d’évaluation et l’entretien professionnel. Aucun formalisme n’est imposé quant aux modalités de tenue des entretiens d’évaluation et des entretiens professionnels, hormis la rédaction d’un document dont une copie doit être remise au salarié. Chaque entretien ayant une finalité bien distincte, l’employeur doit, afin d’éviter toute confusion, s’assurer que les modalités mises en œuvre permettent de les différencier et que l’ensemble des points devant être abordés l’ont bien été.

Dans cette affaire, il était reproché à l’employeur de ne pas faire figurer sur le formulaire de l’entretien professionnel les mentions relatives à l’information obligatoire sur la VAE (validation des acquis de l’expérience), le CPF (compte personnel de formation) et les abondements que l’employeur est susceptible de financer. La cour d’appel estime effectivement fautive cette lacune, quand bien même l’entreprise prévoyait deux documents distincts.

Florence Mehrez

L’ancien DGT Jean-Denis Combrexelle nommé directeur de cabinet de la Première ministre

18/07/2023

Le haut-fonctionnaire Jean-Denis Combrexelle, 69 ans, a été nommé hier directeur de cabinet de la Première ministre, a annoncé Matignon. C’est donc un expert du social qu’Elisabeth Borne choisit pour succéder à Aurélien Rousseau. Jean-Denis Combrexelle, qui a effectué des études de droit à Nancy, a été en effet directeur général du travail (DGT), l’administration qui dépend du ministère du travail, durant une longue période cruciale, de 2001 à 2014.

A ce titre, il a suivi l’application de l’important chantier de la nouvelle représentativité syndicale et patronale (il fut également président du Haut conseil au dialogue social), il a piloté les nouvelles élections professionnelles dans les très petites entreprises, il a conduit le début de la restructuration des branches ou encore mis fin à l’élection prud’homale. Jean-Denis Combrexelle a également rendu en 2014 au Premier ministre Manuel Valls un rapport important recommandant une évolution de la négociation collective en ouvrant le champ des négociations possibles au niveau de l’entreprise mais aussi en généralisant la règle des accords majoritaires.

Des changements concrétisés d’abord par la loi travail de 2016 puis accentués par les ordonnances travail de 2017. Il a également fait en 2021 des recommandations sur l’évolution du Conseil économique, social et environnemental (CESE). 

Jean-Denis Combrexelle a également rempli des missions au sein du Conseil d’Etat. Nommé en 2014, président de la section sociale du Conseil d’Etat, il était devenu en mai 2018 président de la section contentieux du Conseil d’Etat.

Depuis mai 2022, Jean-Denis Combrexelle était le directeur de cabinet du ministre de la justice. 

Source : actuel CSE

Les crédits du ministère du travail pourraient baisser de 0,2% en 2024

18/07/2023

Le gouvernement commence à préparer son budget 2024. A cette fin, comme le rapportent les Echos, l’exécutif vient de transmettre au Parlement le document fixant le plafond d’évolution des crédits pour chaque mission assumée par l’Etat. Au global, le gouvernement annonce un budget en réduction de 4,8% par rapport à 2023. 

Si les principales économies proviennent de la fin du bouclier énergétique (baisse de 14% des crédits), d’autres concernent des missions assurées par le ministère de travail, dont le budget serait légèrement en baisse (30,5 milliards de dépenses en 2024 au lieu de 30,7 milliards en 2023). Par exemple, il n’est prévu que 200 millions pour l’activité partielle, au lieu de 400 millions en 2023. 

Pour le gouvernement, cependant, le budget du ministère “continuera de financer la montée en charge de l’apprentissage, dans le but d’atteindre un million d’entrées par an d’ici 2027” et il permettra de “mener à bien le déploiement progressif de la réforme France Travail qui doit permettre aux personnes les plus fragiles, hors de l’emploi depuis longtemps, de trouver ou retrouver un emploi. C’est aussi une nouvelle réponse apportée aux difficultés de recrutement des entreprises”. 

Par ailleurs cet embryon de budget consacre un effort important en faveur de la transition énergétique avec 7 milliards de crédits supplémentaires sur ce thème.  

Source : actuel CSE

Marc Ferracci et le groupe Alpha annoncent des poursuites judiciaires contre Blast

18/07/2023

A la suite de l’enquête parue sur le site d’informations Blast à propos d’éventuels conflits d’intérêts entre le député Renaissance Marc Ferracci et le groupe Alpha-Secafi présidé par son père, Pierre Ferracci, le parlementaire a annoncé, par la voix d’un communiqué publié sur les réseaux sociaux par son avocat, son intention de porter plainte contre le site d’informations. L’avocat du député indique également envisager la même action “contre tous ceux, politiques, citoyens ou médias, qui ont relayé les accusations de Blast, ou le feraient à l’avenir”.

Quant au groupe Alpha, il a publié hier un communiqué de presse en forme de démenti, un communiqué qui comprend un extrait de la convention visée par l’article de Blast entre Sémaphores et Aksis pour montrer que l’activité ne comprend pas le placement de demandeurs d’emplois : 

“Le mardi 11 juillet dernier, le média numérique Blast a prétendu de façon mensongère que le Groupe Alpha, présidé par Pierre Ferracci, pourrait être bénéficiaire du projet de loi Plein Emploi incluant les réformes de Pôle emploi et la mise en place de France Travail à la suite de la nomination du député Marc Ferracci comme corapporteur de ce projet de loi. Ces accusations sont mensongères et sans fondement. Le Groupe Alpha rappelle que l’Alliance Compétences, que sa filiale Sémaphores a créée avec l’entreprise Aksis, exclut expressément de son périmètre les marchés spécifiques relatifs aux demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi. Cette clause d’exclusion, inscrite dans l’article 1 de la Convention dédiée à l’Alliance Compétences, détermine les activités pour lesquelles les deux entreprises ont décidé de mettre en commun leurs moyens (cf. ci-dessous) et précise de façon très explicite le non-recours à Sémaphores pour accompagner les demandeurs d’emploi. Elle empêche le Groupe Alpha de bénéficier indirectement d’une augmentation du nombre d’inscrits à Pôle emploi (ou, demain, à France Travail) qui pourrait avoir lieu dans les mois et les années à venir en raison de cette nouvelle loi. Il rappelle également qu’il a cessé de travailler avec Pôle emploi sur le volet accompagnement des demandeurs d’emploi depuis 2016, ce qui l’empêche de bénéficier directement d’une quelconque évolution portée par la loi à venir (…) En conséquence, le Groupe a décidé d’engager des actions judiciaires à l’encontre des personnes à l’origine de ces attaques, qui portent ainsi atteinte à sa réputation et son activité économique”.

Source : actuel CSE

Clause de mobilité : lorsque le salarié invoque une atteinte à sa vie personnelle et familiale, le juge doit le vérifier

19/07/2023

Même si une clause contractuelle de mobilité est valable dans sa rédaction, encore faut-il que l’employeur, lorsqu’il décide de la mettre en œuvre, ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie personnelle et familiale du salarié. Si atteinte il y a, elle doit être justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. En cas de litige, ce sont ces points que le juge doit vérifier.

L’un des principaux critères de validité d’une clause de mobilité est sa précision : la zone de mobilité potentielle doit y être précisément définie. Sous cette condition, elle s’impose au salarié, qui ne peut refuser d’être muté. S’il refuse, il court le risque d’être licencié pour cause réelle et sérieuse. Il existe toutefois des garde-fous et l’employeur ne dispose pas d’une liberté totale puisqu’il doit être loyal dans sa mise en œuvre : il doit respecter un délai de prévenance suffisant, justifier la mise en œuvre de la clause par les intérêts légitimes de l’entreprise et il doit tenir compte des contraintes personnelles et familiales du salarié. Celui-ci a en effet le droit de disposer d’une vie personnelle et familiale “normale” : la clause de mobilité ne peut donc s’imposer à lui que si cette atteinte est «”justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché”, ce que l’employeur doit démontrer. A défaut, le salarié peut refuser de s’y soumettre (arrêt du 13 janvier 2009).

Atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale ? 

Dans une affaire jugée le 28 juin dernier, un salarié ingénieur BTP refuse d’être muté à Cuba puis au Nigeria, invoquant une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale au regard des nécessités de scolarisation de ses enfants.

L’employeur, pour qui le salarié n’ignorait pas que les besoins de l’entreprise se situaient exclusivement dans les pays proposés, ainsi éventuellement qu’en Algérie ou en Angleterre sous contrat local, estime avoir mis en œuvre loyalement la clause de mobilité. Il licencie le salarié pour cause réelle et sérieuse.

Celui-ci conteste, estimant que la mise en œuvre de la clause portait une atteinte excessive à son droit à une vie personnelle et familiale et que son refus était donc légitime.

Au vu des éléments fournis par l’employeur, les juges du fond rejettent la demande du salarié : celui-ci ne rapporte pas la preuve de la mauvaise foi de l’employeur ni d’un abus dans la mise en œuvre de la clause de mobilité. Le refus de se la voir appliquer alors qu’elle a pourtant été loyalement mise en œuvre justifie son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le juge aurait dû vérifier

Mais la Cour de cassation censure cette décision : dans la mesure où le salarié faisait valoir cet argument, la cour d’appel aurait dû vérifier si la mise en oeuvre de la clause de mobilité ne portait pas atteinte à son droit à une vie personnelle et familiale et si une telle atteinte pouvait être justifiée par la tâche à accomplir et était proportionnée au but recherché.

L’affaire est renvoyée devant la même cour d’appel, autrement composée, pour être rejugée sur le fond.

Marie Excoffier

Forfait-jours : nouvelles illustrations du contrôle des accords collectifs par la Cour de cassation

20/07/2023

Une convention individuelle de forfait en jours est nulle lorsque l’accord collectif qui la met en place ne garantit pas le respect de durées raisonnables de travail et des repos journaliers et hebdomadaires.

La Cour de cassation est régulièrement interrogée sur la validité d’accords collectifs de branche prévoyant la mise en place de convention de forfait en jours. Elle poursuit, dans cet arrêt du 5 juillet son examen visant à s’assurer que les stipulations de ces accords sont de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié (arrêt du 14 décembre 2022arrêt du 6 novembre 2022).

La Cour juge ainsi que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires (arrêt du 29 juin 2011arrêt du 8 novembre 2017)

► La loi Travail du 8 août 2016 a ajouté de nouvelles mentions obligatoires aux accords collectifs afin de répondre aux exigences de la Cour de cassation. Les partenaires sociaux doivent désormais préciser :

les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié;

les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié échangent périodiquement sur la charge de travail du salarié;

l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle;

la rémunération du salarié;

l’organisation du travail dans l’entreprise;

les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion (article L.3121-64 du code du travail).

La Cour de cassation poursuit l’analyse des conventions collectives (CCN) au regard de ces exigences.

Elle s’est prononcée récemment dans plusieurs arrêts concernant :

la CCN du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, dans sa rédaction issue de l’avenant du 3 juillet 2014 (arrêt du 5 juillet 2023, n° 21-23.222) ;

l’accord du 11 avril 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail, attaché à la CCN du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999 (arrêt du 5 juillet 2023, voir ci-dessous) ;

la CCN des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006, dans sa rédaction issue de l’avenant n° 3 du 11 décembre 2012 (arrêt du 5 juillet 2023, n° 21-23.294, voir ci-dessous).

Deux accords collectifs insuffisants …

La CCN du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981, dans sa rédaction issue de l’avenant du 3 juillet 2014 autorise les cadres en CDI ou en CDD supérieur ou égal à trois mois non soumis à l’horaire collectif et disposant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps à conclure une convention de forfait sur la base de 218 jours par an.

L’accord du 11 avril 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail, attaché à la CCN du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999, autorise, de son côté, les cadres qui disposent d’une grande autonomie dans l’organisation de leur travail à signer une convention de forfait en jours de 214 jours maximum.

Ces deux accords prévoient un certain nombre de garanties qui ne permettent pas toutefois, selon la Cour de cassation, de suivi effectif et régulier permettant de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

Les stipulations de ces accords collectifs ne sont donc pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

En effet, le premier accord se borne à prévoir que :

la charge quotidienne de travail doit être répartie dans le temps de façon à assurer la compatibilité des responsabilités professionnelles avec la vie personnelle du salarié ;

les entreprises sont tenues d’assurer un suivi individuel régulier des salariés concernés et sont invitées à mettre en place des indicateurs appropriés de la charge de travail ;

compte tenu de la spécificité du dispositif des conventions de forfait en jours, le respect des dispositions contractuelles et légales doit être assuré au moyen d’un système déclaratif, chaque salarié en forfait jours devant renseigner le document de suivi du forfait mis à sa disposition à cet effet ;

ce document de suivi du forfait doit faire apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés et doit rappeler la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnables ;

le salarié doit bénéficier, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique dont l’objectif est notamment de vérifier l’adéquation de la charge de travail au nombre de jours prévu par la convention de forfait et de mettre en œuvre les actions correctives en cas d’inadéquation avérée.

Le second accord prévoit, quant à lui que :

l’employeur est tenu de mettre en place des modalités de contrôle du nombre des journées ou demi-journées travaillées par l’établissement d’un document récapitulatif qui doit notamment faire apparaître la qualification des jours de repos en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels ou jours de réduction du temps de travail ;

ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur ;

les cadres concernés par un forfait jours doivent bénéficier chaque année d’un entretien avec leur supérieur hiérarchique, au cours duquel doit être évoqué l’organisation du travail, l’amplitude des journées d’activité et de la charge de travail en résultant.

Insuffisant pour la Cour de cassation. Les conventions de forfait individuelles signées sur la base de ces deux accords sont donc nulles. Les salariés peuvent demander le paiement d’heures supplémentaires et il appartiendra aux juges du fond de vérifier leur existence et leur nombre (arrêt du 4 février 2015). L’employeur, de son côté, peut réclamer le remboursement des jours de repos devenus indus (arrêt du 6 janvier 2021arrêt du 4 décembre 2019).

► Ces deux accords, qui n’ont pas encore été modifiés par les partenaires sociaux, devront donc être renégociés pour répondre aux exigences de la Cour de cassation.

Notons toutefois que depuis la mise en place de la loi Travail du 8 août 2016, l’employeur peut remédier à l’absence ou à l’insuffisance de dispositions sur le suivi de la charge de travail du salarié dans l’accord collectif qui met en place le forfait-jours. Pour cela, l’employeur doit établir un document de contrôle des journées et demi-journées travaillées, s’assurer que la charge de travail est compatible avec le respect des temps de repos et organiser un entretien une fois par an avec le salarié (article L.3121-65 du code du travail). Comme pour les dispositions conventionnelles, la Cour de cassation contrôlera si les mesures mises en place par l’employeur assurent des garanties suffisantes pour la protection de la santé du salarié.

… et un accord collectif valide qui permet de veiller au risque de surcharge de travail du salarié et d’y remédier

La convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006, dans sa rédaction issue de l’avenant n° 3 du 11 décembre 2012, autorise les salariés, dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées, de conclure une convention de forfait en jours sur l’année sur la base de 218 jours.
Elle permet surtout, selon la Cour de cassation, de veiller au risque de surcharge de travail du salarié et d’y remédier. Ses dispositions répondent donc aux exigences relatives au droit à la santé et au repos en permettant d’assurer ainsi le contrôle d’une durée raisonnable de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.
En effet, la convention collective prévoit que :

l’organisation du travail des salariés doit faire l’objet d’un suivi régulier par la hiérarchie qui doit veiller notamment aux éventuelles surcharges de travail et au respect des durées minimales de repos ;

l’employeur ou le salarié sous sa responsabilité doit tenir un document individuel de suivi des journées et demi-journées travaillées, des jours de repos et jours de congés (en précisant la qualification du repos : hebdomadaire, congés payés, etc.) ;

ce document individuel de suivi doit permettre un point régulier et cumulé des jours de travail et des jours de repos afin de favoriser la prise de l’ensemble des jours de repos dans le courant de l’exercice.

Ces mesures sont donc suffisantes selon la Cour de cassation pour veiller au risque de surcharge de travail du salarié et d’y remédier en temps utile.

► L’apport essentiel de cet accord par rapport aux deux autres accords collectifs précités pourrait être la mise en place d’un suivi effectif et régulier permettant de remédier rapidement à une surcharge de travail. La mise en place de points réguliers et cumulé concernant les jours de travail sur la base du document individuel de suivi tenu par l’employeur ou par le salarié sous la responsabilité de ce celui-ci permettrait de favoriser la prise de l’ensemble des jours de repos dans le courant de l’exercice et non en fin d’exercice.

Les conventions individuelles de forfait-jours conclues sur la base de cette convention collective sont donc valides.

Ouriel Atlan

Le travail hybride fait consensus entre les dirigeants et les salariés

20/07/2023

Dans une étude publiée le 12 juillet, l’Insee analyse “les liens entre le télétravail et la productivité pendant et après la pandémie de Covid-19”. Parmi les points intéressants soulevés dans cette étude, les attentes des salariés et des dirigeants en matière de télétravail. Sans surprise, les salariés souhaitent davantage de télétravail que les dirigeants (cf graphique ci-dessous) mais “les uns et les autres s’accordent à dire qu’un mode de travail hybride (deux à trois jours de télétravail par semaine) est la solution préférée”.

Pour mieux s’adapter au télétravail, 38 % des dirigeants et 50 % des salariés “souhaitent la coordination des emplois du temps au sein des équipes, ce qui signifie que les équipes doivent se réunir quand elles sont dans les locaux de l’entreprise”. L’objectif est de “maintenir des flux de connaissances appropriés au sein de chaque équipe et de faciliter l’apprentissage et les interactions sociales des membres de l’équipe ainsi qu’atténuer les risques les plus importants du télétravail liés à l’isolement et au manque de motivation de groupe, tant du point de vue de la direction que du point de vue des employés”.

Source : actuel CSE

Prélèvement à la source sur l’intéressement et la participation : tolérance prolongée en 2024

20/07/2023

Les sommes issues de l’épargne salariale (participation, intéressement, abondement et supplément) placées sur un plan d’épargne (PEE, PER, Perco) ne sont pas imposables et, de ce fait, elles ne sont pas soumises au prélèvement à la source (PAS).

En revanche, les sommes non bloquées versées immédiatement au titre de l’intéressement ou de la participation aux salariés concernés (sur leur demande expresse) sont dans le champ du prélèvement à la source, peu importe que les revenus soient versés par l’employeur ou par un établissement financier par délégation de l’employeur.

Lorsque les revenus imposables à l’impôt sur le revenu au titre de l’intéressement et de la participation sont versés par l’employeur, il doit les déclarer et assurer le prélèvement à la source via la DSN, au même titre que les autres revenus salariaux. 

Lorsque ces sommes sont versées par un établissement financier sur délégation de l’employeur, la non-application du prélèvement à la source (PAS) sur ces revenus devait n’emporter aucune sanction de la part de l’administration fiscale jusqu’à l’imposition des revenus 2023 incluse. Cette mesure de tolérance a été prolongé en 2024 : ainsi, la non-application du PAS, dans le seul cas du versement de ces revenus par un établissement prestataire, n’emportera pas de sanctions pour les années 2019 à 2024 incluse. Ces versements devront tout de même faire l’objet d’une déclaration de rattrapage au travers du dispositif PASRAU [passage des revenus autres] à réaliser par l’établissement prestataire au plus tard en mois principal déclaré de janvier de l’année suivant l’année de versement.

A compter du 1er janvier 2025, le PAS devra obligatoirement être effectué sur tout versement immédiat versé par l’établissement prestataire sous peine de sanctions et l’établissement prestataire devra également déclarer via le dispositif PASRAU les sommes verses en application du taux du PAS.

Source : actuel CSE

La Cour de cassation explique sa politique en matière de prescription en droit du travail

20/07/2023

La Cour de cassation vient de publier son Recueil annuel des études 2023. L’une de ces études porte sur la prescription en droit du travail. La Cour de cassation revient sur les dernières réformes, notamment celle issue de la loi du 17 juin 2008, mais également sur les dispositions spécifiques, “empilant les prescriptions annale, biennale, triennale et quinquennale”.

Dans cette étude, la Cour de cassation explique “la cohérence” ainsi que “les lignes directrices” dans l’application et l’articulation des différentes prescriptions par l’examen de la détermination du délai applicable, laquelle connaît un critère principal et des exceptions, de l’écoulement du délai de prescription, à travers la question de son point de départ et enfin celle de son interruption par la demande en justice.

Source : actuel CSE

Marc Ferracci renonce à être rapporteur du projet de loi plein emploi

20/07/2023

Mercredi 19 juillet, Marc Ferracci, député Renaissance des Français établis hors de France, a indiqué devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale renoncer à son poste de rapporteur du projet de loi plein emploi, en réponse à la polémique issue d’un article du média Blast publié la semaine dernière.

Pour mémoire, le rapporteur est chargé d’éclairer les autres parlementaires sur un projet de texte, et rédige un rapport à cette fin. Marc Ferracci avait été désigné co-rapporteur (avec Paul Christophe, député Horizons du Nord) sur le projet de loi plein emploi lors de la séance de la commission du 12 juillet dernier. Marc Ferracci souhaite notamment éviter que “les oppositions en profitent pour perturber l’examen du texte”. 

Il sera remplacé dans ces fonctions par Christine Le Nabour, députée Renaissance d’Ile-et-Vilaine.

Source : actuel CSE

NÉGOCIATION COLLECTIVE

“Si le dirigeant ne veut pas partager, il va finir par dépérir”

17/07/2023

Nous publions, avec leur accord, l’interview, réalisée par nos confrères d’actuEL-expert-comptable, d’Agnès Bricard au sujet du partage de la valeur dans l’entreprise. Parce que c’est un sujet d’actualité (le projet de loi sur ce thème est en cours d’examen au Parlement) et parce qu’Agnès Bricard, ambassadrice à l’intéressement et à la participation auprès du gouvernement (*), apporte ici l’analyse d’une professionnelle du chiffre amenée à conseiller les entreprises sur ce thème.

Les dispositifs de partage de la valeur sont peu développés dans les petites entreprises. Comment l’expliquez-vous ?

Premièrement, à chaque fois qu’il y a quelque chose de supplémentaire à mettre en place, il faut un spécialiste, ce qui entraîne des honoraires, un coût. Quand les experts-comptables aident les entreprises [d’au moins] 50 salariés à mettre en place la participation, cela génère des honoraires. Mais comme c’est obligatoire, elles sont obligées d’y passer. En 1959, de Gaulle met l’intéressement de façon facultative. Et quand il voit que cela ne fonctionne pas, il sort une ordonnance en 1967 pour rendre obligatoire la participation pour les entreprises de plus de 100 personnes. Puis dans les années 1990, on descend à 50. Mais il n’y a pas eu d’effort sur la partie en dessous de 50 salariés.

Souvent le dialogue social dans les entreprises n’est pas bien connu

Deuxièmement, j’ai vu une entreprise de communication qui voulait garder ses salariés. Pour les fidéliser, elle a mis en place un intéressement. Est alors arrivé un contrôle social. Elle a été redressée sur la totalité du contrat car elle avait oublié d’y mettre la femme de ménage. Et c’est l’expert-comptable qui, dans le cadre de son assurance, a dû payer. J’ai dit aux pouvoirs publics que mes confrères ou mes consœurs n’iront pas [sur ce sujet] s’il n’y a pas une sécurité. Et la sécurité c’est le droit à l’erreur. Autre raison, c’est que souvent le dialogue social dans les entreprises n’est pas bien connu.

Est-ce qu’il n’y a pas aussi le fait que dans les petites entreprises souvent le bénéfice constitue la rémunération du dirigeant et donc s’il développe le partage de la valeur en prenant sur le bénéfice ça veut dire qu’il va être obligé de diminuer sa rémunération ?

C’est évident qu’il y a cette réflexion et cette posture. Pour autant, on ne fait rien tout seul. Dans les petites entreprises, c’est-à-dire dire jusqu’à 50 salariés, il y a un raisonnement qui consiste à dire qu’une ressource humaine est un vrai capital.  Il n’y a pas que [le dirigeant] qui créé la richesse. Il y a aussi le bras droit. Puis le bras droit du bras droit. Et puis l’assistante qui elle s’y connait en informatique alors que le dirigeant éprouve des difficultés pour mettre des fichiers, etc. Il y a le sentiment que les personnes qui travaillent avec soi sont indispensables. Et que si elles partent, l’entreprise peut chuter. Je ne parle pas du secteur de la restauration où il y a sans arrêt un turn-over. Dans tous les autres secteurs, chaque personne est indispensable pour le chef d’entreprise qui ne veut pas éternellement perdre ses salariés. Et quand il en cherche, il n’en trouve pas. Pourquoi ? Parce qu’il y a d’autres chefs d’entreprise qui présentent sur leur site internet des avantages dont la prime de partage de valeur, le contrat d’intéressement et pourquoi pas même une participation ou un abondement. Si le dirigeant ne veut pas partager, il va finir par dépérir parce qu’il n’aura pas les ressources humaines nécessaires pour continuer à produire.

Que pensez-vous du projet de loi actuellement au Parlement sur le partage de la valeur et notamment de l’objectif de généraliser ce partage dans les entreprises de 11 à moins de 50 salariés ?

Premier point, l’ANI (accord national interprofessionnel) a démarré en novembre 2022. Les pouvoirs publics ont annoncé qu’ils allaient demander aux 9 organisations nationales patronales et salariales de se réunir et de faire des propositions. J’ai alors demandé quel était notre rôle à nous les 3 ambassadeurs [à l’intéressement et à la participation] puisque l’on n’a plus à faire de rapport — on n’allait pas rajouter un rapport sur une négociation et il y avait en plus David Amiel qui faisait des auditons. Nous n’avons donc pas rendu de rapport.

Je suis favorable à cette loi de l’ANI parce que c’est un problème d’équité, de justice

La négociation a donné lieu à l’ANI en février 2023. Il y a donc eu très peu de temps pour réussir cette négociation, d’où aussi les zones d’ombre qui restent dans cet accord. Dans le même temps, on a parlé longtemps du dividende salarié. Parce qu’il semblait pour le président Macron que c’était une vraie révolution. Thibault Lanxade l’a porté. Mais il a été décidé, lors d’une conférence en février 2023, que serait appliqué l’ANI et rien que l’ANI. Donc qu’on ne parlera plus du dividende salarié. Je suis favorable à cette loi de l’ANI parce que c’est un problème d’équité, de justice. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, on a parfois 2 000 voire 3 000€ supplémentaires avec la participation, l’intéressement et l’abondement. Je ne trouve pas juste que les entreprises de moins de 50 salariés, lesquelles représentent 80 % des entreprises, n’aient pas le droit à ce partage de valeur. D’autant plus que les patrons en ont besoin. Même si aujourd’hui, ça renâcle comme toujours. Quand on a interdit le travail dominical au début du 19ème siècle, les patrons ont dit «comment on peut laisser un jour de congé à des salariés !»

Il y a aussi la critique de certains sur cette approche consistant à dire est-ce qu’on n’est pas en train de développer les revenus variables au détriment de la croissance des salaires fixes.

Je reviens sur la raison pour laquelle cette loi me va bien. D’abord pour l’égalité au niveau des salariés. Parfois, ils n’ont que la possibilité de travailler dans une entreprise de moins de 50 salariés. Deuxièmement, on veut engager le dialogue social entre les chefs d’entreprise et les salariés. Dans les petites entreprises, il n’y a pas d’organisation élue comme on le voit dans les entreprises de plus de 50 salariés. C’est une discussion qui va se faire directement entre les chefs d’entreprise et les salariés. Et une discussion intelligente puisque le chef d’entreprise va disposer du contrat d’intéressement comme ses salariés. La discussion ne va pas se faire nécessairement sur des éléments financiers mais peut être beaucoup sur des éléments un peu immatériels. C’est intéressant justement que sur le site de l’Urssaf soit proposé deux formules, une pré-validée et une libre où on peut discuter. J’en viens maintenant à votre question qui revient toujours à juste titre au niveau des organisations salariales. C’est d’ailleurs pourquoi le président de la République a dit qu’il allait d’abord obliger à revaloriser toutes les conventions collectives de la partie Smic car certaines n’avaient même pas le minimum alors qu’il l’avait augmenté 4 fois. Donc le président a quand même tenu compte du fait qu’il fallait déjà faire un toilettage et remettre une position claire sur ces bas salaires.

C’est vrai qu’il y a pour certains patrons un effet d’aubaine

Ensuite, c’est vrai qu’il y a pour certains patrons un effet d’aubaine avec la prime de partage de valeur et l’intéressement pour eux. Cela permet, quand il n’y a pas de 13ème mois, de ne pas en donner mais quand il y en a un, il est interdit de le supprimer. C’est très intelligent qu’il y ait des discussions dans les entreprises même si j’ai entendu des patrons dire que l’on ne leur a pas donné de quantum et que personne ne viendra les embêter s’ils donnent 10€. Mais les salariés vont dire au patron que si ce n’est pas abordé sereinement avec eux, ils ne feront pas grève mais partiront de l’entreprise. Cela donne du sens au fait qu’il y a un juste équilibre entre les salariés et une vraie motivation avec des indicateurs sur lesquels on va vraiment discuter lesquels ne sont pas nécessairement des indicateurs de performance mais de satisfaction. Il y aura toujours des effets d’aubaine pour 20 % des chefs d’entreprise «pas trop honnêtes». C’est qu’on a eu avec le PGE (prêt garanti par l’Etat, Ndlr). Certains ont créé une entreprise, ont pris le PGE, ont déposé le bilan et en même temps ils se sont créés des comptes courants qu’ils ont remboursé avec le PGE. Je l’ai vu dans des tribunaux de commerce. Des effets d’aubaine il y en aura toujours. Pour autant, est-ce qu’il faut punir 80 % parce qu’il y a 20 % de voyous ?

Est-ce facile aujourd’hui, c’est-à-dire avant les éventuelles modifications qu’apporterait la future loi sur le partage de la valeur, de faire un contrat d’intéressement ?

C’est facile dans la mesure où l’on se met sur le site internet de l’Urssaf. On choisit entre une formule pré-validée, qui permet de suite de disposer des exonérations fiscales et sociales, avec notamment comme critère l’augmentation du chiffre d’affaires. Dans une petite entreprise, ce critère veut dire quelque chose pour le dirigeant et pour les salariés. Après il y aura toujours des gens malhonnêtes qui vont dire que les commerciaux vont augmenter le chiffre pour le chiffre sans s’occuper de la marge. C’est vrai dans des entreprises de 30, 40 ou 50 personnes où l’on ne fait pas attention à ses commerciaux mais pas dans une entreprise de moins de 11 salariés.

Le deuxième critère est le résultat courant avant impôt sur les sociétés. Mais si cela n’intéresse pas l’entreprise, elle peut choisir une formule libre qui lui permet de sélectionner les critères. Par exemple le temps de réponse au téléphone, le temps de bouclage des dossiers ou le résultat net de l’entreprise. Dans tous les cas, il y a à peu près 7 écrans à remplir au maximum. Je l’ai testé. On met moins d’une heure pour le faire.

On réfléchit avec l’Urssaf pour rendre la participation aussi simple

Et pour la prime de partage de valeur, il y a également une DUE (décision unilatérale de l’employeur) qu’on remplit sur le site de l’Urssaf. Car aujourd’hui, on peut moduler cette prime, c’est-à-dire qu’on n’est plus obligé d’attribuer la même somme à tous les salariés à la condition de faire une DUE. Et on réfléchit avec l’Urssaf pour rendre la participation aussi simple. J’espère que ce sera opérationnel en septembre. Et la formule de calcul pourrait, dans les entreprises de moins de 50 salariés, être moins favorable que celle obligatoire aux entreprises d’au moins 50 salariés.

Une formule moins favorable aux salariés…

Oui. Mais on peut prendre une formule plus favorable ! 

Autoriser une participation moins favorable n’est pas très pertinent 

Je connais de grandes entreprises qui ne prennent pas 50 % du (bénéfice fiscal – 5 % des capitaux propres) * S/VA mais 100 %. Autoriser une participation moins favorable n’est pas très pertinent. Déjà, j’avais demandé qu’on supprime le un demi. Pourquoi ? Parce que la participation rapporte en moyenne 1700 euros par salarié. Tandis que l’intéressement peut rapporter parfois beaucoup plus. La participation rapporte si peu parce qu’il y a le fameux un demi. Bien-sûr que cela coûte de l’argent à une entreprise mais quand on voit aujourd’hui que les dirigeants sont mieux payés avec des mix entre salaires et dividendes — je ne parle même pas des rachats d’actions et je ne parle pas uniquement des grosses entreprises. Et qui du coup paient moins d’impôts alors que les salariés continuent à payer les mêmes impôts. Tout ça me fait dire qu’il faut retrouver du sens à ce qu’on appelle un dialogue. Et c’est peut-être l’entreprise qui va nous apprendre ce qu’est un dialogue puisqu’aujourd’hui on n’arrive plus à en avoir avec les pouvoirs publics. Quand les pouvoirs publics ont fait la retraite, ils n’ont pas voulu entamer des négociations alors qu’ils l’ont fait en matière de partage de valeur. La discussion donne du sens. Et encore plus dans l’entreprise — je parle ici des entreprises de moins de 50 personnes — parce qu’on travaille les uns avec les autres. On voit bien dans les start-ups de 10 ou 5 personnes que les gens se connaissent. Ce sont elles qui ont eu l’idée du partage de valeur, de l’intéressement, de la participation, des abondements, de l’actionnariat.

Vous parliez de zones d’ombre dans l’ANI. A quoi pensez-vous ?

Cette loi serait applicable si le bénéfice net fiscal est au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires (**). Les organisations salariales et moi n’étaient pas favorables au bénéfice fiscal. Ils voulaient revenir au bénéfice comptable net.

Le bénéfice fiscal est très plaisant pour le patronat 

Le patronat n’a pas voulu. Pourquoi ? Parce qu’à l’époque de De Gaulle, il n’y avait pas de crédit d’impôt. Le premier crédit d’impôt auquel je pense c’est le CIR, le crédit d’impôt recherche. Aujourd’hui, le bénéfice fiscal est très plaisant pour le patronat. D’un bénéfice comptable, on peut n’avoir que la moitié ou les trois quarts en bénéfice fiscal. A l’époque de De Gaulle, on réintégrait beaucoup — les dépenses somptuaires, les congés payés. Donc je trouve dommage qu’on n’ait pas évoqué le bénéfice comptable. Le patronat n’a pas voulu céder mais j’essaie de faire bouger quelques lignes en rappelant qu’à une époque, la participation prenait en compte les crédits d’impôt, ce qui a ensuite changé.

Le montant moyen de la participation s’élève à 1 700€. Ce n’est même pas le Smic

Le montant moyen de la participation s’élève à 1 700€. Ce n’est même pas le Smic. Et on n’a jamais parlé du fameux quantum. C’est là aussi une zone d’ombre. On n’aurait jamais imaginé le télétravail il y a dix ans. Mais aujourd’hui c’est rentré dans les mœurs. Et on continue à fabriquer du profit. C’est toujours compliqué pour un patron d’accepter une avancée sociale alors qu’il suffit de regarder sur deux cent ans pour voir qu’à chaque fois qu’il y a eu des avancées sociales, on motive les salariés. Je vois même des patrons qui disent s’organiser pour fournir une caution pour que leurs salariés puissent se loger. Cela donne du sens aux salariés. Ce ne sont pas des robots. Et les nouvelles normes extra-financières européennes vont donner du sens à la valeur humaine. Le jour où on donnera une valeur aux salariés, on donnera une valeur à l’employeur.

Il reste un dernier point, celui du droit à l’erreur sur le 1er contrôle social sur un contrat d’intéressement. Ce droit à l’erreur, c’est le fait de faire des observations et non des redressements. Ce droit à l’erreur n’existe pas aujourd’hui. Je voudrais que Louis Marguerite [rapporteur de ce projet de loi à l’Assemblée nationale] puisse dire à Olivier Dussopt de faire une circulaire au niveau de l’Urssaf de sorte qu’à chaque fois qu’il y aura un contrôle sur un premier contrat d’intéressement il n’y ait pas de redressement mais des observations. Ainsi, quand il y aura des observations l’expert-comptable pourra mettre en place ce qu’il faut pour régulariser la situation sans qu’il n’y ait de redressement.

(*) Thibault Lanxade et François Perret sont les deux autres ambassadeurs

(**) L’article 3 du projet de loi transposant l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise prévoit que les sociétés d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés mettent en place un dispositif de partage de la valeur.

Propos recueillis par Ludovic Arbelet

Le sujet de la mobilité domicile-travail n’est pris en compte que partiellement dans les accords collectifs

18/07/2023

Les accords collectifs ne traitent que partiellement de la thématique “mobilité domicile-travail”. Cela s’explique, selon le bilan dressé par l’Ademe (Agence de transition écologique), par une mauvaise connaissance des évolutions réglementaires, du contenu de la négociation et de son périmètre. La crise sanitaire a également favorisé la négociation d’accords uniquement en lien avec le déploiement du télétravail.

Depuis le 1er janvier 2020, la loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 a rendu obligatoire, pour toute entreprise ou établissement d’au moins cinquante salariés, l’intégration d’un volet mobilité domicile-travail au sein des négociations annuelles obligatoires (NAO), et plus précisément de la partie « Égalité professionnelle et la Qualité de vie au travail » (QVT).
Conformément à l’article 83 de la LOM, l’Ademe a réalisé un bilan sur la conclusion d’accords collectifs portant sur les thématiques de la mobilité quotidienne des salariés.

Les accords se sont concentrés sur le sujet du télétravail

Ce bilan débute par un état des lieux du niveau d’intégration de la mobilité domicile-travail dans les NAO par les employeurs en France. Il est établi suivant l’analyse de 1 000 accords signés entre le 1er mai 2020 et le 30 novembre 2021. En quelques chiffres, il en ressort que :

79 % des accords analysés traitent du sujet de la mobilité domicile-travail ;

les principaux sujets négociés sont le télétravail (51 %), le forfait mobilités durables (FMD – 25 %), les actions non financières en faveur d’un usage différent de la voiture (19 %) et la prime transport (14 %).

Globalement, du fait de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, les accords se sont concentrés sur le sujet du télétravail, sans lien direct avec la mobilité domicile-travail. La négociation des incitations financières a pris le dessus sur les actions non financières. De plus, les évolutions réglementaires sont mal connues comme l’obligation d’intégrer la mobilité quotidienne aux NAO (négociations annuelles obligatoires) ou encore la suppression de l’indemnité kilométrique vélo (IKV) remplacée par le FMD.

Le contenu des accords est hétérogène

Concernant le contenu des accords, il reste très hétérogène. Peu de dispositifs de suivi et d’indicateurs en lien avec la mobilité domicile-travail sont mis en place. En effet, seulement 39 % des accords sur la mobilité quotidienne évoquent la mise en place d’un dispositif de suivi, 26 % la réalisation d’un bilan, 17 % la mise en place d’un comité de suivi et 15 % l’instauration d’indicateurs de suivi. Par ailleurs, seulement 37 % des accords qui négocient une prise en charge financière détaillent les justificatifs demandés et 17 % d’entre eux demandent des justificatifs de dépenses ou d’abonnement en complément de l’attestation sur l’honneur.
Sur les modalités des sujets négociés, elles sont très diverses et variées et peuvent notamment porter sur le versement financier (périodicité de versement, mode de versement, montant de la prise en charge), l’organisation du télétravail (montant d’une indemnité financière télétravail, nombre de jours autorisés, mise à disposition d’équipements) ou même l’organisation de la flexibilité (flexibilité des lieux de travail, flexibilité horaire).

Mobiliser, informer, acculturer et outiller

La seconde partie du bilan relève les freins à la prise en compte de la mobilité quotidienne dans le dialogue social : relégation du sujet jugé moins prioritaire que d’autres (salaires, télétravail, etc.), manque de compréhension et d’informations relatives à la nouvelle obligation, budgets à engager.
Enfin, l’Ademe identifie les leviers qui permettraient d’améliorer l’intégration du thème de la mobilité au sein des NAO : mobiliser, informer, acculturer et outiller. L’Agence émet également neuf recommandations :

communiquer auprès de l’ensemble des parties prenantes sur l’obligation de négocier le sujet et sur le rôle de chacun ;

connaître et informer sur le sujet de la mobilité domicile-travail ;

cadrer les négociations avec les dispositifs employeurs existants et leur articulation ;

capitaliser sur les retours d’expérience ;

mettre à disposition des documents types et des indicateurs de suivi pertinents ;

former les parties prenantes de la négociation aux enjeux de la mobilité durable employeur et des NAO ;

mettre en exergue le lien entre (dé)mobilité et empreinte carbone de l’entreprise ;

s’appuyer sur les acteurs de la mobilité et les parties prenantes externes sur le sujet (Ademe, branches, autorités organisatrices de la mobilité (AOM), etc.) ;

renforcer le caractère incitatif du cadre légal.

Laura Guégan

Orpea est passé d’un CSE unique à 10 CSE et 10 CSSCT

19/07/2023

Dans l’interview qu’elle a donnée à nos collègues du Media social, la nouvelle DRH d’Orpea défend les changements qu’elle a entrepris dans ce groupe qui gère de nombreuses maisons de retraite et qui a été ébranlé par les révélations du livre de Victor Castanet, les Fossoyeurs : 

“Une semaine après mon arrivée, les élections professionnelles de 2019 ont été annulées par la justice. Très concrètement, cela voulait dire que nous n’avions plus de partenaires sociaux pour négocier. Face à ce vide, nous avons contacté toutes les organisations syndicales nationales représentées chez Orpea (Unsa, CGT et CFDT) pour préparer ensemble les futures élections professionnelles. Alors qu’initialement, il n’y avait qu’un comité social et économique (CSE), nous avons décidé d’en constituer dix sur une base régionale (plus un CSE central), ainsi que dix commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT)”, raconte Fanny Barbier. Et cette dernière, qui était précédemment DRH de Suez, d’ajouter : “Il y avait une énorme méfiance au départ. Et peu à peu, le climat s’est apaisé. En décembre 2022, un accord sur la refondation du dialogue social a été signé avec l’ensemble des organisations syndicales. Et des élections professionnelles ont été organisées en mars dernier, remportées par la CGT. D’autre part, le tribunal a nommé un administrateur qui réalise un audit sur les comptes du CSE, lequel en tirera les conclusions qu’il souhaitera”.

La directrice des ressources humaines vante également l’accord NAO signé avec les syndicats qui prévoit la mise en place sur trois ans d’un 13e mois, sachant qu’un accord d’intéressement est également prévu. Un changement de pratique salué y compris par la CDGT, qui s’est félicitée fin juin de pouvoir signer “après plus de 15 ans d’inertie syndicale”, des “accords salariaux sans précédent”. 

Source : actuel CSE