Archives de catégorie : Newsletter Actu Sociale N°104

PROTECTION SOCIALE

[Réforme des retraites] Le point sur les derniers décrets d’application

01/09/2023

Une quinzaine de décrets d’application de la loi réformant les retraites ont été publiés durant l’été. Retraite progressive, surcote, cumul emploi-retraite, régimes spéciaux, usure professionnelle… en voici une synthèse.

La réforme devant entrer en vigueur aujourdhui, 1er septembre 2023, la plupart des décrets d’application étaient attendus en juillet et en août. Si l’échéancier Légifrance prévoit encore quelques publications, la plupart des textes concernant l’essentiel du dispositif sont désormais connus.

Les nouveaux contours de la retraite progressive

La retraite progressive permet au salarié qui se trouve à deux ans de l’âge légal de départ de poursuivre son activité à temps partiel (article L.351-15 et suivants du code de la sécurité sociale), à condition d’avoir atteint 150 trimestres de durée d’assurance. Sans rupture du contrat de travail, il cumule ainsi une partie de son salaire et une fraction de sa pension de retraite (de base et en complémentaire le cas échéant). La quotité de travail doit être comprise entre 40 et 80 % de la durée légale ou conventionnelle.

L’âge légal de départ en retraite étant repoussé à 64 ans par la réforme, les décrets d’application (n° 2023-751 et n° 2023-753) actent le décalage de l’âge requis pour la retraite progressive de 60 ans à 62 ans. Ce relèvement s’effectue au même rythme que celui de l’âge légal, à savoir 3 mois par génération à compter du 31 août 1961.

Rappelons que l’article 26 de la loi réformant les retraites (LFSSR n° 2023-270) a prévu une meilleure information des salariés éligibles sur le montant de la fraction de pension, la date de départ en retraite progressive, notamment grâce à une simulation de liquidation partielle. Autre nouveauté, l’employeur aura 2 mois pour répondre à la demande de retraite progressive du salarié, son silence valant acceptation. Un refus doit désormais être justifié par l’incompatibilité de la durée du travail avec l’activité économique de l’entreprise. Le salarié à temps partiel peut demander à travailler moins de 24 heures par semaine. L’article 26 ouvre la retraite progressive à “l’assuré exerçant à titre exclusif une activité salariée ou non salariée qui, n’étant pas assujettie à une durée d’activité définie par un employeur, lui procure un revenu minimal et donne lieu à diminution des revenus professionnels”.

Le décret n° 2023-753 précise que l’assuré doit percevoir un revenu annuel supérieur ou égal à 40 % du Smic brut en vigueur au 1er janvier de l’année considérée. La diminution de revenus est par ailleurs calculée le 1er juillet de chaque année, sur la base de l’assiette retenue pour le calcul de l’impôt sur le revenu.

Côté formalisme, les salariés dont l’activité n’est pas soumise à une durée du travail devront fournir aux organismes de retraite une déclaration sur l’honneur qu’ils n’exercent pas d’autre activité professionnelle et leurs déclarations fiscales de revenus des 5 années précédant leur demande de retraite progressive.

Le décret n° 2023-753 précise que la demande auprès de l’employeur doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception (LR/AR) en indiquant la durée du travail envisagée et la date d’entrée en retraite progressive souhaitée. La demande est adressée 2 mois avant cette date.

Les décrets indiquent en outre que le salarié devra informer les organismes de retraite de la cessation de son activité et de l’exercice de toute autre activité professionnelle. Si le salarié ne remplit plus les conditions de la retraite progressive à un instant T, le versement de sa fraction de pension le 1er jour du mois suivant (T + 1 mois).

Cumul emploi-retraite : le régime de la seconde pension

Jusqu’à présent et contrairement à la retraite progressive, le cumul emploi-retraite ne permettait pas de générer des droits à la retraite. La LFRSS (loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale) supprime cette règle pour ceux qui remplissent les conditions du cumul emploi-retraite intégral. Le cumul emploi-retraite devenant créateur de droits, les salariés concernés peuvent désormais percevoir une seconde pension.

Le décret n° 2023-753 précise le montant annuel du plafond appliqué à cette seconde pension, soit 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale (2 199,60 pour 2023).

Selon le décret n° 2023-751, la seconde pension sera calculée, liquidée et servie dans les conditions applicables à la pension de vieillesse dans le régime dont relève l’assuré, sur la base du salaire moyen.

Le salarié doit demander le versement de la seconde pension au régime de retraite de base dont il relève au titre de cette pension. Un modèle de formulaire commun à tous les régimes sera publié par arrêté.

Usure professionnelle et compte professionnel de prévention

Le décret n° 2023-759 supprime le plafonnement du nombre de points du compte professionnel de prévention (C2P). Il précise également qu’à compter du 1er septembre, le salarié bénéficiera d’un point par facteur de pénibilité.

Les seuils associés à certains facteurs de risques sont réduits afin d’assouplir le dispositif. Le salarié ne devra plus justifier que de 100 nuits par an au lieu de 120 pour obtenir des points au titre du travail de nuit et 30 nuits au lieu de 50 au titre du travail en équipes successives alternantes.

Par ailleurs, chaque point acquis sur le C2P ouvrira désormais droit à 500€ de CPF (compte personnel de formation), au lieu de 375€. Dans le cadre d’un passage à temps partiel, le C2P peut désormais être mobilisé à hauteur de 10 points (dans la limite de 80 points avant le 60e anniversaire du salarié).

Le décret traite aussi de la dématérialisation de la demande d’utilisation des points du C2P pour un projet de reconversion professionnelle ou une formation, de l’accompagnement du titulaire du C2P par un opérateur de compétences au titre du conseil en évolution professionnelle (CEP), et du rapprochement des conditions de mise en œuvre du projet de reconversion avec celles du projet de transition professionnelle.

Le texte fixe enfin les modalités de financement et de fonctionnement du fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle.

La cartographie des métiers à risque sera élaborée par la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, sur la base des listes de métiers exposés aux risques ergonomiques établies par les branches professionnelles selon une nomenclature commune. Le décret indique enfin les conditions permettant de bénéficier d’un projet de transition professionnelle financé par le fonds (risque cartographié, métier visé non exposé aux risques, cofinancement et autorisation expresse de l’employeur).

Les précisions relatives à la surcote parentale et aux indemnités maternité

Toute personne qui a atteint 64 ans et qui réunit tous ses trimestres a droit à une surcote de 1,25 % dans le calcul de sa pension, et ce pour chaque trimestre travaillé supplémentaire. Avec la réforme est instaurée une dérogation pour les parents : ils bénéficient de la surcote dès l’année précédant l’âge légal, c’est-à-dire dès 63 ans au lieu de 64 ans.

Le décret n° 2023-799 précise l’application de la mesure aux assurés relevant de plusieurs régimes d’assurance vieillesse et intègre les majorations de trimestres attribuées aux avocats, aux professions libérales et aux non-salariés des professions agricoles.

L’article 22 de la LFSSR 2023 prend en compte des indemnités journalières versées pour les congés maternité ayant début avant le 1er janvier 2012. Le décret n° 2023-799 précise que l’assurée devra justifier de son affiliation aux régime général ayant fait l’objet d’un versement de cotisations et fixe le montant forfaitaire alloué en fonction du salaire médian.

Validation et rachats de trimestres

Le décret n° 2023-799 complète la liste des stages permettant de valider des trimestres :

travaux d’utilité collective (TUC) ;

stages en entreprise du plan Raymond Barre (pacte de 1977 pour l’emploi des jeunes) ;

stages “jeunes volontaires” ;

programmes d’insertion locale ;

stages d’initiation à la vie professionnelle.

Enfin, le décret n° 2023-800 fixe l’âge maximal de demande de rachat à coût réduit de trimestres pour études supérieures à 40 ans au lieu de 30 avant la réforme. La demande de rachat de trimestres au titre d’un stage en entreprise doit désormais intervenir le 31 décembre de l’année du 30e anniversaire de l’assuré.

Minimum contributif, aide aux personnes âgées, aidants, pension d’orphelin

Les décrets n° 2023-752 et n° 2023-754 :

suppriment les dispositions réglementaires prévoyant l’indexation du minimum contributif (Mico) sur l’inflation. La réforme prévoit en effet une revalorisation du Mico en fonction d’un taux au moins égal à l’évolution du Smic ;

autorisent le traitement de données personnelles par la Cnav (Caisse nationale d’assurance vieillesse) “échanges inter-régimes de retraite” en vue du calcul de la majoration exceptionnelle des pensions ayant pris effet avant le 1er septembre 2023 ;

tirent les conséquences de la création de l’allocation vieillesse des aidants (plafonnement à 24 trimestres) ;

fixent à 9 mois la condition de résidence de l’allocation de solidarité aux personnes âgées et en précisent le seuil de récupération ;

fixent les paramètres de calcul de la pension d’orphelin (54 % de la pension principale dont bénéficiait l’assuré décédé, montant minimal de 100 € bruts par parent décédé, avec indexation sur l’inflation).

Fin des régimes spéciaux

Six décrets actent la suppression de régimes spéciaux de retraite :

des clercs et employés de notaire (décret n° 2023-689) ;

des personnels de la RATP (décret n° 2023-690) ;

des personnels de la RATP, SNCF, Opéra national de Paris et Comédie française (décret n° 2023-840)

des personnels des industries électriques et gazières (décret n° 2023-692) ;

des personnels de la Banque de France (décrets n° 2023-693 et n° 2023-839).

► La liste des décrets : Au JO du 30 juillet 2023 Décret n° 2023-688 du 28 juillet 2023 autorisant la création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel pour le contrôle de l’existence des bénéficiaires d’une pension de vieillesse résidant à l’étranger Décret n° 2023-689 du 28 juillet 2023 relatif au régime spécial de retraite des clercs et employés de notaires Décret n° 2023-690 du 28 juillet 2023 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la Régie autonome des transports parisiens Décret n° 2023-691 du 28 juillet 2023 relatif aux taux des cotisations du régime des clercs et employés de notaires Décret n° 2023-692 du 28 juillet 2023 relatif au régime spécial de retraite des industries électriques et gazières Décret n° 2023-693 du 28 juillet 2023 relatif au régime spécial de retraite de la Banque de France Au JO du 11 août 2023 Décret n° 2023-751 du 10 août 2023 relatif au cumul emploi retraite et à la retraite progressive Décret n° 2023-752 du 10 août 2023 relatif à la revalorisation des minima de pension, à la pension d’orphelin, à l’allocation de solidarité aux personnes âgées et à l’assurance vieillesse des aidants Décret n° 2023-753 du 10 août 2023 portant application de l’article 26 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 relatif au cumul emploi retraite et à la retraite progressive Décret n° 2023-754 du 10 août 2023 portant application des articles 18 et 25 de la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 relatifs à la revalorisation des minima de pension, à la pension d’orphelin, à l’allocation de solidarité aux personnes âgées et à l’assurance vieillesse des aidants Décret n° 2023-759 du 10 août 2023 relatif au fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle et au compte professionnel de prévention Décret n° 2023-760 du 10 août 2023 portant application de l’article 17 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 Au JO du 22 août 2023 Décret n° 2023-799 du 21 août 2023 portant application des articles 10, 11, 22 et 23 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 Décret n° 2023-800 du 21 août 2023 portant application de l’article 10 de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 Au JO du 31 août 2023 Décret n° 2023-839 du 30 août 2023 relatif aux assurés du régime spécial de la Banque de France Décret n° 2023-840 du 30 août 2023 portant diverses mesures relatives aux régimes de retraite Décret n° 2023-838 du 30 août 2023 relatif à la mise en œuvre pour les élus locaux de la faculté de cotisation et de la prise en compte des périodes de mandats pour les versements pour la retraite prévues à l’article 23 de la LFRSS pour 2023 (élus locaux)

Marie-Aude Grimont

Bonus-malus : les nouveaux taux de séparation médians sont publiés

01/09/2023

Les taux de séparation médians en fonction desquels sont calculées les cotisations chômage applicables aux entreprises relevant du champ du bonus-malus viennent d’être publiés au Journal officiel (voir tableau ci-dessous). Les entreprises concernées devront les utiliser pour calculer les cotisations dues au titre des périodes d’emploi courant du 1er septembre 2023 au 31 août 2024.
Pour rappel, le taux de séparation médian d’un secteur correspond à la médiane des taux de séparation de l’ensemble des entreprises d’au moins onze salariés de ce secteur.
Ces taux ont été calculés sur la base des taux de séparation observés sur la période de référence allant du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023.

Source : actuel CSE

RÉCLAMATIONS INDIVIDUELLES ET COLLECTIVES

Cahier de jurisprudence de droit du travail du CSE : tentative de suicide, égalité de traitement, durée du travail, liberté d’expression…

31/08/2023

Un exercice efficace du mandat d’élu du CSE, mais aussi de représentant de proximité (RP), exige de développer de solides connaissances des règles du droit du travail. Pour vous y aider, nous sélectionnerons régulièrement la jurisprudence relative à vos domaines de compétence dans ce cahier de jurisprudence.

 Pourquoi vous proposer ce rendez-vous régulier ? La délégation du personnel au CSE a pour mission de présenter à l’employeur les réclamations individuelles et collectives des salariés relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise (articles L. 2312-5 et L. 2312-8 du code du travail). On attend donc des membres du CSE, mais aussi des éventuels représentants de proximité (RP), qu’ils soient les porte-paroles des salariés. Leur rôle est d’être à l’écoute des salariés, de les informer sur leurs droits, de les orienter, de les conseiller, de les accompagner, etc. Pour cette mission, les représentants du personnel ont forcément besoin de développer leurs connaissances en droit du travail, et donc de suivre l’actualité juridique : nous vous proposerons donc régulièrement ce cahier de jurisprudence de droit du travail qui évoque des décisions récentes rendues par les juges.

Tentative de suicide du salarié
Note de la rédaction. Participer à la prévention des risques professionnels fait partie des missions essentielles du CSE. D’où cette possibilité qu’a tout représentant du personnel de saisir l’employeur lorsqu’il constate, directement ou par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une cause de danger grave et imminent. C’est ce que l’on appelle le droit d’alerte pour danger grave et imminent (article L. 4131-2 du code du travail). 

 L’histoire

Dans cette affaire, un salarié représentant du personnel tente de mettre fin à ses jours sur son lieu de travail, mais en dehors de son temps de travail. L’événement intervient dans un contexte de tensions intersyndicales et de conflit entre l’intéressé et la direction, le salarié ayant appris, seulement la veille de son geste, la décision de l’administration d’autoriser son licenciement pour faute grave.

Même le salarié avait tenté de mettre fin à ses jours en dehors de son temps de travail, son acte constituait bien un accident du travail car il était survenu par le fait du travail. En effet, les juges avaient constaté que la tentative de suicide avait été causée par l’imminence du licenciement.

► L’arrêt

Cass. 2e civ., 1er juin 2023, n°21-17.804

Forfait jours 

 L’histoire

Un salarié ayant le statut d’agent de maîtrise était soumis à une convention de forfait annuel en jours. Dans le cadre d’un procès devant les prud’hommes, l’intéressé fait valoir que cette convention était nulle dans la mesure où il ne bénéficiait d’aucune autonomie réelle, notamment dans le cadre de ses temps de travail en usine qui étaient, selon lui, prédéterminés par l’employeur.

Effectivement, d’après les juges, le salarié était soumis à une obligation de pointage donnant lieu à des relevés informatiques reprenant le nombre d’heures travaillées chaque jour et devait effectuer 6 heures de travail pour voir une journée de travail validée. Il ne disposait pas d’une réelle autonomie dans l’organisation de son emploi du temps et ne pouvait donc pas être soumis à une convention de forfait en jours.

► L’arrêt

Cass. soc., 7 juin 2023, n° 22-10.196

Utilisation de la langue française
Note de la rédaction. Il n’est pas rare que les membres du CSE soient saisis de difficultés liées à l’application du contrat de travail. Il s’agit pour vous d’identifier si la réclamation du salarié apparaît justifiée et de rappeler à l’employeur ses obligations légales et appuyer la réclamation du salarié.

 L’histoire

Un responsable des ventes d’une entreprise française appartenant à un groupe américain fait valoir devant les prud’hommes que le plan de commissionnement rédigé en anglais ne lui était pas applicable et que son employeur ne pouvait donc pas effectuer une reprise de commissions sur son bulletin de paie en application de ce plan.

La cour d’appel rejette cette demande au prétendu motif que la langue de l’entreprise était l’anglais, que de nombreux courriels étaient rédigés en anglais, y compris par le salarié, et que le document pouvait lui être opposé.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel.

D’après le code du travail (article L. 1321-6), tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français. Cette règle n’est pas applicable aux documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers. Or, dans cette affaire, le document fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle n’était pas rédigé en français. Il fallait donc vérifier sa provenance, à savoir s’il avait été reçu, ou non, de l’étranger.

► L’arrêt

Cass. soc., 7 juin 2023, n° 21-20.322

Accord de modulation sur le temps de travail

 L’histoire

Un salarié, engagé comme agent de sécurité, réclame notamment devant les prud’hommes le paiement d’une certaine somme au titre du dépassement des heures maximales quotidienne et hebdomadaire. Il fait valoir que l’accord d’entreprise relatif à la modulation du temps de travail ne lui était pas opposable car il ne lui avait pas été indiqué où il pouvait consulter ce texte.

Le code du travail impose notamment à l’employeur de donner au salarié au moment de l’embauche une notice l’informant des textes conventionnels applicables dans l’entreprise et de tenir un exemplaire à jour de ces textes à la disposition des salariés sur le lieu de travail (article R. 2262-1)

Alors que la cour d’appel juge que l’accord d’entreprise relatif à la modulation du temps de travail était effectivement inopposable à la salariée, la Cour de cassation en décide autrement. D’après les constats des juges, la salariée avait bien été informée au moment de son embauche du texte conventionnel applicable dans l’entreprise et celui-ci était mis à disposition en salle de pause, en sorte qu’il était accessible.

► L’arrêt

Cass. soc., 5 juill. 2023, n° 21-25.157

Égalité professionnelle 
Note de la rédaction. Le rôle des membres du CSE consiste notamment à relayer auprès de l’employeur les réclamations relatives aux différences de traitement entre salariés. S’intéresser à la jurisprudence en la matière peut vous aider à appuyer les demandes qui vous apparaissent légitimes.

 L’histoire

Un salarié, engagé en qualité de chef des ventes national, réclame le paiement d’un rappel de salaire au titre de l’égalité de traitement. Il estime être défavorisé par rapport à un autre salarié occupant exactement le même poste de “chef des ventes national”.

Pour la cour d’appel, cette demande doit être rejetée car la différence de rémunération était justifiée par la qualification supérieure de l’autre salarié et par la détention de diplômes supérieurs.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et rappelle que “la seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s’il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée”.

La cour d’appel aurait donc dû rechercher si les diplômes détenus par le collègue auquel le salarié se comparait attestaient de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée par les deux salariés et vérifier si le salarié ne justifiait pas d’une expérience professionnelle plus importante.

► L’arrêt

Cass. soc., 21 juin 2023, n° 21-23.487

Discrimination
Note de la rédaction. Tout élu du CSE peut tirer une sonnette d’alarme auprès de l’employeur en cas de mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement (article L. 2312-59).

 L’histoire

Le salarié privé d’une possibilité de promotion par suite d’une discrimination peut prétendre, en réparation du préjudice qui en est résulté dans le déroulement de sa carrière, à un reclassement dans le coefficient de rémunération qu’il aurait atteint en l’absence de discrimination. Il revient au juge de rechercher à quel coefficient de rémunération le salarié serait parvenu sans cette discrimination

Dès lors qu’il a été admis que la salariée avait bien été victime d’une discrimination syndicale, la cour d’appel ne peut donc pas rejeter la demande de repositionnement sur un poste de directeur et limiter le montant des dommages-intérêts au motif notamment que la salariée ne démontrait pas avoir exercé des fonctions d’encadrement, critère objectif justifiant l’attribution d’un coefficient de rémunération supérieur.

► L’arrêt

Cass. soc., 14 juin 2023, n° 22-11.601

Liberté d’expression

 L’histoire

Le salarié abuse de sa liberté d’expression et commet une faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement en critiquant son supérieur hiérarchique en des termes insultants et irrespectueux, non justifiés par le contexte, et en formulant des commentaires désobligeants à l’égard de ses collègues, alors qu’il avait fait l’objet d’un précédent avertissement motivé par son comportement et un mode de communication totalement inappropriés avec ses collègues de travail, son employeur l’ayant incité à avoir une attitude plus constructive dans ses relations professionnelles.

► L’arrêt

Cass. soc., 14 juin 2023, n° 21-21.678

Temps d’habillage et de déshabillage

 L’histoire

Le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage fait l’objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail (article L. 3121-3). Ces deux conditions sont cumulatives.

Une contrepartie est due dès lors que le salarié d’une entreprise de travaux publics est obligé, tant en application du règlement intérieur que de son contrat de travail, de porter les accessoires ou dispositifs de protection fournis par l’entreprise et que ces équipements doivent être revêtus et ôtés dans l’entreprise.

► L’arrêt

Cass. soc., 10 mai 2023, n° 21-20.349

Jour férié
Note de la rédaction. La loi donne vocation membres du CSE de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives “aux conventions et accords applicables dans l’entreprise”. Il est donc important de savoir décrypter les règles collectives imposées aux salariés.

 L’histoire

Dans cette affaire, un accord d’entreprise prévoit une durée hebdomadaire de travail de 35 heures sur 4 jours, à raison de 8,75 heures de travail par jour, pour les ouvriers. L’accord prévoit également qu’outre le jour de repos hebdomadaire fixé le dimanche, le salarié bénéficie chaque semaine de 2 jours de repos fixés par roulement.

Le salarié saisit les prud’hommes afin d’obtenir un jour de repos supplémentaire ou, à défaut, une indemnité compensatrice lorsqu’un jour de repos variable prévu par l’accord coïncide avec un jour férié et chômé.

Pour la Cour de cassation, l’accord d’entreprise prévoyant une durée hebdomadaire de travail de 35 heures sur 4 jours, les 3 jours non travaillés constituaient des jours de repos n’ayant pas vocation à compenser des heures de travail effectuées au-delà de la durée légale ou conventionnelle. En conséquence, la coïncidence entre ces jours et des jours fériés n’ouvrait droit ni à repos supplémentaire ni à indemnité compensatrice.

► L’arrêt

Cass. soc., 10 mai 2023, n° 21-24.036

 Frédéric Aouate

FORMATION

Reste à charge pour le CPF : une concertation avant le décret

30/08/2023

Le gouvernement envisage toujours d’imposer par décret un reste à charge à payer par le salarié pour l’utilisation de son Compte personnel de formation (CPF), une disposition dont le principe a été prévue dans la loi de finances 2023 mais dont le montant éventuel doit encore être fixé par un texte réglementaire. En marge de l’université du Medef, le cabinet du ministre du travail a toutefois promis qu’il procéderait à une concertation auparavant sur ce texte. 

Une autre concertation aura lieu, mais gérée par le ministère de la Santé, au sujet cette fois du projet de l’exécutif de faire davantage peser la charge des arrêts maladie sur les employeurs, un projet qui suscite l’hostilité du patronat. 

Enfin, on ignore pour l’heure, au sujet des futures négociations des partenaires sociaux sur les sujets liés aux retraite (emploi des seniors, usure professionnelle, compte épargne temps universel, parcours professionnels, etc.), si le gouvernement leur adressera un seul document d’orientation ou plusieurs.

Source : actuel CSE

NÉGOCIATION COLLECTIVE

Un accord national prévoit de véritables CSE dans les chambres d’agriculture

30/08/2023

Signé par la CFDT, qui représente 70% des voix aux élections professionnelles, et par la CFE-CGC, un accord national prévoit la création d’un “véritable” CSE dans toutes les chambres d’agriculture, qui emploient environ 8 000 salariés en France. Les élus vont aussi bénéficier d’une délégation supplémentaire de 5 heures par mois. Un accord “historique”, selon Emmanuel Delétoile, secrétaire national de la FGA-CFDT. Interview.

Un mot sur vous d’abord : comment êtes-vous devenu secrétaire national de la CFDT-FGA ?

Au départ, j’étais employé de banque, je suis issu du groupe Crédit agricole. J’ai été pendant dix ans responsable CFDT en charge de cette branche.

 Je faisais bien le job mais j’avais envie d’évoluer

Je crois que je faisais bien le job mais au bout d’un moment, il me fallait évoluer. J’ai cédé ma place à une femme de moins de 50 ans et j’ai pris la responsabilité de la branche chambres d’agriculture avec un mandat de secrétaire national à la Fédération générale agroalimentaire (CFDT-FGA). Je suis en charge de l’organisation et de la formation, et je suis le chef de file des questions de protection sociale. Notre fédération emploie une cinquantaine de salariés et nous représentons plus de 3 millions de travailleurs car le périmètre de notre fédération est large : chambres d’agriculture, MSA, INRA, ministère de l’agriculture, abattoirs, conserverie, production agricole, etc. 

Décrivez-nous le monde des chambres d’agriculture, qui semble assez particulier…

Les chambres d’agriculture emploient plus de 8 000 personnes en France, ce sont des salariés de droit public et des salariés de droit privé (1). Pour ces personnels, il n’existe pas de convention collective mais un “statut” national qui régit tout, non sans quelques incongruités (Ndlr, voir pièce jointe). Par exemple, quand on signe dans ce secteur un accord avec les organisations patronales (2), pour que cet accord fasse évoluer le statut, il faut qu’il soit accepté par une commission paritaire nationale, et que cela soit traduit derrière par un décret. Ce n’est pas toujours simple ! 

Vous êtes le syndicat majoritaire dans ces chambres…

La CFDT représente 70% des voix aux élections professionnelles, nous pouvons donc signer seuls des accords. Nous avons pratiquement un millier d’adhérents. 

Vous avez donc négocié et signé un accord national sur les CSE ? 

En effet, car la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Deux systèmes cohabitent : des négociations sous forme de commissions paritaires au niveau de l’établissement, du département et de la région, et des comités sociaux et économiques comme dans le privé déjà créés dans certaines chambres.

 Certains CSE n’avaient pas de prérogatives car une partie des salariés sont sous statut public

Vous pouvez avoir une chambre d’agriculture qui emploie 70 salariés mais dont seulement 45 salariés relèvent du droit privé. Donc elle se retrouve avec un CSE considéré comme un CSE de moins de 50 salariés, donc sans les principales attributions du comité social et économique. Parce qu’on ne prend pas en compte l’effectif social réel, les salariés sont représentés par un comité sans budget, sans droit à expertise, etc. Dans ce cadre, l’employeur organise plusieurs réunions, souvent pour dire la même chose, selon qu’il s’adresse aux salariés de statut public ou aux salariés du statut privé. La situation économique de la chambre sera par exemple exposée devant une commission paritaire, puis devant le CSE ! Et c’est aussi un problème pour nous, organisation syndicale : il faut élire des représentants dans les commissions paritaires, dans les CSE…C’est une usine à gaz et il fallait donc changer ça, mais les négociations ont achoppé pendant longtemps.

Pourquoi les négociations ont-elles pris autant de temps ?

Les employeurs redoutaient que la reconnaissance de véritables CSE entraîne un peu partout des expertises. Le patronat voulait bien fusionner les deux systèmes mais sans que cela crée un CSE avec toutes les attributions légales. Mais à la CFDT nous ne voulions pas accepter cela et nous revendiquions des représentants de proximité dans tous les CSE. Au final, tout le monde a mis un peu d’eau dans son vin, chacun a fait un pas vers l’autre et on a trouvé un accord (Ndlr : lire le document en pièce jointe). 

Quand cet accord est-il applicable ? 

Accrochez-vous ! (rires, Ndlr). Cet accord doit déjà être approuvé en commission paritaire nationale. Présidée par un représentant du ministère de l’agriculture, cette commission comprend pour moitié des représentants syndicaux et pour moitié des représentants d’employeurs. Derrière, il va falloir que le gouvernement procède à la modification de certains articles du code rural, qui traitent des commissions paritaires. Autrement dit, nous devrons, les deux organisations syndicales signataires (CFDT, CFE-CGC, Ndlr) et les organisations d’employeur signataires, prendre notre bâton de pèlerin pour convaincre le ministère de l’agriculture d’engager ces modifications législatives. Sur le principe, on ne voit pas pourquoi cela ne serait pas engagé, puisqu’il s’agit d’un accord des partenaires sociaux des chambres. Ensuite, une fois que la loi sera modifiée et le décret paru, nous nous sommes donnés 6 mois pour finaliser l’accord. 

Finaliser l’accord, c’est-à-dire procéder à l’élection ou à la révision des CSE ? 

Oui ! Il est important de dire que cet accord fait accéder 25 chambres d’agriculture (sur une centaine) aux prérogatives des CSE de plus de 50 salariés.

Un quart des chambres va basculer dans des CSE avec davantage de droits 

Donc, un quart des chambres bascule dans davantage de droits : nous nous alignons sur la loi (Ndlr : sur les droits et moyens prévus par l’ordonnances de 2017 et son décret), ce qui signifie des budgets pour le fonctionnement des instances et des budgets d’activités sociales et culturelles pour tous les salariés (3). Pour l’ensemble des élus CSE de toutes les chambres, l’accord apporte aussi un plus avec 5 heures de délégation supplémentaires par mois, pour compenser le fait qu’il n’y aura plus de commission paritaire. On aura donc un peu moins d’élus mais ils auront un peu plus de temps. Cela me semble un bon compromis, même si nous n’avons pas pu obtenir d’engagement national sur la création de représentants de proximité. Cela sera du ressort de chaque établissement, qui pourra négocier un accord. 

Quelle est la taille des chambres ? 

C’est très variable. Certaines chambres départementales emploient 30 salariés, d’autres 80, et il y a trois grosses chambres d’agriculture régionale (Bretagne, Normandie, Pays-de-la-Loire) qui ont de 300 à 600-700 salariés. 

Quel est le climat social et le dialogue social dans ces établissements ? 

Dans les chambres, cela dépend, certaines ont des équipes RH professionnelles et cela se passe bien. Mais dans d’autres plus petites, c’est parfois plus difficile. Au niveau national, alors que nous n’avions rien signé depuis longtemps, j’observe une certaine détente.

Il y a une détente, nous avançons pas à pas 

Il faut dire aussi que nous attendions un décret créant une convention collective. Comme cela ne venait jamais, nous avons choisi d’avancer pas à pas pour faire modifier le statut. Depuis que nous nous avons défini, dans un accord de méthode pour la période 2022-2024, les sujets à aborder (comme la fusion des instances représentatives qui vient d’aboutir) en nous fixant un calendrier et en nous donnant les moyens, nous avançons. Nous avons conclu récemment plusieurs accords : un accord élargissant le bénéfice de la rupture conventionnelle aux salariés de droit public, un autre favorisant la mobilité professionnelle entre les chambres, un accord encadrant les primes variables sur objectifs. Mais nous n’avons pas réussi à nous mettre d’accord sur le forfait annuel en jours. Petit à petit, nous arrivons à homogénéiser un fonctionnement encore trop hétéroclite selon les chambres. 

(1) Le travail des salariés des chambres d’agriculture, qui sont des établissements publics gérés par des élus appartenant majoritairement à la FNSEA (Fédération nationale des syndicats des exploitants agricoles) et au CNJA (centre national des jeunes agriculteurs), consiste à proposer des services et des conseils aux agriculteurs.

(2) Au niveau national, l’Assemblée plénière de “Chambre d’agriculture France” est constituée des présidents des chambres départementales et régionales d’agriculture. Homologué par le ministère de l’agriculture, le statut des personnels des chambres d’agriculture est régulièrement mis à jour (voir notre document joint).

(3) L’accord prévoit une meilleure représentation que celle minimale prévue par la loi pour les CSE des chambres d’agriculture qui resteront sous la barre des 50 salariés : le nombre de représentants du personnel est porté de 1 à 2 pour les CSE représentants de 11 à 25 salariés, et de 2 à 3 pour les CSE représentants de 26 à 49 salariés.

Bernard Domergue

Emmanuel Macron consent à une conférence sociale aux contours encore flous

01/09/2023

C’était une demande des partis d’opposition et de la CFDT au moment du mouvement social sur la réforme des retraites. Emmanuel Macron y a consenti, dans la nuit de mercredi à jeudi, à la suite de sa réunion de 12 heures avec les responsables des partis politiques. Étaient donc notamment présents, outre le Président de la République, la Première ministre et les présidents des Assemblées, les représentants de onze partis, dont les partis communiste et socialiste, La France Insoumise, Europe Écologie Les Verts, Les Républicains et le Rassemblement National. Emmanuel Macron a validé le principe de l’organisation d’une conférence sociale qui porterait notamment sur les salaires et les branches qui conservent encore des minimas inférieurs au Smic.

Pour le reste, les contours demeurent flous : quels seront les autres thèmes abordés (agenda social, travail etc…) ? Quand se tiendra la conférence ? Les partenaires sociaux y seront-ils conviés ? Quelles en seront les traductions concrètes ? Autant de questions à préciser, alors que le Président a rencontré mardi soir la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Celle-ci a demandé par exemple l’organisation d’un référendum sur les retraites. Emmanuel Macron pourrait aussi rencontrer prochainement Marylise Léon, nouvelle secrétaire générale de la CFDT.

En attendant, un séminaire gouvernemental se tiendra le 6 septembre afin de tirer les conclusions de cette réunion politique. Par ailleurs, un bilan des conseils nationaux de refondation (les CNR auxquels ont participé la CFDT, la CFTC et l’Unsa) sera dressé le lendemain, 7 septembre, par le Président de la république. Pour mémoire, le rapport du CNR dénommé Assises du travail, a été rendu en avril et a formulé 17 recommandations.

Source : actuel CSE

SYNDICAT

Retraites : Sébastien Menesplier (CGT) convoqué par la gendarmerie le 6 septembre

29/08/2023

Le secrétaire général de la fédération nationale des mines et de l’énergie (FNME-CGT), membre du Bureau confédéral de la CGT, est convoqué par la gendarmerie de Montmorency, le 6 septembre prochain. Selon le communiqué de presse de la CGT, “cette convocation est hautement politique : le pouvoir franchit un nouveau cap gravissime et inédit dans la répression syndicale à l’égard des militants de la CGT”. Les faits reprochés à Sébastien Menesplier ? Avoir participé à des coupures de courant pendant la mobilisation contre la réforme des retraites, notamment à Annonay, en Ardèche, ville de prédilection du ministre du Travail. Olivier Dussopt y est né en 1978, et en a été le maire de mars 2008 à juillet 2017. Sébastien Menesplier se voit reprocher l’infraction de “mise en danger d’autrui par personne morale (risque immédiat de mort ou d’infirmité) par violation manifestement délibérée d’une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence”. Il a par ailleurs affirmé au quotidien Libération que sa convocation relève d’une audition libre, “sans garde à vue à la clé”. La CGT organise un rassemblement en soutien de son militant le 6 septembre prochain, à 8h30, en présence de Sophie Binet, devant la gendarmerie de Montmorency (Val-d’Oise).

Source : actuel CSE

Droit syndical : panorama des décisions récentes (janvier à juillet 2023)

30/08/2023

Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois apportent des précisions ou rappellent des règles relatives au droit syndical. Tableau récapitulatif de jurisprudence.

Le droit syndical donne lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces solutions ne tranchent pas une incertitude ou n’élaborent une règle, mais elles rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes, c’est pourquoi nous vous en parlons. Voici, sous la forme de tableau, une sélection de ces arrêts du mois de janvier au mois de juillet 2023.

ThèmeContexteSolution
Représentativité syndicale  L’article L. 2121-1 du code du travail prévoit 7 critères cumulatifs de représentativité des syndicats. L’un d’eux est la transparence financière, laquelle est assurée par des comptes certifiés annuels, établis suivant des modalités adaptées aux différents niveaux des organisations syndicales et conformes aux normes applicables aux organisations syndicales. Ces règles de certification et de publication des comptes sont définies par les articles L. 2135-1 à L. 2135-6 du code du travail.  Lorsque les comptes de résultat et bilans simplifiés du syndicat ont bien été approuvés par son bureau, sans que les statuts prévoient une approbation par l’assemblée générale, le critère de transparence financière est bien satisfait (Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 22-14.029). 
Désignation d’un délégué syndical La validité de la désignation d’un délégué syndical s’apprécie à la date de la réception par l’employeur de la notification qui lui en est faite.  La validité de la désignation d’un délégué syndical doit être appréciée à la date à laquelle elle a été effectuée. Le retrait ultérieur du mandat du DS, quel qu’en soit le motif, n’a aucun effet rétroactif. De même, la validité de la désignation d’un DS en remplacement d’un autre DS doit être appréciée à la date à laquelle elle a été effectuée (Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 22- 15.667).  
Action en justice d’un syndicat dans l’intérêt collectif de la profession  Les syndicats non-signataires d’un accord collectif peuvent agir sur le fondement de l’article L. 2132-3, que l’accord ait été étendu ou non, sous la seule réserve que soit en jeu l’intérêt collectif de la profession et non les intérêts individuels des salariés. En effet, l’inapplication d’une convention ou d’un accord collectif de travail, même non étendu, cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession.  Un syndicat qui dénonce la mise en place d’une convention de forfait peut demander des dommages et intérêts au titre de l’intérêt collectif de la profession lorsque les dispositions de la convention collective relatives au forfait jours ne comportent pas de garanties suffisantes pour que la charge et l’amplitude de travail des salariés concernés restent raisonnables, l’accord d’entreprise en cause n’étant pas davantage protecteur (Cass. soc., 25 janv. 2023, n° 20-10.135).
  Est recevable l’action d’un syndicat tendant à contraindre un employeur à mettre fin à un dispositif irrégulier (prise de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail, d’une convention de forfait ou résultant de l’affectation de droits affectés au CET), en revanche, sa demande tendant à obtenir que les salariés soient rétablis dans leurs droits n’a pas pour objet la défense de l’intérêt collectif de la profession.     L’irrecevabilité de l’action du syndicat ne porte pas atteinte à la liberté syndicale (alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946), ni au droit à la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail (alinéa 8 du même Préambule). Enfin, il n’y a pas d’atteinte au principe de responsabilité découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dès lors que les salariés concernés peuvent agir individuellement pour obtenir réparation, le délai de prescription de l’action en paiement des créances salariales ne commençant à courir qu’à compter de l’issue de la procédure engagée par un syndicat devant la juridiction civile ayant mis les salariés en mesure de connaître le statut collectif applicable (Cass. soc., 20 avr. 2023, n° 23- 40.003).   

Séverine Baudouin

CFDT et Medef, ou la mésentente cordiale

01/09/2023

En clôture de son université d’été, la CFDT a organisé hier matin un débat entre Marylise Léon, la nouvelle secrétaire générale du syndicat, et Patrick Martin, qui a succédé cet été à Geoffroy Roux de Bézieux à la tête du Medef. Entre les deux responsables, des points de convergence, y compris sur la nécessité de revaloriser les parcours syndicaux, mais aussi de sérieux désaccords sur l’assurance chômage, les sujets liés aux retraites (emploi des seniors, usure professionnelle, etc.) ou l’approche de la transition écologique. Le patronat va d’ailleurs adresser un courrier aux syndicats pour leur demander de désapprouver l’idée de décroissance…

On le savait mais Marylise Léon l’a confirmé on ne peut plus clairement en clôture de l’université de la CFDT, hier matin à Boissy-la-Rivière, dans l’Essonne : l’intersyndicale nouée au moment des retraites, et qui appelle à une nouvelle journée d’action sur les salaires le 13 octobre prochain, n’exclut pas la compétition électorale entre les organisations syndicales.

 Nous entrons dans le “money time” pour les élections CSE

“Il faut être représentatif pour peser dans les entreprises. Nous sommes dans le “money time” pour les CSE : la grande majorité des élections aura lieu dans les 4 mois, ces 4 mois pèseront donc lourd dans la représentativité. Si on veut rester premiers, c’est maintenant ! L’urgence c’est de gagner ces élections pour pouvoir agir”, a lancé la nouvelle secrétaire générale en évoquant les 56 000 nouveaux adhérents glanés cette année par la CFDT.

Conférence sociale : le Medef “assez méfiant de ces grandes messes”

Dans cette rentrée, ce défi électoral se jouera dans un climat social et politique tendu par le récent conflit sur les retraites, les émeutes urbaines, la persistance du problème du pouvoir d’achat (*), sans oublier les revendications syndicales toujours au point mort comme la révision des ordonnances de 2017.

Des tensions que l’idée d’une conférence sociale, lancée la veille par l’Elysée lors de la rencontre avec toutes les formations politiques, auront du mal à apaiser. A ce sujet, Patrick Martin, le nouveau président du Medef que la CFDT avait convié à débattre avec Marylise Léon, s’est montré critique : “Je suis assez méfiant de ces grandes messes, nous sommes majeurs et vaccinés. Je serai donc attentif à ce que les partenaires sociaux soient respectés”.

Un temps partagé sur le problème du pouvoir d’achat, ce serait une bonne chose 

La secrétaire générale de la CFDT, une organisation qui appelait de ses vœux une telle conférence sociale, s’est montrée plus ouverte, tout en restant prudente : “Cela fait plusieurs mois que cette idée tournicote dans l’air, attendons de savoir ce que veut faire le président de la République, je crois qu’une deuxième réunion est prévue entre l’Elysée et les partis politiques. Mais si nous avions un temps partagé pour mettre le problème du pouvoir d’achat sur la table, ce serait bien. Sur les 151 branches de plus de 5 000 salariés, nous avons encore 95 qui ont des coefficients inférieurs au Smic” (**).

Appelez les branches à renégocier les classifications ! 

Et Marylise Léon d’appeler le patronat à pousser les branches à renégocier leurs classifications et leurs salaires : “Certaines n’ont pas négocié depuis des années. Compte tenu du rythme d’évolution des métiers et du problème de pouvoir d’achat, ce n’est plus possible !” La secrétaire générale de la CFDT enjoint aussi le Medef à respecter l’accord interprofessionnel national sur le partage de la valeur qui prévoit l’ouverture de négociations sur les classifications. Sur ce point, Patrick Martin, tout en soulignant “l’accélération très forte de la distribution des primes de partage de la valeur” et une évolution des rémunérations plus favorable aux salariés en 2023, s’est engagé à concrétiser ces chantiers, “car les entreprises doivent attirer et fidéliser les salariés”.

Le Medef veut faire partager un objectif de croissance

Mais il a aussi mis renvoyé la balle dans le camp syndical. Le Medef va adresser un courrier aux organisations syndicales pour leur demander de partager un objectif commun au sujet de la transition écologique : “Entre partenaires sociaux, a dit Patrick Martin, je veux m’assurer que nous partageons cette vision que la décroissance n’est pas la solution. On peut caricaturer le Medef en disant qu’on est dans le déni sur le plan climatique. Non, nous sommes conscients de la nécessité de la décarbonation et du maintien de la biodiversité, nous nous alignons sur les objectifs de l’Union européenne, nous sommes donc engagés dans une croissance responsable, mais la voie est étroite”.

Et le président du Medef, inquiet de voir la France supplantée dans la compétition économique mondiale, d’estimer à 40 milliards les investissements que les entreprises devront faire dans les prochaines années pour réussir la transition. A ses yeux, cela impose de maintenir une croissance économique pour dégager des marges afin de financer cette transition mais aussi de financer notre modèle social : “Faute de croissance, on se crêpera le chignon pour gérer la pénurie. La création de richesses est le seul moyen de régler nos problèmes en donnant du grain à moudre”. 

Une croissance pensée comme avant nous conduit droit dans le mur 

Cette déclaration a été accueillie plutôt fraîchement par Marylise Léon. “Une croissance avec pour seul objectif la compétition économique nous amène droit dans le mur. Le contenu de cette croissance est fondamental, nous devons changer nos repères, notre façon de travailler et de consommer. Il y a aussi le défi de la qualité de nos services publics. Cette transition écologique, ça risque de secouer fort le cocotier et le risque, c’est que les plus précaires soient victimes du réchauffement climatique”, a averti la dirigeante syndicale.  

Pas la même conception du rôle de l’Etat dans les prochaines discussions

La CFDT et le Medef, qui se veulent des organisations ayant “une responsabilité éminente dans le dialogue social” selon les mots de Patrick Martin, se félicitent des trois derniers accords nationaux interprofessionnels signés dans les six derniers mois (***). Pour autant, une forte divergence se fait jour concernant le rôle des politiques concernant l’agenda social des discussions qu’elles doivent mener ensemble. Certes, il y a les sujets où les partenaires sociaux, qui ont bâti un agenda social commun, vont négocier seuls. C’est le cas des retraites complémentaires, avec une échéance dès le 4 octobre.

C’est le cas d’autres sujets sur lesquels patronat et syndicats ont convenu de négocier : la valorisation des parcours syndicaux, par exemple, Patrick Martin soutenant que les entreprises “ont besoin d’interlocuteurs affûtés, pour lesquels il doit exister des perspectives d’évolution”.

Elle s’annonce musclée la négociation sur l’assurance chômage 

Il y aussi les sujets qui fâchent tout le monde car cadrés trop sévèrement par l’exécutif, comme l’assurance chômage. Pour cette négociation devant aboutir le 15 novembre, Patrick Martin propose au nom du Medef  une baisse des cotisations des entreprises afin d’éviter que d’éventuels excédents de l’Unedic ne soient utilisés “on ne sait comment” (il s’agirait de financer la formation des demandeurs d’emploi) par l’Etat. “Ca s’annonce musclé la négociation chômage si vous commencez comme ça”, lui a répliqué la syndicaliste.

Mais il y a aussi tout un volet de discussions, normalement prévues d’ici le printemps 2024, concernant les sujets liés aux retraites comme l’emploi des seniors, les reconversions, l’usure professionnelle, le compte épargne temps universel, des thèmes où Medef et CFDT divergent.

 L’exécutif est légitime pour engager des travaux

 Là où l’organisation patronale aimerait avoir les coudées franches dans des discussions interprofessionnelles sans intervention de l’Etat, la CFDT ne voit pas d’inconvénient à ce que l’Etat soit partie prenante : “L’exécutif a sa légitimité pour engager des travaux, en bonne intelligence et en concertation avec les organisations du monde du travail comme le prévoit l’article L.1 du code du travail (..) A partir du moment où il y a une volonté politique, la voie la plus efficace est que toutes les parties jouent cartes sur table, afin qu’on sache à quoi s’en tenir sur les positions des uns et des autres, pour éviter de se retrouver dans des débats sans fin vu l’état de notre représentation nationale”. Autrement dit : tous les acteurs doivent être associés dès le départ à un projet politique afin de trouver un compromis qui puisse être traduit dans une loi adoptée au Parlement. De façon non dite, cette approche vise aussi, pour la CFDT, à mettre la pression sur les organisations patronales, dont on sait le peu d’entrain à négocier, par exemple, sur la pénibilité -pardon, sur “l’usure professionnelle”.

Conditionnalité des aides et ordonnances : le grand clivage

Autre point de clivage, bien connu : la revendication par les syndicats d’une conditionnalité des aides aux entreprises. “Quelle est l’efficacité de ces aides qui bénéficient d’abord aux grandes entreprises ?” interroge Marylise Léon. Réponse de Patrick Martin : “Conditionnalité ? Je n’y crois pas. Une aide à l’apprentissage est déjà conditionnée au recrutement d’un apprenti !” Et le président du Medef de refuser par avance toute augmentation de la fiscalité pour les entreprises françaises, “déjà les plus taxées au monde”, tandis que la CFDT soutient à l’inverse la proposition de l’économiste Jean Pisani-Ferry d’une “contribution temporaire des plus aisés afin de financer la transition écologique”. 

Comment négocier avec moins de moyens pour les IRP ? 

Une divergence qu’on retrouve aussi dans l’approche des ordonnances de 2017 ayant créé le CSE, le comité social et économique. Sonia Paccaud, la secrétaire départementale de l’union CFDT du Rhône, a apostrophé ainsi le dirigeant patronal : “Quelle peut être la capacité des institutions représentatives du personnel à mener des négociations et à participer aux enjeux de la transition écologique compte tenu de la perte de leurs moyens du fait des ordonnances ?”

Patrick Martin a répondu en dissociant son rôle de président du Medef de son approche personnelle en tant que dirigeant. En tant que responsable patronal, le successeur de Geoffroy Roux de Bézieux affirme son opposition à toute révision des ordonnances. Mais en tant que dirigeant d’entreprise, confie-t-il, “je suis soucieux qu’on maintienne ou qu’on redéveloppe un dialogue social de proximité, y compris contre l’avis de certains de mes cadres dirigeants”.  

(*) Les trois quarts des motifs de grève ayant conduit la CFDT à soutenir financièrement ces actions en 2022 étaient liés à des revendications salariales. 

(**) Selon les derniers chiffres du ministère du Travail, au 25 août 2023, 80 branches affichent un coefficient inférieur au Smic, dont 2 branches (dont les casinos) en situation de non-conformité depuis 2021 et 13 branches depuis plus d’un an. Par ailleurs, 91 branches ont conclu un accord ou émis une recommandation prévoyant un premier coefficient supérieur au Smic. Explications : les revalorisations du Smic entraînent un tassement des grilles conventionnelles et font basculer, en l’absence de négociations de revalorisations, certaines branches en deçà du salaire minimum. 

(***) En 2023, organisations syndicales et patronales ont signé des accords nationaux interprofessionnels (Ani) en février sur le partage de la valeur, en avril sur la transition écologique, en mai sur la branche accidents du travail maladies professionnelles (AT-MP). 

Bernard Domergue