Le bureau de jugement saisi d’une prise d’acte peut se prononcer sur la qualité de salarié du demandeur
21/09/2023
En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail, une procédure accélérée devant le conseil de prud’hommes permet au salarié de saisir directement le bureau de jugement. S’il existe un doute sur la qualité de salarié du demandeur, qui était en l’espèce directeur général, le bureau de jugement reste compétent pour se prononcer. C’est ce que précise la Cour de cassation dans un arrêt du 14 juin 2023.
La conciliation préalable présente un caractère obligatoire en matière prud’homale, cela résulte de l’article L.1411-1 du code du travail. Par dérogation, la loi l’écarte pour certains litiges, notamment en matière de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié.
Aux termes de l’article L.1451-1 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement. De plus, ce dernier est tenu de statuer au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.
Cette dérogation a été instaurée par la loi n° 2014-743 du 1er juillet 2014 relative à la procédure applicable dans le cadre d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Son champ d’application nécessite naturellement d’être précisé.
La procédure s’applique même si la qualité de salarié est contestée
Dans cette affaire, la question portait sur la compétence du bureau de jugement saisi sur ce fondement pour se prononcer également sur l’exception d’incompétence tirée de la qualification de contrat de travail.
En l’espèce, l’employeur, en tant que défendeur à l’instance, avait soulevé une exception d’incompétence de la juridiction prud’homale tenant à l’absence de contrat de travail du demandeur. Ce dernier soutenait avoir été lié par un contrat de travail à la société dont il était ensuite devenu directeur général.
Le pourvoi de l’employeur reprochait à la cour d’appel d’avoir admis la saisine directe du bureau de jugement. Il rappelait que selon l’article L.1451-1 du code du travail, le bureau de jugement n’est compétent pour statuer directement que lorsqu’il est saisi par le salarié d’une demande de requalification de la rupture de son contrat de travail et faisait observer que son application supposait que l’existence de ce contrat et la qualité de salarié ne soient pas contestées.
Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, qui approuve la cour d’appel, dès lors que le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reprochait à son employeur, le bureau de jugement devant lequel l’affaire est directement portée est compétent pour se prononcer sur l’exception d’incompétence tirée de la qualification de contrat de travail.
La solution inverse aurait ouvert la possibilité à l’employeur, défendeur à l’instance, de soulever systématiquement l’exception d’incompétence tirée de la qualification de contrat de travail et ainsi de faire obstacle à l’objectif de célérité poursuivi par cette procédure dérogatoire.
► La Haute juridiction avait déjà eu l’occasion de statuer sur le champ d’application de cette procédure accéléréeets’est prononcée en faveur de son application en matière dedémission équivoque(arrêt du 18 septembre 2019).
Pacte des solidarités : la CFDT réclame plus de mesures contre la pauvreté
20/09/2023
Le gouvernement a présenté, lundi 18 septembre, son Pacte des solidarités destiné à lutter contre la pauvreté. Il prend le relais de la “stratégie nationale” développée par Emmanuel Macron en 2018. Structuré en quatre thèmes (enfance, retour à l’emploi, lutte contre la grande pauvreté, transition écologique), le Pacte 2023 propose la reconduction de mesures existantes (repas à un euro dans les restaurants universitaires, petits-déjeuners gratuits dans certaines écoles…) ainsi qu’une augmentation de 50% des crédits dédiés à la lutte contre la pauvreté par rapport à la stratégie précédente, notamment pour soutenir les associations d’aide alimentaire.
La CFDT attend quant à elle “un engagement de haut niveau” de l’État contre la pauvreté (communiqué en pièce jointe). Le syndicat “constate que de nouvelles annonces qui permettraient de faire face à l’urgence ne sont pas au rendez-vous. Alors que l’inflation sur les produits alimentaires a atteint 22% sur deux ans, la CFDT regrette que le plan ne prévoie pas de hausse des minimas sociaux”. Elle s’interroge également sur la réforme du RSA (15 heures obligatoires d’activités) qui “risque d’augmenter le taux de non-recours qui atteint déjà 36%”.
Source : actuel CSE
Économie, environnement, démocratie, CSE : Sophie Binet fixe les priorités de la CGT
22/09/2023
Lors d’une conférence de presse organisée à Montreuil jeudi 21 septembre, la secrétaire générale de la CGT a déroulé ses priorités, stratégies et calendrier d’action jusqu’à début novembre. Elle positionne ainsi la CGT sur les grands sujets du pays et la suite des élections professionnelles dans les entreprises privées.
“Nous sommes très inquiets de la situation”, a indiqué Sophie Binet dès l’introduction de sa conférence de presse jeudi 21 septembre. La secrétaire générale souhaite alerter sur la situation économique et sociale, l’inaction climatique et la montée du Rassemblement National, trois sujets qui marqueront les actions du syndicat dans les prochains mois. Pour répondre à ces enjeux, elle compte s’appuyer sur l’unité intersyndicale, l’exigence d’une politique industrielle de la part de l’État et plusieurs campagnes de moyen et long terme, notamment une sur la syndicalisation. Enfin, si elle “se heurte à un mur dogmatique” sur une éventuelle réforme des ordonnances Macron sur le CSE, ce sujet reste pour elle à l’ordre du jour.
Une alerte économique, environnementale et démocratique
Sophie Binet veut jouer la boucle prix-profits contre la boucle prix-salaires qui constitue selon elle “l’angoisse du gouvernement et du patronat. La société STMicroelectronics présente une hausse de chiffre d’affaires de 26 % et une hausse des profits de 100 %. Les taux de marge de l’agroalimentaire ont augmenté de 45 % au 4e trimestre 2022. C’est donc bien la boucle prix-profits qui risque de plonger le pays dans la crise économique”, a-t-elle argumenté. Autre sujet d’inquiétude, l’inaction climatique : “L’environnement est sans cesse renvoyé aux calendes grecques. Alors que la chaleur tue, aucune mesure d’adaptation n’est prise pour les travailleurs, le gouvernement préférant laisser faire les employeurs”. Sophie Binet s’inquiète enfin de la montée du Rassemblement National qu’elle impute directement au passage en force du gouvernement sur la réforme des retraites : “Quand on refuse de donner gain de cause aux organisations syndicales et à une mobilisation massive, on accrédite le fatalisme et l’idée qu’on a tout essayé sauf le RN”. Elle compte enfin demander l’organisation au CESE (Conseil économique social et environnemental) d’un débat citoyen sur les rapports entre la police et la population dans le but “d’initier un cadre collectif avec les associations des quartiers populaires”. Pour mémoire, la CGT organise avec la FSU, Solidaires et des associations et ONG une mobilisation contre les violences policières et la défense des libertés le 23 septembre.
Ses leviers d’action : l’unité syndicale, la politique industrielle, des campagnes à moyen et long terme
“L’intersyndicale a été une boussole, un phare dans la tempête, et elle va durer sous diverses formes”, a affirmé Sophie Binet. De fait, les confédérations seront de nouveau réunies le 13 octobre pour une manifestation sur les thèmes des salaires, de l’égalité femmes-hommes et d’opposition aux politiques d’austérité. Une mobilisation qui donnera ou non un rapport de force favorable aux syndicats dans la conférence sociale qui s’ouvrira trois jours plus tard, le 16 octobre, justement sur le sujet des bas salaires. Sophie Binet y réclamera la révision de l’index d’égalité femmes-hommes et la transposition de la directive européenne sur la transparence salariale. Par ailleurs, l’unité syndicale porte selon elle ses fruits dans les négociations interprofessionnelles en cours sur l’Agirc-Arrco et l’assurance chômage.
Sophie Binet fait également un lien entre le Rassemblement National et le défaut de politique industrielle du pays. “Pour faire barrage au RN, il faut des avancées concrètes, nous ouvrons donc la rentrée sociale sur les questions industrielles”, a-t-elle indiqué en se référant aux dossiers des sociétés françaises Valdunes (fabricant de roues et d’essieux de trains) et de Clestra (fabricant de cloisons), deux entreprises menacées de fermeture où elle s’est rendue personnellement pour soutenir les salariés. Afin de donner “des perspectives collectives” sur ces sujets, la CGT va lancer un plan d’action syndical pour l’environnement qui concernera toutes les fédérations de l’organisation et exigera de “réfléchir à tout ce qu’il faut changer pour intégrer la question environnementale”. Une autre campagne de syndicalisation sera lancée avec le message suivant : “L’enjeu n’est pas de multiplier les courses à l’échalotte avec les autres organisations syndicales mais de faire reculer les déserts syndicaux”. Une bataille de l’implantation qui profite du mouvement d’adhésions syndicales issu du mouvement social contre les retraites. Les secteurs de travail précaires, du tertiaire et les petites entreprises seront particulièrement visés.
Élections professionnelles et ordonnances sur le CSE
La CGT enregistre selon Sophie Binet “de bonnes nouvelles” sur le front des élections professionnelles qui se poursuivent pour renouveler les mandats des élus de CSE jusqu’à la fin de l’année 2023. “Les chiffres ne sont pas stabilisés mais nous connaissons de belles progressions avec des nouvelles listes dans les 2e et 3e collèges”, nous a-t-elle détaillé. Le bilan est moins reluisant sur la question des renégociations des accords de CSE. Selon la secrétaire générale, “ces renégociations se font à la baisse avec un moins-disant social, ce qui es très inquiétant et confirme la fuite en avant du patronat”. Enfin, elle dit “se heurter à un mur dogmatique sur une réforme des ordonnances macron sur les CSE malgré les arguments des comités d’évaluation, et notamment parce que les ordonnances portent le nom d’Emmanuel Macron”.
Agenda de rentrée : les prochaines dates importantes de la CGT
23/09 : marche contre les violences policières 26/09 : meeting à la Défense 28/09 : déplacement de Sophie Binet à la centrale du Tricastin (Vaucluse) 5/10 : journée contre le racisme et l’antisémitisme 13/10 : mobilisation européenne 18/10 : 60e anniversaire de l’Ugict-CGT (fédération des ingénieurs cadres techs) 9/11 : journée d’étude de la CGT au CESE sur les métiers du soin
Heures de délégation, réunion extraordinaire, audition des salariés par l’expert, dénonciation d’un accord : vos questions, nos réponses
19/09/2023
Le groupe d’édition juridique Lefebvre Dalloz était présent au Salon Eluceo de Lyon les 12 et 13 septembre. Bernard Domergue (actuEL-CSE) et Séverine Baudouin (Dictionnaire permanent social) y ont donné une conférence sur l’actualité du droit des représentants du personnel. De nombreux participants ont posé plusieurs questions pertinentes, dont les réponses peuvent intéresser nos abonnés ! Nous vous les partageons donc dans cet article questions-réponses.
Question n° 1
“L’employeur peut-il nous imposer de récupérer les heures de délégation effectuées en dehors du temps de travail au lieu de nous les payer ?”
► Notre réponse
Oui, mais dans certaines conditions. Rappelons que les heures de délégation permettent aux représentants du personnel qui en bénéficient de s’absenter de leur poste de travail pour exercer leur mandat. Il arrive que les nécessités du mandat les obligent à prendre ces heures de délégation en dehors de leur temps de travail. Dans les deux cas, il existe une “présomption de bonne utilisation” de ces heures, laquelle implique que l’employeur est obligé de les payer à l’échéance, en heures supplémentaires pour les heures prises hors temps de travail.
Oui, mais seulement s’il y a un accord de branche ou un accord d’entreprise qui le prévoit
Concernant ces heures, doivent-elles obligatoirement être payées en heures supplémentaires ou l’employeur peut-il imposer leur récupération ? La jurisprudence a précisé que l’employeur peut imposer aux représentants du personnel de prendre un repos compensateur obligatoire en contrepartie des heures de délégation prises hors temps de travail, au lieu d’être rémunéré en heures supplémentaires. Cependant, cette alternative ne peut être mise en œuvre que s’il existe une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement, ou, à défaut de branche, appliqué à l’ensemble des salariés (Cass. soc., 9 oct. 2012, n° 11-23.167).
A savoir également : lorsqu’une convention collective prévoit que, contrairement aux salariés “de droit commun”, les représentants du personnel ont le choix entre repos compensateur obligatoire et rémunération des heures supplémentaires, l’employeur ne peut pas leur imposer la formule du repos compensateur. A défaut, s’il s’agit d’une convention collective étendue, il est susceptible d’être poursuivi pour délit d’entrave (Cass. crim., 26 janv. 2016, n° 13-85.770).
Enfin, lorsqu’un élu utilise des heures de délégation pendant ce repos compensateur, ces heures ne doivent pas faire l’objet d’une rémunération supplémentaire, mais simplement d’un report (Cass. soc., 23 mai 2017, n° 15-25.250).
Question n°2
“Comment demander une réunion extraordinaire du CSE ?”
► Notre réponse
C’est l’employeur qui fixe les réunions du CSE, c’est lui qui envoie convocation et ordre du jour (lequel est élaboré conjointement avec le secrétaire). Ce calendrier est parfois discuté avec les élus. Cependant, un besoin peut apparaître entre 2 réunions, et les élus doivent savoir qu’ils peuvent facilement demander une “réunion extraordinaire”.
Il y a 2 situations à distinguer :
Réunion extraordinaire « classique » : le CSE peut tenir une seconde réunion à la demande de la majorité de ses membres (C. trav., art. L. 2315-28, al. 3). Cette possibilité est ouverte par la loi quelle que soit la périodicité minimale des réunions applicable dans l’entreprise. Cette majorité des membres du comité s’entend de la majorité des membres élus ayant voix délibérative (Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 17-27.889).
Le code du travail ne prévoit aucun formalisme particulier pour cette demande. En pratique, la demande de convocation d’une réunion extraordinaire du comité peut résulter soit d’une lettre signée par la majorité des membres titulaires du comité que le secrétaire du comité ou l’un de ses membres adresse à l’employeur, soit d’un simple vote de la majorité des membres titulaires du comité au cours d’une réunion ordinaire.
Pour une réunion sur un thème “classique”, il faut une demande votée à la majorité
La demande doit obligatoirement comporter les questions qui seront abordées au cours de la réunion. L’employeur ne peut pas se faire juge de l’opportunité ou de l’utilité d’une réunion extraordinaire régulièrement demandée par la majorité des membres du CE. Sous peine de commettre un délit d’entrave, il ne peut donc refuser de l’organiser. Cependant, le code du travail ne prévoit pas de délai entre la date de la demande et celle de la réunion. En pratique cette réunion doit avoir lieu le plus vite possible ;
Réunion extraordinaire dans le domaine de la santé, sécurité et conditions de travail : le CSE est réuni à la demande motivée de 2 de ses membres représentants du personnel, sur les sujets relevant de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-27, al. 2).
Pour une réunion sur la santé, une demande motivée de 2 membres suffit
Ces dispositions sont d’ordre public, il est donc impossible d’y déroger dans un accord traitant des réunions du CSE, et l’employeur se doit nécessairement d’organiser la tenue de cette réunion.
A savoir également : l’employeur peut lui-aussi être à l’origine d’une réunion extraordinaire lorsqu’il l’estime nécessaire ou lorsque des circonstances particulières liées à l’urgence d’une situation l’exigent. Il pourrait par exemple en être ainsi en cas de consultation du CSE sur le licenciement d’un salarié protégé. Il est important de souligner que les réunions extraordinaires organisées à l’initiative de l’employeur sont soumises à l’ensemble des règles applicables aux réunions ordinaires du CSE. Dans ce cas, l’employeur ne peut pas établir l’ordre du jour tout seul, il doit convier le secrétaire. Il ne peut pas non plus ne convoquer que certains membres du CSE et pas d’autres.
Question n°3
“Le refus de l’employeur de laisser l’expert auditionner les salariés peut-il justifier un report des délais de consultation du CSE ?mment demander une réunion extraordinaire du CSE ?”
► Notre réponse
Cette question fait suite au commentaire que nous faisions d’un arrêt récent. En juin dernier, la Cour de cassation a décidé qu’un expert, intervenant dans le cadre de la politique sociale, ne pouvait procéder à l’audition des salariés de l’entreprise, audition qu’il estimait utile pour sa mission, qu’à la condition d’obtenir l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés (Cass. soc., 28 juin 2023, n° 22-10.293).
Rappelons tout d’abord, comme le souligne d’ailleurs cette décision, que l’expert a libre accès à l’entreprise et que l’employeur doit lui fournir les informations nécessaires à sa mission (C. trav., art. L. 2315-82 et L. 2315-83). D’autre part, c’est seulement lorsque le comité estime ne pas disposer d’éléments suffisants, qu’il peut saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. Attention, cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai de consultation. Toutefois, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires, le juge peut décider la prolongation du délai (C. trav., art. L. 2312-15, al. 4 et 5).
Non, il n’y a pas de report automatique du délai de consultation
Donc, non, il n’y a aucun automatisme de report du délai de consultation lorsque l’employeur refuse à l’expert le droit d’auditionner les salariés.
Cependant, si ces auditions s’avèrent nécessaires à l’information de l’expert dans sa mission, laquelle a pour but d’éclairer le CSE pour rendre son avis, la procédure de demande d’informations supplémentaires, avec demande de prolongation du délai de consultation semble envisageable. Mais il faudra agir en justice et prouver la nécessité de ces auditions à l’information de l’expert.
Question n°4
“Un accord collectif sur le temps de travail a été dénoncé. Combien de temps continue-t-il de produire ses effets après sa dénonciation ? Quelles dispositions s’appliquent-elles si les partenaires sociaux ne signent pas de nouvel accord ?”
► Notre réponse
En cas de dénonciation d’un accord collectif à durée indéterminé (la dénonciation d’un accord à durée déterminée étant impossible), le code du travail prévoit que la convention ou l’accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis de 3 mois, sauf clause prévoyant une durée déterminée supérieure (C. trav., art. L. 2261-10, al. 1er). C’est ce que l’on appelle le “délai de survie de l’accord”.
L’ouverture de négociations d’un accord dit “de substitution” est obligatoire à la demande d’une partie intéressée dans les 3 mois de la dénonciation.
Une garantie de rémunération s’applique en l’absence de nouvel accord
En cas d’échec des négociations dans le délai d’un an à compter de l’expiration du préavis, les salariés des entreprises concernées bénéficient d’une garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l’accord dénoncé(e) et du contrat de travail, lors des 12 derniers mois (12 mois précédant la date à laquelle la convention ou l’accord cesse de produire ses effets).
Rappelons qu’avant l’entrée en vigueur de la loi Travail du 8 août 2016, les salariés conservaient leurs “avantages individuels acquis” en application de la convention ou de l’accord dénoncé. La jurisprudence avait défini l’avantage individuel acquis comme une rémunération ou un droit dont le salarié bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel (par exemple, outre la rémunération : des jours de congés ou des temps de pause). Désormais, les salariés ne peuvent plus prétendre au maintien des avantages non salariaux. Les nouvelles dispositions s’appliquent aux conventions ou accords dénoncés ayant cessé de produire leurs effets à compter du 9 août 2016.
Ainsi, en dehors de cette garantie de rémunération, en l’absence d’accord de substitution, c’est le code du travail qui redevient applicable. Il convient de vérifier également si des dispositions d’un accord de branche ou de la convention collective sont applicables dans le domaine concerné.
► La rédaction d’actuEL-CSE et du Guide CSE des Editions Législatives / Lefebvre Dalloz vous propose deux nouvelles dates pour cette conférence sur le droit et l’actualité des représentants du personnel (“Salariés et CSE : les dernières évolutions du droit à connaître”) dans le cadre des salons Eluceo : le vendredi 13 octobre 2023 de 10h30 à 11h30 en salle 1, au stade Pierre Mauroy à Lille (s’inscrire ici); le mercredi 18 octobre 2023 de 11h30 à12h30 en salle 2, au Parc des Princes, à Paris (s’inscrire ici). Si vous vous trouvez à ces dates dans les régions lilloise et parisienne, vous êtes cordialement invités à venir échanger avec nous lors de ces conférences ou sur nos stands (stand A18 à Lille, loge 2-B08 à Paris) .
Séverine Baudouin
Les entreprises industrielles peuvent donner leur avis sur le prix de l’électricité
19/09/2023
Le gouvernement lance une consultation à destination des entreprises industrielles afin de recueillir leur besoin en termes de prix sur leur approvisionnement en électricité à l’horizon 2035. Cette consultation cible les entreprises “électro-intensives” ou “dont le coût de l’électricité représente un enjeu particulier”. Les contributions peuvent être déposées jusqu’au 29 septembre 2023.
Source : actuel CSE
[3 Q / R] Accès de l’expert-comptable aux documents de l’entreprise, assistance juridique aux salariés, droit aux activités sociales et culturelles
20/09/2023
Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert examine trois des questions qui lui ont été soumises par des élus du personnel. Dans cet article, les réponses aux questions suivantes : A quels documents de l’entreprise l’expert-comptable mandaté par le CSE peut-il avoir accès ? Un CSE peut-il proposer une assistance juridique aux salariés dans le cadre des activités sociales et culturelles (ASC) ? Un signataire d’un contrat civique a-t-il droit aux ASC ?
Dans le cadre du service de renseignement juridique par téléphone de Lefebvre Dalloz, les juristes de l’Appel Expert sont souvent sollicités par des élus du personnel. Nous avons eu l’idée de leur demander de choisir trois questions qui leur ont été soumises et d’y répondre. Voici leur sélection pour ce mois de septembre 2023. Bonne lecture !
[3 questions d’élus, 3 réponses d’expert]
Stéphanie Menegakis-Lacheré, juriste pour l’Appel Expert, répond à 3 questions posées par des élus de CSE en septembre 2023
A quels documentsl’expert-comptable mandatépar le CSE peut-il avoir accès ?
Aux mêmes documents que le commissaire aux comptes
En application de l’article L.2315-88 du code du travail, le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur situation économique et financière de l’entreprise. Sa mission va porter sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social, environnemental qui seront nécessaires à la compréhension des comptes et application de la situation de l’entreprise (article L.2315-89 du code du travail).
Pour opérer toute vérification et contrôle entrant dans l’exercice de ses missions, l’expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes de l’entreprise (article L.2315-90 du code du travail).
Concrètement, il peut se faire communiquer sur place toutes pièces qu’il estime utiles à l’exercice de sa mission et notamment tous les contrats, livres, documents comptables et registres des procès-verbaux d’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire (article L.823-13 du code de commerce).
Un CSE peut-il proposer une assistance juridique aux salariés dans le cadre des ASC ?
Oui, la jurisprudence le permet
Dans le cadre des ASC, le CSE peut proposer aux salariés une assistance juridique. Une convention est alors passée avec un cabinet d’avocats pour offrir individuellement aux salariés accès aux services de consultation. Selon une décision du TGI (tribunal de grande instance de Paris (4 juin 2013, n°12-05.394), l’assistance peut aussi porter sur le droit social.
Les élus du CSE peuvent se demander sur quel budget imputer les sommes versées au cabinet d’avocats. Il s’agit du budget des ASC, comme l’indique la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 21 juillet1986 n°85-13.424). Les missions d’assistance du comité dévolues à un tiers sont pratiquées dans l’intérêt des salariés ou anciens salariés de l’entreprise sans aucune discrimination. En conséquence, l’adhésion du CSE et le versement de cotisations correspondait au but des œuvres sociales qu’il est appelé à gérer en assurant un avantage particulier au salarié.
Un signataire d’un contrat civique a-t-il droit aux activités socialeset culturelles ?
Il revient au CSE de le décider
L’accès d’un stagiaire aux activités sociales et culturelles (ASC) ne pose pas de difficultés : il dispose des mêmes droits d’accès aux ASC que les salariés, en application de l’article L.124-16 du code de l’éducation. En revanche, le signataire d’un contrat civique n’est ni un salarié ni un stagiaire : il bénéficie d’un statut spécifique. Ce contrat de volontariat associatif ne prévoit pas de lien de subordination envers l’association. Il ne perçoit pas de salaire mais une indemnité. Aucun article du code du travail ne précise sa position vis-à-vis des prestations du CSE. En pratique, il revient au CSE de décider de son accès aux ASC dans une délibération.
Une infographie de Marie-Aude Grimont avec les juristes de l’Appel Expert du groupe
Partage de la valeur : les entreprises ont versé en moyenne 1 681 euros par salarié en 2023
20/09/2023
Les entreprises ont octroyé, en moyenne, 1 681 euros par salarié en 2023 au titre du partage de la valeur (intéressement et participation), soit une hausse de 3,7 % par rapport à 2022, selon une enquête du gestionnaire d’actifs Amundi, une filiale du Crédit Agricole et retraite qui gère l’épargne retraite de plus de trois millions de salariés (sur près de 12 millions de salariés français qui en détiennent). Le nombre de salariés bénéficiaires a, lui, aussi augmenté de 3,5 %.
Les salariés investissent et épargnent à long terme dans leur plan d’épargne d’entreprise (ou Perco/PER collectif), y compris dans un contexte de forte inflation et de volatilité des marchés financiers puisque 70% des montants versés ont été épargnés.
Si les salariés sont légèrement plus nombreux, cette année, à avoir placé cette épargne sur des fonds dits d’actions (21 % des investissements en 2023, +2 points) et des fonds monétaires (17,7 %, + 2 points), 22, 8% ont privilégié l’actionnariat salarié, contre 23,2 % en 2022. En revanche, les fonds obligataires et diversifiés ont été moins favorisés par les épargnants en 2023.
A noter : les fonds solidaires ont également été davantage choisis par les salariés pour investir leur participation et/ou intéressement.
Seuls 30 % des salariés ont demandé un versement immédiat, une proportion quasi-stable sur un an et qui concerne essentiellement les plus petits montants.
Source : actuel CSE
[Renégocier son accord CSE] “Il faut revoir la liaison CSE-CSSCT car elle ne fonctionne pas”
21/09/2023
Alors que les élections professionnelles se poursuivent jusqu’à la fin de l’année, peu d’accords de CSE sont réellement renégociés par les délégués syndicaux. Les élus courent donc le risque de reproduire les défauts de l’accord sur la nouvelle mandature. Nous avons donc demandé à Camille Piat, avocate spécialiste des CSE, ses conseils pour renégocier un accord, en particulier sur la composition du CSE et la liaison avec la CSSCT.
Avez-vous constaté que peu d’accords sur le CSE sont renégociés à l’occasion des élections professionnelles ?
Effectivement, par rapport à 2019, nous sommes moins consultés sur les accords CSE. Pour autant, cela ne signifie pas forcément qu’il y a peu de renégociations. Dans les entreprises où la culture de la négociation est bien installée, on constate que, dès 2019, employeurs et délégués syndicaux sont allés plus loin que le minimum légal. De ce fait, aujourd’hui ils peuvent renégocier certains points car ils se sont aguerris. Mais ce n’est pas la majorité des CSE à mon avis : dans de nombreuses entreprises, il n’y a jamais eu de vraies négociations de l’accord en 2019, et les clauses sont réduites au minimum.
Selon vous, quelle est la raison de ce phénomène ?
Les élus ne savent tout simplement pas par où commencer, même après 4 ans de mandat, ils peinent à tirer le bilan de l’instance.
Des délégués syndicaux nous ont indiqué craindre un “moins-disant social”. Qu’en pensez-vous ?
Cela reflète le climat dans lequel ils négocient. Il existe une vraie dichotomie : il y a les entreprises où on négocie vraiment, et celles où le dialogue stagne. Je conseille aux élus et délégués syndicaux de s’y mettre étape par étape. S’ils ont l’impression de devoir franchir un mur, ils peuvent commencer par se pencher sur le règlement intérieur du CSE, puis aborder le sujet des consultations, puis passer à un autre sujet. Et il faut bien-sûr avant tout se contraindre à réaliser un bilan de la mandature, étudier ce qui a marché, ce sur quoi le CSE a été entravé, etc. A défaut, ils vont conserver les défauts de l’accord et reporter les difficultés sur la mandature suivante.
Quel conseil leur donnez-vous pour lancer une renégociation des accords ?
Cela dépend du type d’entreprise, il faut étudier sa taille, sa composition, la présence de plusieurs sites ou d’un seul. Dans l’industrie, les enjeux de santé sont particulièrement lourds, beaucoup plus que dans le secteur tertiaire qui subit en revanche plus de risques psychosociaux. Je conseille d’abord de poser le bilan et peser les enjeux.
Le secrétaire et le trésorier ont besoin d’heures de délégation supplémentaires
J’ai constaté par expérience que le secrétaire du CSE et le trésorier ont besoin d’heures de délégation supplémentaires, afin que les procès-verbaux de réunion soient rédigés et transmis à l’employeur dans les temps impartis, soit 15 jours à défaut d’accord. Il faut au moins que, lors de la réunion du CSE, l’employeur fasse connaître ses décisions sur les propositions de la réunion précédente.
La loi prévoit une répartition des clauses relatives à la composition du CSE entre le protocole d’accord préélectoral (le “PAP”) et l’accord sur le CSE. Pourquoi ?
En effet, le PAP peut revenir sur le nombre d’élus ou le volume des heures de délégation, et je déconseille aux négociateurs de s’en affranchir pour inclure toutes les clauses dans l’accord CSE. Ce serait prendre le risque d’une contestation en justice. La raison de cette répartition est que le protocole d’accord préélectoral est soumis à une condition de double majorité de signature, ce qui n’est pas le cas de l’accord CSE. Il faut le voir comme un garde-fou : cela permet d’éviter qu’une organisation syndicale majoritaire ne signe avec l’employeur une baisse du nombre d’élus, notamment en contrepartie d’une hausse des heures de délégation. Avec la double majorité, les autres syndicats ont leur mot à dire. Il fallait donc prévoir que ces éléments figurent dans le protocole d’accord préélectoral.
Quel est selon vous l’enjeu majeur des clauses de compositions du CSE ?
Le plus important selon moi est de prévoir la présence des élus suppléants du fait de la limitation à 3 du nombre de mandats successifs.
Faire des suppléants d’aujourd’hui les titulaires de demain
Au début de leur 2e mandat, il faut absolument qu’ils s’intéressent au renouvellement des élus et prévoient des successeurs potentiels. Tous les élus que je rencontre me confient qu’ils peinent à trouver des candidats. Il est donc indispensable de prévoir dans l’accord que les suppléants assistent aux réunions. On leur met ainsi le pied à l’étrier, et on fait des suppléants d’aujourd’hui les titulaires de demain.
Qu’en est-il de la liaison entre le CSE et la CSSCT ?
En pratique, je constate qu’elle ne fonctionne pas car elle n’a pas été suffisamment pensée par le législateur. Je vois souvent un fonctionnement en vase clos de la CSSCT (commission santé, sécurité et conditions de travail), par des élus qui reproduisent ce qu’ils ont connu en CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Dans ce cas, il vaut mieux réduire les prérogatives des CSSCT dans les clauses car les CSE laissent passer trop de choses. Le point de rupture est atteint quand le CSE délègue son droit d’alerte à la CSSCT, et de ce fait se désintéresse de la commission. Ils finissent ainsi par se déconnecter des questions de santé, sécurité et conditions de travail, alors que c’est un sujet majeur pour les salariés.
Un CSE qui a délégué par accord son droit d’alerte à la CSSCT peut-il revenir sur cette clause en cours de mandat ?
En effet, contrairement aux délégations de droit civil, la délégation du droit d’alerte du CSE à la CSSCT n’est pas rédigée de manière indépendante, c’est une clause de l’accord CSE. Et c’est une question juridique sensible : le CSE se trouve-t-il dépourvu de son droit d’alerte ou peut-il le reprendre ? Selon moi, il a délégué le droit mais il le conserve quand même. C’est en fait un partage du droit d’alerte. En théorie, du fait de la délégation, le CSE ne peut plus user du droit d’alerte mais il conserve la possibilité de le faire. La réponse n’est pas évidente, j’en conviens ! Il faut en tout cas lister dans les accords les fonctions que le CSE délègue à la CSSCT.
En revanche, le CSE ne peut pas aller trop loin en confiant par exemple un droit d’expertise à la CSSCT. Pourquoi ?
Parce que la CSSCT ne dispose pas de la personnalité morale. Le CSE peut donc lui déléguer un droit d’alerte danger grave et imminent, mais pas une demande d’expertise. La commission fait partie du CSE, elle ne constitue pas une instance en tant que telle, ce n’est pas une instance dans l’instance. D’ailleurs, ses comptes rendus n’ont pas la valeur juridique des procès-verbaux du CSE.
Les négociateurs peuvent-ils réviser des clauses relatives à la composition du CSE en cours de mandat ?
La jurisprudence a déterminé que le protocole d’accord préélectoral (PAP) est un accord à durée déterminée. Certes, il peut être reconduit par tacite reconduction, mais cela n’en fait pas un accord à durée indéterminée. On ne peut donc pas le réviser, il doit aller à son terme. Il peut certes être dénoncé mais dans ce cas, la totalité de l’accord tombe, pas seulement une partie des clauses.
Quels sont les points de vigilance à avoir en tête si on renégocie les clauses de désignation des membres de la CSSCT par le CSE ?
La CSSCT doit comprendre au minimum trois membres représentants du personnel, dont au moins un représentant du second collège, ou le cas échéant du troisième collège. Évidemment, la composition de la CSSCT doit prendre en compte la composition de l’entreprise. La question qui se posait récemment était de savoir si lorsqu’une entreprise avait un troisième collège, un représentant membre de la CSSCT devait être issu du troisième collège.
La CSSCT n’a pas de siège réservé pour le collège cadre
Dans une décision de juillet 2023, la Cour d’appel d’Aix en Provence a jugé qu’il n’y a pas de siège réservé pour le collège cadre mais seulement pour les collèges 2 et 3. Cette position n’a pas été confirmée par la Cour de cassation mais il s’agit d’un point de réflexion car de nombreux accords de mise en place du CSE réservent une place au sein de la CSSCT pour un membre du 3e collège.
Quelles clauses conseillez-vous sur les moyens de la CSSCT ?
Idéalement, il peut être prévu des heures de délégation supplémentaires pour les membres de la CSSCT, notamment si des élus suppléants sont membres de la CSSCT et n’ont pas d’heures de délégation qui seraient déjà prévues conventionnellement. Concernant la formation, il est possible de prévoir une formation spécifique réservée aux membres de la CSSCT, en plus de celle ouverte pour l’ensemble des élus du CSE. Cette formation doit correspondre spécifiquement aux risques ou facteurs de risque particuliers, en rapport avec l’activité de l’entreprise selon le Questions/Réponses édicté par le Ministère du travail au moment de la mise en place des CSE.
Marie-Aude Grimont
Situation économique et financière : pas de consultation du CSE d’établissement, pas d’expert
22/09/2023
Le CSE d’établissement ne peut pas désigner un expert sur la situation économique et financière si l’employeur n’a pas décidé de le consulter, et qu’aucun accord collectif ne prévoit une consultation à ce niveau.
La question de la désignation d’un expert par le CSE d’établissement (CSEE) fait l’objet d’une jurisprudence abondante depuis près de 2 ans. La Cour de cassation tranche, dans cet arrêt publié du 20 septembre 2023 (en pièce jointe), un nouveau cas de figure dans le cadre de la consultation récurrente sur la situation économique et financière. La solution est sans surprise mais mérite d’être détaillée.
Désignation d’un expert par le CSEE dans le cadre de la consultation sur la situation économique et financière
Dans cette affaire, le CSE d’établissement du secteur d’activité de la cohésion sociale d’une association en faveur des personnes handicapées décide du recours à une expertise en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.
L’employeur conteste le droit à consultation et à expertise du CSEE et demande au tribunal judiciaire l’annulation de la délibération.
Le tribunal judiciaire refuse, au motif que “la possibilité du comité central d’entreprise d’être assisté par un expert-comptable pour l’examen annuel de la situation économique et financière de l’entreprise ne prive pas le comité social et économique d’établissement, qui dispose d’une autonomie suffisante et dans les limites de pouvoirs confiés au chef d’établissement, d’être assisté par un expert-comptable pour l’examen des comptes annuels, et donc plus largement de la situation économique et financière de l’établissement pour pouvoir notamment se comparer avec les autres établissements”.
► Le tribunal judiciaire applique ici une jurisprudence de la Cour de cassation de 2019, laquelle a reconnu le droit à expertise du comité d’établissement sous l’empire de la loi Rebsamen, contrairement à toute attente, afin de permettre à ce dernier de connaître la situation économique, sociale et financière de l’établissement dans l’ensemble de l’entreprise et par rapport aux autres établissements ; et ce sur le fondement de l’identité des attributions du comité d’établissement avec le CCE dans la limite des pouvoirs confiés au chef d’établissement, et de l’application du critère d’autonomie suffisante nécessaire à la mise en place d’un tel comité d’établissement (Cass. soc., 16 janv. 2019, n° 17-26.660). Cette solution avait surpris, et la rédaction avait émis des réserves sur son applicabilité suite à mise en place du CSE par l’ordonnance Macron.
Pas d’accord sur les consultations récurrentes et pas de consultation au niveau des CSEE
Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord avec cette décision. Elle rappelle que :
– selon l’article L. 2312-22 du code du travail, en l’absence d’accord prévu à l’article L. 2312-19, le CSE est consulté chaque année sur la situation économique et financière de l’entreprise, laquelle est conduite au niveau de l’entreprise, sauf si l’employeur en décide autrement et sous réserve de l’accord de groupe prévu à l’article L. 2312-20 du code du travail ; – aux termes de l’article L. 2315-88 du même code, le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable en vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.
Elle constate ensuite qu’il n’y a pas d’accord relatif aux consultations récurrentes dans cette association, et que l’employeur n’a pas décidé de consulter le CSEE sur la situation économique et financière.
La Haute juridiction en déduit, en toute logique que « la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise relevait du seul comité social et économique central et que le comité social et économique de l’établissement ne pouvait recourir à une expertise à ce titre ». Ainsi, en l’absence d’accord, et si l’employeur n’a pas soumis à la consultation du CSEE les comptes de l’établissement, et plus largement sa situation économique et financière, la consultation ne s’effectue qu’au niveau de l’entreprise et de son CSEC, et en conséquence, il n’y a aucun droit à expertise du CSEE.
Une solution dans la lignée de la jurisprudence récente de la Cour de cassation sur la répartition des compétences entre CSEC et CSEE
La Cour de cassation a rendu plusieurs décisions en matière de répartition des compétences entre CSEC et CSEE au cours des derniers mois. Elle a tout d’abord confirmé le lien de cause à effet entre droit à consultation, et droit à expertise. Ainsi, dès lors que le CSEE n’a pas compétence pour être consulté, il n’a pas de droit à expertise, et ce qu’il s’agisse d’une consultation récurrente (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-20.373, notamment) ou d’une consultation ponctuelle sur un projet (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-17.622).
Les décisions relatives aux consultations récurrentes concernaient toutes la politique sociale. Or, rappelons que cette consultation a la spécificité de se tenir au niveau des CSEE dès lors qu’aucun accord n’en décide autrement, et qu’il existe des mesures d’adaptation au niveau de l’établissement. Dans ce cas et seulement dans ce cas, le CSEE doit être consulté et donc peut désigner un expert, mais uniquement sur le champ desdites mesures d’adaptation (Cass. soc. 9 mars 2022, n° 20-19.974, notamment, et Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 21-23.992).
La Cour de cassation semble donc boucler la boucle en précisant dans l’arrêt du 20 septembre 2023 que le CSEE n’est consulté et donc n’a droit à un expert sur la situation économique et financière, que lorsque l’employeur a lui-même décidé de soumettre à la consultation dudit CSEE les comptes (et plus largement la situation économique et financière) de l’établissement. Bien sûr, rappelle la Cour de cassation, un accord peut en décider autrement, et dans ce cas, ce sont les dispositions de l’accord qu’il faudra appliquer. Il est donc possible de prévoir une telle consultation au niveau des établissements afin que les CSEE puissent comparer leur situation entre eux, et dans ce cas, l’expertise sera possible, et ce même si elle n’est pas prévue expressément par l’accord (Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-19.974).
Séverine Baudouin
Elections professionnelles : la CFDT passe en tête aux Chantiers de l’Atlantique
22/09/2023
Selon la fédération de la métallurgie CFDT, l’organisation de Marylise Léon devient première organisation syndicale à l’issue des élections professionnelles des Chantiers de l’Atlantique. Elle recueille en effet 31,8 % des voix, devant la CGT (29,44 %), la CFE-CGC (24,9 %) et FO (13,8 %). Avec 9 élus titulaires et 8 suppléants dans les 2e et 3e collèges, les fonctions de secrétaire et de trésorier du CSE reviendront à la CFDT.
La Cnav publie deux circulaires sur l’Aspa et les minima de pension
18/09/2023
Pris pour l’application de l’article 18 de la loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 2023, le décret du 10 août 2023 a fixé les nouveaux montants du minimum de la retraite personnelle tels que revalorisés à compter du 1er septembre 2023. Ces derniers ont été confirmés par une circulaire Cnav (caisse nationale d’assurance vieillesse) du 8 septembre :
le montant entier du minimum contributif de base est égal à 8 509,61 euros par an, soit 709,13 euros par mois (c’est-à-dire une augmentation de 25 euros par mois par rapport au 1er janvier 2023) ;
le montant entier du minimum contributif majoré est égal à 10 170, 86 euros par an, soit 847,57 euros par mois (c’est-à-dire une augmentation de 100 euros par mois par rapport au 1er janvier 2023).
Le montant du plafond de retraites personnelles pour l’attribution du minimum contributif est de son côté fixé à 1 352,23 euros par mois (pas de modification depuis le 1er mai 2023). Une autre circulaire du 11 septembre définit quant à elle les montants du seuil de recouvrement de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et de l’allocation supplémentaire sur succession, toujours à compter du 1er septembre.
Source : actuel CSE
Retraite : une circulaire Cnav sur l’âge légal de départ et la durée de cotisation est parue
La Cnav intègre ainsi les modifications apportées en la matière par l’article 10 de la loi du 14 avril 2023 et par les décrets n° 2023-435 et n° 2023-436 du 3 juin 2023. Elle en décline les conséquences sur la détermination de certains éléments de calcul de la retraite (incidences sur la décote et la surcote, sur les retraites de réversion, etc.).
La circulaire contient également des tableaux récapitulant le nouvel âge légal de départ, la durée d’assurance telle qu’issue de la LFRSS ou encore la date de départ possible au taux plein pour chaque génération née après le 31 août 1961.
Source : actuel CSE
Agirc-Arrco : vers un projet d’accord pour la prochaine séance
22/09/2023
Les partenaires sociaux ont bouclé une nouvelle séance de négociations mercredi soir au Medef. Un projet de texte pourrait être mis sur la table lors de la prochaine séance. Il aborderait entre autres le cumul emploi-retraites et la suppression du malus de 10 %, alors que l’exécutif menace de ponctionner l’Agirc-Arrco de 1 à 3 milliards.
“Une bonne séance ” (Éric Chevé, CPME). “On est rentrés dans le dur” (Yvan Ricordeau, CFDT), “dans le vif du sujet” (Pascale Coton, CFTC). Tel était l’état d’esprit des partenaires sociaux à l’issue de leur dernière réunion de négociation sur l’Agirc-Arrco, qui s’est étendue pendant 4h30 au siège du Medef mercredi 20 septembre. Bien que non actée officiellement, la suppression du malus de 10 % a fait consensus et pourrait donc figurer en bonne place dans l’ébauche d’accord qui sera mise sur la table lors de la prochaine séance, vendredi 29 septembre. Il sera temps de plancher en effet sur un texte car il ne restera plus que la dernière séance du 4 octobre pour boucler les sujets. Les organisations ont donc avancé leurs positions notamment en matière de cumul emploi-retraite et de participation au financement du minimum contributif.
Le plafonnement du cumul emploi-retraite en débats
Les partenaires sociaux se penchent sur une transposition aux retraites complémentaires des nouvelles mesures de cumul emploi retraite issues de la réforme du régime général (création de droits supplémentaires à la retraite, déplafonnement, régime de la seconde pension. Une telle adaptation au régime complémentaire ne serait cependant pas neutre. Selon Yvan Ricordeau (CFDT) “cela coûterait 400 à 500 millions d’euros et ne produirait qu’une augmentation de la retraite complémentaire de 20 euros par mois”. La CFDT se montre donc réservée sur ce sujet.
D’où l’idée de plafonner le cumul emploi-retraite dans le but de réduire son coût. “Un plafonnement en nombre de points ou à 50 % du plafond de la Sécurité sociale diviserait la note par deux”, selon Michel Beaugas (FO). Côté CFTC, Pascale Coton se pose la question d’opter plutôt pour un fléchage des sommes vers une revalorisation des petites pensions, eu égard aux faibles bénéfices engendrés par la mesure. Une ligne adoptée également par la CFE-CGC reste cependant favorable au cumul plafonné : “On défend le fait de pouvoir acquérir des droits comme dans le régime général, mais pas au détriment de la revalorisation de pensions”, a affirmé Christelle Thieffine.
Il faut dire que deux catégories de population opposées seraient concernées : “D’un côté il y a du cumul forcé, à savoir des personnes aux carrières hachées, surtout des femmes obligées de travailler jusqu’à 67 ans. De l’autre, du cumul choisi par des hauts cadres dirigeants pouvant se le permettre vu leur peu de pénibilité au travail”, a détaillé Denis Gravouil. La CGT y voit donc un système sexiste qui nuirait aussi à la revalorisation des petites pensions et ne leur permettrait pas de signer le futur accord. Elle préfère pousser son idée de garantie minimale de points. Ce système a offert jusqu’en 2019 aux seuls cadres et assimilés une garantie minimale de 120 points de retraite complémentaire même lorsque le salaire est en théorie insuffisant.
Le patronat est en revanche favorable au cumul emploi-retraite adapté à l’Agirc-Arrco : Medef et CPME y voient une mise en avant de la “valeur travail” incitant à l’activité et s’inscrivant dans une logique contributive du système.
La menace d’un prélèvement de 1 à 3 milliards par l’État
Les partenaires sociaux ont longuement abordé la question d’un prélèvement de 1 à 3 milliards d’euros dans le régime complémentaire par l’exécutif. En début de semaine, ce point avait été confirmé à la presse par Sophie Binet (CGT) à l’issue d’une rencontre avec Olivier Dussopt. Le gouvernement considère que cette somme provient directement des nouvelles ressources de financement permises par sa réforme allongeant l’âge légal et la durée de cotisation et menace donc de ponctionner le régime complémentaire si les partenaires sociaux ne financement pas d’eux-mêmes une partie du minimum contributif. Ce prélèvement pourrait prendre la forme d’une moindre compensation des exonérations de cotisations par l’Etat (1), via un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui sera présenté dans les prochaines semaines.
Pour mémoire, il s’agit du minimum de pension de vieillesse de 1 200 euros pour une carrière complète au Smic qui avait fait polémique pendant l’adoption de la réforme des retraites. Pour Yvan Ricordeau (CFDT) “cela aura un impact financier global qui pourrait nous pousser à mettre moins de moyens sur la valeur de service du point. Mais la mesure représente plusieurs centaines de millions d’euros, pas 1 à 3 milliards. Si l’Agirc-Arrco répondait à ce niveau, ce serait une dégradation du système complémentaire pas envisageable pour la CFDT”. Michel Beaugas (FO) a proposé quant à lui une clause de revoyure à 2024 sur le sujet, position qui rencontre l’assentiment d’Éric Chevée (CPME). La CFE-CGC de Christelle Thieffine a également alerté sur la remise en cause du régime complémentaire qu’induirait une telle ponction : “S’ils captent de tels financements, ce sera un épisode 2 de la réforme des retraites”…
La loi Veil du 25 juillet 1994 contraint en effet l’Etat à compenser les exonérations de cotisations patronales en compensant les recettes perdues auprès de la Sécurité sociale.
Les employeurs méconnaissent les actions des services de prévention et de santé au travail
18/09/2023
Selon la sixième édition de l’enquête annuelle de l’ACMS, le plus grand service de prévention et de santé au travail interentreprises (50 000 adhérents dans Paris et sa couronne), publiée vendredi, un grand nombre d’employeurs méconnaissent voire ignorent les services faisant partie de l’offre “socle” des SPSTI (suivi individuel de l’état de santé des salariés, actions de prévention sur les milieux de travail, service social de prévention de la désinsertion professionnelle…).
L’Association interprofessionnelle des centres médicaux et sociaux de santé au travail de la région Île-de-France (ACMS) révèlent ainsi qu’ils sont 25 % à déclarer ne pas être en mesure de juger les actions de prévention sur le milieu de travail et 40 % à reconnaître ne pas pouvoir noter le service social.
Côté visites réglementaires, les 5 000 employeurs sondés ne sont que 63 % à identifier la visite de pré-reprise ; 32 % la visite de mi-carrière ; 30 % la visite de post-exposition (30 %) et 34 % celle concernant la fin de carrière.
Au total, ils attribuent une note 7,50 sur 10 à ces services.
L’ACMS suit la santé de plus d’un million de salariés dans toute l’Île-de-France, dans environ 80 000 lieux de travail de 50 000 entreprises.
Source : actuel CSE
Rapport 2022 de la Cour de cassation : les propositions en matière de santé et de sécurité au travail
20/09/2023
La Cour de cassation vient de publier son rapport annuel. Outre les décisions publiées au bulletin, ce rapport comporte des propositions de réforme en matière civile selon les chambres.
1) Réparation intégrale des conséquences de la faute inexcusable
La Cour de cassation rappelle qu’elle demande dans ses rapports annuels et ce, depuis 2010, que les dispositions de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale soient modifiées de manière à permettre une indemnisation intégrale des victimes d’accidents du travail dus à la faute inexcusable de leur employeur, ce qui n’est pas assuré avec les dispositions actuelles.
► La direction de la sécurité sociale est quant à elle défavorable à cette modification qui, selon elle, va au-delà de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et supprimerait la distinction en vigueur entre la réparation de la faute inexcusable et celle de la faute intentionnelle prévue par l’article L. 452-5 du code de la sécurité sociale
2) Allaitement d’un enfant sur le lieu de travail
Des dispositions spécifiques à l’allaitement sur le lieu de travail existent dans le code du travail (articles L.1225-30 à L.1225-33 et R.4152-13 à R.4152-28).
Comme dans ses rapports annuels de 2020 et 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation propose l’abrogation des articles L.1225-32 et des articles de la partie réglementaire qui posent des difficultés d’application. Elle propose aussi l’adoption de dispositions réglementaires visant à mettre en œuvre l’article L. 1225-31 du code du travail pour permettre aux femmes qui le souhaitent de pouvoir allaiter leur enfant dans un local ou de tirer leur lait.
Elle suggère également de profiter de la révision des articles pour assurer la conformité du droit français à la Charte sociale européenne en rémunérant cette pause.
► Selon le Comité européen des droits sociaux, “les pauses d’allaitement doivent en principe intervenir pendant le temps de travail et par conséquent, être considérées comme des heures de travail et rémunérées comme telles” (conclusions XIII-4 [1996], Pays-Bas). En conséquence, le Comité européen des droits sociaux a conclu en 2011 que la situation de la France n’était pas conforme à l’article 8, § 3, de la Charte sociale européenne révisée au motif que la rémunération des pauses d’allaitement n’est pas garantie aux salariées couvertes par le code du travail.
Source : actuel CSE
L’INRS accompagne les entreprises dans la lutte contre le sexisme et le harcèlement sexuel
22/09/2023
L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) lance une offre à destination des entreprises afin de sensibiliser leurs salariés à la lutte contre le sexisme et le harcèlement sexuel.
Lancée le 21 septembre 2023, cette offre “Stop ! harcèlement sexuel, agissements sexuels au travail. En parler peut tout changer” se compose :
d’un dépliant qui apporte des éléments de connaissance pour comprendre et agir sur le harcèlement sexuel et agissements sexistes ;
de cinq affiches pour interpeller les salariés (victimes ou témoins) ;
d’une infographie qui aide à la compréhension des différents cas de violences sexuelles et comportements sexistes ;
d’une affichette qui indique aux salariés, victimes ou témoins, les personnes qui peuvent être sollicitées en cas de harcèlement ou d’agissements sexistes.