Olivia Grégoire annonce la généralisation de la “dématérialisation” des titres restaurants “avant 2026”
03/10/2023
La ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, Olivia Grégoire, a indiqué hier, sur France info, la généralisation de la dématérialisation des titres restaurants “avant 2026” pour notamment rendre moins coûteuse la procédure pour les restaurateurs.
Selon elle, cinq millions de salariés utilisent aujourd’hui des titres restaurant, mais “un quart des restaurateurs les refusent car c’est trop compliqué [de jongler entre papier et carte]”. “Les commissions sont trop élevées et les démarches beaucoup trop lourdes” pour les restaurateurs qui “manquent de trésorerie”.
La ministre a “missionné il y a plusieurs mois l’Autorité de la concurrence pour voir si le fonctionnement du marché des [titres restaurants] était équitable”. Le résultat de cette enquête est attendu “dans les jours qui viennent” et “s’il y avait un dysfonctionnement de marché qui était prouvé”, la ministre n’hésiterait pas à “plafonner les commissions”, situées aujourd’hui entre 3 % et 5 %.
Source : actuel CSE
Qualité de vie au travail : l’Anact publie un référentiel pour les représentants du personnel
05/10/2023
L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) a récemment publié sur son site un référentiel d’une vingtaine de pages sur la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) qui “s’adresse en priorité aux directions et représentants du personnel, mais aussi aux organismes qui les accompagnent”.
Il synthétise les ambitions des démarches QVCT, énonce plusieurs repères méthodologiques et liste les sujets à traiter. “Ce référentiel propose un cadre souple d’action dans lequel les entreprises peuvent construire la démarche adaptée à leurs moyens et ambitions”, résume l’Anact.
Source : actuel CSE
Suivi de la loi Pacte : l’obligation de représentation des salariés au conseil d’administration est respectée
05/10/2023
Depuis 2019 et l’application de la loi Pacte, toutes les sociétés, mutuelles, unions et fédérations de plus de 1 000 salariés doivent intégrer au moins deux administrateurs salariés au sein du conseil d’administration (ou de surveillance) dès lors que ce conseil comporte plus de huit administrateurs non salariés (contre douze auparavant). La loi a également étendu aux sociétés non cotées comptant 1 000 salariés permanents en France et à l’étranger l’obligation pour l’assemblée générale des actionnaires, lorsque les salariés détiennent plus de 3 % du capital social, de nommer des représentants des salariés actionnaires au sein du conseil d’administration ou de surveillance. Enfin, les représentants des salariés (autres que les représentants des salariés actionnaires) peuvent bénéficier à leur demande, lors de leur première année d’exercice, d’une formation à la gestion adaptée à l’exercice de leur mandat.
“L’obligation est respectée pour les entreprises cotées du SBF 120 et du CAC 40. La mise en œuvre des préconisations des codes de bonne conduite visant à accroître la représentation des salariés dans les comités spécialisés s’accroît dans les principales entreprises cotées. La connaissance reste limitée sur les grandes entreprises non cotées. Afin d’éclairer cet aspect, le comité Impacte engagera en 2024 des travaux afin de mieux connaître la composition des conseils d’administration des entreprises de plus de 1 000 salariés”.
L’une des innovations de la loi Pacte concernait la possibilité pour une société de se donner une “mission”. Sur la base d’un engagement volontaire, la qualité de société à mission est en effet reconnue à une société qui inscrit une raison d’être dans ses statuts et qui se donne pour mission de poursuivre un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux en lien avec celle-ci. La mission s’accompagne de la mise en place d’un dispositif de gouvernance spécifique. La société instaure, en interne, un comité de mission (ou un référent de mission pour les entreprises de moins de 50 salariés) qui suit l’exécution de la mission. La société est auditée par un organisme tiers indépendant (OTI) qui vérifie l’atteinte des objectifs inscrits dans les statuts et l’adéquation des moyens engagés.
Que donne l’évaluation de cette innovation ? Le rapport observe que le cap des 1 000 sociétés à mission a été franchi en 2023 mais que ce niveau reste limité au regard du nombre d’entreprise, et, surtout, qu’il n’est pas possible à ce stade “d’en évaluer d’éventuels impacts”.
Par ailleurs, le comité, après avoir mentionné l’accord national interprofessionnel de partage de la valeur, indique vouloir conduire des travaux en 2024 sur le thème du partage de la valeur : “La connaissance des mécanismes conduisant telle ou telle entreprise à utiliser tel ou tel instrument étant réduite, le comité a décidé de lancer un étude approfondie, qualitative et de terrain sur ce sujet”.
Des durées plus courtes pour le même prix : la “shrinkflation” en marche pour les formations financées par le CPF
03/10/2023
La Caisse des dépôts a indiqué, vendredi 29 septembre, que plusieurs prestataires réduisaient les durées de leur formation dans le cadre du compte personnel de formation, sans avertir le bénéficiaire. Elle prévoit d’appliquer un abattement tarifaire pour contrecarrer ces pratiques.
Haro sur la “shrinkflation” (1) : les organismes de formation qui proposent des prestations financées via le compte personnel de formation (CPF) ont adopté, à l’instar des enseignes la grande distribution, cette pratique qui consiste ici à diminuer la durée des formations souscrites sans répercuter intégralement la baisse du nombre d’heures dans le prix demandé aux stagiaires. Le temps d’apprentissage a donc été resserré pour le même prix qu’avant et en toute discrétion, sans avertir le bénéficiaire.
C’est ce qu’a révélé, vendredi 29 septembre, la Caisse des dépôts et consignations qui gère le CPF dans une étude consacrée à l’évolution des prix des formations financées par ce dispositif entre 2020 et 2022. Concrètement, le prix horaire moyen des formations a augmenté de 63,5 % en deux ans, entre 2020 et 2022. Une envolée inédite en pleine crise du pouvoir d’achat et carrément supérieure à l’inflation.
Des disparités selon le domaine de formation
Des disparités existent toutefois : toutes les formations ne sont pas concernées. Si ces stratégies commerciales sont très présentes pour les langues vivantes, l’accompagnement à la création ou à la reprise d’entreprise ou le secrétariat et la bureautique, elles sont moins répandues dans les formations liées au transport, dont le permis B. Elles préparent à des examens standardisés et réglementés: la réduction la durée pourrait ainsi “compromettre les chances de réussite des stagiaires à l’examen”.
De même, elles sont moins fréquentes pour les formations qui ont gardé des caractéristiques inchangées d’une année sur l’autre. C’est-à-dire qui conservent “la même certification, la même raison sociale, les mêmes modalités de réalisation et de durée de formation”. Ainsi à formation équivalente, les prix augmentent de façon plus modérée ; +7,7 % en deux ans (+ 4,4 % en 2021, + 3,2 % en 2022).
La riposte de la Caisse des dépôts
Il n’empêche. Ces pratiques mettent la Caisse des dépôts dans l’embarras. Au point où Michel Yahiel, le directeur des politiques sociales de la Caisse des dépôts, menace d’appliquer des abattements tarifaires aux prestataires peu scrupuleux. “Si on se rend compte dans le cadre de notre politique de contrôle que les organismes de formation ont laissé figurer [dans leur offre] une durée de type 1 kg qui en réalité ne représente que 800 grammes, c’est-à-dire une durée moindre, à ce moment-là nous interviendrons. Nous ne paierons pas ces prestataires à hauteur de leurs demandes puisque le service n’est pas honoré à 100 %”.
Reste que les marges de manœuvre de la Caisse des dépôts sont limitées. Peut-elle contrôler l’ensemble des formations répertoriées sur la plate-forme Mon compte formation ? “Nous réalisons des contrôles sur un échantillon de prestations. Nous pouvons repérer les écarts significatifs entre la durée affichée des formations et celle réellement réalisée”.
Mais ce contrôle a aussi ses limites. “Dans la plupart des cas, à l’exception des diplômes et certifications extrêmement normés, la durée des formations est à la main de l’organisme”. Or, “s’il n’y a pas de hiatus entre l’offre initiale et la prestation de service et qu’il n’y a pas d’entorse par rapport aux règles d’une formation précise, nous ne pouvons pas intervenir et dire qu’il y a tromperie sur la marchandise. Le contrat est passé entre l’offreur de formation et le client et non avec la CDC”.
Pas de différence selon les modalités de formation
Le recours au distanciel n’a pas fait baisser la facture : “aucune corrélation claire ne semble exister entre le prix horaire moyen apparent et les modalités de formation”, insiste Ronan Mahieu, l’auteur de l’étude. Pour preuve, “le prix horaire des formations en langues vivantes est substantiellement plus élevé que celui des formations au permis B, alors que le recours au distanciel intégral est massif dans le premier cas et très minoritaire dans le second”.
Budget en baisse pour le CPF ?
Quel est l’impact de la “shrinkflation” sur le budget global du CPF ? Pour l’heure, le phénomène n’a pas grevé l’enveloppe allouée par France compétences à la Caisse des dépôts au financement du CPF. Au total, le budget fléché vers le financement du compte personnel de formation s’élève à 2,60 milliards d’euros en 2022 en baisse de 6,9 % par rapport à 2021.
Il faut dire que plusieurs mesures de régulation ont été mises en place ces deux dernières années. Le déférencement massif de formations à la création ou à la reprise d’entreprise non conformes à la réglementation, la mise en œuvre début octobre 2021 d’une nouvelle procédure d’enregistrement des organismes de formation (OF) sur Mon compte formation et surtout l’entrée en vigueur d’une authentification renforcée via FranceConnect+ préalablement à tout achat de formation, ont fait reculer les achats de formation.
“Mais il faudra attendre fin 2023 pour mesurer réellement les effets de ses mesures”, indique Michel Yahiel qui anticipe, toutefois, un budget d’environ deux milliards d’euros pour le CPF, cette année, contre trois milliards initialement prévus.
Autre inconnue : si la CDC a observé le phénomène de “shrinkflation” sur son périmètre, le compte personnel de formation, elle n’a pas pu le constater sur d’autres formations, notamment sur celles dispensées dans le cadre du plan de développement des compétences.
(1) La “shrinkflation” (réduflation en français) est une stratégie commerciale qui consiste à réduire la quantité d’un produit tout en gardant le même prix.
Anne Bariet
Le ministère du travail publie un guide sur l’apprentissage aménagé pou les personnes en situation de handicap
03/10/2023
Le ministère du travail vient de publier à destination des apprentis, des centres de formation d’apprentis (CFA) et employeurs privés ou publics, le Guide apprentissage et handicap, avec l’appui de l’Agefiph et du FIPHFP. Ce document vise à informer et sensibiliser sur l’opportunité que représente l’apprentissage aménagé.
Le ministère a détaillé ce dispositif lors d’un webinaire, le 25 septembre dernier, disponible en replay.
Source : actuel CSE
L’accord sur la Pro-A dans les industries et le commerce de la récupération est étendu
06/10/2023
L’accord du 5 avril 2023 relatif à la Pro-A (reconversion ou promotion par l’alternance) conclu dans le cadre de la convention collective des industries et du commerce de la récupération est étendu par un arrêté du 22 septembre 2023 publié au Journal officiel du 5 octobre. Les certifications visées dans l’annexe sont éligibles à la Pro-A “sous réserve qu’elles soient actives au répertoire national des certifications en application de l’article L. 6324-3 du code du travail“.
Source : actuel CSE
CPF : léger repli des entrées en formation en 2022
06/10/2023
Après l’envolée enregistrée entre 2019 et 2021, les entrées en formations via le compte personnel de formation (CPF) diminuent en 2022, passant de 1,98 millions à 1,85 (-6 % en un an). Les mesures de régulation mises en place en 2022 ne sont pas étrangères à ce repli, avec notamment l’entrée en vigueur d’une authentification renforcée via FranceConnect +, qui a fait reculer les achats de formation.
Dans le détail, ce sont les jeunes et les moins diplômés qui utilisent le plus leur CPF. 56 % d’entre eux ont moins de 40 ans alors que cette catégorie d’âge ne représente que 44 % de la population active. Par ailleurs, 42 % des utilisateurs du CPF ont un niveau d’études inférieur ou égal au CAP et BEP, une part en hausse depuis 2020. Les demandeurs d’emploi restent particulièrement nombreux (30 %).
Les formations les plus plébiscitées ? Les stages d’obtention au permis de conduire de catégorie B, d’insertion ou de réinsertion professionnelles (dont formation à la création d’entreprise, bilans de compétences et VAE) ainsi que les cursus en langues étrangères.
“La généralisation de la négociation collective d’entreprise amplifie les inégalités entre salariés”
03/10/2023
“La construction de compromis salariaux est-elle encore tout simplement possible dans une économie tertiarisée et surtout financiarisée ?” s’interrogent, dans l’introduction de l’ouvrage dont ils ont coordonné la rédaction, les chercheurs Baptiste Giraud et Camille Signoretto, deux spécialistes du monde du travail et des relations professionnelles. Voici leurs réponses dans une interview croisée qui aborde les conditions et la pratique de la négociation collective d’entreprise en France, la méconnaissance de leur rôle par de nombreux représentants du personnel et la situation du syndicalisme.
Le titre de votre ouvrage collectif (“Un compromis salarial en crise : que reste-t-il à négocier dans les entreprises ?”) ne paraît pas très optimiste. N’y-a-t-il donc plus rien à négocier dans l’entreprise, plus de “grain à moudre” pour reprendre l’expression historique d’André Bergeron ?
Camille Signoretto : Notre travail montre en tout cas qu’il est plus en plus difficile pour les représentants du personnel de négocier dans les entreprises. Celles-ci sont de plus en plus financiarisées, soumises à des contraintes de marché ou, pour le secteur médico-social, soumises à des contraintes sanitaires, réglementaires et budgétaires très fortes. Cela dépend ensuite de l’organisation du travail dans les entreprises, du degré d’autonomie des salariés et des ressources qu’ils ont ou non pour peser dans la relation de travail. Et encore faut-il qu’il y ait des représentants du personnel et des syndicats pour négocier !
Il est de plus en plus difficile de négocier
Dans 40% des entreprises, il n’y a aucune présence syndicale. Dans les petites entreprises, lorsqu’il y a des élus mais pas de syndicats, on observe souvent que les accords sont le plus souvent des décisions unilatérales des employeurs. On voit donc que tout le mouvement de ces dernières années de décentralisation de la négociation collective, contrairement à ce que promettaient les promoteurs de ces changements législatifs, n’a pas permis de développer et d’améliorer la négociation dans les entreprises.
Baptiste Giraud : La tendance pour l’Etat à s’en remettre au dialogue social d’entreprise est très forte. Les récentes interventions ministérielles au sujet de la préparation de la prochaine conférence sociale en sont l’illustration. A propos des minima conventionnels et du pouvoir d’achat, le gouvernement nous dit : “On a ouvert des possibilités de discussions, ça doit se jouer là”, même lorsque le dialogue social est bloqué dans les branches. Ce n’est pas propre à ce gouvernement, c’est une politique suivie depuis 20 ans par l’Etat, voire même dès la mise en place des 35 heures dans les entreprises. S’est imposée l’idée que c’est le dialogue social, au plus près du terrain, qui doit l’emporter dans la construction des règles pour la rémunération, les conditions de travail, le temps de travail.
Le pouvoir est du côté des actionnaires, qui peuvent menacer de se désinvestir
Le problème, c’est que, dans le même temps, le pouvoir de décision économique s’est souvent déplacé hors de l’entreprise. Soit parce que vous êtes dans une entreprise financiarisée et donc aux mains d’un pouvoir actionnarial mobile et volatile. Soit parce que vous êtes dans des PME, souvent de type paternaliste, hostiles à la présence de syndicat, et prises elles-mêmes dans des rapports de sous-traitance et d’interdépendance ou insérées dans les fortes contraintes des marchés internationaux. L’effet de ces réformes sur le dialogue social a été de subordonner la négociation d’entreprise aux contraintes du marché, contrairement à ce qui était la logique des branches. Il y a souvent cette idée que tout le monde voudrait du dialogue social. Nous montrons dans notre livre que de nombreux employeurs, notamment dans les PME, y restent réticents : c’est d’abord la loi du patron qui prime.
Le concept de “compromis salarial” est au cœur de votre livre. Comment définiriez-vous cette notion ?
Camille Signoretto : Ces mots de “compromis salarial” font référence à la capacité des organisations syndicales et des représentants du personnel à peser dans la négociation pour obtenir de meilleures conditions dans la meilleure relation salariale, c’est-à-dire de meilleures rémunérations mais aussi des mesures favorables sur l’emploi, le temps de travail, l’organisation du travail et les conditions de travail.
Le compromis salarial, c’est un échange : l’entreprise garde le contrôle de l’organisation du travail mais accepte de redistribuer de la valeur aux salariés
On qualifiait ce compromis salarial, avant les années 60-70, de “compromis fordiste”. Il s’agit d’un accord, un peu au niveau macro, entre syndicats et directions d’entreprise sur le partage de la valeur avec une redistribution aux salariés d’une partie des gains de productivité, les directions gardant, en contrepartie, le contrôle de l’organisation du travail et du travail des salariés.
Baptiste Giraud : Ce compromis salarial s’accompagnait d’un renforcement des droits sociaux via le développement de la protection sociale, ce qui constituait aussi une redistribution des gains de productivité sous la forme d’un salaire socialisé. Mais à partir des années 80 et surtout des années 90, un changement important s’opère. Alors que le compromis fordiste s’était construit sur la base d’Etats-Nations, avec un Etat fort et une économie capitaliste reposant sur un patronat industriel familial, de type paternaliste, le capitalisme s’internationalise et se financiarise. Parallèlement, la structure politique du dialogue social évolue en France avec la décentralisation de la négociation collective. Au début, contre un patronat qui est vent debout, les lois Auroux (1983) sont pensées comme un étage supplémentaire de la négociation collective. Il s’agit alors d’améliorer là où c’est possible les conditions de travail et le partage de la valeur en faveur des salariés, même s’il y a – déjà – de petites exceptions sur le temps de travail.
Mais la donne a changé par la suite…
Baptiste Giraud : Il y a eu un basculement. Après les lois Auroux, le patronat a obtenu de développer la négociation collective au niveau de l’entreprise, mais avec la volonté que ce niveau de négociation se substitue aux négociations de branche et aux accords nationaux interprofessionnels, et qu’elle soit mise au service de la compétitivité de l’entreprise, notamment pour accompagner la flexibilisation du temps de travail et des rémunérations. De sorte qu’en 2017, les ordonnances travail d’Emmanuel Macron – même si elles organisent une véritable révolution juridique – ne sont que l’aboutissement de ce long processus. Ces derniers mois, on a d’ailleurs beaucoup vu le gouvernement se satisfaire de l’augmentation du nombre d’accords conclus dans les petites entreprises.
Dans les petites entreprises, les accords ne sont souvent qu’une formalisation juridique de décisions unilatérales
Notre livre montre que ces accords résultent d’une parodie de négociation, parfois sans échanges ! C’est très souvent une simple formalisation juridique d’une décision unilatérale de l’employeur, avec des représentants du personnel qu’il s’est choisi, qui sont isolés et pris dans un rapport de domination très puissant. Pour autant, nous ne voulons pas noircir le tableau. Nous avons voulu montrer la tendance, commune à toutes les entreprises, d’un dialogue social de plus en plus placé sous la contrainte du marché, tout en donnant aussi à voir les marges de manœuvre qui existent, mais de façon très inégale, pour les salariés, les élus du personnel et les représentants syndicaux. Dans une logique de substitution de la négociation de branche, la négociation collective d’entreprise amplifie en effet les inégalités entre salariés, car ils ne disposent pas des mêmes capacités à négocier leurs rémunérations et conditions de travail.
Vous distinguez, dans le monde des petites entreprises, les PME “paternalistes” des PME “innovantes”. Dans ces dernières, existe-t-il un véritable dialogue social ?
Baptiste Giraud : Que ce soit dans les PME paternalistes ou dans les PME innovantes, la négociation collective est très rare. Mais les conditions de rémunération, d’emploi, d’organisation du travail des salariés n’y sont pas du tout les mêmes. Dans les PME paternalistes, on a affaire à des salariés peu qualifiés, mal rémunérés, comme les travailleurs de la logistique, du bâtiment, du commerce.
Dans les PME innovantes, il n’y a beaucoup plus de dialogue social, mais l’employeur doit fidéliser une main d’œuvre qualifiée
Dans ces entreprises paternalistes très dépendantes de donneurs d’ordre qui imposent des coûts de production très défavorables, ces salariés ont très peu de marges de manœuvre, à la fois individuelles et collectives, pour négocier quoi que ce soit. A l’opposé, dans les PME que nous avons qualifiées de “dynamiques et innovantes”, vous avez des entreprises se situant sur des marchés plus internationalisés, et qui fournissent des produits et services nécessitant plus de qualification. Dans ces PME, il y a toujours peu de négociation collective avec un patronat dans l’ensemble toujours hostile à la présence syndicale. Mais ces employeurs doivent néanmoins fidéliser une main d’œuvre rare sur le marché du travail, ce qui permet aux salariés d’obtenir des conditions de travail et de rémunérations plus avantageuses, mais dans le cadre de politiques de rémunération très individualisées.
La baisse du chômage et la progression de l’emploi salarié, avec des effets de tension sur le marché du travail, vont-elles produire un rééquilibrage en faveur des salariés ?
Camille Signoretto : Pour régler les tensions de recrutement dans certains secteurs, on pourrait penser, en effet, qu’il faut améliorer les conditions de travail et d’emploi dans les entreprises. Mais si l’on prend par exemple le secteur médico-social, où ces tensions existent, nous observons une difficulté des organisations syndicales à mobiliser les travailleurs, du fait du morcellement des collectifs de travail.
Dans le médico-social, les salariés choisissent de quitter leur secteur pour trouver de meilleures conditions d’emploi ailleurs
Cela se traduit par “l’exit” : les salariés quittent ce secteur pour chercher ailleurs de meilleures conditions de travail. Les différentes réformes du droit du travail, qu’elles concernent les relations de travail individuelles ou collectives, n’ont pas du tout permis d’inverser cette tendance. Au contraire, tout est fait pour faciliter un mode de relation individualisé avec l’employeur, comme la rupture conventionnelle.
Baptiste Giraud : Dans notre enquête collective, nous avons voulu voir comment s’articulaient les politiques de dialogue social avec les politiques managériales. Notre analyse met en évidence deux situations opposées. Vous avez des entreprises qui pensent des politiques managériales dans le but de fidéliser des salariés surtout qualifiés, de rendre les emplois attractifs, et d’autres entreprises, comme dans le secteur médico-social, où les DRH vous expliquent qu’ils doivent faire avec des budgets excessivement contraints, du fait de l’Etat, ce qui engendre de grandes disparités. Comme on ne peut pas se passer des médecins, les établissements trouvent pour les recruter des arrangements individuels, comme les primes, mais rien n’est fait pour les autres catégories de personnel : on salue leur dévouement, on compatit, mais on n’a pas les marges de manœuvre budgétaire pour aller plus loin.
Regardez le constat d’une hausse de l’absentéisme : le gouvernement en conclut qu’il faut contrôler davantage les salariés
Dans ces établissements, le dialogue social ne permet le plus souvent que de décrocher de faibles primes pour la plupart des salariés, et ce dialogue social doit de plus accompagner les changements d’organisation du travail visant à accroître encore la flexibilité de l’organisation et des temps de travail pour répondre aux contraintes de fonctionnement dans un contexte de pénurie de main d’œuvre. Là encore, ce qu’a annoncé le gouvernement à l’occasion du projet de budget de la Sécurité sociale, est très éloquent. Sur quoi débouche le constat d’une augmentation du taux d’absentéisme ? Non pas sur une réflexion portant sur la façon de renégocier les conditions de travail et les salaires, ce que l’ensemble des organisations syndicales portent depuis des mois, mais sur une disposition visant à accentuer le contrôle sur les salariés absents du travail. C’est un bon résumé de ce que nous avons observé dans de nombreux contextes professionnels, à savoir une réduction des marges de manœuvre pour créer du compromis dans les entreprises, que ce soit sur la redistribution des richesses ou l’amélioration des conditions de travail, et de stratégies de mise au travail des salariés qui passent d’abord de plus en plus par un renforcement des contraintes et du contrôle sur leur travail.
Vous pointez aussi un affaiblissement syndical y compris dans les grandes entreprises…
Baptiste Giraud : Notre livre se clôt sur l’exemple de grandes entreprises, dans la haute technologie et la pétrochimie. L’implantation syndicale et le savoir-faire militant y restent très présents, et leurs représentants restent réellement en capacité d’obtenir des augmentations salariales. Mais là aussi, nous observons une certaine fragilisation du pouvoir de négociation syndical. Les représentants syndicaux font face, comme je le disais, à un capitalisme financier, et on ne négocie pas de la même façon avec une direction qui peut user d’une forme de chantage, sinon à la délocalisation, du moins au désinvestissement ou à la compétition entre sites.
Dans les grandes entreprises industrielles, il y a de plus en plus de cadres, moins portés à l’action collective et à la grève
D’autre part, le profil des salariés évolue dans ces entreprises, les ouvriers devenant souvent minoritaires par rapport à des techniciens et ingénieurs qui n’ont pas le même rapport à l’action syndicale et à la grève. Cela fragilise la capacité des équipes militantes à mobiliser sur des enjeux collectifs, d’autant que ces entreprises mettent beaucoup l’accent sur l’individualisation de la politique salariale. Et nous parlons ici de contextes encore favorables. Or, les conditions de l’implantation et de l’action des représentants du personnel ne dépendent pas seulement de la taille de l’entreprise, mais aussi de la structure du marché et de la main d’œuvre. Dans la grande distribution, par exemple, avec des IRP très institutionnalisées, les syndicats ont les plus grandes difficultés à mobiliser des salariés précarisés, éclatés, avec un turn-over très important qui constitue d’ailleurs un mode de management…
Quelles réponses syndicales pourraient-elles être apportées à ces évolutions ? La CGT a récemment tenu un meeting à la Défense lors duquel plusieurs délégués syndicaux nous ont confiés être davantage écoutés des cadres…
Baptiste Giraud : De nouvelles dirigeantes, à la CGT (Sophie Binet) comme à la CFDT (Marylise Léon), viennent du monde des cadres. Avec ce changement de visages et cette nouvelle façon de parler, il va sûrement être plus facile pour les cadres, qui sont eux-mêmes mis sous tension dans leur entreprise, de se reconnaître davantage dans ce syndicalisme. Mais cela va-t-il se traduire par un regain de syndicalisation dans cette catégorie ? Je serais prudent.
Cela ne s’est pas traduit par une remobilisation massive
Cette idée que les cadres sont devenus des salariés comme les autres en subissant eux-aussi les transformations du capitalisme, et bien cela ne s’est pas traduit par une remobilisation massive et collective de cette catégorie. Certes, on voit bien, dans le paysage syndical, la montée de la CFE-CGC, mais cela illustre d’abord la transformation de la morphologie du salariat français. D’autre part, la réalité du cadre aujourd’hui (un agent de maîtrise est cadre, quelqu’un qui n’encadre que quelques personnes également) ne correspond plus à la figure qu’on avait du cadre dans les années 70. De façon plus générale, je dirais que les deux formes de syndicalisme qu’on a longtemps opposé, le syndicalisme contestataire et le syndicalisme réformiste, sont en crise aujourd’hui.
Vous renvoyez dos à dos syndicalisme contestataire et syndicalisme réformiste ?
Baptiste Giraud : J’écoute simplement ce que disent les militants. Le rapport de l’Ires réalisé sur les IRP pour la CFDT évoque le malaise de nombreux délégués face à la mise en place du CSE. Je l’entends d’ailleurs aussi dans les formations syndicales. Ces militants nous disent : “On est réformistes, on est pour le dialogue social, mais nous faisons face à des directions qui nous empêchent, qui nous entravent, qui ne sont plus du tout dans la recherche de compromis avec nous”.
La crise de la vision “enchantée” du dialogue social portée par la CFDT du dialogue social explique son positionnement sur les retraites
Cette crise de la vision un peu “enchantée” du dialogue social que portait la CFDT est à mon sens l’une des raisons de la prise de position de cette confédération lors de la réforme des retraites. On pourrait se dire que cela fait le jeu de la CGT en valorisant un syndicalisme contestataire. Mais l’épisode des retraites a montré à la fois la capacité de mobilisation et les limites de cette stratégie : il n’y a pas eu de grèves massives ni de grève générale. Cela interroge beaucoup les directions des deux syndicats. Ce moment de réflexion interne explique aussi le prolongement de cette unité intersyndicale. Qu’est-ce que cela va donner par la suite ? Beaucoup dépendra de l’attitude du patronat et du gouvernement. Depuis cinq ans, l’exécutif n’a ouvert aucune porte de compromis ni de dialogue réel avec les organisations syndicales. C’est une différence par rapport au quinquennat de François Hollande.
Quels seraient les angles morts que les syndicats gagneraient à investir dans les entreprises ?
Camille Signoretto : Via quelques enquêtes d’établissement, notre livre montre un grand problème, a fortiori encore plus important pour les représentants du personnel non syndiqués : c’est l’absence de ressources – même les élus syndiqués n’ont pas forcément une relation avec leur instance départementale, par exemple – et une méconnaissance des règles de droit. Or celle connaissance est indispensable pour répondre et chercher peser face à une direction.
Il y a une méconnaissance générale du droit en France. Les étudiants en Master tombent des nues quand nous leur expliquons le système des conventions collectives
Beaucoup d’élus le découvrent après une formation : “Ah, mais on a le droit de demander ça !”. Au-delà des élus, il y a chez les salariés français une énorme méconnaissance du droit, nous le voyons même auprès de nos étudiants en Master. A chaque fois, ils tombent des nues quand on leur explique qu’en France, il y a une convention collective qui peut vous donner des droits supplémentaires, des droits négociés au niveau des branches par les organisations syndicales représentatives, etc. Je crois qu’il appartient aux syndicats de sensibiliser davantage les salariés à la connaissance de leurs droits. Si les cadres s’intéressent davantage aux syndicats, c’est bien pour améliorer leurs droits en pesant sur les négociations via leurs représentants. Un autre point d’accroche pour les syndicats, c’est de chercher à négocier davantage de proximité entre les salariés et les représentants du personnel à l’occasion du renouvellement des CSE, notamment avec des représentants de proximité.
Baptiste Giraud : Dans l’accès au droit des salariés, la présence syndicale reste capitale. Entre les entreprises où les organisations syndicales sont présentes et celles où elles sont absentes, il n’y a pas photo ! Lorsqu’il y a présence syndicale, du fait de l’appui et des formations qu’ils reçoivent, les représentants du personnel sont beaucoup plus en capacité à endosser leur rôle de contre-pouvoir, c’est-à-dire d’être réellement autonomes face à l’employeur. La présence syndicale me paraît être la condition nécessaire, mais pas suffisante, d’un véritable dialogue social dans une entreprise. Je pense à une entreprise d’aide à domicile où la direction fait tout pour contourner les élus, en l’occurrence CFDT, mais le fait que ces derniers aient le soutien de leur syndicat départemental change le rapport de forces.
Comment analysez-vous le retour de la semaine de 4 jours dans le débat public ?
Camille Signoretto : La crise sanitaire et les interrogations sur le sens du travail conduisent peut-être les salariés à vouloir que le travail prenne moins de place dans leur vie. Pourquoi pas ? A condition de diminuer la charge de travail et d’embauche.
Sans embauches, la semaine de 4 jours risque d’intensifier le travail
Car le gros danger de cette idée serait que la semaine de 4 jours soit mise en place sans créations d’emploi, ce qui se traduirait par une nouvelle intensification du travail, comme on a pu le voir lors des 35 heures.
Baptiste Giraud : Tout dépend comment on s’empare de ce sujet très politique. La CGT associe la semaine de 4 jours à la réduction du temps de travail mais certains employeurs n’accepteraient la semaine de 4 jours qu’en faisant travailler davantage les salariés les autres jours ! On revient ici à la question du sens du travail, c’est la principale question qui se pose aujourd’hui. Ce dont se plaignent les salariés et leurs représentants dès qu’on les interroge, c’est que les contreparties obtenues en échange du travail s’amenuisent alors que le travail s’intensifie et perd de son sens. Beaucoup de conflits – notre livre le montre – se jouent autour de la maîtrise du travail, les salariés voudraient avoir le contrôle de leur travail et de son sens.
Un livre qui combine analyse statistique et enquêtes de terrain
“Un compromis salarial en crise. Que reste-t-il à négocier dans les entreprises ?” Voilà le titre, prometteur quoiqu’un brin sceptique, d’un livre de plus de 300 pages qui cherche à faire un bilan critique de notre système de négociation collective et de dialogue social à la lumière de plusieurs phénomènes : la crise récente du pouvoir d’achat, les effets d’une politique de flexibilisation du marché du travail conduite depuis des années en France et les évolutions d’un capitalisme de plus en plus financiarisé, sans oublier l’effet des réformes touchant les institutions représentatives du personnel et la négociation collective. Ce travail, qui combine analyses statistiques et enquêtes de terrain, comporte de multiples approches comme des études de cas dans le médico-social, les PME, la négociation collective sans syndicat, le dialogue social dans les grandes entreprises, etc.
► Un compromis salarial en crise. Que reste-t-il à négocier dans les entreprise ? Editions du Croquant, 336 pages, 20€. Voir le site de l’éditeur.
Baptiste Giraud est maître de conférences en science politique à l’Université d’Aix-Marseille, et chercheur au Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST). Camille Signoretto est maître de conférences en économie à l’Université Paris Cité et chercheuse au LADYSS, laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces. Ils sont les coordonnateurs de ce livre qui a bénéficié de l’apport d’autres chercheurs comme Tristan Haute (que nous avions interrogé sur les élections professionnelles pour un épisode du podcast Le Micro Social), Sophie Béroud, François Alfanderi, Chloé Biaggi, etc.
Bernard Domergue
Prévention-sécurité : un accord prévoit une augmentation de 5% en 2024
04/10/2023
Dans la branche de la prévention-sécurité, dont les deux premiers coefficients sont, au 1er octobre, en dessous du niveau du SMIC, les organisations syndicales ont obtenu des revalorisations salariales importantes. Les organisations patronales, qui proposaient au départ une progression de 3,8% sur toute la grille conventionnelle pour janvier 2024, ont finalement accepté :
+5% en 2024, +3,2% en 2025 et +2,8% en 2026.
L’ouverture de négociations sur les accessoires de salaire (prime panier, nuit, dimanche, etc.).
La CFDT indique d’ores et déjà signer le projet d’accord.
Source : actuel CSE
Abrogation des conventions collectives territoriales de la métallurgie : la voie de la révision-extinction est validée
06/10/2023
Par avenant de révision-extinction, les partenaires sociaux peuvent valablement mettre fin à l’application d’une convention collective de branche. À condition toutefois, exige la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 octobre dans le cadre de la restructuration de la branche professionnelle de la métallurgie, que cette extinction ne conduise pas à un vide conventionnel.
Selon les propres mots de la Cour de cassation, l’arrêt rendu ce mercredi 4 octobre, relatif à l’abrogation des dispositions de la convention collective territoriale des industries métallurgiques de Savoie, est un arrêt “important”. En premier lieu parce que ce dernier ouvre au patronat et aux syndicats une nouvelle voie juridique pour mettre fin aux dispositions d’une convention collective à durée indéterminée. Mais aussi en ce qu’il sécurise l’entrée en vigueur le 1er janvier prochain de la nouvelle convention collective nationale (CCN) de la métallurgie.
Abrogation des CC territoriales et application de la CCN unique de la métallurgie : la méthode en question
Pour rappel, depuis la conclusion de la nouvelle CCN de la métallurgie le 7 février 2022, 70 des 76 conventions collectives territoriales et sectorielle de la métallurgie ont fait l’objet, par avenant, d’une abrogation à compter du 1er janvier 2024 (date retenue pour l’entrée en vigueur de la CCN unique). S’agissant en particulier des industries métallurgiques de Savoie, l’UIMM, la CFDT, FO et la CFE-CGC ont conclu le 9 février 2022 un avenant de “révision-extinction” de l’ensemble des dispositions conclues dans le cadre de la CC territoriale du 29 décembre 1975 étendue.
La CGT saisit alors la justice afin d’obtenir l’annulation de cet avenant d’abrogation de la CC territoriale. Le syndicat minoritaire et non signataire soutient que la disparition d’une convention collective est légalement limitée à deux seuls cas : sa dénonciation ou sa mise en cause. Par un arrêt du 24 novembre 2022, la cour d’appel de Chambéry donne d’abord raison à la CGT. “Aucune disposition du code du travail ne prévoit que la révision peut porter sur la disparition ou l’abrogation totale d’un accord collectif, retiennent les juges. Il en résulte que la procédure de révision est relative aux modifications des conventions collectives ou des accords collectifs et non de leur extinction”. L’UIMM (le syndicat patronal de la métallurgie) se pourvoit immédiatement en cassation.
La voie de l’avenant de révision-extinction validée, sous condition
Dès lors, est-il possible d’admettre la voie négociée d’un avenant de révision-extinction pour mettre fin à une convention collective de branche ? De l’aveu même de la Cour de cassation, “il est certain que le législateur n’a envisagé explicitement l’extinction d’un accord collectif à durée indéterminée que par la voie de la dénonciation ou celle de sa mise en cause”.
Néanmoins, au regard notamment de la valeur constitutionnelle reconnue à la liberté contractuelle en matière de négociation collective, la Haute Cour répond positivement à cette question inédite : “Les partenaires sociaux sont en droit de conclure (…) un avenant de révision d’un accord collectif de branche à durée indéterminée mettant fin à cet accord, dès lors que cette extinction prend effet à compter de l’entrée en vigueur d’un autre accord collectif dont le champ d’application couvre dans son intégralité le champ professionnel et géographique de l’accord abrogé par l’avenant de révision”.
La voie juridique empruntée par les partenaires sociaux de la très grande majorité des conventions collectives territoriales de la métallurgie est ainsi validée, mais aussitôt encadrée : “Il n’est pas envisageable qu’un avenant de révision abroge un accord collectif sans dispositif conventionnel de remplacement, prévient la Cour de cassation dans son rapport. Une révision-extinction conduisant à un vide conventionnel conduirait à éluder les garanties légales prévues en cas de dénonciation, particulièrement le mécanisme de survie temporaire de l’accord dénoncé et de garantie individuelle de rémunération pour les salariés”. Sur ce dernier point, la Cour de cassation entend répondre directement aux craintes exprimées par la CGT dans le cadre de ce contentieux.
Une jurisprudence sur-mesure en vue de l’entrée en vigueur de la nouvelle CCN de la métallurgie
Statuant au fond et sans renvoi, les magistrats valident l’avenant de révision-extinction de la CC territoriale de la Savoie, dont l’entrée en vigueur est identique à celle de la nouvelle CCN de la métallurgie et ne laissera donc aucun vide conventionnel au 1er janvier 2024. Les partenaires sociaux de la métallurgie ayant pris soin de rédiger à l’identique tous les avenants de révision-extinction territoriaux, cette jurisprudence apparaît conforter la validité de ces derniers et mettre fin à tout débat encore en cours localement.
A un peu moins de trois mois de l’entrée en vigueur de la nouvelle CCN de la métallurgie, cet arrêt tombe à point nommé pour l’UIMM qui n’aura donc pas à engager en urgence des procédures de dénonciation des nombreuses CC territoriales au sein de la branche.
► Dans cette même édition, lire la réactoin de Fabrice Nicoud, le président de la fédération CFE-CGC de la métallurgie, et l’approche par ce syndicat du chantier des reclassifications.
Campagne de communication sur les accidents du travail graves et mortels : la CGT déplore l’absence de mention du droit de retrait
02/10/2023
Le syndicat CGT du ministère du travail réagit vivement au lancement de la campagne de communication du gouvernement sur les accidents graves et mortels. Si le syndicat se réjouit de voir le ministère du travail “s’atteler enfin à ce sujet majeur”, il déplore que cette action soit tardive et ne compense pas l’insuffisance, à ses yeux, de du 1er plan de prévention des accidents graves et mortels, lancé par le ministère en 2022.
“Le plan se revendique de la prévention primaire, mais consiste principalement en des actions de sensibilisation et de formation (mesures n°1, 2, 3, 5, 6, 8, 13, 16, 24, 25, 26 et 27) ou de rappel du cadre réglementaire en vigueur, sans modification des organisations du travail, donc sans combattre les risques à la source. De plus, les actions de formation sont principalement orientées en direction des salariés, comme si celles et ceux-ci avaient le pouvoir d’éviter les accidents, alors que les conditions de travail sont déterminées par les employeurs. Le slogan de la campagne lancée par O. Dussopt « responsabilité de l’entreprise, vigilance de tous » est, de la même façon, culpabilisant pour les travailleurs. Et ces actions de communication ne comportent même pas d’information des salariés quant à un de leur droit essentiel pour préserver leur santé et leur sécurité et se soustraire au danger : le droit de retrait”, estime la CGT.
D’autre part, le syndicat, qui revendique “une politique pénale du travail sévère” ainsi que le rétablissement des CHSCT, juge insuffisants les effectifs de l’inspection du travail : “Il reste moins de 1700 agents de contrôle pour tout le territoire, près de 450 sections d’inspection sont vacantes !”
Source : actuel CSE
Quand la logistique s’attaque à la diversité de genre
04/10/2023
Exosquelettes, armoires robotisées, chariots à hydrogène… En pleine pénurie de main d’œuvre, la logistique mise sur la technologie et l’aménagement des postes de travail pour réduire la pénibilité de ses métiers et attirer les femmes. Tout en accélérant la lutte contre les stéréotypes de genre. Retour sur la table-ronde “Femmes et logistique : quels enjeux d’attractivité et de santé sécurité ?” du dernier salon Preventica à Toulouse.
“Avant, dans les entrepôts, ça sifflait, c’était graveleux et vous aviez des calendriers Pirelli”, se souvient Thomas Daudré-Vignier, ex-président de l’association Pil’es et directeur des sites logistiques chez But. Quand Marie-Laure Furgala, ancienne diplômée du Master ISLI Supply Chain (institut supérieur de logistique industrielle) qu’elle dirige désormais (*), se mord la lèvre en évoquant le doux sobriquet dont les étudiants de sa promo étaient affublés : “Les bronzés du bras gauche”. Une image d’Epinal que le secteur tente encore aujourd’hui d’estomper, par souci d’attractivité. “La femme est l’avenir de l’homme”, reprend à son compte Thomas Daudré-Vignier, qui estime que « la solution à la pénurie de personnel dans les entrepôts passe par les femmes”.
A mon master en 1996, nous étions 6 femmes sur 46
Une féminisation déjà à l’œuvre. “Toutes les études montrent un accroissement notable du poids des femmes dans le secteur, de 7 % il y a quelques années à plus de 30 % aujourd’hui, plus de 40 % dans certaines activités”, se réjouit le Cercle Entreprises et Santé. “Quand j’ai fait le master ISLI en 1996, nous étions 6 femmes sur 46. Maintenant, j’ai à peu près 30 % de femmes. Donc oui, la logistique se féminise”, confirme la directrice de Master. Même son de cloche chez GXO Logistics.
“Nous comptons aujourd’hui 31 % de femmes et 52 % dans la catégorie des ouvriers : c’est plutôt pas mal !”, se félicite Samya Bellhari-Trahin, responsable ergonome et QVT (qualité de vie au travail) du prestataire pure-player de logistique contractuelle. “Quand je suis arrivée dans le secteur, je n’y connaissais rien mais je me suis aperçue très rapidement qu’il y avait quand même un certain nombre de femmes dans ce monde-là”, ajoute-elle. Même si “nous sommes loin de la parité”, tempère Marie-Laure Furgala.
Du côté du pôle d’intelligence logistique (Pil’es), “l’ensemble des permanents sont des femmes”, se targue Thomas Daudré-Vignier, avant de préciser qu’elles ne représentent que 16 % des employés des entrepôts qu’il gère chez But. “Ce qui est plutôt pas mal, défend-il, à l’instar de la responsable ergonome de GXO. Parce que les produits que nous manipulons sont lourds (meubles à plat, canapés, fauteuils, etc.). Toutes les femmes ne sont pas des nageuses soviétiques dopés”, se hasarde-t-il. “J’ai 20 ans de logistique donc j’ai vu effectivement arriver les technologies, y compris l’arrivée des femmes”, témoigne un homme de l’assistance.
La petite blague de Michel
Des tournures symboles de la lente mutation des mentalités. “C’est très difficile pour certaines personnes d’évoluer […], de comprendre que les discours un peu macho et virile n’avaient pas de raison d’être, que les femmes pouvaient prendre des postes à responsabilité, que parfois elles étaient meilleures que nous, et qu’il fallait une cohabitation bénéfique pour tout le monde”, soulève au passé Thomas Daudré-Vignier.
Une problématique à laquelle Samya Bellhari-Trahin répond par des formations sur les risques psychosociaux, le harcèlement moral et les agissements sexistes sous la forme d’un jeu de rôle, “une mise en situation que l’on retrouve généralement régulièrement dans les entrepôts et qui va générer des tensions”.
Est-ce que vous vous sentez crédible pour manager des caristes ?
“Ces formations sont très riches et intéressantes parce qu’autour de la table, des femmes et des hommes débattent ensemble sur la petite blague de Michel que toutes les femmes reçoivent, qui est facile et simple pour lui, mais qui peut être perçue péniblement par les femmes à moyen et long terme”, illustre l’ergonome. “Nous faisons également beaucoup de formations chez But justement sur le respect, la bienveillance, la diversité et le respect du droit des femmes”, enchérit au présent Thomas Daudré-Vignier. Avant de lorgner sur une différence culturelle disputable. “Moi j’aime bien dire les choses telles qu’elles sont : on constate un remplacement d’une population par une autre, c’est-à-dire qu’il y a beaucoup de gens issus de l’immigration qui viennent dans nos entrepôts et qui n’ont pas forcément cette culture de la femme, postule-t-il. Il faut par exemple rappeler que cela ne se fait pas de tourner le dos à une responsable qui dit bonjour”.
On manque encore de modèles féminins
Pour Marie-Laure Furgala, la réalité est différente aujourd’hui, même si. “Je me souviens encore d’un entretien de recrutement pour un stage dans un entrepôt de région parisienne il y a 28 ans. On m’a posé cette question : ”Est-ce que vous vous sentez crédible pour manager des caristes ?”, maugrée-t-elle encore. Si j’ai pris ma revanche, formant ceux qui vont manager les caristes, mes étudiantes ont toujours du mal à se projeter dans un univers entrepôt. Il est nécessaire de faire évoluer l’image de ce métier en mettant en place des mises en situation ou des visites de sites, leur faire visualiser qu’effectivement ce n’est pas un métier réservé aux hommes. Les femmes souffrent du syndrome de Cendrillon : on boulonne, on boulonne, mais on est moins visible. On manque aussi de rôle modèle féminin, mes mentors ont toujours été des hommes.”
La directrice suggère d’aller construire l’attractivité du côté de la Supply Chain, compris selon elle comme “tous les pavés en amont et en aval de la logistique, des entrepôts et des transports”. “L’élargissement à la Supply Chain aide à féminiser le sourcing de mes étudiants, explique-t-elle. Nous avons une nouvelle génération qui veut avoir un réel impact environnemental et sociétal, qui veut s’orienter vers des fonctions leur permettant d’avoir un vrai levier d’action.”
De quoi rester optimiste. “Je voudrais rassurer le public : pour mes étudiants, la Supply Chain n’est pas un métier genré ! Ils ne comprennent même pas pourquoi on pose le débat sur la table”.
Manutention assistée
À côté du changement de mentalités et de sa valorisation auprès du jeune public, le secteur compte sur les nouvelles technologies pour attirer les femmes. « La réduction de la pénibilité en entrepôt et dans la logistique au sens large est une source d’attractivité pour une population qui jusqu’à maintenant ne s’identifiait pas à ce métier », assure Marie-Laure Furgala, citant « l’intelligence artificielle, la mécanisation, la mise en place de convoyeurs et de robots, les armoires robotisées d’Amazon que vous voyez sur internet et les chariots élévateurs à l’hydrogène que l’on recharge comme une voiture, jugés plus rassurants pour les femmes ». « La population féminine se reconnaît davantage dans la manutention assistée que dans les entrepôts d’il y a 30 ans, qui ont quand même bien évolué », explique-t-elle.
Les standards non genrés génèrent des situations de travail plus adaptées à la population masculine
“Un tas de nouvelles technologies comme la cobotique (collaboration humain-robot, ndlr), les AGV (véhicule a guidage automatique qui conduisent un colis ou une palette d’un point A à un point B, ndlr) ou la réalité augmentée permettent aujourd’hui de limiter les contraintes et de permettre aux femmes et aux hommes d’effectuer ces métiers dans de meilleures conditions”, égrène Baptiste Truillet, ergonome au sein de la start-up Soter Analytics qui développe des capteurs capables de mesurer “les contraintes réelles que les opérateurs subissent”.
Des technologies qui éclairent l’inégalité de genre des postes de travail. “À métier et environnement égaux, nos capteurs ont remontés environ 30 % de contraintes supplémentaires (en volume) pour les femmes”, informe l’ergonome. La faute, selon lui, à des postes de travail conçus selon des “standards non genrés qui génèrent des situations de travail plus adaptées à la population masculine”.
De son côté, GXO a mis en place “un certain nombre d’actions techniques dont des exosquelettes”, précise Samya Bellhari-Trahin. Idem pour Thomas Daudré-Vignier. “Grâce aux exosquelettes, nous avons un site qui n’a plus d’accidents depuis deux ans”, se réjouit-il. Le directeur des sites logistiques de But reste toutefois dubitatif quant à l’apport de l’intelligence artificielle dans son métier. “Pour optimiser les approvisionnements ou l’organisation, oui. Mais je ne crois pas du tout à la robotisation globale, estime-t-il. Nous avons écumés les salons, il n’y a aucune entreprise qui a travaillé sur nos produits. Derrière l’intelligence artificielle, il y a de l’humain qui donne de la data. S’il n’y a pas la connaissance métier, elle peut vous proposer un truc sur le papier qui vous semblera magnifique mais qui ne marchera pas dans la réalité.”
Rotation des postes
Après les “actions humaines et sociales” et les “actions techniques”, un dernier pan à explorer : “Les actions en matière d’organisation du travail”, résume la responsable ergonomie et QVT de GXO, qui a classé pour l’occasion les initiatives de sa structure.
“Je pense qu’il va falloir que l’on travaille encore davantage sur les actions organisationnelles”, pointe-t-elle, pourtant “très fière” d’un récent “accord conclu main dans la main avec les élus sur la qualité de vie au travail, l’équilibre vie pro/perso et l’égalité professionnelle”. L’ergonome souhaite ainsi “encourager la promotion interne, réfléchir à la rotation des postes [au sein de GXO], à l’équilibrage des lignes de copacking, et d’une façon générale, à la manière dont [elle] va pouvoir préserver le mieux possible les femmes dans l’entreprise”.
Geodis travaille sur le paiement intégral du congé maternité
Marie-Laure Furgala insiste aussi sur la nécessité de mieux organiser le travail des femmes, mettant en avant de belles initiatives : “Au niveau monde, Geodis travaille sur le paiement intégral du congé maternité, voire à son allongement, et Amazon aménage les horaires de travail des femmes enceintes ou qui ont des jeunes enfants, en les assignant par exemple en équipe de jour et pas uniquement en équipe du matin ou de l’après-midi”.
La directrice de Master souligne aussi l’importance des journées « enfant ». “Parce qu’il y a beaucoup de mères célibataires dans ces métiers, cela les aide à se maintenir en poste”, explique-t-elle. “C’est compliqué les horaires changeants, répond Thomas Daudré-Vignier. Nous avons effectivement de plus en plus de mères célibataires alors nous essayons de trouver des solutions, tout en respectant une équité quand même globale de l’entreprise”. Une équité globale…de genre.
(*) Supply chain : chaîne logistique. Ces mots désignent les différentes étapes liées à la chaîne d’approvisionnement, de l’achat des matières premières à la livraison d’un produit ou service au client.
“L’écart salarial entre les femmes et les hommes est réel”
Une autre manière d’attirer les femmes et la jeune génération serait d’agir sur les salaires. Or, Marie-Laure Furgala déplore le manque d’équité salariale dans le secteur. “L’écart salarial est réel entre les hommes et les femmes : à diplôme égal et compétences égales, mes étudiantes touchent 1 300 € de moins que mes étudiants à l’embauche. Comment ce métier peut continuer à vouloir être actif auprès d’une population discriminée dès le départ ?, s’agace-t-elle. Je ne vous parle même pas des écarts de salaire au bout de 5, 10 ou 20 ans. Je constate chaque jour l’écart salarial, étant marié à un ancien diplômé de l’ISLI.” Une sortie qui interpelle un congressiste. “Moi, je dis aux collègues qui sont déjà dans la logistique ”Reproduisez-vous entre vous ! ”. À quoi sourit la directrice de Master : “Merci Monsieur, je dis la même chose à mes étudiants pour assurer mon sourcing dans 20 ans”.
Matthieu Barry
Indemnisation des accidents de travail : le PLFSS revient sur le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation
04/10/2023
Au moment même où le gouvernement lance une campagne de communication sensibilisant les entreprises aux accidents de travail graves et mortels, l’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) inquiète les professionnels de la prévention et les défenseurs des victimes de ces accidents et maladies professionnels (AT-MP). L’Andeva, l’association de défense des victimes de l’amiante, n’y va pas par quatre chemins : à ses yeux, ces dispositions constituent “un gros cadeau au patronat sur le dos des victimes et de la prévention, car les employeurs condamnés au titre de la faute inexcusable sont d’abord des délinquants qui se sont affranchis de leur obligation de sécurité et qui n’ont pas respecté les principes de prévention imposés par le Code du travail”.
Cet article prévoit en effet des dispositions visant à contrecarrer deux arrêts du 20 janvier 2023. Avec ces décisions, et en cas de faute inexcusable de l’employeur, la Cour de cassation accepte dorénavant que les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles (AT-MP) obtiennent une réparation complémentaire pour les souffrances physiques et morales endurées après consolidation, sans qu’il soit besoin de prouver que la rente perçue au titre de ces AT-MP ne couvre pas déjà ces souffrances.
L’exposé des motifs de cet article explique que ce revirement de jurisprudence “risque de conduire à une augmentation très importante du coût financier reposant sur les employeurs en cas de faute inexcusable de l’employeur, au risque de provoquer des faillites pour les entreprises les plus petites”. En conséquence, “la redéfinition du caractère dual de la rente et l’évolution du calcul de cette dernière apparaissent donc indispensables”. De fait, le projet de loi prévoit donc de garantir “la nature duale de la rente AT-MP, qui doit couvrir à la fois le préjudice économique et une part des préjudices extra-professionnels de la victime. Ainsi, les victimes AT-MP de droit commun percevront une rente couvrant de manière certaine ces deux types de préjudices, et en cas de faute inexcusable de l’employeur (FIE), l’employeur ne sera pas seul à supporter la charge financière d’un préjudice fonctionnel déjà en partie couvert par la rente AT-MP”. L’article indique ainsi :
« Lorsque l’incapacité permanente est égale ou supérieure à un taux minimum, la victime a droit à une rente forfaitaire composée de deux parts : « 1° Une part, dite professionnelle, correspondant à la perte de gains professionnels et à l’incidence professionnelle de l’incapacité. Elle est égale au salaire annuel modulé, multiplié par le taux d’incapacité. Le salaire annuel modulé est égal à une fraction du salaire annuel de la victime ou du salaire annuel minimum mentionné à l’article L. 434-16, dégressive en fonction du niveau de ce salaire. Le taux d’incapacité peut être réduit ou augmenté en fonction de la gravité des lésions et de l’atteinte portée aux perspectives de la victime sur le marché du travail ; « 2° Une part, dite fonctionnelle, correspondant au déficit fonctionnel permanent de la victime. Elle est égale à une fraction du taux d’incapacité multipliée par une valeur de point d’incapacité fixée par un barème qui tient compte de l’âge de la victime (..)”.
Source : actuel CSE
Congés payés et maladie : AvoSial s’alarme du risque financier pour les entreprises
05/10/2023
Dans un communiqué publié hier, le syndicat des avocats d’entreprise en droit social, AvoSial, réagit aux arrêts du 13 septembre 2023 sur la prise de congés en cas de maladie du salarié. Tout comme la CPME l’avait exprimé, et à l’inverse de la réaction d’un syndicat comme FO, AvoSial s’alarme des conséquences financières pour les entreprises.
AvoSial déplore “l’inaction de l’Etat sur le sujet qui conduit maintenant à une situation « difficile » pour les entreprises qui peuvent se retrouver avec des demandes de rappels de congés payés qui peuvent avoir des incidences financières importantes”. Et ce, alors que ce revirement était prévisible de longue date.
“AvoSial va bien entendu tout mettre en œuvre pour accompagner les entreprises et ses adhérents dans la gestion de cette situation. La rencontre avec le ministère du travail déjà programmée cette semaine sera l’occasion d’en échanger et un groupe de travail dédié à ce sujet a été mis en place”, conclut le communiqué.
Congés payés et maladie : FO se félicite des décisions des juges, la CPME s’insurge
02/10/2023
Après les décisions rendues le 13 septembre dernier par la Cour de cassation sur le droit aux congés payés et les arrêts maladie, FO, qui avait intenté plusieurs actions en justice sur ce thème, se félicite d’une “importante avancée sociale pour les salariés”. Alors que le gouvernement réfléchit à une éventuelle modification législative à ce sujet, FO indique aux salariés que ces décisions sont “d’application immédiate et rétroactive” : “Les employeurs n’auront d’autre choix que de s’y conformer, en accordant des congés payés, aux salariés en maladie ou de retour de congé parental, sans attendre une retranscription dans le code du travail. Ces jours de congés payés constitueront soit des jours de repos soit une indemnité de congés payés en cas de rupture du contrat de travail”, insiste Force Ouvrière.
A l’inverse, la CPME, le syndicat patronal des petites et moyennes entreprises, s’insurge contre ces arrêts : “Les salariés en arrêt maladie non professionnel de longue durée pourraient cumuler des congés payés, au titre de ces périodes pourtant… non travaillées. Alors qu’un salarié serait, par exemple, en arrêt maladie depuis un an, l’entreprise devrait lui verser une somme correspondant à cinq semaines de congés payés ! Les chefs d’entreprise ne sauraient accepter de payer des congés payés à des salariés qui ne travaillent pas. Ce serait la porte ouverte à du grand n’importe quoi”.
L’organisation estime que les conséquences financières seraient trop importantes pour les entreprises “car cela renchérirait notablement le coût du travail”. Elle demande au gouvernement de “prendre la mesure des conséquences de cet imbroglio juridique” et “d’y mettre bon ordre”.
Source : actuel CSE
Transparence financière et représentativité du syndicat : attention à la date de publication des comptes !
03/10/2023
L’approbation et la publication des comptes de l’avant-dernier et de l’avant-avant-dernier exercices, quelques mois après la désignation du représentant de la section syndicale (RSS), ne suffisent pas à justifier du critère de transparence financière du syndicat.
La représentativité syndicale, rappelons-le, est déterminée d’après les critères cumulatifs suivants :
le respect des valeurs républicaines ;
l’indépendance ;
la transparence financière ;
une ancienneté minimale de 2 ans ;
l’audience établie selon les niveaux de négociation ;
l’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience ;
les effectifs d’adhérents et les cotisations.
Le respect du critère de transparence financière, qui s’apprécie de façon autonome par rapport aux autres critères, est exigé de tout syndicat (représentatif ou non) pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise.
Mais il n’est pas toujours aisé de savoir quand et sur la base de quels documents comptables apprécier ce critère. Un arrêt non publié de la Cour de cassation du 20 septembre 2023 offre l’occasion de faire le point sur cette appréciation.
Quand et comment apprécier le critère de transparence financière : rappel des principes jurisprudentiels
Au fil du temps, la Cour de cassation a dégagé plusieurs principes à suivre pour apprécier le critère de transparence financière d’une organisation syndicale.
Ainsi :
ce critère doit être satisfait à la date de l’exercice de la prérogative syndicale (à savoir la désignation par le syndicat du délégué syndical ou du représentant de section syndicale – RSS) (Cass. soc., 8 mars 2017, n° 16-13.033) ;
il s’apprécie au titre du dernier exercice clos du syndicat (Cass. soc., 10 févr. 2021 n° 19-18.040) : seul le dernier exercice clos précédant l’année au cours de laquelle a été exercée la prérogative syndicale compte car la loi n’impose pas de vérifier le respect de l’obligation de transparence financière au regard des deux derniers exercices clos ;
l’approbation des comptes du syndicat pour un exercice clos doit avoir lieu au plus tard à la clôture de l’exercice suivant (Cass. soc., 2 févr. 2022, n° 21-60.046) ;
on ne peut passer outre le défaut de publication des comptes d’un syndicat pour négocier un accord collectif avec lui (CE, 6 avr. 2022, n° 444460).
Quels documents comptables produire ?
Pour satisfaire à l’obligation de transparence financière, le syndicat doit établir des comptes annuels dont les conditions varient selon ses ressources :
si ses ressources sont inférieures à 2 000€, le syndicat doit tenir un livre mentionnant chronologiquement le montant et l’origine des ressources et des dépenses, ainsi que les références aux pièces justificatives (C. trav., art. D. 2135-4) ;
si ses ressources sont supérieures à 2 000€ mais inférieures ou égales à 230 000€, le syndicat doit présenter un bilan, un compte de résultat et une annexe simplifiée (C. trav., art. D. 2135-3) ;
si ces ressources sont supérieures à 230 000€, le syndicat doit présenter un bilan, un compte de résultat et une annexe (C. trav., art. D. 2135-2).
Toutefois, les documents comptables dont la loi et la réglementation imposent la production ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière du syndicat ; ils peuvent être suppléés par d’autres documents que le juge doit examiner (Cass. soc., 29 févr. 2012, n° 11-13.748).
Attention ! S’il est possible de produire d’autres documents en justice pour prouver la transparence financière d’un syndicat, la jurisprudence est, depuis quelque temps, très stricte sur les dates d’approbation et de publication de ses comptes, comme l’illustre la décision commentée ici.
Attention à la date d’approbation et de publication des comptes !
Dans cette affaire, le 22 novembre 2021, un syndicat désigne un salarié en qualité de représentant de la section syndicale (RSS) au sein d’une entreprise. Deux semaines plus tard, celle-ci saisit le tribunal de proximité afin de voir annulée cette désignation.
Constatant que le syndicat n’avait fait approuver ses comptes 2019, 2020 et 2021 qu’en mars 2022 et n’avait publié ses comptes clôturés au 31 décembre 2019 et 2020 que le 5 mai 2022, les juges du fond font droit à cette demande.
Syndicat et salarié se pourvoient alors en cassation arguant de la jurisprudence de 2012 précitée disposant que d’autres documents comptables peuvent suppléer les documents comptables dont la loi impose la confection et la publication.
Pour eux, même si les comptes de l’exercice 2020 n’avaient pas été approuvés par le congrès à la date de désignation du RSS, le syndicat produisait suffisament de preuves suppléant cette carence, que les juges se devaient d’examiner. Etaient produits :
les comptes annuels arrêtés des années 2014 à 2019,
le procès-verbal du congrès du 18 mars 2022 portant approbation des comptes 2019, 2020 et 2021,
et les bilans des adhésions au 31 décembre.
En outre, le syndicat justifiait également de la publication le 5 mai 2022 de ses comptes clôturés aux 31 décembre 2019 et 2020.
La décision de la Cour de cassation
Cela reste insuffisant pour la Cour de cassation, qui relève que les comptes de l’exercice 2019 n’avaient pas été approuvés au plus tard à la clôture de l’exercice suivant (les comptes de l’exercice 2019 avaient été approuvés le 18 mars 2022 et non – au plus tard – le 31 décembre 2020).
Cette illustration jurisprudentielle invite, une fois encore, à la plus grande vigilance quant au moment de l’approbation et de la publication des comptes d’un syndicat car les conséquences peuvent être lourdes : outre la remise en cause d’une désignation d’un délégué syndical ou d’un RSS, elles peuvent potentiellement remettre en cause la validité d’un accord collectif d’entreprise.
Géraldine Anstett
Classifications : la fédération métallurgie de la CFE-CGC appelle les grandes entreprises à l’exemplarité
06/10/2023
La fédération métallurgie de la CFE-CGC se montre relativement optimiste sur le déploiement des nouvelles classifications de la convention collective dans les entreprises. Mais Fabrice Nicoud, son président, avertit que son syndicat pourrait s’associer aux recours de salariés s’estimant injustement classés, a fortiori dans le cas où des entreprises obéiraient d’abord à une logique de maîtrise de la masse salariale.
Dans la métallurgie, les 42 000 entreprises de la branche doivent avoir mis en place au 1er janvier 2024 les nouvelles classifications : tous les postes doivent être analysés et les activités cotées afin d’inscrire chaque salarié dans un des nouveaux échelons de la grille conventionnelle (*). Un chantier ultra-sensible puisqu’il concerne pas moins de 1,5 millions de salariés.
Les employeurs ont eu un peu de temps pour se préparer puisque la nouvelle convention collective instaurant cette nouvelle grille conventionnelle a été conclue le 7 février 2022.
Les salariés d’Airbus connaissent leur nouveau positionnement depuis le mois de mars !
Certaines grandes entreprises ont d’ailleurs pris le taureau par les cornes et ont planché sur le sujet depuis de longs mois. C’est le cas d’Airbus, l’entreprise dont est issu Fabrice Nicoud, le nouveau président de la fédération métallurgie de la CFE-CGC, qui a tenu hier à Paris une conférence de presse sur le sujet : “Airbus a fait ce qu’il fallait faire. Les salariés connaissent depuis le mois de mars leur nouveau positionnement sur la grille”, rapporte le syndicaliste cadre. Cela a donné le temps nécessaire aux salariés pour se rapprocher de leur manager ou de leur RH pour demander des explications voire des corrections, les partenaires sociaux ayant recommandé de laisser une durée d’un mois pour de tels échanges.
Des entreprises parfois trop lentes au démarrage
D’autres employeurs sont partis plus tard. “Certaines entreprises n’ont pas d’emblée pris la mesure et la complexité de l’enjeu, or pour Airbus, par exemple, il fallait apprécier la situation de 50 000 salariés pour aboutir à la rédaction de 3 500 fiches d’emploi. C’est un chantier aussi important qu’une transformation industrielle, qui nécessite du temps et des moyens, en mode projet”, complète le cadre syndicaliste. Renault fait partie de ces sociétés qui ont embrayé avec retard, cite Bruno Azière, secrétaire national industrie à la CFE-CGC, mais l’entreprise a depuis mis les moyens après avoir signé un accord de méthode. L’entreprise est en train d’informer les salariés.
400 de nos adhérents ont été certifiés après une formation sur la nouvelle convention
Dans l’ensemble, les cadres de la CFE-CGC se montrent confiants sur cette transformation. Mais il est vrai que leur syndicat est surtout implanté dans de grandes entreprises. “Nous avons formé nos militants pour accompagner les salariés : 400 adhérents ont reçu la certification prévue par la branche après avoir suivi deux jours de formation”, rappelle Fabrice Nicoud.
Ce dernier n’en reste pas moins prudent. Il faut dire que de nombreux élus de CSE et des délégués syndicaux se plaignent de ne pas être informés ni consultés par leur direction sur ces classifications. Certes, comme le dit Bruno Azière, le CSE ne doit pas être informé et consulté sur le détail mais sur la méthode choisie par l’entreprise pour appliquer la nouvelle convention, les syndicats appelant souvent à la signature d’un accord de méthode pour cadrer les opérations et le calendrier. Mais ça semble coincer dans les PME notamment, ou même chez Thalès, une entreprise menacée par la CFDT d’un recours en justice pour la non application de son accord de méthode.
Un soutien de la CFE-CGC à des recours de salariés n’est pas exclu
D’où cet avertissement lancé par la CFE-CGC : s’il s’avérait que des entreprises n’aient pas correctement informé les salariés voire aient sciemment utilisé les cotations pour opérer des requalifications à la baisse afin de limiter toute hausse de la masse salariale liée à ces changements, le syndicat pourrait soutenir les actions devant les prud’hommes que lanceraient des salariés, voire saisir le juge judiciaire “pour demander le respect par l’entreprise des dispositions de la convention collective”, prévient Fabrice Nicoud. Ce dernier estime que la signature par son syndicat de la nouvelle convention justifie amplement qu’il s’assure de sa bonne application : “Les grandes entreprises ont un devoir d’exemplarité sur ce dossier”. Et Fabrice Nicoud d’ajouter que les dispositions de la nouvelle convention sur la protection sociale, en vigueur elles depuis le 1er janvier 2023, n’ont pas posé de problème.
L’enjeu est de rendre les métiers de l’industrie attractifs
La situation des cadres, et notamment des salariés “assimilés cadres”, sera observée de près par la CFE-CGC, car certains pourraient en théorie perdre leur statut avec leur nouvelle classification. Des situations inédites pourraient-elles résulter du maintien d’un statut cadre, au sens de la protection sociale et de l’Apec (Association de l’emploi des cadres), et de la perte d’un échelon correspondant dans la nouvelle grille ? “Il ne devrait pas y avoir beaucoup de problèmes. Si c’est le cas, nous suggérerons aux RH d’ajouter des activités à la fiche de poste d’une personne pour lui maintenir sa qualification”, indique le syndicaliste.
Aux yeux du président du syndicat métallurgie des cadres, l’enjeu est cependant beaucoup plus global que les simples situations individuelles. Le pari de cette nouvelle convention et de ces nouvelles classifications est de provoquer un effet attractif pour attirer les jeunes, notamment ingénieurs, vers les métiers de l’industrie. “L’enjeu est maintenant de bâtir des vraies perspectives de carrière pour les cadres, qui passent d’un seul coefficient dans l’ancienne grille à 8 coefficients”, soutient le président des métaux cadres.
La question des collèges électoraux
Une des nombreuses questions posées par la nouvelle grille conventionnelle concerne la répartition des nouveaux collèges électoraux. Certes, comme le souligne Fabrice Nicoud, la nouvelle convention n’aura pas d’effets sur les élections professionnelles qui se tiennent jusqu’à la fin de l’année. Mais ensuite, les entreprises devront bien décider, dans leur protocole d’accord préélectoral, comment se répartissent les salariés dans les différents collèges. A ce sujet, les organisations syndicales s’accordent pour que la branche émette une recommandation de classement aux entreprises. Le patronat de la branche, l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM), doit d’ailleurs se prononcer mardi 10 octobre sur ce projet.
En résumé, les syndicats estiment que les catégories de A1 à C5 relèvent du 1er collège (ouvriers et employés), les catégories D7 à E10 du second collège (techniciens et agents de maîtrise), les cadres débutant à partir de la catégorie F11 (3e collège lorsqu’il existe). Seule la catégorie C6 n’est pas arbitrée car pouvant être versée selon les cas dans le 1er ou second collège.
(*) Cette cotation doit se faire à partir d’une grille composée de 6 critères classants (complexité de l’activité, connaissances, autonomie, contribution, encadrement ou coopération, communication), chacun de ces 6 critères comptant à son tour “10 degrés d’exigence” (voir la grille d’analyse en pièce jointe). Le tout aboutit à un certain nombre de points (entre 6 et 60), ce total définissant la cotation d’un emploi. Au total, 55 cotations différentes peuvent ressortir de ce calcul, ces 55 cotations devant être regroupées dans 18 classes différentes d’emploi, qui appartiennent à leur tour à des groupes désignés par des lettres allant de A à I (les emplois cadres sont classés dans les groupes F, G, H et I).
► Fabrice Nicoud a réagi à l’arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre (lire notre article dans cette même édition). Cet arrêt donne raison aux signataires de la nouvelle convention dans leur choix de procéder à une extinction (au lieu d’une dénonciation et d’une renégociation) de certains accords territoriaux de la métallurgie afin de leur substituer la convention nationale : “Je comprends que la Cour de cassation estime notre solution juridiquement acceptable, contrairement à ce que soutenait la CGT. J’espère que cela va accélérer le traitement des litiges qui restent en suspens sur le sujet”.