Archives de catégorie : Newsletter Actu Sociale N°114

PROTECTION SOCIALE

Assurance chômage : pas d’évolutions sur le projet d’accord, une 2e version est présentée ce matin

10/11/2023

Les partenaires sociaux tiennent leurs dernières réunions de négociation sur l’assurance chômage en cette fin de semaine. Après une longue réunion jeudi jusqu’à 22 heures sans avoir fait évoluer leur projet d’accord, ils se retrouvent ce matin pour tenter de trouver un compromis. Le patronat est resté fixé sur ses positions, et exige une réduction de contributions tandis que les syndicats de salariés défendent une amélioration des droits des demandeurs d’emploi. Denis Gravouil, le négociateur de la CGT, a indiqué que dans ces conditions, signer l’accord serait “inacceptable pour nous”. Pour Olivier Guivarch (CFDT), “on savait que ce serait difficile, et on n’a rien de neuf. On était d’accord sur la légitimité patronale à demander un baisse de cotisation, mais la voie est étroite, on continue demain matin”.

Michel Beaugas (FO) a salué la poursuite des discussions ce matin mais en posant les conditions d’une signature du texte par Force Ouvrière : un renvoi du sujet des seniors, la suppression de l’article 4 pour les assistantes maternelles, la suppression de la dégressivité. “Sur la mensualisation, il faut réécrire l’article. Le projet d’accord est actuellement déséquilibré en défaveur des demandeurs d’emploi”, a-t-il indiqué. Jean-François Foucard (CFE-CGC) a continué de demander la suppression de la dégressivité : “Elisabeth Borne nous a dit deux fois lors de réunions bilatérales en juin et en octobre qu’on pouvait la supprimer, le patronat s’en remet à la lettre de cadrage mais c’est politique. Si on signe cet accord, on avalise l’ensemble des sujets contre lesquels on a lutté pendant 4 ans “.

Si les organisations patronales et syndicales ne trouvent pas d’accord, l’État pourra reprendre la main sur ce régime et réglementer l’assurance chômage directement par décrets. L’enjeu de cette négociation pour les partenaires sociaux est donc de tirer leur épingle du jeu tout en sauvegardant ce volet important du paritarisme. Ils espèrent également éviter que le gouvernement ponctionne les excédents de l’Unédic, comme il a souhaité le faire à l’égard des retraites complémentaires Agirc-Arrco avant de finalement y renoncer.

Source : actuel CSE

ACTIVITÉS SOCIALES ET CULTURELLES

[Note de lecture] Pleine lucarne pour le “foot sentimental”

10/11/2023

Séquence nostalgie ce vendredi avec ce livre de Dominique Rocheteau dont le titre (“Foot sentimental”) est un clin d’œil à la chanson d’Alain Souchon. L’ancien footballeur de Saint-Etienne y dit son attachement aux valeurs solidaires et collectives d’une équipe et, bien sûr, son amour du ballon rond…et ovale.

Sans pour autant être écrit avec les pieds, c’est un livre sans prétention. On pourrait presque dire…un livre qui va droit au but. Il faut dire que son auteur a aujourd’hui les genoux usés : ses crampons ont labouré tant et tant de terrains de foot de France et de Navarre ! Au poste d’ailier droit ou d’avant-centre, il a imposé sa silhouette un rien dégingandée en multipliant chevauchées cheveux au vent et buts au débotté, que ce soit à Saint Etienne, au Paris Saint-Germain ou Toulouse, sans oublier l’équipe de France (voir ici un résumé de quelques buts), même s’il a l’honnêteté de reconnaître avoir complètement loupé l’Euro de 1984, pourtant remporté par une France emmenée par les Platini, Giresse, Tigana et compagnie.

Lui, c’est Dominique Rocheteau. Un enfant de la Charente-Maritime, né en 1955, et qui a grandi – il culmine à 1m77- dans l’amour du foot que son père pratiquait avec brio, mais comme amateur, sur les terrains de la région. Un père qui ne s’est jamais emporté sur le terrain, qui n’a jamais répondu aux agressions et coups dont il était victime, un père que Dominique Rocheteau n’aura eu de cesse d’imiter. Il met ainsi un point d’honneur à souligner dans son livre son palmarès quasi-vierge sur le plan disciplinaire : une carrière sans carton rouge, seulement “ternie” de deux cartons jaunes…

Un premier contrat pour 800 francs mensuels

Bien sûr, le nom de Rocheteau ne dira peut-être rien aux jeunes et moins jeunes qui n’ont pas suivi l’épopée européenne des Verts dans les années 70. L’imaginerait-on encore aujourd’hui ? En mai 1976, l’équipe de Saint-Etienne, malgré sa défaite en finale de coupe des clubs champions européens face au Bayern de Munich (la faute aux poteaux carrés !), avait été fêtée tels des vainqueurs par la foule rassemblée sur les Champs-Elysées.

 Giscard n’était pas un grand fan de foot !

Les joueurs avaient même eu le privilège d’être reçus à l’Elysée par un Valéry Giscard d’Estaing ayant visiblement la tête ailleurs : “Le Président m’a donné l’impression de ne pas avoir vu la finale…et de ne reconnaître personne (..) Tout, dans son attitude, ses gestes, dans ses mots, laissait penser qu’il n’était pas un grand fan de football”. 

Le nom de Rocheteau ne dira rien non plus à celles et ceux qui n’ont pas collé sa trombine chevelue sur les cahiers Panini, et qui n’ont jamais entonné “Qui c’est les plus forts ? Les plus forts c’est les Verts !”

Mais la lecture de ce livre leur offrira sans doute une autre vision du foot que celle qui prévaut aujourd’hui. On était loin alors, a fortiori dans une ville aussi ouvrière que Saint-Etienne, berceau de Manufrance, du tombereau d’espèces sonnantes et trébuchantes qu’apportent dorénavant les droits de diffusion et les pétromonarchies.

800 francs à 16 ans, c’était l’eldorado  

Ainsi, Dominique Rocheteau raconte avoir signé en 1971 le contrat de stagiaire que lui proposait l’Association sportive Saint-Etienne (ASSE) pour…800 francs mensuels. “Sincèrement, à 16 ans, c’était l’eldorado. Je n’avais aucune notion de ce que représentait l’argent”, écrit-il en assurant avoir découvert dans la presse, plusieurs années plus tard, l’existence d’une caisse noire à Saint-Etienne.

Des entraîneurs admirés mais…

S’il répète plusieurs fois son admiration et sa reconnaissance à l’entraîneur des Verts Robert Herbin (“Roby, son mot d’ordre, c’était courir, courir, courir”), au coach du Paris Saint Germain Gérard Houiller (“Un entraîneur-copain qui mettait une super ambiance dans le groupe”) et à Michel Hidalgo pour l’équipe de France (“Il était presque devenu mon second papa”), le regard de l’attaquant se fait plus dur quand il fixe les actuelles surfaces de réparation. 

Qu’est-ce qu’on a pu me chambrer avec ma pub pour des slips ! 

Dominique Rocheteau égratigne un monde du foot qu’il ne reconnaît plus tellement l’argent y a pris une place grandissante, même s’il admet avoir lui-aussi succombé à des propositions de publicités qui lui ont valu quelques moqueries : “«Y’a pas que le foot dans la vie ! » : c’est ce que je clamais dans une publicité, en 1987, pour le compte des slips Mariner. Qu’est-ce qu’on a pu me “chambrer” avec ça !”.

Difficile de ne pas approuver ses passages et ses formules (“Ethique et toc”) sur le foot-business et son incompatibilité avec des critères éthiques. Il faut dire que Rocheteau, qui n’aime quère son surnom d'”Ange vert”, présida un temps le conseil national d’éthique du foot (2002-2012).

Le football professionnel se fichait complètement de l’éthique 

Une expérience qui a fini de le désillusionner :”J’ai cru à l’idée de pouvoir changer les mentalités (..) Mais j’étais trop naïf. J’ai vite compris qu’une grande partie du monde professionnel se fichait complètement de l’éthique (..) J’ai ressenti le football amateur davantage à l’écoute : au moins il nous respectait”.

Difficile aussi de ne pas apprécier le sel de cette confidence à propos de ses relations avec les médias : au lendemain de la victoire de Saint-Etienne sur le terrain des Glasgow rangers, en novembre 1975, France Soir avait titré :  “Rocheteau : «Pour moi la vie ne sera jamais comme avant»”. Et l’ancien joueur de commenter : “Je n’avais jamais prononcé ces mots-là, je trouvais cette formule prétentieuse. J’ai compris que l’on pouvait fabriquer une image contre votre propre volonté”. 

Un amateur de rugby et un fou de musique

A la fin de son livre, Dominique Rocheteau consacre de belles pages au football féminin sans la condescendance souvent de mise chez les footballeurs mâles (sa mère a joué au foot, ceci explique peut-être cela). Et, à l’inverse de certains journalistes sportifs autocentrés sur le foot, l’ex-avant-centre sort de son terrain favori pour évoquer d’autres sports. Comme l’ancien footeux, qui peut difficilement continuer à courir, s’est mis au vélo et qu’il demeure un fou du tour de France, il signe quelques beaux passages en hommage à la petite reine.

Rocheteau évoque également son admiration pour le rugby, ses valeurs et ses règles qu’il aimerait voir adoptées par le foot : “Au rugby, si un ou plusieurs joueurs contestent une faute sifflée et qu’ils ne font pas l’effort de se replier à dix mètres de l’arbitre, celui-ci peut faire avancer l’équipe adverse de dix mètres vers la ligne d’essai. Adaptée au football, la règle produirait un certain effet : on pourrait vite se retrouver dans une surface de réparation, face au gardien de but”.

 J’ai passé des heures à Discoland

Mais la partie sans doute la plus originale de ce livre est à chercher dans les pages où l’ancien Vert dit son amour de la musique, et du rock : “A Saint-Etienne, j’ai passé des heures entières chez Discoland, un magasin de vinyles tenu par un passionné (..) fan des Beatles de la première heure”. L’ancien stéphanois, qui avait choisi de vivre dans un chalet isolé afin de pouvoir pousser le son, raconte avoir voyagé incognito aux Etats-Unis durant l’été 1979, afin de pouvoir suivre les concerts et festivals de ses idoles : Jefferson Airplane, America, ZZ Top. Il verra aussi, à Paris, Neil Young et Grateful Dead en concert, et assistera, en 1988, à un concert de…11 heures à Londres en hommage à Mandela, où défilèrent Simple Minds, Dire Straits, Sting, Eric Clapton, etc. Une affiche presque aussi belle que le fameux Saint-Etienne-Bayern !

Dominique Rocheteau (avec la collaboration d’Eric Chaumier, un ancien journaliste de l’Equipe), Foot sentimental, Le Cherche Midi, 200 pages, 18,50€.

A lire aussi : Petite histoire du foot, ou quand le jeu de passes reflétait la culture ouvrière de l’entraide

Nos précédentes notes de lecture
Laurent Berger dénonce « l’impensé politique » du travail  Au Canard Enchaîné, CSE et syndicats ne sont pas les bienvenus !  François Ruffin, le peuple, la gauche et le travail Jean Auroux, le dernier des progressistes  Retraites : les seniors victimes des réformes Soin du travail, règles du métier : les leçons du charpentier Clemenceau, simple flic ? Etc.

Bernard Domergue

NÉGOCIATION COLLECTIVE

Industrie pharmaceutique : la branche pourrait reconduire sa clause de revalorisation des minima conventionnels

09/11/2023

La branche de l’industrie pharmaceutique a prévu une séance de négociation le 16 novembre au sujet des minima conventionnels. Les partenaires sociaux avaient en effet négocié une clause prévoyant une revalorisation automatique, en cas de hausse du Smic, des trois premiers échelons conventionnels, clause qui devrait donc être reconduite. “Cette clause de sauvegarde a bien fonctionné, même s’il serait utile de différencier les niveaux des trois premiers échelons”, nous explique Olivier Faivre, de FO. A suivre donc, alors que de nombreuses branches traînent toujours les pieds pour revaloriser leurs minima.

Source : actuel CSE

COMMISSION SSCT

“Nous avons envoyé un courrier sur le danger du sous-effectif à 200 inspections du travail”

09/11/2023

Guillaume Escudié, élu CSE de Compass France (un groupe de restauration collective) et secrétaire de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CRSSCT) de la région Sud, nous explique dans cette interview détaillée comment il traite ces sujets en utilisant tous les leviers possibles.

Pouvez-vous nous préciser vos différentes casquettes ?

Guillaume Escudié : J’ai quasiment tous les mandats. J’ai le mandat de représentant de proximité et celui d’élu du CSE Medirest (ndlr : le groupe Compass compte 3 segments : la restauration d’entreprise avec Eurest, la restauration scolaire avec Scolarest et le segment de la santé avec Medirest). Je suis aussi secrétaire du CRSSCT (commission régionale santé, sécurité et conditions de travail) de la région Sud (qui compte toute la zone au sud d’une ligne qui irait de Biarritz à Annecy). Ensuite, je suis aussi au CSE central, qui gère les 3 segments. Cette segmentation correspond aux stratégies du groupe Compass France. Enfin, j’ai aussi le mandat européen avec un autre collègue de Paris. Dans ce mandat, nous traitons uniquement de questions transnationales, comme la santé au travail. Jongler avec ces différents mandats demande beaucoup d’organisation mais ce qui me plaît, c’est qu’au travers de ces instances, on va de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Cela me permet, entre autres, d’avoir les interlocuteurs nécessaires pour faire avancer mes dossiers et ceux des collègues.

Comment les questions de santé sécurité remontent-elles en CSE ?

Ce qui est bien, c’est que nous avons gardé la formation de l’ancien CHSCT (comité d’hygiène, sécurité et conditions de travail) que nous avions en entreprise à l’époque. Nous l’avons rebaptisé CSSCT générale au niveau du CSE central. Mais les commissions les plus efficientes, ce sont celles des régions, chaque segment ayant son CRSSCT. Chacun œuvre sur son segment, visite les établissements, fait des rapports d’expérience sur la sécurité au travail et tout ça est remonté en réunion trimestrielle au niveau de la région. Tous les 3 mois, j’organise une réunion de CRSSCT avec la direction, où nous traitons un ordre du jour sur la santé au travail de la région (basé sur les rapports de visite des élus). Ensuite, la direction se fait fort de remonter certains sujets traités en région au niveau national (tous les 3 mois, il y a une CSSCT nationale). Nous avons un bon dialogue et nous arrivons à apporter les sujets directement.

Il n’y a donc pas de différence sur la place de la santé au travail par rapport au fonctionnement précédent en CHSCT ?

La différence se fait sur le nombre d’élus. Nous étions un nombre d’élus assez conséquent à l’époque. Il a été fortement réduit, quasiment de moitié. Et nous ne sommes pas bien répartis géographiquement donc certains sites, par exemple dans le sud-est, sont peu visités par des élus. Notre employeur respecte la loi, mais, ce que je lui dis toujours, c’est que ce n’est pas parce que la loi limite à ça que l’entreprise ne peut pas prendre la décision d’aller plus loin si elle veut vraiment se donner les moyens de traiter la sécurité au travail.

Sur une région donnée, comme le Sud-Ouest, comment se passe la relation entre CSSCT et CSE ?

Un élu CRSSCT Medirest ne peut pas circuler sur un établissement Scolarest, à cause de la segmentation. Par contre, grâce à mon mandat de délégué syndical national, j’ai la liberté de circulation sur les sites. Si je vois un danger dans un établissement, je peux tout à fait le faire remonter et faire intervenir les CRSSCT. Cela m’est arrivé déjà de coordonner une action du CRSSTT Scolarest, par exemple. Cela peut aider dans la mise en place des actions, car le problème c’est qu’on a beaucoup d’élus qui ne sont peut-être pas formés correctement.

Les élus d’un premier mandat doivent pourtant bénéficier d’une formation de 5 jours en matière de SST…

Oui, nous avons eu cette formation et nous avons choisi de passer par un organisme extérieur, différent d’un syndicat, en l’occurrence la Croix Rouge. Pour moi la formation, c’est comme une mayonnaise, on est tous des ingrédients différents et, comme on va travailler pendant 4 ans ensemble de façon plutôt coordonnée, c’est plutôt intéressant d’avoir été formé dans le même moule.

 La formation suivie ensemble nous a permis de nous connaître et de faire équipe

Cette formation nous a aussi permis de nous connaître et on n’a pas du tout abordé les étiquettes syndicales. Nous avons vraiment constitué une entité sécurité au travail. Quand je parlais de la formation, je pensais davantage à la pratique. Nous avons beaucoup de premiers mandats et certains ont des difficultés à s’exprimer devant la direction parce que c’est impressionnant (*). Surtout au début. Le positionnement face à la direction peut être assez perturbant. Il faut travailler la confiance en soi, s’affirmer, puis oser porter les problématiques. Et surtout savoir insister et, parfois, être pugnace parce qu’il ne faut pas se contenter d’un non. C’est pour ça que j’aime bien être présent, aider et accompagner mes collègues parce que ça me permet de lancer les sujets, puis d’appuyer, de relancer, etc.

Quels sont vos principaux enjeux en santé au travail ?

Il y a quelques années, le gros sujet qu’on a rencontré sur le sud-ouest, ça a été le management et les risques psychosociaux, les RPS. C’est un sujet qui remonte très fréquemment et quand j’ai pris mes mandats, nous avions quand même un no man’s land du management, avec des pratiques très nocives.

 Le management et les risques psychosociaux

 J’ai vraiment lutté sur ce sujet-là. Depuis, il y a eu des changements au niveau de la ligne managériale. Il existe maintenant des formations de managers, de “leadership for action”. La situation s’est améliorée. Aujourd’hui, quand nous remontons un point sur ce sujet des RPS, il est pris en compte rapidement. Mais, pour en arriver là, je me suis beaucoup appuyé sur la loi. Dans notre métier de la restauration collective, les salaires sont très bas. En tant que syndicaliste, c’est très compliqué de mobiliser les gens pour une action, à cause de la perte de salaire. J’ai vite compris que le seul truc qui pouvait me faire franchir les montagnes c’était la loi. Avec l’objectif de coller à la loi, je me suis formé en autodidacte sur la législation. J’essaie d’avoir des arguments qui me permettent d’avancer les sujets, sans compter sur une mobilisation mais en comptant sur la loi.

Les élus sont-ils alertés rapidement en cas d’accident du travail ?

Lorsqu’un accident de travail arrive, il est déclaré sur un système informatique par le gérant, avec tous les détails. Nous avons accès à toutes les informations :  le nom, l’heure de l’accident, la petite phrase d’explication de des circonstances. L’analyse de sa cause est réalisée à partir d’une grille entre le gérant et la personne accidentée. A ce moment-là, au niveau de la recherche de solutions, nous ne sommes pas systématiquement informés. Par contre, à toutes les réunions, nous passons en revue chaque accident de travail les uns après les autres. Pour les accidents graves, nous déclenchons des enquêtes. Je pense au cas d’une personne qui s’est tranchée trois doigts avec une trancheuse. Nous sommes allés 48 heures sur site et nous avons rédigé un rapport que nous avons transmis à l’inspection du travail.

Avez-vous déjà mis en œuvre votre droit d’alerte ou votre droit d’inspection ?

Oui, en tant que référent au harcèlement, il m’est arrivé de lever une alerte (en joignant l’inspection du travail) et de déclencher une enquête interne qui a duré deux mois. Avec la RH, une assistante RH et un autre élu, nous avons auditionné 16 personnes lors d’entretiens confidentiels d’une heure. Je demandais systématiquement l’autorisation d’enregistrer les personnes de façon à pouvoir faire un compte-rendu. On avait prévu l’eau, les mouchoirs, tout. Le harcèlement a été démontré et le manager qui procédait à cette pratique a été licencié. Le fait qu’on ait levé une alerte conformément au droit du travail, c’est à dire en joignant l’inspection du travail, cela a permis de “crever le plafond de verre”.

Pensez-vous avoir “crever ce plafond de verre” grâce à votre casquette de référent harcèlement ?

Oui, mais plus largement, la prévention des RPS permet de faire remonter des sujets très concrets. Par exemple, il y a quelques années, nous avions des problèmes sur le paiement des heures supplémentaires, notamment en cuisine. C’était un peu “capillotracté” comme approche, mais j’ai remonté ce sujet en CRSSCT en le liant au risque psychosocial, avec le stress généré par ce non-paiement des heures. Au début, la direction s’est battue en disant que ce n’était pas un sujet de santé au travail. Mais à l’époque, un inspecteur du travail venait à toutes nos réunions trimestrielles et il est intervenu en disant que si, ça impactait la santé des salariés au quotidien. Cela nous a permis de régler énormément de problèmes.

Avez-vous un autre exemple concret ?

Aujourd’hui, je mets en avant le sujet des sous-effectifs. Comme nous sommes dans un contexte économique difficile avec l’inflation, le secteur de la restauration collective essaie de faire des économies, notamment sur le personnel (les clients ne payent pas ce qu’ils devraient payer par rapport au contexte actuel inflationniste, ndlr). Nous avons fait un courrier au niveau national, que nous avons envoyé à plus de 200 inspections du travail, et autant de SPST ( ) .

Nous avons envoyé un courrier sur le danger du sous-effectif à 200 inspections du travail 

Nous expliquions que ce sous-effectif induisait une mise en danger des collaborateurs puisqu’ils sont soumis à la précipitation (du fait d’être moins pour faire les mêmes choses, il faut aller plus vite). Or, selon l’article L. 4121 du code du travail, c’est le travail qui doit être adapté à l’homme et non l’inverse. Nous avons signé ce courrier seulement avec des noms d’élus, sans étiquette syndicale. La direction a ainsi vu que les gens s’unissaient les uns aux autres. Cette action “coup de poing” a permis de débloquer du personnel intérimaire l’été, ce qui nous avait été refusé auparavant.

Depuis la loi sur la santé au travail, êtes-vous davantage impliqué dans l’évaluation des risques professionnels (DUERP) ?

Nous sommes sollicités pour valider les documents uniques des régions. Mais je ne veux évidemment pas valider un document unique d’un établissement à Nice sur lequel je n’ai jamais mis les pieds. Là-dessus, il y a des progrès à faire. Par contre, ce qui est positif, c’est que les gérants sont responsabilisés sur leur rôle en matière de santé au travail par la direction. Ce sont eux qui doivent faire l’évaluation des risques avec une trame Excel. J’ai été agréablement surpris parce que je pensais que les gérants allaient remplir le DUERP comme un document lambda. Or ce n’est pas le cas, ils ne le remplissent pas en diagonale.

Ce n’est pas exactement dans l’esprit de la loi qui indique que les élus doivent participer à l’évaluation du risque, et pas seulement être consultés…

Tout à fait, mais nous avons un retour terrain des élus grâce aux différents rapports de visite. Lorsque je fais des visites, je scrute tout, je note tout dans le “micro-détail”. À la fin du rapport, j’ajoute une page sur le risque psychosocial avec une division en 6 catégories. Cela me permet de remonter tous les problèmes, comme des plannings qui ne respectent pas le code du travail. Je m’aperçois que cette page s’avère plutôt plébiscitée par la direction.

Que pensez-vous du rôle de vos gérants en matière de SST ?

La direction joue le jeu parce qu’elle les responsabilise beaucoup sur la gestion de la sécurité de leur établissement. Aujourd’hui, un gérant chez Compass ne peut honnêtement pas faire fi des risques. Par exemple, il y a quelque temps, nous avions demandé la mise en place des gants anti-coupure parce qu’il y avait beaucoup d’accidents. Il y a eu une consigne nationale. Aujourd’hui, c’est au gérant de remettre des gants anti-coupure à la personne avec un papier de remise et il doit aussi veiller au port des gants et à la sécurité sur site.

Propos recueillis par Clémence Andrieu

SANTÉ, SÉCURITÉ, CONDITIONS DE TRAVAIL

L’INRS propose infographies, affiches et dépliants pour sensibiliser les salariés au harcèlement sexuel

08/11/2023

Sur son site internet, l’Institut national de la recherche de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) propose plusieurs documents, à télécharger librement, visant à prévenir le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au travail : 

une affiche pour interpeller les salariés;

une infographie résumant ce que sont le harcèlement et les agissements sexistes; 

une affichette indiquant quels sont les personnes à alerter;

un dépliant de 8 pages donnant quelques repères aux préventeurs.

Source : actuel CSE

Un guide pour les victimes d’accidents du travail

09/11/2023

La Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) du Grand Est propose un guide destiné aux victimes d’accidents du travail. Accessible gratuitement en ligne, ce document de 29 pages, organisé en 9 fiches pratiques, donne la définition d’un accident du travail, analyse ses conséquences sur le contrat de travail et aborde la question de la reprise du travail ou les conséquences de son impossibilité : la visite de reprise, l’attestation de suivi et l’avis d’aptitude ou d’inaptitude, l’obligation de reclassement, le licenciement et ses indemnités, les enquêtes liées à l’accident du travail et le rôle des différents intervenants (CSE, inspecteur du travail, police et gendarmerie, agent enquêteur de l’assurance maladie, agent du service de prévention de la caisse d’assurance maladie), la notion de faute inexcusable et le rôle du juge judiciaire.

Source : actuel CSE

“Par la fenêtre ou par la porte”, ou comment le management est devenu harcèlement

10/11/2023

Il y a un peu plus d’un an, la condamnation pour harcèlement moral institutionnel des ex-dirigeants de France Télécom a été confirmé en appel. Comment des pratiques de management ont pu pousser une trentaine de salariés au suicide ? Quels acteurs se sont battus pour obtenir cette condamnation inédite ? Qu’en retenir ? C’est à ces questions que répond un documentaire de Jean-Pierre Bloc qui sort en salles.

Il fallait faire partir 22 000 salariés “par la fenêtre ou par la porte” selon les propres mots de l’ex-PDG de France Télécom Didier Lombard. Une phrase choc restée dans les annales, te qui donne son titre à un documentaire détaillant l’histoire des séries de suicides à France Télécom. Celle de la mise en place de pratiques managériales d’une dureté implacable, mais aussi celle d’un long combat syndical menant à la première condamnation pénale de dirigeants du CAC 40 pour harcèlement moral institutionnel.

Une affaire historique donc, dont Jean-Pierre Bloc développe de manière précise et exhaustive tous les aspects : processus de privatisation, suppressions de postes et mobilités en cascade, rôle indispensable de la mobilisation syndicale, tout est passé au crible et expliqué par les acteurs concernés et divers spécialistes. Retour sur ce documentaire qui pourrait “devenir une référence en ce qui concerne les pratiques de management” selon Jean-Claude Delgènes, président du groupe Technologia qui a mené des audits et rendu des rapports déterminants dans cette affaire.

De la privatisation à la réduction du personnel, les origines d’un management par la peur

Le documentaire reprend évènement par évènement ce qui a constitué l’engrenage infernal mettant en péril la santé des salariés de France Télécom. Tout commence à la fin des années 80 lorsqu’une directive européenne vient introduire la concurrence sur le marché des télécoms. Naît alors la marque France Télécom, issue de l’administration des PTT, dont l’Etat reste le seul actionnaire… mais pas pour longtemps.

Ouverture de capital après ouverture de capital, l’entreprise finit par être privatisée et entre en bourse, même si les salariés arrivent à conserver le statut de fonctionnaires. Les dettes se creusent et les dirigeants optent pour une solution drastique : un vaste programme de restructuration (le plan Next et Act, sa déclination RH) lancé en juin 2005 vise à transformer France Télécom en trois ans et à faire partir de gré ou de force plus d’un cinquième des effectifs.

Comme le résume Jean-Claude Delgènes, “la direction a retourné la culture de l’entreprise contre les salariés” en donnant des primes lorsque des managers obtenaient des départs volontaires, en forçant les mobilités géographiques et changements de postes, en instaurant un stress et un climat de peur perpétuels. En somme “casser les gens pour qu’ils se cassent”.

Syndicats, CHSCT, médecins, l’importance de tous les acteurs du monde du travail est démontrée

S’ensuit une série de suicides, parfois clairement pointés comme étant dus au travail. Certes, Didier Lombard avait appelé à mettre fin à cette “mode du suicide”, mais c’est la collaboration de multiples acteurs du monde du travail qui va aboutir à la condamnation des dirigeants, comme le montre très bien Jean-Pierre Bloc. Mise en place par les syndicats d’un Observatoire du stress, contestations et alertes des médecins du travail, regroupement des dossiers par l’inspection du travail, tous se sont mobilisés à leur niveau. Et c’est finalement la plainte de Patrick Ackermann, représentant de SUD PTT qui, en 2009, a lancé la machine judiciaire.

Le harcèlement moral institutionnel est finalement reconnu en septembre 2019 par le tribunal correctionnel de Paris, avant d’être confirmé en appel trois ans plus tard.

Un film qui interroge le rôle des RH et des managers, ainsi que certaines évolutions juridiques

Le documentaire appuie sur le fait que ce jugement représente un tournant dans le droit du travail. Mais il met aussi en lumière, outre la violence de la direction et des pratiques managériales, d’importantes lacunes dans le rôle de régulateur et de préventeur de la santé des RH comme le souligne le professeur Jean-François Amadieu lors de la projection, sans parler de la « gestion » des IRP par l’entreprise.

“Ils ont vu leurs fonctions se transformer”, explique de son côté le président de Technologia, de telle sorte que ceux qui perdurent dans les entreprises sont justement ceux qui mettent de côté la prévention. Le numéro deux du groupe, Marc Chenais, questionne également la formation des dirigeants et managers, qui tendent parfois à se placer au-dessus de la mêlée avec peu de considération pour les salariés. Il appelle donc à ce que le management, trop vertical et dur aujourd’hui, se transforme en leadership en prenant en compte les contraintes de tous et en s’y adaptant.

Enfin, à travers les portraits de nombre de protagonistes de l’affaire ainsi que de chroniqueurs ayant assisté au procès, le réalisateur interroge en creux diverses évolutions prises ou à prendre en matière de santé au travail et de harcèlement. La suppression des CHSCT était-elle pertinente ? Faut-il aller vers une reconnaissance du harcèlement moral comme maladie professionnelle ? Les syndicats ont-ils toujours le pouvoir de peser sur les décisions des dirigeants ?

“L’inimaginable ne peut pas continuer”

“L’inimaginable ne peut pas continuer” et “ce film est un rempart contre l’oubli pour faire en sorte que cette situation ne se reproduise jamais et que l’on aille vers une gouvernance plus éclairée”, résume Jean-Claude Delgènes. Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC Orange, se veut aussi optimiste : aucun dirigeant ne pourra plus dire qu’il ne savait pas que ses décisions pouvaient mener à une condamnation, ce qui les pousserait à améliorer leurs pratiques. Un optimisme qui semble à nuancer au regard des interventions des spectateurs lors du débat qui s’est déroulé à l’issue de la projection, bon nombre d’entre eux dénonçant des situations et engrenages proches de ceux vus chez France Télécom… et qui perdurent aujourd’hui. Devant la multiplication des restructurations et fermetures dans le groupe, le syndicat CFE-CGC vient d’ailleurs de proposer aux autres organisations syndicales de relancer l’Observatoire du stress chez Orange…

► Pour voir la bande annonce du documentaire, cliquer ici

Une décision de cassation reste attendue sous peu
Rappelons qu’à l’issue du procès d’appel, certains des anciens dirigeants de France Télécom ont formé un pourvoi en cassation. Leurs avocats ont également présenté des questions prioritaires de constitutionnalité. Si la Cour de cassation a d’ores et déjà refusé début septembre de transmettre ces dernières au Conseil constitutionnel, une décision de sa part est toujours attendue dans quelques semaines. Affaire à suivre. ► Lire aussi notre article : “La jurisprudence France Télécom fera date”

Elise Drutinus

Taux AT/MP : les majorations pour charges générales et pour charges spécifiques sont modifiées

10/11/2023

Un décret du 6 novembre modifie deux des majorations affectant le taux brut AT/MP (accidents du travail et maladies professionnelles).

Pour rappel, afin de calculer le taux net individuel de l’établissement, le taux brut est affecté de trois majorations différentes, mutualisées et fixées annuellement par voie réglementaire auxquelles s’ajoute une majoration pour financer le départ anticipé à la retraite pour pénibilité au travail avérée. Il existe ainsi quatre majorations.

La M1, pour accident de trajet. Elle correspond à la couverture des accidents de trajet;

La M2, pour charges générales. Elle est destinée à couvrir les frais de rééducation professionnelle et les frais de gestion du fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles ainsi qu’à alimenter divers fonds spéciaux;

La M3, pour charges spécifiques. Elle est vouée à la compensation financière des déficits de certains régimes (mines, agriculture, dockers, etc.) et à la couverture du risque constitué par les dépenses inscrites au compte spécial des maladies professionnelles;

La M4, pour pénibilité du travail. Elle a pour objectif de financer le dispositif de départ anticipé à la retraite pour travaux pénibles par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la Sécurité sociale.

Ainsi, la majoration M2 couvre désormais la totalité du montant du versement annuel fait par la branche AT/MP à la branche maladie du régime général pour tenir compte des dépenses supportées par cette dernière au titre des accidents et affections non pris en charge au titre des accidents du travail et des maladies professionnels.

► Jusqu’à présent, la majoration M2 ne couvrait que 50 % de ce montant du versement annuel. Les autres 50 % étaient intégrés dans la majoration M3.

Passe également de la majoration M3 à la majoration M2, les dépenses correspondant aux compensations inter-régimes des articles L. 134-6L. 134-7 et L. 134-15 du code de la sécurité sociale.

► La notice du décret précise que ces modifications contribuent à maintenir le caractère incitatif à la prévention de la tarification AT/MP.

Ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 2024.

Source : actuel CSE