Michel Debout : Pour prévenir les suicides et les risques psychosociaux, il faut maintenir la dimension collective du travail
La montée des risques psychosociaux (RPS), constatée par les spécialistes de la santé au travail, peut entraîner des risques suicidaires accrus chez les salariés. Peut-on prévenir ces risques et ces passages à l’acte, et de quelle façon ? Nous avons posé la question à Michel Debout, un spécialiste du suicide qui revendique la reconnaissance comme maladie professionnelle des symptômes anxio-dépressifs. Sa réponse met en valeur l’écoute des autres au sein du collectif du travail. Interview.
Michel Debout, vous êtes professeur émérite de médecine légale et du droit de la santé, et vous êtes un spécialiste reconnu de la prévention du suicide. Dans la conférence que vous avez donnée au salon Preventica à Paris le 1er décembre, vous avez insisté sur le fait qu’un suicide, et a fortiori un suicide impliquant le monde du travail, n’était pas une fatalité. Expliquez-nous…
On a longtemps pensé que celui qui voulait mourir avait fait un choix définitif et qu’il ne continuait à vivre, d’une certaine façon, que par accident, pour des raisons qui lui échappaient. Aujourd’hui, on pense presque le contraire ! Celui qui veut se suicider peut jusqu’au bout, jusqu’au moment du passage à l’acte, décider de ne pas passer à l’acte, ou bien de passer à l’acte de façon à avoir une chance de survivre. Le suicide n’est donc pas fatal.
L’acte suicidaire n’est pas un acte totalement impulsif. Il est possible d’intervenir sur le plan relationnel
Par exemple, la personne qui imagine son suicide peut très bien renoncer si, au moment du passage à l’acte, elle ne dispose pas du moyen qu’elle a envisagé pour mettre fin à ses jours (une arme à feu, par exemple). C’est pour cette raison que dans certains pays, dans des lieux connus pour les risques suicidaires (lieux élevés, ponts, barrages, etc.), ont été installées des barrières pour empêcher le passage à l’acte. Parfois même, ce sont des personnes qui ont été affectées dans ces lieux, leur rôle étant de parler à ceux qui se présentaient en envisageant le suicide, ce dialogue pouvant prévenir le passage à l’acte. Nous savons donc que l’acte suicidaire n’est pas un acte totalement impulsif, qu’il s’inscrit dans une dynamique psychique balançant entre le fait de rester en vie et le fait de passer à l’acte. C’est dans cette dynamique qu’il est possible d’intervenir, sur le plan relationnel, sur le plan de l’écoute, de l’accompagnement médical si nécessaire, pour éviter ce passage à l’acte.
Ce que vous décrivez vaut aussi pour la sphère professionnelle ?
En effet, un collègue ou un encadrant peut intervenir auprès d’un salarié ayant la tentation du passage à l’acte. Mais pour cela, il faut pouvoir repérer les facteurs de risques de développer des pensées suicidaires dans le milieu professionnel.
Il y a des préventeurs dans certaines entreprises. Pour autant, les cadres des ressources humaines ou les élus de CSE ne sont pas des psychologues…
Bien sûr, et je n’ai jamais souhaité que tout le monde se transforme en psychologue. Mais chacun de nous peut être sensibilisé à ce risque suicidaire afin que, si on repère ce risque chez un collaborateur, un salarié, un collègue ou un cadre, on puisse aller voir cette personne et lui dire des choses simples, comme : “Je vous sens pas bien en ce moment” ou “Te sens-tu épuisé à ton travail ?”
La parole peut favoriser une baisse de tension, un apaisement
Il ne s’agit pas de soigner la personne, ce n’est pas le rôle d’un collègue, mais il s’agit de l’encourager à réagir avant que les pensées suicidaires n’envahissent cette personne. Réagir, ce peut être aller voir un médecin, une personne de confiance dans le cadre familial ou amical. Nous savons, comme c’est le cas aussi dans d’autres cas de violence, que la parole peut éviter l’expression critique d’une tension psychologique. Quand le cerveau est en tension forte, ou bien il règle cette tension dans un acte définitif (le suicide), ou bien il trouve une voie de baisse de tension grâce à l’échange, la parole, l’apaisement, mais aussi parfois le recours à des médications.
Donc, un salarié, un RH ou un élu du personnel peut aussi faire acte de prévention…
Bien sûr ! Cette personne ne doit pas hésiter à le faire ! Il peut arriver que des gens s’abstiennent, de peur d’être intrusifs dans la vie des autres. Mais ce n’est pas le sujet. Il s’agit simplement de parler à quelqu’un en s’intéressant à lui, sans agressivité : “Je trouve que tu as changé, je te trouve préoccupé…” ou “Peut-être as-tu des problèmes au travail ?” ou “As-tu une pression trop lourde ?” Mon conseil est de parler à l’autre en se mettant soi en jeu : ne pas dire à l’autre “tu vas mal” mais “je te sens mal”, car cela nous implique.
Quels sont les signes qui doivent alerter ?
Les pensées suicidaires et les risques de passage à l’acte sont aggravés dans des situations de travail dégradées. Par exemple, lorsque des salariés subissent du harcèlement moral ou sexuel, lorsqu’il y a épuisement professionnel, burn out. Ce peut être aussi le “sur-stress” qu’on perçoit chez un salarié qui devient irritable rapidement, comme s’il était dans la crainte que tout va mal se passer.
Les situations de travail dégradées aggravent les risques de passage à l’acte
On sait que toutes ces situations augmentent le risque de passage à l’acte suicidaire, car c’est lorsque les pensées suicidaires envahissent l’esprit, deviennent obsédantes, que le risque est fort. Mais je pense aussi aux salariés qui vont changer de poste, qui doivent s’adapter, modifier des habitudes et relations de travail qui sont aussi protectrices. Ces changements qui peuvent nous déborder sont susceptibles de constituer un risque (► lire notre encadré en fin d’article). En milieu professionnel, tous les salariés, tous ceux qui ont un poste d’encadrement ou une responsabilité particulière et tous ceux qui ont une délégation syndicale dans l’entreprise doivent être informés de ces situations de travail dégradées…
Mais une personne ne va pas clamer sur les toits qu’elle songe au suicide…
Non, car si elle se mettait à le dire, elle mettrait en œuvre sa propre protection ! Tout cela se passe dans le silence, et dans un silence coupable, car le suicide est, dans l’esprit de beaucoup de gens, une façon d’échapper à ses obligations, à ses responsabilités, etc. Mais c’est justement ce silence ou cet isolement qui doivent alerter : si un salarié paraît moins enjoué qu’habituellement, plus sombre, plus en retrait, s’il trouve des prétextes pour ne pas partager des moments de convivialité, ce peut être inquiétant. Ce sont des choses banales, et c’est pourquoi on peut passer à côté.
La crise sanitaire et les changements affectant le travail (isolement dû au télétravail, augmentation de la charge de travail, tensions lors de la reprise sur site, etc.) renforcent-ils ces risques suicidaires ?
Oui, et c’est la raison pour laquelle il faut absolument maintenir la dimension collective du travail. Elle est essentielle pour nous, humains, qui nous réalisons au travail, qui rencontrons d’autres personnes au travail, alors que si nous restons à domicile, nous rencontrons très peu de personnes.
Appartenir au collectif d’une entreprise, c’est être relié à quelque chose qui nous dépasse
Travailler à domicile ôte une des réalisations du travail qui est ce collectif, collectif dans lequel se trouve aussi un sentiment d’appartenance. Lorsqu’une entreprise est en difficulté, sous la menace d’un risque de fermeture, les salariés peuvent tellement se sentir appartenir à ce collectif qu’on les nomme à travers le nom de l’entreprise, comme les “Conti” pour Continental. Appartenir à une entreprise, c’est être relié à quelque chose qui nous dépasse, c’est appartenir à un collectif humain, et à l’histoire de ce collectif qui a pu aussi apporter des réalisations dans la vie des gens. Le travail est d’ailleurs naturellement protecteur du risque suicidaire.
Le travail nous protège ?
La meilleure preuve, c’est le constat d’un risque accru de suicides chez les chômeurs. Un chômeur n’a pas de collègues qui peuvent se rendre compte de certains signes dépressifs, il les vivra chez lui, avec un risque plus fort de passage à l’acte…Le travail est donc protecteur, mais le travail dans des conditions dégradées non seulement ne protège plus mais facilite le risque suicidaire.
Vous plaidez pour que les signes suicidaires soient reconnus comme une maladie professionnelle car cela favoriserait une meilleure prévention. Expliquez-nous…
Une situation de harcèlement va souvent provoquer chez celui qui la subit des symptômes anxio-dépressifs. Cette personne va aller au travail la boule au ventre, par peur des sarcasmes ou du harcèlement. En plus de cette angoisse, elle va se sentir dévalorisée, humiliée. Quand vous cumulez des symptômes anxieux et des symptômes dépressifs, cela crée ce qu’on appelle en psychiatrie un tableau anxio-dépressif, qui peut aussi être la conséquence d’un épuisement professionnel. Actuellement, que se passe-t-il lorsque cette personne va voir son médecin en se disant angoissée ? Le médecin entend que son patient présente un état anxio-dépressif, et il le soigne pour cela.
L’employeur qui serait confronté au constat d’une maladie professionnelle devrait agir pour prévenir
Mais si cet état anxio-dépressif était reconnu en maladie professionnelle, inscrite dans le tableau des maladies professionnelles, que ferait le médecin ? Comme il le fait pour des maladies professionnelles touchant les articulations, par exemple, le médecin ferait le lien entre les symptômes du patient et sa réalité professionnelle. L’employeur pourrait certes contester cette maladie professionnelle, mais il serait confronté à cette situation professionnelle et à ses conséquences, il aurait l’obligation d’intervenir pour que cesse ce harcèlement ou cet épuisement professionnel. L’employeur aurait une obligation de prévention, et nous éviterions que la situation se dégrade encore et aille jusqu’au risque suicidaire pour le salarié.
Aujourd’hui, nombre de situations risquées pour la santé des salariés échappent aux Carsat
Je ne comprends pas pourquoi, alors que nous connaissons bien depuis 20 ans ces situations de risques psychosociaux, on ne reconnaisse toujours pas en maladie professionnelle ces symptômes anxio-dépressifs qui peuvent générer des suicides mais aussi avoir des conséquences graves sur la santé. Les salariés seraient pris en compte au titre de l’assurance du risque des maladies professionnelles, et non plus de l’assurance médicale globale, et cela provoquerait des mesures de prévention, alors que de très nombreuses situations échappent aujourd’hui à la connaissance de la Carsat (caisse d’assurance retraite et de santé au travail) et des entreprises elles-mêmes.
La période des fêtes constitue-t-elle une période à risques pour les RPS et les suicides ?
Dans cette période des fêtes, il y a ce décalage entre le fait pour quelqu’un de se sentir mal alors que tous les autres vont bien ou font la fête. Cela accentue la difficulté, l’isolement, l’anxiété. La période la plus sensible du point de vue du risque professionnel dans un contexte de travail dégradé, c’est le moment de la reprise après les fêtes.
Beaucoup de gens doutent encore des liens entre un suicide et un travail, sur le thème : “On ne connaît pas la vie d’une personne”. Qu’est-ce qui “signe” le côté travail de certains suicides ?
Le travail, comme je le disais tout à l’heure, est protecteur. Si le salarié passe à l’acte sur son lieu de travail, alors qu’on sait que la situation professionnelle est dégradée, cela veut dire au minimum que le travail n’a pas été protecteur. Peu importe si le salarié souffrait par ailleurs de difficultés personnelles, car le milieu professionnel ne peut rien faire sur la vie privée des gens -et heureusement – mais en revanche, il y a une obligation de prévention pour éviter les situations de travail dégradées, et chacun peut être sensible aux difficultés des autres au travail, ce collectif pouvant agir en soutien de la personne. Pour moi, en cas de suicide au travail ou lié au travail, le problème n’est pas de rechercher la causalité -ce peut être l’affaire de la police et de la justice-, le problème, pour les organisations syndicales et pour la direction, c’est de tenter de comprendre ce qui est arrivé au salarié, quelles étaient ses difficultés au travail, de façon à améliorer les choses et éviter un nouveau drame ou de nouvelles maladies.
Promu, il se suicide |
A propos des changements pouvant représenter un risque pour les travailleurs, Michel Debout cite le cas d’un gendarme, un professionnel reconnu, plutôt en fin de carrière, qui s’était vu offrir une promotion à un grade supérieur. “Ce gendarme avait dit à son supérieur qu’il ne voulait pas de cette promotion car il aimait bien ce qu’il faisait, et qu’il avait peur de ne pas y arriver dans ses nouvelles fonctions”, raconte le spécialiste des suicides. Problème : “Le gendarme n’a pas été entendu, on l’a promu rapidement, et il s’est suicidé quelques jours après”. Attention, prévient Michel Debout, il ne s’agit pas de dire ici que cette personne est morte parce qu’on l’avait promue, “ce serait caricaturer les choses”, mais le professeur de droit de la santé souligne qu’il faut être sensible à ce qu’expriment les individus : “Ce qui était vu comme une promotion était visiblement perçu par le gendarme comme une source de difficultés nouvelles, une source de stress, une mise en danger. Il faut savoir entendre cela, et, dans ce cas, on peut penser qu’il aurait été possible de prévoir une phase de transition, de mettre ce gendarme en confiance, en condition de réussir, au lieu de faire comme si on pouvait effacer d’un coup des années durant lesquelles ce gendarme avait bien vécu dans son travail”. |
Bernard Domergue
Le Plan santé au travail 4, première déclinaison de la réforme
Entre nouveaux objectifs, mesures reconduites, déclinaisons de la loi du 2 août et acteurs sollicités : que retenir du nouveau Plan santé au travail présenté hier aux partenaires sociaux ?
Le document est dense, le spectre large (recherche, gouvernance, amiante…) et les objectifs nombreux mais pas toujours précis : le ministère du Travail a présenté le quatrième Plan santé au travail au Cnoct (Conseil national d’orientation des conditions de travail) hier. Cette sorte de feuille de route 2021-2025, qui a été discutée avec les partenaires sociaux, arrive dans un contexte particulier, un an après la signature de l’accord national interprofessionnel sur la prévention et quatre mois après la loi éponyme. C’est en quelque sorte une déclinaison opérationnelle de ces deux textes. Qu’en retenir ?
L’axe transversal de ce plan, et sa priorité, est de diminuer le nombre d’accidents graves et mortels. “Nous touchons un plancher que l’on n’arrive pas à enfoncer”, observe le secrétariat d’État à la Santé au travail. Il prévoit de davantage former les jeunes et les nouveaux embauchés, mieux former tout au long de la carrière, et renforcer la surveillance du marché des équipements de protection. L’idée est aussi d’apporter une attention particulière à certains travailleurs : les intérimaires, les détachés et ceux de la sous-traitance en cascade.
L’accent est mis sur le risque routier et les chutes de hauteur et de plain-pied, risques causant le plus d’accidents graves et mortels. Pour le premier, des communications devront s’attarder sur les trajets domicile-travail, alors que l’angle était plutôt celui des déplacements de mission jusqu’à présent. Pour les secondes, il est prévu, entre autres, de mieux connaître cette accidentologie, d’enquêter sur la sinistralité chez les cordistes et d’augmenter le nombre de coordonnateurs SPS.
Violences conjugales
Nouveauté dans ce PST4 : la prévention des violences sexuelles et sexistes. “Il s’agit de concevoir et expérimenter un outillage à destination des services de RH et des CSE”. Les SPST (remplaçants des SST) devront se mobiliser sur ce sujet, pour accompagner les entreprises aussi bien dans leur prévention qu’en cas de violences
Le plan évoque aussi “la prise en compte des violences conjugales”, sans plus de détail. Un élément raccord avec l’article 10 de la convention de l’OIT que la France vient de ratifier qui prévoit de “reconnaître les effets de la violence domestique et, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable, atténuer son impact dans le monde du travail”, même si la majorité a souhaité une transposition a minima.
Autre nouveauté, de circonstance, l’un des dix objectifs de cette feuille de route : “Anticiper les crises pour mieux les gérer et limiter leurs effets dans la durée”. L’idée est d’”aider les entreprises à concilier la continuité d’activité et la préservation de la santé des salariés en situation de crise” et d’”accompagner la sortie de crise et limiter les effets des crises sur les conditions de travail et la santé des salariés”.
Indicateurs
Certaines mesures sont assez floues. Par exemple, le programme TMS pro devrait être “élargi”, mais le plan n’indique pas en quoi. Cela dit, il est vrai que, comme le résume le secrétariat d’État, “l’attachement aux résultats est davantage marqué que dans les plans précédents”. Sur la forme, c’est la grosse nouveauté : la plupart des objectifs sont accompagnés d’effets attendus plus ou moins précis (par exemple : “amélioration de la prévention et de la traçabilité des expositions aux risques chimiques”), de livrables (par exemple : mise à jour du guide “comment choisir un consultant RPS”) et d’indicateurs (nombre de téléchargements de tel outil, par exemple).
Ces derniers sont parfois engageants, telle la baisse du nombre d’accidents pour chute dans les secteurs particulièrement exposés mais moins identifiés dans le précédent PST (logistique et transport routier de marchandise, agroalimentaire et propreté). De là à se fixer un objectif chiffré de baisse de l’accidentologie grave et mortelle ? Quand même pas. “Il ne faut pas confondre le volontarisme et une forme de spéculation. Les accidents graves et mortels sont une nouvelle priorité, donc le premier travail que nous devons faire est d’identifier les leviers d’action à mettre en place”, répond le secrétariat d’État.
Dialogue social
Comme le précédent, ce PST insiste sur la prévention primaire et la culture de prévention, même s’il ne définit toujours pas cette dernière. Qualité de vie au travail et prévention de la désinsertion professionnelle font partie des thèmes reconduits. Sur plusieurs sujets, le plan prévoit essentiellement que les outils et livrables déjà existants soient davantage utilisés. Une partie du plan correspond simplement – et logiquement – à la reprise des mesures prévues par la loi du 2 août.
Beaucoup de mesures s’inscrivent dans la philosophie actuelle de miser sur le volontarisme plus que sur la contrainte envers l’employeur. Conséquence : des dispositions supprimées par les ordonnances dites Macron sont ici valorisées en tant qu’outils pertinents de prévention. Par exemple, pour illustrer l’objectif “accompagner les acteurs du dialogue social en entreprise”, l’indicateur retenu est le nombre de commissions santé sécurité et conditions de travail mises en place dans les entreprises de moins de 300 salariés… optionnelles, suite à la suppression des CHSCT.
SPST sollicités
Certains regrettaient que les services de santé au travail ne se soient pas suffisamment mobilisés pour mettre en œuvre le PST3. Ils sont clairement identifiés comme acteurs de la déclinaison du PST4. Le gouvernement mise sur eux pour diffuser les outils ou encore accompagner les entreprises dans leur démarche de QVCT (qualité de vie et conditions de travail). Ils pourraient y être incités via leur contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens.
“La politique de santé au travail doit avoir une dimension territorialisée très forte”, plaide le secrétariat d’État. Les PRST, déclinaisons régionales de ce plan, étaient déjà en cours d’élaboration. Maintenant que le plan national est publié, ils devraient être finalisés au cours du premier semestre 2022, indique rue de Grenelle.
Pauline Chambost
Dans le secteur privé, presque tous les salariés sont “polyexposés”
Travail de nuit, exposition à des agents biologiques ou à des substances chimiques, risques psychosociaux, etc. : au cours de leur carrière, les salariés peuvent être exposés simultanément à plusieurs contraintes susceptibles d’affecter leur santé à court ou à long terme. Prendre en compte ces poly expositions constitue un défi majeur pour élaborer des politiques efficaces de prévention.
La dernière enquête Sumer (surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) de la Dares (direction de la statistiques du ministère du Travail) date de 2016-2017, mais cette mine d’informations continue d’être exploitée par différentes analyses.
Tous les salariés sont “poly exposés”
Une étude a notamment été menée par l’Anses, Santé publique France et la Dares, dans le cadre du 3ème Plan santé au travail 2016-2020. L’objectif était de mieux comprendre et décrire les situations de polyexpositions des salariés et de connaître les filières professionnelles particulièrement concernées.
Cette étude montre que quasiment tous les salariés sont “polyexposés”, que ce soit dans le secteur public ou privé (97%). Une polyexposition signifie que le travailleur est exposé à au moins deux contraintes de même catégorie ou non au cours de sa carrière professionnelle. Les catégories sont les suivantes :
- chimiques (substances potentiellement dangereuses) ;
- biologiques (bactéries, virus, moisissures) ;
- physiques (nuisances sonores, contraintes posturales ou thermiques, exposition aux rayonnements) ;
- organisationnelles (horaires de travail, manque de moyens matériels et/ou humains, intensité et rythme de travail, faible autonomie, etc.) ;
- relationnelles (forte pression, faible reconnaissance au travail, hostilité des collègues ou de la hiérarchie, tensions, etc.).
Contraintes organisationnelles dans tous les secteurs
Cette étude confirme que si les expositions aux risques physiques (chimique, mécanique ou biologique) sont spécifiques au secteur d’activité, les contraintes organisationnelles et relationnelles concernent tous les domaines d’activité.
La Dares note que ces contraintes organisationnelles sont “propres à l’organisation du travail et à la coopération avec d’autres travailleurs, ainsi qu’aux interactions avec les clients ou usagers”. Elles ont donc un “caractère structurant de toute activité salariée”. Une fois ce constat fait, il convient évidemment de mettre en œuvre les actions de prévention nécessaires pour maîtriser les risques et notamment les RPS.
12 profils pour mieux catégoriser les polyexpositions
L’analyse statistique a fait ressortir une douzaine de types de profils (tableau synthétique en page 67 du rapport joint). On peut citer par exemple :
- le profil A (37% de l’effectif total) qui correspond aux salariés avec un travail “peu exposé” mais avec un faible soutien social. Il s’agit principalement de salariés de CSP élevées (gestion des entreprises, administration publique, professions juridiques et commerce) ;
- le profil C (6,8% de l’effectif total) qui regroupe principalement des hommes (ouvriers de la maintenance, de la mécanique, des industries de process, du BTP) qui sont tous exposés au bruit et pour une majorité d’entre eux, à des contraintes posturales (74%) et organisationnelles (ex. : faible autonomie 61%, contraintes horaires) ;
- le profil F (6%) qui regroupe des ouvriers réalisant des activités plutôt techniques dans les domaines du traitement des déchets et de l’assainissement, de l’agro-alimentaire ou en lien avec l’alimentation (maraîchers, restauration) ou intervenant sur des chantiers BTP. Ils sont exposés à des risques biologiques d’origine environnementale ou agroalimentaire à des risques chimiques et physiques, et manquent de moyens et sont soumis à des changements organisationnels récents ;
- le profil D (5%) avec des travailleurs issus de CSP diverses dans des activités impliquant un contact avec le public (ex. : enseignement, action sociale, sécurité civile, commerce, banque, assurance et transports) qui sont exposés à des tensions avec le public, un manque de moyens et un rythme de travail élevé.
Le multiple cumul des professionnels de santé
Alors que cette analyse a notamment pour but d’objectiver “la réalité et le caractère uniquitaire des situations de polyexposition pour les travailleurs français”, certains résultats ont une résonance particulière avec l’actualité.
Les professionnels de santé (86,5% des salariés du profil J) cumulent des expositions caractéristiques aux 5 catégories de contraintes. Ce sont des professionnels des domaines médicaux et paramédicaux (infirmiers, sage-femmes, aides-soignants, professions paramédicales, médecins et assimilés) et plus des trois quarts sont des femmes. Ils sont ainsi potentiellement exposés à des agents biologiques d’origine humaine, souvent associés à une exposition à des substances chimiques via les médicaments notamment. Ils sont également concernés par des situations de tension, des contraintes horaires comme le travail de nuit, un rythme de travail soutenu, un manque de moyens matériels et humain, auxquels viennent s’ajouter des contraintes physiques tels que les rayonnements ionisants ou des postures physiques difficiles.
Clémence Andrieu, Dictionnaire permanent Sécurité et conditions de travail
Validité à 24h des tests, rappel vaccinal : les nouvelles règles pour détenir un passe sanitaire sont validées par le Conseil d’Etat
Saisi par des particuliers et des associations, le juge des référés du Conseil d’Etat a validé les mesures sanitaires, décidées par le gouvernement le 25 novembre, estimant qu’elles étaient “proportionnées à notre contexte d’accélération de la circulation du virus et de l’émergence d’un nouveau variant”.
La haute juridiction considère, en effet, que les tests antigéniques (s’ils sont utilisés pour avoir un passe sanitaire pour ceux qui ne sont ni en rémission post-covid ni déjà vaccinés) “peuvent être réalisés en pharmacie avec un résultat obtenu en moins d’une demi-heure”. Elle constate également “que le rappel vaccinal, (…) rendu obligatoire à partir du 15 décembre pour les personnes de 65 ans ou plus, a été annoncé suffisamment à l’avance pour que [celles-ci] puissent recevoir leur rappel vaccinal dans les délais (entre cinq et sept mois après la dernière dose)”. Aussi, ces nouvelles règles apparaissent-elles “légitimes” compte tenu “des objectifs de santé publique poursuivis”.
actuEL CE