Archives de catégorie : Newsletter Actu Sociale N°30

SANTÉ SÉCURITÉ CONDITION DE TRAVAIL

Michel Debout : Pour prévenir les suicides et les risques psychosociaux, il faut maintenir la dimension collective du travail

La montée des risques psychosociaux (RPS), constatée par les spécialistes de la santé au travail, peut entraîner des risques suicidaires accrus chez les salariés. Peut-on prévenir ces risques et ces passages à l’acte, et de quelle façon ? Nous avons posé la question à Michel Debout, un spécialiste du suicide qui revendique la reconnaissance comme maladie professionnelle des symptômes anxio-dépressifs. Sa réponse met en valeur l’écoute des autres au sein du collectif du travail. Interview.

Michel Debout, vous êtes professeur émérite de médecine légale et du droit de la santé, et vous êtes un spécialiste reconnu de la prévention du suicide. Dans la conférence que vous avez donnée au salon Preventica à Paris le 1er décembre, vous avez insisté sur le fait qu’un suicide, et a fortiori un suicide impliquant le monde du travail, n’était pas une fatalité. Expliquez-nous…

On a longtemps pensé que celui qui voulait mourir avait fait un choix définitif et qu’il ne continuait à vivre, d’une certaine façon, que par accident, pour des raisons qui lui échappaient. Aujourd’hui, on pense presque le contraire ! Celui qui veut se suicider peut jusqu’au bout, jusqu’au moment du passage à l’acte, décider de ne pas passer à l’acte, ou bien de passer à l’acte de façon à avoir une chance de survivre. Le suicide n’est donc pas fatal.

 L’acte suicidaire n’est pas un acte totalement impulsif. Il est possible d’intervenir sur le plan relationnel

Par exemple, la personne qui imagine son suicide peut très bien renoncer si, au moment du passage à l’acte, elle ne dispose pas du moyen qu’elle a envisagé pour mettre fin à ses jours (une arme à feu, par exemple). C’est pour cette raison que dans certains pays, dans des lieux connus pour les risques suicidaires (lieux élevés, ponts, barrages, etc.), ont été installées des barrières pour empêcher le passage à l’acte. Parfois même, ce sont des personnes qui ont été affectées dans ces lieux, leur rôle étant de parler à ceux qui se présentaient en envisageant le suicide, ce dialogue pouvant prévenir le passage à l’acte. Nous savons donc que l’acte suicidaire n’est pas un acte totalement impulsif, qu’il s’inscrit dans une dynamique psychique balançant entre le fait de rester en vie et le fait de passer à l’acte. C’est dans cette dynamique qu’il est possible d’intervenir, sur le plan relationnel, sur le plan de l’écoute, de l’accompagnement médical si nécessaire, pour éviter ce passage à l’acte. 

Ce que vous décrivez vaut aussi pour la sphère professionnelle ? 

En effet, un collègue ou un encadrant peut intervenir auprès d’un salarié ayant la tentation du passage à l’acte. Mais pour cela, il faut pouvoir repérer les facteurs de risques de développer des pensées suicidaires dans le milieu professionnel.

Il y a des préventeurs dans certaines entreprises. Pour autant, les cadres des ressources humaines ou les élus de CSE ne sont pas des psychologues…

Bien sûr, et je n’ai jamais souhaité que tout le monde se transforme en psychologue. Mais chacun de nous peut être sensibilisé à ce risque suicidaire afin que, si on repère ce risque chez un collaborateur, un salarié, un collègue ou un cadre, on puisse aller voir cette personne et lui dire des choses simples, comme : “Je vous sens pas bien en ce moment” ou “Te sens-tu épuisé à ton travail ?”

La parole peut favoriser une baisse de tension, un apaisement 

Il ne s’agit pas de soigner la personne, ce n’est pas le rôle d’un collègue, mais il s’agit de l’encourager à réagir avant que les pensées suicidaires n’envahissent cette personne. Réagir, ce peut être aller voir un médecin, une personne de confiance dans le cadre familial ou amical. Nous savons, comme c’est le cas aussi dans d’autres cas de violence, que la parole peut éviter l’expression critique d’une tension psychologique. Quand le cerveau est en tension forte, ou bien il règle cette tension dans un acte définitif (le suicide), ou bien il trouve une voie de baisse de tension grâce à l’échange, la parole, l’apaisement, mais aussi parfois le recours à des médications.

Donc, un salarié, un RH ou un élu du personnel peut aussi faire acte de prévention…

Bien sûr ! Cette personne ne doit pas hésiter à le faire ! Il peut arriver que des gens s’abstiennent, de peur d’être intrusifs dans la vie des autres. Mais ce n’est pas le sujet. Il s’agit simplement de parler à quelqu’un en s’intéressant à lui, sans agressivité : “Je trouve que tu as changé, je te trouve préoccupé…” ou “Peut-être as-tu des problèmes au travail ?” ou “As-tu une pression trop lourde ?” Mon conseil est de parler à l’autre en se mettant soi en jeu : ne pas dire à l’autre “tu vas mal” mais “je te sens mal”, car cela nous implique.

Quels sont les signes qui doivent alerter ? 

Les pensées suicidaires et les risques de passage à l’acte sont aggravés dans des situations de travail dégradées. Par exemple, lorsque des salariés subissent du harcèlement moral ou sexuel, lorsqu’il y a épuisement professionnel, burn out. Ce peut être aussi le “sur-stress” qu’on perçoit chez un salarié qui devient irritable rapidement, comme s’il était dans la crainte que tout va mal se passer.

Les situations de travail dégradées aggravent les risques de passage à l’acte 

On sait que toutes ces situations augmentent le risque de passage à l’acte suicidaire, car c’est lorsque les pensées suicidaires envahissent l’esprit, deviennent obsédantes, que le risque est fort. Mais je pense aussi aux salariés qui vont changer de poste, qui doivent s’adapter, modifier des habitudes et relations de travail qui sont aussi protectrices. Ces changements qui peuvent nous déborder sont susceptibles de constituer un risque (► lire notre encadré en fin d’article). En milieu professionnel, tous les salariés, tous ceux qui ont un poste d’encadrement ou une responsabilité particulière et tous ceux qui ont une délégation syndicale dans l’entreprise doivent être informés de ces situations de travail dégradées…

Mais une personne ne va pas clamer sur les toits qu’elle songe au suicide…

Non, car si elle se mettait à le dire, elle mettrait en œuvre sa propre protection ! Tout cela se passe dans le silence, et dans un silence coupable, car le suicide est, dans l’esprit de beaucoup de gens, une façon d’échapper à ses obligations, à ses responsabilités, etc. Mais c’est justement ce silence ou cet isolement qui doivent alerter : si un salarié paraît moins enjoué qu’habituellement, plus sombre, plus en retrait, s’il trouve des prétextes pour ne pas partager des moments de convivialité, ce peut être inquiétant. Ce sont des choses banales, et c’est pourquoi on peut passer à côté. 

La crise sanitaire et les changements affectant le travail (isolement dû au télétravail, augmentation de la charge de travail, tensions lors de la reprise sur site, etc.) renforcent-ils ces risques suicidaires ? 

Oui, et c’est la raison pour laquelle il faut absolument maintenir la dimension collective du travail. Elle est essentielle pour nous, humains, qui nous réalisons au travail, qui rencontrons d’autres personnes au travail, alors que si nous restons à domicile, nous rencontrons très peu de personnes.

Appartenir au collectif d’une entreprise, c’est être relié à quelque chose qui nous dépasse 

Travailler à domicile ôte une des réalisations du travail qui est ce collectif, collectif dans lequel se trouve aussi un sentiment d’appartenance. Lorsqu’une entreprise est en difficulté, sous la menace d’un risque de fermeture, les salariés peuvent tellement se sentir appartenir à ce collectif qu’on les nomme à travers le nom de l’entreprise, comme les “Conti” pour Continental. Appartenir à une entreprise, c’est être relié à quelque chose qui nous dépasse, c’est appartenir à un collectif humain, et à l’histoire de ce collectif qui a pu aussi apporter des réalisations dans la vie des gens. Le travail est d’ailleurs naturellement protecteur du risque suicidaire.

Le travail nous protège ?

La meilleure preuve, c’est le constat d’un risque accru de suicides chez les chômeurs. Un chômeur n’a pas de collègues qui peuvent se rendre compte de certains signes dépressifs, il les vivra chez lui, avec un risque plus fort de passage à l’acte…Le travail est donc protecteur, mais le travail dans des conditions dégradées non seulement ne protège plus mais facilite le risque suicidaire.

Vous plaidez pour que les signes suicidaires soient reconnus comme une maladie professionnelle car cela favoriserait une meilleure prévention. Expliquez-nous…

Une situation de harcèlement va souvent provoquer chez celui qui la subit des symptômes anxio-dépressifs. Cette personne va aller au travail la boule au ventre, par peur des sarcasmes ou du harcèlement. En plus de cette angoisse, elle va se sentir dévalorisée, humiliée. Quand vous cumulez des symptômes anxieux et des symptômes dépressifs, cela crée ce qu’on appelle en psychiatrie un tableau anxio-dépressif, qui peut aussi être la conséquence d’un épuisement professionnel. Actuellement, que se passe-t-il lorsque cette personne va voir son médecin en se disant angoissée ? Le médecin entend que son patient présente un état anxio-dépressif, et il le soigne pour cela.

L’employeur qui serait confronté au constat d’une maladie professionnelle devrait agir pour prévenir 

Mais si cet état anxio-dépressif était reconnu en maladie professionnelle, inscrite dans le tableau des maladies professionnelles, que ferait le médecin ? Comme il le fait pour des maladies professionnelles touchant les articulations, par exemple, le médecin ferait le lien entre les symptômes du patient et sa réalité professionnelle. L’employeur pourrait certes contester cette maladie professionnelle, mais il serait confronté à cette situation professionnelle et à ses conséquences, il aurait l’obligation d’intervenir pour que cesse ce harcèlement ou cet épuisement professionnel. L’employeur aurait une obligation de prévention, et nous éviterions que la situation se dégrade encore et aille jusqu’au risque suicidaire pour le salarié.

Aujourd’hui, nombre de situations risquées pour la santé des salariés échappent aux Carsat 

Je ne comprends pas pourquoi, alors que nous connaissons bien depuis 20 ans ces situations de risques psychosociaux, on ne reconnaisse toujours pas en maladie professionnelle ces symptômes anxio-dépressifs qui peuvent générer des suicides mais aussi avoir des conséquences graves sur la santé.  Les salariés seraient pris en compte au titre de l’assurance du risque des maladies professionnelles, et non plus de l’assurance médicale globale, et cela provoquerait des mesures de prévention, alors que de très nombreuses situations échappent aujourd’hui à la connaissance de la Carsat (caisse d’assurance retraite et de santé au travail) et des entreprises elles-mêmes.

La période des fêtes constitue-t-elle une période à risques pour les RPS et les suicides ?

Dans cette période des fêtes, il y a ce décalage entre le fait pour quelqu’un de se sentir mal alors que tous les autres vont bien ou font la fête. Cela accentue la difficulté, l’isolement, l’anxiété. La période la plus sensible du point de vue du risque professionnel dans un contexte de travail dégradé, c’est le moment de la reprise après les fêtes. 

Beaucoup de gens doutent encore des liens entre un suicide et un travail, sur le thème : “On ne connaît pas la vie d’une personne”. Qu’est-ce qui “signe” le côté travail de certains suicides ? 

Le travail, comme je le disais tout à l’heure, est protecteur. Si le salarié passe à l’acte sur son lieu de travail, alors qu’on sait que la situation professionnelle est dégradée, cela veut dire au minimum que le travail n’a pas été protecteur. Peu importe si le salarié souffrait par ailleurs de difficultés personnelles, car le milieu professionnel ne peut rien faire sur la vie privée des gens -et heureusement – mais en revanche, il y a une obligation de prévention pour éviter les situations de travail dégradées, et chacun peut être sensible aux difficultés des autres au travail, ce collectif pouvant agir en soutien de la personne. Pour moi, en cas de suicide au travail ou lié au travail, le problème n’est pas de rechercher la causalité -ce peut être l’affaire de la police et de la justice-, le problème, pour les organisations syndicales et pour la direction, c’est de tenter de comprendre ce qui est arrivé au salarié, quelles étaient ses difficultés au travail, de façon à améliorer les choses et éviter un nouveau drame ou de nouvelles maladies. 

Promu, il se suicide 
A propos des changements pouvant représenter un risque pour les travailleurs, Michel Debout cite le cas d’un gendarme, un professionnel reconnu, plutôt en fin de carrière, qui s’était vu offrir une promotion à un grade supérieur. “Ce gendarme avait dit à son supérieur qu’il ne voulait pas de cette promotion car il aimait bien ce qu’il faisait, et qu’il avait peur de ne pas y arriver dans ses nouvelles fonctions”, raconte le spécialiste des suicides. Problème : “Le gendarme n’a pas été entendu, on l’a promu rapidement, et il s’est suicidé quelques jours après”. Attention, prévient Michel Debout, il ne s’agit pas de dire ici que cette personne est morte parce qu’on l’avait promue, “ce serait caricaturer les choses”, mais le professeur de droit de la santé souligne qu’il faut être sensible à ce qu’expriment les individus : “Ce qui était vu comme une promotion était visiblement perçu par le gendarme comme une source de difficultés nouvelles, une source de stress, une mise en danger. Il faut savoir entendre cela, et, dans ce cas, on peut penser qu’il aurait été possible de prévoir une phase de transition, de mettre ce gendarme en confiance, en condition de réussir, au lieu de faire comme si on pouvait effacer d’un coup des années durant lesquelles ce gendarme avait bien vécu dans son travail”.  

Bernard Domergue

Le Plan santé au travail 4, première déclinaison de la réforme

Entre nouveaux objectifs, mesures reconduites, déclinaisons de la loi du 2 août et acteurs sollicités : que retenir du nouveau Plan santé au travail présenté hier aux partenaires sociaux ?

Le document est dense, le spectre large (recherche, gouvernance, amiante…) et les objectifs nombreux mais pas toujours précis : le ministère du Travail a présenté le quatrième Plan santé au travail au Cnoct (Conseil national d’orientation des conditions de travail) hier. Cette sorte de feuille de route 2021-2025, qui a été discutée avec les partenaires sociaux, arrive dans un contexte particulier, un an après la signature de l’accord national interprofessionnel sur la prévention et quatre mois après la loi éponyme. C’est en quelque sorte une déclinaison opérationnelle de ces deux textes. Qu’en retenir ?

L’axe transversal de ce plan, et sa priorité, est de diminuer le nombre d’accidents graves et mortels. “Nous touchons un plancher que l’on n’arrive pas à enfoncer”, observe le secrétariat d’État à la Santé au travail. Il prévoit de davantage former les jeunes et les nouveaux embauchés, mieux former tout au long de la carrière, et renforcer la surveillance du marché des équipements de protection. L’idée est aussi d’apporter une attention particulière à certains travailleurs : les intérimaires, les détachés et ceux de la sous-traitance en cascade.

L’accent est mis sur le risque routier et les chutes de hauteur et de plain-pied, risques causant le plus d’accidents graves et mortels. Pour le premier, des communications devront s’attarder sur les trajets domicile-travail, alors que l’angle était plutôt celui des déplacements de mission jusqu’à présent. Pour les secondes, il est prévu, entre autres, de mieux connaître cette accidentologie, d’enquêter sur la sinistralité chez les cordistes et d’augmenter le nombre de coordonnateurs SPS.

Violences conjugales

Nouveauté dans ce PST4 : la prévention des violences sexuelles et sexistes. “Il s’agit de concevoir et expérimenter un outillage à destination des services de RH et des CSE”. Les SPST (remplaçants des SST) devront se mobiliser sur ce sujet, pour accompagner les entreprises aussi bien dans leur prévention qu’en cas de violences

Le plan évoque aussi “la prise en compte des violences conjugales”, sans plus de détail. Un élément raccord avec l’article 10 de la convention de l’OIT que la France vient de ratifier qui prévoit de “reconnaître les effets de la violence domestique et, dans la mesure où cela est raisonnable et pratiquement réalisable, atténuer son impact dans le monde du travail”, même si la majorité a souhaité une transposition a minima.

Autre nouveauté, de circonstance, l’un des dix objectifs de cette feuille de route  : “Anticiper les crises pour mieux les gérer et limiter leurs effets dans la durée”. L’idée est d’”aider les entreprises à concilier la continuité d’activité et la préservation de la santé des salariés en situation de crise” et d’”accompagner la sortie de crise et limiter les effets des crises sur les conditions de travail et la santé des salariés”.

Indicateurs

Certaines mesures sont assez floues. Par exemple, le programme TMS pro devrait être “élargi”, mais le plan n’indique pas en quoi. Cela dit, il est vrai que, comme le résume le secrétariat d’État, “l’attachement aux résultats est davantage marqué que dans les plans précédents”. Sur la forme, c’est la grosse nouveauté : la plupart des objectifs sont accompagnés d’effets attendus plus ou moins précis (par exemple : “amélioration de la prévention et de la traçabilité des expositions aux risques chimiques”), de livrables (par exemple : mise à jour du guide “comment choisir un consultant RPS”) et d’indicateurs (nombre de téléchargements de tel outil, par exemple).

Ces derniers sont parfois engageants, telle la baisse du nombre d’accidents pour chute dans les secteurs particulièrement exposés mais moins identifiés dans le précédent PST (logistique et transport routier de marchandise, agroalimentaire et propreté). De là à se fixer un objectif chiffré de baisse de l’accidentologie grave et mortelle ? Quand même pas. “Il ne faut pas confondre le volontarisme et une forme de spéculation. Les accidents graves et mortels sont une nouvelle priorité, donc le premier travail que nous devons faire est d’identifier les leviers d’action à mettre en place”, répond le secrétariat d’État.

Dialogue social

Comme le précédent, ce PST insiste sur la prévention primaire et la culture de prévention, même s’il ne définit toujours pas cette dernière. Qualité de vie au travail et prévention de la désinsertion professionnelle font partie des thèmes reconduits. Sur plusieurs sujets, le plan prévoit essentiellement que les outils et livrables déjà existants soient davantage utilisés. Une partie du plan correspond simplement – et logiquement – à la reprise des mesures prévues par la loi du 2 août.

Beaucoup de mesures s’inscrivent dans la philosophie actuelle de miser sur le volontarisme plus que sur la contrainte envers l’employeur. Conséquence : des dispositions supprimées par les ordonnances dites Macron sont ici valorisées en tant qu’outils pertinents de prévention. Par exemple, pour illustrer l’objectif “accompagner les acteurs du dialogue social en entreprise”, l’indicateur retenu est le nombre de commissions santé sécurité et conditions de travail mises en place dans les entreprises de moins de 300 salariés… optionnelles, suite à la suppression des CHSCT.

SPST sollicités

Certains regrettaient que les services de santé au travail ne se soient pas suffisamment mobilisés pour mettre en œuvre le PST3. Ils sont clairement identifiés comme acteurs de la déclinaison du PST4. Le gouvernement mise sur eux pour diffuser les outils ou encore accompagner les entreprises dans leur démarche de QVCT (qualité de vie et conditions de travail). Ils pourraient y être incités via leur contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens.

“La politique de santé au travail doit avoir une dimension territorialisée très forte”, plaide le secrétariat d’État. Les PRST, déclinaisons régionales de ce plan, étaient déjà en cours d’élaboration. Maintenant que le plan national est publié, ils devraient être finalisés au cours du premier semestre 2022, indique rue de Grenelle.

Pauline Chambost

Dans le secteur privé, presque tous les salariés sont “polyexposés”

Travail de nuit, exposition à des agents biologiques ou à des substances chimiques, risques psychosociaux, etc. : au cours de leur carrière, les salariés peuvent être exposés simultanément à plusieurs contraintes susceptibles d’affecter leur santé à court ou à long terme. Prendre en compte ces poly expositions constitue un défi majeur pour élaborer des politiques efficaces de prévention.

La dernière enquête Sumer (surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) de la Dares (direction de la statistiques du ministère du Travail) date de 2016-2017, mais cette mine d’informations continue d’être exploitée par différentes analyses.

Tous les salariés sont “poly exposés”

Une étude a notamment été menée par l’Anses, Santé publique France et la Dares, dans le cadre du 3ème Plan santé au travail 2016-2020. L’objectif était de mieux comprendre et décrire les situations de polyexpositions des salariés et de connaître les filières professionnelles particulièrement concernées.

Cette étude montre que quasiment tous les salariés sont “polyexposés”, que ce soit dans le secteur public ou privé (97%). Une polyexposition signifie que le travailleur est exposé à au moins deux contraintes de même catégorie ou non au cours de sa carrière professionnelle. Les catégories sont les suivantes :

  • chimiques (substances potentiellement dangereuses) ;
  • biologiques (bactéries, virus, moisissures) ;
  • physiques (nuisances sonores, contraintes posturales ou thermiques, exposition aux rayonnements) ;
  • organisationnelles (horaires de travail, manque de moyens matériels et/ou humains, intensité et rythme de travail, faible autonomie, etc.) ;
  • relationnelles (forte pression, faible reconnaissance au travail, hostilité des collègues ou de la hiérarchie, tensions, etc.).

Contraintes organisationnelles dans tous les secteurs

Cette étude confirme que si les expositions aux risques physiques (chimique, mécanique ou biologique) sont spécifiques au secteur d’activité, les contraintes organisationnelles et relationnelles concernent tous les domaines d’activité.

La Dares note que ces contraintes organisationnelles sont “propres à l’organisation du travail et à la coopération avec d’autres travailleurs, ainsi qu’aux interactions avec les clients ou usagers”. Elles ont donc un “caractère structurant de toute activité salariée”. Une fois ce constat fait, il convient évidemment de mettre en œuvre les actions de prévention nécessaires pour maîtriser les risques et notamment les RPS.

12 profils pour mieux catégoriser les polyexpositions

L’analyse statistique a fait ressortir une douzaine de types de profils (tableau synthétique en page 67 du rapport joint). On peut citer par exemple :

  • le profil A (37% de l’effectif total) qui correspond aux salariés avec un travail “peu exposé” mais avec un faible soutien social. Il s’agit principalement de salariés de CSP élevées (gestion des entreprises, administration publique, professions juridiques et commerce) ;
  • le profil C (6,8% de l’effectif total) qui regroupe principalement des hommes (ouvriers de la maintenance, de la mécanique, des industries de process, du BTP) qui sont tous exposés au bruit et pour une majorité d’entre eux, à des contraintes posturales (74%) et organisationnelles (ex. : faible autonomie 61%, contraintes horaires) ;
  • le profil F (6%) qui regroupe des ouvriers réalisant des activités plutôt techniques dans les domaines du traitement des déchets et de l’assainissement, de l’agro-alimentaire ou en lien avec  l’alimentation (maraîchers, restauration) ou intervenant sur des chantiers BTP. Ils sont exposés à des risques biologiques d’origine environnementale ou agroalimentaire à des risques chimiques et physiques, et manquent de moyens et sont soumis à des changements organisationnels récents ;
  • le profil D (5%) avec des travailleurs issus de CSP diverses dans des activités impliquant un contact avec le public (ex. : enseignement, action sociale, sécurité civile,  commerce, banque, assurance et transports) qui sont exposés à des tensions avec le public, un manque de moyens et un rythme de travail élevé.

Le multiple cumul des professionnels de santé

Alors que cette analyse a notamment pour but d’objectiver “la réalité et le caractère uniquitaire des situations de polyexposition pour les travailleurs français”, certains résultats ont une résonance particulière avec l’actualité.

Les professionnels de santé (86,5% des salariés du profil J) cumulent des expositions caractéristiques aux 5 catégories de contraintes. Ce sont des professionnels des domaines médicaux et paramédicaux (infirmiers, sage-femmes, aides-soignants, professions paramédicales, médecins et assimilés) et plus des trois quarts sont des femmes. Ils sont ainsi potentiellement exposés à des agents biologiques d’origine humaine, souvent associés à une exposition à des substances chimiques via les médicaments notamment. Ils sont également concernés par des situations de tension, des contraintes horaires comme le travail de nuit, un rythme de travail soutenu, un manque de moyens matériels et humain, auxquels viennent s’ajouter des contraintes physiques tels que les rayonnements ionisants ou des postures physiques difficiles.

Clémence Andrieu, Dictionnaire permanent Sécurité et conditions de travail

Validité à 24h des tests, rappel vaccinal : les nouvelles règles pour détenir un passe sanitaire sont validées par le Conseil d’Etat

Saisi par des particuliers et des associations, le juge des référés du Conseil d’Etat a validé les mesures sanitaires, décidées par le gouvernement le 25 novembre, estimant qu’elles étaient “proportionnées à notre contexte d’accélération de la circulation du virus et de l’émergence d’un nouveau variant”.

La haute juridiction considère, en effet, que les tests antigéniques (s’ils sont utilisés pour avoir un passe sanitaire pour ceux qui ne sont ni en rémission post-covid ni déjà vaccinés) “peuvent être réalisés en pharmacie avec un résultat obtenu en moins d’une demi-heure”. Elle constate également “que le rappel vaccinal, (…) rendu obligatoire à partir du 15 décembre pour les personnes de 65 ans ou plus, a été annoncé suffisamment à l’avance pour que [celles-ci] puissent recevoir leur rappel vaccinal dans les délais (entre cinq et sept mois après la dernière dose)”. Aussi, ces nouvelles règles apparaissent-elles “légitimes” compte tenu “des objectifs de santé publique poursuivis”. 

actuEL CE

PROTECTION SOCIALE

Assurance chômage : le Conseil d’Etat valide le décret du 30 mars 2021

Le Conseil d’Etat a publié hier sa décision et oppose un refus aux syndicats dans leur recours contre le décret du 30 mars 2021. Ce texte prévoyait notamment l’entrée en vigueur d’une partie des mesures de la réforme au 1er juillet 2021, comme par exemple la refonte du calcul du salaire journalier de référence, ou le début de la période d’observation des entreprises concernées par le bonus-malus de cotisations.

Le Conseil d’Etat rejette l’argument syndical selon lequel le document de cadrage remis par le gouvernement aux partenaires sociaux afin de négocier le nouveau régime n’était pas à jour des conséquences économiques de la crise sanitaire.

Par ailleurs, les juges considèrent que le gouvernement poursuit l’objectif de stabilité de l’emploi en plafonnant le salaire journalier de référence par la prise en compte des jours non travaillés au dénominateur de la formule de calcul, rendant ainsi moins favorable l’indemnisation. Le Conseil d’Etat rejette également l’argument tiré du caractère assurantiel de l’allocation chômage : les textes “n’imposent pas que le montant de l’allocation soit équivalent ou strictement proportionnel au montant des rémunérations antérieurement perçues”. L’exclusion des périodes de paternité, maternité, adoption, activité partielle pour le calcul du SJR ne méconnaissent pas non plus l’article L.5422-3 du code du travail. Les syndicats ne rencontrent pas plus de succès avec l’argument du principe d’égalité : ils avaient avancé une différence d’allocation de 17 % entre des allocataires au parcours fractionné et des allocataires au parcours continu. Mais pour le Conseil d’Etat ces différences de traitement “demeurent limitées (…) et ne sont pas manifestement disproportionnées”.

Sur le cumul de l’allocation d’aide au retour à l’emploi et d’une rémunération, l’écart d’allocation constaté par l’UNEDIC “demeure limité” selon les juges, “et n’induit la perte d’aucun droit pour les demandeurs d’emploi”. Ces dispositions ne méconnaissent donc pas le principe d’égalité.

La juridiction écarte également le moyen tiré d’une discrimination envers les femmes, pénalisées selon les syndicats car connaissant plus que les hommes les contrats courts de moins d’un mois. Les juges considèrent cependant que parmi les personnes affectées par le changement du calcul du salaire journalier de référence, 55 % sont des hommes et 45 % sont des femmes. Pas de discrimination donc selon les juges.

Ils considèrent enfin que la réforme ne remet pas en cause le droit à un revenu de remplacement. De même, ils ne voient pas d’erreur manifeste d’appréciation dans l’introduction du bonus-malus et dans le fait que ce dispositif soit réservé à certains secteurs d’activité.

La CGT a publié un communiqué de presse (en pièce jointe) où elle s’interroge : “La campagne présidentielle a-t-elle impliqué des pressions sur la plus haute juridiction administrative ?”, pointe le document. Le syndicat déplore que “cette réforme reste donc en application et va toucher de plein fouet les plus précaires. Injuste, elle crée de fortes inégalités entre privés d’emploi”.

Il reste encore une décision du Conseil d’Etat à attendre sur le décret du 29 septembre 2021.

actuEL CE

Le Conseil constitutionnel censure certaines mesures de la LFSS pour 2022

Le Conseil constitutionnel a rendu hier soir sa décision sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Parmi les mesures susceptibles d’intéresser les services RH qui avaient été soumises aux Sages, certaines sont déclarées conformes à la Constitution. Tel est le cas :

  • du 2 ° du paragraphe II de l’article 93 relatif à la possibilit de prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi visant à rétablir, adapter ou compléter les dispositions relatives aux arrêts de travail dérogatoires et aux indemnités journalières de sécurité sociale ; 
  • de l’article 105 relatif aux prestations de protection sociale complémentaire que peuvent verser les plateformes à leurs travailleurs. 

En revanche, sont censurés : 

  • l’article 106 qui prévoyait qu’au plus tard le 31 janvier 2022, le gouvernement devait remettre au Parlement un rapport sur l’amélioration de la couverture sociale contre le risque d’accidents du travail et de maladies professionnelles de certains travailleurs indépendants. Selon le Conseil constitutionnel, “ces dispositions n’ont pas pour objet d’améliorer l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale” ; 
  • l’article 46 qui introduisait la délivrance d’une carte professionnelle pour les intervenants et intervenantes de l’aide à domicile, à titre expérimental. Selon les Sages, cette disposition “a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement” et, dès lors, “ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale” ; 
  • l’article 90 qui prévoyait que les organismes d’assurance maladie complémentaire mettent à la disposition des professionnels de santé des services numériques en vue de l’application du dispositif du tiers payant sur certaines prestations en matière d’optique, d’audiologie et de soins dentaires. Selon le Conseil constitutionnel, “ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses et sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement”. Elles ne trouvent dès lors pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. 

actuEL CE

NÉGOCIATION COLLECTIVE

Formation professionnelle : les partenaires sociaux ont déterminé le calendrier de leurs négociations

Les partenaires sociaux ont arrêté, le 7 décembre, le déroulé des travaux paritaires sur l’adaptation de loi Avenir professionnel, prévus par l’accord cadre du 15 octobre dernier. Outre les questions de coûts contrats et la thématique des transitions collectives en janvier, ils s’attelleront au chantier sur le développement des compétences en entreprise, en février, qui inclut la simplification du système des certifications, la VAE (validation des acquis de l’expérience) et la rédaction d’un vade-mecum paritaire à destination des entreprises et des salariés pour préciser les enjeux et les outils concernant le développement des compétences, des qualifications, de la certification, de l’alternance et des transitions professionnelles.

Parallèlement, ils travailleront sur le recueil des données statistiques disponibles sur les actions de formation, tirées des observatoires de branches, de régions pour synthétiser les résultats. La régulation du compte personnel de formation (CPF) sera abordée “au printemps” et la validation des acquis de l’expérience (VAE) au mois de mai 2022.

Les conclusions de ces travaux sont attendues d’ici juin 2022. Toutes les organisations sont invitées à participer aux réunions, y compris les non-signataires de l’ANCI (accord national cadre interprofessionnel) du 15 octobre dernier, FO et la CGT.

actuEL CE

Dialogue social : Entreprise & Personnel souhaite favoriser des espaces de “délibération” au sein des entreprises

Dans l’édition 2021 de la note de conjoncture sociale, Entreprise & Personnel invite les DRH à repenser le dialogue social traditionnel, en intégrant des espaces de délibération ou d’expression collective pour débattre collectivement du travail au sein des entreprises, par équipe, en sus des négociations d’accords collectifs. Objectif ? Favoriser l’expression directe des salariés afin de porter leurs propositions au niveau des instances décisionnaires de l’entreprise. Pour l’association, ce tournant “délibératif” permettrait d’amorcer un nouveau dialogue social, en complément de la “démocratie représentative”.

Pour illustrer le bien-fondé de cette méthode, Entreprise & Personnel s’appuie sur les accords QVT (qualité de vie au travail) de la Caisse des dépôts et consignations (1er septembre 2020), de la CNP Assurances (22 juillet 2020) et de Michelin (11 juin 2020) qui ont d’ores et déjà intégré des démarches participatives au sein de leur organisation.

actuEL CE

IRP

Nouveaux règlements comptables des CSE : les changements à connaître

Guillaume Sauvage est expert-comptable et commissaire aux comptes chez Secafi, et associé du groupe Alpha. Il fait partie de la commission dédiée aux CSE au sein du Conseil supérieur de l’Ordre des experts comptables. Nous lui avons demandé quels étaient les changements opérés dans les nouveaux règlements comptables des CSE homologués et publiés au Journal officiel. Interview

Pouvez-nous tout d’abord nous rappeler quels sont les grands principes de la comptabilité qui s’imposent aux CE, et maintenant aux CSE, depuis 2015 ? 

La loi qui a imposé la transparence financière aux comités d’entreprise à partir du 1er janvier 2015 a été un changement important : nous sommes passés à un cadre très normé alors qu’il n’existait auparavant aucune base spécifique pour présenter les comptes des comités d’entreprise, et faute de règle légale, chacun faisait à sa manière. Aujourd’hui, les règlements qui viennent d’être actualisés et publiés au Journal officiel du 4 décembre, retranscrivent, à quelques exceptions près, les mêmes règles.

Les CSE, quelle que soit leur taille, doivent présenter 3 rapports chaque année 

Pour rappeler ces grandes lignes, il faut souligner un principe essentiel, parfois oublié par les petits CSE : quelle que soit sa taille, un comité doit présenter chaque année 3 rapports : le rapport des comptes (ou la plaquette des comptes annuels), le rapport d’activité et de gestion, et enfin le rapport sur les conventions passées. En revanche, le contenu de ces rapports diffère selon la taille du CSE. Une autre innovation de 2015 était l’obligation de désigner un trésorier parmi les membres titulaires du comité.

Le niveau d’obligations diffère donc selon la taille du comité…

En effet, il y a des obligations spécifiques pour les plus grands CSE, d’autres réduites pour les CSE moyens et d’autres plus simplifiées encore pour les “petits” CSE. Pour relever de la catégorie des grands CSE, un comité doit remplir au moins 2 des 3 critères suivants : un total des ressources supérieur à 3,1 millions d’euros (pour l’essentiel, il s’agit des subventions de l’employeur et des participations des salariés), un total de bilan supérieur à 1,55 million, et un nombre de salariés supérieur à 50.

On compte en France entre 200 et 250 “grands” CSE 

Entre 200 et 250 comités en France appartiennent à cette catégorie, selon les chiffres de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes. Pour ces grands comités, la certification des comptes par un commissaire aux comptes est devenue obligatoire, tout comme la mise en place d’une commission des marchés. A ce propos, la pratique nous montre que cette commission des marchés a mal été comprise. Cette commission a été conçue comme un organe de transparence et de contrôle : elle doit valider ou non les critères utilisés pour choisir des prestataires, et s’assurer qu’ils sont respectés.

 La commission des marchés n’est pas une instance de décision mais une instance de contrôle

Dans les faits, peut-être parce que son fonctionnement doit être acté dans le règlement intérieur de l’instance, cette commission est utilisée comme un organe de décision, qui sélectionne par exemple les prestataires. Cela peut poser problème dans la mesure où la commission des marchés est souvent pluri-syndicale alors que le bureau du comité relève d’une majorité syndicale qui suit une politique. Certains comités reviennent d’ailleurs sur la vocation initiale de la commission des marchés pour retrouver un fonctionnement plus normal au quotidien. Enfin, pour les grands CSE, la présentation des comptes annuels et du rapport de gestion est très étoffée : pour les comptes annuels, on reprend à la ligne près les modèles du compte de résultat et de bilan des associations, sachant que le modèle du règlement comptable des associations a changé en 2018, des changements pris en compte par les nouveaux règlements des CSE.

Il faut pouvoir comparer prévisionnel et réalisations 

Pour le rapport de gestion, il faut comparer les données prévisionnelles et les données réalisées, ce qui impose de facto le vote de budgets prévisionnels et la tenue d’une comptabilité analytique fine pour pouvoir opérer ces comparaisons en fin d’année. Les comités sont également tenus de rédiger une note à l’annexe de leurs compte portant sur les transactions significatives : le CSE doit indiquer les noms des tiers, c’est-à-dire des prestataires avec lesquels il réalise le plus grand flux.

Qu’en en est-il des CSE moyens ? 

ll s’agit des comités qui dépassent 153 000€ de ressources, sachant qu’on ne tient pas compte ici de la participation des salariés : cela regroupe essentiellement les dotations de l’employeur, les revenus financiers, etc. Tout ce qui est reversé à un comité interentreprises vient en déduction. Ces comités doivent produire des comptes annuels qui présentent un bilan et un compte de résultat conformes aux modèles fournis par l’Autorité des normes comptables, modèles qui viennent d’être actualisés.

 Ils ont l’obligation de faire attester leurs comptes par un expert comptable

Ces CSE ont l’obligation de faire attester leurs comptes par un expert-comptable. Cette attestation porte sur la cohérence et la vraisemblance des comptes. En revanche, le rapport de gestion demandé aux comités moyens doit être tout aussi précis que celui des grands CSE, donc y compris sur la comparaison du prévisionnel et du réalisé et sur la note annexe en cas de transactions significatives, là aussi avec le nom des prestataires importants. Ces CSE moyens ont aussi l’obligation de publier un rapport sur les conventions passées. 

Et pour les comités de taille modeste ? 

Pour les CSE disposant de moins de 153 000€ de ressources par an, il leur est imposé de tenir a minima un livre comptable de recettes et de dépenses, tenu par budget. Ils doivent regrouper ces données dans un état annuel des recette et dépenses selon un modèle fixé par l’Autorité des normes comptables. On leur demande également de détailler poste par poste la situation patrimoniale du comité : biens, placements, billetterie, créances, etc.

Les “petits” CSE ont l’obligation de produire un rapport de gestion simplifié 

Ils ont l’obligation de produire un rapport de gestion simplifié, même chose pour le rapport sur les conventions passées. Les “petits CSE” n’ont pas l’obligation de recourir à un expert-comptable pour attester leurs comptes, il n’en demeure pas moins que nous ne pouvons que leur conseiller de se faire épauler par un professionnel qui maitrise aussi bien leurs enjeux comptables, légaux et les tolérances Urssaf. Quelle que soit la taille du comité, l’instance doit approuver ses comptes annuels, dans les 6 mois suivant la clôture des comptes, lors d’une réunion plénière spécifique, avec un seul PV pour ce sujet unique. Toutes ces règles viennent de la loi et du code du travail et ont été précisées, pour des raisons pratiques, dans des règlements et modèles comptables écrits par l’Autorité des normes comptables, l’ANC. C’est l’ANC qui a indiqué qu’en cas de défaut de disposition prévue spécifique aux comités, c’est le règlement comptable associatif qui s’applique…

Pourquoi fallait-il actualiser ces règlements comptables ? Parce que le CE est devenu le CSE ? 

Oui, c’est une des deux raisons. Tout était rédigé pour les CE, il fallait transposer aux CSE. Il y avait aussi des adaptations plus techniques à opérer du fait des ordonnances Macron de 2017. Par exemple, il existait auparavant des CIE, des comités inter-entreprises, et la question ne se posait pas de distinguer ceux des CIE qui se voyaient déléguer les activités sociales et culturelles et ceux qui se voient aussi déléguer des prérogatives économiques.

Oui, et aussi pour des points comme les comités sociaux et économiques interentreprises 

Or les ordonnances Macron ont créé cette distinction avec d’une part les comités sociaux et économiques inter-entreprises (CSEI) qui se voient déléguer activités sociales et prérogatives économiques, et d’autre part les CASCIE (comités des activités sociales et culturelles interentreprises) qui ne traitent que des ASC. Il fallait donc que l’Autorité des normes comptables prenne en compte ces changements. La deuxième raison tenait à ce que les règlements précédents faisaient référence au règlement comptable des associations qui a été modifié en 2018, il fallait donc actualiser ces références. 

Sur les calculs des salaires et des cotisations sociales, n’y avait-il pas des impacts à prendre en compte ?

Non, car si les montants changent et s’il y a un impact financier, cela ne modifie pas la présentation comptable à respecter. 

Que modifient ces nouveaux règlements comptables ? 

Très peu de choses. Le point le plus important, sur lequel l’Autorité des normes comptables (ANC) a entendu les suggestions de l’Ordre des experts comptables, concerne les contributions reçues en nature, c’est-à-dire ce qu’on reçoit mais qui n’est pas comptabilisé. Le règlement comptable associatif exige que ces contributions soient comptabilisées. Mais pour un CSE, la majorité des contributions reçues en nature sont des mises à disposition, souvent par l’employeur, de personnel à titre gratuit, de locaux, de salles de sport, etc. Il est très difficile d’imaginer pour ces CSE de valoriser ces contributions.

Les contributions en nature reçues de l’employeur n’ont plus à être prises en compte 

Cela aurait nécessité de se lancer dans un chantier très vaste et pas nécessairement d’une grande utilité. Il est donc désormais acté dans les nouveaux règlements CSE que toutes les contributions en nature reçues de l’employeur au titre d’obligations légales n’ont pas à être prises en compte au titre des contributions reçues. Quant aux autres contributions, elles peuvent simplement être listées en annexe, sans être comptabilisées et valorisées. La prise en compte par l’ANC des difficultés techniques liées à la valorisation de contributions en nature trouvera peut-être un prolongement dans l’actualisation prochaine du règlement comptable des organisations syndicales. 

Quid de la possibilité de verser une partie du reliquat d’un compte à l’autre du CSE ?

Les ordonnances Macron ont en effet autorisé les CSE à verser 10% d’un excédent annuel d’un budget vers l’autre (Nldr : budget fonctionnement vers ASC ou inversement). Lorsque les comptes sont approuvés, les élus du CSE doivent aussi statuer sur l’affectation des excédents, qui ne sont plus forcément versés aux réserves des comptes respectifs. L’Autorité des normes comptables a pris en compte cette nouveauté.

Un don à une association n’est possible que s’il y a un excédent du budget des activités sociales et culturelles 

L’autre point qu’il me faut souligner concerne les dons des comités à une association. Celle-ci doit être une association humanitaire d’utilité publique et le code du travail précise qu’un CSE ne peut pas verser un don à une association s’il n’a pas un excédent du budget annuel d’activités sociales et culturelles, cet excédent pouvant aller soit au budget des attributions économiques et professionnelles (AEP, ou budget de fonctionnement) ou tout ou partie aux associations. Cela n’a pas été bien compris dans les CSE. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’un CSE ne peut plus donner à une association comme il veut. Au moment de l’approbation des comptes, et seulement en cas d’excédent ASC, il faut que les élus votent une attribution spécifique de la partie de l’excédent vers une ou plusieurs associations. C’est une redistribution du résultat comptable, ce n’est plus une dépense. 

Les nouveaux règlements comptables des CSE s’appliquent-ils immédiatement ?

Oui, ils ont été promulgués et publiés au Journal officiel du 4 décembre, ils s’appliquent donc. 

Changeons de sujet. Comment voyez-vous la situation budgétaire des CSE, du fait de la crise sanitaire ? 

L’activité partielle a pesé de façon importante sur les subventions des CSE car l’indemnité reçue par les entreprises n’est pas soumise à cotisations sociales, et donc échappe à la base de calcul des subventions du CSE. On peut toutefois noter que certains employeurs ont joué le jeu en maintenant les dotations du comité au même niveau.

 L’activité partielle a pesé dans certains CSE, mais il y a eu aussi moins de dépenses d’ASC

Mais il y a eu aussi beaucoup de dépenses qui n’ont pas été faites par les CSE, du fait de la crise sanitaire qui a compliqué la réalisation d’activités sociales et culturelles(ASC). Le relèvement du plafond de dépenses pour les fêtes a bien été décidé par le gouvernement, mais c’est très tardif pour les comités économiques et sociaux. Pour ceux des CSE qui ont beaucoup de patrimoine, cela a été très dur car le patrimoine doit être entretenu même quand il ne peut pas être utilisé et donc payé pour partie par les salariés qui l’utilisent. 

Bernard Domergue

L’indemnité inflation est une aide “incessible et insaisissable”, précise le décret paru au JO

Est paru dimanche 12 décembre au Journal officiel le décret d’application, daté du 11 décembre, de la loi du 1er décembre 2021 de finances rectificatives pour 2021concernant l’indemnité inflation de 100€. Cette indemnité inflation est versée aux salariés âgés d’au moins 16 ans ayant perçu une rémunération brute (rémunération soumise à cotisations) ne dépassant pas 26 000 euros au titre des périodes d’emploi du 1er janvier au 31 octobre 2021. Le décret précise que cette aide fait l’objet d’un versement unique à chaque bénéficiaire, et qu’elle est “incessible et insaisissable” : elle ne peut être cédée à un tiers ni faire l’objet d’une saisie sur salaire. Autres ajouts par rapport au projet du décret : 

  • La non prise en compte des indemnités de congés payés dans l’appréciation du plafond de ressources lorsqu’elles sont versées par les caisses de congés payés. Une information déjà diffusée par le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss, QR A.9) ;
  • Le versement de l’indemnité inflation aux salariés et anciens salariés percevant une préretraite d’entreprise : le décret précise que ce versement est automatique.

actuEL CE

L’intérim maintient sa progression

“Après un recul historique lors du 1er trimestre 2020, un rebond marqué au cours de l’année 2020 et un ralentissement début 2021, l’emploi intérimaire poursuit sa reprise au 3e trimestre 2021 (+1,6 %, soit +12 100 intérimaires, après +2,4 % soit +18 000 intérimaires au trimestre précédent), selon les derniers chiffres de la Dares. Il demeure en-deçà mais proche de son niveau d’avant la crise sanitaire : fin septembre 2021, l’emploi intérimaire est inférieur de 0,8 % au niveau de fin décembre 2019″.

L’emploi intérimaire augmente dans l’ensemble des secteurs, note l’étude du ministère du travail. 

actuEL CE

Le plafond de la sécurité sociale inchangé au 1er janvier 2022

Dans une actualité du 9 décembre, le site des Urssaf indique que, selon le projet d’arrêté, le montant du plafond de la sécurité sociale est inchangé pour 2022.

Le plafond annuel de la sécurité sociale pour 2022 serait donc équivalent à celui de 2021, soit 41 136 euros (3 428 euros mensuel).

Reste à attendre la publication de cet arrêté.

actuEL CE

En 2022, le seuil d’exonération des bons d’achat du CSE reste fixé à 171€

Le plafond mensuel de la sécurité sociale restant inchangé en 2022 selon le site des Urssaf, il n’y aura pas de revalorisation des bons d’achat du comité social et économique (CSE). Habituellement, l’augmentation du plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS) entraîne une revalorisation automatique du montant maximum des bons d’achat du CSE, actuellement fixé à 171 euros. Ce montant maximum, qui correspond au seuil d’exonération de cotisations sociales dont bénéficie le CSE sur ses bons d’achat, est en effet égal à 5 % du PMSS

En 2022, ce sera toujours 171 euros car le PMSS reste fixé à 3 428 euros.

Ainsi, si le montant global des bons d’achat attribués à un salarié par année civile ne dépasse 171 euros pour 2022, il y a exonération de cotisations sociales.

Si le montant global des bons d’achat attribués à un salarié par année civile dépasse 171 euros, il y a exonération si 3 conditions sont remplies :

  • le bon d’achat doit être attribué à l’occasion de certains événements prévus par l’Urssaf (mariage, naissance, Noël, etc.) ;
  • le bon d’achat doit avoir une utilisation déterminée et être en relation avec l’événement qu’il est destiné à marquer ;
  • pour chaque événement listé par l’Urssaf, la valeur du bon d’achat ne doit pas dépasser 171 euros pour 2022.

► Remarque : les règles sont les mêmes pour les cadeaux en nature. En conséquence, si pour un événement donné, le CSE offre au salarié un bon d’achat et un cadeau, il faudra additionner la valeur des deux et vérifier que cela ne dépasse pas 171 euros.

ActuEL CE

En cas de tensions d’approvisionnement, une entreprise dont l’inactivité atteint 50% pourrait bénéficier de l’activité partielle

Afin de permettre aux entreprises confrontées à des difficultés d’approvisionnement de faire face à cette situation, le gouvernement a annoncé hier un plan (voir le dossier de presse en pièce jointe). Ce dispositif comprend :

  • le bénéfice, “dès que possible”, aux entreprises selon leur situation au regard des difficultés d’approvisionnement, du taux de réduction d’inactivité “maximal et exceptionnel” de 50% pour l’activité partielle. Le gouvernement souligne que les branches comme les entreprises peuvent toujours, et ce jusqu’au 30 juin 2022, négocier une APLD, activité partielle de longue durée qui ne peut en principe pas dépasser 40% de réduction d’activité. “J’invite toutes les entreprises dont l’activité est ralentie par les tensions sur les approvisionnements à se tourner vers l’activité partielle de longue durée qui permet de bénéficier d’un reste à charge de 15%”, a expliqué Elisabeth Borne, la ministre du Travail indiquant que près de 14 000 entreprises ont d’ores et déjà conclu des accords de ce type concernant 1,3 million de salariés.  
  • le lancement d’un prêt pour l’industie géré par BPI France. Il s’agit d’un prêt à long terme pouvant être remboursé jusqu’à 10 ans ;
  • le prolongement de l’octroi du prêt garanti par l’Etat (PGE) de fin décembre 2021 à fin juin 2022; 
  • le prolongement du dispositif d’avances remboursables et des prêts à taux bonifiés jusqu’à fin juin 2022, avec “un assouplissement de ses conditions d’octroi”;
  • des facilités de paiement de charges sociales et fiscales : le report de certaines échéances sera “facilité”, promet le gouvernement.

actuEL CE

Commissions paritaires régionales : le détail des sièges par organisation est fixé

Paru hier au Journal Officiel, un arrêté du 10 décembre 2021 fixe les sièges des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles attribués aux différentes organisations syndicales et partonales, pour le mandat 2021-2025, selon les territoires, dans un tableau annexe.

Autres articles de l’édition

actuEL CE

Formation au dialogue social, valorisation des parcours des élus du personnel… : le CESE émet des préconisations sur les élections

Simplifier l’accès au vote, valoriser les parcours des représentants du personnel, renforcer la proximité syndicale, sensibiliser aux enjeux d’un vote dès l’école primaire, former au dialogue social, resserrer le calendrier électoral des élections dans les TPE… Ce sont quelques-unes des quinze préconisations émises par le Conseil économique social et environnemental (CESE) dans son avis adopté hier en séance publique (communiqué de presse en pièce jointe). Le CESE avait été saisi par Richard Ferrand, Président de l’Assemblée nationale, au sujet de la participation électorale des citoyens, ainsi que par le Premier ministre Jean Castex sur l’abstention des jeunes. Il était donc question non seulement des élections professionnelles mais aussi de tout processus démocratique que les citoyens peuvent rencontrer au cours de leur vie. Le CESE a formé une commission afin de plancher sur ces sujets majeurs pour l’avenir démocratique, alors qu’à chaque élection citoyenne ou professionnelle, l’abstention est désignée vainqueur. 

Les syndicats ont eu l’occasion de s’exprimer lors de l’adoption de l’avis. Pour Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC, la préconisation qui consiste à aménager des temps d’échange entre salariés et représentants du personnel est intéressante. Elle regrette cependant qu’elle soit limitée aux entreprises de moins de 10 salariés. La CFTC a voté en faveur de l’avis du CESE, de même que FO, représentée par Jean-Yves Sabot (trésorier fédéral), satisfait de voir aborder le sujet du parcours professionnel des militants. La CFDT a également voté pour l’adoption de l’avis, Pascal Guihéneuf (délégué syndical CFDT chez Nokia) remarquant que les faibles taux de participation sont liés à un éloignement entre votants et candidats. Même décision d’adoption pour l’UNSA. Sa représentante, Martine Vignau (secrétaire nationale) a souligné que le vote est souvent plus important lorsque des services sont proposés par les syndicats au-delà de leurs missions traditionnelles. La CFE-CGC a quant à elle exprimé de nombreuses réserves, Véronique Biarnaix-Roche (cadre chez Rio Tinto) regrettant “l’absence de débat de fond” et appelant au retour des délégués du personnel et du CHSCT. Enfin, la CGT s’est abstenue. Pour Michèle Chay, la fusion des instances de représentation en un seul CSE a éloigné les représentants du personnel des lieux de travail.

actuEL CE

Evaluation des ordonnances Travail : certaines craintes se confirmentGrignard et Jean-François Pillard

Le comité d’évaluation des ordonnances Travail a publié son rapport hier. Cette 4ème publication complète et approfondit le document de juillet 2020. Centralisation du dialogue social, fatigue des élus, compétences transversales accrues, manque de proximité, plusieurs craintes déjà constatées par les études du cabinet Syndex se confirment. Un point utile est fait par ailleurs sur le nombre d’accords déposés, les évaluateurs constatant une dynamique de la négociation collective en partie liée à la crise sanitaire.

Quel bilan des ordonnances Macron de septembre 2017 après plus de trois ans d’application ? Quelle mise en œuvre des CSE ? Quelles perspectives pour les élus ? Quelle dynamique de la négociation collective qui s’est emparée des nouveaux accords de performance collective (APC) et des ruptures conventionnelles collectives (RCC) ? Quelle influence de la crise sanitaire dans ce contexte mouvant ? Qu’en est-il enfin du barème des indemnités de licenciement alors que plusieurs juridictions se sont évertuées à ne pas le respecter dans leurs décisions et que la Cour de cassation vient de se prononcer contre une cour d’appel calculant le préjudice net ? 

Autant de questions majeures reprises dans le bilan présenté hier par Marcel Grignard et Jean-François Pillard, présidents du comité d’évaluation des ordonnances Travail rattaché à France Stratégie et au Premier ministre. Leur rapport se décline en deux parties essentielles, la troisième étant consacrée à la méthode d’évaluation : 

  • La transformation du cadre du dialogue social, évoquant d’une part le CSE entre simplification et mise sous tension, et d’autre part la décentralisation de la négociation ;
  • L’ajustement de l’emploi : APC, RCC, barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En introduction, Marcel Grignard et Jean-François Pillard rappellent que ce rapport a un caractère provisoire et exploratoire des effets des ordonnances (présentation de synthèse en pièce jointe). Ils appellent bien sûr à la poursuite de leurs travaux. A la lecture du rapport, il apparaît que certaines craintes anticipées lors des éditions précédentes sont renouvelées par les évaluateurs, notamment la centralisation et l’intensification du dialogue social, la fatigue des élus, leur manque de moyens, le manque de proximité avec les salariés. Des éléments également pointés par les études du cabinet Syndex. A la suite de la publication du rapport, le ministère du Travail a présenté un plan de mesures d’accompagnement afin de favoriser l’appropriation des outils de l’ordonnance par les acteurs du dialogue social (voir notre encadré en fin d’article).

90 000 CSE au 31 décembre 2020

Quelques chiffres de base pour commencer sur “la réforme emblématique de l’ordonnance, à savoir les CSE” selon Marcel Grignard : on dénombre 90 000 CSE au 31 décembre 2020 et près de 49 000 procès-verbaux de carence dans des entreprises où les élections n’ont pas abouti. En 2019, 41 % des entreprises de 10 salariés et plus étaient couvertes par une instance représentative (ancienne ou nouvelle), soit 79 % des salariés du champ. 8 600 accords de mise en place de CSE ont été signés entre septembre 2017 et décembre 2019. Les commissions santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) facultatives sous l’effectif de 300 salariés et obligatoires à compter de ce seuil couvrent 46 % des entreprises de 10 salariés ou plus en 2019 (contre les trois quarts en 2017 sous l’empire de l’ancien CHSCT). L’année 2019 montre cependant une “montée en puissance et un effet de rattrapage par rapport à l’année précédente”. Selon Marcel Grignard, “il est compliqué de comparer avec les anciens taux de couverture, mais il nous semble qu’il existe une certaine stabilité”.

Le taux de conversion au CSE était de 72,6 % à fin 2019, soit 83,4 % de salariés couverts. Ce taux est le plus important dans l’industrie (76 %), le transport et entreposage (74 %). Il est plus réduit par exemple dans l’hébergement-restauration (67 %) mais croît selon la taille de l’entreprise.

Enfin, environ 20 % de salariés du secteur privé ne disposent pas d’instances représentatives, en particulier dans des PME.

Des ordonnances qui ont atteint leurs objectifs…

Le passage à une instance unique a permis une certaine rationalisation du dialogue social, limitant le nombre de réunions et le traitement de sujets identiques dans plusieurs des anciennes instances. Selon les évaluateurs, la réduction du nombre de mandats a en effet peu impacté les petites entreprises. Le phénomène se montre plus marquant dans les grosses structures où ils observent une centralisation des CSE, surtout dans les entreprises à établissements multiples.

Pour mémoire, les ordonnances avaient également pour objectifs de faciliter l’articulation entre l’accord d’entreprise et l’accord de branche, de simplifier le dialogue social et de sécuriser les règles régissant la relation de travail en les rendant plus prévisibles. Si ces buts sont atteints, Marcel Grignard et Jean-François Pillard notent qu’ils mettent les élus et les directions sous tension, dans une instance embouteillée qui justifie qu’ils se saisissent de la possibilité de renégocier les accords de CSE afin de remédier aux difficultés.

… au prix d’un travail plus intensif pour des élus plus éloignés des salariés

Selon le rapport d’évaluation, le nombre de réunion des instances s’est réduit. Cela se traduit cependant par des réunions plus longues, et avec un ordre du jour plus lourd qui renforce le rôle clé du secrétaire du CSE. Le document relève également les compétences nécessairement transversales des élus qui nécessitent un apprentissage approfondi, malgré la possibilité de recourir à un expert et la mise à disposition de la BDESE. De ce fait, certains élus se professionnalisent (renforçant ainsi le rôle des délégués syndicaux), voire se spécialisent, tandis que d’autres se désinvestissent (lire notre article) ou démissionnent, débordés par la tâche à accomplir et la nécessité de donner aussi satisfaction à leur hiérarchie sur leur travail opérationnel en dehors de leur mandat.

Sur la santé et la sécurité, le rapport reconnaît que “le traitement de ces sujets n’est pas encore stabilisé et la nouvelle articulation entre CSSCT et CSE reste difficile à trouver”. En 2018, seules 18 % des entreprises de 50 salariés et plus (disposant d’un CSE) déclaraient avoir une commission santé. Dans les entreprises de 300 salariés et plus, la couverture n’est pas encore totale : 73,4 % des entreprises qui ont élu un CSE avaient une CSSCT en 2019.

Enfin, seulement 2 142 accords ont mis en place des représentants de proximité. Le rapport identifie que le dispositif se heurte souvent à un refus de l’entreprise qui craint de recréer indirectement les anciennes fonctions de délégué du personnel. Les principaux accords sont conclus dans l’administration publique, les domaines de la santé, de l’action sociale, de l’industrie manufacturière, du commerce et des transports. Quatre types de représentants de proximité émergent :

  • des représentants sans prérogatives fixes, dont les modalités d’action sont laissées à l’informalité des relations dans l’entreprise ;
  • des représentants complémentaires des élus de CSE, voire qui cumulent parfois ces deux mandats ;
  • des représentants vus comme des correctifs à la centralisation de la représentation du personnel, recréant un rôle de délégué du personnel ;
  • des représentants spécialisés dans certaines problématiques et avec des moyens étendus.

Il demeure que “le sujet de la proximité n’est pas réglé” admet Marcel Grignard, car la modalité des représentants n’est pas généralisée, d’autant que les textes définissent très peu les missions de ces représentants, ce qui peut nuire à leur implantation.

L’éternelle question des moyens

Le rapport relève également le manque récurrent de moyens des élus, non seulement en nombre d’élus mais aussi en heures de délégation, tout en admettant qu’à ce jour, il est impossible de quantifier l’impact des ordonnances sur ce point. Une enquête Réponse à venir en 2023 devrait fournir des données fiables à ce sujet. En attendant, quand des moyens supplémentaires sont négociés, il s’agit selon le rapport d’attributions spécifiques liées à une fonction ou un mandat (secrétaire du CSE, trésorier, coordinateur syndical). Le document nuance cependant en remarquant que la perception de leurs moyens par les élus s’améliore en 2021 : 57 % d’entre eux se disent satisfaits de leur nombre depuis le passage au CSE.

La question des suppléants est également soulevée : si leur suppression des réunions avait pour objet d’en faciliter l’organisation, cela a pour effet selon le rapport de renforcer la charge de travail des titulaires, rendre plus difficile leur suivi des sujets, leur association aux mandats et leur préparation à d’éventuels mandats futurs.

Plus de 880 accords de performance collective

Selon le rapport, la dynamique de conclusion des accords est portée d’une part par les 9 000 accords conclus en CSE en 2020, et d’autre part par les 5 000 accords ratifiés par référendum aux deux tiers des salariés en 2020 (hors épargne salariale). La dynamique est par ailleurs très orientée sur le thème du temps de travail, notamment sur le forfait jour et les heures supplémentaires.

Par ailleurs, des causes conjoncturelles peuvent expliquer cette bonne santé quantitative de la négociation collective : la prime exceptionnelle de 2019 a contribué à une conclusion d’accords relatifs aux rémunérations. Le rapport note le même phénomène avec l’activité partielle de longue durée (APLD) et les congés.

En revanche, peu d’accords d’adaptation d’accords de branches à des PME et peu d’accords de méthode sont conclus. Le rapport relève cependant que plus de 880 APC ont été conclus depuis 2017, dont 70 % dans les TPE-PME de moins de 250 salariés. 361 accords de RCC ont été signés en particulier dans des entreprises de taille importante, et utilisés en complément de la palette habituelle d’outils de gestion de l’emploi notamment pour faire face à des difficultés économiques. A noter que la majorité des accords de RCC sont conclus à durée déterminée. Jean-François Pillard note également que les accords de RCC sont souvent utilisés pour gérer la population des seniors, “une tendance non vérifiée pour l’instant mais qui mérite d’être suivie”.

Le barème des indemnités de licenciement est globalement appliqué mais pose question sur ses effets

Pas de doute pour les rapporteurs, malgré la fronde de diverses juridictions prudhommales et cours d’appel, “le barème est globalement appliqué”. Marcel Grignard et Jean-François Pillard tiennent à rappeler le contexte de baisse du contentieux devant les prud’hommes depuis environ dix ans, “un phénomène largement antérieur aux ordonnances de 2017”. Ils veulent cependant prendre le bilan du barème “avec précaution”. Si ses conséquences sont claires, à savoir une prévisibilité du coût du licenciement et un resserrement du montant des indemnités, des inconnues demeurent sur le comportement de recrutement des employeurs, et sur le report du contentieux des salariés vers des sujets non soumis au barème comme le harcèlement ou la discrimination. 

En conclusion, les ordonnances ont bousculé le paysage social qui devait déjà s’adapter aux réformes précédentes, notamment les lois Rebsamen (2015) et El Khomry (2016). La crise sanitaire est ensuite venue rebattre des cartes à peine posées pour les élus de CSE. Les présidents du comité ont d’ailleurs tenu à saluer les capacités des élus et responsables syndicaux à s’affranchir du cadre juridique des ordonnances pendant la crise sanitaire.

Un plan d’accompagnement pour aider les acteurs à s’approprier les ordonnances
A la suite de la présentation du rapport d’évaluation, le ministère du Travail a présenté hier à la presse un plan d’accompagnement des acteurs du dialogue social. En effet selon le ministère, les points faibles issus du rapport d’évaluation sont liés à un manque d’appropriation. Pas question donc de revenir sur le fond des ordonnances pour l’instant. En revanche, le ministère compte renforcer l’accès des élus de CSE à la formation et valoriser d’avantage les parcours syndicaux. Une attention particulière sera donnée aux formations communes avec les employeurs et sur les “actions innovantes”, sans que le ministère précise ce dont il s’agit. Un référentiel de compétences destiné aux élus de CSE sera mis en valeur à travers des ateliers de sensibilisation, notamment dans les entreprises de moins de 50 salariés.  Une animation nationale et régionale sera menée dans les observatoires départementaux du dialogue social afin de les “tirer vers le haut”. Un réseau de référents du dialogue social sera mis en place avec l’appui de l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Enfin, les partenaires sociaux seront incités à mieux prendre en compte les très petites entreprises dans les négociations des accords de branche. Ce plan est destiné à être enrichi par les partenaires sociaux, à l’occasion d’une réunion au ministère du Travail le 10 janvier 2022. Les syndicats pourraient ne pas se contenter du plan présenté et demander des mesures plus fortes pour améliorer le quotidien des CSE…

Marie-Aude Grimont

Entreprises d’au moins 300 salariés : 73% des salariés sont couverts par une CSSCT, contre 92% qui l’étaient par un CHSCT

La direction statistique du ministère du Travail publie une étude sur la mise en place des CSE en 2019. Dans cette année de transition pour l’installation en place des comités sociaux et économiques, il restait encore pas mal de trous dans la raquette.

En sus du travail critique établi par le comité d’évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 (voir notre article dans cette même édition), il faut lire la dernière parution de la Dares (direction statistique du ministère du Travail) pour se faire une idée globale des conditions de mise en place de la nouvelle instance du comité social et économique (CSE), en lieu et place des comités d’entreprise (CE), comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et des délégués du personnel (DP).

Ce travail porte sur l’année 2019 (lire le document complet en pièce jointe). On peut encore considérer cette année comme une année de transition : la date impérative de mise en place des CSE variait en effet selon l’échéance des mandats dans les entreprises et la possibilité ou non de les proroger, la date butoir étant le 31 décembre 2019.  

Une mise en place très partielle en 2019

Sans surprise, l’étude souligne que la mise en place du CSE était encore très partielle en 2019 : seulement 30% des entreprises (soit 65% des salariés) étaient couverts par un comité social et économique, les anciennes instances restantes présentes dans 11% des entreprises, surtout via les délégués du personnel (10%). Ces taux de couvertures peuvent paraître faibles, elles s’expliquent certainement par le chantier représenté par le changement d’instance, certaines entreprises ayant attendu fin 2019 pour passer au CSE.

 Le taux des salariés disposant dans leur entreprise d’un délégué syndical est en baisse

Mais il faut aussi y voir une image persistante de la réalité du paysage social en France : près de la moitié des entreprises dotées d’anciennes instances en 2019 déclaraient n’avoir tenu aucune élection au cours des années précédentes. Plus inquiétant : la part d’entreprises pourvues d’au moins un délégué syndical baisse en 2019. Le taux passe à 10,1%, alors qu’il s’était stabilisé entre 11,3% et 11,9% entre 2012 et 2018. 

Sans surprise également, ce sont les entreprises employant le plus de salariés qui sont les mieux couvertes par les CSE, avec 84% pour les sociétés de plus de 500 salariés. Les instances élues sont davantage présentes dans certains secteurs, comme l’industrie (où 76% des entreprises dotées d’une IRP sont passées au CSE) et le tertiaire, que dans d’autres, comme la construction, l’hébergement-restaurant. 

Les conditions de travail, parents pauvres ?

Mais le point le plus sombre dans ce bilan transitoire a trait aux instances chargées des questions de sécurité et des conditions de travail. L’instance à part entière, dotée de la personnalité morale et de la capacité de lancer des expertises, qu’était le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), a disparu avec le CSE. Le CHSCT a été remplacé par une simple commission du CSE, la CSSCT, la commission santé, sécurité et conditions de travail. Mais cette commission, qui n’est pas indépendante et qui ne peut pas lancer elle-même d’expertise, ne s’impose légalement qu’à partir de 300 salariés, sauf dans certains cas (dangerosité particulière, sites Seveso, etc).

 Seulement 85% des salariés des entreprises de plus de 300 personnes sont couverts par une CSSCT

Et le comparatif entre l’avant et l’après fait apparaître un fort recul. Avant les ordonnances, 59% des entreprises d’au moins 50 salariés disposaient d’un CHSCT. Ce chiffre était même de 92% pour les sociétés de plus de 300 salariés. En 2019, seulement 27,6% des entreprises de 50 à 300 salariés disposaient d’une CCSCT.

Plus frappant encore, 73% des entreprises de plus de 300 étaient couvertes par une CSSCT en 2019. Le chiffre était bien supérieur pour la seule catégorie des entreprises de plus de 300 déjà passées au CSE, puisque 85% de leurs salariés étaient couverts par une CSSCT, mais il reste là encore bien inférieur aux 93,6% équivalents du temps du CHSCT.

On peut y avoir un retard à l’allumage, nombre d’acteurs s’étant demandés quelles missions précises confier à cette commission, le processus de mise en place des CSE n’étant, de plus, pas achevé. Mais ce constat reste inquiétant : la crise sanitaire, marquée par l’essor des questions liées aux conditions de travail en présentiel et à distance, n’a-t-elle pas fait la démonstration de l’utilité d’un suivi précis par la représentation du personnel des questions touchant à la santé au travail ? 

Bernard Domergue

[3 Q/R] Exonération de chèques cadeaux versés après Noël, perte de chèques vacances, ASC réservées à d’anciens salariés

Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert examine trois des questions qui lui ont été soumises par des élus du personnel. Dans cet article, les réponses aux questions suivantes : “Quelle exonération de cotisations pour des chèques cadeaux versés après Noël ? Que faire quand un salarié a perdu ses chèques vacances ? Le CSE doit-il réserver des activités sociales et culturelles (ASC) aux salariés retraités ?

Dans le cadre du service de renseignement juridique par téléphone de Lefebvre Dalloz, les juristes de l’Appel Expert sont souvent sollicités par des élus du personnel. Nous avons eu l’idée de leur demander de choisir trois questions qui leur ont été soumises et d’y répondre. Voici leur sélection pour le mois de novembre 2021. Bonne lecture ! 

Stéphanie Menegakis-Lacheré,

juriste pour l’Appel Expert,

répond à 3 questions posées

par des élus de CSE en novembre 2021

Quelle exonération de cotisations pour des chèques cadeaux

versés après Noël ?

En principe aucune, il faut se rapprocher des Urssaf

A la suite d’un problème informatique, des chèques cadeaux n’ont pu être distribués aux salariés que début janvier, soit après les fêtes de Noël. Peut-on considérer que ce versement reste en rapport avec l’événement de Noël comme l’exige l’Urssaf pour accorder l’exonération de cotisations sociales ? Aucun texte ni jurisprudence ne tranche cette question mais les bons servent à acheter les cadeaux offerts à Noël. L’Urssaf pourrait donc refuser l’exonération, car les chèques cadeaux distribués en janvier ne sont plus en rapport avec l’événement. Si un CSE est confronté à ce problème, il faut impérativement se rapprocher de l’Urssaf dans les meilleurs délais et leur demander par écrit si l’exonération peut être accordée.

Que faire quand un salarié a perdu ses chèques vacances ?

Orienter le salarié vers l’Agence nationale des chèques vacances

La première chose à faire est d’orienter le salarié vers l’ANCV, l’agence nationale des chèques vacances. Le salarié pourra y demander la mise en recherche des titres perdus. En revanche, contrairement aux chèques bancaires, aucune opposition n’est possible sur des chèques vacances. Dans sa documentation, l’ANCV indique qu’elle détermine les utilisations des chèques. Le cas échéant, elle pourra fabriquer sous conditions de nouveaux titres. Concrètement, selon le règlement de l’ANCV, les chèques perdus utilisés pendant la période de validité ne pourront pas être remplacés. Seuls les chèques non utilisés à l’issue de la date de validité seront réédités. En pratique, le salarié devra se rendre sur le site de l’ANCV avec les numéros et l’année d’émission des titres disparus et le numéro de l’organisme qui les a attribués. Avec ces éléments, l’ANCV lancera la mise en recherche des titres perdus.

Le CSE doit-il réserver

des activités sociales et culturelles (ASC) aux salariés retraités ?

Oui mais ce n’est pas une obligation

Un ancien salarié, désormais retraité, contacte le CSE en demandant des ASC. Or, aucun article du code du travail ne va en ce sens. Selon l’article L2312-78, “le CSE assure, contrôle ou participe à la gestion de toutes les ASC établies dans l’entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires”. Donc pour le CSE, inclure les retraités parmi les bénéficiaires est possible mais pas obligatoire. De plus, le CSE pourra choisir de quelles ASC pourront bénéficier les retraités. Attention, la décision du CSE doit être expresse et bien rédigée afin d’éviter tout contentieux. Dans une jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, (23 septembre 1992 n°90-11.752) , un salarié préretraité s’était vu refuser par son comité d’entreprise (CE) un remboursement de frais de transport et de scolarité pour ses enfants en se fondant sur une note du CE. Celle-ci indiquait les « anciens salariés sont bénéficiaires ». Cela a conduit à un problème de définition des anciens salariés, qui en l’absence de définition légale, recouvrent moult situation. De plus, selon les juges, les anciens salariés sont le plus souvent retraités et préretraités. Le CE ne pouvait donc pas répondre au préretraité qu’il n’était pas un ancien salarié. Le CE avait aussi demandé des justificatifs. Or aucune sanction n’était prévue dans sa note en cas de non-présentation des justificatifs. La Cour de cassation tranche qu’en l’absence de sanction prévue, et de manque de clarté sur les justifs, le CE ne pouvait pas refuser l’accès à prestation à l’ancien salarié.

actuEL CE

Activité partielle : un projet de décret prolonge d’un mois l’indemnité majorée pour les salariés des secteurs les plus en difficulté

Un projet de décret soumis à la commission nationale de la négociation collective (CNNCEFP) prévoit de maintenir jusqu’au 31 janvier 2022 prochain un taux majoré (70 % de la rémunération antérieure brute) pour l’indemnité d’activité partielle versée aux salariés des secteurs les plus fragilisés par la crise sanitaire.

Il s’agit, rappelons-le, des salariés des employeurs :

  • dont l’activité a été interrompue sur décision administrative ;
  • situés dans une circonscription territoriale soumise à des restrictions spécifiques des conditions d’exercice de l’activité économique et de circulation des personnes prises par l’autorité administrative lorsqu’ils subissent une forte baisse de chiffre d’affaires;
  • relevant des secteurs les plus affectés la crise sanitaire et continuant de subir une très forte baisse de chiffre d’affaires.

Selon toute logique, un autre texte devrait également confirmer le maintien de la majoration de l’allocation versée à l’employeur (70%).

Le projet de décret prévoit par ailleurs une dérogation à la durée maximale de l’autorisation de mise en activité partielle (3 mois, renouvelable dans la limite de 6 mois) pour les employeurs recourant à l’activité partielle du fait :

  • de la conjoncture économique ;
  • de difficultés d’approvisionnement en matières premières ou en énergie ;
  • d’une transformation, restructuration ou modernisation de l’entreprise ;
  • de toute autre circonstance de caractère exceptionnel.

Pour les demandes d’autorisation adressées par l’employeur en vue d’une mise en activité partielle de ses salariés entre le 1er janvier 2022 et le 31 mars 2022, il ne sera pas tenu compte – pour apprécier cette durée maximale – des autorisations déjà obtenues entre le 1er juillet 2021 et le 31 décembre 2021.

actuEL CE

L’Urssaf réactive les mesures exceptionnelles pour les discothèques

Afin de tenir compte des évolutions de la crise sanitaire, l’Urssaf déploie de nouvelles mesures pour accompagner les discothèques. Elle donne la possibilité aux entreprises qui font l’objet d’une fermeture administrative, de reporter tout ou partie de leurs cotisations sociales (part salariale et part patronale) pour les échéances du 15 décembre 2021 et des 5 ou 15 janvier 2022.

Celles-ci pourront reporter le paiement de leurs cotisations en formulant une demande à partir du formulaire en ligne dédié mis en place depuis le début de la crise.

Elles pourront également bénéficier de mesures d’exonération des cotisations pour les périodes d’emploi de novembre et décembre 2021, sur la base d’un décret qui “paraîtra prochainement”.
Enfin, l’Urssaf précise que les demandes d’accompagnement des entreprises intervenant dans des secteurs dont l’activité est fortement liée à la réception du public, tels que l’événementiel ou le tourisme, feront l’objet d’une analyse prioritaire et de bienveillance de la part de ses services.

actuEL CE

FORMATION

Formation professionnelle : le “big bang” a-t-il eu lieu ?

De gauche à droite, Claire Pascal, vice-présidente des Acteurs de la compétence, Michel Beaugas,

A l’occasion d’une conférence de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis), trois experts, Claire Pascal, vice-présidente des Acteurs de la compétence, Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO, et François Falise, conseiller technique de la CPME, dressent le bilan de la loi Avenir professionnel. Le point sur les avancées et les ratés de la réforme.

Avec la loi Avenir professionnel, Muriel Pénicaud, alors ministre du Travail, réforme en profondeur la formation professionnelle et l’apprentissage. Au passage, elle modifie l’accord national interprofessionnel esquissé par les partenaires sociaux dans la nuit du 22 février 2018. “Il faut traiter l’architecture du système”, “c’est le big bang dont le pays a besoin”, insiste-t-elle le lendemain de ces négociations fastidieuses, sur Cnews. Le projet de loi, présenté en mars 2018, répond à cet objectif : compte personnel de formation monétisé, collecte des fonds de formation par les Urssaf, en lieu et place des Opca (organismes paritaires), plan de formation revisité, fin des listes éligibles, compte personnel de formation (CPF) de transition professionnelle, refonte de la certification, reconnaissance de l’Afest (action de formation en situation de travail)…Toutes ces dispositions se retrouvent dans la loi du 5 septembre 2018.

Quel bilan tirer de cette réforme, les salariés sont-ils mieux formés qu’avant ? Quels sont les points à corriger, compléter, relancer, abandonner ? A l’occasion d’une conférence de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis), le lundi 13 décembre à Paris, trois experts, Claire Pascal, vice-présidente des Acteurs de la compétence (ex-Fédération de la formation professionnelle), Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO et François Falise, conseiller technique de la CPME, dressent le bilan de la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018. Morceaux choisis.

Claire Pascal, vice-présidente des Acteurs de la compétence (ex FFP) 

Il existe des trous dans la raquette 

“Cette réforme s’inscrit dans la droite ligne de la réforme précédente, en poussant les lignes un peu plus loin. Elle a eu le mérite de rendre chacun responsable de son employabilité. Mais il existe des trous dans la raquette : le CPF n’existe pas pour la fonction publique. Par ailleurs, avec la suppression de la mutualisation, elle a fragilisé la formation les entreprises de 50 à 250 salariés, au coeur de l’économie. Cette nouvelle donne a eu une résonnance particulière pendant la crise de la Covid-19 : elles n’ont pas eu accès à des fonds jusqu’ici sanctuarisés. C’est l’angle mort de la réforme.

S’agissant des améliorations, il nous faut une visibilité sur les attentes en matière de certification : 80% des dossiers déposés ont été rejetés. Pour économiser sur le CPF, on compresse l’offre avec une opacité totale de France compétences. En outre, face au déficit abyssal de France compétences, de l’ordre de quatre milliards d’euros d’ici à la fin de l’année, il faut s’interroger sur le financement à terme du système et sur les dispositifs qui se fondent sur la masse salariale. Former les salariés coûte deux fois plus cher aux entreprises. On pense, par exemple, à des logiques de crédit d’impôt, de l’ordre de 30% pour les entreprises de 50 à 300 salariés, de co-investissement pour le CPF. Nous pensons aussi qu’il y a aussi des possibilités de transférer le temps placé sur un compte épargne temps (CET) en temps de formation dans le cadre d’une logique d’abondement. Au risque sinon de voir l’employabilité des salariés menacée.

Sur les demandeurs d’emploi, beaucoup de choses ont été faites. Il y a une dynamique mise en place mais pas sur la formation des salariés. Le FNE est une solution momentanée”.

Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO, en charge de la formation professionnelle

 “Une baisse des droits à la formation pour les salariés !”

“Avant la loi, il y a eu un accord interprofessionnel dont nous étions signataires. Muriel Penicaud s’est assisse dessus : on n’avait pas encore signé l’accord que la ministre nous a prévenu qu’il ne serait pas retenu. Pour les salariés, on constate une baisse des droits à la formation avec la monétisation. 500 euros annuels ne couvrent pas les frais d’une formation certifiante/qualifiante. Ni même 5000 euros au bout de 10 ans.

Selon la Dares, la durée moyenne d’une formation est de 40 heures, contre 140 avant la réforme. Ce qui ne permet pas de monter en qualification dans les entreprises. On est également tombé dans le consumérisme : en consommant régulièrement 500, 1 000 euros, le salarié perd la possibilité d’effectuer une vraie formation qualifiante. Le CPF ne permet pas non plus de faire une transition professionnelle quand un accident économique survient dans l’entreprise. Cette loi est un vrai recul.

Sur les améliorations, il y a deux sujets. Le premier concerne l’alternance. On souhaite qu’il y ait un débat sur qui paie quoi. De fait, un apprenti est-il en formation initiale ou non ? Si un apprenti est en formation initiale, c’est à l’Etat de payer. S’il est à la fois en formation initiale et continue, il faut une gouvernance partagée. Il y a, en effet, un manque de coordination entre formation initiale et formation continue. On ne peut pas demander à la formation professionnelle de réparer les failles du système éducatif : il faut que tout jeune puisse sortir du système scolaire, pas forcément avec un diplôme mais avec une voie de sortie et non une voie de garage.

Le second sujet concerne le financement. Nous sommes favorables à un vrai CPF professionnalisant. Ce qui entraîne de facto une revalorisation de salaire. C’est, en effet, le diplôme qui fait la qualification”.

François Falise, conseiller technique de la CPME

L’offre a été digitalisée mais elle est trop standardisée 

“Incontestablement cette réforme est un big bang. On a beaucoup parlé d’apprentissage mais aussi du CPF, de la gouvernance du système avec France compétences et du contrôle accru de l’Etat. Il y aussi d’autres sujets extrêmement forts. Tout d’abord, cette réforme entraîne une remise à plat de la politique de certification en bloc de compétences. Nous sommes au début de sa mise en oeuvre. L’offre de formation n’est pas organisée en bloc de compétences, dans une logique de parcours.

Ensuite, la réforme a modifié la définition même de l’action de formation, considérée non plus comme une modalité mais comme un process. Mais comment aide-t-on les entreprises à l’acquisition des compétences ? L’offre a été digitalisée mais elle est restée standardisée.

Sur les améliorations, nous sommes très favorables à la réforme de l’alternance, le système a été simplifié. Il est normal qu’il y ait une aide financière de l’Etat, France compétences étant un établissement public. Actuellement, le financement repose sur les cotisations des entreprises. Autre angle mort : le financement TPE/PME, il manque des ressources aujourd’hui pour accompagner les TPE/PME. Le troisième axe porte sur la formation des demandeurs d’emploi.

Il y a des sommes considérables données aux demandeurs d’emploi. Mais quel est l’effet de ces actions, le Plan d‘investissement dans les compétences, le financement régions et de Pôle emploi ? C’est incontestablement un sujet de la campagne présidentielle.

On a constaté une baisse des dépenses de la formation dans les PME/TPE. L’enjeu est aujourd’hui de savoir comment on aide ces entreprises dans le développement de leurs compétences”.

Anne Bariet