Les CRRMP peuvent siéger sans médecin-inspecteur du travail
Un décret du 16 mars 2022 prévoit plusieurs adaptations pour tenter de contourner les difficultés à se réunir que rencontrent les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles. Pour pallier la pénurie de médecins-inspecteurs du travail, dont certaines régions sont désormais totalement dépourvues, les comités pourront prendre leurs décisions avec un médecin du travail pour le remplacer.
Les CRRMP, les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, peuvent désormais se réunir sans la présence d’un médecin-inspecteur du travail, acte le décret du 16 mars 2022, modifiant l’article D.461-27 du code de la santé publique et entré en vigueur le 18 mars. Le médecin-inspecteur du travail, prévoit le texte, est remplacé par un “médecin particulièrement compétent en matière de pathologies professionnelles, en activité ou retraité”. Ce devra être un médecin du travail (ou collaborateur médecin, ou interne en médecine du travail).
Le remplaçant du médecin-inspecteur du travail peut être désigné pour quatre ans renouvelables – une seule fois s’il s’agit d’un retraité. Il devra être inscrit sur une liste établie par l’ARS (agence régionale de santé), sur proposition conjointe de trois personnes : le responsable du centre régional de pathologies professionnelles et environnementales, le responsable du centre de pathologies professionnelles et environnementales d’une autre région (lorsque l’ARS a fait appel à cet autre centre pour mutualiser certaines des missions entre régions), le médecin-inspecteur du travail. Si les acteurs en charge de l’établir ne sont pas d’accord, ou s’il n’y a pas de médecin-inspecteur du travail, une seule de ces trois personnes a le dernier mot, au bout de deux mois à partir de la sollicitation de l’ARS.
Ces adaptations visent à pallier la pénurie de médecin-inspecteur du travail, qui bloque la tenue des CRRMP. Selon le dernier bilan de l’inspection du travail, publié à l’automne 2021, il y avait en 2019 seulement 24 médecins-inspecteurs du travail en France. Certaines régions en sont totalement dépourvues. Selon l’annuaire diffusé par le ministère du travail, c’était par exemple le cas, en 2020, de la Corse, de Paca et d’Auvergne-Rhône-Alpes.
Retraités et changement de région
Pour siéger, un CRRMP doit normalement réunir trois personnes : un médecin-conseil régional, un médecin-inspecteur du travail, un PU-PH (professeur universitaire – praticien hospitalier) ou PH qualifié en pathologies professionnelles (lui aussi figurant sur une liste établie par un arrêté de l’ARS). Le décret qui vient d’être publié prévoit aussi que le médecin-conseil régional peut être un retraité.
Et si, en dépit de ces nouvelles possibilités, le CRRMP d’une région peine toujours autant à siéger ou a accumulé trop de retard, le décret autorise également le directeur général de la Cnam à “donner compétence à un autre comité régional que celui du lieu où demeure la victime”. Ce déport concerne “tout ou partie des dossiers qui sont transmis [au CRRMP] sur cette période” indique désormais l’article D.461-28 du code de la sécurité sociale, “afin d’améliorer les délais de rendu des avis », précise la notice du décret. L’autorisation n’est donnée que pour 6 mois, mais elle est renouvelable « dans les mêmes conditions”.
Enfin, le décret précise que, en l’absence d’échelon régional du service médical à Mayotte, le CRRMP compétent pour examiner les demandes de reconnaissance de maladies professionnelles formées par les assurés mahorais est celui de La Réunion.
Pour les pathologies psychiques et l’alinéa 6, des dérogations déjà prévues
Rappelons que pour les pathologies psychiques, le PU-PH ou PH peut être un psychiatre et non un spécialiste des pathologies professionnelles. Rappelons aussi que lorsqu’il s’agit de trancher sur une reconnaissance au titre de l’alinéa 6 de l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale – c’est-à-dire lorsqu’une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies – le CRRMP peut ne réunir que deux personnes. Si elles ne sont pas d’accord, le comité se réunit à nouveau en formation complète.
Élodie Touret
Obligation de sécurité : l’employeur doit vérifier l’amplitude et la charge de travail du salarié en forfait jours
L’obligation de sécurité à laquelle est astreint l’employeur doit le conduire à vérifier que le salarié en forfait jours bénéficie d’une bonne répartition dans le temps de travail, assurant sa protection en matière de santé et sécurité au travail.
Un salarié, embauché en tant que médecin du travail sur la base d’un salaire annuel pour 218 jours, estime que son employeur n’a pas satisfait à son obligation de sécurité à son égard. Il précise avoir alerté son employeur à plusieurs reprises sur sa charge de travail, notamment parce que le service médical est en sous-effectif. Il invoque le stress engendré par cette situation, non pris en compte par l’employeur, un état de santé dégradé et une non-reconnaissance de son travail à travers l’absence de perspectives d’évolution professionnelle.
L’employeur, de son côté, estime son obligation remplie et argue du fait que les alertes sur l’état de souffrance du salarié sont intervenues seulement après des refus de promotion.
La cour d’appel reprend l’argument de l’employeur pour déclarer que les éléments soumis mettent en évidence un comportement de l’employeur conforme à son obligation de sécurité, notamment puisque l’employeur a alerté le médecin du travail après avoir reçu plusieurs courriels du salarié faisant part d’une souffrance psychologique.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle estime que l’employeur ne justifie pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. Il en résulte que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.
Ainsi, la cour d’appel aurait dû vérifier l’existence d’un préjudice à l’égard du salarié, afin de pourvoir lui allouer des dommages-intérêts.
Une circulaire Cnav précise les incidences du plafond de sécurité sociale en matière de taux et d’assiettes de cotisations
Une circulaire Cnav du 6 avril 2022 précise les incidences du plafond de sécurité sociale en vigueur à partir du 1er janvier 2022 en matière de taux et d’assiettes de cotisations :
rachat de cotisations – salaire forfaitaire 3e catégorie ;
cotisations arriérées des salariés – assiette forfaitaire annuelle ;
montant des assiettes et cotisations volontaires ;
salaires forfaitaires des formateurs occasionnels ;
salaires forfaitaires des vendeurs à domicile ;
salaires forfaitaires applicables au 1er janvier 2022 pour le personnel des hôtels, cafés, restaurants (HCR) rémunéré au pourboire ;
montant des assiettes forfaitaires et cotisations vieillesse des stagiaires de la formation professionnelle continue.
Quelles ont été en mars 2022 les nouvelles dispositions applicables dans les branches professionnelles ? Notre tableau fait le point.
Grâce au travail de veille de l’équipe du Dictionnaire Permanent Conventions collectives des Éditions Législatives (Lefebvre Dalloz), société éditrice d’actuEL-CSE.fr, nous vous proposons chaque mois un rendez-vous thématique consacré aux branches professionnelles. Il n’est pas question pour nous d’être exhaustif sur ce sujet. Mais de vous signaler, au travers des arrêtés d’extension parus au Journal officiel qui rendent obligatoires des dispositions pour toutes les entreprises d’une branche, ainsi qu’au travers d’accords récents, quelques tendances dans l’activité conventionnelle.
Ce baromètre nous paraît d’autant plus intéressant que la loi Travail, puis les ordonnances Macron, ont redéfini les possibilités de négociation données aux branches par rapport aux niveaux de la loi et de la négociation d’entreprise. En outre, une vaste opération de fusion des branches existantes est en cours, le gouvernement souhaitant en réduire fortement le nombre.
Baromètre des branches : mars 2022
Volume des textes parus au Journal officiel relatifs aux branches professionnelles
51 accords élargis/étendus, dont 31 au moins partiellement relatifs aux salaires, sont parus en mars 2022. Une fois étendus ou élargis, les accords et avenants deviennent obligatoires pour tous les employeurs, généralement le lendemain de la date de la publication de l’arrêté au Journal officiel. Exemples d’accords ou avenants étendus ou agréés : – un texte relatif à l’application de la CCN de la production agricole et coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) et au maintien de dispositions spécifiques au secteur de l’accouvage (IDCC 7024, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à la réduction d’horaire (maternité) signédans la branche du commerce succursaliste de la chaussure (IDCC 468, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à la réécriture du régime du forfait annuel en jourssigné dans la branche de la coopération maritime (IDCC 2494, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à l’agrément d’une recommandation patronale relative au versement d’une indemnité mensuelle « Ségur 2 » signé dans la branche des établissements et services, médecins spécialisés pour personnes handicapées (IDCC 413, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à l‘activité partielle de longue durée signé dans la branche de l’hospitalisation privée à but lucratif (secteur du thermalisme) (IDCC 2264, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à l’agrément d’une recommandation patronale relative au versement d’une indemnité mensuelle « Ségur 2 » signé dans la branche de l’hospitalisation privée à but non lucratif (IDCC 29, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à la réécriture du régime du forfait annuel en jours signé dans la branche des ports de plaisance (IDCC 29, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à l‘activité partielle de longue durée signé dans la branche de l’industrie des tuiles et briques (IDCC 1170, voir l’arrêté). NB : l’application des conventions et accords collectifs est, dans certains secteurs, subordonnée à un agrément de l’autorité de tutelle. L’agrément ne modifie pas les règles de négociation et de conclusion de l’accord collectif. L’agrément a pour effet de rendre la convention ou l’accord collectif applicable aux parties signataires. Il se distingue ainsi de l’extension, laquelle a pour objet d’étendre l’application de la convention ou de l’accord à des entreprises qui n’étaient pas liées conventionnellement.
Restructurationdes branches
Branche de la production agricole et CUMA : par un accord national sectoriel du 7 juin 2021 applicable à compter de la parution de son arrêté d’extension au Journal officiel (arrêté du 24 février 2022), les partenaires sociaux pérennisent les dispositions plus favorables de la CCN du secteur de l’accouvage. Depuis le 1er avril 2021, les dispositions de la CCN de la production agricole et CUMA s’appliquent au secteur de l’accouvage, sous réserve toutefois des dispositions plus favorables prévues dans le secteur. Branche du bois d’oeuvre et produits dérivés : accord du 14 janvier 2022 applicable à compter de son extension, les partenaires sociaux précisent les modalités de la fusion entre la CCN du bois d’oeuvre et produits dérivés et la CCN du négoce des matériaux de construction (dite CCN de rattachement), à la suite de l’arrêté de fusion pris par le ministère du Travail le 5 août 2021.
Modifications de diverses dispositions conventionnelles
Branche des industries et services nautiques : par un avenant du 11 février 2022 applicable depuis le 4 mars 2022 (lendemain de son dépôt),les partenaires sociaux complètent et modifient les dispositions conventionnelles relatives au champ d’application professionnel de la CCN, au préavis de départ à la retraite, au forfait annuel en jours et en heures ainsi qu’à l’indemnisation maladie des ETAM, afin de tenir compte des exclusions et des réserves figurant dans l’arrêté du 10 novembre 2021 portant extension de la nouvelle CCN du 13 octobre 2020.
Indemnités de licenciement
Branche du notariat : par un accord du 16 décembre 2021 applicable depuis 1er janvier 2022, les partenaires sociaux modifient le montant de l’indemnité de licenciement ainsi que les dispositions relatives à l’indemnité versée en cas de licenciement reconnu sans cause réelle et sérieuse.
Préavis de démission des ouvriers
Branche du transport de marchandises et activités auxiliaires de transport : par un accord du 3 février 2022 applicable à compter du 1er mars 2022, les partenaires sociaux allongent la durée du préavis de démission pour les ouvriers des entreprises de transport de marchandises et activités auxiliaires.
Durée du travail
Branche des services à la personne : par avenant du 11 octobre 2021, les partenaires sociaux réécrivent les dispositions relatives au travail de nuit et mettent en place un régime d’équivalence pour les salariés assurant des présences de nuit au domicile des bénéficiaires. Branche du transport ferroviaire et activités associées, par un accord du 6 décembre 2021 applicable depuis le 5 janvier 2022, les partenaires sociaux fixent des contreparties sous forme de rémunération au travail du dimanche, des jours fériés et de nuit. Ces dispositions sont applicables au plus tard le 1er avril 2023.
Congés exceptionnels
Branche du notariat : par un accord du 16 décembre 2021 applicable depuis 1er janvier 2022, les partenaires sociaux adaptent les congés exceptionnels pour événements familiaux aux dispositions légales en cas de décès d’un enfant ou d’un concubin par exemple, et en cas de survenue d’un handicap chez l’enfant. Branche de la distribution et commerce de gros de papiers-cartons : par un avenant n° 9 du 17 janvier 2022 applicable à compter du 16 février 2022, les partenaires sociaux améliorent le congé en cas de survenue d’un handicap, d’une pathologie chronique ou d’un cancer chez un enfant. Branche du transport de marchandises et activités auxiliaires de transport : par un accord du 3 février 2022 applicable à compter du 1er mars 2022, les partenaires sociaux créent un congé pour hospitalisation d’enfant de moins de 16 ans.
Primes Ségur 2 et Laforcade
Branche des établissements et services, médecins spécialisés pour personnes handicapées : une recommandation patronale NEXEM du 11 janvier 2022 agréée par arrêté du 24 janvier 2022 instaure, à compter du 1er janvier 2022, une indemnité mensuelle (Ségur 2) au bénéfice des personnels soignants des établissements de santé et médico-sociaux. Branche de l’hospitalisation privée à but non lucratif : une recommandation patronale FEHAP du 5 janvier 2022 agréée par arrêté du 24 janvier 2022 instaure à compter du 1er janvier 2022, une prime au bénéfice des personnels soignants des établissements de santé et médicosociaux. Branche des établissements médico-sociaux : une recommandation patronale UNISSS du 19 décembre 2021 agréée par arrêté du 6 janvier 2022 transpose la mesure instaurant une indemnité forfaitaire mensuelle au bénéfice des personnels soignants des établissements et services du secteur du handicap.
Prévoyance
Branche des industries de charcuterie : par un avenant n° 7 du 24 janvier 2022, les partenaires sociaux annulent et remplacent l’intégralité des dispositions relatives au régime de prévoyance des salariés non-cadres issus de l’accord du 6 octobre 2006 étendu.
Marie-Aude Grimont, avec l’équipe du Dictionnaire permanent Conventions collectives
Paritarisme : les partenaires sociaux s’octroient une ultime séance pour trouver un accord
actuEL-CSE.fr
La dernière séance de négociation d’hier n’a pas suffi : pour trouver un accord sur le “paritarisme de gestion et de négociation”, les organisations syndicales et patronales ont prévu une nouvelle séance demain jeudi 14 avril. Pas de changement radical en perspective, mais l’enjeu tourne autour d’une réaffirmation de leur autonomie par les partenaires sociaux en pleine campagne pour le second tour des présidentielles. Mais ce n’est pas gagné.
Au lancement, début janvier 2022, de la négociation sur “le paritarisme de gestion et de négociation”, certaines organisations ne cachaient pas leur ambition de réaffirmer la place des partenaires sociaux après un quinquennat où l’exécutif les a quelque peu malmenés en leur imposant ses vues sur l’assurance chômage comme sur la formation professionnelle.
Dix séances de négociation plus tard, les organisations syndicales et patronales n’ont toujours pas d’accord, et elles se retrouvent à finaliser un projet de texte en plein entre-deux tours d’un scrutin opposant Emmanuel Macron à Marine Le Pen, laquelle a justement évoqué hier la démocratie sociale et les corps intermédiaires (lire notre brève dans cette même édition). Les partenaires sociaux pourraient trouver demain un accord, sans doute aux contours modestes si l’on en croit les versions de travail, avec une nouvelle séance dans l’après-midi. Le patronat souhaite visiblement conclure rapidement, comme la CFDT, ce syndicat rappelant que la négociation était censée aboutir avant la présidentielle pour nourrir le débat public.
La dernière séance sans la CGT ?
Si accord il y a, ce sera peut-être sans la CGT : l’organisation syndicale pourrait n’être pas présente demain, parce que ses négociateurs ont d’autres engagements dans leur agenda, mais surtout parce que le syndicat estime ce timing précipité. C’est aussi l’avis de la CFE-CGC : «Doit-on se calquer sur le calendrier politique pour affirmer notre rôle et notre indépendance ?” interroge Gilles Lecuelle, négociateur CFE-CGC.
Selon la délégation CGT, il aurait fallu se donner plus de temps, et au moins deux séances de travail supplémentaires, pour aboutir à un projet d’accord consistant, vu les enjeux des discussions et le contexte politique sensible. “Nous avons bien avancé aujourd’hui, mais en ayant cette impression de seulement commencer la négociation lors de cette séance”, déplore Angeline Barth (CGT).
Rappelons que ces discussions traitent trois grands thèmes (lire notre encadré) :
la façon dont les partenaires sociaux affirment leur vision des rapports entre démocratie politique et démocratie sociale;
la façon dont ils définissent leurs propres règles pour négocier sur le plan national interprofessionnel;
et enfin la révision d’un accord de 2012 sur les principes de gestion paritaire (pour des organismes comme l’Unedic, l’Apec, etc.).
La CFE-CGC préférerait deux textes
La CFE-CGC, tout en saluant “un bon état d’esprit de début de négociation”, menace donc de bouder un futur projet d’accord. Gilles Lecuelle (CFE-CGC) préférerait deux textes, l’un sur le paritarisme de gestion, “pour redonner confiance dans le modèle paritaire”, et l’autre sur le paritarisme de négociation, “pour montrer notre capacité à réguler le champ social au bénéfice des salariés et de l’entreprise”.
Le négociateur du syndicat des cadres défend même l’idée d’un préambule commun aux deux textes. Mais surtout il se montre déçu par le peu d’ouverture de la délégation patronale. Il reproche aux négociateurs du Medef, qui ne se sont pas exprimés devant la presse hier soir, de ne pas jouer franc-jeu en n’explicitant pas les points retirés ou modifiés du nouveau projet d’accord, qui n’a pas été diffusé. “Les points durs qu’on n’arrive pas à traiter, on les enlève du texte, comme par exemple le principe du vote par tête dans les organismes paritaires, même en prenant une règle d’adoption des décisions par deux-tiers des votants. C’est complètement écarté et c’est dommage”, déplore Gilles Lecuelle.
La CFDT défend un texte unique
La CFDT défend pour sa part l’idée d’un accord national interprofessionnel avec un seul texte unique, dont la partie sur le paritarisme de gestion enrichira l’accord de 2012. Ce texte pourrait revêtir une forte symbolique aux yeux du syndicat, qui tient lundi prochain un bureau national.
Mais pour parvenir à un accord demain, Marylise Léon (CFDT) veut éclaircir plusieurs points. L’un d’entre eux concerne l’échelon territorial, “relégué en note de bas de page” : “A la CFDT, nous pensons qu’on ne peut pas ignorer au niveau interprofessionnel les dynamiques territoriales de dialogue social (sur l’emploi, la sécurisation de parcours), et qu’il faut les intégrer et les impulser”. La partie du texte prévoyant de faire transiger par l’AGFPN (association de gestion du financement du dialogue social) les crédits du paritarisme de gestion doit également être améliorée, dit-elle.
Cette dernière estime nécessaire de la part des partenaires sociaux, dans le contexte politique de l’entre-deux tours et en vue du futur gouvernement, de “poser un texte” dans le débat public. Au risque de voir les deux candidats du second tour instrumentaliser la position des partenaires sociaux ?
Quelques points à suivre
Le projet d’accord que visent les partenaires sociaux comporte des points importants qui nécessitent encore des clarifications. ► La prise en compte des partenaires sociaux par l’exécutif et le législatif Ce point concerne l’invitation à négocier qu’un gouvernement doit formuler aux partenaires sociaux lorsqu’il envisage une réforme dans le champ social, dans le cadre de l’article L.1 du code du travail. Syndicats et patronat pourraient déplorer que cette invitation à négocier soit passée au fil des années de documents d’orientation à des lettres de cadrage de plus en plus précises… Ce point touche aussi à la façon dont le pouvoir législatif tranpose un accord national interprofessionnel et dont le pouvoir exécutif l’étend pour le rendre applicable. La délégation patronale souhaitait envoyer un message fort pour faire respecter un accord. On s’achemine plutôt vers l’idée de favoriser des échanges entre les signataires et le parlement afin d’expliciter la volonté des négociateurs. Reste à savoir si sera maintenue l’idée que les signataires d’un accord spécifient eux-mêmes dans le texte si son extension est nécessaire, et, si c’est le cas, que le texte soit réputé étendu dans les 6 mois suivant sa signature… Ce point touche aussi à la prise en compte de l’avis des partenaires sociaux sur les projets législatifs et réglementaires du gouvernement, via la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP). Une des versions d’un possible projet d’accord demande à l’Etat de véritables échanges au sein de cette commission. ► La négociation interprofessionnelle nationale Ce point comporte l’énonciation des buts poursuivis par les partenaires sociaux dans cette négociation mais aussi les moyens qu’ils se donnent. Un agenda social paritaire pourrait être davantage formalisé afin de définir un planning annuel de travail : évaluation d’accords ou de dispositifs, négociations prévues, etc. Une méthode de négociation pourrait être davantage formalisée : lieu de tenue des séances de négociation, partage et discussion des textes, horaires des séances, etc. Valorisation du produit des accords auprès des branches, des entreprises et des salariés. ► La gestion paritaire de certains organismes Ce point touche à l’amélioration de l’accord national interprofessionnel de 2012 sur le paritarisme. Un projet d’accord pourrait viser une clarification, par chaque organisme paritaire, du sens de ses missions et d’une « évaluation du service rendu aux bénéficiaires », avec le développement d’une fonction de médiation entre les bénéficiaires et l’organisme.La question de la recherche d’un équilibre financier devrait être abordée, même si l’idée d’une règle d’or de gestion semble écartée. Le recours à la garantie de l’Etat pourrait également être limitée à des cas exceptionnels.Cette partie devrait prévoir de faire passer par l’AGFPN (association de gestion du fonds paritaire national) le financement de la gestion paritaire des différents organismes. Autrement dit, les organismes, au lieu de verser des crédits directement aux administrateurs, verseraient une dotation à l’AGFPN qui les attribueraient ensuite aux organisations syndicales et patronales bénéficiaires. Une parité F/H dans chaque organisation syndicale et patronale devrait être réclamée. Le futur texte devrait évoquer la valorisation des compétences (VAE) acquises par les mandataires paritaires.
Bernard Domergue
Télétravail : les recommandations de l’accord national interprofessionnel sont peu prises en compte par les entreprises
L’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE) et l’association Réalités du dialogue social (RDS) ont passé au crible 2300 accords sur le télétravail conclus en 2021, pour mesurer l’influence de l’accord national interprofessionnel (ANI) de novembre 2020, qui s’avère relative.
Les accords d’entreprise relatifs au télétravail ont, sans surprise, explosé depuis l’apparition du Covid-19, passant de 400 accords conclus au niveau national en 2016 à quelque 3 000 par an en 2021. Mais quel a été l’impact de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 sur leur contenu ? C’est ce qu’ont tenté de mesurer l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) et l’association Réalités du dialogue social (RDS) à partir des textes conclus en la matière en 2021 et publiés sur le site Légifrance.
Leur étude commune, rendue publique mercredi 30 mars lors d’un webinaire, fait état d’une influence relative de l’ANI conclu en pleine pandémie par l’ensemble des organisations patronales et syndicales à l’exception de la CGT.
2 300 accords passés en revue, 110 analysés plus finement
L’Orse et RDS ont passé en revue les 2 300 accords conclus entre décembre 2020 et décembre 2021 portant uniquement sur le télétravail, en excluant les accords liés uniquement au Covid.
Premier constat, la référence à l’ANI dans le préambule des accords est assez rare sur ce total mais augmente sur la période, passant de 9 % des textes début 2021 à 21 % en fin d’année. “Il y a un délai d’appropriation de l’ANI, mais de fait, la plupart des accords se réfèrent uniquement à l’article L.1222-9 du code du travail“, ont constaté les deux auteures de l’étude, Elsa Martinez de RDS et Lydie Recorbet de l’Orse. Parmi les textes se référant à l’ANI, 110 accords conclus au dernier trimestre 2021, dans des entreprises qui n’avaient pas antérieurement d’accord télétravail, ont été analysés de manière plus poussée.
Alors que la diffusion du télétravail est fortement liée à la crise sanitaire, l’étude révèle que peu d’accords ont repris la recommandation de l’ANI d’anticiper au mieux et d’organiser le recours au télétravail en période exceptionnelle (point 7 de l’ANI). Sur les 110 textes, seuls deux font référence au plan de continuité de l’activité, les autres se contentant dans le meilleur des cas de rappeler que l’employeur peut décider du recours au télétravail par décision unilatérale en cas de circonstances exceptionnelles, comme prévu par le code du travail.
Pas d’analyse poussée des missions télétravaillables
Concernant les postes éligibles, l’ANI invitait à une analyse concertée, avec les représentants du personnel, des “activités” télétravaillables dans l’entreprise (point 2). “Cela devrait permettre d’accorder le télétravail à des salariés pour certaines de leurs missions, même si leur poste est a priori non télétravaillable”, a expliqué Elsa Martinez de RDS. Les accords analysés montrent pourtant une timide extension du périmètre des postes éligibles, les trois-quarts d’entre excluant une ou plusieurs catégories de salariés de leur périmètre (stagiaires, apprentis, salariés en intérim, CDD, temps partiel). Les deux associations incitent les entreprises à analyser plus finement les fiches de poste pour élargir le périmètre des salariés concernés, en rappelant que la possibilité de télétravailler est de plus en plus prise en compte par les candidats au recrutement.
Les accords s’avèrent également assez pauvres en matière de prévention, alors que le télétravail est porteur de risques psychosociaux (isolement, surcharge de travail) et de risques physiques (sédentarité, addictions, postures de travail). L’accompagnement concret des managers et des salariés est peu évoqué. 45 % des accords prévoient une formation au télétravail mais il s’agit souvent d’actions de simple sensibilisation, sous forme de modules de e-learning. Sur 110 accords, deux seulement prévoient l’inscription du télétravail dans le document unique d’évaluation des risques et cinq prévoient une cellule d’accompagnement psychologique. “La préservation du collectif de travail est mentionnée mais le plus souvent pour justifier la limitation du nombre de jours de télétravail par semaine”, pointe Elsa Martinez.
Un accord sur deux ne prévoit aucune indemnité pour les frais
Concernant le lieu de travail, la moitié des accords interdit le télétravail dans un lieu autre que le domicile. Alors que le télétravail est souvent mis en place à l’occasion d’un passage au flex office, celui-ci apparaît dans seulement un accord télétravail sur les 110, les deux sujets étant manifestement traités de manière séparée.
Quant à la question épineuse des frais engagés pour le travail au domicile, 52 % des accords n’accordent aucune allocation, les 48 autres accordant une indemnité allant de 10 à 40 euros, ou 2 euros par jour en moyenne, selon le nombre de jours télétravaillés.
Enfin, les enjeux environnementaux apparaissent dans seulement 25 % seulement des 2300 accords conclus en 2021. 10 % font référence au développement durable, et 10 % à la responsabilité sociale et environnementale.
Fanny Doumayrou
Paritarisme : les partenaires sociaux trouvent un accord esquissant un début de méthode pour la négociation interprofessionnelle
Dans la période politiquement sensible de l’entre deux tours de la présidentielle, organisations syndicales et patronales ont trouvé un accord réaffirmant la place de la démocratie sociale. Avec ce texte, qui évoque la gestion paritaire, les partenaires sociaux s’accordent sur un agenda social autonome et sur une méthode pour leurs négociations et travaux interprofessionnels.
Sous le nom de “paritarisme de gestion et de négociation”, les partenaires sociaux mènent depuis janvier 2022 des discussions autour de trois grands thèmes :
la définition de leurs propres règles pour négocier sur le plan national interprofessionnel;
l’affirmation de leur vision des rapports entre démocratie politique et démocratie sociale;
et enfin la révision d’un accord de 2012 sur les principes de gestion paritaire (pour des organismes comme l’Unedic, l’Apec, etc.).
Après une onzième séance de négociation au siège parisien du Medef jeudi 14 avril, les organisations syndicales et patronales ont abouti à un projet d’accord englobant ces 3 thèmes. Ce texte est soumis à signature jusqu’au 15 juin.
Premières réactions à chaud
S’il affirme le principe de la démocratie sociale comme “un outil pleinement efficace pour anticiper et accompagner les transformations économiques, sociales et environnementales”, le projet d’accord ne révolutionnera pas la donne interprofessionnelle. Ni paritaire : la question des moyens matériels donnés aux administrateurs des organismes paritaires est même renvoyée à un groupe de travail devant rendre ses conclusions fin 2022 !
Nous voulons donner une impulsion nouvelle à la démocratie sociale
Mais ce texte, intitulé “Pour un paritarisme ambitieux et adapté aux enjeux d’un monde du travail en profonde mutation”, apporte néanmoins quelques changements. « Cette démocratie sociale, nous voulons lui donner une impulsion nouvelle. C’est la première fois qu’on inscrit dans un accord le fonctionnement de notre paritarisme de négociation », souligne Diane Deperrois (Medef), en notant que ce texte vient après d’autres, comme l’accord sur le télétravail. « Se donner des règles collectives de négociation avec des modalités pratiques est important pour la CFDT, nous le demandions en vain depuis 2015 », dit Marylise Léon (CFDT).
Ce texte nous semble équilibré
« Ce texte nous semble équilibré, d’autant que nous avons obtenu le retrait de toute référence à la représentativité comme base de notre légitimité à négocier des ANI », commente Michel Beaugas (FO). « Nous avons fait bouger des lignes et trouvé des convergences pour aboutir à un texte plus équilibré que ce que voulait le patronat », renchérit Angeline Barth (CGT). De son côté, Gilles Lecuelle (CFE-CGC), qui a jusqu’au bout défendu l’idée de textes séparés, salue d’abord la méthode de travail avec une négociation précédée de longs mois d’échanges sur l’état des lieux, « des discussions qui ont créé un climat de confiance et de transparence ».
Nul doute que les futurs signataires de l’accord, qui se disent dans le préambule « attachés à la démocratie », iront voir le futur gouvernement pour lui exposer ce texte et leurs demandes d’une meilleure articulation entre démocratie sociale et politique. Mais que contient au juste cet accord ?
Une méthode pour organiser le travail interprofessionnel
Examinons tout d’abord le champ de la négociation interprofessionnelle nationale.
Ce champ couvre, nous dit le texte, les relations individuelles et collectives de travail, l’emploi, la formation professionnelle, la santé au travail et la protection sociale, mais aussi les dispositifs d’aide à l’accès au logement ou de sécurisation des parcours professionnels. Ce champ peut être élargi à tout sujet que les partenaires sociaux jugeraient utile, dans le respect des prérogatives des branches professionnelles.
Le projet d’accord évoque également la possibilité d’un dialogue social interprofessionnel « territorial ». Ce dernier ne peut avoir de portée normative, prévient le texte, mais il peut prendre la forme de débats, d’expérimentations sociales, de positions communes, “pour prendre en compte les besoins des entreprises et peser sur les stratégies régionales en matière d’emploi, de développement des compétences et de formation professionnelle”.
A quoi sert cette négociation ? Le texte définit 3 catégories et donc 3 objectifs :
La production de textes ayant des “effets sur le droit”, notamment après transposition législative. Il s’agit par exemple de dispositifs paritaires mutualisés comme l’assurance chômage, les retraites complémentaires, le financement du dialogue social via l’AGFPN (association de gestion du fonds paritaire national);
La production de textes explicitant la position des partenaires sociaux ou “marquant un positionnement commun sur des enjeux socio-économiques d’importance”;
Les expérimentions et innovations sociales.
Un début de méthode est acté pour prévoir, conduire et mener les négociations interprofessionnelles nationales.
Formaliser la négociation interprofessionnelle, c’est une première dans l’histoire sociale française
« L’organisation de la négociation interprofessionnelle devient formelle, et c’est une innovation importante dans l’histoire sociale française », souligne Eric Chevée, pour la CPME.
Cette méthode passe d’abord par la construction d’un “espace de dialogue social”. Cet espace a pour but de faire régulièrement le point sur la situation économique et sociale et aborder les mutations ayant des conséquences sur l’emploi mais aussi de déterminer “la liste des chantiers à ouvrir”, “la liste des accords et dispositions devant faire l’objet d’une évaluation” et l’organisation de cette évaluation (réalisée en externe ou par les partenaires sociaux ou en partenariat.
A la CFTC, nous demandions depuis des années un cadre permanent d’échanges
« Nous sommes satisfaits. Cela fait des années qu’à la CFTC nous demandons la création d’un cadre permanent pour structurer la négociation interprofessionnelle. Nous avons enfin un espace de dialogue continu et nous pouvons aussi l’utiliser pour répondre à des demandes d’interprétations sur les accords passés. Il va falloir le rendre effectif », réagit Pierre Jardon (CFTC).
« C’est une bonne évolution, à condition de ne pas institutionnaliser cet espace social afin d’éviter toute lourdeur administrative », tempère Gilles Lecuelle (CFE-CGC).
Un agenda économique et social autonome
De pair avec cet espace est prévue l’élaboration, avant le 31 janvier de chaque année, d’un “agenda économique et social autonome”. Cet agenda annuel, qui peut être adapté, et ses thèmes sont fixés “après un débat réunissant l’ensemble des partenaires sociaux”, un relevé de décisions actant la priorité donnée à certains thèmes. « Qui tranche le choix des thèmes retenus dans l’agenda ? Ce n’est pas clair ! » déplore Angeline Barth (CGT).
Comme le souhaitait la CFE-CGC, le projet d’accord prévoit aussi d’élaborer un bilan annuel du travail interprofessionnel national (travaux engagés, négociations conclues), qui sera transmis au gouvernement et au Parlement, et il envisage, auprès “des branches professionnelles, des entreprises et des salariés”, un “plan de valorisation des accords signés”.
Un début de méthode
Quant aux négociations elles-mêmes, elles doivent respecter « le principe de loyauté » et donc permettre la participation de toutes les organisations syndicales et patronales représentatives.
Le texte pose quelques bases de méthode : la négociation est précédée d’une évaluation et d’un bilan, un recours à des expertises paritaires étant possible, tout comme des auditions ou comparaisons européennes. Des groupes de travail techniques pourront être mise en place.
Le texte ne définit pas un lieu neutre (certains syndicats proposaient le CESE, d’autres des organismes paritaires) pour la tenue des négociations, qui ont lieu traditionnellement au Medef, mais il est indiqué que le lieu de négociation sera “défini paritairement” lors de la première séance, lors de laquelle la méthode pour cadrer le périmètre et les questions clés des discussions devra être fixée. Un nombre de personnes maximum par délégation sera aussi déterminé, de même qu’un calendrier des séances, avec des horaires respectant l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. A ce propos, notons qu’il n’a pas été rare de voir des négociations s’achever en pleine nuit voire au petit matin.
La confidentialité contre la transparence ?
Le projet d’accord ne dit pas qui tiendra la plume (c’est le Medef actuellement) pour rédiger les projets d’accord mais il indique que ces textes seront adressés à toutes les délégations au minimum 72 heures avant chaque séance, sachant que ces textes et les contributions de toutes les parties seront versés dans un espace partagé, “afin d’assurer une égalité d’information entre toutes les organisations”. Quant aux échanges durant les séances, ils seront réputés “confidentiels”, de même qu’est évoqué “un principe de non-diffusion aux médias et réseaux sociaux des textes en cours de discussion”.
Des points qui posent problème à la CGT, qui réclame au contraire « de la transparence en direction du monde du travail ».
Démocratie sociale et politique : la réaffirmation prudente d’une autonomie des partenaires sociaux
Rédigé de façon plus prudente que les précédentes versions, le préambule du projet d’accord réaffirme la place des partenaires sociaux comme “acteurs” des “modes de régulation adaptés à la complexité du monde”, mais sans empiéter sur les prérogatives politiques. “Nous avons adouci, grâce à un bon travail intersyndical, la partie sur les relations avec le gouvernement et le parlement, car nous ne sommes pas des colégislateurs », réagit Michel Beaugas (FO).
L’intervention de l’Etat ne doit pas préempter celle des partenaires sociaux
Syndicats et patronat rappellent aux pouvoirs publics et aux politiques la loi Larcher du 30 janvier 2007, dont l’application doit “laisser toute sa place à la négociation”. L’intervention de l’Etat ne doit pas “préempter celle des partenaires sociaux”. Ceux-ci demandent à être systématiquement consultés.
Le projet d’accord déplore ainsi que la transmission aux partenaires sociaux d’un document d’orientation les invitant à négocier sur tel ou tel thème de leur compétence, une procédure prévue par l’article L.1 du code du travail, ait été progressivement transformée “en document de cadrage”.
Syndicats et patronat demandent “que le document d’orientation du gouvernement laisse toute sa place à la négociation”, « sans présumer des options qui seront retenues dans la négociation, ni des délais nécessaires fixés par les partenaires sociaux pour les mener à bien ». Syndicats et patronat demandent que ce gouvernement soit précédé d’un échange avec le gouvernement afin que l’exécutif “explicite ses objectifs et motivations”.
La transposition des accords : quelques innovations
A propos de la transposition législative d’un accord national interprofessionnel (ANI), les formulations retenues in fine sont en deçà des intentions patronales initiales. « On nous disait au début : « la transposition d’un accord, ça doit être l’accord, rien que l’accord ». Ce n’est pas notre vision de la démocratie sociale, la démocratie politique doit jouer son rôle », commente Marylise Léon (CFDT).
Les signataires d’un accord pourraient le défendre auprès de l’exécutif et des parlementaires
Le texte demande donc que les conditions d’une transposition “fidèle” d’un ANI soient réunies, ce qui signifie d’abord que les signataires de l’accord présentent et commentent ensemble leur document “tant auprès des services de l’Etat que des parlementaires”. En cas d’écart de transposition entre l’accord et le projet de loi, “un dialogue argumenté” entre signataires et pouvoir législatif et exécutif doit s’organiser, et la possibilité de projets communs d’amendements portés devant les parlementaires est évoqué.
L’extension des accords : implicite !
Quant à la procédure d’extension des accords, qui permet de les rendre applicable à toutes les entreprises, les partenaires sociaux souhaitent que l’extension d’un accord soit réputée acquise à l’issue d’un délai de 6 mois après un accord, dès lors que les signataires le demandent dans leur texte.
En cas de difficulté juridique, “les organisations signataires proposent une nouvelle rédaction, à la fois conforme à l’esprit de l’accord national interprofessionnel et aux dispositions légales et réglementaires”.
Pour des échanges réels au sein de la commission de la négociation collective
Enfin, toujours au chapitre des relations entre exécutif et partenaires sociaux, le projet d’accord demande aux pouvoirs publics de retrouver de véritables échanges au sein de la commission permettant la consultation des organisations syndicales et patronales sur des projets législatifs ou réglementaires, la CNNCEFP (Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle). L’avis des partenaires sociaux doit réellement être pris en compte, soutient le texte. Pendant la négociation, les syndicats ont souvent regretté une consultation purement formelle au sein de la CNNCEFP.
Des précisions sur la gestion paritaire elle-même
Le projet d’accord national interprofessionnel n’annule pas le précédent sur la gestion paritaire de certaines organismes (type Unedic, Agirc-Arrco, Apec, etc.) qui datait de 2012, mais il procède à des ajouts. Citons ici quelques points :
formaliser dans une “raison d’être” le sens et les missions des organismes paritaires;
assurer via le paritarisme un service (pour les entreprises et les salariés), et il faut donc évaluer ce service rendu;
assurer, via l’information, l’accès aux droits des bénéficiaires potentiels;
se doter d’une règle de bonne gestion avec notamment un dispositif d’alerte des partenaires sociaux lorsque l’organisme paritaire connaît un risque de déséquilibre financier;
préciser les conditions de recours à la garantie de l’Etat;
généraliser un audit à la fin de mandat d’un organisme paritaire;
confier, d’ici 2026, à l’AGFPN (association de gestion paritaire pour financer le dialogue social) la gestion des ressources pour la gestion paritaire des organismes paritaires (les négociateurs des accords créant chaque organisme devront dire s’ils souhaitent passer par l’AGFPN et préciser certaines modalités). Pour Eric Chevée (CPME), ces changements parachèveront la transparence dans la gestion des fonds paritaires ;
généraliser la lettre de mission clarifiant les fonctions de directeur général d’un organisme paritaire (« neutralité », « reporting », etc.);
poser le principe d’une charte de déontologie dont devra se doter tout organisme paritaire;
assurer la parité femmes-hommes des administrateurs de chaque organisation syndicale et patronale, à respecter au prochain renouvellement (“avec un écart maximal de 1 personne entre chaque genre en cas de désignation d’un nombre impair de représentants”);
renforcer la formation technique des administrateurs “tout au long du mandat” et permettre une valorisation des compétences acquises par les mandataires.
Sur ce dernier sujet, un groupe de travail paritaire planchera sur les conditions de cette valorisation des acquis. Notons enfin que la question d’une adaptation des moyens matériels donnés aux partenaires sociaux au titre du paritarisme (maintien du revenu des administrateurs, remboursement des frais, etc.) est renvoyée à un groupe de travail paritaire qui doit rendre ses conclusions avant fin 2022. Ce groupe pourrait aussi plancher sur les conditions de la participation des salariés d’entreprises aux négociations interprofessionnelle.
Réponse d’ici le 15 juin
Les organisations patronales et syndicales ont donc jusqu’au 15 juin pour ratifier ou non ce projet d’accord. Les organisations patronales devraient signer, et il devrait en être de même pour la CFDT, qui se prononce la semaine prochaine, et la CFTC. FO se donne du temps pour se prononcer, tout comme la CFE-CGC et la CGT, pour qui certains points semblent toujours poser problème, comme la vision de l’histoire sociale française contenue dans le préambule.
Mais quid de cet accord relativement à la présidentielle ? « Si c’est une candidate qui est élue, nous avons un accord réaffirmant notre indépendance. Si c’est un candidat, la balle est dans son camp », répond Marylise Léon (CFDT).
L’indemnisation du salarié protégé réintégré ne prend pas en compte les conséquences fiscales du versement de cette indemnité
Les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l’indemnisation de la victime. Ce principe s’applique dans le cas d’une majoration de l’impôt sur le revenu suite au versement de l’indemnité en réparation du préjudice subi à un salarié protégé réintégré.
L’indemnité due au salarié protégé dont l’autorisation de licenciement a été annulée et qui demande sa réintégration est précisée à l’article L.2422-4 du code du travail. Cette indemnisation correspond à la totalité du préjudice. Qu’en est-il des conséquences fiscales du versement de cette indemnisation ? S’agit-il d’un préjudice indemnisable ?
La Cour de cassation répond à cette question, pour la première fois dans le cas de l’indemnisation du salarié protégé, dans un arrêt du 6 avril 2022 publié sur son site.
Indemnisation suite à réintégration d’un salarié protégé
Dans cette affaire, un salarié protégé est licencié sur autorisation de l’inspecteur du travail. Plus de deux ans plus tard, à l’issue des recours devant les juridictions administratives, il est réintégré dans son poste. A la suite de quoi, il saisit le conseil de prud’hommes afin d’obtenir diverses sommes concernant la période entre son licenciement et sa réintégration au titre de l’article L.2422-4 du code du travail.
Parmi ces sommes, il réclame des dommages et intérêts pour majoration d’impôt sur le revenu.
Au motif que le salarié a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, la cour d’appel condamne l’employeur au paiement de cette majoration.
Majoration de l’impôt sur le revenu suite au versement en une seule fois de l’indemnité
Et le salarié étaye sa demande : il produit ses avis d’imposition 2015, 2016 et 2017 et des simulations pour ces mêmes années, prouvant qu’il a subi un surcoût d’impôt de 2 136 euros. Cette majoration se trouve en effet être la conséquence du versement par l’employeur de l’indemnisation, ayant pesé sur une seule et même année d’imposition (2017, pour les revenus 2016), alors que cette somme, s’il n’y avait pas eu éviction, aurait été étalée sur les années concernées, n’entraînant pas de surcoût d’impôt.
La cour en déduit que cette charge est directement en lien avec le versement de l’indemnisation de l’éviction fautive, l’employeur est donc condamné à verser ce montant au salarié en réparation du préjudice causé.
Pas de prise en compte des conséquences fiscales de l’indemnisation
Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord.
La Haute cour rappelle d’abord les dispositions de l’article L. 2422-4 du code du travail prévoyant l’indemnisation de la totalité du préjudice due au salarié protégé dont l’autorisation de licenciement a été annulée et qui demande sa réintégration. Puis, elle vise également l’article 1241 du code civil et “le principe de réparation intégrale du préjudice”, sans perte ni profit.
Toutefois, elle explique que “les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l’indemnisation de la victime”.
En d’autres termes, les conséquences fiscales du versement de l’indemnité due au salarié protégé au titre de son éviction ne sont pas prises en compte au titre de “l’indemnisation de la totalité du préjudice” prévue à l’article L.2422-4 du code du travail, ou du “principe de réparation intégrale du préjudice” résultant de l’article 1241 du code civil.
► Rappelons que les dommages et intérêts versés en capital (en deçà d’1 million d’euros) ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu, sauf notamment les indemnités qui compensent la perte d’un revenu. Cependant, si l’indemnisation du salarié protégé réintégré peut inclure d’autres sommes, au titre du préjudice moral par exemple, l’ensemble de cette indemnité est soumis à l’impôt sur le revenu, ainsi qu’aux cotisations sociales en application du l’article L.2422-4, alinéa 3 qui qualifie cette indemnisation de “complément de salaire”.
Solution uniforme des différentes chambres de la Cour de cassation
La Cour de cassation édicte un principe déjà énoncé par la chambre sociale de la Cour de cassation en janvier dernier, dans les mêmes termes.
Il a ainsi été jugé que le préjudice économique du salarié au regard de la retraite complémentaire résultant de la minoration de l’assiette des cotisations ne doit pas être calculé en tenant compte de l’incidence fiscale des pensions de retraite complémentaire (arrêt du 19 janvier 2022).
Et cette règle prévoyant que “les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l’indemnisation de la victime”, a auparavant été énoncée par la 2e chambre civile de la Cour de cassation (arrêt du 16 novembre 1994), ainsi que par la chambre commerciale (arrêt du 27 mars 2019).
Séverine Baudouin
Quand les entreprises cherchent à contourner le seuil “social” des 50 salariés
Une note, publiée par l’Institut d’études politiques le 30 mars, révèle que les entreprises sous-déclarent volontairement leur effectif afin de rester en dessous du seuil de 50 salariés à partir duquel de nouvelles obligations s’imposent à elles, par exemple, l’installation d’un CSE à compétences élargies et la mise en place d’un plan de participation des salariés aux résultats de l’entreprise. Seules 10 % à 20 % des entreprises examinées dans cette étude déclaraient leur effectif correctement, d’après des chercheurs qui ont analysé celles comptant entre 30 et 70 salariés sur des périodes allant de 2000 à 2016. Selon leurs travaux, “la proportion d’entreprises sous-déclarant leur effectif augmente très fortement” au voisinage de l’effectif de 50 salariés, “passant d’environ 50 % à 70 %”.
Parmi les raisons, les chercheurs mettent en avant le coût administratif immédiat induit, la sous-déclaration apparaissant alors comme “un moyen pratique « de voir venir », en retardant de quelques années le moment d’appliquer les règles”. Mais ce comportement s’explique aussi pour les dirigeants par la crainte de perdre le “contrôle exclusif “sur l’entreprise puisque ces nouvelles obligations impliquent” que les salariés ou les pouvoirs publics vont pouvoir s’immiscer davantage dans la gestion de celle-ci”.
actuEL CE
APLD : la durée de recours est allongée de 12 mois
Possibilité de bénéficier de l’APLD pendant 36 mois
Pour tenir compte de la situation économique actuelle notamment liée au conflit en Ukraine, un décret du 8 avril 2022 prolonge de 12 mois la possibilité donnée aux entreprises de recourir à l’activité partielle de longue durée (APLD) en cas de réduction d’activité durable. Ce dispositif peut désormais être mobilisé sur une durée de 36 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 48 mois consécutifs. Cette période de référence démarre le premier jour de la première période d’autorisation d’activité partielle accordée par l’autorité administrative. Jusqu’à présent, la durée maximale de recours – et donc d’indemnisation – était de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de 36 mois consécutifs.
Pour les dispositifs en cours d’application, la prolongation de la durée de recours devra faire l’objet d’un avenant à l’accord ou d’une modification du document unilatéral ayant organisé le recours à l’APLD.
Un projet d’ordonnance prolonge l’accès à l’APLD jusqu’à la fin de l’année
A noter qu’un projet d’ordonnance, toujours en attente de publication, prévoit de repousser de 6 mois la date limite pour conclure un accord d’APLD ou adopter un document unilatéral en ce sens. Ces accords ou documents pourraient donc être transmis à l’administration jusqu’au 31 décembre 2022, au lieu du 30 juin comme prévu jusqu’ici.
Selon ce projet, il serait également possible d’apporter des adaptations aux accords collectifs ou aux documents unilatéraux pendant toute leur durée d’application (donc au-delà du 31 décembre 2022). Il s’agit de permettre aux employeurs de tenir compte de l’évolution de la situation économique et d’adapter en conséquence leurs accords ou documents.
actuEL CE
Les votes des salariés se disant proches d’un syndicat
A la présidentielle, pour qui ont voté les salariés se disant proches d’un syndicat ? C’est la question à laquelle tente de répondre un sondage publié hier par le journal Liaisons sociales. Les sympathisants de Solidaires auraient opté à 51% pour Jean-Luc Mélenchon et à 14% pour Marine Le Pen, la CGT respectivement à 42% et 22%. Les salariés se disant proches de FO votent davantage pour Marine Le Pen (31%) que pour Jean-Luc Mélenchon (27%) et Emmanuel Macron (17%).
Emmanuel Macron réalise ses meilleurs scores auprès des salariés se disant proches de la CFDT (44%) et de la CFE-CGC (44%), les votes pour Marine Le Pen (29%) l’emportant chez les sympathisants CFTC sur ceux en faveur d’Emmanuel Macron (27%).
actuEL CE
Vers une économie sous perfusion perpétuelle ?
Prolongation de l’activité partielle de longue durée, aide carburants, renforcement du prêt garanti par l’Etat (PGE), aide coûts fixes étendue aux associations, subvention aux PME de travaux publics… Qu’il s’agisse de faire face à la crise sanitaire ou à la guerre en Ukraine, plusieurs aides aux entreprises ont été récemment instaurées ou étendues.
Il y a quelques jours, une nouvelle subvention exceptionnelle a vu le jour. Un décret publié le 6 avril a instauré une aide égale à 0,125 % du chiffre d’affaires 2021 aux PME des travaux publics. Objectif affiché par le gouvernement : soutenir les entreprises de ce secteur particulièrement affectées par la guerre en Ukraine.
Ce dispositif s’ajoute à d’autres destinés à aider les entreprises fragilisées par le conflit provoqué par la Russie. Parallèlement, d’autres aides ont été récemment prolongées, voire créées, en lien, officiellement, avec la crise sanitaire. Exemple : le 5 avril, deux décrets ont alloué à certaines associations la subvention sur les coûts fixes qui était réservée avant cela aux entreprises lucratives. Nous récapitulons dans le tableau ci-dessous les mesures récentes soi-disant exceptionnelles pour aider les entités économiques. Question : le prochain président de la République, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou de Marine Le Pen, les prolongera-t-il ?
Crise sanitaire, guerre en Ukraine : les dernières mesures d’aide aux entités économiques
Mesure
Résumé de la mesure
Source
Prolongation de l’activité partielle de longue durée
Les employeurs confrontés à une réduction durable d’activité peuvent diminuer temporairement la durée de travail de leurs salariés et bénéficier de la prise en charge d’une partie des indemnités qu’ils leur versent. Jusque récemment, ce dispositif était accordé par période de six mois dans la limite de 24 mois consécutifs ou non, sur une période de référence de 36 mois consécutifs. Désormais, il est utilisable dans la limite de 36 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 48 mois consécutifs.
Le prêt garanti par l’Etat (PGE) était à l’origine limité à 25 % du chiffre d’affaires annuel de l’entité demandeuse (sauf cas particuliers). Depuis le 6 avril dernier (c’est la date mentionnée dans l’arrêté bien que ce dernier n’ait été publié que le 8 avril), un PGE complémentaire, appelé PGE résilience, est accessible aux entités qui “auto-certifient qu’elles subissent un impact fort des perturbations économiques engendrées par les conséquences de l’agression russe de l’Ukraine”. Ce PGE résilience, qui est donc cumulable avec le PGE classique, est plafonné à 15 % du chiffre d’affaires annuel moyen réalisé au cours des trois derniers exercices comptables. Il est accessible, comme le PGE classique, jusqu’au 30 juin 2022.
Les petites et moyennes entreprises du domaine des travaux publics peuvent obtenir une subvention égale à 0,125 % du chiffre d’affaires 2021. L’aide, qui peut être demandée jusque fin juin, est limitée à 200 000 euros. Cette aide s’adresse aux entreprises qui (au niveau du groupe) occupent moins de 250 personnes et qui ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros (ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros).
Les associations éligibles bénéficient d’une aide pour les périodes de janvier à octobre 2021 et/ou décembre 2021/janvier 2022. Sont concernées, entre autres conditions, les associations qui ont perdu au moins 50 % de chiffre d’affaires et qui présentent un “excédent” brut d’exploitation (EBE) négatif. L’aide est égale, selon la taille de l’association, à 70 % ou 90 % de l’opposé mathématique de l’EBE.
“Les employeurs mis en difficultés par la hausse des prix de l’énergie ou la perte de débouchés à l’export peuvent demander à leur Urssaf un délai de paiement de leurs cotisations sociales patronales pour les prochaines échéances, indique l’Urssaf. Les employeurs concernés qui auraient reçu un plan d’apurement peuvent également en demander le report ou la renégociation auprès de leur Urssaf. Les travailleurs indépendants qui rencontrent des difficultés de trésorerie peuvent solliciter leur Urssaf afin de mettre en place un délai de paiement et le cas échéant interrompre le prélèvement des cotisations courantes ainsi que les prélèvements liés aux plans d’apurement déjà engagés, est-il ajouté.
Les stations-service qui distribuent du carburant en France bénéficient, sous conditions, d’une aide ponctuelle (jusqu’au 31 juillet 2022) pour faire face à la hausse des carburants. Il en de même pour les personnes qui réalisent des stockages intermédiaires de carburants (sauf gaz naturels) à raison des quantités qui leur ont été fournies pour une distribution en France. L’aide est égale à : ► pour les gazoles et essences : 15 €/hL ► pour les gaz naturels carburant : 15 €/MWh ► pour les gaz de pétrole liquéfiés carburants : 29,13 €/100 kg net Une avance sur cette aide, ainsi qu’une avance remboursable, sont également disponibles.
Décrets n° 2022-423 (subvention) et 2022-447 publiés respectivement le 26 mars 2022 et le 31 mars 2022
Prolongation du fonds de solidarité
Les entreprises interdites d’accueil du public et/ou domiciliées dans un territoire confiné bénéficient du fonds de solidarité au titre des mois de janvier et/ou février 2022. Pour être éligible, l’entreprise doit aussi, entre autres conditions, avoir subi un minimum de perte de chiffre d’affaires lequel diffère selon la situation.
Du nouveau sur la portabilité de la prévoyance dans le cadre d’une liquidation judiciaire ou d’un PSE
Deux arrêts des 10 et 11 mars 2022, l’un rendu par la Cour de cassation, l’autre par la cour administrative d’appel de Nantes, apportent leur contribution à la délicate question du maintien des garanties de prévoyance aux anciens salariés chômeurs indemnisés en cas de difficultés des entreprises.
Depuis le 1er juin 2014 (pour les frais de santé) et le 1er juin 2015 (pour la prévoyance lourde), les salariés justifiant d’une rupture du contrat de travail, hors licenciement pour faute lourde, et ouvrant doit à une période de chômage indemnisé peuvent conserver gratuitement pendant 12 mois le bénéfice des garanties de prévoyance applicables dans leur ancienne entreprise (dispositif dit de portabilité des garanties de prévoyance) (article L.911-8 du code de la sécurité sociale). De mise en œuvre généralement assez simple, ce mécanisme pose toutefois certaines difficultés lorsque l’employeur est placé en liquidation judiciaire ou dans le cadre d’un PSE.
La Cour de cassation tente de lever les difficultés générées par la mise en liquidation judiciaire de l’employeur au fil de ces jurisprudences. Un de ses arrêts, rendu le 10 mars 2022, apporte sa pierre à l’édifice. S’agissant du PSE, la cour administrative d’appel de Nantes a eu à se prononcer sur la nature du contrôle à opérer par l’administration au moment de l’homologation du plan. La mise en œuvre du droit au maintien des garanties de prévoyance entre-t-elle dans le champ de ce contrôle ?
Un liquidateur maintenant volontairement les garanties de prévoyance après résiliation du contrat d’assurance peut-il demander ensuite le remboursement des sommes versées à l’assureur ?
Rappel
Le maintien de la couverture complémentaire santé et prévoyance prévu à l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale bénéficie aux anciens salariés à plusieurs conditions cumulatives :
l’ancien salarié doit avoir bénéficié de la couverture complémentaire lorsqu’il était présent dans l’entreprise et ne pas en avoir été privé par le jeu d’une franchise, de l’application d’un délai de carence ou d’une condition d’ancienneté ;
la rupture de son contrat de travail doit ouvrir droit à une indemnisation par l’assurance chômage, quel que soit le mode de rupture.
Ce maintien bénéficie, dans les mêmes conditions, aux anciens salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire.
Pour que ces salariés puissent bénéficier du maintien des droits, la Cour de cassation exige que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié (Cass. avis, 6 nov. 2017, n° 17015) mais n’exige pas que le régime prévoie un dispositif de financement de la portabilité en cas de résiliation judiciaire du contrat d’assurance, cette exigence n’étant par requise par la loi (arrêt du 5 novembre 2020).
Ainsi, dès lors qu’il existe un contrat de complémentaire santé et prévoyance au jour où le licenciement du salarié est intervenu (seule condition exigée par la loi), ce salarié peut prétendre au maintien à titre gratuit de ces couvertures. Les assureurs ne peuvent lui refuser cette garantie en arguant de l’inexistence d’un dispositif de financement spécifique. Le seul cas d’exclusion possible est le licenciement pour faute lourde.
Résiliation du contrat
Mais le maintien des garanties peut être remis en cause en cas de résiliation du contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur. C’est en tout cas l’avis émis par la Cour de cassation en 2017, confirmé dans un arrêt rendu le 10 mars dernier.
En effet, cet arrêt dispose sans ambiguïté que “le maintien des droits implique que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié” . Mais il va aussi un peu plus loin.
En l’espèce, l’institution de prévoyance avait résilié le contrat d’assurance adossé au régime de prévoyance applicable dans l’entreprise placée en liquidation judiciaire le 16 février 2016, dans les délais requis par la loi (article L.932-10 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable en 2016). Cette résiliation prenait effet à compter du 29 février 2016 mais l’assureur avait toutefois proposé une “prolongation onéreuse du contrat” à compter du 1er mars 2016. Le 18 mars suivant, le liquidateur adressait à cet organisme une somme de 35 120,18 euros afin de maintenir, pour un an, les garanties précédemment souscrites pour les salariés licenciés. Il assignait ensuite l’institution de prévoyance en justice en remboursement de cette somme, selon lui indûment payée.
Les juges du fond rejettent sa demande, un rejet approuvé par la Cour de cassation.
Le liquidateur avait librement choisi d’assurer le maintien des couvertures de prévoyance dont bénéficiaient les anciens salariés licenciés fin 2015. Dès lors, le paiement qu’il a volontairement opéré, en ce qu’il porte sur des cotisations dues au-delà du 29 février 2016, ne peut être assimilé à un paiement indu.
Contrôle de l’administration
La mise en œuvre du droit à la portabilité de la prévoyance complémentaire doit-elle être contrôlée par l’administration lors de l’homologation du PSE ?
Dès le lendemain de la date de la dernière réunion du CSE, le dossier de demande de validation ou d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est adressé par l’employeur à la Dreets.
L’employeur ne peut pas notifier les licenciements tant que le document unilatéral n’a pas été homologué ou que l’accord PSE n’a pas été validé.
La Dreets vérifie :
la régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE ;
le contenu du PSE, avec une lecture différente selon que le plan a été négocié ou élaboré unilatéralement par l’employeur ;
le respect par l’employeur de son obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des salariés ;
et, le cas échéant, le respect de l’obligation de recherche d’un repreneur.
L’administration doit-elle contrôler la bonne application du droit des salariés à la portabilité de la prévoyance ? C’était, entre autres, la question posée à la cour administrative d’appel de Nantes.
Dans cette affaire, une société de chaudronnerie et de tuyauterie industrielle avait été placée en redressement judiciaire par jugement du 25 février 2021. Trois mois plus tard (le 11 mai 2021), le tribunal de commerce prononçait la cession totale des actifs de cette société au profit d’une autre société, précisait que, sur 220 emplois, seulement 162 étaient repris par le cessionnaire et autorisait les administrateurs judiciaires à procéder à 57 licenciements dans 28 catégories professionnelles différentes. Ces administrateurs avaient alors établi un document unilatéral reprenant ces licenciements et comportant un premier projet de PSE transmis à l’administration le 7 avril 2021 puis un second projet tenant compte des observations de l’administration, le 4 mai 2021. Par une décision du 4 juin 2021, la Dreets homologuait le document unilatéral fixant le contenu du PSE.
Trente-quatre salariés saisissaient alors la justice aux fins d’annulation de cette décision.
A l’appui de leur demande, ils invoquaient, entre autres, la nécessité d’un contrôle administratif sur la mise en œuvre du dispositif de portabilité des garanties de prévoyance dans le cadre du contrôle effectué sur le document unilatéral portant PSE, ce droit relevant, selon eux, du contenu du PSE au titre de l’obligation de santé et de sécurité de l’employeur résultant de l’article L.4121-1 du code du travail.
La CAA rejette cette analyse puisqu’aucune disposition du code du travail ne prévoit qu’il appartient à l’administration du travail de contrôler les diligences mises en œuvre par l’employeur en matière de droit à portabilité des garanties de frais de santé et de prévoyance des salariés dans le cadre d’un tel contrôle.
► Du reste, les juges ont relevé que, sur ce sujet, des échanges de courrier entre la Dreets et les administrateurs judiciaires étaient intervenus antérieurement au dépôt du projet de PSE. Dans une lettre d’observations datée du 22 avril 2021, l’administration du travail avait demandé aux administrateurs judiciaires “de lui indiquer les modalités de portabilité de la prévoyance et mutuelle”. Les administrateurs avaient répondu, par un courrier du 3 mai 2021, que “les conditions de la portabilité étaient rappelées en page 39 et 40 du projet de PSE et qu’un courrier avait été envoyé aux organismes le 26 avril 2021 afin d’assurer la portabilité aux salariés concernés par la procédure de licenciement”. les juges ont noté également que le PSE comportait bien en ses pages 42 et 43 les modalités de la portabilité de la prévoyance et de la mutuelle, en particulier la portabilité des droits en cas de liquidation judiciaire.
Attention ! L’analyse de la CAA sur ce point est susceptible d’être infirmée par le Conseil d’Etat.
Geraldine Anstett
L’activité partielle de longue durée prolongée jusqu’au 31 décembre 2022
La loi du 17 juin 2020 a créé le nouveau dispositif d’activité réduite pour le maintien en emploi, plus connu sous le nom d’activité partielle de longue durée (APLD). Comme nous l’avions annoncé, le dispositif qui devait rester en vigueur jusqu’au 30 juin 2022 est prolongé jusqu’au 31 décembre 2022 par une ordonnance présentée hier en Conseil des ministres et publiée ce jeudi 14 avril au Journal officiel.
L’ordonnance prévoit par ailleurs que les entreprises engagées avant le 31 décembre 2022 dans le dispositif d’APLD pourront, après cette date, conclure des avenants à leurs accords et modifier leurs documents unilatéraux.
actuEL CE
CFDT de Stellantis : “La rémunération de M. Tavares n’est pas légitime”
66 millions d’euros, c’est la somme totale des rémunérations attribuées en 2021 à Carlos Tavares, directeur général de Stellantis. La CFDT de l’entreprise (majoritaire) a vivement réagi hier matin (communiqué en pièce jointe) : “Les éléments de rémunération avoisinant les 66 millions d’euros, ont du mal à passer auprès des salariés à qui on demande tous les jours des efforts de compétitivité”. Le chiffre de la rémunération de Carlos Tavares tombe de plus dans un contexte d’échec des négociations salariales (lire notre brève). Selon Christine Virassamy, déléguée syndicale centrale CFDT : « Le niveau de rémunération de notre PDG est indécent. Il est urgent que nos politiques prennent enfin de véritables mesures sur le plafonnement des salaires de nos dirigeants. Ces situations participent, et conduisent hélas, aux prises de positions extrêmes des citoyens lors des élections”.
En fin de journée, l’assemblée générale des actionnaires a cependant refusé de valider la rémunération de Carlos Tavares.
actuEL CE
Contrôle Urssaf : la charte du cotisant contrôlée est mise à jour
Un arrêté publié au Journal officiel du 13 avril 2022, met à jour le modèle de la charte du cotisant contrôlé. Cette nouvelle version s’applique à compter du 1er janvier 2022.
La charte du cotisant contrôlé est mise à disposition de la personne contrôlée au début des opérations de contrôle et est opposable à l’Urssaf. Ce document a pour objet de présenter au redevable la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement. Chaque année, la charte est établie par les Urssaf et diffusée par arrêté ministériel. C’est chose faite avec l’arrêté du 31 mars 2022 qui fixe le modèle applicable à compter du 1er janvier 2022.
Rappel : objet et contenu de la charte
La charte du cotisant contrôlé se présente sous forme de guide afin d’aiguiller les personnes soumises à un contrôle Urssaf, sur leurs droits et obligations lors du contrôle. A cette fin, ce document détaille de façon synthétique le déroulement du contrôle et les droits et garanties dont bénéficie le cotisant tout au long de la procédure. En préambule, il est précisé que cette charte s’appuie sur les textes en vigueur à la date de sa publication au Journal officiel. Nous vous présentons ci-après les changements pris en compte dans sa version en vigueur au 1er janvier 2022.
Nouveautés de la charte 2022
Les investigations sur support dématérialisé sont simplifiées
Désormais, lorsque les documents et les données nécessaires à l’agent chargé du contrôle sont dématérialisés, les opérations de contrôle peuvent être réalisées par la mise en œuvre de traitements automatisés sur son matériel professionnel. L’entreprise doit mettre à la disposition de l’agent, les copies des documents, des données et des traitements nécessaires à l’exercice du contrôle. Ces copies doivent respecter le format informatique demandé par l’agent du contrôle.
Si l’entreprise refuse par écrit cette procédure ou qu’elle est dans l’impossibilité de l’appliquer, elle doit :
soit réaliser elle-même les traitements sur son propre matériel puis produire les résultats au format et dans les délais indiqués par l’agent en charge du contrôle ;
soit autoriser l’agent chargé du contrôle à procéder lui-même, sur le matériel de l’entreprise, aux opérations de contrôle par la mise en place de traitements automatisés.
► Les copies des fichiers transmis seront détruites au plus tard lors de l’envoi de la mise en demeure ou lors de la notification de l’absence de redressement.
Dans la version antérieure de la charte, l’agent chargé du contrôle devait, dès le début de la procédure, informer l’entreprise contrôlée, par écrit, puis procéder aux opérations de contrôle par la mise en œuvre de traitements automatisés en ayant recours au matériel informatique utilisé par l’entreprise. Cette dernière devait mettre à sa disposition un utilisateur habilité pour réaliser les opérations sur ce matériel. De plus, l’entreprise devait respecter un délai de 15 jours pour s’opposer par écrit à cette procédure, ce délai est supprimé.
Prescription et recouvrement : aménagements des délais liés à la Covid-19
Les cotisations et contributions de sécurité sociale se prescrivent par trois ans à compter du 1er janvier de l’année qui suit leur exigibilité. Cependant, des adaptations ont été nécessaires pour faire face à la crise sanitaire. A cet égard, les délais de prescriptions applicables aux cotisations et contributions de sécurité sociale ont été suspendus entre le 12 mars et le 30 juin 2020. Cette suspension est cumulable avec la suspension du délai de prescription des cotisations et contributions pendant la période contradictoire suite à contrôle. La charte du cotisant applicable à compter du 1er janvier 2022 rappelle cette possibilité.
De surcroît, la loi de finances rectificative pour 2021 a prévu que tout acte de recouvrement qui aurait dû être émis entre le 2 juin 2021 et le 30 juin 2022 peut être valablement émis dans un délai d’un an à compter de cette date. La charte propose l’illustration suivante : si le délai de trois ans dont disposent les Urssaf pour décerner une contrainte à l’issue d’une mise en demeure restée sans effet expirait le 1er juillet 2021, l’Urssaf a jusqu’au 30 juin 2022 pour engager cette action.
Le délai est réduit en cas de notification de crédit au cotisant
A compter du 1er juillet 2022, en cas de solde créditeur résultant de l’ensemble des points examinés, une notification de crédit est adressée à l’entreprise concernée, dont le montant est remboursé dans un délai d’un mois pour les contrôles qui ont commencé à partir du 1er juillet 2022. Pour les contrôles qui ont commencé avant cette date, les organismes de recouvrement bénéficient toujours du délai maximum de deux mois après la notification.
L’OPCO des entreprises de proximité se mobilise pour l’Ukraine
L’OPCO -EP (opérateur de compétences des entreprises de proximité) a annoné par communiqué (en pièce jointe) qu’il souhaite “prendre toute sa part dans l’accueil des personnes résidant en Ukraine qui viennent se réfugier en France”. Cette décision s’appuie sur ses 17 commissions paritaires régionales. L’organisme entend favoriser l’insertion professionnelle des réfugiés ukrainiens au travers de son programme de type HOPE (Hébergement Orientation Parcours vers l’Emploi).
actuEL CE
Un actif sur cinq est actuellement dans un processus de reconversion professionnelle
Selon la troisième édition du baromètre de la formation et de l’emploi, réalisé en janvier 2022 auprès de 1 600 actifs français par le CSA pour le compte de Centre Inffo, et dévoilé hier, un actif sur cinq est actuellement dans un processus de reconversion professionnelle (21 %, +1 point par rapport à l’an dernier).
La volonté de reconversion est plus forte chez les jeunes (35 % des 18-24 ans) et parmi les personnes sans emploi (38 %). Ces reconversions professionnelles sont motivées “d’abord et avant tout par une volonté de se rapprocher de ses valeurs et de vivre davantage de ses passions”. Dans ces parcours de reconversion, 62 % des personnes sont accompagnées ou conseillées et 65 % suivent une formation pour changer de job.