Une instruction sur la prévention de la désinsertion professionnelle au sein des services de santé au travail
L’article 18 de la loi du 2 août 2021 a inscrit dans le code du travail la création obligatoire de cellules de PDP (prévention de la désinsertion professionnelle) dans les SPSTI (services de prévention et de santé au travail interentreprises), qui doivent fournir un accompagnement individuel et collectif, tant aux travailleurs qu’aux employeurs. Une instruction de la DGT (direction générale du travail) et de la Cnam, datée du 26 avril 2022, précise leur composition et fonctionnement. Elle rappelle aussi leurs missions, qui sont prévues à l’article L. 4622-8-1 du code du travail.
L’instruction détaille notamment comment la cellule doit travailler avec les autres acteurs du maintien en emploi, précisant qui prend en charge la mise en place du parcours du travailleur identifié comme étant à risque de désinsertion, selon s’il est détecté avant l’arrêt de travail, ou au cours de l’arrêt.
La cellule PDP devra se doter « d’outils de pilotage et d’évaluation des parcours en lien avec les exigences du projet du service, du CPOM (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens), du PST4 et de la certification », est-il demandé. Ces données devront notamment permettre de « disposer d’indicateurs en matière de repérage des entreprises appartenant aux secteurs les plus concernés ».
La composition de la cellule devra figurer dans le CPOM conclu entre la Carsat, la Dreets et le SPSTI. Les CPOM sont actuellement en cours de renégociation. L’instruction rappelle que « les CPOM de troisième génération entreront en vigueur au plus tard le 1er janvier 2023, sur la base d’une nouvelle instruction qui en précisera le cadre et les modalités ». En parallèle, alors que l’offre socle que doivent proposer tous les SPST vient d’être officiellement définie, la certification des services va se mettre en place dans les mois qui viennent.
actuEL CE
Risques psychosociaux et télétravail : quel rôle pour le manager ?
A l’occasion de la journée mondiale de la santé et de la sécurité au travail, l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a organisé une table ronde le 28 avril consacrée aux risques psychosociaux (RPS) dans le cadre du télétravail. Le rôle du manager apparaît comme un levier majeur d’action et de prévention en la matière.
Avec la crise sanitaire, les organisations de travail ont massivement eu recours au télétravail. Selon une enquête de la Dares, publiée en février 2022 et intitulée “Télétravail durant la crise sanitaire”, 27% des salariés le pratiquaient en janvier 2021, contre 4 % en 2019. Depuis, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à constater que le télétravail rend plus autonome et réduit la fatigue. La majorité des salariés aspirent d’ailleurs à télétravailler. Selon la même enquête, en janvier 2021, huit salariés sur dix souhaitaient poursuivre ce mode de travail.
Mais le télétravail ne s’accompagne pas que d’avantages : allongement de la durée du travail, isolement, augmentation de la charge de travail, démotivation… Le télétravail génère des situations de risques, notamment psychosociaux. Dans ce contexte, quel est le rôle du manager ? Comment peut-il prévenir ce genre de situation ? Comment endiguer ces risques psychosociaux (RPS) liés au télétravail ? Telles sont les problématiques abordées au cours d’une table ronde, organisée par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), le 28 avril, et intitulée “Risques psychosociaux dans le cadre du télétravail : quels risques ? quelle prévention ?”.
“Conserver un contact adapté et régulier avec chaque collaborateur”
Marie-Anne Gautier, expert médical risques physiques et psychologiques à l’INRS, préconise de mettre l’accent sur le lien entre le manager et le collaborateur. Le manager “doit essayer de conserver un contact adapté et régulier avec (…) chacun de ses collaborateurs qui télétravaille. Pour cela, il va devoir être particulièrement attentif aux salariés (…) qui viennent d’intégrer son équipe et qui vont devoir télétravailler sans connaître (…) leurs collègues (…). Il va falloir qu’il soit attentif à ceux qui n’avaient pas l’habitude de télétravailler, aux nouveaux télétravailleurs qui ne maîtrisent pas forcément les outils numériques aussi bien que leurs collègues, qui ne sont pas, pour certains, habitués à être autonomes (…)”.
Elle insiste sur l’importance de fixer les tâches à réaliser en télétravail, mais également des objectifs clairs et réalistes, des priorités. Elle conseille aux managers de faire des points réguliers avec chacun pour évaluer l’avancement des travaux, veiller au respect de la déconnexion, être vigilent aux signes de fatigue, de démotivation, de travail de moindre qualité.
“Faire remonter les difficultés si besoin”
“Le rôle du manager est déterminant, insiste Valérie Langevin, expert d’assistance conseil sur les RPS à l’INRS. De par sa position d’encadrement intermédiaire ou d’encadrement de proximité, c’est lui qui fait remonter les difficultés si besoin, qui fait (…) entendre un point de vue terrain auprès de la ligne hiérarchique. (…) C’est lui qui met en œuvre les démarches de prévention, donc c’est un relais très important pour agir en prévention des risques psychosociaux”.
Elle explique que pour prévenir les RPS, il faut mettre en place une démarche de prévention des RPS de manière générale, qui passe par une identification des facteurs de risques auxquels sont exposés les salariés. Pour aider les employeurs et les managers, l’INRS met d’ailleurs à disposition une catégorisation des facteurs de RPS, qui distingue six catégories :
Intensité et temps de travail : surcharge de travail, existence d’objectifs irréalistes ou flous, longues journées de travail;
Exigences émotionnelles : tensions avec le public, contact avec la souffrance ou la détresse humaine, exigence de devoir cacher ses émotions;
Manque d’autonomie : faibles marges de manœuvres pour faire son travail, rythme de travail imposé, ne pas pouvoir développer ses compétences;
Rapports sociaux au travail dégradés : relations conflictuelles avec les collègues ou la hiérarchie, aucune perspective de carrière, harcèlement moral;
Conflits de valeurs : ne pas être fier de son travail, ne pas pouvoir faire un travail de qualité;
Insécurité de la situation de travail : peur de perdre son emploi, non maintien du niveau de salaire, restructurations, etc.
Le manager doit en effet être capable de reconnaître les facteurs de risque pour pouvoir identifier les difficultés et les faire remonter par la suite.
Y-a-t-il une différence de perception entre les hommes et les femmes ?
Les femmes connaissaient une plus forte dégradation de l’intensité du travail et de la pression liée au travail que les hommes, constate l’enquête de la Dares publiée le 10 février 2022 (et reposant sur des interviews réalisées en janvier 2021), et intitulée “Télétravail durant la crise sanitaire“. Les femmes interrogées expliquent devoir penser à trop de choses et ressentaient plus d’exigences émotionnelles, avec une plus grande difficulté à concilier vie personnelle et vie professionnelle que leurs homologues masculins. Selon l’étude, elles sont d’ailleurs plus nombreuses que les hommes à se voir reprocher par l’entourage leur manque de disponibilité.
“Donner la possibilité au manager de manager”
Reste que le manager doit être en mesure de consacrer du temps au management de ses équipes. Or, bien souvent, les managers sont concentrés sur d’autres tâches, déplore Eloïse Maillardet, psychologue du travail à l’Ametra 06 (Association pour la médecine du travail, SST des Alpes-Maritimes). “On leur donne la fonction de soutenir, de motiver, de diriger les équipes vers un projet commun ou un but commun, mais s’ils n’ont pas le temps (…), on va se retrouver dans des situations qui vont être difficiles”.
Pour prévenir et anticiper les RPS liés au télétravail, il faut former, sensibiliser, informer les acteurs sur ce que sont les RPS, les facteurs de risques, et sur les conséquences que cela peut impliquer sur la santé, explique Valérie Langevin. Médecin coordinateur santé chez Safran, Agnès Martineau Arbes partage ce point de vue. Elle relate d’ailleurs avoir vu des salariés complètement isolés, qui n’ont eu aucun contact avec leur manager pendant deux mois durant le confinement. “C’est une erreur managériale. On dira que c’est de la méconnaissance, donc on doit former les managers qui ont cette responsabilité et qui n’ont, parfois, pas la connaissance”. Elle cite pour exemple des formations qui s’appellent “repérer, accompagner, aller vers un salarié en difficulté”.
Pour inciter les chefs d’entreprise à mieux former les managers qui se sentent démunis, Agnès Martineau Arbes conseille de leur présenter des enquêtes, des chiffres et des indicateurs pour leur prouver l’importance de se saisir de ce sujet, et les sensibiliser sur les conséquences qu’un management inadapté peut impliquer (turnover, absences, démissions…).
“La bonne santé est un investissement de vie, et la santé au travail fait la bonne santé”, explique-t-elle. Les employeurs ont donc tout intérêt à se saisir de ces sujets et à faire le nécessaire pour prévenir et/ou endiguer ces RPS.
Les autres conseils
Structurer sa journée de télétravail Marie-Anne Gautier recommande de bien structurer sa journée de télétravail, en l’organisant telle qu’elle le serait sur le lieu de travail. Fuir le télétravail à 100% Eloïse Maillardet conseille pour sa part d’éviter le télétravail à 100 %, qui est un facteur d’isolement et de perte de lien social. Communiquer sur les risques liés au télétravail Valérie Langevin préconise de communiquer en interne en apportant une information sur les risques psychosociaux liés au télétravail, et sur les outils existants dans l’entreprise pour mettre en œuvre dans l’entreprise une démarche de prévention structurée, mais également sur les outils extérieurs (comme ceux proposés par l’INRS par exemple). Faire connaître le rôle des RH, du CSE Agnès Martineau Arbes insiste enfin sur l’importance de faire connaître les différents acteurs de l’entreprise que sont les ressources humaines, le CSE ou encore le service de santé au travail.
Juliette Renard
Le port du masque ne sera plus obligatoire dans les transports à compter du 16 mai mais le passe sanitaire reste en vigueur dans les hôpitaux
Olivier Véran, le ministre de la Santé, l’a annoncé hier à l’issue du conseil des ministres : l’obligation du port du masque dans les transports sera levée en métropole à compter du lundi 16 mai, le port du masque restant toutefois recommandé. Le passe sanitaire et le port du masque restent cependant en vigueur dans les hôpitaux et les Ehpad, “au moins jusqu’à cet été”, a précisé le ministre, justifiant ce maintien pour des raisons sanitaires : “Un soignant non vacciné est plus susceptible d’être contaminé et donc de transmettre le virus. Or les hôpitaux et les Ephad ont payé suffisamment cher pour savoir qu’il faut protéger” (Ndlr : les personnels, les malades et les résidents).
Olivier Véran a encore indiqué qu’il allait saisir la Haute autorité de santé sur l’évolution des règles d’obligation vaccinale, le gouvernement devant disposer fin mai d’une évaluation précise du nombre de soignants non vaccinés qui ont quitté leur activité professionnelle.
L’adaptation des règles sanitaires pour l’Outre-mer devrait être précisée aujourd’hui par le gouvernement.
actuEL CE
Comment trouver un expert du CSE habilité
Le CSE dispose d’un droit d’expertise portant sur les conditions de travail et la santé au travail. Mais l’expert auquel le comité fait appel, qui hier devait être agréé par le ministère du Travail, doit désormais être habilité, c’est-à-dire accrédité par un organisme certificateur. Cette réforme prévue par les ordonnances de 2017 a été déclinée par un arrêté du 7 août 2020. Si le CSE fait appel à un expert non accrédité, il risque de voir sa désignation suspendue par le juge si l’employeur le lui demande.
Pour trouver un expert accrédité ou pour vérifier qu’un expert l’a bien été, vous pouvez vous reporter au site internet de Qualianor, auquel la Cofrac a confié cette procédure d’accréditation. Ce site recense l’ensemble des experts habilités et ceux dont l’habilitation a été suspendue mais aussi retirée.
Rappelons que cette habilitation n’existe pas pour les experts-comptables du CSE, une profession régie par l’Ordre des experts-comptables.
L’utilisation d’une boîte en carton en guise d’urne n’entraîne pas forcément l’annulation des élections
L’utilisation d’une urne non transparente ne peut justifier l’annulation de l’élection du CSE que si cette irrégularité a eu une incidence sur les résultats du scrutin ou sur la représentativité syndicale.
Normalement, les urnes utilisées pour les élections professionnelles doivent être du même modèle que celles utilisées pour les élections politiques. Donc, transparentes. Quelles conséquences si ce n’est pas le cas ? Le fait d’avoir eu à glisser son bulletin de vote dans une urne en bois ou en carton peut-il justifier une annulation automatique des élections ? Réponse de la Cour de cassation dans un arrêt du 21 avril 2022.
Un scrutin annulé pour une urne en carton
A l’issue de la mise en place du CSE au sein d’une association d’aide aux personnes âgées et handicapées de l’Est de la France, SUD santé sociaux solidaires demande en justice l’annulation de l’élection. L’organisation syndicale fait notamment valoir que l’utilisation d’une boîte en carton, et non une urne transparente, pour l’élection des suppléants justifiait en soi l’annulation du scrutin.
Tout en rappelant que “l’opacité de l’urne n’entraîne pas automatiquement la nullité de l’élection”, le tribunal judiciaire de Sarreguemines décide quand même d’annuler le scrutin. Le fait d’avoir utilisé une “boîte en carton sommairement bricolée” constituait pour le juge une “irrégularité grave, de nature à altérer la confiance des électeurs dans la sincérité des résultats”. Impossible en effet de savoir si l’urne “était bien vide lors de l’ouverture du vote”.
La question de l’influence sur le résultat des élections
Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, il y a dans le jugement du tribunal judiciaire une contradiction qu’il n’est pas possible de laisser passer.
En effet, comme le décide à nouveau l’arrêt du 21 avril 2022, “en matière d’élections professionnelles, l’utilisation d’une urne non transparente ne constitue pas une violation d’un principe général du droit électoral” (voir déjà Cass. soc., 20 sept. 2017, n° 16-19.767).
En affirmant que l’opacité de l’urne n’entraînait pas automatiquement la nullité de l’élection, le tribunal judiciaire avait donc entière raison. Là où il s’est contredit, c’est en affirmant qu’il y avait néanmoins une “irrégularité grave” justifiant l’annulation des élections.
En effet, comme le rappelle la Cour de cassation, “à moins qu’elles soient directement contraires aux principes généraux du droit électoral, les irrégularités commises dans l’organisation et le déroulement du scrutin ne peuvent constituer une cause d’annulation que si elles ont exercé une influence sur le résultat des élections ou si, s’agissant du premier tour, elles ont été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l’entreprise, ou du droit pour un candidat d’être désigné délégué syndical”.
► Les principes généraux du droit électoral correspondent à des règles venant directement du code électoral qui sont là pour garantir la sincérité des opérations de vote et dont la violation est suffisamment grave pour justifier l’annulation automatique des élections (pour des exemples, voir tableau ci-dessous).
En conséquence, avant d’annuler l’élection du CSE, il aurait fallu rechercher si le fait d’avoir utilisé une boîte en carton au lieu d’une urne transparente avait “exercé une influence sur le résultat des élections” ou s’il avait été déterminant de la qualité représentative des organisations syndicales dans l’entreprise, ou du droit pour un candidat d’être désigné délégué syndical.
L’affaire devra donc être à nouveau jugée par le tribunal judiciaire de Metz.
Exemples de principes généraux du droit électoral ayant donné lieu à jurisprudence
Principe général du doit électoral
Référence
Signature par tous les membres du bureau de vote de la liste d’émargement
Toujours fragile, l’Ires cherche à conforter son rôle d’expertise auprès des organisations syndicales
Faire entendre dans le débat public une autre expertise que celle des économistes dominants sur les sujets liés au travail et aux relations sociales, et surtout apporter des travaux de recherches aux organisations syndicales qui l’ont créé en 1982 : c’est la mission de l’Ires. L’institut de recherches économiques et sociales, qui fête ses 40 ans fin 2022, entend s’appuyer sur le rapport de Jean-Paul Guillot pour retrouver un second souffle.
Eric Péres (FO), qui préside actuellement l’Ires, le dit sans détour : “L’institut est singulier et remarquable, c’est un point de rencontre entre le syndicalisme et le monde de la recherche. Mais la richesse de ses productions au service des organisations syndicales n’est pas assez diffusée et mise en valeur, ni par les syndicats, car les travaux de recherches ne descendent pas au niveau des branches, des syndicats d’entreprise ou des CSE, ni par les pouvoirs publics, ni par le conseil économique, social et environnemental (Cese)”.
Des pouvoirs publics moins engagés
Malgré la production de son agence d’objectifs (214 chercheurs ont participé à 150 rapports entre 2013 et 2021), l’institut s’estime en effet mal aimé des pouvoirs publics, alors même que sa création en 1982 résultait du constat, formulé dans le rapport de René Lenoir et Baudouin Port, de la faiblesse de l’information économique et sociale des Français (1).
Son directeur, Frédéric Lerais, souligne que l’Ires, logé à Noisy-le-Grand et dont le déménagement vers de nouveaux locaux est pour l’heure abandonné faute de soutien administratif, doit prendre en charge ses bureaux et leur entretien, contrairement à d’autres organismes de recherche tel l’OFCE (adossé à Sciences Po Paris). Et ce alors même qu’il subit une baisse de la contribution publique (2,7 millions d’euros, soit 573 000€ de moins qu’en 2014) : “Nous n’avons plus que 2 personnels mis à notre disposition, contre 9 auparavant. Nous avons dû réduire de moitié notre équipe de chercheurs (Ndlr : il en reste une dizaine, soit deux fois moins en dix ans), et nous n’avons pas les moyens de nous intéresser aux problématiques essentielles pour le dialogue social comme les territoires, l’environnement, la santé au travail”.
D’autre part, les nouveaux outils de réflexion au service de la puissance publique, comme France Stratégie qui est rattaché au Premier ministre, ou même le CAE (conseil d’analyse économique), n’ont plus le réflexe d’associer à leurs travaux des organismes ayant des positions différentes, comme l’Ires, comme cela était le cas dans le passé pour le commissariat au plan. Or le pluralisme est aussi une raison d’être de l’Ires, dont la vocation est de combiner la recherche scientifique à l’analyse sociale.
Une situation délicate
Avec des ressources limitées, l’Ires reste donc dans une situation délicate, alerte Eric Péres : “Il nous faut démontrer notre utilité, sinon, nous risquons de disparaître”. C’est pourquoi il entend suivre les recommandations formulées par Jean-Paul Guillot, ancien président du club Réalités du dialogue social (RDS), dans le rapport que lui a demandé l’institut (lire en encadré).
Le président de l’Institut annonce la signature d’une convention avec l’Apec, l’association pour l’emploi des cadres, pour mettre en valeur les études de l’Apec et de l’Ires et pour concevoir des événements intéressant le débat public. “Et pourquoi l’Apec ne financerait pas des études de l’Ires sur l’emploi des cadres ou la sécurisation des emplois ?” propose Eric Péres. Un autre chantier à mener consiste à rénover le mode de communication de l’Ires, qui compte un site internet, une revue (La revue de l’Ires) et une Chronique internationale : “Nous ne sommes pas assez présents dans le débat public. Il nous faut repenser nos outils internet, mais aussi être proactifs, faire des propositions”. Et ce dernier d’évoquer la piste d’une collaboration avec le Cese ainsi qu’avec les branches professionnelles. Il n’écarte pas une participation à la nouvelle méthode de travail que les partenaires sociaux se donnent dans leur dernier accord national interprofessionnel, une méthode qui prévoit des travaux d’étude ou d’expertise en amont de discussions “Notre programme de recherches pourrait tenir compte de l’agenda des partenaires sociaux…”
Un programme sur plusieurs années
Ce programme de recherches pluri-annuel est en effet une recommandation du rapport Guillot. Ce dernier invite l’Ires à établir ce programme en tenant compte des priorités formulées par les organisations syndicales, une évolution d’autant plus souhaitable que les confédérations ont pris ces dernières années l’habitude de discuter en interne du programme d’études qu’elles souhaitent confier à l’Ires. Le rapport ajoute que l’institut a tout intérêt à renforcer ses échanges avec France Stratégie, mais aussi la Dares (direction statistique du ministère du Travail) et l’Insee. L’association (2) peut-elle relever ces défis ? Réponse peut-être en juin, à l’occasion de son assemblée générale.
(1) L’article 3 des statuts de l’Ires définit ainsi sa mission : “L’association a pour objet d’assurer des activités d’étude et de recherche indépendantes en adoptant une démarche scientifique, au service des organisations syndicales membres de l’association, sur l’ensemble du champ économique et social. Outre le fait de contribuer aux analyses de moyen/long terme des organisations syndicales, l’objectif de l’association est de nourrir le nécessaire pluralisme des débats de nature économique ou sociale, à tous les niveaux (international, national, territorial, sectoriel…) et ainsi d’apporter un soutien à la qualité du dialogue social. Elle participe ainsi à l’intérêt général. La valorisation de ces travaux s’effectue notamment par la publication de rapports, de notes d’analyse, d’articles scientifiques et par l’organisation de séminaires et de colloques ou la participation à de telles réunions publiques ou à des entretiens commandés par les instances ou organisations intéressées”.
(2) L’Ires est une association loi 1901 dont le conseil d’administration comprend les représentants des six organisations syndicales fondatrices : CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FO, UNSA-Education. Nous rendons compte régulièrement de ses travaux. Voir par exemple nos articles sur le PSE, sur l’externalisation des activités sociales et culturelles, sur l’Europe sociale, sur les jeunes et le syndicalisme, etc.
Les pistes du rapport Guillot
Jean-Paul Guillot, l’ancien président du club Réalités du dialogue social (RDS), a remis le 20 avril dernier le rapport commandé par le bureau de l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) sur le positionnement de l’institut (lire le document en pièce jointe). Ce travail s’appuie sur de nombreux entretiens conduits avec les organisations syndicales, les pouvoirs publics, des chercheurs et des personnalités. Le rapport adresse un satisfecit à l’Ires : les confédérations syndicales de salariés saluent unanimement son utilité et sa spécificité, le monde de la recherche apprécie les travaux et les pouvoirs publics -fût-ce en découvrant parfois les missions et les travaux de l’Ires (sic !)- “confirment la pertinence des missions initiales”. Le rapport souligne l’approche internationale de la recherche et se félicite notamment de la commission scientifique mise en place suite au rapport Dole de 1994. Il souligne cependant la baisse du financement dont souffre l’institut et appelle l’Etat à rétablir le niveau de dotation de 2010, l’Etat pouvant amener une subvention d’équilibre en plus du financement par les syndicats. Le rapport invite l’institut à se doter d’un programme d’études pluriannuel discuté avec les syndicats. Ceux-ci aimeraient en effet disposer davantage de “données de cadrage général au plan national ou dans les branches” pour nourrir leurs interventions et négociations, mais aussi d’études d’impact et d’évaluation des effets d’accords nationaux interprofessionnels. Les confédérations attendent aussi des éléments “structurants sur la construction et le partage de la valeur ajoutée et les options de compétitivité relative du système productif français”, ainsi qu’un partage, qui existe déjà parfois, entre des chercheurs en cours de travaux et des militants syndicaux. Du côté du ministère du Travail, on semble attendre plutôt de l’Ires qu’il contribue à doter les syndicats “d’une vision globale des enjeux économiques et sociaux”, à les aider à préparer des conférences sociales et à évaluer les programmes économiques et sociaux mis en place.
Bernard Domergue
Contrôle Urssaf : l’aide à l’autonomie versée par le CSE aux anciens salariés est soumise à cotisations
Les aides financières du CSE en faveur des anciens salariés retraités de l’entreprise, destinées à financer des activités de services à la personne, ne sont pas exonérées de cotisations sociales.
Les secrétaires et trésoriers de CSE le savent bien, le principal risque auquel il faut veiller dans la gestion des activités sociales et culturelles (ASC), c’est le “risque Urssaf”. A l’occasion d’un contrôle, l’Urssaf pourrait en effet estimer que le comité social et économique (CSE) n’a pas respecté les règles du jeu pour pouvoir bénéficier d’une exonération de cotisations sociales et qu’un redressement doit en conséquence être prononcé.
Sur un plan strictement juridique, les avantages dont bénéficient les salariés dans le cadre des ASC devraient être soumis à cotisations sociales car ils constituent des avantages salariaux au sens du code de la sécurité sociale (article L. 242-1). Cependant, par exception, certains avantages sont exonérés et échappent ainsi aux cotisations sociales. C’est le cas, par exemple, des bons d’achat, des chèques-vacances, des chèques culture, de certaines aides financières (voyages, pratique sportives, services à la personne, etc.). Mais attention, il s’agit d’exceptions ! Il faut donc scrupuleusement respecter les conditions prévues pour pouvoir en bénéficier, le moindre écart ne pardonne pas.
Redressement suite à un contrôle
A l’issue d’un contrôle de l’Urssaf d’Alsace, une entreprise de l’Est de la France est redressée sur une “aide à l’autonomie” versée aux anciens salariés de l’entreprise durant les années 2009, 2010 et 2011 par le CE de l’époque.
► Rappelons ici que même s’il porte sur les activités sociales et culturelles du CSE, le redressement est toujours prononcé contre l’entreprise car c’est elle qui est responsable du paiement des charges sociales à la sécurité sociale. Dans un second temps, l’employeur pourra éventuellement demander au CSE de le rembourser.
Pour contester ce redressement, l’entreprise et le CE invoquent un article du code du travail (art. L. 7233-4) prévoyant que l’aide financière du comité d’entreprise contribuant aux activités de services à la personne n’a pas le caractère de rémunération au sens de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Ainsi, “l’allocation d’aide à l’autonomie des retraités versée par le comité d’entreprise pour rembourser l’aide à domicile payée par d’anciens salariés constituait une aide financière du comité d’entreprise entrant dans le champ des aides à la personne et, comme telle, non soumise à cotisations sociales”. De recours en recours, l’affaire arrive en cassation.
Attention aux destinataires des aides !
Dans son arrêt du 17 mars 2022, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et valide définitivement le redressement décidé par l’Urssaf d’Alsace. Pour les juges, conformément à ce que prévoit l’article L. 7233-4 du code du travail, seules les aides financières du CSE et/ou de l’entreprise versées aux salariés dans le cadre des services à la personne sont exonérées de cotisations sociales. Il n’était donc pas possible d’étendre le bénéfice de cette exonération légale à une aide versées aux anciens salariés de l’entreprise.
A la lumière de cette affaire, on peut donc se poser cette question : que peut faire le CSE qui souhaite mettre en place une nouvelle prestation pour savoir s’il est bien dans les clous vis-à-vis de l’Urssaf ou s’il y a un futur risque de redressement ? Réponse : tout simplement, interroger l’Urssaf ! En effet, le comité qui a un doute sur le régime social d’une prestation peut demander à l’Urssaf si l’avantage en question constitue ou non comme un élément de rémunération. Il peut, et doit, le faire en utilisant la procédure de rescrit social. Le rescrit social permet effectivement d’obtenir une réponse écrite qui engage l’Urssaf pour l’avenir. En conséquence, dès lors que l’Urssaf aura donné son feu vert, le CSE ne pourra pas être ultérieurement redressé. Mais attention à bien fournir dans le rescrit toutes les informations, à savoir la nature et le montant de l’avantage et les éventuels critères de modulation envisagés.
Frédéric Aouate
Les stratégies de recrutement bousculées par la question salariale
Selon une enquête réalisée par le cabinet de recrutement Robert Half auprès de 300 dirigeants, et publiée hier, à l’occasion de la réactualisation de son Guide sur les salaires, la question de la rémunération progresse parmi les attentes des candidats. Ce qui pousse les entreprises à revoir leurs stratégies de recrutement. 34 % prévoient ainsi l’instauration de primes à la signature (une somme d’argent versée lors de l’entrée dans l’entreprise, que la recrue s’engage à rembourser s’il part avant une date convenue) ; 32 % se disent prêts à négocier le salaire d’entrée à la hausse.
Selon les dirigeants sondés, la raison la plus fréquente de refus d’une offre d’emploi par un candidat est le fait de ne pas répondre aux attentes salariales (cité par 52 % des dirigeants).
Autres leviers : pour recruter, ils misent également sur la flexibilité et le télétravail (41 %) et mettent en avant les opportunités de développement professionnel et de plans de carrière (38 %).
actuEL CE
Laurent Berger réaffirme l’opposition de la CFDT à la retraite à 65 ans
Lors d’une interview sur France Inter le mardi 10 mai, Laurent Berger s’est opposé au relèvement de l’âge de la retraite, une réforme envisagée par Emmanuel Macron : “Mettre la question de la réforme des retraites cet automne sur la table, alors qu’on sait qu’on aura encore un problème de coût de l’énergie, on ne sait pas dans quelle situation internationale on sera et qu’il faut s’inscrire dans un partage des richesses autre et un autre modèle de développement, c’est explosif (…) Il faut être clair sur la retraite à 65 ans, le report de l’âge légal, la CFDT sera vent debout parce que ça touche les publics, les travailleurs, les plus fragiles aujourd’hui”, a déclaré le secrétaire général de la CFDT.
Laurent Berger, candidat à sa succession lors du congrès de la CFDT qui se tient à Lyon du 13 au 17 juin, a par ailleurs réclamé une conditionnalité des aides aux entreprises : “Il y a des allègements de cotisations allant jusqu’à 1,6 fois le SMIC. Il faut conditionner ces allégements de cotisations au fait qu’il n’y ait pas de branche qui ait des minima en dessous du SMIC. Et quand vous avez des minima en dessous du SMIC, eh bien vous révisez les aides qui sont allouées aux entreprises.”
actuEL CE
La CGT appelle à des mobilisations du 6 au 10 juin
Dans une déclaration de son comité national confédéral (CNC), la CGT invite ses syndicats et militants à multiplier les initiatives et les mobilisations durant la semaine du 6 au 10 juin (Ndlr : les législatives ont lieu les 12 et 19 juin) : “réunions de syndiqués, déploiement auprès des salariés à partir du matériel mis à disposition, manifestations, marches des fiertés, interpellation des candidats aux législatives (hors extrême droite), organisation de débats publics autour de nos exigences revendicatives, etc”. Le syndicat décide également “d’une journée nationale interprofessionnelle de grève et de manifestation en septembre”.
La CGT, qui indique qu’il n’y aura pas “de trêve estivale” et qui dit craindre une inflation à 10% pour 2022, revendique un Smic à 2 000€ bruts, la retraite à 60 ans “à taux plein”, la semaine de travail de 32 heures et un meilleur partage de la valeur ajoutée créée dans les entreprises. Enfin, la confédération, sans appler expressément à voter pour l’Union populaire, estime qu’un “un bloc de députés progressistes, le plus important possible, à l’Assemblée Nationale doit permettre de traduire les conquêtes des salariés dans la loi”.
actuEL CE
Travail temporaire : l’emploi marque un net ralentissement par rapport au mois dernier
En mars 2022, l’emploi intérimaire (contrats de travail temporaire et CDI intérimaires) s’élève à 762 620 équivalents temps plein (ETP), en hausse de 9,2 % par rapport à mars 2021, progressant ainsi de 63 950 ETP sur un an. La croissance observée se situe toutefois 4,1 points en dessous de celle de février 2022, marquant un net ralentissement par rapport au mois dernier.
Par secteur, le BTP enregistre la dégradation la plus marquée par rapport au mois dernier (avec 6,5 points de moins qu’en février 2022) et se retrouve de nouveau orienté à la baisse sur un an (-2,0 % par rapport à mars 2021. Les transports-logistique, qui ont connu au cours des trois dernières années, des évolutions plus favorables que la moyenne, voient désormais leur progression stagner (+1,2 % sur un an). La croissance ralentit dans le secteur industriel (+11,5 % en mars après +16,3 % en février) en raison de la baisse des emplois intérimaires dans l’automobile (-5,5 % sur un an).
Le secteur du commerce voit également son dynamisme s’estomper par rapport au mois de février (avec 5,5 points de moins qu’en février 2022).
actuEL CE
A quel niveau le représentant de section syndicale peut-il être désigné ?
Un syndicat qui a désigné un délégué syndical (DS) dans plusieurs établissements distincts dans lesquels il est représentatif ne peut désigner un représentant de section syndicale (RSS) au niveau de l’entreprise où il n’est pas représentatif.
Un syndicat non représentatif peut choisir de désigner un RSS pour l’ensemble de l’entreprise, plutôt que de désigner un tel représentant dans le cadre des établissements où il a constitué une section syndicale. Mais qu’en est-il lorsqu’il désigne un RSS au niveau d’une UES alors qu’il a déjà désigné des DS dans les établissements dans lesquels il est représentatif ? C’est la question posée à la Cour de cassation dans cet arrêt (en pièce jointe), qui rappelle sa jurisprudence déjà établie en la matière.
Désignation litigieuse d’un RSS au niveau d’une UES
Dans cette affaire, une organisation syndicale a désigné des DS dans certains établissements composant une UES au sein desquels elle était représentative. Elle a ensuite désigné un RSS au niveau de l’UES au sein de laquelle elle n’était, cette fois, pas représentative.
Remarque : pour mémoire, les syndicats qui constituent une section syndicale dans une entreprise ou un établissement d’au moins 50 salariés peuvent désigner, lorsqu’ils n’y sont pas représentatifs, un RSS (C. trav., art. L. 2142-1-1). Lorsqu’ils y sont représentatifs, ils peuvent y désigner un DS (C. trav., art. L. 2143-3).
Les entreprises composant l’UES contestent cette désignation et en demandent l’annulation. Elles estiment que si un syndicat qui est représentatif dans certains établissements, mais pas au niveau de l’entreprise, peut désigner des DS dans les établissements dans lesquels il est représentatif et des RSS dans ceux où il ne l’est pas, il ne peut pas, lorsqu’il a choisi d’être représenté dans les établissements par un DS ou un RSS, désigner un RSS au niveau de l’entreprise (ou de l’UES). En effet, la loi ne prévoit pas la faculté, pour un syndicat non représentatif dans l’entreprise, de disposer d’un RSS central et de représentants désignés au niveau des établissements.
DS d’établissements + RSS au niveau de l’UES = RSS central ?
Le tribunal judiciaire n’est pas d’accord et les déboute de leurs demandes. Il considère :
d’une part, qu’en suivant l’argumentation de l’employeur ci-dessus exposée, cela aurait pour effet de priver un syndicat non représentatif de son choix de désigner un RSS au sein de l’entreprise ou au sein de l’établissement, et de le contraindre à ne pouvoir désigner un RSS qu’au niveau des établissements. Or, cela limite les prérogatives conférées par la loi.
d’autre part, que puisqu’aucune règle de non-cumul de désignation d’un DS dans un établissement et d’un RSS au niveau de l’entreprise n’est prévue par la loi, il ne doit pas être déduit de la lecture combinée des textes que la désignation d’un RSS au niveau de l’entreprise (ou ici, de l’UES) en présence de DS au niveau des établissements constitue une désignation d’un RSS central. En effet, le DS et le RSS sont, selon lui, deux institutions représentatives distinctes qui répondent à des règles de désignation distinctes.
Mais la Cour de cassation n’est pas de cet avis et ne valide pas l’argumentation du tribunal judiciaire.
Le syndicat ne pouvait désigner un RSS au niveau de l’UES en présence de DS au niveau de certains établissements
Il est établi de longue date maintenant que si un syndicat non représentatif peut désigner un RSS dans l’entreprise ou au niveau de ses établissements distincts, aucune disposition légale n’institue un RSS central (Cass. Soc., 29 oct. 2010, n° 09-60.484). En suivant la logique, la Cour en déduit qu’un syndicat qui a désigné un DS dans plusieurs établissements distincts dans lesquels il est représentatif ne peut désigner, au niveau de l’entreprise où il n’est pas représentatif, un RSS (Cass. Soc., 22 sept. 2021, n° 20-16.981).
Ce sont les principes qu’elle prend le soin de rappeler dans cet arrêt du 6 avril, pour juger que dès lors qu’il avait constaté que le syndicat avait déjà désigné un DS dans deux établissements dans lesquels il était représentatif, le tribunal judiciaire ne pouvait valider la désignation d’un RSS au niveau de l’UES.
Salarié protégé lanceur d’alerte : le Conseil d’État précise les modalités de contrôle de son licenciement
Lorsque le licenciement du salarié protégé lanceur d’alerte est expressément fondé sur sa dénonciation de faits répréhensibles, les règles de preuves aménagées de l’article L. 1132-3-3 du code du travail ne sont pas applicables. Toutefois, l’administration et le juge saisis d’une telle demande d’autorisation de licenciement pour faute doivent en contrôler les conditions.
La protection du lanceur d’alerte prévoit l’aménagement des règles de preuve lorsque le salarié concerné est sanctionné ou fait l’objet d’une mesure discriminatoire. En effet, l’article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, prohibe tout licenciement, sanction ou discrimination “pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions”. En cas de litige dans ce cadre, “dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles”.
Comment s’articulent ces règles de preuve avec le statut protecteur des représentants du personnel ? C’est dans ce cas l’administration qui octroie ou non l’autorisation de licencier le salarié, et le juge administratif qui contrôle cette décision. Dans cet arrêt inédit du 27 avril 2022, le Conseil d’État fixe les règles applicables.
Signalement par un salarié protégé de faits d’abus de bien sociaux
Dans cette affaire, un salarié, membre du comité d’entreprise, signale des faits susceptibles d’avoir été commis par certains salariés et des responsables de la société, pouvant selon lui recevoir une qualification pénale, notamment celle du délit d’abus de bien sociaux. Il diffuse largement ces déclarations : signalement auprès de l’inspection du travail, de l’Urssaf et du centre des impôts, puis dénonciation dans un courrier adressé aux commissaires aux comptes de la société, avec copie au préfet et au procureur de la République.
Autorisation de licenciement pour faute fondée sur les signalements octroyée
Son employeur demande à l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier ce salarié protégé pour faute, en raison de ce signalement. L’inspecteur refuse mais le ministre du travail autorise le licenciement, et les recours du salarié protégé devant les juges administratifs sont tous rejetés. Le salarié se pourvoit devant le Conseil d’État.
Contrôles de l’administration en cas de demande d’autorisation de licenciement pour faute fondée sur un signalement de faits répréhensibles
Le Conseil d’État commence par préciser les contrôles que doit effectuer l’autorité administrative en cas de demande d’autorisation de licenciement pour faute d’un salarié protégé fondée sur un tel signalement de faits répréhensibles. Dans ce cas, explique le Conseil d’État, en application de l’article L. 1132-3-3 du code du travail, l’autorité administrative doit rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir :
si les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit ;
si le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ;
s’il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi.
Lorsque ces 3 conditions sont remplies, l’autorité administrative doit refuser d’autoriser le licenciement. Quant au juge administratif, ce sont également ces 3 points qu’il doit contrôler. Il forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utile, conformément à l’article L. 1132-3-3 du code du travail.
► Dans cette affaire, la cour administrative d’appel avait relevé que “les accusations relatives à des abus de biens sociaux et à des détournements de fonds n’étaient étayées par aucun élément probant et mettaient en cause la probité de salariés nommément désignés ainsi que la réputation et l’image de la société, le fait qu’elles eussent été formulées dans le cadre des fonctions syndicales de l’intéressé n’étant pas de nature à leur ôter leur caractère fautif”. La cour en déduit que “ces faits constituaient une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement”. Pour le Conseil d’État, le cour a commis une erreur de droit, son contrôle devant porter sur les 3 points résultants de l’article L. 1132-3-3 et pas sur la preuve de la réalité des faits allégués et ses conséquences. Cette solution est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation relative au licenciement des salariés non-protégés lanceurs d’alerte. En effet, un salarié ne peut pas être licencié pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (Cass. soc., 8 juill. 2020, n° 18-13.593).
Pas d’application des règles de preuve aménagées en cas de licenciement pour faute fondé sur un signalement de faits répréhensibles
Le Conseil d’État complète son mode d’emploi en cas de licenciement d’un salarié protégé lanceur d’alerte.
Il écarte l’application des règles de preuve aménagées fixées par l’article L. 1132-3-3 lorsque le licenciement (ou la mesure contestée) est “expressément fondé sur ce signalement”, comme dans cette affaire. En effet, explique le Conseil d’État, cet aménagement des règles de dévolution de la preuve s’applique lorsqu’un salarié conteste des mesures défavorables prises à son encontre comme étant “en réalité, motivées par une déclaration ou un témoignage”, c’est-à-dire lorsque la sanction n’est pas expressément fondée sur le signalement en cause.
► Le Conseil d’État ne le dit pas expressément mais il nous semble qu’il en résulte que si l’autorisation de licenciement est octroyée sur un motif autre, et que le salarié protégé estime qu’il a en fait été sanctionné en raison de sa dénonciation, les règles aménagées de preuves de l’article L. 1132-3-3 trouvent alors à s’appliquer. Dans ce cas, le salarié protégé qui conteste son autorisation de licenciement devra alors “présenter des éléments de fait qui permettent de présumer qu’il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime”. Quant à l’employeur, il devra “prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé”. Le juge formera sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Séverine Baudouin
Clause de loyauté illicite: quel est le point de départ de l’action en réparation du salarié ?
Le délai de prescription de l’action en réparation suite à l’application d’une clause de loyauté illicite court à compter de la mise en œuvre de cette clause et non pas de la date de stipulation de celle-ci. C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation se prononce sur cette question.
Durant toute l’exécution de son contrat de travail, le salarié est tenu à une obligation générale de loyauté envers son employeur, ce qui lui interdit notamment d’exercer une activité concurrente. Il arrive cependant que l’employeur souhaite accentuer cette obligation en insérant dans le contrat de travail une clause spécifique. Tel était le cas, en l’espèce, comme en témoigne un arrêt récent de la Cour de cassation.
Deux ingénieurs consultants signent un contrat de travail contenant une clause de loyauté. Ils contestent sa validité estimant qu’il s’agissait d’une clause de non-concurrence déguisée (elle ne comportait pas de contrepartie financière et avait vocation à s’appliquer aussi après la rupture du contrat de travail). Faisant valoir que l’application de cette clause restreignait leurs possibilités de rechercher du travail, ils saisissent la juridiction prud’homale afin d’obtenir réparation pour ce préjudice. La question se pose alors de savoir quel est le point de départ de l’action indemnitaire fondée sur l’application de la clause de loyauté illicite : s’agit-il de la date de signature du contrat de travail ou de celle de sa mise en œuvre ?
L’action en indemnisation n’était pas prescrite
Réponse des juges du fond : c’est la date de signature du contrat de travail qui compte. C’est en effet à cette date que le préjudice s’est matérialisé pour les salariés (ils ont eu connaissance de la clause litigieuse lors de la signature du contrat de travail). De plus, cette clause litigieuse limitait leurs recherches d’emploi puisqu’ils pouvaient être amenés à en rechercher un à n’importe quel moment de l’exécution du contrat.
La cour d’appel déclare l’action en indemnisation irrecevable car prescrite. Plus de cinq ans s’étaient écoulés entre la signature du contrat de travail et la date de saisine de la juridiction prud’homale. La cour d’appel se réfère ici au délai de prescription de droit commun de cinq ans prévus par l’article 2224 du code civil alors applicable au moment de la conclusion du contrat de travail.
Devant la Cour de cassation, les salariés prétendent, au contraire, que le délai de prescription n’est pas écoulé. Ils font valoir que la clause de loyauté est une clause à exécution successive et que, de ce fait, la prescription court du jour où elle prend fin dans ses effets. De plus, cette clause illicite, qui n’avait pas été annulée par les juges, continuait de lier les parties.
La Cour de cassation leur donne raison et casse l’arrêt. Elle rappelle que la prescription d’une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle celui-ci est révélé à la victime si cette dernière établit qu’elle n’en avait pas eu connaissance avant. Elle en déduit que le dommage causé par une clause de loyauté illicite ne se réalise pas au moment de la stipulation de la clause mais se révèle au moment de sa mise en œuvre. Par conséquent, en l’espèce, l’action indemnitaire n’était pas prescrite puisque le délai n’avait pas couru. Elle était donc recevable.
Françoise Andrieu
Les cinq priorités RH, selon le cabinet Mercer
Le cabinet de conseil Mercer identifie cinq enjeux RH clés pour les entreprises, selon une enquête réalisée auprès de 11 000 participants (dirigeants, responsables RH et salariés) issus de 16 pays différents dont 662 en France. Parmi les priorités, la recherche de “l’authenticité”, en misant sur des pratiques de travail responsables et des stratégies d’investissement durables afin de répondre aux attentes de leurs salariés.
S’y ajoutent le “rééquilibrage employeur-collaborateur” par le biais d’un contrat de “collaboration” plutôt que de “subordination” ; l’investissement dans le bien-être au travail (plateformes de téléconsultations médicales ou d’écoute, politiques de diversité et d’inclusion, réflexion sur la rémunération et les conditions de travail). L’employabilité des équipes et la “remobilisation collective”, via des méthodes de travail innovantes, complètent la liste de ces chantiers.
actuEL CE
Apprécier la gravité d’une faute : essentiel mais pas simple !
En matière disciplinaire et de rupture de contrat de travail, la qualification de la faute est essentielle et une mauvaise appréciation peut remettre en cause la procédure complète. La Cour de cassation en donne une nouvelle illustration dans un arrêt du 13 avril dernier.
Dans cette affaire, un salarié, responsable d’études dans un organisme bancaire, est licencié pour faute lourde pour avoir détruit ou cherché à détruire des données appartenant à son employeur, téléchargé des documents particulièrement sensibles concernant un projet de partenariat mené dans l’entreprise et téléchargé sur son poste de travail un logiciel de violation de mots de passe de messagerie, une pratique évidemment formellement interdite par le règlement intérieur de l’entreprise.
Connecté à la messagerie de sa chef !
Il s’était également, au moyen de ce logiciel de piratage, connecté à la messagerie de sa responsable hiérarchique et avait ainsi pu accéder à sa correspondance, tant professionnelle que personnelle.
Il avait de surcroît enregistré sur son propre poste de travail (dans un dossier sobrement intitulé “Baise la pute” …) des messages et pièces jointes se trouvant dans la dite messagerie. Il avait aussi envoyé à sa supérieure hiérarchique une série de mails “particulièrement déplacés et allusifs” ayant généré chez celle-ci un “malaise s’étant transformé en angoisse”.
Pour l’employeur, l’affaire est entendue : tous ces éléments rendent impossible la poursuite du contrat de travail. Il met le salarié à pied à titre conservatoire avant de le licencier pour faute lourde.
Les juges d’appel écartent la faute lourde et retiennent la cause réelle et sérieuse
L’affaire est portée en appel, où les juges ne partagent pas cette appréciation et requalifient la faute lourde en cause réelle et sérieuse, ce qui n’emporte pas tout à fait les mêmes conséquences indemnitaires pour l’employeur : même si la rupture du contrat est jugée justifiée, il est condamné à verser les indemnités de rupture au salarié (indemnité conventionnelle de licenciement et indemnité compensatrice de préavis).
La Cour de cassation redresse le tir : il y a faute grave
L’employeur se pourvoit en cassation, avec succès : au vu de tous les éléments reprochés au salarié, la Cour de cassation estime que la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ne pouvait s’en tenir à une cause réelle et sérieuse.. La faute grave est finalement retenue. L’employeur n’avait donc pas à verser les indemnités de rupture au salarié, l’indemnité de congés payés restant toutefois due.
Marie Excoffier
De nouveaux organismes autorisés à créer une entreprise adaptée de travail temporaire
Un arrêté du 22 avril 2022 complète la liste des organismes habilités à créer une entreprise adaptée de travail temporaire. Rappelons que c’est la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 qui a décidé d’expérimenter la création d’entreprises de travail de temporaire adaptées afin de favoriser l’accompagnement des personnes en situation de handicap vers des employeurs publics ou privés.
En outre, un autre arrêté fixe la liste des entreprises adaptées retenues pour mener l’expérimentation d’un accompagnement des transitions professionnelles dans le cadre du contrat à durée déterminée “Tremplin”.
actuEL CE
Emploi des jeunes : la génération 2017 mieux insérée que la précédente… jusqu’à la crise sanitaire
Une étude du Cereq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) publiée hier compare l’insertion professionnelle des jeunes à la fin de leur formation. Entre la génération 2010 et la génération 2017, deux crises sont passées : la crise financière de 2008 et la crise sanitaire de 2020. L’étude montre que la génération 2017 s’en sort plutôt mieux que celle de 2010, notamment grâce à la baisse du chômage et à l’élévation du niveau de diplômes. Elle reste cependant très marquée par les effets du premier confinement.
Tous les quatre ans, les équipes du Cereq interrogent un panel de jeunes ayant obtenu leur baccalauréat ou cessé leurs études et qui sortent donc du système éducatif. “Cela permet d’analyser les parcours professionnels par rapport aux variables démographiques, au parcours scolaire et à la formation”, introduit Florence Lefresne, directrice générale du Cereq. La “cohorte” est interrogée deux fois à trois ans d’écart. Hier, le Cereq a présenté les résultats de l’enquête Génération 2017 et les a comparés à ceux de 2010 (voir les documents en pièce jointe). Malgré les images de jeunes attendant leur tour aux centres de soutien alimentaire pendant la crise sanitaire, ils ont donc plutôt bien résisté à la crise. Ce constat diffère cependant selon le niveau de diplôme qui reste un marqueur fort de l’insertion professionnelle.
Les jeunes non-diplômés restent cantonnés aux marges de l’emploi
La génération 2017 est plutôt bien diplômée : “80 % des sortants du système scolaire détiennent au moins le baccalauréat, et 47 % sont diplômés de l’enseignement supérieur”, détaille Elsa Personnaz, chargée d’études au Cereq. Les moins qualifiés sont aussi moins nombreux (en baisse de 4 points par rapport à 2010). L’accès aux études supérieures reste cependant lié à l’origine sociale : 57 % des enfants de cadres sont diplômés du supérieur, contre 8 % des enfants d’ouvriers.
A partir des données collectées pendant trois ans, le Cereq a établi trois grandes catégories de parcours chez la génération 2017 :
l’accès rapide à l’emploi à durée déterminée et indéterminée : elle concerne surtout les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur (83 %). Cette catégorie ne concerne cependant que 57 % des jeunes issus du secondaire et 25 % des non-qualifiés ;
les parcours en suspens : cette catégorie rassemble 20 % des jeunes qui basculent entre des périodes d’insertion professionnelle et des périodes d’exclusion ;
l’exclusion de l’emploi : elle vise 16 % des jeunes. On retrouve ici 50 % de non-diplômés contre seulement 5 % des diplômés de l’enseignement supérieur long ;
les jeunes en contact avec les services d’aide à l’emploi : cette catégorie concerne deux tiers des jeunes et comprend 55 % des jeunes exclus de l’emploi.
Le choc amorti de la crise sanitaire
La génération 2017 est “plus diplômée et évolue dans un climat économique plus favorable”, explique Thomas Couppié, chef du département Entrée et évolution dans la vie active. Le taux de chômage est en effet en baisse de 5 points (18 %) par rapport à celui qu’a connu la génération 2010 (23 %). “L’accès à l’emploi est donc plus facile et plus rapide, jusqu’à la crise sanitaire qui marque le point de rupture avec le gel du marché du travail”, poursuit-il. Les flux d’entrée en entreprise sont alors stoppés net, en baisse de 44 %. Les jeunes accusent le coup : 25 % déclarent avoir dû stopper un processus de recrutement pendant le premier confinement.
Les plus exposés sont les jeunes dont les emplois à durée déterminée arrivent à échéance et ne sont pas renouvelés à cause du Covid. Le taux d’emploi des jeunes baisse de 3 points, un recul bien supérieur à celui que connaît le reste de la population active. Les plus affectés sont encore une fois les non-diplômés, dont le taux d’emploi recule de 3,6 points. Ces derniers vont cependant plus bénéficier que les autres de la reprise économique de l’été 2020 et ainsi récupérer 3,8 points de taux d’emploi. En revanche, le temps reste suspendu pour les diplômés de l’enseignement supérieur : pour eux, le marché de l’emploi reste prudent.
La génération 2017 reste cependant mieux positionnée que la génération 2010 en termes d’emploi. Il faut désormais attendre les prochains résultats car la même population va être bientôt réinterrogée, le Cereq disposant alors d’un délai de profondeur de six années, conclut la directrice scientifique Céline Gasquet.
Marie-Aude Grimont
Avantage en nature : les repas fournis par la cantine aux télétravailleurs peuvent aussi être négligés
La fourniture de repas à la cantine d’un établissement moyennant une participation des salariés constitue un avantage en nature. L’avantage consenti par l’employeur qui en supporte en partie la charge doit être réintégré dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale pour un montant évalué à la différence entre le montant du forfait avantage nourriture (5€ en 2022) et le montant de la participation personnelle du salarié.
Toutefois, afin d’éviter les redressements minimes, l’administration tolère qu’il soit fait abstraction de cet avantage lorsque la participation personnelle du salarié au prix du repas servi par la cantine subventionnée directement par l’entreprise est au moins égale à 50 % de la valeur forfaitaire en vigueur.
Dans une mise à jour du 26 avril 2022, le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) étend cette tolérance aux repas fournis par une cantine d’entreprise, à emporter ou livrés sur le lieu de télétravail du salarié.
► Rappelons que, lorsque la participation du salarié (télétravailleur ou non) au repas est inférieure à 50 % de la valeur de l’avantage nourriture, l’employeur doit réintégrer, dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale, la différence entre cette évaluation forfaitaire et le montant de la participation salariale.
actuEL CE
Un salarié ne peut prétendre au versement d’une prime promise dans une lettre d’intention mais non reprise dans son contrat de travail
Dans cette affaire, une société signe le 3 juin 2015, dans le cadre d’une proposition de rachat d’un fonds libéral, une lettre d’intention avec le gérant de l’Eurl propriétaire du fonds. Cette lettre d’intention envisage le versement au gérant, en plus d’une rémunération mensuelle de 6 000€, de primes annuelles calculées sur le chiffre d’affaires réalisé.
Le 9 octobre 2015, l’acte de cession du fonds ayant été conclu entre l’Eurl et la société, le gérant est engagé en CDI en qualité de responsable ingénieur commercial. Son contrat de travail prévoit le versement d’un salaire mensuel de 6 000 euros, de primes de vacances et de primes d’assiduité, mais pas le versement de primes annuelles fonction du chiffre d’affaires.
Le salarié démissionne en 2017 et réclame en justice le paiement d’un complément des primes annuelles mentionnées dans la lettre d’intention. Son employeur est condamné en appel à lui verser ce complément.
L’employeur se pourvoit en cassation.
Les engagements pris dans une lettre d’intention, non repris dans le contrat de travail suivant cette lettre, sont-ils opposables à l’employeur ?
Non, répond la Cour de cassation.
Pour elle, la cour d’appel n’a pas recherché si le contrat de travail du salarié reprenait l’engagement contenu dans la lettre d’intention du 3 juin 2015 de payer une prime annuelle fonction du chiffre d’affaires ni caractérisé l’existence d’un engagement unilatéral de l’employeur de payer ladite prime. Dès lors, elle n’a pas donné de base légale à sa décision.
Ainsi, à défaut d’une reprise dans le contrat de travail, l’engagement de verser une prime prise dans un document précontractuel n’est pas opposable à l’employeur, à moins de prouver l’existence d’un engagement unilatéral de sa part de maintenir cet avantage.
actuEL CE
La Cour de cassation valide définitivement le barème Macron
Par deux arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation estime que le barème d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse est bien conforme à la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Elle écarte également toute possibilité pour les juges du fond de procéder à un contrôle in concreto lors de la mise en œuvre du barème.
La Cour de cassation vient de mettre un point final au feuilleton judiciaire sur le barème d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu à l’article L.1235-3 du code du travail. Dans deux décisions publiées hier, la Cour de cassation juge le barème Macron conforme à la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), confirmant ainsi la position prise dans ses deux avis du 17 juillet 2019.
Rappelons que cette disposition a été introduite par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail. Elle a fait l’objet de nombreuses résistances de la part de cours d’appel qui ont écarté son application. La Cour de cassation vient remettre de l’ordre en excluant toute possibilité pour les juges de fond de procéder à un contrôle in concreto qui tient compte de la situation personnelle du salarié et leur permettait de déroger aux montants prévus à l’article L.1235-3 du code du travail.
Les deux premières affaires soumises à la Cour de cassation
Dans la première affaire, une salariée licenciée pour motif économique obtient en justice la somme de 32 000€ à titre d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour d’appel avait estimé que l’application du barème reviendrait à lui allouer une somme qui représenterait à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution de ses ressources financières et ne permettait donc pas, compte tenu de la situation concrète et particulière de la salariée, âgée de 53 ans à la date de la rupture, une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT. Cette disposition prévoit en effet, en cas de licenciement injustifié, le versement d’une “indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée” (*).
La Cour de cassation estime que les juges auraient dû se contenter d’apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L.1235-3 du code du travail.
Dans la seconde affaire, c’est le salarié licencié pour motif économique qui conteste la somme de 48 000€ qui lui est allouée à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans cette affaire, le demandeur estime que l’article L.1235-3 du code du travail est contraire à l’article 24 de la Charte sociale européenne. Cette disposition prévoit qu'”en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaître (…) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée”.
La Cour de cassation est amenée ici à trancher la question de l’effet direct de l’article 24 de la Charte sociale européenne en droit interne dans un litige entre particuliers. Elle rejette cet effet direct estimant ainsi que cette disposition ne pouvait pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail et qu’il convenait d’allouer en conséquence à la salariée une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par le code du travail.
Au soutien de sa décision, la Cour de cassation met en avant le fait que “la Charte sociale européenne repose sur une logique programmatique : elle réclame des États qu’ils traduisent dans leurs textes nationaux les objectifs qu’elle leur fixe” et que “le contrôle du respect de cette Charte est confié au seul Comité européen des droits sociaux (CEDS)”. Dès lors, “si des réclamations peuvent être portées devant cette instance, sa saisine n’a pas de caractère juridictionnel : les décisions qu’elle prend n’ont pas de caractère contraignant en droit français”.
Un barème conforme à la Convention OIT n° 158
Dans les deux affaires, il était donc demandé à la Cour de cassation de déterminer si le droit français permet de réparer de “manière appropriée” le licenciement des salariés, et plus spécifiquement si le barème d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse remplit bien ce rôle.
Pour justifier sa réponse positive, la Cour de cassation rappelle d’une part que le barème ne s’applique pas en cas de nullité du licenciement en raison :
de la violation d’une liberté fondamentale ;
de faits de harcèlement moral ou sexuel ;
d’un licenciement discriminatoire ;
d’un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou à une dénonciation de crimes et délits ;
d’un licenciement d’un salarié protégé en raison de l’exercice de son mandat ;
et d’un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections relatives à la grossesse et maternité, au congé de paternité, au congé d’adoption, au congé parental d’éducation et aux périodes de suspension liées à un accidents du travail ou à une maladie professionnelle.
Selon la Haute cour, il est donc inexact de soutenir que le barème ne tiendrait compte que de l’ancienneté du salarié et de son niveau de rémunération. Il dépend aussi “de la gravité de la faute commise par l’employeur”, insiste la Cour de cassation dans son communiqué.
La Cour de cassation souligne d’autre part que le juge peut ordonner le remboursement par l’employeur à Pôle emploi de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Remboursement qui est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées (article L.1235-4 du code du travail).
Dès lors, “au regard de la marge d’appréciation laissée aux États et de l’ensemble des sanctions prévues par le droit français en cas de « licenciement injustifié », la Cour de cassation juge le barème compatible avec l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT”.
La mise à l’écart du contrôle in concreto
Finalement, la Cour de cassation n’a donc pas suivi l’avis de la première avocate générale de la chambre sociale, Anne Berriat, qui plaidait pour la possibilité d’un contrôle in concreto lors de l’application du barème d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse lors de l’audience du 31 mars dernier.
Dans son communiqué, la Cour de cassation justifie clairement la mise à l’écart d’un tel contrôle. “En matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse, un contrôle de conventionnalité in concreto reviendrait pour le juge français à choisir d’écarter le barème au cas par cas, au motif que son application ne permettrait pas de tenir compte des situations personnelles de chaque justiciable et d’attribuer au salarié l’indemnisation « adéquate » à laquelle fait référence l’article 10 de la Convention de l’OIT. Or, ce contrôle créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable, qui serait susceptible de changer en fonction de circonstances individuelles et de leur appréciation par les juges et porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi, garanti à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. La Cour de cassation juge que la détermination du montant réparant le préjudice causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se prête pas à un contrôle de conventionnalité in concreto”.
Hormis les cas précités prévus à l’article L.1235-3-1 du code du travail en cas de nullité du licenciement, l’application du barème ne souffre donc d’aucune exception.
Le CEDS doit encore se pencher sur le barème Macron
La Cour de cassation rappelle dans son communiqué que le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a été saisi de réclamations à l’encontre du barème français. Elle précise toutefois que “les décisions que prendra ce Comité ne produiront aucun effet contraignant, toutefois, les recommandations qui y seront formulées seront adressées au gouvernement français”. Ce n’est pas l’avis des syndicats FO et CGT (voir notre brève dans cette même édition).
(*) La Cour de cassation rappelle que selon le conseil d’administration de l’OIT, le terme “adéquat” visé à l’article 10 de la Convention n° 158 signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part raisonnablement permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
Florence Mehrez
Nouvelles mesures sur le pouvoir d’achat, dividende salarié : les annonces du gouvernement
A l’issue du conseil des ministres hier, le dernier du gouvernement conduit par Jean Castex, Gabriel Attal, son porte-parole, a annoncé que le projet de loi de finances rectificative contenant de nouvelles mesures en faveur du pouvoir d’achat, déjà en cours de préparation, sera présenté “dans la foulée des élections législatives pour pouvoir être adopté très rapidement”, dans le cas bien sûr où la majorité présidentielle serait reconduite à l’Assemblée.
Ce texte comprendra les points suivants :
triplement “pérenne” de la prime Macron;
prolongation jusqu’à fin 2022 du bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie;
adoption d’un dispositif “pérenne et mieux ciblé que la remise des 18 centimes pour le prix du carburant”;
suppression de la redevance de l’audiovisuel public, etc.
Le porte-parole du gouvernement a également annoncé une revalorisation dès le 1er juillet des prestations sociales, l’indexation des retraites sur l’inflation et le versement dès cet été de chèques alimentaires pour les foyers modestes.
Au sujet de la promesse d’Emmanuel Macron d’instaurer un “dividende salarié” (tout versement de dividendes d’une entreprise à ses actionnaires devra s’accompagner de la mise en œuvre d’un dispositif de partage de ses profits en faveur de ses salariés”), le compte-rendu du conseil des ministres indique que ce point, qui fait partie de “la construction d’un nouveau modèle de croissance, productif, écologie et social”, sera “au cœur de l’agenda national qui sera concerté avec les partenaires sociaux et l’ensemble des acteurs”.
actuEL CE
Les syndicats réaffirment leur opposition au barème Macron
La Cour de cassation a jugé hier le barème d’indemnisation Macron en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse conforme à la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) (lire notre article dans cette même édition). FO a rapidement pris position en réaffirmant son opposition “à ce barème impératif, destiné principalement à sécuriser les employeurs”. Le syndicat maintient que l’indemnisation des licenciements injustifiés “doit relever d’une appréciation au cas par cas, ce qu’entrave la définition générale d’un barème”. Il appelle enfin le gouvernement à “veiller à intervalles réguliers” à ce que les réparations soient adéquates “en concertation avec les syndicats”.
De son côté, la CGT estime cette décision “scandaleuse” et contraire à la convention OIT n°158 ratifiée par la France, comme l’a rappelé l’OIT dans son rapport”. Elle entend donc “poursuivre la lutte par l’intermédiaire de ses défenseurs syndicaux et conseillers”. La CGT rappelle que “d’ici quelques semaines, le Comité européen des droits sociaux, également saisi par la CGT, rendra sa décision” et se montre “déterminée à mobiliser tous les moyens pour que la Cour de cassation fasse respecter les engagements internationaux de la France”.
Enfin, Avosial, le syndicat des avocats d’entreprise en droit social s’est au contraire félicité de la décision de la Cour. Il considère que cela “préserve la sécurité juridique et la prévisibilité indispensable à l’activité des entreprises”. Il ajoute que cette décision “ne doit pas surprendre, le barème avait en effet été validé par les trois plus hautes juridictions françaises (Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat et Cour de cassation)”.
actuEL CE
Barème Macron : la fin des contentieux ?
Que penser des arrêts de la Cour de cassation validant le barème Macron ? Julien Icard, professeur de droit privé à l’université Assas Paris 2, en livre une lecture critique. Il pense que ces décisions vont sans doute épuiser la contestation du barème par les juges, mais il note que le Conseil d’Etat n’a pas la même lecture sur l’effet direct que peut avoir la charte sociale européenne, ce qui pourrait avoir des conséquences pour les salariés protégés. Interview.
La Cour de cassation, dans ses arrêts du 11 mai, exclut la possibilité pour les juges saisis d’une demande de réparation d’un préjudice pour un licenciement injustifié de prendre des décisions “in concreto”. Qu’est-ce que cela signifie ?
“In concreto”, c’est la possibilité qu’aurait le juge d’écarter, pour certaines affaires, l’application du barème, le juge estimant que l’application de ce barème ne permet pas l’indemnisation adéquate du salarié par rapport à sa situation particulière, par exemple parce que le barème n’offre qu’une faible indemnisation pour les petites anciennetés alors que le préjudice peut être fort (âge ou handicap d’un salarié le pénalisant dans sa recherche d’emploi, par exemple).
Selon la Cour de cassation, l’approche concrète doit se situer dans les limites du barème
Vous évoquez ici l’un des deux arrêts du 11 mai, qui traite de ce point mais sans le développer. Il nous est simplement dit ici que “l’approche concrète” doit se situer dans les limites du barème. Pour en savoir plus, il faut se reporter à la notice explicative de la Cour de cassation, qui vise l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme, article proclamant l’égalité de tous devant la loi. La Cour de cassation considère donc que l’application”in concreto” créerait une inégalité des justiciables devant la loi. L’argument peut surprendre. Le préjudice, par définition, est personnel et dépend de la situation de chaque salarié : en quoi l’appréciation au cas par cas d’un préjudice crée-t-elle une inégalité devant la loi
Ces décisions clôturent-elles définitivement le sujet du barème des indemnités pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse, 5 ans après les ordonnances de 2017 ? En-a-t-on fini sur ce contentieux ou certains prud’hommes et cours d’appel vont-ils encore résister ?
En tout cas, les juges seront toujours sollicités pour écarter ce barème. Le Syndicat des avocats de France (SAF) a déjà annoncé qu’il continuera de soulever l’inconventionnalité du barème. Mais je pense que les prud’hommes et les cours d’appel se plieront à la volonté de la Cour de cassation, je les vois mal reprendre le flambeau d’une éventuelle résistance. D’un point de vue institutionnel, les magistrats, en tout cas professionnels, suivront la Cour de cassation. Maintenant, il va sans doute se développer un contentieux hors barème…
Le salarié et son conseil peuvent-ils développer de nouvelles stratégies pour tenter d’échapper à ce barème ? Lors de sa création, on a beaucoup évoqué la possibilité de viser le harcèlement, par exemple…
Toutes les hypothèses visant des atteintes à une liberté fondamentale, pour lesquelles le barème ne s’applique pas, vont sans doute être exploitées au maximum. Je pense au harcèlement, mais aussi au lanceur d’alerte, à la liberté d’expression…Il faudra voir si des stratégies visant à dissocier le préjudice de la perte d’emploi elle-même, et donc du barème, vont être employées : un salarié pourrait plaider qu’il a subi un préjudice non lié à son licenciement, mais tenant aux circonstances de la rupture, type circonstances brutales ou vexatoires de la rupture.
La Cour de cassation a dit par avance que l’avis que doit rendre le CEDS (comité européen des droits sociaux) ne serait pas contraignant, alors que la CGT et FO soutiennent que cet avis peut contraindre le gouvernement français à revoir sa législation. Qu’en pensez-vous ?
La Cour de cassation nous dit en effet que la décision à venir du CEDS ne changera rien puisqu’elle considère que l’article 24 de la charte sociale européenne (nldr : sur le droit à une indemnité adéquate) n’est pas d’effet direct. Autrement dit, un justiciable ne peut pas invoquer la méconnaissance de cet article dans un litige en France. Cela rejoint la position qu’avait déjà prise l’assemblée plénière de la Cour de cassation il y a trois ans. C’est assez discutable, mais cela neutralise par avance tout débat à ce sujet. Certes, la Cour de cassation admet que l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) puisse être invoqué, mais elle ajoute que le barème est conforme à cette convention. A ce sujet, la Cour de cassation procéde davantage à une analyse du système d’indemnisation que du barème.
Pour la Cour, l’idée de réparation est bien respectée puisque le barème ne s’applique pas pour certains motifs. Mais l’ampleur du préjudice ne dépend pas toujours de la cause
C’est assez habile. Elle soutient que le barème ne s’applique déjà pas dans toutes les situations et que dans les hypothèses les plus graves, le justiciable est déjà hors barème. Autrement dit, le législateur français a donc bien mis en oeuvre cette idée de réparation appropriée. C’est exact, mais un point important doit être souligné : la cause n’est pas forcément en lien avec la gravité du préjudice. Un salarié ayant peu d’ancienneté qui se voit privé de son emploi alors qu’il est limité dans sa capacité à en trouver un autre fait face à un préjudice important. J’observe que cette question de l’application directe d’un texte international se pose depuis des années pour l’application des directives européennes.
Quel rapport avec les directives ?
Quand un salarié sollicite l’application d’une directive européenne, il peut n’obtenir gain de cause que pour les litiges “verticaux”, c’est-à-dire ceux qui l’opposent à l’Etat ou à une entreprise publique (type RATP) ou à une entreprise privée chargée d’un service public. Dans ces cas-là, une directive peut être directement invoquée. Mais si le litige est purement “horizontal” (un salarié face à une entreprise de droit privé), le salarié ne peut pas invoquer la directive. On retrouve ce débat à propos de la charte sociale européenne. Dans sa décision récente, la Cour affirme que la charte européenne n’a pas d’effet direct entre particuliers, ce qui laisse ouverte la possibilité pour un salarié du public de soutenir que son litige n’est pas privé mais “vertical”. Autrement dit, on en viendrait à n’appliquer le barème que pour les salariés du privé, mais les salariés du public pourraient en être exclus si le barème était jugé incompatible avec la Charte sociale. Mais cela n’est qu’un tout petit aspect des choses.
Cela vous paraît donc irréaliste de miser sur le CEDS pour tenter de faire échec au barème ?
Je ne suis pas devin, mais cela ne m’étonnerait pas que le comité européen des droits sociaux (CEDS) considère, comme il l’a fait pour les barèmes finlandais et italien, que le barème français est contraire à l’article 24 de la charte européenne des droits sociaux.
Si le législateur français ne veut pas bouger, il ne bougera pas
Mais même s’il le disait, la chambre sociale de la Cour de cassation a fait en sorte que cela ne puisse pas être utilisé. La seule chose qui peut être évoquée, c’est la violation par la France de ses engagements internationaux, l’idée étant de la conduire à revoir la loi. Mais si le législateur français ne veut pas bouger, il ne bougera pas. Il y a toutefois un autre point intéressant. En 2014, le Conseil d’Etat, contrairement à la Cour de cassation, a décidé que l’article 24 était d’effet direct (Nldr : l’arrêt portait sur les chambres de métiers et de l’artisanat).
Le Conseil d’Etat pourrait avoir une approche différente, et cela pourrait concerner les salariés protégés
C’est une sacrée différence d’analyse ! Si le CEDS considérait le barème Macron non conforme à l’article 24, le Conseil d’Etat pourrait donc être amené à écarter éventuellement le barème. Comme le contentieux des salariés protégés va devant le Conseil d’Etat, cela pourrait amener la haute juridiction administrative à écarter le barème dans certaines hypothèses. Cela pourrait créer des distorsions par rapport aux autres salariés, contraires à l’idée d’égalité devant la loi. Nous sommes là vraiment devant une situation inédite.
La Cour semble approuver l’argument du législateur selon lequel la peur d’embaucher des employeurs aurait été levée grâce à la sécurisation apportée par le barème…
L’argument est en effet repris dans la notice explicative des arrêts. Selon la Cour, si on substituait au barème légal un arbitraire judiciaire avec le contrôle in concreto, on irait contre la volonté du législateur qui était de créer une forme de sécurisation de la rupture du contrat de travail. Pascal Lokiec (*) a parlé de “violation efficace de la loi” : le légisateur a créé une cause réelle et sérieuse pour éviter les licenciements abusifs, mais il admet dans le même temps que l’employeur puisse calculer à l’avance le coût de la méconnaissance de cette cause réelle et sérieuse, bref le coût de la violation de la loi.
(*) Professeur de droit social à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Pascal Lokiec préside l’Association française de droit du travail et de la sécurité sociale (AFDT).
Bernard Domergue
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : CESE, fonction publique, formation, handicap, nominations
Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du vendredi 26 mai au jeudi 12 mai inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branches que vous retrouvez une fois par mois dans nos colonnes.
Un arrêté du 28 avril 2022 porte création de comités sociaux d’administration ministériels (instance équivalente au CSE dans le secteur privé), de l’administration centrale, des services déconcentrés et des établissements publics des ministères chargés de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Un arrêté du 22 avril 2022 institue des comités sociaux d’administration au ministère des armées.
Un arrêté du 6 mai 2022 porte création du comité social d’administration de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.
Formation
Un arrêté du 9 mai 2022 modifie l’arrêté du 7 décembre 2005 fixant le programme et les modalités de l’examen d’aptitude à la profession d’avocat.
Handicap
Un arrêté du 22 avril 2022 fixe la liste des organismes habilités à créer une entreprise adaptée de travail temporaire.
Un arrêté du 22 avril 2022 fixe la liste des entreprises adaptées retenues pour mener l’expérimentation d’un accompagnement des transitions professionnelles en recourant au contrat à durée déterminée conclu en application de l’article L. 1242-3 du code du travail.
Nominations
Un arrêté du 10 mai 2022 porte nomination au Comité national de prévention et de santé au travail du Conseil d’orientation des conditions de travail.
actuEL CE
Neuf candidats sur dix souhaitent connaître le salaire avant de candidater
Selon une enquête d’HelloWork, un site de recrutement, réalisée auprès de 1 724 candidats, et publiée hier, le salaire est l’élément jugé le plus important dans une offre d’emploi par les candidats. Or un tiers des recruteurs seulement disent l’indiquer systématiquement. Selon HelloWork, “donner une tranche de salaire apparaît comme une possibilité plébiscitée tant par les candidats que les recruteurs si elle ne dépasse pas 5 000€”.
Par ailleurs, près de neuf candidats sur dix jugent important d’être informés des étapes du process de recrutement et des entretiens avant qu’ils se déroulent.
A noter : l’offre d’emploi demeure incontournable. C’est l’outil le plus utilisé à la fois par les candidats (91 %) et par les recruteurs (96 %). Mais d’autres canaux de recrutement existent. Les services publics de l’emploi arrivent en deuxième position chez les recruteurs (87 %), comme chez les candidats (60 %). Les bases de CV (ou CVthèques) utilisées par 55 % des candidats et 74 % des recruteurs constituent le troisième canal de recrutement. Le réseau professionnel ou personnel, les salons emploi et jobdatings virtuels, viennent compléter les solutions utilisées par les candidats, alors même que les recruteurs y sont relativement nombreux.
actuEL CE
La lettre de notre avocat
Newsletter LBBA avril 2022
CONTRAT DE TRAVAIL – EXECUTION :
Horaire de travail, modification du contrat de travail : la modification de l’horaire de travail du salarié ne constitue pas une modification du contrat de travail sauf si ce changement est important et bouleverse le contrat de travail initial. Le passage d’un horaire discontinu à un horaire continu ou d’un horaire fixe à un horaire variant selon un cycle constitue un changement important qui emporte modification du contrat de travail et nécessite l’accord exprès du salarié (Cass, soc, 16 mars 2022, n°21-10147).
Fixation des congés, délai de prévenance : sauf circonstances exceptionnelles, l’employeur ne peut pas modifier l’ordre et les dates de départ en congés moins d’un mois avant la date de départ prévue (article L.3141-16 du Code du travail). Cette règle s’applique également à la 5ème semaine de congés payés et aux congés conventionnelle, sauf stipulation conventionnelle contraire. Or, une grève ne constitue pas une circonstance exceptionnelle justifiant une dérogation au délai de prévenance (Cass, soc, 2 mars 2022, n°20-22261).
Rappel de prime, engagement préalable à l’embauche : le salarié n’est pas fondé à réclamer à l’employeur un complément de salaire au titre de primes annuelles dont le versement était prévu par une lettre d’intention préalable à l’embauche dès lors que son contrat de travail ne reprend pas l’engagement contenu dans la lettre d’intention et que l’employeur n’a pris aucun engagement unilatéral de payer ladite prime (Cass. Soc. 13 avril 2022, n° 20-20.201).
Proposition d’embauche, part variable non fixée : la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie accorde à l’autre le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. Une proposition ne vaut pas contrat de travail lorsque les pourparlers sur la détermination de la part variable de la rémunération se sont poursuivis (Cass. Soc. 13 avril 2022, n° 20-22.454).
Préavis de grève, services publics : la cessation de travail d’un salarié pour appuyer des revendications professionnelles formulées dans le cadre d’un préavis de grève déposé par une organisation syndicale représentative dans une entreprise gérant un service public constitue une grève, peu important le fait qu’un seul salarié se soit déclaré gréviste (Cass. Soc. 21 avril 2022, n° 20-18.402).
Grève, soutien d’un salarié licencié pour motif personnel : ne relève pas de l’exercice du droit de grève un arrêt de travail destiné à soutenir un salarié licencié pour des motifs strictement personnels (Cass. Soc. 6 avril 2022, n° 20-21.586).
TRANSFERT DU CONTRAT DE TRAVAIL
Transfert d’entreprise, recours en garantie du premier employeur : la résiliation, par le propriétaire d’un établissement constituant une entité économique autonome, du contrat de gestion confié à un prestataire de services emportant retour de l’entité au propriétaire, celui-ci est tenu de poursuivre les contrats de travail du personnel attaché à l’entité, dès lors que celle-ci demeure exploitable au jour de sa restitution par le gestionnaire. Le premier employeur qui, en conséquence du refus du repreneur de poursuivre les contrats de travail, a procédé au licenciement des salariés attachés à l’activité transféré, dispose d’un recours en garantie contre celui-ci, lorsque ce refus est illicite (Cass. soc., 20 avril 2022, n° 20-12.444).
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Procédure disciplinaire conventionnelle, droit à un procès équitable : le conseil de discipline ayant un rôle purement consultatif ne constitue pas un tribunal au sens de l’article 6.1 de la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de sorte que les dispositions de ce texte ne lui sont pas applicables. Si l’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d’une garantie de fond et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu’elle a privé le salarié des droits de sa défense ou lorsqu’elle est susceptible d’avoir exercé une influence sur la décision finale de licenciement par l’employeur, elle n’est pas de nature à entacher le licenciement de nullité (Cass. soc., 6 avril 2022, n° 19-25.244).
Preuve de la perte de chance d’être recruté, office du juge : lorsque le juge relève qu’un salarié ne s’est pas vu remettre par l’employeur les certificats attestant des formations suivies, et qu’il était dans l’impossibilité de les présenter et avait de ce fait perdu une chance d’être recruté sur certaines offres d’emploi, il ne peut pas refuser d’évaluer cette perte de chance et débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts au seul motif que le salarié ne verse aux débats aucun document permettant à la cour d’évaluer précisément le préjudice subi du fait de la perte de cette chance (Cass. Soc. 13 avril 2022, n° 20-21.501).
Licenciement, abus de la liberté d’expression : n’est pas disproportionné et ne porte donc pas une atteinte excessive à la liberté d’expression le licenciement d’un animateur télévisé ayant fait une « blague » misogyne et injurieuse, dès lors que son contrat de travail lui interdisait toute complaisance à l’égard des propos risquant d’exposer des personnes à la haine ou au mépris et toute valorisation de la violence et du sexisme, et que, compte tenu de l’impact potentiel des propos réitérés de l’intéressé, reflétant une banalisation des violences à l’égard des femmes, sur les intérêts commerciaux de l’employeur, cette rupture poursuit un but légitime de lutte contre les discriminations à raison du sexe et contre les violences domestiques et celui de la protection de la réputation et des droits de l’employeur (Cass. Soc. 20 avril 2022, n° 20-10.852).
LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE
Homologation du PSE, validité du mandat des membres du CSE : pour homologuer un PSE, l’administration doit s’assurer que le CSE a été régulièrement consulté. Tel n’est pas le cas lorsque plusieurs membres du CSE consulté ne disposaient plus d’un mandat valable du fait de son expiration (CAA Bordeaux, 11 avril 2022, n°22BX00161).
PSE, transparence financière du syndicat signataire : lorsque l’administration est saisie d’une demande de validation d’un accord d’entreprise portant plan de sauvegarde de l’emploi, elle doit vérifier que les syndicats signataires satisfont au critère de transparence financière conditionnant leur représentativité, ce qui suppose que les syndicats aient publié leurs comptes, sauf à ce qu’ils puissent faire état de l’accomplissement de cette obligation de publicité par des mesures équivalentes (Conseil d’Etat, 6 avril 2022, n° 444460).
PSE, mesures de prévention des risques : il appartient à l’autorité administrative, dans le cadre d’une réorganisation donnant lieu à l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi, de vérifier le respect par l’employeur de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Les éléments relatifs aux mesures de prévention des risques psychosociaux ayant été complétés par la société postérieurement à la signature de l’accord collectif et à la demande de l’administration, mais sans proposition d’un avenant à l’accord, ou demande d’homologation d’un document unilatéral, la validation du PSE est intervenue au terme d’une procédure irrégulière (CAA Versailles, 13 avril 2022, n° 22VE00248).
Licenciement économique dans le cadre d’un PSE, compétence prud’homale : la juridiction prud’homale est compétente pour connaître d’une demande relative à la réalité de la suppression d’emplois et à l’application par l’employeur des critères d’ordre des licenciements. L’autorité administrative est compétente pour apprécier la définition même des catégories professionnelles au regard des emplois existants dans l’entreprise au moment de l’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi, et pour apprécier la conformité des critères et de leur pondération au regard des dispositions légales et conventionnelles (Cass. soc., 20 avril 2022, n° 20-20.567).
Reclassement du salarié, recherches sérieuses : pour apprécier si l’employeur a satisfait à son obligation de recherche de reclassement, l’autorité administrative doit s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, qu’il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié sur le territoire national ainsi que, pour autant que l’article L. 1233-4-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 soit encore applicable, lorsque le salarié l’a demandé, hors du territoire national, d’une part, au sein de l’entreprise, d’autre part dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel (CE, 12 avril 2022, 443229).
SALARIE PROTEGE
Autorisation de licenciement, lanceur d’alerte : lorsqu’un employeur demande une autorisation pour un licenciement explicitement fondé sur les faits dénoncés par le salarié, le régime de preuve aménagé prévu à l’article L.1332-3-3 du Code du travail n’est pas applicable. En pareille situation, l’autorisation de licenciement doit être refusée lorsque les conditions suivantes sont réunies : les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou délit ; le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ; le salarié a dénoncé de bonne foi les faits. En l’espèce, en considérant, pour autoriser le licenciement, que les faits présentés par le salarié n’étaient pas suffisamment étayés, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit (CE, 4ème– 1ère chambres réunies, 27 avril 2022, n°437735).
Annulation d’une autorisation de licenciement, indemnisation due : le salarié protégé réintégré après l’annulation d’une autorisation de licenciement a droit à la totalité des salaires perdus pendant la période d’éviction. La majoration d’impôt sur le revenu due au versement de cette somme ne peut pas donner lieu à une indemnisation supplémentaire (Cass. Soc. 6 avril 2022, n° 20-22.918).
SANTÉ ET SECURITÉ AU TRAVAIL
Accident du travail : ayant constaté que le salarié s’était suicidé le lendemain d’une réunion au cours de laquelle la fermeture du site dans lequel il travaillait a été décidée, ce qui apparaissait comme un élément déclencheur, cette annonce étant intervenue à l’issue d’un long processus pendant lequel le salarié était resté dans l’incertitude sur son avenir professionnel, ce qui l’a confronté à l’isolement et à l’incompréhension auxquelles s’ajoutait une dégradation de ses conditions de travail, la cour d’appel a fait ressortir que ce suicide, intervenu par le fait du travail, devait être pris en charge à titre professionnel (Cass. 2ème civ., 7 avril 2022, n° 20-22.657).
ÉLECTIONS
Régularité des élections professionnelles : en matière d’élections professionnelles, l’utilisation d’une urne non transparente ne constitue pas une violation d’un principe général du droit électoral, et n’entraîne pas automatiquement la nullité de l’élection, sauf à rechercher si l’irrégularité constatée a exercé une influence sur le résultat des élections ou si elle a été déterminante de la qualité représentative des organisations syndicales dans l’entreprise (Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-23.225).
IRP, FONCTIONNEMENT, PÉRIMETRE
Réunions des représentants du personnel, temps de trajet : le représentant syndical au comité d’entreprise ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de son mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail. Ayant constaté que le salarié, en exécution de ses fonctions de délégué syndical, s’était rendu aux réunions du comité central d’entreprise dans la région parisienne, organisées à l’initiative de l’employeur, en a déduit à bon droit que le salarié était fondé à réclamer la rémunération de son temps de trajet effectué pendant et hors l’horaire normal de travail, pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail, et a souverainement évalué le rappel de salaire dû à ce titre. Cette solution est transposable au CSE (Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-17.038).
Expertise du CHSCT, prévention contre les risques d’exposition au coronavirus : dès lors que, tenue de prévenir autant que possible l’exposition de ses agents au virus SARS-Cov-2 à l’origine de la maladie Covid-19 en considération des modes de transmission faisant l’objet d’un consensus sur le territoire français, la société La Poste avait rendu le port du masque obligatoire et avait pris des mesures de désinfection, d’information et d’organisation de nature à assurer les conditions de distanciation sociale et d’hygiène conformes aux recommandations du gouvernement, le tribunal judiciaire a pu décider qu’elle avait pris des mesures de prévention adaptées et que l’existence d’un risque grave justifiant le recours à une expertise par le CHSCT n’était pas caractérisée (Cass. Soc. 21 avril 2022, n° 20-21.318).
SYNDICATS
Action du syndicat, recevabilité, non-respect d’un accord de branche : la violation par un employeur des dispositions d’un accord de branche cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qui rend recevable la demande de dommages et intérêts formulées par un syndicat. En l’espèce, le syndicat s’était joint à l’action d’une salariée demandant des rappels de salaire pour non-respect des minima conventionnels prévus par une convention collective (Cass, soc, 20 janvier 2021, n°19-16283).
Négociation collective, fusion de branche : lorsque les partenaires sociaux décident, en vertu du principe de la liberté contractuelle, de procéder à la fusion de plusieurs branches professionnelles existantes, doivent être invitées à cette négociation, en application du principe de concordance, toutes les organisations syndicales représentatives dans une ou plusieurs des branches professionnelles préexistantes à la fusion (Cass. soc., 21 avril 2022, n° 20-18.799).
Critère de transparence financière, preuve de la véracité des comptes : Tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, satisfaire au critère de transparence financière. Les documents comptables dont la loi impose la confection et la publication ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière, leur défaut pouvant dès lors être suppléé par d’autres documents produits par le syndicat et que le juge doit examiner. Une cour d’appel ne saurait dire que le syndicat justifie de sa transparence financière alors qu’il résultait de ses constatations qu’il n’avait présenté aux débats qu’un compte de résultat publié sur son site, sans présenter ni bilan ni annexe simplifiée, ni aucun autre document permettant d’établir la véracité des comptes (Cass. Soc. 6 avril 2022, n° 20-20.423).
SCP d’avocats inscrite aux barreaux de Paris et de Rennes