Archives de catégorie : Newsletter Actu Sociale N°51

PROTECTION SOCIALE

Retraites : les seniors victimes des réformes

Dans son ouvrage publié en 2021, « Réformer les retraites », Bruno Palier dresse les bilans et perspectives de plus de 70 ans de retraites en France. Ce livre reste d’une brûlante actualité avec le projet d’Emmanuel Macron de repousser l’âge légal de départ de 62 à 64 ou 65 ans. Une réforme loin d’être anodine pour les seniors si l’on en croit le directeur de recherche CNRS à SciencesPo.

L’opuscule de 158 pages publié dans la collection Références des Presses de SciencesPo a tout d’un livre majeur pour expliquer les retraites. Si son titre à l’infinitif peut sonner comme un impératif au premier abord, tel n’est pas le propos de l’auteur. Car Bruno Palier ne milite pas tambour battant pour une réforme. Il déchiffre pour le lecteur les orientations et enjeux de ce système qui agite la vie politique française depuis près de trente ans.

Les arguments de la classe politique en faveur des réformes ne manquent pas : espérance de vie, papy-boom, pressions européennes, dette publique… Mais Bruno Palier sait garder la bonne mesure avec les arguments de nos gouvernants. Il note que jusqu’au début des années 1990, les gouvernements confrontés aux déficits des régimes prennent l’option politique la moins risquée : augmenter les cotisations. De 1985 à 1991, les cotisations retraite des salariés passeront de 4,7 % à 6,55 %.

Bruno Palier décrypte ensuite les successions de réforme. En 1993, c’est le basculement. La vraie première réforme des retraites entre en scène. Mode de calcul des pensions en référence aux 25 meilleures années, hausse de la durée de cotisation de 37,5 à 40 ans, création d’un fonds de solidarité vieillesse, cette réforme Balladur crée des axes qui vont irriguer les réformes suivantes.

Origines et enjeux de l’âge légal

Les pages de l’ouvrage consacrées à la question de l’âge légal et à ses effets entrent particulièrement en résonance avec le projet Macron qui sera présenté aux partenaires sociaux à l’automne prochain. L’auteur en retrace les évolutions. L’âge légal de départ en retraite émerge en 2003 avec la réforme Fillon. Sont mises en place une surcote en cas de départ au-delà de 60 ans et une décote en cas de retraite avant cet âge et d’années de cotisations manquantes. Le sujet revient dans la réforme Sarkozy de 2010 qui le repousse à 62 ans.

Report de l’âge légal et allongement de la durée de cotisation créent ainsi selon l’auteur un risque inquiétant : voir de moins en moins de Français effectuer une carrière complète. “Dès lors, analyse Bruno palier, faire en sorte que les Français (…) travaillent plus longtemps est devenu un enjeu central des réformes”.

Travailler plus longtemps mais jusqu’à quand : les préretraites et l’âge légal

L’allongement de la durée du travail pour financer les retraites contre les problématiques sur la tranche d’âge au-delà de 50 ans. Et disons-le clairement, Bruno Palier est inquiet pour les seniors. Le chercheur explique qu’ils subissent en effet plusieurs décennies de réformes hasardeuses en matière de préretraites. Celles-ci ont été “multipliées à partir de la fin des années 1970 pour accompagner les restructurations industrielles et retirer les salariés les plus âgés du marché du travail”. Jugées ensuite trop coûteuses, elles ont été réduites “mais de nouveaux dispositifs sont toujours venus remplacer les précédents”, constate le chercheur.

Sur ce terreau arrive en 2003 la réforme Fillon qui réduit le taux d’emploi des seniors en favorisant les préretraites. Selon Bruno Palier, le succès des “retraites anticipées pour carrière longue” a abaissé l’âge de liquidation des retraites de 62 ans en 2000 à 61,1 ans en 2007. Ce taux d’emploi est cependant remonté à partir de 2008 via le durcissement des règles de départ anticipé.

Pour Bruno Palier, le problème reste entier : d’une part les préretraites n’ont pas rempli leur objectif de “laisser la place aux jeunes”, et d’autre part “les employeurs continuent de se séparer des salariés vieillissants”. L’optimisation salariale des entreprises pousse les seniors dehors car ils coûtent souvent plus cher qu’une jeune recrue sans expérience. Les tentatives d’inverser la tendance ont rencontré des succès mitigés. Par exemple, le contrat de génération créé en 2013 subventionnait l’employeur qui embauchait un jeune en CDI tout en gardant un senior. Il a été abandonné en 2017-2018.

Les seniors pris entre deux feux

L’auteur craint donc des seniors coincés au milieu du gué, les gouvernements n’envisageant pas les politiques de l’emploi comme une solution au financement des retraites. Ni en emploi ni en retraite, c’est le risque principal des seniors dans les années à venir si le marché du travail reste tel quel. En fin de droits de chômage (rappelons que la dernière réforme de l’assurance chômage réduit les droits des assurés), et pas encore en retraite, ils seraient donc allocataires du RSA.

La boucle reviendrait alors sur elle-même. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les retraites sortent les personnes âgées d’une pauvreté chronique. Au long de la seconde moitié du XXème siècle et du début du XXIème, la tendance s’inverse et les baby-boomers perçoivent d’excellentes pensions. Les jeunes à l’inverse peinent à entrer sur le marché du travail. La pauvreté se déplace des personnes âgées aux jeunes. Les reports de l’âge légal risquent donc d’étendre l’indigence sur la tête des plus âgés.

Toujours pédagogique, l’ouvrage réussit le tour de force de faire parcourir 77 ans d’histoire des retraites sans jamais tomber dans un excès de technicité. Il met ainsi en perspective à la fois les réformes passées et à venir. Une réussite qui devrait en faire une voix majeure dans les mois qui viennent.

► Bruno Palier, “Réformer les retraites”, SciencesPo Les Presses, 2021

Pourquoi les Français sont-ils opposés au report de l’âge légal ?
  Bruno Palier explique aussi les résistances des Français aux réformes des retraites. Les sondages relatés dans son livre montrent qu’entre les deux tiers et les trois quarts des Français refusent un report de l’âge légal. “L’allongement des carrières est donc en contradiction avec le souhait des Français de quitter le travail le plus tôt possible”, souligne le chercheur. Mais pourquoi un tel phénomène ? Il peut certes s’expliquer par des raisons personnelles de santé ou de famille, comme le souhait de s’occuper de petits-enfants. Mais Bruno Palier va plus loin. Il explique les résistances par “un rythme toujours plus soutenu au travail”, le stress et la détérioration du climat professionnel : “Pour rester compétitives dans une économie globalisée, les entreprises ont choisi de ne garder que les salariés les plus productifs et de leur demander de travailler toujours plus intensément”. Comme l’a analysé la Caisse nationale d’assurance vieillesse en 2008, “il semble que les nouvelles valeurs managériales (…) aient amené à des restrictions de personnel et ainsi contribué à l’accroissement de la charge de travail”. Un management qui pousse parfois les salariés au suicide comme chez France Télécom, mais qui explique aussi selon Bruno Palier “pourquoi ceux qui travaillent ne veulent pas le faire plus longtemps”. De l’autre côté du fossé du chômage, “ceux qui n’ont pas accès à l’emploi ne comprennent pas qu’on leur demande de travailler plus longtemps alors qu’ils n’ont même pas la possibilité de le faire”. Améliorer les conditions de travail et trouver de vraies politiques de l’emploi seraient donc deux moyens efficaces pour résoudre le financement des retraites. Reste à savoir si la prochaine réforme menée par le nouveau ministre du Travail Olivier Dussopt saura tenir compte de ces pistes.

Marie-Aude Grimont

IRP

Une ministre de l’industrie à la transition énergétique

Agnès Pannier-Runacher devient ministre de la Transition énergétique, un domaine crucial compte tenu de la hausse des prix de l’énergie et de l’enjeu du changement climatique. Au ministère de l’Industrie, cette ancienne cadre dirigeante du privé, énarque et diplômée d’HEC, a commis quelques petites phrases pour le moins maladroites, mais elle a aussi montré un engagement très fort pour le monde industriel, assurent certains syndicalistes membres du conseil national de l’industrie, quand d’autres critiquent un bilan industriel négatif.

Les réseaux sociaux se sont beaucoup moqués de cette vidéo où l’on voit Agnès Pannier-Runacher, lors d’une opération de communication en faveur de l’industrie, tenir un discours un brin naïf et décalé sur cet univers économique : “J’aime l’industrie car c’est l’un des endroits où l’on retrouve encore, au XXIe siècle, de la magie. La magie de l’atelier où on ne distingue pas le cadre de l’ouvrier, l’apprenti de celui qui a 30 ans d’expérience (…). Il faut être fier de l’industrie. Lorsque tu vas sur une ligne de production, ce n’est pas une punition”. Il faut aussi rappeler cette déclaration d’avril 2020 alors très mal perçue par les organisations syndicales mais aussi par les travailleurs de deuxième ligne : la ministre déléguée à l’industrie expliquait alors que les Français devraient travailler plus pour rattraper « le mois perdu « du fait de la pandémie et du confinement.

Déclarations illustrant la déconnexion d’une ministre qui a été cadre dirigeant dans le privé ? Simples maladresses cachant un tempérament et un sens des réalités très forts ? Si l’on suit les propos du délégué national à l’industrie de la CFE-CGC, on peut opter pour cette dernière hypothèse. En effet, au sein du conseil national de l’industrie, où il représente la CFE-CGC, Xavier Lecoq a souvent côtoyé Agnès Pannier-Runacher quand elle était ministre délégué à l’industrie. Lors d’une réunion tenue juste avant le confinement, il se souvient avoir vivement critiqué les conditions de l’appel d’offres lancé par le gouvernement sur la 5G : “Ça ne lui a pas plu du tout. A la fin de la réunion, elle m’a couru après en m’appelant par mon prénom pour qu’on en rediscute. C’est assez rare de voir ça chez un ministre. Elle est tenace”.

Une présence sur le terrain

La ministre s’est en effet beaucoup impliquée dans l’industrie, estime le syndicaliste : “Je l’ai vue aller sur le terrain, ne pas hésiter à prendre des coups dans des situations difficiles, comme lors de son déplacement sur le site de Bosch à Rodez”, alors que le problème de la reconversion d’un site dédié au diesel automobile se posait crûment. Agnès Pannier-Runacher a également accepté de tenir les réunions exceptionnelles que lui demandaient les représentants syndicaux, au sujet du Covid ou de la guerre en Ukraine, salue Xavier Lecocq en notant que la ministre, diplômée de l’ENA, de Sciences PO et de HEC, connaît aussi le privé : elle a en effet été cadre dirigeante chez Faurecia, à la Compagnie des Alpes, chez Elis, etc (*).

Enfin, le délégué national CFE-CGC rappelle cette séquence de la Bataille de l’acier, ce documentaire consacré à l’aciérie d’Ascoval, près de Valenciennes : “On la voit le matin se préparer dans le train à annoncer aux salariés la fermeture du site. Mais après avoir rencontré les salariés et les élus locaux, elle finit par changer d’avis et se dire qu’une solution de reprise est possible. Ce n’est pas fréquent !”

Une politique industrielle contestée

Ce portrait assez favorable est nettement tempéré par Marie-Claire Cailletaud, qui représente la CGT au conseil national de l’industrie. Certes, nous dit-elle, le contact était bon avec Agnès Pannier-Runacher, “c’est quelqu’un de disponible”. Mais sur le plan de la politique industrielle, enchaîne-t-elle, son bilan n’est pas bon : “Sans doute n’avait-elle pas de marges de manœuvre, mais quand nous lui parlions de la nécessité de relocaliser la production de masques en France, elle nous répondait qu’il fallait diversifier les approvisionnements”.

Pendant le premier quinquennat Macron, ajoute la représentante CGT, si le déficit de la balance commerciale française a atteint des records, c’est notamment parce que l’industrie a continué de fondre : “Nokia a supprimé des postes à Lannion, Sanofi a continué à tailler dans sa recherche et des sous-traitants automobiles comme la Sam (300 emplois dans l’Aveyron) sont aujourd’hui menacés de délocalisation”. A ses yeux, Agnès Pannier-Runacher et Bruno Le Maire, son ministre de tutelle, n’ont pas imposé aux grands groupes d’avoir d’autres relations avec leurs sous-traitants, “par exemple en partageant le coût des externalités environnementales”, analyse la syndicaliste CGT en déplorant l’absence de contreparties aux aides type crédit d’impôt recherche. Et Marie-Claire Cailletaud de conclure : “Si elle conduit la même politique ailleurs, le bilan ne sera pas bon !” C’est ce qu’on appelle un point de vue tranché. 

La connaissance de l’économie et de Bercy, un atout pour la transition écologique 

Pour autant, on peut aussi penser que la connaissance par la nouvelle ministre des filières industrielles, des enjeux liés à la compétitivité et à la décarbonation de l’économie française, ainsi que sa maîtrise des rouages de Bercy, un ministère puissant, constitueront des avantages pour sa mission. Agnès Pannier-Runacher, pressentie un temps au ministère du travail, accède en effet à un portefeuille de plein exercice, celui de la transition énergétique, elle qui n’était que ministre déléguée du ministre de l’économie, Bruno Le Maire. 

D’ici l’été, en cas de majorité législative pour le parti d’Emmanuel Macron, la ministre va devoir trouver sa place dans le nouveau dispositif gouvernemental censé mettre en musique la planification écologique promise par le président de la République.

3 ministères pour un dossier

En effet, ce ne sont pas moins de trois personnes qui vont gérer ce dossier. Comme Matignon veut piloter l’ensemble, il y a d’abord la création d’un nouveau secrétariat d’Etat à la planification écologique. Assuré par Antoine Peillon, ce secrétariat rattaché à la Première ministre Elisabeth Borne sera chargé, dit Matignon, “de coordonner l’élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire” et il veillera à “à la bonne exécution des engagements pris par tous les ministères en matière d’environnement”.

Il y aura ensuite Amélie de Montchalin. L’ancienne ministre de la Fonction publique devient ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires : “Les Français attendent de nous des résultats concrets et rapides. Ils peuvent compter sur moi (…) Nous devons atteindre la neutralité carbone en 2050, nous devons réduire de 40% nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et nous devons rétablir notre biodiversité”, a-t-elle déclaré vendredi.

Enfin, il y a Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. ll lui incombera, si l’on comprend bien les propos d’Elisabeth Borne lors de son interview vendredi soir sur TF1, d’accélérer la transition des filières économiques, mais aussi de réaliser la promesse du candidat Macron de proposer rapidement aux Français l’accès moyennant 100 euros par mois à la location d’une voiture électrique.

“La concertation sera au cœur de mon action”

Lors de la passation des pouvoirs, effectuée dès vendredi soir, Agnès Pannier-Runacher a jugé que l’urgence était “de contenir les prix de l’énergie et de permettre aux Français de s’équiper pour se passer des énergies fossiles”. La nouvelle ministre a rappelé les engagements d’Emmanuel Macron en matière d’écologie concernant le nucléaire (construction de 6 nouveaux réacteurs), le parc éolien en mer (construction de 50 parcs d’ici 2050), l’énergie solaire (“multiplier par 10 notre puissance solaire”), la filière hydrogène, sans oublier le conditionnement de la rémunération des dirigeants des grandes entreprises au respect des objectifs environnementaux et sociaux…Mais elle a aussi précisé qu’il n’était pas question que la transition énergétique dégrade la compétitivité des entreprises ni le pouvoir d’achat des Français. Enfin, en promettant “de mettre la concertation” au cœur de son action, elle a cité les organisations syndicales comme l’un des interlocuteurs “pour co-construire des politiques efficaces”…

Un parcours dans le public et dans le privé 
Agée de 48 ans, Agnès Pannier-Runacher est diplômée d’HEC (Hautes études commerciales), de Sciences Po, et de l’ENA, où elle a côtoyé Alexis Kolher, l’actuel secrétaire général de l’Elysée. Inspectrice des finances pendant 3 ans, elle a été directrice de cabinet à l’APHP (hôpitaux de Paris), directrice adjointe de la Caisse des dépôts et consignations, directrice exécutive du Fonds stratégique d’investissement. Elle a également occupé plusieurs postes de cadre dirigeante dans le privé, comme directrice de division R&D chez Faurecia, directrice déléguée de la Compagnie des Alpes, administratrice de plusieurs sociétés (Bourbon, Elis, Ashoka, etc.). Elle a été nommée en octobre 2018 secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie puis ministre déléguée chargée de l’industrie en juillet 2020. A Bercy, elle a été confrontée à la question de l’approvisionnement en masques pendant la crise sanitaire, aux restructurations industrielles et elle a mis en œuvre le plan de relance industriel lancé après la crise sanitaire.

Bernard Domergue

Suppléants du CSE : précision sur le recours aux candidats non-élus

Il est nécessaire d’appliquer strictement les règles de suppléances prévues à l’article L. 2314-37 du code du travail avant de procéder à l’organisation d’élections partielles. La Cour de cassation rappelle les règles applicables et adopte une solution extensive sur le remplacement par les candidats non-élus.

Des élections partielles sont organisées à l’initiative de l’employeur si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de 6 mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique (C. trav., art. L. 2314-10). 

Dans ce cadre, il a toujours été considéré qu’il faut faire jouer les règles de suppléance au préalable. Ainsi, un collège n’est plus représenté ou le nombre de titulaires du CSE est réduit de moitié, uniquement lorsque le recours aux suppléants est épuisé. C’est sur cette question que la Cour de cassation se prononce dans cet arrêt du 18 mai 2022 publié sur son site. 

Départs en série du CSE

Dans cette affaire, il y a deux collèges au CSE. Le titulaire, puis le suppléant du premier collège, démissionnent, l’un de son mandat, l’autre de l’entreprise. Considérant qu’un collège n’est plus représenté, l’employeur organise des élections partielles, ce que le syndicat qui a présenté ces candidats, la CFDT, conteste. Il saisit donc le tribunal judiciaire afin que l’un de ses candidats non-élus du deuxième collège soit reconnu comme membre titulaire du premier collège, et qu’il soit fait interdiction de poursuivre le processus d’élections partielles engagé.

Le jugement rejette l’intégralité des demandes du syndicat et valide l’organisation d’élections partielles. Pour le tribunal, le premier collège n’est plus représenté, à défaut de suppléant dans ce collège, le remplacement par les membres d’un autre collège étant impossible, car « n’ayant assurément pas les mêmes intérêts collectifs ».

Application des règles de suppléances

Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord avec le tribunal. Elle donne raison au syndicat et elle en profite pour rappeler et apporter des précisions sur les règles de suppléance prévues à l’article L. 2314-37 du code du travail.

La Cour explique qu’aux termes de ce texte, lorsqu’un délégué titulaire cesse ses fonctions ou est momentanément absent pour une cause quelconque, il est remplacé :

  • par un suppléant élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle de ce titulaire. La priorité est donnée au suppléant élu de la même catégorie. S’il n’existe pas de suppléant élu sur une liste présentée par l’organisation syndicale qui a présenté le titulaire, le remplacement est assuré par un candidat non élu présenté par la même organisation. Dans ce cas, le candidat retenu est celui qui vient sur la liste immédiatement après le dernier élu titulaire ou, à défaut, le dernier élu suppléant ;
  • à défaut, le remplacement est assuré par le suppléant élu n’appartenant pas à l’organisation du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix.

Le suppléant devient titulaire jusqu’au retour de celui qu’il remplace ou jusqu’au renouvellement de l’institution.

Rappel : ce sont les anciennes règles DP qui s’appliquent au CSE ! Rappelons que l’ordonnance Macron relative au CSE a conservé les règles de suppléance applicables aux délégués du personnel, et non celles applicables au comité d’entreprise. Elles sont légèrement différentes en ce qu’elles donnent une importance encore plus grande à l’appartenance syndicale. Ainsi, il faut avoir recours aux candidats non élus du même syndicat, avant d’aller chercher des suppléants dans d’autres listes syndicales. Cette règle est peu connue et n’est pas toujours appliquée dans la pratique. La Cour de cassation, en rappelant le fonctionnement de ces règles, insiste sur leur importance. Elles ont vocation à s’appliquer de façon générale, et pas seulement pour déterminer si les conditions d’organisation des élections partielles sont réunies. A noter que les règles de suppléance ne s’appliquent pas en cas d’annulation de l’élection d’un candidat pour non-respect des règles de représentation équilibrée femmes-hommes sur les listes de candidats en application de l’article L. 2314-32. Dans ce cas il n’y a pas lieu de désigner un remplaçant pour occuper le poste laissé vacant (Cass.soc., 22 sept. 2021, n° 20-16.859).

Précision inédite sur le recours aux candidats non-élus

Il en résulte, conclut la Cour de cassation “que, en l’absence de suppléant de la même catégorie, le remplacement est assuré en priorité par un suppléant d’une autre catégorie appartenant au même collège, présenté par la même organisation syndicale, à défaut, par un suppléant d’un autre collège présenté par cette même organisation, à défaut par un candidat non élu répondant à cette condition de présentation syndicale”.

Puis la Cour censure le tribunal comme ayant violé l’article L. 2314-37 en rejetant le recours de la CFDT au motif qu’il n’y avait pas de candidats non-élus CFDT dans le premier collège, et qu’il n’existe aucun autre suppléant dans ce collège issu d’autres listes syndicales. Il faut donc aller chercher les candidats non élus CFDT du deuxième collège.

La mécanique de la suppléance dans cette affaire Dans cette affaire, la CFDT avait obtenu deux élus dans le premier collège : Z (titulaire) et V (suppléant), tous deux ayant quitté leur mandat. Il n’y a pas d’autres élus ou candidats non élus dans ce collège. La CFDT a présenté des candidats dans le deuxième collège, et elle y a obtenu un titulaire (O) et un suppléant (T). Trois autres candidats CFDT du deuxième collège n’ont pas été élus (J, F et U). Pour remplacer le titulaire CFDT du premier collège, à défaut de suppléant dans ce collège, c’est d’abord T, suppléant élu CFDT du 2e collège qui devrait devenir titulaire (l’arrêt n’est pas précis à cet égard mais il semble que cet élu soit momentanément empêché). A défaut, et en l’absence de candidats non élus dans le premier collège, c’est à J, F ou U, candidats non élus du deuxième collège, mais présentés par le même syndicat que devrait revenir le mandat (avec priorité au candidat titulaire).  

Cette solution est inédite, la circulaire de 1983 évoquant cette question ayant opté pour une interprétation plus restrictive. En effet, s’agissant du remplacement par un candidat non élu, l’administration précise que l’on fait appel “au premier candidat non élu de la liste sur laquelle figurait le titulaire à remplacer. Il est donc membre du même collège et peut avoir été présenté en qualité de titulaire ou de suppléant, la priorité étant donnée au titulaire” (Circ. DRT n° 13, 25 oct. 1983 : JO, 20 déc.). 

Épuisement de tous les suppléants possibles avant le recours aux élections partielles

Si la Cour de cassation ne le dit pas expressément, il résulte clairement de cette décision que l’application stricte des règles de suppléance de l’article L. 2314-37 du code du travail est obligatoire avant d’organiser des élections partielles. En d’autres termes, pour que les conditions d’organisation des élections partielles soient réunies, il faut avoir au préalable épuisé tous les suppléants possibles, et ce en appliquant exhaustivement les règles énoncées par l’article L. 2314-37.

Dans la pratique, cette règle est appliquée, mais elle n’a jamais été énoncée par le Cour de cassation. Seule une circulaire de 1983 sous-entend cette nécessité en expliquant que “parce que les mécanismes de remplacement propres au comité d’entreprise peuvent se révéler insuffisants pour permettre un fonctionnement normal de l’institution, le législateur a prévu l’organisation d’élections partielles sous certaines conditions” (Circ. DRT n° 13, 25 oct. 1983 : JO, 20 déc.).

Séverine Baudouin

La masse salariale progresse de 2,1% sur le 1er trimestre et de 11% sur un an

Au premier trimestre 2022, la masse salariale soumise à cotisations sociales du secteur privé croît de 2,1 %, après une hausse de 1,4 % le trimestre précédent. Sur un an, la masse salariale augmente de 11% sur un an et se situe désormais 7,7 % au-dessus de son niveau du quatrième trimestre 2019. Pour l’Acoss, qui a publié vendredi ces derniers chiffres, cette hausse résulte en partie du niveau relativement bas de mars 2021, lié notamment au niveau du recours au chômage partiel dont les indemnités ne sont pas soumises à cotisations sociales. En effet, la part de l’assiette chômage partiel se réduit à 0,3 % en mars 2022 contre 3,1 % en mars 2021.

Les déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim), elles, sont stables en avril 2022 : +0,3%, après la légère diminution de 0,6 % observée en mars 2022 et la hausse de 3,7 % de février 2022. Sur trois mois, ces déclarations progressent de 3,4 % et de 40% sur un an. L’Acoss explique la stabilité du mois d’avril par la conjugaison de la diminution des embauches en CDD de plus d’un mois (- 1,3 %) et de l’augmentation de celles en CDI (+ 1,9 %).

Dans l’industrie, les déclarations d’embauche de plus d’un mois diminuent de 0,5 % en avril 2022, mais progressent de 2,2 % trois mois. Elles augmentent de 9,0 % par rapport à février 2020.

actuEL CE

Un projet de loi sur le pouvoir d’achat présenté avant les législatives

A l’issue du premier conseil des ministres du gouvernement Borne qui s’est tenu hier, la nouvelle porte-parole Olivia Grégoire a annoncé un projet de loi sur les prix “dans les prochaines semaines, avant les élections législatives”. Le texte serait ensuite présenté au Parlement après les élections législatives dont les deux tours auront lieu les 12 et 19 juin. Il contiendrait une prolongation du bouclier tarifaire (gaz et électricité) jusqu’à fin 2022 et des mesures sur le prix des carburants. Le gouvernement pourrait aussi pérenniser la prime Macron et en tripler le montant, voire déployer un chèque alimentaire. “Les ministres travaillent sur des propositions, des réunions de travail sont organisées dans les prochains jours”, a indiqué Olivia Grégoire. La porte-parole du gouvernement a précisé que “le gouvernement va chercher à augmenter les prestations sociales à commencer par les petites retraites qui seront relevées à hauteur de l’inflation”. Au menu également de ce texte, le relèvement du point d’indice des fonctionnaires et une baisse de cotisations pour les indépendants. La réforme des retraites n’a en revanche pas été abordée au conseil des ministres. Le calendrier précis de mise en œuvre reste encore inconnu. 

actuEL CE

Le Pacte du pouvoir de vivre veut rencontrer Élisabeth Borne

Composé de 19 organisations environnementales, de solidarité et d’éducation, mutuelles et syndicats (CFDT, CFTC et UNSA), le Pacte du pouvoir de vivre adressera cette semaine un courrier à Élisabeth Borne afin de la rencontrer (communiqué de presse en pièce jointe). Selon Christophe Dague, coordinateur du Pacte que nous avons pu contacter, d’autres courriers seront envoyés à des membres du gouvernement, notamment au sujet de la planification écologique. Pour mémoire, le Pacte du pouvoir de vivre avait demandé à rencontrer Édouard Philippe en 2019, sans obtenir de réponse. Les membres du Pacte vont également travailler dans les prochaines semaines sur les mesures proposées dans le projet de loi sur le pouvoir d’achat (lire notre brève dans cette même édition).

actuEL CE

“Les élus des CSE ne doivent pas se laisser abuser par le discours alarmiste sur l’inflation et la rentabilité des entreprises”

Le retour de l’inflation inaugure une situation économique nouvelle. Doit-on s’attendre à une hausse du coût de la dette avec des impacts sur les politiques publiques et sur les entreprises ? Qu’en est-il de la rentabilité des sociétés à l’issue de la crise sanitaire ? Y-a-t-il des marges de manœuvre pour des augmentations salariales ? Les réponses de Yoël Amar, économiste au cabinet d’expertise et de conseil Syndex.

Quel est votre parcours ?

J’ai fait une licence de droit, un Master à Sciences Po Paris et j’ai travaillé ensuite plusieurs années dans le commissariat aux comptes. Depuis 2013, j’interviens pour Syndex auprès des élus des CSE pour les secteurs financier, banque-assurance et services, et je planche également sur les questions macro-économiques. 

Comment analysez-vous la situation économique de la France compte-tenu notamment du retour de l’inflation ? Est-ce une situation nouvelle ? 

Si l’on s’en tient aux chiffres, oui ! Depuis le début 2022, nous connaissons un niveau d’inflation rarement vu depuis des années, sauf lors d’une très courte période, du fait d’une flambée des prix des matières premières, après la crise financière de 2008-2009.

La France a connu une inflation à plus de 10% jusqu’en 1982 

Nous sommes donc sur des chiffres élevés. Mais ils restent en-deçà des niveaux d’inflation qui avaient touché la France dans les années 70-80. Jusqu’en 1982-1983, nous dépassions les 10% d’inflation ! Aujourd’hui, la France subit un choc moins important que les autres pays européens, comme l’Allemagne et les pays de l’Est, plus exposés à la hausse des prix de l’énergie. Notre pays a un mix énergétique qui l’expose moins à la flambée des prix du gaz et du pétrole. En outre, le chiffre global de l’inflation n’a pas de sens individuellement car chacun le ressent différemment : un ménage modeste sera beaucoup plus affecté par la hausse des prix alimentaires, par exemple.

Cette inflation va-t-elle avoir pour effet une hausse des taux d’intérêt, un alourdissement du prix de la dette et donc des conséquences sur la gestion des finances publiques ?

Il y a quelques mois, je vous aurais répondu que le risque était limité, car la Banque centrale européenne avait alors une interprétation prudente, qu’elle a gardée même après le début de la guerre en Ukraine. La BCE veillait toujours à contenir l’inflation, mais elle tenait aussi compte de la stabilité financière, et donc elle limitait les écarts de taux d’intérêt par exemple entre l’Italie et l’Allemagne. Mais depuis quinze jours, on sent une évolution du discours de la BCE, qui devient plus offensive. Si l’inflation atteint un seuil trop élevé, la Banque centrale européenne laisse entendre qu’elle pourrait relever ses taux d’intérêt pour calmer cette hausse des prix en jouant sur le ralentissement de l’investissement et de la consommation.

Si un tel scénario se réalisait, quelles en seraient les conséquences pour les entreprises et les salariés ? 

Les entreprises ayant contracté beaucoup de dettes, qu’elles soient à taux variable et même à taux fixe, seraient confrontées à un important coût de refinancement de cette dette. Ces charges financières supplémentaires réduiraient leurs marges de manœuvre et entraîneraient une baisse de leurs résultats. Cette remontée des taux, qui viserait à empêcher que les pays européens rentrent dans un cycle incontrôlable de hausse des prix, aurait également un effet indirect sur les entreprises.

Une remontée des taux aurait un effet récessif sur l’économie 

Elle serait de nature à provoquer une récession de l’activité économique. Si cela devait arriver, cela représenterait une certaine défaite en matière de politique économique. Nous serions en effet ramenés aux années 70 et 80, lorsque la seule manière de juguler l’inflation employée par les gouvernements et les banques centrales consistait à comprimer la demande. Augmenter les taux revient à ce que les agents économiques, les particuliers et les entreprises, s’endettent moins, que ce soit pour consommer ou pour investir, ce qui a un effet récessif direct. Ce choc est alors diversement ressenti selon les secteurs de l’économie mais aussi selon les différentes catégories sociales. Il provoque généralement une hausse du taux du chômage ou, à tout le moins dans notre situation, à un ralentissement de la baisse du chômage que nous connaissons depuis 5 ans. 

Quelle est la situation au sujet des prêts garantis par l’Etat (PGE) aux entreprises pendant la crise sanitaire ? Elles doivent maintenant les rembourser…

Beaucoup d’entreprises ont utilisé le PGE comme un outil de prudence, pour accumuler une réserve de trésorerie. C’est un phénomène massif, pas loin même d’être majoritaire. Ces entreprises-là n’auront pas de problème pour rembourser : le PGE leur aura coûté un peu de frais financiers, mais cela ne représente pas grand-chose. En revanche, d’autres entreprises ayant souscrit des PGE importants ont utilisé cet outil non par prudence mais pour faire face à leurs charges et éviter la faillite. Si elles venaient à être affectées par un ralentissement important de l’activité économique, leur situation pourrait être difficile. Mais tout ne serait pas à la merci d’une hausse des taux, il y aurait sans doute une intervention politique pour que le secteur bancaire centre son soutien sur les entreprises en difficulté. C’est positif pour éviter des faillites d’entreprises causées par la rigueur monétaire, mais cela peut être aussi négatif à long terme si cela revient à maintenir en vie des entreprises qui finiront par disparaître du fait qu’elles sont, par exemple, mal positionnées sur le marché…

Le taux d’activité des 24-65 ans est le plus élevé depuis 1975, selon l’Insee. Au regard de la conjoncture, ce chiffre va-t-il encore s’améliorer ou au contraire se dégrader ? 

Historiquement, ce que nous observons est simple : s’il y a de la croissance, le chômage baisse. Donc la perspective d’atteindre un niveau de chômage “naturel”, estimé en France autour de 5%, est envisageable si la croissance se maintient, d’autant que nous avons toujours des départs à la retraite des baby-boomers, même si nous arrivons en fin de cycle. Si la croissance dévisse du fait d’une hausse des taux, par contre, j’imagine mal la poursuite d’une amélioration, sauf à ce que l’État lance des programmes massifs d’emplois aidés ou de formation, ce qui est souvent pratiqué en temps de crise, mais tout dépend ici de décisions politiques. Je reste pour ma part très incertain quant aux taux de croissance des prochaines années.

Il faut analyser la situation secteur par secteur 

Quoi qu’il en soit, il me semble nécessaire d’avoir une lecture fine, par type de secteur, du taux d’activité et du taux de chômage. On connaît par exemple les secteurs connaissant des tensions de main d’œuvre : ce sont ceux où l’innovation est très forte, comme les métiers de l’informatique et de l’intelligence artificielle, avec une révolution digitale qui n’est pas près de s’arrêter. D’autres secteurs, comme les biens d’équipement, peuvent être violemment touchés en cas de récession, avec la chute des achats d’automobiles, d’électroménager, etc. Cette situation très diverse en cas de choc économique n’est pas nouvelle, ce qui l’est, c’est que nous partirons d’un niveau de chômage moins élevé…

Concernant la conjoncture économique, qu’observez-vous dans les entreprises dont vous accompagnez les CSE ?

Ce qui me frappe, encore une fois, c’est la grande diversité des résultats économiques selon les secteurs. Si vous travaillez dans des entreprises de service peu consommatrices de matières premières dont les prix flambent (énergies mais aussi semi-conducteurs et maintenant les produits agricoles, par exemple), vous payez essentiellement des personnes pour réaliser votre activité et donc vous êtes assez insensible à la conjoncture.

Des entreprises voient leurs marges réduites, d’autres s’en sortent très bien ! 

Mais vous pouvez aussi être dans des entreprises qui bénéficient de ce contexte, comme les compagnies pétrolières, par exemple, mais aussi celles qui produisent les matières dont le prix s’envole : leurs coûts restent fixes et leurs marges augmentent. Et on voit aussi des entreprises plus exposées du fait de leur besoin de ces produits de plus en plus chers. Là encore, l’analyse doit être plus fine, y compris à l’intérieur d’un même secteur. Certaines entreprises qui paraissent exposées vont bien s’en sortir si elles arrivent à faire passer à leurs clients des hausses de tarifs : c’est le cas des entreprises ayant des avantages compétitifs, des réseaux de distribution performants, etc.   

Justement, comment les élus des CSE mais aussi les délégués syndicaux peuvent-ils apprécier la situation économique réelle de leur entreprise, ne serait-ce que pour “caler” des revendications salariales

Mon premier conseil, c’est de s’intéresser au passé récent de son entreprise pour voir comment elle a traversé la crise sanitaire. Par exemple, une entreprise qui paraît aujourd’hui fragilisée par la hausse du coût des matières premières peut très bien avoir profité, pendant la crise sanitaire, de la baisse qui s’est produite du coût de ces mêmes matières, et a donc pu constituer des marges et des réserves. Si votre entreprise appartenait à un secteur dont la demande s’est maintenue pendant la crise sanitaire, elle a pu également dégager des marges de manœuvre en 2020. Les élus peuvent aussi se demander à quoi a servi un éventuel prêt garanti par l’Etat : était-ce un PGE de prudence, pour constituer une trésorerie, ou un PGE visant à échapper au pire ? 

Comment trouver ces informations ?

Ce sont des chiffres que l’entreprise doit fournir au CSE, notamment lors de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise. Les élus peuvent se concentrer sur l’évolution de l’excédent brut d’exploitation (EBE) : il s’agit des revenus moins les charges, les plus directes. Pendant la crise, comment a évolué l’excédent brut d’exploitation de votre entreprise, en 2020 mais aussi en 2021, une année de rebond de l’économie française ? L’évolution de cet indicateur peut par exemple indiquer une hausse des revenus de l’entreprise couplée à une stabilisation des charges du fait d’une politique d’économies : on l’a constaté en 2021 dans de nombreuses entreprises, ce qui met en évidence l’existence d’une certaine marge de manœuvre pour les salaires et pour l’investissement.

Donc il peut exister des marges pour des augmentations salariales ? 

Sur cette question, j’invite tous les représentants du personnel, quel que soit leur secteur, à imiter, en quelque sorte, les Ukrainiens ! C’est-à-dire à ne pas accepter immédiatement “la défaite”, autrement dit à ne pas prendre pour argent comptant un discours alarmiste sur le contexte inflationniste général.

 Oui, pour les salaires mais aussi pour les investissements

Car ce contexte peut cacher de très fortes disparités sectorielles et des situations d’entreprises très différentes. Il faut regarder la situation de chaque entreprise. En outre, dans le cas où il existe des marges préservées, les élus ont intérêt à poser la question des investissements pour préparer l’avenir, l’avenir de l’entreprise, de ses salariés et de ses actionnaires.

Que pensez-vous de l’idée de “dividende salarié” lancé par Emmanuel Macron, c’est-à-dire le projet de rendre obligatoire un partage de la valeur ajoutée des entreprises ?

S’il s’agit de rendre les revenus des salariés encore plus variables et dépendants des résultats de l’entreprise, c’est un concept ambigu. Il s’agirait de partager le succès mais aussi le risque inhérent à une entreprise. Le risque ne serait plus porté seulement par les actionnaires mais aussi par les salariés. Historiquement, c’est d’ailleurs la stratégie adoptée par le Japon pour faire face à la crise pétrolière de 1973.

 Ce peut être perçu comme un outil pour faire varier les revenus des salariés en partageant le risque pris par l’actionnaire 

La question que posait la hausse du coût du pétrole à ce grand importateur qu’est le Japon ressemble aux questions que nous nous posons aujourd’hui : qui prend en charge ce coût ? Faut-il comprimer les marges, la masse salariale, faut-il compenser en exportant davantage ? Le Japon a choisi de mettre en oeuvre une politique de variabilisation des frais de personnel via un système de primes. On peut l’interpréter comme un outil de stabilisation du niveau de marges des entreprises, dans la mesure où la distribution de primes est fonction du résultat. Mais on peut le voir aussi comme un outil d’évitement des hausses de salaires fixes et comme un outil du partage du risque. 

Quel regard portez-vous sur le chantier de la transition climatique de nos entreprises ? Les élus CSE doivent-ils s’en préoccuper ? 

Je ne suis pas un spécialiste de ce sujet, mais il est clair que des ressources considérables doivent être allouées dans les décennies à venir pour permettre la transition de notre économie avec, là encore, des chocs et des enjeux socio-économiques différents selon les secteurs d’activité. Vu l’ampleur des changements que cela nécessite, les élus CSE doivent s’y intéresser.

Ce ne sont pas de petits sujets pour le CSE 

Les échéances réglementaires se rapprochent et obligent les entreprises et leurs filières à entrer dans des sentiers de réduction des émissions de carbone, je pense par exemple à la fin programmée du véhicule thermique dans le secteur de l’automobile. Ce ne sont pas de petits sujets au regard des prérogatives du CSE sur la marche générale de l’entreprise et les choix d’investissement stratégiques. Même si, pour des élus déjà très largement sollicités, j’ai bien conscience que cela fait un peu non pas “cerise” mais plutôt “pain dur” sur le gâteau…

Yoël Amar sera l’un des animateurs du webinaire proposé par le cabinet Syndex le 21 juin à 11h sur le thème : “Inflation : mieux la comprendre pour agir en conséquence”. Informations et inscriptions en ligne ici.

Bernard Domergue

3 têtes pour l’environnement : FO s’interroge sur cette “multi-tutelle”

Un secrétaire général à Matignon en charge de la planification écologique (Antoine Peillon), une ministre de la transition écologique (Amélie de Montchalin) et une ministre de la transition énergétique (Agnès Pannier-Runacher, la fédération FO de l’équipement, de l’environnement, des transports et des services (FEETS-FO) s’interroge sur cette “multi-tutelle”. Et le syndicat de poser ces questions : “Est-ce bien le signe d’un changement d’époque pour permettre d’emporter d’autres arbitrages que lors de la mandature précédente ? Ou bien le signal de l’éclatement assumé des pôles ministériels précédents (écologie-transports-logement-cohésion des territoires) ?” Le syndicat appelle à cesser le morcèlement de l’action publique et à “obtenir des arbitrages budgétaires pour 2022 permettant le renforcement des moyens et effectifs pour porter les politiques”.

actuEL CE

Pas (encore) d’effet de rattrapage post-Covid sur le nombre de défaillances d’entreprises

A la fin du premier trimestre 2022, environ 7 900 procédures de redressement et de liquidation ont été ouvertes dans les tribunaux de commerce. À la même période, on en comptait environ 5 600 en 2021, 8 400 en 2020 et 10 800 en 2019, selon des calculs de France Stratégie.  

Ainsi, “même si la tendance du début de l’année 2022 semble montrer que les faillites d’entreprises seront plus nombreuses en 2022 qu’elles ne l’ont été en 2020 et 2021, il est bien trop tôt pour parler de rattrapage des faillites « manquantes» des années 2020 et 2021”, analyse l’institution rattachée au Premier ministre. 

actuEL CE

Hausse des salaires : la CFDT propose que le CSE puisse alerter la DREETS

Ayant rencontré Olivier Dussopt la semaine dernière, la CFDT formule désormais ses propositions au nouveau gouvernement. Dans un document de 75 pages (en pièce jointe), le syndicat aborde notamment la santé au travail, le télétravail ou encore le partage de la valeur. Il propose par exemple de faire de l’organisation du travail un sujet de négociation obligatoire et de favoriser l’expression des salariés par un dialogue professionnel articulé avec le dialogue social. Autre mesure : démocratiser le télétravail en développant les lieux de “coworking”, en instaurant un chèque bureau et en investissant dans les conditions de télétravail les sommes qui ont permis à l’employeur de réaliser des économies en réaménageant les espaces de bureaux.

Au sujet des salaires, la CFDT insiste pour que de nouvelles règles de négociations au niveau des branches soient créées :

  • instaurer un nouveau rendez-vous salarial tous les trois mois après une revalorisation du Smic, pour les branches dont les minimas sont inférieurs au Smic ;
  • étudier une suspension des exonérations de cotisations sociales patronales dans les branches qui n’ont pas de minimas conformes ;
  • contraindre les branches à transmettre une décision argumentée sur la révision des classifications ;
  • permettre aux CSE d’alerter les DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) dans les entreprises qui ne pratiquent pas de politique des rémunérations “loyale et équitable”, à savoir des négociations effectives, avec le calcul d’un ratio d’écart salarial par exemple ;
  • créer un droit de saisine du CSE du donneur d’ordre par le CSE du sous-traitant afin de favoriser la solidarité salariale.

La CFDT formule également 10 propositions de rénovation des ordonnances Travail de 2017, avec notamment de meilleurs moyens pour les élus du personnel, des représentants de proximité systématiques et un allongement des délais de consultation du CSE.

Enfin, le syndicat revendique un avis conforme du CSE sur l’utilisation par l’entreprise des aides publiques (avec transmission trimestrielle d’un avis motivé du CSE à la DREETS), et un droit d’alerte du CSE si les engagements sur la stratégie de l’entreprise ne sont pas tenus par l’employeur.

actuEL CE

Yves Veyrier (FO) sur la prime Macron : “Attention, camarades !”

Dans son rapport d’activité, très applaudi, qui ouvrait hier matin le congrès de FO à Rouen, Yves Veyrier a défendu “le réformisme militant” de Force ouvrière, une organisation à l’origine de l’accord interprofessionnel national de 1968 prévoyant le régime d’activité partielle. Ces dernières années, a-t-il estimé, “nous avons réinstallé FO au centre du jeu social (…), nous avons conforté notre troisième position (..) mais nous ne sommes pas condamnés à rester troisième, nous avons vocation à progresser (..) Montrons avec ce congrès que nous sommes unis”.

Le secrétaire général sortant a mis en garde les militants de Force ouvrière au sujet la prime Macron (prime exceptionnelle de pouvoir d’achat) que le gouvernement promet de porter bientôt à 6 000€ : “Attention, camarades ! Cela peut paraître beaucoup 6 000€, mais d’une part ce sera très variable d’une entreprise à l’autre, au bon vouloir des employeurs, et surtout il ne s’agit pas d’un salaire socialisé”. Ce type de prime désocialisée ne saurait à ses yeux se substituer aux augmentations salariales.

Yves Veyrier a par ailleurs rappelé que FO n’entendait pas se poser en “co-constructeur” de la loi et continuera de contester le barème de licenciements sans cause réelle et sérieuse : “Nous ne sommes pas un corps intermédiaire car nous ne sommes pas étrangers au corps des salariés. Nous sommes un syndicat !” a-t-il lancé en rappelant que FO s’est opposée aux sanctions visant les salariés dépourvus de passe sanitaire.

Enfin, le secrétaire général de FO, qui ne “donnera pas de consigne de vote” pour les législatives de juin, a répété son opposition au relèvement de l’âge légal de départ à la retraite : “62 ans et 43 années de cotisation, c’est déjà trop ! Ce n’est pas aux salariés de payer le quoi qu’il en coûte ! (..) Si nous parvenons à bloquer le passage à 65 ans, peut-être pourrons-nous voir quelles sont les conditions pour revenir à la retraite à 60 ans”.

actuEL CE

Activité partielle : les CSE ont droit à une information détaillée

La cour d’appel de Versailles confirme le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre ayant ordonné à une société autoroutière de livrer à ses CSE des informations supplémentaires justifiant sa demande de recourir à l’activité partielle, bien que la demande d’éléments allait au-delà de ceux transmis à l’administration.

La France a été relativement généreuse quant au bénéfice de l’activité partielle durant la crise sanitaire : il s’agissait alors de donner la priorité au maintien des emplois et des entreprises. Pour autant, le CSE doit disposer des données lui permettant de vérifier que la baisse d’activité que l’entreprise évoque pour justifier le recours à ce dispositif payé par l’Unedic et l’Etat est bien réelle. Le comité doit être en mesure de donner un avis éclairé lorsqu’il est informé et consulté sur ce sujet. C’est ce qui ressort d’un arrêt du 12 mai 2022 de la cour d’appel de Versailles, qui confirme le jugement du 20 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Nanterre condamnant la société ASF (Autoroutes du Sud de la France) : l’entreprise aurait dû communiquer aux CSE, au moins 7 jours avant la réunion de ces comités pour l’expression de leur avis, les pièces manquantes.

Dans cette affaire, la société ASF estimait avoir transmis aux CSE l’ensemble des informations nécessaires relativement à son projet de recourir à l’activité partielle. L’entreprise disait avoir communiqué aux CSE des éléments sur la baisse prévisible du trafic et de l’activité support, sur la période concernée (4 mois du 9 novembre 2020 au 9 mars 2021) et sur le nombre de salariés touchés (2 108 salariés), soit les trois éléments mentionnés dans l’article R. 5122-2 du code du travail. Ces éléments avaient été complétés par des réponses faites en réunion et par des documents supplémentaires. Le CSE central et les CSE avaient ensuite rendu un avis négatif le 23 avril et le 30 mars 2021 : pour les comités, ces éléments étaient insuffisants, d’où leur action en justice.

Un rappel de la mission incombant au CSE

La cour d’appel de Versailles interprète les dispositions de l’activité partielle (article R. 5122-2 du code du travail suite au décret du 30 octobre 2020), dispositions prévoyant l’information et la consultation du CSE sur la demande de l’activité partielle, comme relevant bien de l’article L. 2312-8 du code du travail, lequel donne au CSE la mission “d’assurer l’expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail (…)”.

En dépit de la formulation assez limitative de l’art. R. 5122-2 sur l’activité partielle (1), les juges assurent que le périmètre des questions déclinées dans cet article (art. L. 2312-8) permet aux CSE “de dépasser les questions relatives aux motifs justifiant le recours à l’activité partielle, la période prévisible de sous-activité et le nombre de salariés concernés et d’aborder d’autres points intéressants, de façon plus globale, l’impact de l’activité partielle sur l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise”.  Le CSE a donc droit à une information précise sur la situation de l’entreprise rendant l’activité partielle nécessaire, une information allant même au-delà de celle transmise par l’employeur à l’administration pour justifier sa demande.

En l’occurrence, le motif de la baisse du trafic automobile avancé par l’ASF est jugé par la cour d’appel “insuffisant pour expliciter le passage à un tel mode d’organisation (Ndlr : l’activité partielle) relativement aux fonctions d’entretien et de sécurité du réseau alors qu’il existe des obligations tenant à la continuité du service public autoroutier générant des charges fixes de travail sans rapport avec l’évolution du trafic”. Il en va de même, soutient la cour, pour les services support, les données invoquées restant retreintes à une courte période (18 mars 2020 au 30 juin 2020), l’entreprise refusant de communiquer d’autres informations financières et de trafic “tant que Vinci n’aurait pas consolidé et publié ses comptes”.

Une absence de détails et de réponses

L’entreprise marque également plusieurs points contre elle-même lorsque, soulignent les juges, elle ne répond pas à la question des représentants des salariés “de savoir quelles tâches sont reportées, annulées ou priorisées” ou encore lorsqu’elle omet de communiquer aux CSE l’information sur “des jours d’absence déjà planifiés”, information figurant dans le courrier adressé à l’administration. En outre, l’information versée dans la base de données économiques et sociales, ainsi qu’un document d’information ultérieur, apportent peu d’éléments nouveaux aux représentants du personnel. 

Tous ces éléments font dire à la cour que la direction ne peut pas considérer avoir répondu utilement aux questions des CSE. Les juges confirment donc le jugement du tribunal judiciaire faisant injonction à l’ASF de communiquer des pièces supplémentaires aux CSE, même si la demande de report de délai de consultation n’a plus lieu d’être après que l’entreprise a communiqué après le jugement de première instance certaines des pièces demandées et que les CSE ont rendu leur avis -négatif le plus souvent- en mars 2021. 

Pour information, les pièces que l’entreprise aurait donc dû communiquer sans attendre aux CSE sont très précisément pointées. Il s’agit par exemple :

  • de données économiques prévisionnelles : trafic des véhicules légers et des poids lourds, recettes péages, etc.
  • d’éléments sur l’organisation du travail : liste des tâches et projets dont le report est envisagé mais aussi volume mensuel de tâches à la comptabilité et au service RH avec un comparatif de ces volumes en temps normal et lors du premier confinement;
  • d’éléments sur l’application de l’activité partielle par régions, établissements et par services;
  • d’informations sur les activités du service support liées au trafic, etc. 

(1) Cet article est assez limitatif car il prévoit l’information du CSE à partir des éléments de la demande formulée par l’employeur à l’administration : motifs justifiant le recours à l’activité partielle, période prévisible de sous-activité, nombre de salariés concernés. 

Bernard Domergue

Salaires, retraite, IRP : le programme social de la Nupes pour les législatives

Alors que le gouvernement d’Emmanuel Macron affiche ses priorités en faveur du pouvoir d’achat, la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes) a présenté ses propositions en vue des législatives : Smic à 1 500€, conférence sociale sur les salaires, limitation des écarts salariaux, nouveaux droits pour les instances représentatives, rétablissement du CHSCT, etc. Mais tous les points ne font pas consensus entre les alliés.

Afin d’occuper le terrain médiatique avant les législatives des 12 et 19 juin, la nouvelle Première ministre Elisabeth Borne a annoncé qu’un projet de loi de finances rectificative permettrait de prendre dès l’été des mesures en faveur du pouvoir d’achat des salariés : bouclier tarifaire pour l’énergie, triplement de la prime Macron, etc. Le gouvernement et son nouveau ministre du travail Olivier Dussopt devront également plancher sur la prime dividendes promise par Emmanuel Macron, à condition bien sûr que la majorité présidentielle dispose d’une majorité de députés. Sur ces sujets, la Nupes, la “Nouvelle union populaire, écologique et sociale”, développe des propositions très différentes. Née de l’alliance des Insoumis, des Verts et du Parti socialiste, la Nupes fait figure de premier opposant au gouvernement pour ces élections et dit viser la victoire (1).

Les mesures pour les salaires

Le programme de l’union des gauches ne consiste pas à stimuler l’épargne salariale ou à baisser les cotisations sociales. Au contraire, Jean-Luc Mélenchon entend revenir sur l’exonération des heures supplémentaires, tout en ramenant le temps de travail hebdomadaire “effectif” à 35 heures, avec l’objectif de l’abaisser à 32 heures. La Nupes promet de porter “immédiatement” le Smic à 1 500€ (pendant la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon avait évoqué 1 400€).

Pour les autres salariés, la Nupes envisage un mécanisme obligeant l’employeur à revaloriser les salaires à proportion du retour dont bénéficie l’actionnaire sur son investissement. Si l’on comprend bien, il s’agirait d’une sorte de partage de la valeur ajoutée qui ne se ferait pas sur la base d’un intéressement ou d’une participation (comme pour le projet de prime dividendes promis par Emmanuel Macron) mais sur la base d’une augmentation des salaires. Par ailleurs, la Nupes souhaite organiser “une conférence sociale générale sur les salaires ainsi que dans chaque branche”.

Au menu de cette conférence : la question des augmentations de salaires, notamment “pour les métiers occupés majoritairement par des femmes dans les secteurs du soin, du lien et du contact”, et la limitation de 1 à 20 des écarts entre le salaire le plus bas et celui le plus élevé dans chaque entreprise. La suppression des stock-options, parachutes dorés et retraites chapeaux figure également dans les propositions, même si le Parti socialiste ne partage pas cet objectif. 

L’union des gauches promet, au sujet du pouvoir d’achat, des mesures exceptionnelles qui ne se limitent pas à l’énergie : blocage des prix de première nécessité dans un premier temps suivi d’une “loi permettant un encadrement négocié” d’un panel de produits de première nécessité, généralisation de l’encadrement des loyers, revalorisation des aides au logement, etc.

On retrouve également dans le programme l’idée d’augmenter les sanctions financières et pénales afin de faire respecter l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et de créer des “commissions de contrôle salarié” dans les entreprises pour parvenir à cette égalité.

Un droit de veto pour le CE mais qui ne fait pas consensus

Pendant la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon avait promis de revenir sur la loi El Khomri de 2016 et sur les ordonnances travail de 2017. Mais pour leur substituer quoi au juste ? L’Union n’a visiblement pas réussi à faire consensus sur l’ensemble de ses propositions. Ainsi, le projet d’accorder un droit de veto suspensif “au comité d’entreprise” (Ndlr : l’emploi de ce terme suggère donc un retour aux anciennes instances d’avant le CSE) ainsi que de “nouveaux droits de contrôle sur les finances de leur entreprise” suscite les réserves des socialistes et écologistes, si bien que ce sont les députés, en cas de majorité de gauche, qui auront à trancher ces points. C’est indiqué noir sur blanc dans le document : “Le Parti socialiste et Europe Écologie-Les Verts ne soutiendront pas le droit de veto suspensif des comités d’entreprise sur les plans de licenciements et proposeront que la garantie d’emploi s’appuie sur la mobilisation de dispositifs existants, notamment « Territoire zéro chômeur de longue durée”, au sein de comités locaux pour l’emploi solidaire pour une politique de l’emploi, garanti et durable”. Rappelons que c’est un gouvernement socialiste, Michel Sapin étant ministre du travail, qui a mis en place en 2013 la négociation des PSE et le mécanisme de contrôle par l’administration en cas d’accord ou de plan unilatéral, à la suite d’un accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l’emploi qui comportait aussi la création de la BDES du CE. 

La possibilité d’un vote de défiance à l’égard des dirigeants à l’occasion de procédures de redressement ou de projets stratégiques figure également dans le programme. La nouvelle union populaire entend aussi “augmenter la représentation des salariés dans les instances de décision des entreprises à au moins un tiers, et la moitié dans les grandes entreprises, et y inclure d’autres parties prenantes, comme les associations environnementales ou de consommateurs”.

Enfin, on retrouve aussi la promesse formulée lors de la présidentielle d’instaurer “un quota maximal de contrats précaires dans les entreprises, de 10 % pour les petites et moyennes entreprises (PME), 5 % pour les grandes entreprises”.

La retraite et la santé au travail 

A rebours d’un report à 64 voire 65 ans envisagé par Emmanuel Macron, le retour de la retraite à 60 ans, avancé par les Insoumis lors de la présidentielle, est repris dans le programme de la Nupes “avec une attention particulière pour les carrières longues, discontinues et les métiers pénibles”, étant entendu qu’il s’agit d’une retraite “à taux plein pour 40 années de cotisation”. Autrement dit, un salarié n’ayant pas ses annuités pourra partir à 60 ans mais avec une pension réduite. Un moindre mal aux yeux des Insoumis qui avancent qu’un relèvement de l’âge de départ risquerait de précipiter nombre de salariés dans le chômage alors qu’ils pourraient bénéficier d’une retraite, même incomplète.

Pour maintenir l’équilibre des régimes, l’union de gauche entend augmenter de 0,25 point par an le taux de cotisation vieillesse, créer une sur cotisation pour les hauts salaires, et soumettre “à cotisation patronale les dividendes, participation, épargne salariale, rachats d’action, heures supplémentaires”.

Côté santé au travail, on notera la reconnaissance du burn out comme maladie professionnelle, la restauration des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les moyens de ces comités devant être augmentés et leurs avis rendus “contraignants”, le doublement des effectifs de l’inspection du travail ou encore le rétablissement du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) et de tous les critères liés à la pénibilité…

La planification écologique

Par ailleurs, de très nombreuses mesures concernent la “planification écologique” : la mesure forte est un plan de 200 milliards d’euros sur 5 ans ” pour investir, développer l’emploi et la formation, et rétablir des pôles publics dans l’énergie, les transports et la santé, gérés démocratiquement, afin de réindustrialiser le pays par des plans de filières au service de la bifurcation écologique”. 

Mais cette planification comporte aussi l’obligation faite à toutes les moyennes et grandes entreprises de “mettre en œuvre une comptabilité carbone pour les émissions directes et indirectes certifiée par un organisme public agréé, en commençant par les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre (GES) – énergie, transport, bâtiment, industrie lourde – puis selon la taille des entreprises, accompagnée d’une trajectoire de baisse de leurs émissions”, etc. Soit un sensible renforcement des obligations réglementaires actuelles, y compris depuis le décret précisant les nouvelles données environnementales de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) du CSE.

Sur ce domaine également, les différences d’approche au sein de cette union sont notables s’agissant du nucléaire. Le PCF veut combiner le nucléaire et le renouvelable et ne s’associe pas à l’abandon des projets d’EPR tandis que le PS propose lui “d’optimiser la durée de vie des centrales nucléaires”…

Bernard Domergue

FO : Christian Grolier soutiendra le futur secrétaire général, “quel qu’il soit”

Lors de son intervention hier à Rouen au congrès de FO, Christian Grolier, candidat au mandat de secrétaire général tout comme Frédéric Souillo, a indiqué qu’il avait reçu mandat de son syndicat (fonction publique) de voter le rapport d’activité et le rapport financier de l’équipe sortante d’Yves Veyrier. “Quel que soit le secrétaire général élu, il sera soutenu par l’ensemble du syndicat. C’est un principe : un vote majoritaire doit être respecté”, a-t-il précisé. 

Frédéric Vuillaume, du syndicat FO du conseil régional Franche Comté-Bourgogne, a été l’un des rares, hier, à sévèrement critiquer l’équipe sortante accusée de pratiquer “un syndicalisme d’accompagnement” : “Jean-Claude Mailly nous avait trahi (..) Nous avions vu l’espoir renaître avec Pascal Pavageau qui avait senti la volonté des syndicats de base de revenir à un syndicalisme de lutte des classes (..) Puis Veyrier est allé de compromission en trahison comme cela a été le cas pour la validation de l’accord sur le télétravail (..) Notre démocratie interne est bien malade”.

Dejan Terglav, le secrétaire général FGTA-FO, a lui apporté son soutien à Frédéric Souillot : “Je ne suis pas inquiet, on a confiance en lui pour mener la barque de FO par rapport à tout ce qui s’annonce ou, justement, tout ce qu’on ne nous annonce pas”. 

actuEL CE

CGT : Philippe Martinez souhaite passer le relais à une femme

D’après le quotidien économique Les Échos, l’actuel secrétaire général de la CGT Philippe Martinez ne souhaite pas rester à la tête de sa confédération, poste qu’il occupe depuis 2015. Il a annoncé sa volonté de passer la main hier lors de la réunion de la commission exécutive du syndicat. Le leader de la CGT propose à sa succession Marie Buisson, secrétaire générale de la fédération de l’éducation. La CGT tiendra son prochain congrès en mars 2023.

actuEL CE

Modalités d’organisation des élections : limitation de la contestation de la décision unilatérale de l’employeur

En l’absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l’employeur fixant les modalités d’organisation des élections professionnelles, un syndicat n’ayant pas émis de réserves sur lesdites modalités, ne peut contester la validité de cette décision unilatérale après la proclamation des résultats des élections.

Il apparaît que la Cour de cassation cherche à sécuriser les élections professionnelles. Au fil de sa jurisprudence, elle exclut ainsi plusieurs cas de contestation des élections a posteriori, après la proclamation des résultats, sur des motifs connus avant leur déroulement. Dans un arrêt publié du 18 mai 2022, la Cour de cassation tranche la question d’une contestation des élections fondées sur la validité de la décision unilatérale de l’employeur concernant les modalités d’organisation et de déroulement des élections.

Décision unilatérale de l’employeur sur les modalités d’organisation du scrutin à défaut d’accord et de saisine du tribunal judiciaire

Dans cette affaire, dans le cadre des élections professionnelles, deux accords sont conclus, l’un prévoyant le recours au vote électronique, et l’autre la fixation du nombre et de la composition des collèges électoraux. Mais les négociations du protocole préélectoral échouent et la Direccte (Dreets) opère la répartition des salariés et des sièges entre les collèges.

Le 27 septembre 2019, l’employeur fixe les modalités d’organisation des élections par décision unilatérale, et le premier tour se déroule du 7 au 14 novembre.

Le 29 novembre, un syndicat saisit le tribunal d’instance (tribunal judiciaire) aux fins d’annulation des élections de l’ensemble des membres, titulaires et suppléants, invoquant différentes irrégularités.

Le tribunal déboute le syndicat au motif que ce dernier a présenté des candidats aux élections sans émettre aucune réserve sur les conditions de déroulement du scrutin. Pour les juges, cela vaut nécessairement acceptation des conditions fixées par la décision unilatérale. Le syndicat n’est donc plus autorisé à contester judiciairement le choix d’un bureau de vote unique.

Mais le syndicat n’est pas d’accord, il avance que l’absence de réserves émises par un syndicat lors du dépôt d’une liste de candidats ne vaut pas acquiescement aux modalités d’organisation des élections fixées unilatéralement par l’employeur, après échec des négociations du protocole préélectoral.

Pas de contestation de la décision unilatérale en l’absence de saisine du juge en amont ou de réserves émises lors du dépôt des listes

La Cour de cassation donne raison au tribunal.

Elle commence par rappeler les termes de l’article L. 2314-28 du code du travail, qui prévoit que “les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales font l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales, conclu conformément à l’article L. 2314-6 (règles de double majorité du protocole préélectoral). Cet accord respecte les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n’a pu intervenir peuvent être fixées par une décision du juge judiciaire”.

Il en résulte, précise la Cour, “qu’à défaut d’accord satisfaisant aux conditions de validité prévues à l’article L. 2314-6 du code du travail, il appartient à l’employeur, en l’absence de saisine du tribunal judiciaire, de fixer les modalités d’organisation et de déroulement des opérations de vote”.

Ainsi, “en l’absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l’employeur fixant les modalités d’organisation des élections professionnelles, une organisation syndicale, ayant présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d’organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l’employeur fixant les modalités d’organisation des élections et demander à ce titre l’annulation des élections”.

► La Cour de cassation transpose ici à la décision unilatérale prise en l’absence d’accord, les règles applicables en cas de protocole électoral valablement conclu. En effet, un syndicat qui présente des candidats et participe au scrutin doit exprimer des réserves sur le protocole d’accord électoral, s’il entend en contester les conditions par la suite (Cass. soc., 16 avr. 2008, n°07-60.362 ; Cass. soc., 19 sept. 2007, n° 06-60.222 ; Cass. soc., 30 mars 2004, n° 02-60.359 ; Cass. soc., 8 janv. 2002, n° 00-60.270 ; Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 10-60.245). De même, il a été jugé récemment que lorsque le protocole préélectoral est conclu aux règles de double majorité, un syndicat qui l’a signé ou qui a présenté des candidats sans émettre de réserves ne peut en contester la validité après la proclamation des résultats, quand bien même il invoquerait une méconnaissance de règles d’ordre public (Cass. soc., 24 nov. 2021, n° 20-20.962) (lire notre article).

Dans cette affaire, il n’y a pas de double majorité qui confère sa force obligatoire au protocole, mais à défaut d’accord, il y a la possibilité, pour un syndicat comme pour l’employeur de saisir le juge afin qu’il fixe les modalités d’organisation du scrutin. Ce n’est pas obligatoire, et à défaut, c’est l’employeur qui les fixe. Cette possibilité de recours donne sa légitimité à la décision unilatérale de l’employeur. A noter également qu’en cas de protocole préélectoral dont les conditions de majorité ne sont pas remplies (accord minoritaire), cela ne rend pas pour autant le protocole préélectoral irrégulier, mais a pour effet de permettre à une partie y ayant intérêt de saisir le juge d’une demande de fixation des modalités d’organisation et de déroulement du scrutin (Cass. soc., 6 oct. 2011, n° 11-60.035). La situation est comparable à celle de l’absence de protocole, pouvant être suppléée par une saisine du juge.

Le syndicat doit donc soit saisir le juge judiciaire pour qu’il fixe les modalités de déroulement des élections professionnelles à défaut d’accord. Ou, du moins, pour préserver son droit à contestation, il doit émettre des réserves au plus tard lors du dépôt de sa liste de candidats. A défaut, il ne pourra pas contester l’élection sur la base des modalités fixées par cette décision unilatérale.

Séverine Baudouin

Congrès FO : Christian Grolier retire sa candidature au mandat de secrétaire général

Frédéric Souillot est donc certain de succéder à Yves Veyrier comme secrétaire général de FO : Christian Grolier a en effet retiré sa candidature hier au nom de l’intérêt de la confédération.

Coup de théâtre hier après-midi au congrès de Force ouvrière à Rouen : Christian Grolier a transmis un message, lu à la tribune, indiquant qu’il renonçait à se porter candidat au mandat de secrétaire général de la confédération. “Cette décision n’est prise que dans l’intérêt de notre organisation. J’espère que nous pourrons continuer de militer ensemble en écoutant et en respectant les différentes sensibilités de notre belle maison”, s’est justifié le secrétaire général des fonctionnaires FO.

Frédéric Souillot reste donc seul en lice pour succéder à Yves Veyrier. “Fred saura être le secrétaire général de toute l’organisation”, s’est félicité le délégué d’une entreprise de la métallurgie tandis qu’un représentant du syndicat des ingénieurs des travaux publics (SNTPECT-FO) commentait ainsi cette décision : “Je respecte la décision de Christian Grolier et je suis fier d’avoir soutenu cette candidature qui a permis la tenue d’un vrai débat au congrès”.

“Accompagnement ou revendication ? Il faut les deux !”

De fait, les propos de certains intervenants avant l’annonce du retrait d’une des deux candidatures avaient été vifs. Frédéric Homez, pour FO métaux, avait répondu de façon virulente à certaines critiques de militants portées contre la ligne confédérale et contre la ligne du syndicat de la métallurgie, critiques visant de facto la candidature de Frédéric Souillot : “J’ai entendu que FO se “cfdétise”, c’est incroyable d’entendre ça ! On nous dit : il ne faut pas un syndicat d’accompagnement mais un syndicat de lutte ? Mais il faut les deux, camarades ! A FO métaux, nous revendiquons et nous signons des accords, c’est notre rôle conventionnel”.  Et le secrétaire général de FO métaux de remercier Yves Veyrier “pour le travail accompli depuis 4 ans”. Eric Péres, au nom des ingénieurs et cadres FO, a lui aussi remercié, “pour le climat serein de ce congrès”, Yves Veyrier et Frédéric Souillot, et plaidé pour une syndicalisation plus forte. Tout comme Laurent Rescanières, de Danone, qui a salué “le courage d’Yves Veyrier” en s’adressant ainsi à Frédéric Souillot : “Fred, tu as toute notre confiance, tu pourras compter sur la FGTA (fédération agroalimentaire)”. 

Des critiques parfois virulentes

D’autres intervenants ont tenu des propos critiques envers la direction confédérale sortante. Le secrétaire général de FO défense à Brest, Jean-Marc Vannier, partisan déclaré de Christian Grolier, a ironisé : “En quoi serait-ce un problème d’avoir deux candidats ? Que Frédéric Souillot retire sa candidature, il aura le congrès apaisé auquel il rêve !” Le représentant de FO Com en Vendée s’était aussi montré critique en craignant que FO ne devienne “un syndicat d’accompagnement des entreprises, qu’elles soient publiques ou privées”, un syndicat “sans adhérents” n’ayant plus les moyens d’être au contact des salariés. “La lutte et le rapport de forces sont les seuls moyens pour défendre la classe ouvrière”, a-t-il ajouté. 

D’autres militants avaient également réclamé qui un audit financier de la confédération, qui un autre fonctionnement, comme cette syndicaliste d’entreprise, critiquant tout à la fois la multiplication désordonnée d’appels à la grève par secteurs, et un certain manque de démocratie interne : “En tant qu’élus et délégués, dans nos entreprises, nous rendons compte aux salariés de notre travail au CSE et dans les négociations. Pourquoi n’est-ce pas le cas dans nos fédérations ?”

Le retrait de la candidature de Christian Grolier va-t-il contribuer à apaiser ces tensions et conforter l’unité de FO ? Réponse aujourd’hui et vendredi, avec le vote du rapport d’activité et du rapport financier et l’élection de la nouvelle direction confédérale. 

Bernard Domergue

FORMATION

Les aides à l’apprentissage seront prolongées jusqu’à la fin de l’année

Interviewé hier matin au micro de RTL, Olivier Dussopt, le nouveau ministre du travail, a annoncé que les aides à l’apprentissage qui devaient prendre fin au 30 juin 2022 seront prolongées “au moins jusqu’à la fin de l’année”. La suite dépendra de la prochaine loi de finances pour 2023. “Les aides sont votées année par année dans le budget”, a rappelé le ministre. 

Le ministre du travail a également insisté sur le souhait du gouvernement de voir les pensions de retraite indexées sur l’inflation dès le mois de juillet (pensions versées le 9 août). Il s’est également prononcé en faveur de la suppression des régimes spéciaux de retraite. 

Enfin, Olivier Dussopt veut permettre aux bénéficiaires du RSA de suivre un parcours d’insertion. Il récuse le terme de “conditionnalité” du bénéfice du RSA. 

Le ministre a commencé hier à rencontrer hier les partenaires sociaux sur ce sujet. 

actuEL CE

Certifications professionnelles : nouvel appel à contributions pour identifier les métiers en particulière évolution pour 2023

Les certifications professionnelles correspondant à des métiers émergents ou en particulière évolution et figurant sur une liste établie par France compétences bénéficient d’une procédure simplifiée d’enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Cette procédure “a été conçue pour assurer une plus grande réactivité aux évolutions du marché du travail”, explique France compétences.

Un appel à contributions réservé aux branches et aux syndicats professionnels

France compétences lance le 4e appel à contributions à destination des branches et syndicats professionnels pour identifier et établir la liste 2023 des métiers en émergence ou en particulière évolution.

Pour 2022, 28 métiers figurent sur cette liste et France compétences a publié un guide présentant et expliquant ces métiers.

Les contributions doivent être envoyées au plus tard le 6 juillet 2022, à l’adresse : contribution-metiers@francecompetences.fr

Une notice explicative et un modèle de trame de réponse sont disponibles sur le site de France compétences. 

Des enjeux identifiés dans le plan d’investissement France 2030

France compétences indique que les réponses à l’appel à contributions, doivent répondre notamment “aux enjeux identifiés dans le plan d’investissement France 2030, en lien avec le nucléaire et la gestion des déchets, l’hydrogène vert, la décarbonation de l’industrie, l’automobile électrique et hybride, l’avion bas carbone, une alimentation saine, durable et traçable, les biomédicaments et dispositifs médicaux de demain, la production de contenus culturels et créatifs, l’espace et les fonds marins”.

La liste des métiers émergents pour 2023 sera publiée d’ici à la fin de l’année.

actuEL CE

SANTÉ SÉCURITÉ CONDITION DE TRAVAIL

Procès France Télécom : “On a mis les gens dans la nasse pour les faire partir”

A la barre, difficile pour les parties civiles du procès France Télécom de dépasser le ressenti et les impressions générales pour dire le harcèlement moral caractérisé.

“Le changement de comportement des managers, ce n’est pas une infraction pénale. Là, nous sommes dans une qualification de harcèlement moral […] Comment en avez-vous senti un préjudice ? En quoi est-il caractérisé ?”. Ce recadrage de Pascaline Chamboncel-Saligue résume bien l’audience du 20 mai du procès dit des suicides de France Télécom. La présidente n’a eu cesse de réclamer des éléments constitutifs de harcèlement moral aux syndicalistes parties civiles.

C’est bien de cela que sont accusés les anciens dirigeants de France Télécom. On leur reproche d’avoir poussé à bout des salariés pour les inciter à quitter l’entreprise. Condamnés (comme auteurs des faits ou complicité) en 2019, ils ont tous fait appel, hormis l’ancien DRH groupe qui s’est désisté. Ce second procès a débuté le 11 mai et se clôturera début juillet.

Mais difficile pour les syndicalistes appelés à la barre de ne pas évoquer le contexte et l’ambiance générale à l’époque des faits. Alors que l’entreprise venait d’être privatisée et mise en concurrence, les salariés “voulaient faire de la qualité et on leur demandait de faire de la quantité”, raconte par exemple Pierre Vars, secrétaire général de l’Unsa France Télécom. Selon lui, les dispositifs de départ et de mobilité ne correspondaient pas aux besoins, n’étaient pas suffisants. Par exemple : “Quand vous quittez une entreprise, vous partez ailleurs mais mieux payé. En Corrèze c’est impossible, il n’y a pas d’autres opérateurs. Si vous n’avez pas de raison de partir, il faut donc qu’on vous y pousse”.

Alors, “On nous disait qu’on coûtait cher”, “Le discours était : si ça ne te va pas casse-toi”, rapporte-t-il. Il évoque les réunions d’équipe, auparavant hebdomadaires pour faire remonter les besoins qui deviennent quotidiennes et ont pour but de “mettre sous pression” les salariés. “Est-ce que je suis vraiment volontaire [la défense parle de départs volontaires, ndlr] quand on ne me donne plus de boulot, que mon poste est supprimé et que je n’ai plus rien à faire ? C’est bien caractéristique de harcèlement moral”, dénonce également Isabel Lejeune-Tô, déléguée syndicale CFDT, lors d’un passage très calme et clair à la barre. “Quand nous interpellions les N+2 du comportement des N+1, on nous disait que c’était normal, qu’on n’était pas chez les bisounours”, se rappelle Pierre Vars.

“Cela m’a pourri la vie”

Selon Patrick Ackermann, ancien délégué syndical central Sud, dès lors que l’annonce des 22 000 départs est faite : “On est face à une équipe qui a mis en place une machine bien huilée qui, du sommet au cadre de proximité, a mis les gens dans la nasse pour les faire partir pour des licenciements boursiers”. Et la présidente de rappeler que la mise en place d’objectifs chiffrés, tout comme des problèmes de relations individuelles, ne sont pas “suffisants” ici. Le procès doit permettre de savoir s’il y a eu harcèlement moral, basé sur une politique d’entreprise, ou “juste” l’exercice normal d’un pouvoir de direction.

Lors de sa très longue audition, le désormais retraité a tenté de démontrer que la direction était au courant des méfaits de sa politique sur la santé mentale de ses salariés, que lui-même l’avait alertée. D’ailleurs, “je vous ai rencontré” dit-il à l’adresse de Didier Lombard, ex-PDG. “Ne vous retournez pas vers les prévenus”, demande la présidente de la cour à Patrick Ackermann. Quand il est à la barre, le premier à avoir porté plainte, s’adresse régulièrement aux ex-dirigeants, se tourne parfois vers eux, les interpelle. Entrecoupé de sanglots, il témoigne : “J’ai fait ce que vous n’avez pas fait : le geste élémentaire de téléphoner aux familles de victimes”.

Les parties civiles doivent montrer en quoi elles ont été victimes à titre personnel (même s’il s’agit d’un syndicat en tant que personne morale), ce que leur demande systématiquement Pascaline Chamboncel-Saligue. Patrick Ackermann évoque Anne-Marie, déléguée syndicale qui reçoit un appel de Jean-Michel Laurent quelques minutes avant qu’il ne se jette sous un train. SUD et la CFE-CGC mettent en place l’observatoire des suicides et des mobilités forcées. A chaque suicide une expertise CHSCT est demandée. “Il y en avait tous les mois, cela nous prenait un temps fou. Cela m’a pourri ma vie”. Il raconte avoir dû “gérer à la fois des salariés en grande détresse et des militants à ramasser à la petite cuillère”. “Nous sommes syndicalistes, pas psychologues. Nous ne sommes pas armés. On sentait bien les limites de nos capacités à agir. Nous étions impuissants”, abonde Isabel Lejeune-Tô.

Pauline Chambost

Loi Santé au travail : un questions-réponses du ministère du travail sur les visites destinées à prévenir la désinsertion professionnelle

Rendez-vous de liaison, visites de pré reprise, de reprise et de mi-carrière : le ministère du travail a publié le 5 mai 2022 un questions-réponses qui précise les modalités concrètes des visites, médicales ou non médicales, dont bénéficie le salarié pour prévenir la désinsertion professionnelle.

Le ministère du travail a publié sur son site internet un questions-réponses détaillant les dispositifs en matière de prévention de la désinsertion professionnelle, introduits ou modifiés par la loi pour renforcer la prévention en santé au travail du 2 août 2021. Sont concernées les différentes visites, médicales ou non médicales, dont bénéficie le salarié pendant ou hors arrêt de travail, destinées à prévenir la désinsertion professionnelle liée à l’état de santé. 

Ce questions-réponses aborde également les mesures de reprise d’activité d’un salarié en arrêt de travail que sont l’essai encadré et la convention de rééducation professionnelle : les précisions apportées feront l’objet d’un article ultérieur.

Il est important de noter que plusieurs précisions apportées par le ministère du travail vont plus loin que ce que prévoient la loi du 2 août 2021 précité et ses décrets d’application. Ces mesures n’ont donc aucun caractère impératif : il ne peut alors s’agir que de simples préconisations qui n’ont aucune force obligatoire. 

Nous reprenons ci-après ces différentes précisions, ajoutées aux textes officiels par le questions-réponses, que nous avons relevées.

Rendez-vous de liaison

Rappel du dispositif

Le rendez-vous de liaison, introduit par la loi santé au travail, est encadré par les articles L.1226-1-3, L.5213-6-1, D.1226-8-1 et R.4624-33-1 du code du travail.

Il est proposé, par l’employeur, au salarié en arrêt de travail dont la durée de l’absence au travail est supérieure à une durée de 30 jours (articles L.1226-1-3 et D.1226-8 du code du travail). Ce n’est pas un rendez-vous médical mais un entretien entre le salarié et l’employeur qui a pour objet d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle (essai encadré, convention de rééducation professionnelle…), d’un examen de pré reprise et de mesures d’aménagement du poste et du temps de travail. Si l’employeur est tenu de le proposer, le salarié peut le refuser.

Il n’y a pas de sanction prévue par le code du travail lorsque l’employeur ne remplit pas ses obligations à l’égard du rendez-vous de liaison. Si tel est le cas, ce sont les règles habituelles de responsabilité civile qui s’appliquent : le salarié peut demander des dommages-intérêts s’il justifie d’un préjudice (par exemple perte d’une chance de bénéficier d’une action de désinsertion professionnelle). 

Précisions apportées par le questions-réponses sur la durée minimale de 30 jours

Concernant la durée minimale de 30 jours de l’arrêt de travail, condition d’ouverture de l’obligation pour l’employeur de proposer un rendez-vous de liaison, le questions-réponses précise que cette durée minimale peut être “continue ou discontinue”. Or il s’agit d’un ajout aux articles L.1226-1-3 et D.1226-8-1 du code du travail. En l’absence d’une telle précision dans le code du travail, il ne peut être exigé de l’employeur, à notre avis, qu’il informe le salarié de la faculté d’un rendez-vous de liaison si chaque arrêt de travail est inférieur à 30 jours. Il ne peut lui être imposé une telle obligation d’information lorsque la durée de 30 jours est atteinte en prenant en compte plusieurs arrêts de travail distincts, séparés dans le temps.

Ce serait ajouter une obligation au texte. A notre sens, il faut que la durée de l’arrêt de travail soit d’au moins 30 jours continus pour rendre obligatoire l’information de l’employeur. L’esprit du texte est de lutter contre la désinsertion lorsque la durée de l’absence est suffisamment longue et non en cas d’arrêts de travail de courte durée qui peuvent avoir aucun lien entre eux. Par ailleurs, cela peut devenir très vite ingérable car nécessiterait d’organiser des rendez-vous de liaison dès que la somme des arrêts de travail du salarié, quelle que soit la période, atteint 30 jours. Enfin, rendre systématique un rendez-vous de liaison dans ces conditions pourraient être contreproductif car pourrait être ressenti comme une pression morale pour le salarié alors qu’il est en arrêt de travail.

Précisions apportées par le questions-réponses sur les délais d’organisation du rendez-vous de liaison à respecter

Concernant les délais d’organisation du rendez-vous de liaison :

  • le questions-réponses précise que “le salarié qui accepte ce rendez-vous se voit proposer une date dans les 15 jours par l’employeur” . Or, ce délai, à défaut d’être prévu par le code du travail, n’a qu’une valeur indicative. Il ne pourrait donc être reproché à l’employeur de ne pas avoir respecté ce délai, sauf cas d’abus de droit (délai de plusieurs mois par exemple) ;
  • le questions-réponses précise que “le service de prévention et de santé au travail est prévenu par l’employeur 8 jours avant la tenue du rendez-vous de liaison”. Là aussi, ce délai n’étant pas fixé par un texte, il n’a qu’une valeur indicative et ne s’impose pas.

Précisions apportées par le questions-réponses sur la tenue du rendez-vous de liaison

Le questions-réponses précise que le rendez-vous de liaison peut être organisé à distance ou en présentiel. Cette précision ne relève d’aucun texte mais ne nous semble pas contraire à l’esprit de la loi Santé au travail. Toutefois, l’option d’un rendez-vous en distanciel, ne peut être, selon nous, qu’une faculté offerte au salarié qui pourrait préférer un rendez-vous en présentiel, en raison notamment de conditions matérielles à son domicile et de la protection des données personnelles.

Précisions apportées par le questions-réponses sur les modalités de l’association du SPST

Le rendez-vous de liaison doit “associer” le service de santé au travail (article L.1226-1-3 du code du travail). Se pose alors la question des contours de cette “association du SPST”. Il est bien précisé que le personnel du SPST “participe en tant que de besoin au rendez-vous de liaison par l’article R.4624-33-1. Ce qui implique que la présence du SPST au rendez-vous de liaison n’est pas exigée de manière systématique.

Le questions-réponses précise que deux options se présentent :

  • cette association du SPST peut se limiter à la préparation de documents informatifs (prospectus, flyers) sur le rôle de la cellule de prévention de désinsertion professionnelle, sur les visites de pré reprise et plus largement sur les outils à disposition du salarié en faveur du maintien en emploi ;
  • ce n’est que lorsque la situation du salarié le nécessite, que le SPST assiste le salarié pendant le rendez-vous, en présentiel ou à distance. 

Il est vrai que les textes n’exigent pas la présence du SPST pendant les rendez-vous de liaison mais on peut se demander si la simple transmission d’un flyer est suffisante.

À notre avis, cela dépendra de la situation propre à chaque salarié.

Il n’est pas précisé qui détermine si “la situation du salarié nécessite la présence du SPST” et sur quels critères.

Ce sont donc des précisions à prendre de manière indicative là aussi.

Par ailleurs, le questions-réponses précise que le SPST peut être représenté non seulement par un membre de l’équipe pluridisciplinaire du SPST mais également par un membre de la cellule de prévention de désinsertion professionnelle (cellule PDP). Or le code du travail ne prévoit pas cette deuxième option. Il s’agit d’un ajout au texte qui, à notre sens, doit être utilisé avec précaution voire à éviter, notamment au regard de la protection des données personnelles du salarié.   

Visite de pré reprise et visite de reprise

Rappel

La visite de pré reprise, organisée par le médecin du travail, à l’initiative du travailleur, du médecin du travail, du médecin traitant ou du médecin-conseil de l’assurance maladie a pour objectif d’anticiper le retour dans l’entreprise du salarié en recommandant notamment la mise en place de mesures d’aménagements et d’adaptations du poste de travail (articles L.4624-2-4, L.4624-3 et R.4624-30 du code du travail).

Cette visite qui visait tout arrêt de travail d’au moins trois mois concerne, depuis le 1 er avril 2022, tout arrêt de travail d’au moins 30 jours. Elle doit désormais faire l’objet d’une information par l’employeur.

Précisions apportées par le questions-réponses

Le ministère du travail dans son questions-réponses précise que la durée minimale de 30 jours de l’arrêt de travail peut être continue ou discontinue. Or le code de travail ne précise pas que cette durée minimale d’ouverture à la visite de pré reprise peut être discontinue. Il n’y a donc, à notre avis, aucune obligation pour l’employeur d’informer le salarié sur son droit à bénéficier de cette visite lorsque chaque arrêt de travail pris isolément est inférieur à 30 jours, au prétexte que la somme d’arrêts de travail distincts et séparés dans le temps excède 30 jours. L’obligation d’information de l’employeur sur la visite de pré reprise n’est, selon nous, impérative que si la durée de l’arrêt de travail est de 30 jours consécutifs.

Bien sûr rien n’empêche à l’employeur de proposer une visite médicale auprès du service de santé à un salarié, s’il l’estime nécessaire, alors que les conditions de la visite de pré reprise ne sont pas réunies mais ce ne n’est qu’une faculté et cette visite n’aura pas la nature juridique de “visite de pré reprise…

Le questions-réponses précise que la visite de pré reprise peut être effectuée par le médecin du travail ou l’infirmier de santé au travail. Toutefois, rappelons que l’infirmier au travail ne peut effectuer cette visite que si cette mission lui est confiée par le médecin du travail dans le cadre d’un protocole écrit (article D.4624-10 du code du travail). Il ne pourra pas émettre des indications ou des propositions reposant sur des éléments de nature médicale ; seul le médecin du travail peut le faire. 

Concernant la visite de reprise, le questions-réponses n’apporte aucune précision nouvelle. Il est à noter que, contrairement au rendez-vous de liaison et à la visite de pré reprise, le ministère du travail ne précise pas que la durée minimale de l’arrêt de travail exigée (60 jours en cas de maladie ou accident non professionnel, 30 jours en cas d’accident du travail) peut être discontinue.

Visite de mi-carrière

Rappel du dispositif

Une visite médicale de mi-carrière, créée par la loi de prévention pour renforcer en santé au travail, doit être organisée au cours de l’année du 45e anniversaire de tous les salariés – sauf lorsqu’un accord de branche prévoit une échéance différente (article L.4624-2-2 du code du travail).

Son objectif est :

  • d’établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du travailleur, à date, en tenant compte des expositions à des facteurs de risques professionnels auxquelles il a été soumis ;
  • d’évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l’évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel, de son âge et de son état de santé ;
  • de sensibiliser le travailleur sur les enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.

Le questions-réponses précité apporte des précisions concernant cette nouvelle visite.

Date de réalisation de la visite

La visite de mi-carrière doit être organisée au cours de l’année du 45e anniversaire du salarié ou à l’âge prévu par la branche lorsqu’un accord prévoit une échéance différente. La visite peut être anticipée et être organisée conjointement avec une autre visite médicale lorsque le travailleur doit être examiné par le médecin du travail dans les deux ans précédant l’échéance (article L.4624-2-2 du code du travail).

Le questions-réponses confirme que cette échéance correspond à l’âge de 45 ans ou, réaffirme le QR, à l’âge déterminé par l’accord de branche.

Initiative de la visite

Le questions-réponses ajoute que la visite peut être organisée à l’initiative du SPST, de l’employeur ou du salarié. Cette précision n’apparaissait pas dans la loi pour renforcer la prévention en santé au travail.

Attestation de visite

La visite de mi-carrière doit faire l’objet d’une attestation de visite. Lorsqu’elle est couplée à une visite périodique, une seule attestation précisant que la visite de mi-carrière a été effectuée est suffisante selon le questions-réponses.

Participation du référent handicap à la visite

Le référent handicap peut désormais participer aux échanges organisés dans le cadre de la visite de mi-carrière (article L.5213-6-1 du code du travail). Toutefois, Il ne peut pas assister, précise le questions-réponses, à l’entretien médical et à l’examen médical du salarié mais seulement aux échanges concernant les éventuelles mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation de poste et/ou d’horaire.

Nathalie Lebreton et Ouriel Atlan

La consultation sur le DUERP se fait au niveau du CSE d’établissement

Anne Benedetto et Laurent Gonzales, deux consultants du cabinet Syndex, ont tenu un webinaire mardi 24 mai sur les nouveautés de la loi santé au travail pour les élus de CSE. L’occasion de rappeler que le CSE doit désormais être consulté sur le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Selon les deux experts, cette consultation doit se tenir non au niveau du CSE central mais à celui du CSE d’établissement.

La loi santé au travail du 2 août 2021 prévoit une nouvelle consultation du CSE sur le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Cette nouvelle obligation s’applique depuis le 31 mars 2022. Le webinaire organisé par Syndex a donc rappelé le nouveau rôle des élus dans l’élaboration du DUERP et défini le périmètre de la consultation concernée.

Le rôle des élus dans l’élaboration du DUERP

Selon Anne Benedetto, “parmi la batterie des documents de prévention, le DUERP prend encore plus d’importance depuis la loi santé au travail”. De ce fait, confirme Laurent Gonzales, “les élus du CSE ont un vrai rôle à jouer dans l’élaboration du DUERP”. En effet, la loi prévoit que le CSE doit être consulté sur le DUERP au moins une fois par an dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Cette consultation concerne non seulement la rédaction initiale du document mais aussi ses mises à jour. De plus, la loi renforce le dispositif en contraignant l’employeur à évaluer de nouveaux risques : ceux liés à l’organisation du travail et les poly-expositions aux agents chimiques dangereux. “Le CSE et la CSSCT apparaissent donc comme de nouveaux contributeurs à l’élaboration et la mise à jour du DUERP”, insiste Laurent Gonzales. Par ailleurs, l’employeur doit conserver les différentes versions du DUERP pendant au moins 40 ans. Ces versions sont tenues à la disposition des travailleurs, anciens travailleurs et toute personne y justifiant intérêt. L’ancien travailleur ne peut accéder qu’aux versions du DUERP correspondantes à sa période de présence dans l’entreprise, précise Anne Benedetto.

“En tant qu’élus du CSE, le DUERP étant construit de manière participative, vous contribuez à évaluer les risques par vos inspections, vos enquêtes, votre droit d’alerte, votre connaissance des indicateurs sociaux transmis dans le rapport annuel de la commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) si elle existe”, recommande Laurent Gonzales. Rappelons que la CSSCT est obligatoire dans les entreprises d’au moins 300 salariés. L’inspecteur du travail (ou un accord majoritaire) peut cependant l’imposer dans les entreprises de moindre effectif.

Une consultation du CSE d’établissement

Quid de l’articulation entre CSE central et CSE d’établissement dans la consultation sur le DUERP ? Le CSE central est-il prioritaire sur cette consultation ? Non, répond Laurent Gonzales : “Le DUERP est un document opérationnel, bâti sur une logique d’unités de travail. Il fait notamment apparaître les risques psychosociaux et ceux liés à l’organisation du travail. L’employeur doit donc consulter les instances locales. La consultation doit se tenir au CSE d’établissement sur le DUERP de ce même établissement”. Pour mémoire, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, des CSE d’établissement et un CSE central sont constitués dans les entreprises comportant au moins deux établissements distincts (article L.2313-1 du code du travail).

Quant au rythme de consultation, Anne Benedetto considère qu’il sera supérieur à une fois par an en pratique : “Le CSE est consulté à chaque modification du DUERP. Ainsi, à chaque séance du CSE sur des sujets de la CSSCT, le DUERP est susceptible d’être modifié. Donc le CSE peut être consulté jusqu’à quatre fois par an et plus en cas de besoin”.

L’article L.2315-27 du code du travail prévoit en effet qu'”au moins quatre réunions du comité social et économique portent annuellement en tout ou partie sur les attributions du comité en matière de santé, sécurité et conditions de travail, plus fréquemment en cas de besoin, notamment dans les branches d’activité présentant des risques particuliers”. La consultante conseille aussi aux élus de s’appuyer au maximum sur la consultation relative à la politique sociale qui leur fournira les informations et indicateurs nécessaires. “Attention, ajoute-t-elle, l’idée est que les élus rendent un avis critique du DUERP, négatif ou positif, mais avec une réelle analyse de son contenu”. En un mot, l’avis des élus sur le DUERP devra confronter le document aux réalités du travail dans l’établissement.

Marie-Aude Grimont

Comment améliorer les conditions de travail dans les Ehpad ?

Le cabinet Secafi publie un guide ciblé sur l’amélioration des conditions de travail des employés des Ehpad. Dans ces établissements, que peuvent faire les élus des CSE pour les personnels, sachant que les contraintes extérieures (réglementation, financement par la Sécurité sociale) sont fortes ? Les réponses de Sophie Rousseau, l’une des auteurs de ce guide.

Un mot pour vous présenter ?

Au sein de Secafi, je m’occupe du secteur “santé et économie sociale”, pour lequel nous réalisons des analyses économiques, stratégiques, sociales, sur les conditions de travail également. Je suis notamment en charge de la méthodologie interne, de la coordination des consultants et de la capitalisation de leurs expériences, et du travail de recherche, mais j’ai gardé une responsabilité de mission. J’ai co-rédigé, avec François Cochet et Richard Jeantet, le guide Agir de Secafi sur les Ehpad (1).

Pourquoi publiez-vous un guide ciblé sur les Ehpad ? Est-ce en raison de l’affaire Orpea qui a remis à la une les conditions de travail de ce secteur ?

Nous avions déjà publié en 2015 ce guide pour la qualité de vie au travail et l’amélioration des conditions de travail des Ehpad, et ce guide a été l’un des plus téléchargé sur notre site. En 2022, c’était le bon moment pour le réactualiser, non du fait de l’affaire Orpea, mais parce que la dégradation des conditions de travail des personnels et, de façon plus générale, la problématique générale de la prise en charge des personnes âgées ne faisait que monter en puissance ces dernières années et ces derniers mois.

Le sujet des Ehpad ne fait que monter en puissance ces dernières années 

Le travail du journaliste Victor Castanet (Ndlr : l’auteur des Fossoyeurs, le livre sur Orpea) a été le point d’orgue d’un long processus de rapports parlementaires, de propositions émanant de politiques et de syndicalistes sur ces sujets, alors que la situation empirait. Nous étions engagés dans une phase d’actualisation des éléments chiffrés de notre guide et nous lui avons ajouté une dimension pratique à destination des représentants du personnel. L’actualité s’est focalisée sur les taux d’encadrement et les moyens dans ces établissements. C’est bien sûr essentiel, mais ce ne sont pas les seuls déterminants du travail. 

Mais justement, ne sont-ce pas des éléments externes aux Ehpad (réglementation, financement par la Sécurité sociale, etc.) qui déterminent largement les conditions de travail des personnels ? 

C’est en effet une question centrale. Les Ehpad, comme d’autres structures sanitaires et médico-sociales, sont en effet encadrés par des budgets confiés par l’Assurance maladie et les départements, sachant que le secteur privé peut avoir une tarification libre sur la partie hébergement.

 Avec le même budget, il peut y avoir des façons différentes d’organiser le travail

La marge de manœuvre de ces établissements paraît donc limitée, il n’y a qu’à voir l’insuffisance du “subventionnement” du taux d’encadrement (Nldr : pour 100 places, ce taux d’encadrement est de 63,4 équivalents temps plein, contre 61 en 2016, mais il est jugé toujours insuffisant). Cela étant, avec le même budget, il peut toujours y avoir des façons différentes d’organiser le travail, de mener une politique sociale en vue d’un meilleur climat social, de tenter d’être attractif, etc. Nous donnons quelques clés et quelques pistes pour les représentants du personnel.

Vous abordez la question du matériel dans les Ehpad…

La Cnam (Caisse nationale de l’assurance maladie) ne dénombre pas moins de 20 000 accidents de travail en Ehpad en 2019, des accidents dont la première cause est la manutention, suivie par les chutes. Le matériel pouvant aider les personnels de ces établissements, pour lever les personnes par exemple, est particulièrement crucial pour limiter ces accidents du travail, pour prévenir la pénibilité, éviter les blessures au dos. Les pouvoirs publics ont aidé les établissements à se doter de ces matériels, ce qui montre une prise de conscience sur ce sujet, même si les enveloppes ne sont pas à la hauteur des besoins. Mais ce sujet doit être appréhendé de façon globale.

Faute de temps et de formation, il arrive que le matériel ne soit pas utilisé ! 

Nous avons vu des cas où le matériel était présent dans l’Ehpad mais laissé au fond d’un couloir, et finalement pas utilisé. Pourquoi ? Parce que les salariés soumis à des tâches multiples n’avaient rigoureusement pas le temps d’aller dans le couloir chercher un fauteuil ergonomique, par exemple, mais aussi parce qu’il n’y avait pas eu de formation sur ce matériel. Dès lors, on utilise l’ancien que l’on connaît. Une enveloppe financière ne suffit donc pas ! Le matériel doit correspondre aux besoins précis de l’établissement et les personnels doivent être formés et accompagnés à la prise en main de ces nouveaux outils. La prévention des accidents et l’amélioration des conditions de travail passent aussi par les locaux : salles de bains exigües, douches qui ne sont pas de plein pied, très longs couloirs avec étages, etc., tout cela contribue à la fatigue et à l’usure du personnel.

En quoi la consultation du CSE sur le DUERP, le document unique d’évaluation et de prévention des risques professionnels, peut-elle constituer une opportunité pour les élus ?

Parfois le dialogue social dans ces établissements est difficile, notamment au sujet des négociations salariales. Mais ce sujet des risques professionnels et de leur prévention peut faire consensus entre les employeurs et les élus. Il me semble que cette obligation réglementaire sur la réalisation et l’actualisation du DUERP, renforcée par la loi santé au travail de 2021, donne l’occasion aux représentants du personnel de participer à un travail concerté sur le diagnostic des risques (les identifier, les coter, etc.) pour aboutir à un plan d’action.

En quoi peut consister ce plan d’action ?

Ce peut être l’organisation de formations, un aménagement de l’organisation du travail, mais aussi des temps d’échanges.

Les élus du personnel peuvent demander des temps d’échange collectif 

Ces temps d’échanges collectifs, qui ne sont pas pour nous des points de transmission de consignes d’une équipe à l’autre, peuvent, par exemple, consister à faire le point en équipe, 5 à 15 minutes par jour, sur le déroulement prévu de la journée, sur les événements particuliers à connaître et à anticiper, mais aussi l’occasion d’examiner certains sujets liés au travail comme la prévention des esquarres, l’utilisation du lève-malades, ou des événements douloureux. Ce type d’échanges est organisé par la direction ou les cadres de santé mais rien n’empêche les élus d’avoir l’initiative de les demander en insistant sur le besoin de refaire sens et de communiquer.

Vous préconisez dans le guide “l’élaboration commune de solutions organisationnelles”. Qu’est-ce que cela signifie ?

Dans les organisations du travail, les règles et les contrôles se multiplient, avec des notes de service affichées. Ce sont des procédures écrites mais elles doivent faire l’objet de discussions, entre pairs ou de façon collective avec le cadre de proximité, afin que ces procédures soient confrontées au travail réel. Pour voir ce qui dans ces règles fonctionne et ce qui ne peut pas être respecté et donc doit être corrigé.

Il doit y avoir une discussion pour confronter les procédures et les notes de service au travail réel 

Ces échanges collectifs ont d’ailleurs été très nombreux pendant la crise sanitaire, car il fallait élaborer ensemble, dans l’urgence, des solutions concrètes et pragmatiques pour faire face au manque de masques et de blouses. Cela n’est pas étonnant pour nous, d’ailleurs. Bien sûr, que nous soyons psychologue, ergonome ou analyste social, nous avons un regard d’expert, mais quand nous travaillons au côté des salariés, nous voyons tous que ce sont les salariés qui, parce qu’ils connaissent bien sûr leur travail et leur environnement, vont émettre des solutions ou des mesures pour réduire le risque, améliorer l’organisation, etc.

Le DUERP a-t-il été modifié lors de la crise sanitaire dans les Ehpad ?

Malgré tout ce qu’on peut dire sur le dialogue social, parfois bien abîmé ici et là, nous avons quand même constaté une volonté générale de prendre à bras-ll-corps le risque lié à la Covid-19. Ces notions de coopération et de collaboration collective se sont concrétisées pendant cette crise et les représentants des salariés ont été acteurs de la prévention. Nous avons vu de nombreuses actualisations du DUERP, mais aussi des adaptations au fil de l’eau des organisations, avec des réunions ou des points planifiés chaque jour ou chaque semaine avec des représentants du personnel.

Le modèle des Ephad peut-il tenir quand on sait que le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans va doubler d’ici 2050, et que l’augmentation du niveau de dépendance physique et psychique va entraîner des besoins en personnel plus importants, sur des tâches à forte pénibilité ? On a l’impression que le maintien à domicile est privilégié par les pouvoirs publics…

Vaste question ! Des solutions sont avancées pour maintenir le plus longtemps possible la personne âgée à son domicile ou pour imaginer une autre forme d’habitat collectif, entre générations ou via des résidences autonomes.

Le modèle des Ehpad doit évoluer

Il n’en demeure pas moins que la médicalisation du grand âge est un aspect incontournable, avec la perte d’autonomie physique mais aussi psychique. Il est évident que le modèle des Ehpad doit changer, pour faire évoluer le mode de prise en charge et d’accompagnement des personnes dépendantes. Cela passe d’abord par un changement de regard, dans nos sociétés européennes, sur le grand âge. Le modèle des Ehpad doit aussi changer pour rendre ses métiers davantage attractifs.

Comment redonner de l’attractivité à ces métiers ? 

Les soignants et les personnels ne travaillent pas en Ehpad par hasard.

 Le sens du travail est primordial

Pour eux, le sens de leur travail est primordial, et la façon dont on organise le travail joue donc un grand rôle. De bons plannings peuvent participer de l’attractivité de ces métiers. Cela n’est pas évident car souvent les personnes se retrouvent à commencer tôt le matin et finissent tard le soir, avec une coupure, par exemple, de 13h30 à 15h30. Si vous habitez loin de votre travail, cette amplitude de travail énorme (10 heures pour une rémunération de 7h30), est épuisante, et, à terme, ce n’est pas tenable pour les personnes. Bien sûr, cela va de pair avec l’amélioration des salaires.

Qu’avez-vous observé avec le passage au CSE ? Un renouvellement des élus ?

On retrouve certains anciens membres mais il y a de nombreux nouveaux élus, effectivement. D’ailleurs, quand on analyse la politique sociale d’un établissement, on regarde s’il y a des mandats vacants au CSE, s’il y a des nouveaux élus. C’est un indicateur très pertinent. Mais le passage du CE et du CHSCT au CSE a beaucoup perturbé le travail des représentants du personnel. Nous ne serions recommander une organisation idéale en matière d’IRP. Mais quand il y a sur un site des élus CSE ou des représentants de proximité, cela facilite grandement le dialogue social et le travail conjoint sur les conditions de travail.

On a vu qu’Orpea n’avait mis en place d’un seul CSE pour toute la France. Une telle centralisation est-elle la norme ou l’exception dans le secteur des Ehpad ?

Cela me paraît exceptionnel. Des grands groupes ou des associations non lucratives du secteur n’ont pas choisi de faire cela. Ce qu’on voit plutôt, ce sont des CSE centraux avec des CSE régionaux. Avoir des représentants des salariés au contact du personnel est crucial et même un impératifpour l’amélioration des conditions de travail.

(1) Agir pour l’amélioration des conditions de travail dans les Ehpad, Secafi, à télécharger ici 

Bernard Domergue

Santé publique France lance la plateforme “les employeurs pour la santé”

Santé publique France a déployé ce mardi 31 mai, à l’occasion de la journée mondiale sans tabac, la plateforme “Les employeurs pour la santé”, nouveau dispositif pour accompagner les structures (publiques, privées et associatives) dans une démarche de prévention et de promotion de la santé de leurs collaborateurs. L’objectif est de mettre à leur disposition des outils à déployer au sein de leur structure au rythme qu’elles souhaitent.

La première thématique traitée est celle de l’arrêt du tabac, à la suite du succès de l’opération “Mois sans tabac” chez un certain nombre d’employeurs.  Lors de la dernière édition de “Mois sans tabac” en 2021, près de 5 000 structures se sont en effet inscrites sur le site qui leur est dédié et ont commandé les outils (affiches, dépliants vidéos, campagne 3989) mis à disposition par Santé publique France. 

La plateforme a vocation à traiter de toutes les thématiques liées aux addictions et à l’ensemble des thématiques de prévention et de promotion de la santé dans les années à venir (alimentation, activité physique, santé mentale, etc.).

actuEL CE

Le ministère du travail rappelle les précautions à prendre en cas de fortes chaleurs

Dans un communiqué publié mercredi, le ministère du travail rappelle les précautions à prendre par l’employeur pour protéger ses salariés des fortes chaleurs au travail :

  • mettre en place une organisation adaptée pour limiter l’exposition des travailleurs aux fortes chaleurs (horaires décalés, pauses plus fréquentes…) et privilégier le télétravail lorsque cela est possible ;
  • mettre à la disposition des salariés de l’eau potable et fraîche ;
  • s’assurer que le port des protections individuelles est compatible avec les fortes chaleurs ;
  • contrôler le bon renouvellement de l’air dans les locaux fermés, et surveiller la température des locaux ;
  • fournir aux salariés des moyens de protection contre les fortes chaleurs et/ou de rafraîchissement ;
  • faire remonter toute situation anormale au système d’inspection du travail.

Concernant les travailleurs en extérieur, l’employeur doit aménager leur poste de façon à ce qu’ils soient protégés des fortes chaleurs dans la mesure du possible. Il doit également prévoir un local permettant l’accueil des travailleurs dans des conditions préservant leur sécurité et leur santé : à défaut d’un tel local, des aménagements horaires de chantier doivent être prévus. Enfin, doivent être mis à disposition de chaque travailleur au moins trois litres d’eau par jour.

En cas de déclenchement par Météo France de la vigilance rouge dans un département, l’employeur doit réévaluer quotidiennement les risques d’exposition pour chacun de ses salariés en fonction de l’évolution de la température et de la nature des travaux à effectuer. Si les précautions prises sont insuffisantes pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs, l’activité doit être suspendue. Les entreprises peuvent alors recourir au dispositif d’activité partielle ou de récupération des heures perdues. Concernant le secteur du BTP, les employeurs peuvent bénéficier du dispositif “intempéries”.

actuEL CE

NÉGOCIATION COLLECTIVE

Convention collective de branche : l’avis d’une commission d’interprétation ne lie le juge que s’il a valeur d’un avenant

Dans chaque branche professionnelle, une commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation doit être mise en place par convention ou accord (article L.2232-9 du code du travail). Cette commission peut rendre, à la demande d’une juridiction, un avis sur l’interprétation d’une convention ou d’un accord collectif.

La portée de son avis est assez limitée, sauf s’il a la valeur d’un avenant à la convention collective. Dans ce cas, cet avis lie le juge (arrêt du 2 mai 2006 ; arrêt du 1er juillet 2009).

En effet, l’avenant interprétatif d’un accord collectif, signé par l’ensemble des parties à l’accord initial, s’impose avec effet rétroactif à la date d’entrée en vigueur de ce dernier accord à l’employeur, aux salariés mais aussi au juge qui ne peut en écarter l’application (arrêt du 1er décembre 1998). Un accord ne peut être considéré comme interprétatif qu’autant qu’il se borne à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu’une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse (arrêt du 4 février 2015).

C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt publié du 11 mai 2022.

Dans cette affaire, un salarié réclamait en justice un rappel de salaires au titre de la demi-heure quotidienne de pause accordée au salarié en travail posté, dont la rémunération était prévue par l’article 22, 8° de la CCN de l’industrie pharmaceutique du 6 avril 1956.

Selon cet article, qui se rapporte aux majorations de salaire dues à l’organisation et à la durée du temps de travail, on appelle travail par poste l’organisation dans laquelle un salarié effectue son travail journalier d’une seule traite. Lorsque le salarié travaille de façon ininterrompue dans un poste d’une durée supérieure à 6 heures, il lui est attribué une demi-heure de repos rémunérée.

Dans un avis rendu le 23 novembre 2017, la commission permanente de négociation et d’interprétation instituée par la CCN précitée, décide, à l’unanimité des organisations syndicales représentatives, que “cette demi-heure de repos peut être accordée avant que les 6 heures de travail se soient écoulées ou à la suite de ces 6 heures”. Elle accorde à cet avis la même valeur contractuelle que les clauses de la CCN. L’avis est annexé à cette convention et étendu par arrêté ministériel du 27 mars 2019.

Se bornant à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu’une définition imparfaite avait rendu susceptible de controverse, cet avis d’interprétation avait la valeur d’un avenant. 

C’est donc à bon droit que la cour d’appel a décidé qu’il était applicable aux demandes du salarié de manière rétroactive : le fait que la pause de 30 minutes, accordée au salarié, n’ait pas été placée à la suite de la période de travail de 6 heures était sans incidence sur son droit à la rémunération de son temps de pause.

actuEL CE

Intéressement : attention à la date limite de dépôt de l’accord !

Un accord d’intéressement doit être déposé auprès de l’administration dans les 15 jours suivant la date limite de conclusion. Tout retard entraîne la perte du droit aux exonérations sociales pour le premier exercice, confirme la Cour de cassation.

Les sommes versées par l’employeur aux salariés en application d’un accord d’intéressement bénéficient d’exonérations fiscales et sociales sous certaines conditions.

Parmi celles-ci figure le respect des dates limites de conclusion et de dépôt de l’accord auprès de l’administration. L’accord doit ainsi être conclu avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d’effet (article L.3314-4 du code du travail). Et il doit être déposé auprès de l’administration du travail dans un délai de 15 jours à compter de cette date limite de conclusion (article D.3313-1 du code du travail).

Pour une entreprise dont lexercice correspond à lannée civile, la date limite de conclusion dun accord prenant effet au 1er janvier dune année N est le 30 juin de cette année N, et celle de dépôt de l’accord, le 15 juillet de la même année.

L’article L.3315-5 du code du travail prévoit qu’un accord conclu ou déposé hors délai produit ses effets entre les parties mais n’ouvre droit aux exonérations que pour les périodes de calcul ouvertes après le dépôt. Autrement dit, le non-respect des délais entraîne la perte des exonérations pour l’exercice du dépôt (voire pour le ou les exercices antérieurs en cas de dépôt très tardif).

En matière de preuve du respect du délai de dépôt, la Cour de cassation a jugé quil appartient à lentreprise de produire le récépissé de dépôt des accords (arrêt du 4 avril 2018).

Un redressement de l’Urssaf en raison du dépôt tardif de l’accord

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient de faire application de ces dispositions en confirmant sans surprise la perte des exonérations sociales en cas de dépôt tardif de l’accord.

Dans cette affaire, une entreprise avait conclu un accord d’intéressement le 23 septembre 2014 pour une prise d’effet au 1er avril 2014, son exercice comptable courant du 1er avril au 31 mars de l’année suivante. En application du code du travail, la date limite de conclusion de l’accord pour cet exercice était le 30 septembre 2014, tandis que la date limite de dépôt était le 15 octobre 2014. L’entreprise avait donc bien conclu l’accord dans les temps mais l’avait déposé le 12 novembre seulement, hors délai.

Après un contrôle portant sur les années 2014 et 2015, l’Urssaf avait notifié à l’entreprise un redressement en considérant que le dépôt tardif de l’accord entraînait la perte des exonérations sociales au titre du premier exercice d’application de l’accord. La société avait saisi la juridiction de sécurité sociale mais avait été déboutée par la cour d’appel. Elle s’était pourvue en cassation.

Son pourvoi faisait notamment valoir que l’article L 3315-5 du code du travail fixant la sanction du non-respect des délais de conclusion et de dépôt de l’accord d’intéressement prévoit la perte des exonérations fiscales et non sociales. Il est vrai que l’article mentionne la perte des “exonérations” sans plus de précisions et qu’il vient après les articles L.3315-1 à L.3315-4 qui détaillent uniquement les exonérations fiscales applicables à l’intéressement. Mais l’ensemble constitue un chapitre V intitulé “régime social et fiscal de l’intéressement”, de sorte que la perte des exonérations englobe les aspects sociaux et fiscaux.

Une perte du droit aux exonérations sociales pour le premier exercice

C’est ce que retient la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en jugeant que pour ouvrir droit aux exonérations de cotisations sociales sur les sommes versées au titre de l’intéressement, l’accord doit avoir été conclu et déposé dans les délais fixés par le code du travail, et que lorsqu’il est déposé hors délai, il n’ouvre droit aux exonérations que pour les périodes de calcul ouvertes postérieurement à son dépôt.

En l’espèce, l’accord aurait dû être déposé au plus tard le 15 octobre 2014, mais ne l’a été que le 12 novembre 2014 : la cour d’appel en a exactement déduit que le droit à exonération de cotisations sociales n’était ouvert que pour les exercices ouverts à partir du 1er avril 2015, mais pas pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015. Le redressement est validé.

Cette solution sapplique également aux décisions unilatérales de mise en place d’un régime d’intéressement permises par la loi 2020-734 du 17 juin 2020, qui valent accord d’intéressement (article L.3312-5, II du code du travail), et aux accords d’entreprise ou documents unilatéraux permettant depuis le 1er novembre 2021 d’adhérer à un accord de branche d’intéressement agréé (article L.3312-8 du code du travail). Dans sa version actuelle, l’article D.3313-1 du code du travail relatif au dépôt des accords d’intéressement, plusieurs fois réécrit, mentionne en effet explicitement ces deux catégories d’actes de mise en place de l’intéressement dans l’entreprise.  

Fanny Doumayrou