Travail, retraites, assurance chômage : Elisabeth Borne déroule le programme d’Emmanuel Macron
La Première ministre a prononcé hier son discours de politique générale devant une Assemblée nationale parfois houleuse. Bien que se plaçant d’emblée dans l’optique du compromis, elle a confirmé la réforme de Pôle Emploi, celle des retraites et de l’assurance chômage. Quelques mesures concrètes ont été annoncées, notamment sur l’allocation adulte handicapé ou les véhicules électriques.
Une heure trente pour faire le tour des sujets du quinquennat. Dans un style sobre et sans se laisser perturber par l’opposition qui l’a parfois chahutée, Élisabeth Borne a déroulé le programme d’Emmanuel Macron tout en faisant savoir que le gouvernement rechercherait des compromis, “sans se compromettre”. Adressant de grands sourires aux présidents des groupes parlementaires, elle a décliné les priorités du moment : le pouvoir d’achat, la poursuite des réformes du travail, l’urgence écologique ou encore la souveraineté énergétique. Il demeure que le gouvernement devra mener des discussions avec les groupes d’opposition et donc sans doute faire des concessions dans l’application du programme présidentiel. “Nous mènerons sur chaque sujet une concertation dense”, a-t-elle affirmé, ouvrant ainsi la voie à la recherche fastidieuse d’une majorité sur chaque projet de loi. Pour l’instant, les chantiers du travail sont confirmés : transformation de Pôle Emploi en France Travail, réforme des retraites, recherche du plein emploi “qui est à notre portée”.
Travail et retraites au menu du quinquennat
La précédente réforme de l’assurance chômage laisse donc le gouvernement sur sa faim. Malgré la refonte du mode de calcul de l’allocation journalière ou la dégressivité des allocations chômage des cadres, Élisabeth Borne veut poursuivre son action sur ces sujets. “Nous avons le taux de chômage le plus bas depuis 15 ans”, a justifié la Première ministre, “et il faut ramener vers l’emploi ceux qui sont les plus éloignés du travail”. Reliant ce thème à celui des recrutements, la cheffe du gouvernement a cependant invité “les employeurs à prendre leurs responsabilités et à améliorer les conditions de travail”. Pôle Emploi sera par ailleurs bien renommé en France Travail, sans que l’on sache ce que recouvre ce changement d’appellation, le gouvernement n’en ayant pas encore fourni les détails. Il s’agira en tout cas selon Madame Borne “d’accompagner au mieux les chômeurs car notre organisation est trop complexe”, la Première ministre critiquant notamment la répartition des rôles entre l’Etat et les régions.
Les retraites restent également dans le collimateur gouvernemental : “Notre pays a besoin d’une réforme des retraites (…). Notre système est une exception, on part plus tard chez nos voisins européens. (…) Oui, nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps”. Des députés de l’opposition n’ont pas manqué de réagir par le chahut à ces affirmations, nécessitant l’intervention de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, pour ramener le calme dans l’hémicycle.
La Première ministre compte également poursuivre son action dans le domaine de la formation, en “élargissant aux lycées professionnels le succès de l’apprentissage”. Le gouvernement entend par ailleurs former “un million de jeunes dans les métiers d’avenir, dont la moitié dans le numérique”.
Quelques annonces relatives au pouvoir d’achat
Le projet de loi sur le pouvoir d’achat est présenté aujourd’hui en Conseil des ministres et Élisabeth Borne l’a évoqué en début de discours, car “nos concitoyens restent à la merci de chaque hausse de prix”. Il sera donc question de prolonger le bouclier tarifaire sur l’énergie, de baisser les charges des indépendants, de tripler le plafond de la prime Macron. La Première ministre souhaite de plus plafonner la hausse des loyers et “aider les travailleurs pour lesquels la voiture est une nécessité”. Le gouvernement proposera “d’augmenter les revenus du travail et d’améliorer le partage de la valeur”, sans toutefois détailler les moyens d’y parvenir. Une mesure concrète en revanche : l’allocation adulte handicapée sera déconjugalisée, et donc calculée selon les seuls revenus de son bénéficiaire.
“Pas de hausses d’impôts”
Élisabeth Borne s’est engagée devant les députés à ne pas augmenter les impôts, tout en alertant les parlementaires sur le niveau de la dette française qu’elle souhaite réduire dès 2026 pour passer sous la barre des 3 % du PIB en 2027. Rappelons qu’en fiscalité, il est malgré tout possible d’augmenter les recettes fiscales de l’État sans augmenter les taux des impôts, en modifiant l’assiette des revenus qui y sont soumis. Côté entreprises, la baisse des impôts de production reste au goût du jour : la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) “sera supprimée dès la loi de finances 2023”.
Une transformation écologique “radicale”
On n’attendait pas l’adjectif “radical” dans la bouche d’Élisabeth Borne. Elle a pourtant qualifié ainsi l’action de son gouvernement en matière de transition écologique. Il ne sera pas question de décroissance pour autant. La Première ministre (aussi en charge de la planification écologique) vise l’innovation, les filières nouvelles et les emplois d’avenir. Chaque ministre se verra doté d’une “feuille de route climat et biodiversité”. Autre mesure en droite ligne du programme présidentiel d’Emmanuel Macron, faire dépendre la rémunération des dirigeants des grandes entreprises de leurs objectifs environnementaux. Reste à voir si ces objectifs seront fixés par la loi ou s’ils pourront être librement choisis par les actionnaires, ce qui ne contraindra guère les dirigeants …
Enfin, pour assurer au pays sa souveraineté énergétique, Élisabeth Borne a indiqué l’intention de l’État de devenir actionnaire d’EDF à 100 %. Une phrase qui a fait aussitôt bondir le cours de bourse de l’entreprise mais sur laquelle on peut s’interroger, l’État détenant déjà 84 % d’EDF. “Nous serons la première nation écologique à sortir des énergies fossiles”, a martelé la Première ministre, se montrant favorable à la fois au nucléaire et aux énergies renouvelables. S’il “faudra éviter les consommations inutiles”, le gouvernement mettra sur pied un système de location de véhicules propres pour moins de 100 euros par mois.
A la fin de son discours qui commençait à se faire long, Madame Borne a conclu sur une note plus personnelle, évoquant la perte de son père (ancien déporté) lorsqu’elle était enfant, et son inspiration auprès de femmes politiques comme Simone Veil ou Irène Joliot-Curie, Suzanne Lacore et Cécile Brunschvicg, premières femmes membres d’un gouvernement en 1936 sous le Front populaire. Il est cependant peu probable que cela lui ait attiré la sympathie des députés de l’opposition qui sont décidés à mener la vie dure à son gouvernement.
Les syndicats déplorent l’absence des hausses de salaires dans le discours
Plusieurs syndicats ont réagi hier après-midi au discours de la Première ministre. A commencer par FO, Frédéric Souillot regrettant que “les mesures annoncées sur le pouvoir d’achat contournent soigneusement la question de l’augmentation des salaires”. Le nouveau secrétaire général de Force Ouvrière s’inquiète également “du virage annoncé visant à respecter à nouveau le critère de déficit public d’ici 2027, soulignant que l’hôpital, les services publics et le pouvoir d’achat font partie des nombreuses urgences. FO rappelle par ailleurs son opposition à la réforme de l’âge légal de départ en retraite. Côté CGT, Philippe Martinez relève que “le nouveau gouvernement et la Première ministre en tête sont restés sourds aux résultats des urnes”. Prenant pour exemple le sujet du pouvoir d’achat, la CGT pointe que la hausse des salaires n’a pas été évoquée : “la politique de chèques va de nouveau être la priorité et renvoie à la négociation d’entreprise”. Sur les retraites, le syndicat regrette que “le message est clair et le projet reste le même”, et menace d’une grève en septembre (communiqués en pièces jointes).
France compétences diffuse via un moteur de recherche les tables de correspondance des entreprises adhérentes des Opco
France compétences est chargée d’établir et de publier des tables de correspondance associant aux établissements de chaque entreprise l’Opco dont ils relèvent. Selon l’article R. 6123-34 du code du travail, ces tables associent à chaque branche professionnelle et aux établissements de chaque entreprise l’Opco dont ils dépendent, au regard :
du champ d’intervention professionnel et interprofessionnel de l’Opco défini dans l’arrêté d’agrément ;
de l’activité principale des établissements considérés.
L’article R. 6123-35 du code du travail précise que ces tables sont publiées sur le site internet de France compétences selon un format défini par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle. Unarrêté du 15 juin publié au Journal officiel du 30 juin confirme que ces tables doivent être diffusées sous la forme d’un moteur de recherche.
France compétences a lancé au mois de mars dernier un moteur de recherche permettant aux entreprises d’identifier leur Opco. Celui-ci comprend un mode de recherche rapide pour les entreprises connaissant leur IDCC et un mode de recherche avancée visant à déterminer, après avoir renseigné des informations précises (département de l’établissement, activité principale réellement exercée), le code IDCC applicable ou l’Opco à déclarer en l’absence d’IDCC.
Cet outil est accessible via un onglet “DSN : trouver son Opco” sur la page d’accueil du site de France compétences.
actuEL CE
L’aide exceptionnelle à l’embauche de demandeurs d’emploi en contrat de professionnalisation est aménagé
Un décret du 29 octobre 2021 a créé une aide exceptionnelle de l’État pour l’embauche de certains demandeurs d’emploi en contrat de professionnalisation. Cette aide concerne les contrats de professionnalisation conclus entre le 1er novembre 2021 et le 31 décembre 2022. Un décret du 29 juin 2022, publié au Journal officiel du 30 juin, modifie le champ des personnes ouvrant droit à l’aide. Par ailleurs, il maintient la condition d’âge pour les contrats conclus à partir du 1er juillet.
actuEL CE
Nouvelle rallonge pour France compétences
Selon le projet de loi de finances rectificatives (PLFR) pour 2022, présenté hier en Conseil des ministres, France compétences bénéficiera d’une subvention exceptionnelle d’un montant de 2 milliards d’euros pour combler le déficit de l’institution évalué à près de 6 milliards d’euros cette année. Cette rallonge s’ajoute aux 2,75 milliards d’euros de dotations exceptionnelles accordés par l’Etat à l’organisme en 2021 et aux 2,6 milliards d’euros d’emprunts contractés auprès des banques.
Le PLFR prévoit, en outre, une enveloppe de 743 millions d’euros pour financer la prolongation des aides exceptionnelles de l’État à l’embauche d’alternants jusqu’à la fin de l’année.
Covid-19 : la justice administrative reconnaît la “carence fautive” de l’Etat au sujet des masques
Rendue publique le 28 juin, la décision de la justice administrative arrive tard, au moment où le gouvernement et l’Assemblée pourraient bientôt débattre d’une nouvelle prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Mais c’est une décision intéressante qui reconnaît les carences de l’Etat lors de la survenue de la pandémie, tant sur l’absence de mise à disposition de masques que sur la communication “fautive” sur l’absence d’utilité de ces masques…
Dans le cas d’espèce, la plaignante soutenait que son hospitalisation pour pneumonie à Paris du 27 au 31 mars 2020 du fait de la Covid-19 mettait en cause la responsabilité de l’Etat. Dans sa requête du 17 août 2020, elle demandait une réparation de 25 000 €. Selon l’intéressée, l’Etat aurait dû prendre les mesures nécessaires évitant cette épidémie et donc son hospitalisation. A ses yeux, l’Etat avait méconnu le principe de précaution, comme l’attestent :
la pénurie de masques entre janvier et mars 2020 ;
la pénurie de gel hydroalcoolique en début de pandémie ;
le choix de ne pas procéder à un dépistage massif de la population en mars et avril 2020 ;
un confinement décidé tardivement le 16 mars 2020.
Pas de lien de causalité
Pour la plaignante, l’ensemble de “ces fautes” est à l’origine de sa contamination.
Mais le tribunal administratif, dans sa décision du 28 juin 2022, refuse d’admettre et de reconnaître un lien de causalité entre ces pénuries et ces choix de gestion de la santé publique et l’état de la plaignante. Il déboute donc la plaignante. Le tribunal motive sa décision en évoquant la forte contagiosité du virus, “l’absence de caractère infaillible de la mesure de protection que constitue le port d’un masque respiratoire” mais aussi l’appel de l’Etat à respecter des distances minimales et à se laver les mains.
Ce faisant, le juge reconnaît tout de même la “carence fautive de l’Etat” résultant de l’absence de mise à disposition de masques respiratoires ainsi que la “communication fautive de l’Etat quant à l’utilité du port” de ces masques pour prévenir la transmission de la Covid-19.
On se souvient qu’Edouard Philippe, alors Premier ministre, et Olivier Véran, ministre de la Santé, mais aussi la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye (1), avaient été fortement critiqués à la fois pour l’absence de masques en France en début de pandémie (une situation aussi imputable aux gouvernements précédents) et surtout pour leur absence de consigne de port de ce masque en début de pandémie. Comme s’il ne s’agissait pas d’une mesure utile de prévention de la transmission du virus et comme si cette position visait d’abord à dissimuler la pénurie de masques disponibles.
Les deux carences fautives de l’Etat
Sur l’absence suffisante de stocks de masques, le juge rappelle l’objectif que s’était fixé l’Etat n’était pas rempli puisque le stock se limitait en 2019 à 117 millions de masques chirurgicaux et d’1,5 millions de masques FFP2. “La circonstance qu’un tel stock était insuffisant pour faire face à l’apparition d’une pandémie telle celle résultant de la Covid-19 n’est d’ailleurs pas sérieusement contestée en défense. Ainsi, la requérante est fondée à soutenir que l’Etat a commis une faute en s’abstenant de constituer un stock suffisant de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène”, écrit le juge.
Au sujet de la communication de l’Etat en début de pandémie, là aussi, le juge estime l’action de l’Etat fautive : “La requérante fait valoir que plusieurs déclarations gouvernementales ont indiqué, au cours des mois de février et mars 2020, qu’il n’était pas utile, pour la population générale, de porter un masque. Or, les recommandations scientifiques disponibles, en particulier celles émises par le HCSP (Ndlr : Haut conseil de la santé publique) le 1er juillet 2011 (2), faisaient état de l’utilité du port de masques respiratoires par la population générale, notamment dans les transports en commun, dans l’hypothèse de la survenue d’une épidémie causée par un agent respiratoire hautement pathogène. Ainsi, la requérante est fondée à soutenir que de telles déclarations, qui ont pu avoir notamment pour effet de dissuader la population d’avoir recours à des masques alternatifs, revêtent, compte tenu de leur caractère contradictoire avec les données scientifiques disponibles, un caractère fautif“.
Malgré cette reconnaissance, la requête de la plaignante est donc rejetée.
(1) Le 20 mars 2020 sur BFMTV, la porte-parole du gouvernement avait déclaré : “Je voudrais dire aussi une chose que nous répétons chaque soir par la voix du professeur Salomon, le directeur général de la Santé, c’est que les masques ne sont pas nécessaires pour tout le monde. Et vous savez quoi, moi je ne sais pas utiliser un masque. Je pourrais dire je suis ministre, je me mets un masque. Mais en fait je ne sais pas l’utiliser, parce que l’utilisation d’un masque ce sont des gestes techniques précis, sinon on se gratte le nez sous le masque, et bien en fait on a du virus sur les mains, sinon on a une utilisation qui n’est pas bonne et ça peut être même contre-productif” (voir ici).
(2) Le 1er juillet 2011, le Haut conseil de la santé publique écrit : “Dans le contexte d’un risque élevé tel que le SRAS, la revue systématique d’études observationnelles suggère une efficacité préventive élevée des masques antiprojections et des appareils de protection respiratoire”.
Covid-19 : l’état d’urgence sanitaire à nouveau prolongé ?
La remontée des cas de transmission de Covid ces dernières semaines relance le débat sur la nécessité de nouvelles mesures de prévention. Jusqu’à présent, la ministre de la Santé s’est bornée à préconiser, mais sans le rendre obligatoire, le port du masque dans les transports. Selon le site Atlantico, le gouvernement a transmis au Conseil d’Etat un projet de loi visant à prolonger jusqu’au 31 mars 2023 l’état d’urgence sanitaire qui se termine normalement le 31 juillet 2022. Le texte autoriserait ainsi le Premier ministre à prendre, à compter du 1er août 2022, des mesures de lutte contre la pandémie qui pourraient passer par la réactivation du passe vaccinal. En outre, le texte prévoit la création d’un “comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires”. Il serait chargé de rendre périodiquement des avis sur la situation sanitaire et les connaissances scientifiques mais aussi de formuler des recommandations, ce que fait actuellement le comité
Bernard Domergue
Covid-19 : l’application des gestes barrières dépend du bruit, de l’intensité du travail et du soutien hiérarchique selon la Dares
Alors que l’épidémie de Covid repart en France, la Dares (direction statistique du ministère du Travail) publie une étude sur les conditions d’une bonne application des gestes barrières en entreprise. Elle prend pour référence quatre gestes : le port du masque, la distanciation physique, le lavage des mains (au savon ou au gel hydroalcoolique), et l’utilisation de vitres ou plexiglas de séparation. L’enquête Tracov réalisée au premier semestre 2021 (voir le document en pièce jointe) révèle ainsi que 37 % des salariés ont des difficultés à mettre en œuvre la distanciation. 32 % des salariés portent le masque mais sont souvent gênés par les mesures de prévention pour travailler correctement. Ce sont davantage des femmes, des enseignants, des aides-soignants, des infirmiers et sages-femmes. 10 % des salariés appliquent peu les gestes barrières sur leur lieu de travail. Il s’agit principalement d’ouvriers non qualifiés ou de salariés des travaux publics.
Parmi les motifs d’absence ou de limitation des gestes barrières, la Dares relève que “travailler dans un environnement bruyant nuit au bon respect de la distanciation : il conduit les salariés à se rapprocher des collègues ou clients, ainsi qu’à parler fort ou à crier”. Par ailleurs, un travail moins intense semble associé à une meilleure application des gestes barrières : les salariés “non-concernés” par les gestes barrières et les “mieux protégés” du Covid disent moins souvent travailler sous pression ou devoir penser à trop de choses à la fois dans leur travail. Enfin, les salariés classés parmi les mieux protégés estiment être soutenus par leur supérieur hiérarchique.
actuEL CE
La CGT porte plainte contre Orpea et le syndicat maison Arc en ciel
Comme elle l’avait annoncé il y a quelques mois, la CGT a indiqué par communiqué de presse (ci-dessous) porter plainte au pénal contre Orpea, le syndicat maison Arc en ciel et l’UNSA-SAMS (syndicat autonome des métiers de la santé). La fédération CGT de la santé et de l’action sociale porte ainsi sept accusations :
discriminations syndicale ;
entrave au droit syndical ;
entrave à la constitution et au fonctionnement d’un CSE ;
entrave aux négociations collectives ;
violation de la législation sur les contrats à durée indéterminée ;
méconaissance de l’objet légal d’un syndicat professionnel ;
escroquerie en bande organisée.
Plainte a également été déposée pour faire annuler les élections professionnelles organisées pour Orpea. Selon la fédération, le délibéré est attendu pour le 12 septembre 2022.
actuEL CE
Procès France Télécom : “La RH n’a pas fait un sale boulot, elle a fait son boulot”
La huitième et dernière semaine de procès s’est achevée avec les plaidoiries en défense. Le délibéré concernant les six prévenus appelants sera rendu le vendredi 30 septembre 2022.
Pour conserver l’ordre des réquisitoires, commençons par la défense (à trois voix) de Didier Lombard, l’ancien PDG de France Télécom. Qui considère que l’État (comme “les Européens”) a “une responsabilité majeure” dans le dossier, au point que “ce n’est pas vraiment [Lombard] qui gère l’entreprise”, mais “le ministre”. Et puis, “la dette a extraordinairement pesé” : “Dans une société normale”, ne rien faire aurait même pu mal tourner, car “le passif dépassait largement l’actif”. Quant à “la souffrance au travail, je ne la nie pas, [mais] je dis qu’ils n’en sont pas responsables”.
A l’époque, dans la maison, il y avait 3 000 salariés aux RH
Une autre avocate souligne que le PDG “est poursuivi comme auteur principal d’un délit d’action et d’habitude”, alors que les deux épisodes majeurs le concernant, l’annonce des 22 000 suppressions d’emplois et un séminaire de hauts cadres, datent de 2006 : “Ils sont prescrits, […] hors prévention, et […] ne constituent [un] harcèlement”. Le ministère public a estimé que Lombard avait continué à “donner des instructions”, mais “il n’a jamais donné d’instruction, quelle qu’elle soit, sur la manière de faire les départs”. Incidemment, la défense précise qu’il y avait à l’époque 3 000 salariés RH dans la maison. Son troisième avocat concède qu’il a “pu être averti de certains drames”, mais “après coup, il est facile de prendre pour un oracle tel ou tel élément”.
“Peut-être qu’il y a des gens qui ont fait l’objet d’un harcèlement individuel”
S’agissant du “numéro deux” du groupe, Louis-Pierre Wenès, un premier conseil conteste le “harcèlement industriel”, dans lequel, “par un effet de cliquet, les managers intermédiaires harcelés […] harcèleraient à leur tour”. Sa consœur donne lecture d’un communiqué de Sud, comportant les expressions telles que “droit d’alerte”, “risques psycho-sociaux”, “déflation des effectifs”, “aveuglement de l’entreprise”, puis précise qu’il date du 6 juin 2022, avant d’ajouter que “je ne suis pas sûre que ce tract ait bouleversifié la direction [actuelle]”.
Cela n’a rien à voir avec une volonté de harceler
Considérant que tout le dossier repose sur le postulat que les 22 000 départs étaient impossibles, la même se lance dans un énième décompte et en trouve “21 600”. Ajoute que “la RH, elle n’a pas fait un sale boulot, elle a fait son boulot”, puis que “peut-être qu’il y a des gens qui ont fait l’objet d’un harcèlement individuel par leur manager, [et] c’est tout à fait anormal, mais ça n’a rien à voir avec une volonté de harceler”.
Au rang des prévenus de complicité, il y a Brigitte Dumont, dont une avocate reconnaît qu’elle collectionne “les titres ronflants, qui donnent une mauvaise idée de son périmètre”, ce qui a “conduit à [lui] octroyer un rôle qu’elle n’avait pas”. Elle ajoute que sa cliente a toujours été “consciente des difficultés, [et] n’a jamais cessé d’agir et de réagir”. “Dans le dossier”, conclut-elle, “vous ne trouverez pas un mot [de sa part] visant à déstabiliser quiconque”.
Il y avait 1 100 IRP dont 300 CHSCT, soit 10 000 représentants du personnel
Son confrère passe en revue la jurisprudence, et arrive à la conclusion qu’à l’époque, “aucun juriste, aucun avocat n’aurait indiqué à ses clients le risque de harcèlement moral institutionnel dans le cadre d’une réorganisation” : “Quand on fait une lecture attentive des arrêts […], ce sont des relations interpersonnelles dans des PME, [pas] un groupe de plusieurs de dizaines de milliers de personnes”. Condamner de ce chef “reviendrait à la possibilité de sanctionner pénalement […] un chef d’entreprise à partir du moment où il met en place une réorganisation ou un PSE, qui intrinsèquement entraînent de l’anxiété”. “[Dumont] n’était membre d’aucune instance dirigeante”, enchaîne l’avocat. Il souligne au passage que l’entreprise comptait “1 100 IRP (institutions représentatives du personnel) dont 300 CHSCT”, et “10 000 représentants du personnel, dont 1 800 permanents”.
“On sait que quelque-chose ne vas pas, mais on n’imagine pas que ce soit pénal”
L’un des avocats de Nathalie Boulanger, directrice des actions territoriales, plaide que la coexistence de deux textes sur le harcèlement moral, dans le code du travail et le code pénal, ne permet pas de définir “où termine le droit social et où commence le droit pénal”. D’ailleurs, toutes les alertes étaient formulées dans des termes du champ lexical du premier : “Personne ne parle [jamais] de pénal, ça ne vient à l’esprit de personne. […] On sait que quelque-chose ne va pas, mais on n’imagine pas que ce soit pénal”. Pour lui, condamner reviendrait à “ajouter au texte ou [à] donner un effet rétroactif à un revirement de jurisprudence”.
Le mal-être remonte à la privatisation
On passe à la défense de Guy-Patrick Cherouvrier, DRH France, qui souligne qu’outre les constitutions de parties civiles à la barre (dont la recevabilité est contestée), “seulement 77 situations de souffrance sont portées à la connaissance des juges d’instruction, [et] 39 sont retenues”, ce qui ferait “0,03 %” des effectifs. Selon elle, “la plupart des situations […] font remonter le début du mal-être […] à une situation antérieure”, notamment à la privatisation. Elle ajoute qu’il n’y a “aucun acte positif de complicité” de son client, et met les bouleversements internes sur le compte, plus largement, d’une “perte de sens de toute [notre] société” contemporaine.
Pour Jacques Moulin, directeur territorial, un avocat souligne une incongruité : la période de prévention a été restreinte à l’époque où il était à ce poste, alors qu’il est ensuite devenu DRH dans le groupe. Un autre plaide que “les magistrats instructeurs sont partis du résultat de la baisse constante des effectifs de [sa] direction territoriale pour dire qu’elle était le fruit [de ses] décisions”, alors qu’un résultat “n’est pas un fait, et en plus, il est nécessairement postérieur à l’infraction”. Or, “un acte de complicité doit être antérieur ou concomitant à l’infraction principale”.
La présidente termine en enfonçant une porte ouverte : “Il y aura forcément des mécontentements à la lecture de l’arrêt à venir”. Délibéré le 30 septembre 2022.
Antoine Bloch
Covid-19 : un projet de loi a minima
Présenté lundi 4 juillet en conseil des ministres, le projet de loi “maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19” devrait être adopté en procédure accélérée (lire le texte en pièce jointe ainsi que l’avis du Conseil d’Etat). Présenté comme nécessaire en raison d’une recrudescence de la circulation virale des variants de la Covid-19, ce texte est d’une portée modeste. Il ne comprend que deux articles :
Le premier prévoit de prolonger du 1er août 2022 jusqu’au 31 mars 2023 les systèmes d’information sur la Covid, c’est-à-dire les outils DI-DEP (système d’information national de dépistage) et Contact Covid (système de traitement de données de suivi des personnes infectées et des cas contacts). Ces outils, explique le gouvernement, sont nécessaires “pour anticiper l’évolution de la pandémie, informer les Français et les protéger”;
Le second article prévoit de prolonger jusqu’au 31 mars 2023 la possibilité, pour le Premier ministre, de demander certains justificatifs aux plus de 12 ans qui se déplacent depuis ou vers l’Hexagone, les territoires d’outre-mer et la Corse. Il s’agit du passe sanitaire, c’est-à-dire soit un justificatif de statut vaccinal, soit un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination à la Covid-19, soit le résultat d’un examen de dépistage négatif. Cette disposition vise donc les déplacements vers l’étranger ou depuis l’étranger vers la France : il s’agit de ralentir la propagation en France d’un éventuel nouveau variant venu de l’étranger.
Le gouvernement avait prévu un troisième article afin de créer un “comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires” auprès des ministres chargés de la santé et de la recherche. Cet article ne figure plus dans le texte à la suite des critiques du Conseil d’Etat. Dans son avis du 24 juin, le Conseil explique que ce projet d’instance n’a pas été précédé “d’une analyse de son articulation avec les instances existantes” et que ses missions risqueraient de recouper celle du Haut conseil de la santé publique.
Sur le choix du gouvernement de ne pas prolonger dans son projet la durée d’application des régimes de gestion de la crise sanitaire créés spécifiquement contre la Covid-19, le Conseil d’Etat observe au passage qu’il en résulte “un état du droit peu lisible”, dès lors que les dispositions des articles L.3112-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique qui définissent, de manière indépendante de l’épidémie de Covid-19, le régime de l’état d’urgence sanitaire, ne sont plus susceptibles de recevoir application au-delà du 31 juillet 2022, sans pour être pour autant formellement abrogées”. Le Conseil d’Etat recommande que soit réalisée “une évaluation du cadre juridique actuel en vue de définir un cadre
► Avec le projet de loi sur le pouvoir d’achat, qui sera présenté jeudi 7 juillet en conseil des ministres, le projet de loi sur la Covid pourrait constituer un des premiers tests sur la capacité du gouvernement à trouver une majorité pour faire voter ses textes lors de la session extraordinaire du Parlement.
actuEL CE
Trois fiches pratiques pour prévenir les addictions en milieu professionnel
L’Anact (agence pour l’amélioration des conditions de travail) met en ligne trois fiches pratiques pour sensibiliser les entreprises à la consommation de drogues et aux comportements addictifs en milieu professionnel. Ces documents, qui peuvent permettre d’aider les entreprises à mettre en place une stratégie de prévention et de réduction des risques, sont disponibles ici :
Ces fiches sont accompagnées d’une vidéo présentant deux témoignages. Ce travail résulte d’un projet pilote de prévention des conduites addictives en milieu professionnel, projet mené en 2020 et 2021 en Centre Val de Loire, Occitanie et à La Réunion, par la Mildeca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives), le réseau Anact-Aract et l’Association Addictions France. Selon l’Anact, cette expérimentation a montré que plusieurs pistes d’actions pouvaient être explorées par les entreprises :” faciliter le dialogue en interne sur le sujet des conduites addictives, mettre en place une approche collective de la prévention, identifier des mesures adaptées pour réduire les contraintes de travail favorisant le développement des addictions (par exemple : stress, isolement…), ou encore renforcer les leviers de prévention”.
Minima conventionnels : le ministre du travail réunit le 7 juillet le comité de suivi des branches
Vendredi matin sur Europe1, le ministre du Travail Olivier Dussopt a annoncé la tenue d’un comité de suivi des négociations salariales de branche. Objectif : pousser les branches récalcitrantes à négocier en cas de paliers de rémunérations minimales inférieurs au Smic, dans un contexte de grogne sociale sur le pouvoir d’achat. Mais qu’en pensent les négociateurs de branche ?
Le gouvernement cherche le moyen de pousser les branches à renégocier leurs minima, certains seuils se retrouvant sous le Smic du fait de l’inflation et des revalorisations du salaire minimum.
Un suivi particulier des branches qui n’ouvrent pas de négociations salariales
Mais le ministre du travail entend aussi convaincre les partenaires sociaux de négocier : Olivier Dussopt a annoncé vendredi 1er juillet sur Europe 1la réunion cette semaine, le jeudi 7 juillet, du comité de suivi des négociations salariales de branche. “Ce sera l’occasion pour nous de rappeler que le gouvernement est attaché à ce que la loi soit respectée. Et la loi dit que lorsqu’il y a un niveau de rémunération inférieur au niveau du Smic, il faut que la branche ouvre des négociations. Si elles ne le font pas, ces branches feront l’objet d’un suivi particulier. Il en va de l’intérêt des partenaires sociaux, y compris pour des raisons d’attractivité des métiers. Si vous avez dans une branche 1, 2 voire parfois 5 paliers de salaire inférieurs au Smic, cela signifie qu’un salarié intégrant cette branche au premier niveau devra attendre 7, 8, 9 ans pour avoir l’espoir d’une rémunération supérieure au Smic. Cela n’est pas attractif”, a déclaré le ministre.
► Selon les chiffres du gouvernement au 17 juin, sur 171 branches couvrant plus de 5 000 salariés, 120 branches (soit 71%) affichent une grille comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC en vigueur revalorisé le 1er mai 2022, et 51 branches (soit 29 %) ont conclu un accord ou émis une recommandation patronale conforme au SMIC revalorisé le 1er mai 2022.
Le ministre agite également la menace d’une fusion des conventions collectives en cas d’inactivité de la négociation conventionnelle, ce qui doit faire l’objet d’une nouvelle disposition dans le projet de loi de pouvoir d’achat.
L’avis des négociateurs de branche
Nous avons contacté quelques négociateurs de branche afin de recueillir leur réaction sur ces annonces. Pour Amar Lagha, secrétaire général de la CGT distribution commerces et services, “c’est de la communication politicienne, qui va y croire ? Il faut 6 voire 8 mois pour réunir une branche. Nous avons prévenu le ministère du Travail du refus de négocier des organisations patronales. Leur seule réponse a été “Merci de nous avoir alertés”. En fait, quand le patronat refuse de négocier, c’est avec l’accord du gouvernement ! 80 % de nos branches ont 3 paliers sous le Smic. Le seul moyen serait d’appliquer des pénalités, ou de conditionner les aides versées aux entreprises aux à la tenue de négociations “. Selon le syndicaliste, cette annonce serait en réalité liée au fait que le gouvernement “sent la révolte qui monte”.
On est plus mesurés côté CFE-CGC par exemple : “Nous savons que c’est un sujet que nous allons devoir traiter d’ici la fin du second semestre en raison des revalorisations du Smic. Il faut qu’on regarde certaines branches comme la bijouterie joaillerie, le nautisme, l’automobile ou encore le machinisme agricole”, explique Gabriel Artero, président de la métallurgie du syndicat des cadres. Quant à l’efficacité du comité de suivi, il juge que “ça peut faire bouger les branches récalcitrantes au dialogue social. Avoir des niveaux sous le Smic n’a de toute façon pas de sens, et c’est la question de la loyauté des négociations qui est finalement posée”. Il faut dire que la branche de la métallurgie fait plutôt figure de bonne élève en termes de négociations, elle a notamment mis sur pied une nouvelle convention collective.
Qu’en est-il dans une branche plus en difficulté comme les industries électriques et gazières qui ont connu récemment un échec des négociations salariales ? Dominique Bousquenaud, secrétaire général de la CFDT Chimie Énergie, voit l’intervention gouvernementale d’un bon oeil mais doute de l’efficacité de la sanction d’une fusion des branches. “Cela n’améliorera pas la situation, ce qu’il faut c’est redonner une dynamique de négociation sur les grilles de salaires, notamment en mettant le “standby” sur certaines aides aux entreprises en cas de refus de négocier”. Une idée partagée également par Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT en charge des questions de rémunération et de pouvoir d’achat.
Gilles Lecuelle, secrétaire national CFE-CGC en charge du dialogue social, pointe enfin que la restructuration des branches n’a de toute façon pas la même temporalité : “Il faut négocier rapidement sur le pouvoir d’achat et les salaires, mais il faut des mois voire des années pour une restructuration des branches administrée”. Rappelons que l’obligation des branches de négocier sur les salaires figure à l’article L. 2241-8 du code du travail, selon lequel “Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, au moins une fois par an, pour négocier sur les salaires”. Côté sanctions, le refus d’engager la discussion au niveau de la branche n’est pas susceptible de sanction pénale. En revanche, le juge des référés peut être saisi pour faire cesser le trouble manifestement illicite créé par la partie récalcitrante à négocier, et y contraindre celle-ci sous astreinte en vertu des règles de la responsabilité civile.
Bernard Domergue, Marie-Aude Grimont
Référendum de validation d’un accord collectif minoritaire : les salariés peuvent voter blanc ou nul
Dans le cadre d’une consultation relative à la validation d’un accord collectif minoritaire, les salariés peuvent exprimer un vote blanc ou nul, que le scrutin ait lieu par vote physique ou par voie électronique. Peu importe le silence du protocole d’accord préélectoral sur cette faculté.
La validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants.
Toutefois, si les organisations syndicales signataires n’atteignent pas le seuil de 50 % mais ont recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives aux élections susvisées, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages peuvent demander une consultation des salariés visant à valider l’accord. Elles disposent d’un délai d’un mois à compter de la signature de l’accord pour formuler cette demande. Au terme de ce délai, l’employeur peut demander l’organisation de cette consultation, à condition toutefois qu’aucune organisation syndicale signataire ne s’y oppose. Si, à l’issue d’un délai de huit jours à compter de cette demande ou de l’initiative de l’employeur, les éventuelles signatures d’autres organisations syndicales représentatives n’ont pas permis d’atteindre le taux de 50 %, la consultation des salariés doit alors être organisée dans un délai de deux mois (articles L.2232-12 et D.2232-6 du code du travail).
La consultation des salariés a lieu pendant le temps de travail, au scrutin secret sous enveloppe ou par voie électronique. Son organisation matérielle incombe à l’employeur. Elle se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral, selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives (signataires ou non de l’accord soumis à consultation) ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE, quel que soit le nombre de votants.
Ce protocole doit comporter :
la liste des salariés couverts par l’accord qui, à ce titre, doivent être consultés ;
les modalités de transmission aux salariés du texte de l’accord ;
le lieu, la date et l’heure du scrutin ;
l’organisation et le déroulement du vote ;
le texte de la question soumise au vote.
Le protocole d’accord préélectoral doit-il prévoir la possibilité du vote nul ou blanc pour que ces votes soient pris en compte ?
Dans cette affaire, une société signe le 30 septembre 2020 un accord collectif minoritaire dans le cadre de la négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée. Le 23 décembre 2020, les organisations syndicales signataires de l’accord concluent avec l’entreprise un protocole d’accord préélectoral pour consulter les salariés en vue de la validation de l’accord.
Le scrutin se déroule, par voie électronique, du 29 janvier au 1er février 2021. 667 des 3262 électeurs inscrits votent, 665 suffrages étant valablement exprimés et deux suffrages étant nuls ou blancs.
Le rappel des faits dans la décision de la Cour de cassation ne dit pas si l’accord est validé ou non mais, le 12 février, un salarié saisit la justice aux fins d’annuler le vote et, à titre subsidiaire de faire constater la caducité du protocole d’accord préélectoral. Selon lui, le protocole d’accord préélectoral et la note d’information envoyée aux salariés ne prévoyant pas la possibilité de pouvoir voter nul ou blanc, les deux salariés qui avaient voté blanc ou nul l’avait fait par inadvertance et non par choix délibéré, faussant ainsi la sincérité de la consultation.
Les juges du fond le déboutent de ces demandes. Il se pourvoit en cassation.
En vain.
Se fondant sur l’article L.2232-12 du code du travail et sur les principes généraux du droit électoral, la Cour de cassation précise que les salariés ont la faculté d’exprimer un vote blanc ou nul. Que le scrutin ait lieu par vote physique ou par voie électronique n’y change rien. Cette faculté n’est prohibée par aucun texte ; au contraire, elle est ouverte à tout électeur en application de sa liberté fondamentale de voter. Etant une liberté fondamentale, le protocole d’accord préélectoral n’a pas à la prévoir et encore moins à l’interdire (cela entraînerait sa nullité).
Géraldine Anstett
Négociations salariales de branche : Olivier Dussopt propose de compléter le projet de loi pouvoir d’achat
Hier s’est tenue la réunion entre le ministre du Travail Olivier Dussopt et les organisations syndicales représentatives (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC). Selon le communiqué de presse (en pièce jointe) diffusé à l’issue de cette rencontre, le nombre de branches affichant des minima inférieurs au SMIC, du fait des revalorisations successives du SMIC depuis octobre 2021, “s’établit à 112 sur les 171 branches suivies est cependant en baisse rapide. Ce nombre s’élevait en effet à 146 au 1er mai, immédiatement après la dernière revalorisation du SMIC”. Ainsi, “les situations de blocage structurels des négociations sont en net recul” par rapport au bilan du dernier comité de suivi de décembre.
Quant aux branches qui refusent d’engager des négociations, le communiqué indique que le gouvernement va ajouter une disposition au projet de loi pouvoir d’achat présenté hier en conseil des ministres : il s’agit “de compléter les critères en fonction desquels il est possible de procéder à la fusion de branches. Le fait de disposer de minima durablement en dessous du SMIC serait explicitement intégré aux critères existant afin d’encourager les négociations salariales”.
Un représentant du personnel qui manque à son obligation de discrétion peut être sanctionné
Le représentant du personnel en possession d’une information de nature confidentielle au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, et présentée comme telle par l’employeur, doit respecter une obligation de discrétion. A défaut, il encourt une sanction disciplinaire.
Une obligation de discrétion s’impose, d’une part, aux membres de la délégation du personnel du CSE et aux représentants syndicaux auprès de cette instance (C. trav. art. L 2315-3) et, d’autre part, aux membres du comité d’entreprise européen (C. trav. art. L 2342-10). Le respect de cette obligation s’impose lorsque l’information revêt un caractère confidentiel, et qu’elle est présentée comme telle par l’employeur. Un manquement du représentant du personnel peut justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire par l’employeur (voir par exemple Cass. soc. 6 mars 2012 no 10-24.367).
Quelles sont les informations susceptibles de revêtir un caractère confidentiel ? C’est sur cette question que portait le litige soumis à la Cour de cassation dans un arrêt du 15 juin 2022.
Un salarié sanctionné pour non-respect des règles de confidentialité et de sécurité
L’affaire concerne un salarié d’une banque titulaire de plusieurs mandats de représentant du personnel, dont celui de membre du comité d’entreprise européen.
Pour préparer une réunion du comité portant sur la situation financière d’une agence située en Grèce, le salarié avait préparé une liste de questions. Il lui était reproché d’avoir rédigé cette liste sur l’ordinateur portable du comité, et non sur le téléphone sécurisé mis à sa disposition par l’employeur. Il avait ensuite transféré le document sur la clé USB du comité et l’avait imprimé sur l’imprimante d’un hôtel, et non sur un ordinateur de l’entreprise permettant une impression sécurisée à distance. Ce faisant, il avait pris le risque que des tiers accèdent à ces informations, présentées comme confidentielles par l’employeur.
Le salarié avait donc fait l’objet d’un avertissement, dont il demandait l’annulation devant le juge. Il soutenait qu’il n’avait pas manqué à son obligation de confidentialité, mais seulement méconnu les règles de sécurité informatique internes à l’entreprise : or, dans l’exercice de son mandat, le salarié protégé ne peut être sanctionné que s’il abuse de ses prérogatives ou manque gravement à ses obligations professionnelles (Cass. soc. 22 novembre 2017 no 16-12.109 ; Cass. soc. 23 octobre 2019 no 17-28.429). Par ailleurs, il estimait que l’information litigieuse n’était pas de nature confidentielle, et donc pas couverte par l’obligation de confidentialité.
Les arguments de l’intéressé ont été rejetés par la cour d’appel comme par la Cour de cassation.
Une information présentant un caractère confidentiel au regard des intérêts légitimes de l’entreprise
La Cour de cassation pose le principe, inédit, selon lequel revêtent un caractère confidentiel les informations qui sont de nature confidentielle au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, ce qu’il appartient à l’employeur, en cas de contestation, d’établir. Elle analyse ensuite les éléments de preuve relevés par la cour d’appel et considère que celle-ci a pu légitimement considérer que le caractère confidentiel des informations était établi et le manquement du salarié caractérisé.
En premier lieu, le procès-verbal de la réunion du comité central d’entreprise, qui s’était tenu en présence du salarié une semaine auparavant, mentionnait expressément que les informations litigieuses étaient « encore sous embargo » et que les informations devaient donc « rester strictement confidentielles ».
►Selon la Cour de cassation, l’exigence de présentation par l’employeur du caractère confidentiel des informations, prévue par les articles L 2315-3 et L 2342-10 du Code du travail, est respectée lorsque cette indication est donnée oralement, pendant la réunion, et inscrite dans le procès-verbal (voir en ce sens, a contrario, Cass. soc. 12 juillet 2006 no 04-47.558).
Ensuite, certaines des informations revêtaient « en raison de leur nature et de leur contenu, un caractère confidentiel au regard des intérêts légitimes de l’entreprise » : il s’agissait en effet d’éléments relatifs à la gestion interne de l’entreprise et à ses projets de développement. Pour les juges, la méconnaissance par le salarié des règles de confidentialité et de sécurité informatique caractérise le manquement à son obligation de discrétion : il a en effet pris le risque que des éléments sous embargo et stratégiques pour l’entreprise tombent entre les mains de tiers.
Ainsi, pour la Cour de cassation, le représentant du personnel qui détient des informations reconnues comme confidentielles doit non seulement s’abstenir de les communiquer volontairement aux salariés ou à des tiers à l’entreprise, mais également veiller à ne pas les laisser fuiter, par exemple en les égarant ou, comme en l’espèce, en ne respectant pas les protocoles de sécurité.
►Les décisions relatives à la nature des informations pouvant être qualifiées de confidentielles sont rares. Pour l’administration et la Cour de cassation, une information est confidentielle si sa divulgation est de nature à porter préjudice à l’entreprise, et si elle n’est pas déjà largement connue du public ou des salariés de l’entreprise (Circ. DGT 2014-1 du 18-3-2014 Fiche 1 no 3.3 ; Cass. soc. 11 octobre 1972 no 71-40.509). Par ailleurs, l’employeur ne peut pas se prévaloir de la confidentialité de l’ensemble des documents remis dans le cadre d’une procédure d’information-consultation légalement obligatoire, sauf à la vider de sa substance en privant les élus de toute possibilité de communication avec les salariés (TGI Lyon 9 juillet 2012 no 12/01153; Cass. soc. 5 novembre 2014 no 13-17.270).
Laurence Méchin
Les impôts de production freinent-ils l’investissement numérique des entreprises françaises ?
Le Medef considère que les entreprises françaises sont peu engagées dans la transformation numérique. L’organisation patronale l’explique par une rentabilité insuffisante qui tient au poids des impôts de production.
“Si la dynamique est lancée, les entreprises françaises ne se sont pas encore engagées dans une transformation numérique en profondeur de leurs activités, affirme une nouvelle étude du Medef et du BCG, le Boston Consulting Group. Elles dématérialisent certains processus (ressources humaines, relation client) et ont commencé à mettre en place de nouveaux modes de commercialisation et de publicité avec la crise sanitaire mais peuvent encore progresser sur la vente en ligne. Elles sont encore peu nombreuses à se saisir du potentiel des données pour moderniser et gagner en compétitivité dans la conduite de leurs opérations. En particulier, le manque de compétences et de financement peut constituer un frein à la transformation numérique avancée de nos entreprises”, développe cette étude qui se base sur un échantillon très limité : seuls 173 chefs d’entreprise y ont répondu (29 % travaillent dans une micro-entreprise, 50 % dans une PME, 12 % dans une ETI et 9 % dans une grande entreprise).
Pour le Medef, les difficultés de financement de l’immatériel sont avant tout une question de rentabilité. “La rentabilité moyenne des entreprises françaises est plus faible que celle de tous nos compétiteurs directs, avance Christian Poyau, co-président de la commission mutations technologiques et impacts sociétaux du Medef. Il faut revenir à des niveaux de rentabilité qui soient satisfaisants pour les entreprises françaises en diminuant le poids de la fiscalité qui pèse sur elles. Les impôts de production ont été réduits d’environ 10 milliards mais il doit rester à peu près 30 milliards. Si vous injectez 30 milliards dans l’économie, c’est ce qui permettra aux entreprises de financer [l’immatériel]”, développe-t-il.
Pour se faire une idée de cet argument de la rentabilité, nous sommes partis à la pêche aux infos sur le site Eurostat lequel fournit des statistiques sur l’Union européenne. Et l’on y voit clairement, sur la base du taux de profit brut des sociétés non financières (excédent brut d’exploitation / valeur ajoutée brute), que la France est en retard. Ainsi, au 4ème trimestre 2021, ce taux de marge est près de 9 points inférieur à celui de l’Union européenne. Il est également très en dessous de concurrents tels que l’Allemagne et l’Italie.
Profitabilité brute des entreprises : la France en retard dans l’Union européenne
Source : Eurostat / Actuel expert-comptable ; la profitabilité brute est exprimée en taux de profit brut lequel est égal à l’excédent brut d’exploitation / la valeur ajoutée brute ; les chiffres présentés dans ce graphique ne concernent que les sociétés non financières
Et il n’y a pas que le Medef qui critique le poids des impôts de production. Ainsi, le conseil d’analyse économique (CAE) considérait en 2019 que “les impôts sur la production sont parmi les impôts les plus nocifs pour la productivité et la compétitivité. La C3S doit être [totalement] éliminée en priorité du fait de son « effet de cascade » particulièrement néfaste. Les effets de cascade engendrés par la C3S font que cet impôt se diffuse à l’ensemble du tissu productif, y compris les petites PME qui ne sont pas redevables de cet impôt”, développait le CAE qui recommandait aussi de faire disparaître la CVAE, une mesure d’ailleurs proposée par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle 2022.
Un bilan à nuancer selon le CPO
Pour le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), le bilan coûts-avantages des impôts de production est à nuancer. “Plusieurs rapports et études ont souligné le bilan économique défavorable des impôts de production. Ces constats ne doivent cependant pas méconnaître les recettes fiscales qui sont en jeu ni les services qu’ils permettent de financer, notamment au niveau local”. Et d’ajouter : “les impôts de production sont susceptibles d’avoir des effets défavorables pour la compétitivité des entreprises. Leur réduction doit répondre à trois questions clés : quel lien maintenir entre les entreprises et le développement local ? Quel poids global de prélèvements sur les entreprises est-il acceptable ? Quelles ressources de compensation peuvent-elles être trouvées, sachant que leur base aura pour effet d’élargir l’assiette de l’IS ?”.
Enfin, la rentabilité n’est pas le seul facteur déterminant le financement du numérique. Pour les entreprises qui, même suffisamment profitables, ne peuvent pas autofinancer leurs investissements, le recours aux banques pour développer cet immatériel peut être compliqué. Ce que le Medef reconnaît même si pour lui ce n’est pas le sujet principal. Ce dossier renvoie aussi au manque de reconnaissance comptable des incorporels produits par l’entreprise. Le futur reporting de durabilité en cours d’élaboration dans l’Union européenne changera-t-il la donne ?
Ludovic Arbelet
Frédéric Souillot fait des salaires la priorité de FO
Le nouveau secrétaire général de Force ouvrière a tenu hier la traditionnelle conférence de presse post congrès. Il a dès son introduction fixé la priorité de FO sur la hausse des salaires, au détriment des retraites qui ne sont (pour l’instant) plus d’actualité. En revanche, la confédération revendique toujours l’abrogation des ordonnances Macron sur les CSE.
“L’augmentation des salaires, c’est maintenant !”. La formule orne depuis peu le fronton des locaux de Force ouvrière situés dans le 14ème arrondissement de Paris. Le nouveau secrétaire général fraîchement élu reprend ce slogan dès l’ouverture de la conférence de presse qui s’est tenue hier. Et Frédéric Souillot de rappeler, dans un contexte où le Covid reprend du souffle, que « 60 % des Smicards sont des femmes et des salariés dont nous avons eu besoin pendant la pandémie, dans les services à la personne ou pour nous encaisser au supermarché ». Ce sujet fixé, il a également présenté l’attribution des secteurs confédéraux (voir encadré).
Les retraites attendront : priorité aux salaires
« Il faut une augmentation des salaires pour faire face à l’inflation galopante », a martelé Frédéric Souillot. L’objectif à viser est donc clair pour le nouveau secrétaire général de FO. “Si le Président voulait faire un geste concret, c’est très simple : avec l’inflation, le montant du Smic va encore être revalorisé. Qu’il avance donc la revalorisation en septembre au lieu d’octobre”, a-t-il plaidé. FO appelle aussi à une fixation du Smic à 1 500 euros nets, “point sur lequel La France Insoumise demande comme nous et pas le contraire”.
Quant au projet de loi pouvoir d’achat, le texte n’est “pas à la hauteur” pour Frédéric Souillot, tout en reconnaissant que “les aides, les gens vont les prendre”. En revanche, menacer d’une restructuration les branches qui refusent de négocier sur les salaires lui semble inutile.
l préfère (comme la CFDT) la sanction d’une suppression des aides publiques : “Entre 142 et 143 milliards d’euros d’aides publiques ont été distribuées aux entreprises, nous a dit le gouvernement, et cela sans aucune contrepartie. Nous disons que cette contrepartie doit se trouver dans l’emploi, les conditions de travail et l’augmentation des salaires”. Pas question par ailleurs de saluer le dividende salarié, ni un effort sur l’intéressement et la participation, ni un triplement de la prime Macron : “Tout cela est hypothétique. Le pouvoir d’achat se gagne avec le salaire. Quand vous allez à la banque, elle vous prête par rapport à ce que vous gagnez, pas les éventuels 3 000 euros que vous aurez peut-être à la fin de l’année. Donc si des branches ne négocient pas les salaires, qu’on supprime les aides publiques aux entreprises”.
Le leader de FO prône également un retour de l’échelle mobile des salaires, forme d’indexation sur l’évolution des prix. Ce système fut introduit en France en 1952 pour être supprimé 30 ans plus tard par Jacques Delors en 1982. Pour Frédéric Souillot, il faut de toute façon des écarts minimaux entre les coefficients, car “si tout remonte au niveau Smic, on écrase le reste de la grille [des salaires] et il n’y a plus de proportionnalité entre les coefficients”. Autre levier : FO compte bien actionner toutes les clauses de revoyure prévues au niveau des branches.
Certes, le sujet des retraites n’est plus d’actualité “mais il va revenir”, prévient Frédéric Souillot. Sur le refus de reculer l’âge de départ, “toutes les organisations syndicales sont d’accord”. Elles se sont d’ailleurs réunies la semaine dernière et doivent se revoir la semaine prochaine, le 11 juillet. Aucune augmentation de la durée de cotisation ne sera non plus acceptée par les syndicats, selon le leader de FO, même si elles n’ont pas encore publié de communiqué commun.
CSE : les ordonnances Macron dans le collimateur de FO
Les revendications de FO remises par Frédéric Souillot à la presse contiennent une partie intitulée « Libérer les négociations collectives ». On y lit que FO “revendique l’abrogation des ordonnances travail, le rétablissement de la hiérarchie des normes et des moyens effectifs de représentation des salariés, dont les CHSCT, et une représentation du personnel adaptée aux entreprises de moins de 11 salariés”. Selon Frédéric Souillot, le ministre du Travail Olivier Dussopt aurait indiqué qu’il ne pourrait « pas dire oui » à l’abrogation des ordonnances. “Mais il y a différents moyens d’abroger, nous a indiqué le leader de FO, notamment en revenant sur la limitation à 3 mandats successifs des élus de CSE”.
« Ce sont les citoyens qui élisent les députés, pas nous »
Frédéric Souillot s’est refusé à commenter le nouveau jeu des partis mis en place à l‘Assemblée nationale depuis les élections législatives. Au contraire de Laurent Berger qui a récemment appelé dans la presse les députés à “faire preuve de responsabilité” et à “se placer dans une logique de construction de solutions”, le leader de FO relève que “ce sont les citoyens qui élisent les députés, pas nous”. Il ne sera pas non plus question de boycotter une commission de l’Assemblée en raison de l’étiquette des parlementaires qui y siègent : “On ira dans les commissions chaque fois qu’on sera auditionnés”, a déclaré Frédéric Souillot, qui espère que quand un accord national interprofessionnel sera adopté par les syndicats, une majorité de députés le transposera dans la loi.
Assurance chômage : redonner la main aux partenaires sociaux
Enfin, Michel Beaugas, secrétaire confédéral chargé de l’emploi et des retraites, a indiqué que “selon certains contacts au ministère du travail, il n’y aurait pas de nouvelle lettre de cadrage sur l’assurance chômage”. Ce document, en principe remis par le Premier ministre aux partenaires sociaux, leur donne le cadre de négociation de la nouvelle convention d’assurance chômage.
En 2018, les négociations ayant échoué, aucun accord sur les règles de l’assurance chômage n’avait été trouvé. Le régime était donc entré en carence, les règles étant fixées non par une convention avec les partenaires sociaux mais par le décret du 1er juillet 2019 (lui-même réformé par le gouvernement. Selon Michel Beaugas, le décret de carence devrait être prorogé jusqu’à la fin de l’année par décret. FO souhaite au contraire renégocier une convention d’assurance chômage. “Il faut le faire si on veut préserver le paritarisme”, a indiqué le secrétaire confédéral.
L’équipe confédérale autour de Frédéric Souillot
Nom
Attributions
Patrick Privat
Trésorerie et budget, boutique, gestion des relations financières avec les structures FO, gestion des prestataires externes, SCI
Rachèle Barrion
Formation des adhérents, militants et délégués, stratégies et politiques pour la formation cnfédérale, instituts du travail, CFMS
Michel Beaugas
Emploi/assurance chômage/formation professionnelle continue, retraites, groupes de protection sociale, AGFPN (association de gestion du fonds paritaire national), service informatique
Organisation et statuts, commission des conflits et de la délimitation, gestion du personnel et des IRP de la confédération, départements et régions d’Outre-mer, droit du travail, services juridiques et contentieux, AFIP
Hélène Fauvel
Economie, fiscalité, politiques et filières industrielles et de servcies, fonction publique, prospective
Eric Gautron
Branche maladie, dépendance et autonomie, prévention santé sécurité au travail, accidents du travail/maladies professionnelles, branche famille, recouvrement
Karen Gournay
Négociation collective et restructuration des branches, salaires/rémunérations/pouvoir d’achat, CSE, représentativité/travail temporaire/élections professionnelles, organisation du travail
Pascal Lagrue
Adhésions/implantations/élections, communication pour le développement, politique confédérale pour les jeunes/cadres/travailleurs de plateformes, logement
Cyrille Lama
Presse/sitesinternets/réseaux sociaux, communication publique et interne, histoire/archives et mémoire de l’organisation
Consultation du CSEE : le chef d’établissement doit avoir une marge de manœuvre
Dans le cadre d’un plan de reprise d’activité après le confinement, la Cour de cassation rappelle que le CSE d’établissement est informé et consulté sur un projet d’aménagement important modifiant les conditions de travail uniquement en présence de mesure d’adaptation, relevant de la compétence du chef d’établissement et spécifique à cet établissement.
Depuis ces derniers mois, la Cour de cassation opère un travail de clarification des règles applicables en matière de répartition et d’articulation des consultations entre le CSE central d’entreprise (CSEC) et les CSE d’établissement (CSEE). Plusieurs arrêts se sont attachés à expliciter cette répartition des compétences, dans le domaine des consultations ponctuelles, comme des consultations récurrentes. Ils ont également souligné le lien entre compétence de consultation et capacité à désigner un expert (Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-19.974; Cas. soc., 16 févr. 2022, n° 20-20.373; Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-17.622).
L‘arrêt du 29 juin 2022, publié par la Cour de cassation, s’inscrit dans cette construction jurisprudentielle, dans le cadre d’une consultation sur un projet de plan de reprise d’activité suite au confinement.
Plan de reprise d’activité suite au confinement
Dans cette affaire, la société Enedis élabore un plan de reprise d’activité définissant les modalités de la sortie progressive du confinement à compter du 11 mai 2020. Ce plan est présenté pour consultation au CSEC le 4 mai. La direction régionale d’un établissement (Pyrénées Landes) élabore et transmet, de son côté, aux membres de son CSEE les documents suivants : « plan de reprise des activités DR Pyrénées Landes », « prévision du taux de présence sur site DR PYL », « volume prévisionnel d’activité » et 12 « fiches réflexes » .
Le CSEE demande en justice à ce que la société engage auprès de lui le processus d’information et de consultation, sous astreinte. Le comité considère que le plan de reprise d’activité élaboré par la direction régionale est une mesure d’adaptation spécifique du cadrage national relevant de la compétence du chef d’établissement. Il s’agirait, en outre, d’un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des agents, justifiant donc cette consultation au niveau de l’établissement.
► Remarque : à noter qu’en application des article L. 2316-20 et L. 2316-21 du code du travail, le droit à consultation sur les mesures d’adaptations spécifiques d’un projet d’aménagement important modifiant les conditions de travail implique le droit pour le CSEE de recourir à un expert, dès lors que lesdites mesures d’adaptation spécifiques ont bien des incidences sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail dans l’établissement (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-17.622). Dans cette affaire, il n’était pas question d’expertise.
Sa demande est rejetée. La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel.
Consultation du CSEE sur un projet important modifiant les conditions de travail
La chambre sociale commence par rappeler les principes posés par le code du travail :
l’article L. 2316-20 du code du travail prévoit que le CSE d’établissement a les mêmes attributions que le CSE d’entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Il est consulté sur les mesures d’adaptation des décisions arrêtées au niveau de l’entreprise spécifiques à l’établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ;
l’article L. 2312-8 du code du travail précise quant à lui que CSE est informé et consulté sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
enfin, l’article L. 2316-1 prévoit que le CSE central d’entreprise est seul consulté sur les mesures d’adaptation communes à plusieurs établissements des projets importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
Et la Cour de cassation d’en conclure que « le comité social et économique d’établissement est informé et consulté sur toute mesure d’adaptation, relevant de la compétence de ce chef d’établissement et spécifique à cet établissement, des aménagements importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail arrêtés au niveau de l’entreprise, dès lors que cette mesure d’adaptation n’est pas commune à plusieurs établissements ».
Exigence d’une marge de manœuvre du chef d’établissement
Puis la chambre sociale analyse les faits de l’espèce en décortiquant le plan de reprise d’activité tel que prévu au niveau central, et celui de la direction régionale :
– le plan de reprise d’activité de la société prévoit :
premièrement, concernant le « volet sanitaire », des règles applicables en matière de santé et de sécurité communes et homogènes (déplacement, transport, prise en charge des personnes contact, salariés sur site et à distance, seuls ou en équipe) ;
deuxièmement, pour les ressources humaines, un retour progressif des équipes à partir du 11 mai sur une période de quatre à six semaines, avec « en cible », le « retour physique de la moitié du collectif de travail d’ici le mois de juillet à adapter selon les contraintes d’environnement » ;
troisièmement, l’énonciation du principe d’un rythme de reprise adapté avec la prise en compte du contexte local de chaque direction, et la définition d’un « cadre de cohérence national » avec la nécessité de prioriser les activités par grands métiers ;
– le plan de reprise d’activité de la direction régionale Pyrénées et Landes précise :
qu’il décline le projet de reprise d’activité de la société ;
qu’il comporte une présentation du dispositif de reprise d’activité dans l’établissement, qui rappelle les mesures sanitaires et les modalités pour assurer leur respect, ainsi qu’un « planning de retour sur les sites », dont il est indiqué qu’il se fera « conformément à la note d’orientation générale pour la relance des activités du distributeur » et qu’il sera « progressif » et tiendra compte de plusieurs paramètres dont « le cadrage national d’Enedis contenu dans le plan de reprise d’activité» ;
et détaille, de plus, les modalités de reprise des activités en fonction des équipes et des métiers en indiquant les spécificités de chacun.
En outre, la Cour de cassation constate que le document intitulé « Volume prévisionnel d’activités pendant la reprise », établi par la direction régionale Pyrénées et Landes, s’inscrit dans le plan de reprise d’activité de la société.
Enfin, la chambre sociale ajoute « qu’aucun élément ne permet d’établir que le chef d’établissement disposait d’une quelconque marge de manœuvre dans l’exercice de son pouvoir de décision quant aux modalités de la reprise de l’activité au sein de son établissement telles qu’elles avaient été arrêtées au niveau de l’entreprise ». Ainsi, il peut en être conclu que le plan de reprise d’activité de la direction régionale Pyrénées et Landes ne constitue pas une mesure d’adaptation spécifique à cet établissement du plan de reprise d’activité de la société.
Le CSEE n’a donc pas à être consulté.
Séverine Baudouin
Prud’hommes : les pistes du rapport des états généraux de la justice
Le président de la République doit recevoir demain le rapport des Etats Généraux de la Justice. Selon le journal Le Monde, ce rapport contient des pistes d’évolution en matière de justice au travail. Pour les prud’hommes, l’idée d’une professionnalisation des juges (“échevinage”) est écartée mais le rapport considère comme anormal les taux d’appel (60 %) et de réformation (72 %) des jugements prud’homaux, de même que des délais de jugements, trop longs. Le projet consisterait à “mieux encadrer la procédure”, à favoriser la conciliation, et à mieux répartir les moyens, la suppression des conseils rendant très peu de décisions étant envisagée.
Selon nos confères d’actuEL-Direction Juridique, il serait proposé de transformer les conseils des prud’hommes en “tribunaux du travail”, “rattachés sur les plans administratif, organisationnel et budgétaire au tribunal judiciaire, sans modification de son fonctionnement paritaire”, qui serait piloté budgétairement par le seul ministère de la justice. A la répartition actuelle par section serait substituée une organisation par chambre. Cela permettrait dans les grands tribunaux, une certaine forme de spécialisation par type de contentieux.
La principale innovation, rapporte le Monde, consisterait à renforcer le rôle des greffiers : “après une formation spécifique, ils seraient quasiment chargés de la mise en l’état d’un dossier, avec un calendrier de procédure contractualisé avec les parties, le juge ayant un pouvoir de sanction du manque de diligence des protagonistes”.
Cette dernière piste est sensible, les partenaires sociaux redoutant que les greffiers soient partagés et donc trop peu concentrés sur l’activité prud’homale.
Dans le cadre de leur agenda social autonome, les partenaires sociaux ont publié une position commune sur les prud’hommes en réclamant davantage de moyens pour cette juridiction
actuEL CE
Un accord sur les délais de consultation du CSE exclut complètement l’application des délais réglementaires
Un accord de report du terme du délai de consultation du CSE exclut l’application des délais réglementaires fixés, à défaut d’accord par l’article R. 2312-6 du code du travail. Le vote d’une expertise à l’échéance de ce délai ne permet donc pas de porter le délai de consultation à deux mois rétroactivement.
Le délai de consultation du CSE est fixé par un accord collectif, ou en l’absence de délégué syndical, par un accord entre l’employeur et le CSE adopté à la majorité des titulaires, ou à défaut d’accord par les délais réglementaires fixés aux articles R. 2312-5 et R. 2312-6 du code du travail (C. trav., art. L. 2312-16).
La jurisprudence a assoupli les règles en permettant l’adoption d’un accord de prolongation des délais de consultation « d’un commun accord » avec les membres du CSE (Cass. soc.,8 juill. 2020, n° 19-10.987). Mais qu’en est-il de l’articulation entre un tel délai prolongé et les délais réglementaires de consultation, dans le cas de la désignation d’un expert à l’échéance dudit délai ?
C’est à cette question que répond l’arrêt publié de la Cour de cassation du 29 juin 2022, pour la première fois à notre connaissance.
Consultation sur la politique sociale reportée d’un commun accord
Dans cette affaire, une entreprise enclenche sa consultation sur la politique sociale en transmettant à son CSE plusieurs documents (bilan de la formation, bilan sur l’emploi des travailleurs handicapés, rapport sur l’égalité professionnelle, bilan social…) lors d’une première réunion se déroulant le 30 septembre 2020.
Il n’y a aucun accord relatif aux délais de consultation.
Le 30 octobre 2019, une nouvelle réunion a lieu mais l’avis du comité sur la politique sociale ne peut être recueilli, faute de temps pour aborder ce point de l’ordre du jour. Une nouvelle réunion est alors convoquée le 2 novembre 2020, et se tient le 12 novembre.
Lors de cette réunion, le CSE décide de recourir à un expert dans le cadre de cette consultation.
L’employeur conteste cette délibération, au motif que le délai de consultation ayant été fixé conjointement au 12 novembre, le CSE était réputé avoir rendu son avis ce jour, et ne pouvait rétroactivement rendre le délai réglementaire de 2 mois applicable sans accord.
Mais le tribunal donne raison au CSE, estimant que « la décision du CSE de recourir à un expert, prise le 12 novembre 2020, soit le dernier jour du délai préfix de consultation fixé par accord, la durée de consultation a été portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ ».
Prééminence de l’accord relatif au délai de consultation sur les délais réglementaires
Mais la Cour de cassation est de l’avis de l’employeur.
Après avoir rappelé les textes applicables en matière de délai de consultation, la Cour en conclut que « les dispositions de l’article R. 2312-6 (délais de consultation réglementaires) n’ont vocation à s’appliquer qu’en l’absence d’accord collectif de droit commun ou d’un accord entre le comité social et économique et l’employeur fixant d’autres délais que ceux prévus à cet article ».
Puis la chambre sociale explique que :
d’une part, les informations communiquées ou mises à disposition du comité le 30 septembre 2020 ont marqué le point de départ de la consultation et ;
d’autre part, l’employeur et le CSE étaient convenus par un commun accord de reporter le terme du délai de consultation au 12 novembre 2020.
Il s’en déduit « que cet accord excluait l’application des délais réglementaires fixés, à défaut d’accord, par l’article R. 2312-6 du code du travail et qu’au jour où il statuait, le délai étant échu, le comité était réputé avoir émis un avis négatif de sorte que l’expertise ne pouvait qu’être annulée ».
En d’autres termes, l’accord de report du délai de consultation entre l’employeur et le CSE s’applique, ce qui exclut l’application des délais réglementaires. Ainsi, seul un autre accord peut dorénavant reporter ce délai de consultation, la désignation d’un expert ne pouvant permettre d’exiger l’extension du délai de consultation selon les dispositions réglementaires devenues inapplicables par l’effet de l’accord.
► Si cette décision peut paraître sévère dans cette affaire (prorogation du délai « d’un commun accord »), il s’agit toutefois d’une rencontre de volontés et donc d’un accord. La décision constitue ainsi une application logique du principe de parallélisme des formes, exigeant qu’un acte pris selon une certaine procédure, ne puisse être modifié qu’en suivant une procédure identique. Il convient en conséquence d’être prudent en cas de signature d’un accord, mais également lorsque membres du CSE et employeur s’accordent, sans formalisation écrite particulière sur le report du recueil d’un avis. Ce délai devient alors le seul applicable. Il ne peut être modifié que selon les mêmes modalités, et donc uniquement par accord entre les parties prenantes. Il convient donc d’être précis sur les termes de cet accord (le PV de la réunion pouvant faire foi), et de prévoir la possibilité de la désignation d’un expert et d’une prolongation corrélative du délai le cas échéant.
Séverine Baudouin
La CGT et Solidaires appellent à une grève le jeudi 29 septembre
Les syndicats CGT et Solidaires appellent les salariés à une journée de grève interprofessionnelle le jeudi 29 septembre. Les deux organisations avancent comme motifs les revendications salariales et le pouvoir d’achat, leur opposition à une réforme des retraites et à un nouveau durcissement de l’indemnisation chômage.