Accidents du travail et maladies professionnelles : l’Anact analyse la sinistralité selon le sexe des travailleurs
A partir des données de sinistralité de l’Assurance maladie – Risques professionnels, l’Anact (agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) a analysé les évolutions des accidents du travail, de trajet et des maladies professionnelles pour les femmes et les hommes du secteur privé sur la période de 2001 à 2019.
Quelles sont les évolutions différenciées pour les femmes et les hommes en termes d’accident du travail ?
Après une baisse du nombre d’accidents de travail (AT) entre 2001 et 2013, celui-ci stagne, voire augmente : + 6,1%. Ce chiffre global cache une disparité entre les hommes (stabilisation du nombre d’AT à +0.1%) et les femmes (augmentation du nombre d’AT de 18,3%).
Les secteurs les plus accidentogènes pour les femmes sont les activités de services : santé, action sociale, nettoyage, travail temporaire et les services, commerces et industries de l’alimentation.
Pour le premier secteur, si les effectifs ont augmenté de 22 % entre 2001 et 2019, le nombre d’AT a lui grimpé de 110 % sur la même période pour les femmes, et a diminué de 13 % pour les hommes. Cette tendance est la même pour les trois secteurs à prédominance féminine (services, commerces et industries de l’alimentation, commerce non alimentaire et les activités de services santé action sociale, nettoyage et travail temporaire), ce qui amène l’Anact à conclure que “les femmes occupent dans ces secteurs à prédominance féminine des postes exposés au risque d’accident de travail et que les politiques de prévention les protègent insuffisamment de ce risque”.
Bien qu’encore fortement accidentogène, le secteur du BTP progresse. Alors que le nombre de salariés a augmenté entre 2001 et 2019 (+40 %), les accidents de travail ont baissé pour les hommes de 30 %. Un gros bémol, les AT des femmes ont augmenté de 85 %. Là aussi, les femmes seraient donc à des postes exposés à des risques d’AT et insuffisamment protégés par les actions de prévention
►*Quatre risques sont à l’origine d’une majorité d’accidents du travail: les manutentions manuelles (50%) ; les chutes de plain-pied (17%) ; les chutes de hauteur (11%) ; l’utilisation d’outillage à main (8%).
Quid des maladies professionnelles ?
Le constat n’est pas davantage égalitaire pour les maladies professionnelles (MP), puisque celles-ci “ont progressé deux fois plus rapidement pour les femmes (+158,7 %) que pour les hommes (+73,6 %)” sur la période évaluée. Globalement, on peut noter que les maladies professionnelles reconnues sont en augmentation forte et constante pour les hommes et les femmes depuis 2001 : +108 %, alors que l’effectif salarié n’augmente que de 13,5 %.
On constate toujours une très forte prédominance des troubles musculosquelettiques (TMS) :
Nature et nombre de MP
2019
En %
Troubles musculo-squelettiques
44 492
88,3%
Amiante
2 881
5,7%
Autres tableaux de MP très représentés (surdités, allergies, asthmes, eczémas..)
1 205
2,4%
Cancers hors amiante
294
0,6%
Autres tableaux de MP
303
0,6%
Hors tableau dont cancers
1 217
2,4%
Total MP
50 392
Certains secteurs ont une évolution très négative :
“Le secteur des industries transports, eau, gaz, électricité, livre et communication a vu, en 19 ans, le nombre de maladies professionnelles exploser conjointement pour les femmes (+376,3 %) et les hommes (+345,8 %) ;
Les maladies professionnelles déclarées par des femmes ont explosé de 400 % de 2001 à 2019 dans les services, santé, action sociale, nettoyage et travail temporaire ;
On observe pour les hommes, la plus importante augmentation de maladies professionnelles dans les activités de services (banques, assurances, administrations) : +346 %”.
Une nécessaire évolution des démarches de prévention des risques
Cette analyse montre que les femmes sont davantage exposées à des risques d’AT/MP, particulièrement dans les secteurs à prédominance féminine, comme les secteurs de la santé et du social, du nettoyage et de l’intérim, du commerce et industries de l’alimentation.
L’Anact s’interroge donc sur “la capacité d’adaptation et d’efficacité des politiques d’évaluation et de prévention des risques professionnels qui semblent insuffisantes pour les femmes dans leurs emplois alors que c’est le cas pour les hommes, même si les dernières années font état d’une recrudescence des accidents pour les deux sexes et d’une augmentation des accidents mortels chez les hommes”.
Rappelons que la législation exige que l’évaluation des risques (retranscrite dans le DUERP) tienne compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe (article L.4121-3 du code du travail).
L’Anact conclut en appelant de ses vœux une évolution dans la prise en compte des conditions d’exposition différenciées des femmes et des hommes, en exprimant le fait que celle-ci “est d’autant plus urgente que dans cette période post-pandémique, les enjeux d’attractivité des conditions de travail ou d’emploi sont au cœur des problématiques des secteurs qui peinent à recruter”.
Bonus malus sur la contribution chômage : tous les paramètres sont fixés pour une application au 1er septembre
A compter du 1er septembre 2022, le bonus-malus sur la cotisation patronale d’assurance chômage s’applique dans 7 secteurs d’activité. Le taux de séparation médian de chacun de ces 7 secteurs, un des paramètres de calcul de cette cotisation, vient en effet d’être fixé.
Le bonus-malus : une incitation à réduire le recours aux contrats précaires
Les paramètres de calcul du taux modulé de la contribution d’assurance chômage
La modulation du taux de la contribution patronale d’assurance chômage, dite “bonus-malus”, est destinée à limiter le recours excessif aux contrats courts. Elle a été instaurée dans le cadre de la réforme d’assurance chômage et ses modalités ont été précisées par le décret n° 2021-346 du 30 mars 2021 et plusieurs arrêtés. Le site de l’Urssaf a apporté certaines précisions et a diffusé un guide du déclarant sur ce dispositif.
Le taux de contribution d’assurance chômage de droit commun est de 4,05 %. Le dispositif bonus-malus consiste à moduler ce taux à la hausse (malus) ou à la baisse (bonus), en fonction du “taux de séparation” des entreprises concernées.
Ce “taux de séparation” de chaque entreprise concernée correspond au nombre de fins de contrat de travail ou de missions d’intérim donnant lieu à inscription à Pôle emploi (hors démissions et autres exceptions limitativement énumérées par la réglementation), rapporté à l’effectif annuel moyen de l’entreprise.
► Ainsi ne sont pas prises en compte: les démissions; les fins de contrat des contrats d’apprentissage, de professionnalisation, de contrat unique d’insertion (CUI), de CDD d’insertion conclu en application du 1° de l’article L.1242-3 du code du travail, de mise à disposition par une entreprise de travail temporaire d’un bénéficiaire de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, de mise à disposition de salariés par une structure d’insertion par l’activité économique ou d’ une entreprise de travail temporaire d’insertion ou d’une entreprise adaptée de travail temporaire (règlement article 50-6). Ne sont pas non plus imputés à l’entreprise utilisatrice : les intérimaires en CDI ; les salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs ou une entreprise de travail à temps partagé, ou de portage salarial (Guide Urssaf du déclarant – avril 2022 p. 29)
Le montant du bonus ou du malus est calculé en fonction de la comparaison entre le taux de séparation des entreprises concernées et le taux de séparation médian de leur secteur d’activité. Ces taux de séparation médian viennent d’être fixés par l’arrêté du 18 août 2022.
Le résultat obtenu permet de déterminer le taux majoré (malus) ou minoré (bonus) de la contribution qui lui est applicable, dans la limite d’un plancher (3 %) et d’un plafond (5,05 %).
La première modulation des contributions au titre du bonus-malus est applicable depuis le 1er septembre 2022. Elle a été calculée à partir des fins de contrat de travail ou de missions d’intérim constatées entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022.
Employeurs concernés
Ce dispositif est applicable aux employeurs comptant au moins 11 salariés et relevant de 7 secteurs d’activité particulièrement utilisateurs de contrats précaires. En 2022 sont assujettis les employeurs ayant un effectif moyen d’au moins 11 salariés sur la période courant du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022 (Règlement article 50-3, II). Le décompte de l’effectif est effectué selon les règles prévues en matière de sécurité sociale par l’article L.130-1 du code de la sécurité sociale.
► En application de la règle sur les effets d’un franchissement de seuil, pour être effectivement assujettie au bonus-malus, l’entreprise doit aussi avoir un effectif moyen annuel (EMA) d’au moins 11 salariés en 2019, 2020 et 2021.
Pour la période 2022-2024, les secteurs d’activité concernés, fixés par l’arrêté du 28 juin 2021 sont les suivants :
fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac (code NAF : CA) ;
production et distribution d’eau, assainissement, gestion des déchets et dépollution (code NAF : EZ) ;
autres activités spécialisées, scientifiques et techniques (code NAF :MC) ;
hébergement et restauration (code NAF : IZ) ;
transports et entreposage (code NAF : HZ) ;
fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques (code NAF : CG) ;
travail du bois, industries du papier et imprimerie (code NAF : CC).
Toutefois, par dérogation, en 2022, les 78 activités particulièrement affectées par l’épidémie de coronavirus (secteurs S1) sont exclues (règlement article 50-3, II). Ainsi, pour cette première année d’application, le système de bonus-malus ne s’appliquera pas aux entreprises les plus durement touchées par la crise sanitaire qui relevaient du secteur S1. Cela concerne une partie des entreprises des secteurs “hébergement et restauration”, “transports et entreposage”, “fabrication des denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac” et “autres activités spécialisées, scientifiques et techniques”.
Notification des taux de séparation et des taux modulés pour une application au 1er septembre 2022
Le taux de séparation et le taux de contribution modulé sont notifiés à l’employeur par voie dématérialisée au plus tard 15 jours après le début de la période d’emploi au cours de laquelle s’applique la modulation du taux des contributions (arrêté du 21 juin 2022). L’Urssaf devrait également adresser le nombre de ses ex-salariés ou intérimaires inscrits à Pôle emploi (questions-réponses du ministère du travail n° 1.2.4 du 1er juillet 2022).
►La notification des taux modulés d’assurance chômage, en application du dispositif dit de “bonus-malus”, repose sur plusieurs croisements de données opérés par les opérateurs sociaux.
Selon le site de l’Urssaf, pour la première mise en œuvre du dispositif de modulation de la contribution chômage, le taux modulé sera notifié aux entreprises concernées entre le 1er et le 5 septembre 2022.
Ces taux sont à utiliser pour le calcul des cotisations dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er septembre 2022.
Si, lors de l’établissement du bulletin de paie, l’employeur n’a pas reçu notification du taux modulé, il verse les contributions sur la base du taux antérieurement applicable, puis, après notification du taux, procède à une régularisation. Il peut aussi, afin d’éviter une telle régularisation, appliquer le taux mis à disposition via la DSN (par Net-CRM) dès le début des périodes d’emploi concernées (guide Urssaf du déclarant – avril 2022 p. 27).
Dans certaines situations, notamment dans le cas de ruptures de contrats intervenant au début du mois de septembre, il est possible qu’un employeur n’ait pas connaissance du taux modulé à appliquer au moment du calcul des cotisations du solde de tout compte. Dans ce cas, il sera admis que le taux de cotisation appliqué ne tienne pas compte de la modulation.
Dans tous les autres cas, et notamment lorsque la date de départ du salarié est postérieure à la notification, le taux modulé doit être appliqué pour l’ensemble des rémunérations dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er septembre 2022.
Selon le guide Urssaf du déclarant, le taux notifié en septembre 2022 sera applicable jusqu’au 31 août 2023 (première période de modulation). La deuxième période de modulation devrait courir du 1er septembre 2023 au 29 février 2024. Puis le régime définitif devrait être mis en œuvre : le taux minoré ou majoré sera alors applicable du 1er mars d’une année civile au 28 février ou 29 février de l’année civile suivante.
L’actuelle convention d’assurance chômage prenant fin le 31 octobre 2022, l’article 51 du règlement limite les règles spécifiques prévues, pour la première période d’application, aux mois de septembre et octobre 2022. Il est prévu qu’un projet de loi prolonge jusqu’à fin décembre 2022 l’application de l’actuelle convention d’assurance chômage ; le temps de laisser aux partenaires sociaux de renégocier cette convention.
Modalités de calcul du taux applicable à l’entreprise
Pour accompagner les entreprises éligibles au dispositif bonus-malus de l’assurance chômage, un guide du déclarant est disponible. Il contient des informations sur l’assujettissement, le calcul du taux modulé, le calendrier, les modalités déclaratives en DSN.
Formule de calcul
Le taux de contribution des entreprises concernées est calculé selon la formule suivante : (taux de séparation de l’entreprise/taux de séparation médian du secteur) x 1,46 + 2,59.
Pour la période 2022-2024, il ne pourra être inférieur à 3 % (en cas de bonus) ni supérieur à 5,05 % (en cas de malus), le taux de droit commun étant de 4,05 % (arrêté du 28 juin 2021).
► Le taux est calculé par entreprise, et non par établissement.
Le taux de séparation médian pour chacun des sept secteurs a été fixé par l’arrêté du 18 août 2022 :
fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac : 240,58 % ;
production et distribution d’eau – assainissement, gestion des déchets et dépollution : 74,99 % ;
autres activités spécialisées, scientifiques et techniques : 10,52 % ;
hébergement et restauration : 45,73 % ;
transports et entreposage : 82,45 % ;
fabrication de produits en caoutchouc et en plastique ainsi que d’autres produits minéraux non métalliques : 134,30 % ;
travail du bois, industries du papier et imprimerie : 151,47 %.
Application du taux par l’employeur
Le taux modulé doit être appliqué à l’ensemble des salariés, à l’exception de ceux sous l’un des contrats suivants qui restent soumis au taux de référence de 4,05 % : contrats d’apprentissage et de professionnalisation, CUI, contrats d’insertion conclus en application du 1° de l’article L.1242-3 du code du travail (règlement article 50-6).
Pour l’application de la réduction générale de cotisations patronales, c’est le taux de référence (4,05 %) qui doit être retenu (et non le taux modulé au titre du bonus-malus) (guide Urssaf du déclarant – avril 2022 p. 31 et questions-réponses du ministère du travail n° 4.7 du 1er juillet 2022).
La première contribution modulée sera réglée le 5 ou le 15 octobre 2022, et déclarée dans la DSN souscrite à cette date au titre de la période d’emploi de septembre 2022. Au niveau agrégé Urssaf, elle est déclarée à l’aide du CTP 725 (net-entreprises, fiche n° 2572).
L’enjeu de la crise énergétique pour les entreprises
Chez Degest depuis 5 ans, Lambert Lanoë est expert auprès des CSE. Ce docteur en sciences de gestion, qui a fait sa thèse chez Enedis, est un spécialiste des questions de gestion et d’organisation, appliquées aux entreprises de l’énergie. Nous l’avons interrogé sur la situation actuelle du marché du gaz et de l’électricité et de son impact sur les entreprises. Son analyse n’est guère rassurante. Interview.
Une verrerie industrielle a récemment annoncé l’arrêt de son four : poursuivre la production ne serait plus rentable avec la hausse des prix de l’énergie (lire notre encadré en fin d’article). Peut-on s’attendre à d’autres difficultés de ce type dans les entreprises ?
Malheureusement, oui, je le crains. Les entreprises n’ont plus la possibilité de se protéger de la hausse des prix de l’énergie car l’accès au tarif réglementé leur a été interdit au nom de la libéralisation du marché (1). D’ailleurs, le comité de liaison des entreprises consommatrices d’électricité (CLEEE), qui avait interpellé dès début 2021 le gouvernement sur le risque de hausse des tarifs, réclame aujourd’hui le retour d’un tarif réglementé de vente pour les entreprises, comme il existe encore pour les particuliers (2). Et la France n’a pas choisi de faire marche arrière dans ce contexte de crise énergétique.
Le Portugal et l’Espagne ont choisi une stratégie qui contient mieux la hausse des prix
Notre pays a préféré mettre en place un bouclier tarifaire. Ce dispositif vise à protéger les consommateurs particuliers en bout de chaîne mais il n’enraye pas la hausse des prix, notamment pour les professionnels. A l’inverse, le Portugal et l’Espagne ont profité du fait que l’Union européenne acceptait temporairement de mettre entre parenthèses ses règles de libre concurrence pour faire le choix stratégique de décorréler les prix du gaz et de l’électricité et de plafonner les tarifs (3). Cela leur a permis de casser la logique de hausse des prix, si bien que la facture électrique des industriels a été contenue dans ces pays. Cela leur donne un avantage concurrentiel par rapport à nos entreprises.
Décorréler les prix de l’électricité et du gaz, qu’est-ce cela signifie ?
Pour résumer, c’est le prix du MWh (mégawatt-heure) produit par la centrale la plus sale (au charbon ou au gaz) qui sert de référence au marché, parce que c’est la dernière qui sera utilisée pour fournir l’électricité nécessaire à l’équilibre du système.
Le prix de marché de l’électricité dépend des fluctuations du prix du gaz
Donc, le prix de marché de l’électricité est directement lié aux fluctuations du gaz. Et le prix de ce gaz s’envole depuis septembre 2021 avec la reprise économique suite à la crise sanitaire, l’augmentation du prix des quotas de CO², l’inflation des matières premières, et la stratégie de la rareté mise en place par certains producteurs, et qui s’intensifie avec la guerre en Ukraine. Du fait du fonctionnement de ce marché, qui a vu se créer des fournisseurs qui ne produisent pas d’énergie mais qui l’achètent sur le marché et la revendent aux consommateurs après avoir réalisé une marge importante, la France est en train de perdre l’un des rares avantage comparatif qui lui restait par rapport à ses voisins : le prix de son électricité.
Quels sont les secteurs économiques les plus exposés ?
Au niveau de l’électricité, ce sont les gros consommateurs, à commencer par le plus important : la SNCF, même si cette dernière peut s’appuyer en partie sur des contrats de long terme. Ce sont ce qu’on appelle les entreprises électro-intensives dans lesquelles on trouve les industriels de la métallurgie, de la chimie, du papier, du verre, du plastique, du ciment, etc. Mais les petites entreprises sont aussi menacées car l’augmentation du prix de l’énergie, couplée à l’inflation, mettra en difficulté celles dont la trésorerie sera plus fragile.
Et l’agroalimentaire ?
Dans une moindre mesure car elles consomment généralement plus d’énergie fossile que d’électricité. Cette industrie cherche par ailleurs à développer des sources d’approvisionnement alternatives, en ayant par exemple recours à des sources comme le biométhane produit par les déchets agricoles.
Comment la France va-t-elle pouvoir s’adapter à cette crise énergétique afin d’éviter des coupures ?
Comme on peut déjà le constater, il va y avoir beaucoup de communication dans les médias pour nous inciter à réduire notre consommation d’énergie. Mais le résultat est généralement assez décevant. RTE, le gestionnaire du réseau de transport électrique, peut ensuite s’appuyer sur les réserves des outils de production, qui agissent sur la fréquence du réseau, afin d’assurer l’équilibre entre production et consommation. Mais cette solution sera sans doute insuffisante pour passer l’hiver. Il faudra alors recourir à “l’effacement”.
Qu’est-ce que l’effacement” ?
Il s’agit pour RTE de demander à de gros consommateurs d’électricité, comme certains industriels, d’accepter de “s’effacer”, c’est-à-dire de ne pas consommer sur le réseau, pour une période correspondant à un pic de besoins, de façon que le réseau puisse répondre aux autres demandes.
C’est accepter de ne pas consommer, moyennant contreparties
En contrepartie de cet effort de non-consommation, l’industriel reçoit une compensation financière basée sur le coût de non-production correspondant à cette interruption de fourniture d’énergie. Vu la situation actuelle, il est tentant de multiplier ce type de contrats afin de sauvegarder le réseau. Mais certaines entreprises profitent de la situation pour passer ce type de contrats tout en achetant des groupes électrogènes autonomes, ne dépendant pas du réseau, pour produire leur électricité avec du fuel et continuer à produire, afin de gagner sur les deux tableaux. Si ce n’est pas illégal, c’est d’une moralité douteuse et particulièrement polluant !
Si “l’effacement” ne suffit pas pour équilibrer l’offre et la demande d’énergie, que peut-on faire d’autre ?
Il reste possible de procéder à des coupures tournantes, ce qui n’est pas arrivé en France depuis longtemps, et le gouvernement est déjà en train de nous y préparer pour cet hiver. Il s’agit de couper toute fourniture d’électricité pendant un temps (une à deux heures par exemple) sur une zone donnée (région, département, etc.), puis de remettre l’électricité et de couper ailleurs. C’est loin d’être idéal, et il est impossible de planifier de telles coupures car l’adaptation du besoin et de la demande se fait en temps réel, mais au moins cela évite de perdre la maîtrise totale du réseau. Cette perte de contrôle, c’est le black-out, une coupure non prévue, désorganisée. Il faut alors un à deux jours pour rétablir le réseau.
Ce black-out risque-t-il de se produire cet hiver en France ?
Je ne pense pas, mais on ne devrait pas échapper à des coupures tournantes.
Non, mais des coupures tournantes, oui !
Ce scénario est inquiétant car les coupures ne seront pas prévisibles et sont source de risques. Par exemple, les opérateurs telecoms risquent d’être touchés. Et deux heures sans moyens de communication en plein hiver, cela peut vite devenir compliqué.
Sur ces questions, êtes-vous saisi par des CSE ?
Je travaille avec le CSE central d’EDF. L’an dernier, nous avons réalisé pour le comité un état des lieux du parc hydroélectrique et cette année nous faisons la même chose pour le parc nucléaire.
Les élus d’EDF avaient alerté l’Etat sur ce qui risquait de se passer
J’étais récemment en réunion avec tous les secrétaires des CSE des centrales nucléaires françaises. Ils sont très en colère. Il faut dire que cela fait des années que les syndicats et les CSE alertent les pouvoirs publics sur ce qui risquait de se passer avec la dérégulation du marché de l’énergie (4), sur la mise en péril de notre souveraineté énergétique, mais ils n’ont pas été entendus.
Récemment, chez nos confrères du Media social, un directeur d’Ehpad disait craindre que le budget d’électricité-gaz, déjà autour de 100 000€ pour ce type d’établissement, ne soit multiplié par 4 ou 5…
Au même titre que les entreprises, les associations et les collectivités sont désormais dans l’obligation d’abandonner le tarif réglementé d’électricité. Par conséquent, des Ehpad, mais aussi des HLM ou des municipalités, ont souscrit à des offres de marché qui paraissaient séduisantes au début mais qui les exposent aujourd’hui à de très fortes hausses de prix. Aujourd’hui, de nombreux établissements et entreprises préféreraient en revenir à des tarifs réglementés mais elles n’en ont pas le droit.
Pour revenir aux entreprises fragilisées par la crise énergétique, que peuvent donc faire leurs CSE ?
Si la hausse des tarifs de l’énergie menace l’activité voire la survie de l’entreprise, l’employeur n’a pas à être attaqué car il subit une situation imposée par un facteur extérieur.
Le CSE peut déclencher son droit d’alerte économique
Mais le CSE peut déclencher un droit d’alerte économique pour disposer d’un maximum d’information sur la situation de son entreprise. Les élus et les délégués syndicaux peuvent aussi se tourner vers l’administration pour voir quelles mesures de soutien peuvent être apportées à l’entreprise pour qu’elle conserve ses emplois. Cette situation de crise n’est pas sans rappeler la crise sanitaire. Les pouvoirs publics réagissent en parant au plus pressé, mais ce n’est plus de pansements dont nous avons besoin, mais de vraies solutions.
(1) Les tarifs réglementés de vente d’électricité ont été supprimés en décembre 2015 pour les très gros consommateurs (puissance souscrite de plus de 36 Kva) et le 1er janvier 2021 pour les professionnels, collectivités ou associations employant 10 personnes ou plus, ou ayant un chiffre d’affaire, des recettes ou un bilan annuel supérieur à 2 millions d’euros (voir ici).
(2) Pour la France, voir ces explications sur le fonctionnement du marché de l’électricité.
(3) L’Espagne a ainsi plafonné le prix du gaz qui entre dans la composition du prix de l’électricité. Les fournisseurs de gaz bénéficient d’une compensation de l’Etat, financée par un prélèvement sur les bénéfices des compagnies électriques.
(4) Votée en décembre 2010, la loi Nome contraint EDF à vendre un quart de sa production d’électricité aux fournisseurs qui n’en produisent pas.
Deux verreries placent leurs salariés au chômage partiel
La verrerie Duralex de La Chapelle-Saint-Mesmin, près d’Orléans (Loiret), a décidé d’arrêter son four de production à partir de novembre prochain et de mettre ses salariés au chômage partiel pour 4 mois. L’entreprise indique dans un communiqué avoir pris cette décision en raison de la hausse du coût de l’énergie (gaz et électricité). “Produire au tarif de l’énergie au prix du jour générerait des pertes intenables. Limiter notre consommation d’énergie dans la période qui s’amorce nous permet donc de préserver l’activité et l’emploi de Duralex tout en répondant directement aux attentes des pouvoirs publics quant à notre responsabilité de consommateur industriel, en réduisant nos besoins sur une période particulièrement tendue”, explique le président de l’entreprise. Celle-ci va donc commercialiser ses stocks pendant cette période. L’usine, qui emploie 250 salariés et qui a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 23,4 millions d’euros, est spécialisée dans la vaisselle au verre trempé. Un des leaders du secteur, l’entreprise Arc, basée à Saint-Omer (Pas-de-Calais) et qui emploie 5 000 personnes en France, a également décidé de placer, du 1er septembre à décembre prochain, 1 600 salariés en chômage partiel deux jours par semaine. Invité de France Info vendredi 2 septembre, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, à réclamer à l’Etat de “réactiver les dispositifs d’accompagnement des travailleurs, notamment en termes de chômage partiel pris en charge à 100 %, parce que les salariés ne sont responsables en rien de la situation”.
Bernard Domergue
Il faudra consommer moins d’électricité l’hiver prochain
Moins 15 %. C’est la réduction de consommation d’électricité nécessaire en France pour passer l’hiver prochain. Dans une interview au quotidien Les Echos, le patron du réseau de transport d’électricité (RTE), Xavier Piechaczyk, estime que “la France a perdu ses marges de manœuvre pour répondre à la demande d’électricité”. En cause, les problèmes de corrosion qui touchent plusieurs centrales nucléaires, ainsi que la fermeture de la plupart des centrales au fioul et au charbon pour des raisons climatiques. “Le manque potentiel de gaz cet hiver risque encore d’aggraver la situation”, estime Xavier Piechaczyk. Le responsable du réseau y voit “un accélérateur de l’histoire”, la crise actuelle “renforce la nécessité de sortir des énergies fossiles”.
Lire aussi, dans cette même édition, notre article sur l’impact de cette crise pour les entreprises.
actuEL CE
Retraites : l’Unsa alerte le gouvernement sur une rentrée sociale “déjà minée”
Pour l’Unsa, la rentrée sociale est suffisamment chargée pour ne pas y ajouter le sujet des retraites. Tel est l’objet du communiqué de presse diffusé hier (en pièce jointe). Le syndicat rappelle ainsi au gouvernement que s’entrechoquent les questions de pouvoir d’achat, de reconnaissance et revalorisation du travail, des conditions de travail, du dérèglement climatique et des prix de l’énergie. Dans ce contexte, il réclame une réponse à ses exigences salariales de la part du patronat comme de l’Etat dans la fonction publique. “L’Unsa privilégiera d’abord, les actions sectorielles et unitaires mais ne s’interdira pas des actions de plus grande ampleur dans les mois qui viennent”, avertit le communiqué. Poursuivre le projet de report de l’âge légal de départ en retraite serait, selon l’Unsa “ajouter un détonateur à une rentrée sociale déjà minée”. L’Unsa affirme enfin sa volonté de “faire vivre l’intersyndicale interprofessionnelle, (…) lieu d’échange (…) précieux si le Président et son gouvernement choisissent la voie de l’affrontement”.
actuEL CE
Seulement trois syndicats participeront au Conseil national de la refondation
La “nouvelle méthode” choisie par le Président de la République se traduira jeudi par une première journée de réunion du CNR (Conseil national de la refondation). Son objet sera de fixer les thèmes de travail, dont cinq sont déjà proposés par l’Élysée. Emmanuel Macron poursuit sa volonté de renouveau démocratique déjà initiée avec la convention citoyenne pour le climat en 2019. Plusieurs syndicats dénoncent au contraire un manque de respect des institutions et des partenaires sociaux. Seuls la CFDT, la CFTC et l’UNSA ont confirmé leur participation.
Dès l’annonce de sa création en juin 2022, le CNR a fait débat. Inspiré du Conseil national de la Résistance qui avait coordonné les forces intérieures à partir de 1942 et établi le programme d’après-guerre, il marque l’intention du président de “mettre autour d’une table les forces vives de la Nation (…) dans le but revivifier la démocratie et de faire face enjeux forts pour le pays”, a indiqué hier l’Élysée à la presse. Une filiation qui n’avait pas manqué de faire réagir notamment sur la volonté du chef de l’État de se muer en chef de guerre. Sur le fond, les syndicats avaient déjà raillé les contours flous du CNR et douté de l’intention réelle d’Emmanuel Macron de discuter avec eux.
Trois mois plus tard, à la veille de sa première séance qui aura lieu jeudi 8 septembre à Marcoussis, le CNR ne fait toujours pas l’unanimité. L’Élysée compte cependant bien aller au bout de son idée, même si plusieurs syndicats (FO, la CGT, la CFE-CGC et Solidaires) refusent de participer.
Fin de non-recevoir pour la CGT, FO, la CFE-CGC et Solidaires
Le CNR débute avec à peine la moitié des syndicats. Seuls la CFDT, la CFTC et l’UNSA ont accepté d’y participer. Mardi 6 septembre, la CGT a diffusé le courrier de trois pages transmis à Emmanuel Macron (en pièce jointe) afin de lui expliquer son refus : une convocation “dans des délais extrêmement courts, sans en détailler le périmètre (…), sans contact préalable avec vos conseillers ou le secrétariat général de l’Élysée. Des pratiques qui indiquent clairement un manque de respect vis-à-vis des organisations syndicales”. Outre ces motifs, la CGT revient sur le choix du nom du CNR, ” construit dans un cadre d’unité nationale sur la base d’avancées sociales considérables dans la suite du front populaire telles, la sécurité sociale et la retraite, la création des comités d’entreprise”. La référence au Conseil national de la Résistance relève donc pour la CGT d’une “usurpation sociale et historique (…), aux antipodes du programme [porté] depuis 2017”. Enfin, la CGT revient sur la volonté affichée d’Emmanuel Macron de gouverner dans une volonté d’écoute qui ne constitue qu’une façade, avec pour preuve la réforme de l’assurance chômage (passée et prévue) et le projet de réforme des retraites.
Côté CFE-CGC, si le communiqué est plus court, il n’en est pas moins clair. Intitulé “la CFE-CGC fait de la résistance”, il pointe d’emblée “un trouble délibéré à l’ordre des institutions et au délitement du respect qui est dû aux partenaires sociaux dans une démocratie”. Il voit même le CNR comme “une nouvelle instance dont la fonction, à l’évidence, est de siphonner ce qui reste de raison d’être aux assemblées et structures démocratiques de représentation des intérêts dont les corps intermédiaires sont naturellement porteurs”. Au mieux, il s’agit d’un “objet de communication”. Le syndicat des cadres considère aussi que les partenaires sociaux sont “assignés à un rôle de faire-valoir”, dans une concertation “dont tout le monde connaît déjà l’issue”. Enfin, le communiqué fustige le projet de réforme d’assurance chômage, “exacte illustration d’une méthode que la CFE-CGC ne peut plus accepter”.
Dans sa communication à la presse, l’Élysée a fait savoir que le dialogue noué en CNR sur l’assurance chômage ne présagerait pas des discussions menées en parallèle avec les partenaires sociaux : “Tout n’a pas vocation à être dans le CNR”.
Quant à Force Ouvrière, Frédéric Souillot considère que le syndicat “n’a pas sa place dans une instance qui réunit des composantes aussi disparates que forces politiques, économiques, sociales, associatives, des élus des territoires (…). Le CNR risque donc selon lui “de diluer la parole des organisations syndicales et d’affaiblir le rôle des acteurs sociaux”. Par ailleurs, FO tient sa ligne de ne pas être “associée à un travail d’élaboration d’un diagnostic partagé et/ou de co-construction de réformes législatives en dehors du Parlement”.
Solidaires a également perçu l’appellation du CNR comme “une provocation”. Son communiqué (en pièce jointe) précise que “les revendications de Solidaires, en matière d’écologie, d’éducation, d’emploi, de santé et de grand âge (les 5 thématiques retenues) sont connues, et portées à travers nos luttes : or l’Élysée (…) [n’y] répond [pas]”. Le syndicat se joindra en revanche à la mobilisation lancée par la CGT le 29 septembre.
L’Élysée a qualifié cette vague de refus de “paradoxale” : “On ne peut pas refuser de participer au motif qu’on n’a pas été assez écoutés dans les années précédentes, puis ne pas venir après la rencontre avec le Président” (allusion au déjeuner du mois de juin. La porte est toujours ouverte. Ce qui est important, c’est ceux qui seront là. Nous serons assez nombreux et divers pour refléter les différents points de vue. La politique de la chaise vide ne fait pas avancer les dossiers”.
CNR : le programme de la première journée
Selon l’Élysée, la première séance du CNR s’ouvrira à 9h30 avec une introduction du chef de l’État. S’en suivra un échange avec les participants : 50 personnes représentant des associations, des syndicats (CFDT, CFTC, UNSA), des experts ont été invitées. Pas de participation citoyenne cependant : les civils sont considérés comme représentés au travers des invités. L’échange se tiendra “sur ce que chacun peut apporter à la méthode et au fonctionnement” du CNR. Est ensuite prévu un moment de partage autour de trois interventions en tribune :
le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, sur la situation économique de la France ;
le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, sur les finances publiques ;
la présidente du Haut Conseil pour le climat, Corinne Le Quéré, sur le défi climatique.
Chaque thème (dont cinq sont déjà proposés par l’Élysée : le plein emploi, l’école, la santé, le “bien veillir”, la transition écologique) sera ensuite “décliné territorialement afin d’y apporter la réponse la plus adaptée et avec les meilleurs acteurs”, selon l’Élysée. Ainsi, seront conviées par exemple les associations de parents d’élèves aux réunions relatives à l’école, et les ONG environnementales à celles relatives au climat. Le Haut-Commissaire au Plan François Bayrou, sera chargé de cette déclinaison, du suivi des réunions et de la communication : un site internet sera prochainement mis en ligne.
Quant à la différence avec une convention citoyenne ou un Grenelle, l’Élysée indique que le CNR consiste dans un exercice démocratique sur plusieurs thèmes simultanés, contrairement à la convention citoyenne qui n’avait traité que du climat. Et sur la concurrence avec les autres institutions du pays, les services de communications gouvernementaux répondent que ” le Parlement restera le Parlement, le CESE restera le CESE. Le CNR n’enlèvera rien aux uns ni aux autres”.
Par la suite, le Haut Commissariat au Plan fixera des clauses de rendez-vous aux ministres qui participeront, chacun dans leur domaine, aux déclinaisons des thèmes. L’Élysée n’a en revanche pas communiqué de calendrier fixant les prochaines séances du CNR.
Le CNR commence donc demain dans un climat déjà tendu. Emmanuel Macron se heurte au scepticisme de plusieurs syndicats de premier plan, du président du Sénat Gérard Larcher qui a aussi refusé de participer, et à certains élus locaux qui ont finalement accepté après avoir négocié des gages avec le Président de la République. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les débuts du CNR ne sont pas marqués par l’enthousiasme…
Les syndicats en ordre de marche contre la réforme de l’assurance chômage
Réunis lundi 5 septembre en intersyndicale élargie aux représentants des étudiants, les syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, FSU, Solidaires et Unsa) ont fixé leur ennemi commun : la réforme de l’assurance chômage. Dans le projet de loi dédié au plein emploi présenté aujourd’hui en conseil des ministres, Emmanuel Macron veut en effet prolonger jusqu’au 31 décembre 2023 les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Juste le temps d’adapter le dispositif sous un nouvel angle : rendre l’indemnisation des chômeurs plus favorable quand l’économie va mal, la rendre défavorable quand la conjoncture se porte bien. Selon Pascale Coton (CFTC), “il faut aussi avoir en tête les nouveaux métiers liés à la transition écologique et travailler sur ces sujets plutôt que sur une réduction de l’indemnisation des chômeurs”. Gérard Mardiné (CFE-CGC) nous a également indiqué que les syndicats s’exprimeraient d’ici une semaine sur leur position commune. “Il faut répondre aux besoins de transition de l’économie, le projet de réforme de l’assurance chômage du gouvernement ne répond pas aux causes des problèmes”. La prochaine réunion intersyndicale est prévue le 3 octobre prochain.
Marie-Aude Grimont
Elections professionnelles : les modifications voulues par le gouvernement
Pour résoudre un problème constitutionnel, le gouvernement veut revoir deux articles du code du travail sur les élections professionnelles. Objectif : laisser ouvert le droit de vote à tous les salariés mais priver les cadres ayant une délégation de l’employeur de la possibilité d’être élus au CSE.
Le projet de loi sur le marché du travail présenté hier en conseil des ministres traite essentiellement de l’assurance chômage (lire notre article dans cette même édition). Mais il comprend un article 3 portant sur les élections professionnelles. Rappelons que cette modification du code du travail est rendue nécessaire par une censure du Conseil constitutionnel. Saisi par la CFE-CGC de Carrefour, le juge constitutionnel a estimé que la jurisprudence ne pouvait pas écarter du droit de vote aux élections certains électeurs, même ceux dotés d’une délégation ou d’un pouvoir de représentation de l’employeur, au nom du principe de participation de tous les travailleurs prévus par la Constitution. Le Conseil a donc demandé au gouvernement de revoir le code du travail en lui donnant jusqu’au 31 octobre 2022 pour réaliser ce changement. Au 1er novembre, sans modification législative, il n’y aurait donc plus de base légale à la définition du corps électoral.
Les deux points en question
Une première mouture de la réécriture envisagée, dans l’avant-projet de loi, a fait l’objet de critiques de la part de la CFE-CGC. Depuis, le texte a évolué. Il sépare nettement la question du droit de vote aux élections du droit de participer aux élections professionnelles pour être élu.
La nouvelle version de l’article L. 2413-18 du code du travail est…identique à celle existante, à l’exception de l’ajout du mot “ensemble”. Le texte du projet de loi prévoit que sont électeurs “l’ensemble des salariés âgés de 16 ans révolus, travaillant depuis 3 mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques”. Avec l’ajout du mot “ensemble”, tous les salariés sont donc visés et ceux qui représentent éventuellement l’employeur ne peuvent donc pas être privés de leur droit de vote. “Cela permet de mieux régler le problème que l’ancienne version envisagée”, réagit Gilles Lecuelle, de la CFE-CGC.
En revanche, l’article L. 2413-19, qui traite de l’éligibilité, apporte cette nouvelle restriction, indiquée ici en gras : “Sont éligibles les électeurs âgés de 18 ans révolus, et travaillant dans l’entreprise depuis 1 an au moins, à l’exception des conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l’employeur, ainsi que des salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou qui le représentent effectivement devant le comité social et économique”.
Au nom de la CGT, Patrick Verala, en charge des élus du personnel, juge que ces changements paraissent cohérents, dans la mesure où “ils garantissent à tous les salariés le droit de vote tout en restreignant l’égibilité au CSE des salariés qui représentent l’employeur”.
La jurisprudence
Si le projet de loi est adopté en octobre au Parlement, ces modifications s’appliqueraient donc à compter du 1er novembre prochain. Le sens de ces changements est donc d’amener la Cour de cassation à ne plus écarter du corps électoral et donc du droit de vote certains salariés, tout en maintenant la jurisprudence lui permettant d’écarter l’élection au CSE de cadres dirigeants.
Jusqu’à présent, la Cour de cassation jugeait de manière constante, comme dans la décision Carrefour, que devaient être exclus du corps électoral les salariés qui soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement ce dernier devant les institutions représentatives du personnel.
Pour le Conseil d’Etat, le projet résout le problème constitutionnel
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’Etat approuve la nouvelle version du projet de loi, visiblement modifié par le gouvernement à la suite des critiques de la CFE-CGC et des conseils des magistrats administratifs. “La modification à la marge de l’article L. 2314-18, rapprochée de l’article L. 2314-19 dans sa rédaction elle-même modifiée, est de nature à lever toute difficulté d’ordre constitutionnel s’agissant de la définition du corps électoral, et à assurer le respect de l’autorité de chose jugée qui s’attache à la décision n° 2021-947 QPC (Ndlr : la censure du Conseil constitutionnel dans l’affaire Carrefour)”, écrit le Conseil d’Etat. La restriction opérée sur l’éligibilité de certains salariés ne pose pas de problème au conseil “compte tenu de l’incidence que les attributions exercées ou les fonctions occupées (Ndlr : par les cadres ayant une délégation de l’employeur ou une fonction de représentation devant le CSE) seraient, par elles-mêmes, de nature à avoir sur le bon fonctionnement des comités sociaux et économiques”.
Bernard Domergue
Gaz et électricité : Bercy prolonge les aides aux entreprises
Face au renchérissement du coût de l’énergie, qui conduit certaines entreprises à réduire leur activité et à envisager du chômage partiel, Bercy a décidé de prolonger ses aides “gaz et électricité” destinées aux entreprises qui sont grandes consommatrices de ces énergies. Il s’agit d’une subvention destinée à compenser les surcoûts de dépenses.
L’aide d’urgence, annoncée le 16 mars dernier et mise en œuvre en juillet, est donc prolongée jusqu’à fin décembre 2022.
“Elle permet de soutenir les entreprises qui sont particulièrement dépendantes aux prix de l’énergie (celles dont les coûts de gaz et d’électricité sont supérieurs à 3 % du chiffre d’affaires en 2021) et de maintenir la production des sites les plus consommateurs de gaz et d’électricité. Cette aide comprend plusieurs volets, plafonnés respectivement à 2,25 et 50 millions d’euros d’aides, selon les spécificités de l’entreprise”, explique le ministère de l’Economie.
L’Etat promet aussi une simplification du dispositif. Ainsi, les dates limites de dépôt sont repoussées pour permettre aux entreprises de rassembler l’ensemble des pièces nécessaires et les faire certifier par leur expert-comptable ou leur commissaire aux comptes. “Ainsi les dossiers concernant la période de mars à août pourront être déposés jusqu’à la fin décembre 2022. Les entreprises qui ne se sont pas saisies du dispositif peuvent donc de nouveau déposer leur dossier sur www.impots.gouv.fr”, indique Bercy.
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Les enjeux énergétiques et les conséquences pour les entreprises
Des verreries industrielles touchées par l’inflation de l’énergie
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actuEL CE
Sobriété : les pistes de l’industrie
Dans le cadre du plan de sobriété énergétique visant la réduction de 10 % de la consommation, un groupe “Industrie” s’est réuni hier sous l’égide d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, et de Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie.
Les premières pistes de travail issues du groupe de travail “Entreprises et organisation du travail,” qui réunit les organisations syndicales et patronales, ont ainsi été dévoilées.
Elles concernent le chauffage (le groupe recommande une température de 19°), les outils de mesure, de suivi et de pilotage des consommations énergétiques, la gestion de l’éclairage, dont l’optimisation peut entraîner jusqu’à 70% de dépenses en moins, les transports pour favoriser la mobilité durable et la sensibilisation aux écogestes, notamment en matière d’usages numériques.
Par ailleurs, les mesures de sobriété énergétique propres au secteur industriel portent sur les processus industriels mais aussi les chaînes logistiques ou encore l’organisation du travail au sein des entreprises.
Concernant les processus industriels, le comité stratégique de filière “Nouveaux systèmes énergétiques” a présenté l’initiative “IDécarbone”» qui vise à référencer des solutions de décarbonation et à mettre en relation les professionnels et les entreprises souhaitant décarboner leurs sites industriels. La première rencontre nationale entre les porteurs de solution et les industries est prévue le 10 octobre 2022.
L’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) a, de son côté, indiqué vouloir mieux partager les bonnes pratiques auprès des 42 000 entreprises qu’elle représente.
actuEL CE
Salariés protégés : panorama des décisions récentes (février-juillet 2022)
Plusieurs arrêts rendus entre février et juillet 2022 apportent des précisions ou rappellent des règles relatives à la protection des représentants du personnel. Tableau récapitulatif de jurisprudence.
Thème
Contexte
Solution
Prise d’acte et résiliation judiciaire
Prise d’acte
En cas de prise d’acte produisant les effets d’un licenciement, celui-ci est nul, le salarié protégé a donc droit, comme pour tout licenciement nul faute d’autorisation administrative, à une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir depuis la date de la rupture jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours ► jurisprudence constante.
Le salarié protégé dont la prise d’acte est motivée par un refus de réintégration ne peut prétendre, au titre de la violation de son statut protecteur, qu’au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de la prise d’acte (arrêt du 9 mars 2022).
Résiliation judiciaire
Le salarié protégé dont la demande de résiliation judiciaire est accueillie a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d’une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande. ► jurisprudence constante.
Lorsque la période de protection attachée au mandat en cours au moment de la demande est expirée lorsqu’est prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail, le salarié ne peut prétendre à l’allocation d’une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur (arrêt du 16 février 2022).
Si l’inspecteur du travail donne son autorisation, le juge judiciaire ne peut plus se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire, même si sa saisine était antérieure. Il pourra alors seulement allouer des dommages et intérêts au salarié au titre des fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement. ► jurisprudence.
Dans ce cas, le juge judiciaire ne pourra que faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse ou de nullité du licenciement, ainsi qu’ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage, le cas échéant (arrêt du 15 juin 2022).
Autorisation de licenciement
Transfert partiel
Lorsqu’un représentant du personnel est compris dans un transfert partiel d’entreprise ou d’établissement, par application de l’article L. 1224-1 du code du travail, le transfert de ce salarié doit être soumis à l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail qui s’assure que le salarié ne fait pas l’objet d’une mesure discriminatoire (C. trav., art. L. 2421-9).
A défaut de transfert d’une entité économique autonome, le transfert peut néanmoins être effectué lorsque les salariés sont transférés en exécution d’un accord collectif, en cas de perte d’un marché. L’autorisation préalable doit alors être demandée à l’inspecteur du travail (arrêt du 21 avril 2022).
Mise à la retraite
En cas de mise à la retraite d’un salarié protégé, l’administration, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, contrôle : le caractère non-discriminatoire de cette mise à la retraite; le respect des conditions légales de mise à la retraite; la régularité de la procédure de mise à la retraite, au regard, d’une part, des garanties procédurales spéciales prévues en cas de licenciement d’un salarié protégé, lesquelles s’appliquent aussi en cas de mise à la retraite d’un salarié protégé, et d’autre part, de l’ensemble des règles applicables à l’intéressé, au nombre desquelles peuvent figurer des stipulations d’accords collectifs de travail applicables au salarié. ► jurisprudence constante.
La procédure de mise à la retraite n’est pas régulière et l’autorisation administrative doit être annulée lorsque l’employeur n’a pas respecté les dispositions du règlement intérieur national adopté par le conseil d’administration et ayant valeur d’accord collectif signé par les partenaires sociaux, lequel impose une procédure particulière concernant le licenciement et la mise à la retraite des directeurs, poste occupé par le salarié protégé concerné (décision du Conseil d’Etat du 15 mars 2022).
Décision du ministre du travail
Lorsqu’il est saisi d’un recours hiérarchique contre une décision d’un inspecteur du travail statuant sur une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l’annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d’autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision.
L’annulation de la décision de l’inspecteur du travail par l’autorité hiérarchique, quel que soit le sens de la décision prise par cette dernière, ne laisse rien subsister de celle-ci, peu important l’annulation ultérieure par la juridiction administrative de la décision de l’autorité hiérarchique (arrêt du 6 juillet 2022).
Pouvoir disciplinaire
Sanction disciplinaire
Pendant l’exécution de leur contrat de travail, les salariés protégés restent entièrement soumis, en qualité de salariés, au pouvoir hiérarchique du chef d’entreprise et peuvent faire l’objet d’une sanction disciplinaire. Cependant, des faits commis par le salarié dans le cadre de sa vie privée ou à l’occasion de l’exercice de son mandat ne peuvent pas, en principe, justifier un licenciement pour motif disciplinaire puisque pendant ces périodes, le salarié n’est pas sous la subordination de son employeur. Il n’en va autrement que si ces faits se rattachent à la vie professionnelle du salarié et caractérisent un manquement à ses obligations contractuelles (Guide DGT sur les salariés protégés, 20 sept. 2019, fiche 6).
Une sanction disciplinaire à l’égard d’un salarié protégé ne peut être prononcée qu’en raison de faits constituant un manquement à ses obligations professionnelles envers l’employeur, et sauf abus, le salarié ne peut être sanctionné en raison de l’exercice de son mandat pendant son temps de travail (arrêt du 1er juin 2022).
Licenciement pour faute
Dans le cadre d’un licenciement pour faute à raison de faits commis dans le cadre de l’exercice du mandat d’un salarié protégé, l’administration ne peut se borner à examiner si ces faits rendent impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, mais doit aussi estimer si les faits reprochés, bien qu’ayant eu lieu en dehors de l’exécution du contrat de travail du salarié, ne constituent pas un manquement à ses obligations contractuelles et sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement (décision du Conseil d’Etat du 15 juin 2022).
Licenciement économique
Reclassement
L’administration doit rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si la situation de l’entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la possibilité d’assurer le reclassement du salarié. (Guide DGT sur les salariés protégés, 20 septembre 2019, fiche 7b).
En matière de reclassement externe, l’administration vérifie le respect par l’employeur de l’obligation de saisir une commission de l’emploi prévue par un accord de branche, mais elle ne contrôle pas le sérieux de la recherche dudit reclassement externe effectuée dans ce cadre (décision du Conseil d’Etat du 2 mars 2022).
L’employeur doit procéder à un examen individuel des possibilités de reclassement du salarié. ► jurisprudence constante.
Il n’appartient pas au liquidateur judiciaire au titre de son obligation de recherche personnalisée de reclassement d’accompagner son courrier de recherche de postes de reclassement auprès des autres entreprises du groupe de précisions quant à la rémunération et aux caractéristiques des emplois occupés par les salariés à reclasser (décision du Conseil d’Etat du 14 juin 2022).
Lien avec le mandat (contrôle de la discrimination)
Discrimination syndicale
L’inspecteur du travail doit examiner notamment si la rupture envisagée est en rapport avec le mandat détenu, brigué ou antérieurement exercé par l’intéressé (C. trav., art. R. 2421-7 et R. 2421-16). L’article L. 2141-5 du code du travail interdit à tout employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions. Ces dispositions sont d’ordre public.
Le contrôle exercé par l’administration du travail de l’absence de lien avec les mandats détenus par le salarié ne rend pas irrecevable et mal fondée, en raison de l’application du principe de séparation des pouvoirs, la demande du salarié fondée sur la discrimination syndicale qu’il estimait avoir subi antérieurement au licenciement (arrêt du 6 avril 2022).
Indemnisation
Absence de demande de réintégration
Aux termes de l’article L. 2422-4 du code du travail, lorsque l’annulation de la décision d’autorisation est devenue définitive, le salarié concerné a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s’il l’a demandée dans le délai de 2 mois, ou l’expiration de ce délai dans le cas contraire.
La salariée licenciée en vertu d’une autorisation administrative ultérieurement annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, ne peut prétendre de ce seul fait à l’annulation du licenciement, et partant à une indemnisation au titre de la violation du statut protecteur (arrêt du 6 juillet 2022)
Licenciement après la fin de la période de protection
Le représentant du personnel a droit, en raison de la violation de son statut protecteur, à une indemnité égale au montant des rémunérations qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et l’expiration de la période de protection en cours. ► jurisprudence constante.
Dans le cas du salarié licencié en méconnaissance de son statut protecteur après l’expiration de la période de protection (sur des faits commis pendant la période de protection), ce dernier ne peut bénéficier de l’indemnité pour violation du statut protecteur, celle-ci “couvrant le préjudice lié à la perte du mandat” (arrêt du 9 mars 2022).
Séverine Baudouin
La masse salariale progresse de plus de 10% sur un an
Au deuxième trimestre 2022, les effectifs salariés augmentent de 0,4% pour atteindre 19,1 millions de salariés ce qui représente 73 000 postes supplémentaires, selon les derniers chiffres des Urssaf, publiés hier.
Par rapport au dernier trimestre 2019 (juste avant le début de la crise Covid), l’augmentation est est de 2,8%, soit 521 300 postes de plus. Par secteur, au deuxième trimestre, les effectifs progressent de 0,2% dans l’industrie et de 0,6% dans le tertiaire, mais ils baissent de 0,1% dans la construction.
Le salaire moyen par tête (SMPT) progresse également : +1,2% sur le trimestre et +6,7% par rapport à fin 2019. Cette évolution s’explique par le moindre recours à l’activité partielle et surtout par l’inflation, qui tire vers le haut les revalorisations salariales.
Au total, la masse salariale soumise à cotisations sociales est en hausse de 1,5% au premier trimestre 2022, après +2,2% au trimestre précédent, ce qui porte à +10,8% son évolution sur un an. Son niveau dépasse de 9,5% celui de fin 2019.
Le Syntec s’engage à parvenir à la parité dans les cursus apprentissage d’ici à 2025
A l’occasion d’un colloque consacrée à la formation initiale et professionnelle, organisé le 6 septembre, la fédération Syntec a présenté sept engagements à respecter d’ici à 2025 pour répondre à l’enjeu de compétences dans le secteur”. Concrètement l’organisation patronale vise à atteindre 5 % des effectifs de la branche en apprentissage et souhaite améliorer de 10 points le niveau de parité dans ces cursus (pour atteindre 50 %). Par ailleurs, elle souhaite, que 90 % des apprentis accueillis dans les entreprises décrochent un CDI. S’agissant des seniors, elle promet de mettre en place un droit à temps partiel, quand un projet de formation ou de mentorat existe pour renforcer l’emploi et les compétences des salariés âgés. Les autres engagements portent sur la mobilisation des cadres en deuxième partie des cadres et la formation à la sobriété énergétique dont numérique.
actuEL CE
Apprentissage : les nouveaux niveaux de prise en charge des contrats sont connus
France Compétences a publié sur son site Internet une première version du référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage, entrés en vigueur le 1er septembre dernier (hormis les 275 certifications en suspens). Ce document, qui recense 3 300 certifications différentes, sera renouvelé “régulièrement”. Il prend en compte les diminutions de financement (d’environ 5 % en moyenne), actées par le conseil d’administration de l’institution publique, le 30 juin. La seconde diminution interviendra le 1er avril 2023 (environ 5 %).
Le précédent référentiel, comprenant les anciens niveaux de prise en charge, reste en ligne.
[Récapitulatif] Notre tableau sur les mesures de la loi pouvoir d’achat et du PLFR pour 2022
Nous récapitulons dans le tableau ci-dessous les mesures sociales prévues par les deux lois du 16 août visant à soutenir le pouvoir d’achat des salariés, avec les liens vers nos articles détaillés.
Deux lois du 16 août 2022, la loi n° 2022-1157 sur le budget rectificatif pour 2022 (PLFR) et la loi n° 2022-1158 dite loi du “pouvoir d’achat”, ont mis en place un panel de mesures dont les entreprises peuvent se saisir pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés : prime de partage de la valeur, monétisation des jours RTT, extension de la déduction patronale forfaitaire au titre des heures supplémentaires, défiscalisation des heures supplémentaires et complémentaires, nouveau cas de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale, assouplissement de l’utilisation des titres-restaurant et de la prime transport, procédure accélérée pour l’extension des avenants salariaux des conventions collectives, etc. Nos deux tableaux ci-après présentent de façon synthétique ces mesures pouvant intéresser entreprises et salariés, et nous précisons celles qui ont fait l’objet d’un article détaillé avec le lien vers celui-ci.
MESURES SOCIALES DE LA LOI “POUVOIR D’ACHAT”
Thème
Résumé des modalités
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Prime de partage de la valeur (article 1er)
– Versement possible à compter du 1er juillet 2022. – Dispositif à instaurer par accord (négocié au niveau de l’entreprise ou du groupe) selon les modalités applicables aux accords d’intéressement, ou par décision unilatérale de l’employeur (DUE) – Bénéficiaires : salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail, les intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice, agents publics relevant de l’établissement public ou travailleurs handicapés liés à un Esat, à la date de versement de la prime, à la date de dépôt de l’accord collectif auprès de l’autorité compétente ou à la date de la signature de la décision unilatérale de l’employeur. – Montant de la prime : il peut différer selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, de l’ancienneté dans l’entreprise, de la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou de la durée de travail prévue au contrat de travail. – La prime ne peut se substituer à aucun des éléments de rémunération. – Versement : en une ou plusieurs fois, dans la limite d’une fois par trimestre, au cours de l’année civile. – La prime est exonérée de cotisations sociales, dans la limite de 3 000€ par bénéficiaire et par année civile. Cette limite est portée à 6 000€ pour les employeurs qui mettent en œuvre, à la date de versement de la prime de partage de la valeur, ou ayant conclu, au titre du même exercice que celui du versement de cette prime un dispositif d’intéressement lorsque l’employeur est soumis à l’obligation de mise en place de la participation ou un dispositif d’intéressement ou de participation lorsque l’employeur n’est pas soumis à l’obligation de mise en place de la participation. – La prime de partage de la valeur est assimilée, pour l’assujettissement au forfait social, aux sommes versées au titre de l’intéressement. – Lorsque la prime est versée entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023 aux salariés ayant perçu, au cours des 12 mois précédant son versement, une rémunération inférieure à 3 fois la valeur annuelle du Smic correspondant à la durée de travail prévu au contrat, la prime est exonérée d’impôt sur le revenu ainsi que de la CSG/CRD et du forfait social. – En cas de cumul de la prime avec l’ex Pepa, le montant total exonéré d’impôt sur le revenu au titre des revenus de l’année 2022 ne peut excéder 6 000€.
Déduction patronale forfaitaire sur les heures supplémentaires (art. 2)
– Un nouveau régime de déduction forfaitaire des cotisations patronales au titre des heures supplémentaires et des jours de repos auxquels ont renoncé les salariés en forfait-jours est instauré à partir du 1er octobre 2022 pour les entreprises de 20 à moins de 250 salariés. – Montant et modalités fixées dans un décret à venir
Intéressement, participation et plan d’épargne (art. 4 et 5)
– La durée maximale de l’accord d’intéressement est portée de 3 à 5 ans. – Le renouvellement par tacite reconduction peut intervenir plusieurs fois. – Une entreprise, lorsqu’aucun accord d’intéressement de branche agréé ne la couvre, peut mettre en place un régime d’intéressement par décision unilatérale quand l’entreprise emploie moins de 50 salariés et est dépourvue de délégué syndical ou de CSE et quand l’entreprise emploie moins de 50 salariés et compte au moins un délégué syndical ou est dotée d’un CSE. – Les périodes de congé de paternité peuvent être assimilées à une présence en cas de répartition de l’intéressement selon la présence des salariés dans l’entreprise. – Une procédure dématérialisée de rédaction d’un accord d’intéressement est créée, pour vérifier préalablement sa conformité aux dispositions légales en vigueur. Dans ce cas, les exonérations sont réputées acquises pour la durée de l’accord à compter de son dépôt. – Les délais de contrôle de légalité à tout dispositif d’épargne salariale sont raccourcis d’un mois pour les accords et plans déposés à compter du 1er janvier 2023. – La durée maximale de la procédure d’agrément des accords de branche d’intéressement, de participation ou instaurant un plan d’épargne salariale est de quatre mois. Il peut être prorogé une fois pour une durée équivalente à la moitié de la durée initiale. – Est institué un nouveau cas de déblocage exceptionnel de l’épargne salariale pour l’acquisition de biens ou la fourniture de services dans la limite de 10 000€, net de prélèvements sociaux jusqu’au 31 décembre 2022.
Titres-restaurant (art.6)
– Il est possible d’utiliser, jusqu’au 31 décembre 2023, les titres-restaurant pour l’achat de tout produit alimentaire, qu’il soit ou non directement consommable.
Salaires minima conventionnels (art.7 et 8)
– Le délai dans lequel les branches doivent ouvrir des négociations lorsque des minima conventionnels sont inférieurs au Smic est réduit de 3 mois à 45 jours. – Lorsqu’au moins deux revalorisations du Smic sont intervenues dans les 12 derniers mois, l’extension des avenants salariaux doit intervenir dans un délai maximal de 2 mois pour l’ensemble de la procédure d’extension qui est par ailleurs simplifiée.
Revalorisation anticipée des pensions de retraite et des minima sociaux (art. 9)
– Au 1er juillet 2022, certaines prestations et pensions sont revalorisées de 4%.
Embauches dans les centrales à charbon (art. 32)
– Les centrales à charbon temporairement réouvertes sont autorisées à recourir au CDD et contrat de mission lorsque ces embauches sont nécessaires à leur exploitation (nouveau cas de recours temporaire), peu importe que ces embauches aient lieu dans les 6 mois suivant le licenciement économique de salariés. – Cette dérogation est applicable aux contrats conclus du 1er juillet 2022 jusqu’au 31 décembre 2023 – les ex-salariés licenciés dans le cadre d’un PSE rendu nécessaire par la limite annuelle légale de production des centrales et bénéficiaires de congé de reclassement ou d’accompagnement spécifique, peuvent être embauchés en CDD ou contrat de mission dans les conditions suivantes : – le congé de reclassement ou d’accompagnement dont bénéficie le salarié est suspendu pendant la durée du contrat de travail et reprend au terme du contrat de travail; – la durée du contrat conclu peut aller jusqu’à 36 mois compte tenu des renouvellements légaux ou conventionnels.
MESURES SOCIALES DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2022 (PLFR)
Thème
Résumé des modalités
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Monétisation des RTT (art. 5)
– Les salariés peuvent, sur leur demande et en accord avec l’employeur, renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos acquises au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025 en application d’un accord ou d’une convention collective instituant un dispositif de réduction du temps de travail. Les journées ou demi‑journées travaillées donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise. – Le régime social et fiscal de la rémunération due au titre de ce renoncement est aligné sur celui des heures supplémentaires. – Les heures correspondantes ne s’imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d’heures supplémentaires.
Exonération fiscale et sociale de la contribution patronale sur les titres- restaurant (art.1er)
– La limite d’exonération de cotisations et contributions sociales et d’impôt sur le revenu de la contribution de l’employeur à l’acquisition par le salarié des titres-restaurant émis du 1er septembre 2022 au 31 décembre 2022 est portée à 5,92€ par titre (au lieu de 5,69€).
Exonération sur les indemnités de repas (art. 1er)
– La limite d’exonération des indemnités forfaitaires de repas sont revalorisées de 4% à compter du 1er septembre 2022 (arrêté à paraître)
Prime transport : extension des bénéficiaires (art. 2, II)
– Le bénéfice de la prise en charge facultative de l’employeur des frais de carburant ou des frais d’alimentation des véhicules électriques, hybrides ou rechargeables ou à hydrogène (prime transport) est étendu à tous les salariés.
Exonération fiscale de la prime transport et du forfait “mobilités durables” (art. 2, I)
– Pour l’imposition des revenus des années 2022-2023, l’avantage résultant de la prime transport ou du forfait “mobilités durables” est exonéré d’impôt sur le revenu dans la limite globale de 700€ par an, dont 400€ au maximum pour les frais de carburant.
Prise en charge des titres d’abonnement aux transports en commun et cumul avec d’autres dispositifs (art. 2, II et III, art. 4)
– Pour les années 2022 et 2023, la prise en charge par l’employeur des abonnements aux transports en commun pour la fraction qui excède son obligation légale (50 %) est exonérée fiscalement et socialement dans la limite de 25% du coût des abonnements. – Pour les années 2022 et 2023, il est possible de cumuler la prise en charge obligatoire des titres de transports publics avec la prime transport. – La limite d’exonération sociale et fiscale en cas de cumul du forfait “mobilités durables” et de la prise en charge patronale obligatoire des frais de transports publics est relevée de 600€ à 800€.
Défiscalisation des heures supplémentaires et complémentaires (art. 4)
– Le plafond d’exonération fiscale sur les heures supplémentaires et complémentaires est porté de de 5 000€ à 7 500€ pour les heures effectuées à compter du 1er janvier 2022.
Mise en activité partielle des salariés vulnérables à la Covid-19 (art. 33)
Les salariés se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler en raison de leur qualité de personnes vulnérables présentant un risque avéré de développer une forme grave d’infection à la Covid-19 peuvent être placés en activité partielle à compter du 1er septembre 2022, quelle que soit la date du début de l’arrêt de travail, jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 janvier 2023. A noter : une ordonnance publiée jeudi 1er septembre indique que le dispositif s’appliquera également pour les arrêts de travail du mois d’août 2022.
Salaires : les augmentations s’élèvent à 3 % en médiane en 2022
Selon l’Observatoire annuel de performance sociale et des rémunérations de LHH, les entreprises ont versé des budgets d’augmentation de 3 % en médiane, en 2022, contre 2,5 % initialement prévus en janvier dernier. La tendance devrait se poursuivre en 2023 avec des enveloppes de 3,5 %. Un coup de pouce toutefois loin de compenser l’inflation.
Pour 2023, l’Observatoire s’attend à des enveloppes de 3,5%, très différentes selon les secteurs. Si l’informatique pourrait “lâcher” +5 %, le secteur financier, moins généreux, devrait accorder 3,65 % et l’industrie autour de 3,5%.
Par catégories, les ouvriers et les employés pourraient avoir avec des augmentations de 4 % tandis que les techniciens, agents de maîtrise et les cols blancs devraient voir leur fiche de paie revalorisée de 3,5 %. En 2023, les employeurs privilégieront à nouveau les augmentations individuelles notamment pour les cadres.
actuEL CE
Index égalité professionnelle : les données à transmettre à l’administration
Un arrêté du 17 août 2022 précise les indicateurs et résultats que les entreprises doivent transmettre à l’administration en matière d’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Il remplace un précédent arrêté du 31 janvier 2019.
Le texte liste les informations à télédéclarer sur le site internet dédié du ministère du travail.
actuEL CE
Notre cahier de jurisprudence droit du travail pour le CSE : licenciement disciplinaire, congés payés, formation professionnelle
Un exercice efficace du mandat d’élu du CSE mais aussi de représentant de proximité (RP), exige de développer de solides connaissances des règles du droit du travail. Pour vous y aider, nous sélectionnerons régulièrement la jurisprudence relative à vos domaines de compétence dans ce cahier de jurisprudence.
► Pourquoi vous proposer ce rendez-vous régulier ? La délégation du personnel au CSE a pour mission de présenter à l’employeur les réclamations individuelles et collectives des salariés relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant notamment la protection sociale, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise (articles L. 2312-5 et L. 2312-8 du code du travail). On attend donc des membres du CSE, mais aussi des éventuels représentants de proximité (RP), qu’ils soient les porte-paroles des salariés. Leur rôle est d’être à l’écoute des salariés, de les informer sur leurs droits, de les orienter, de les conseiller, de les accompagner, etc. Pour cette mission, les représentants du personnel ont forcément besoin de développer leurs connaissances en droit du travail, et donc de suivre l’actualité juridique : nous vous proposerons donc régulièrement ce cahier de jurisprudence de droit du travail qui évoque des décisions récentes rendues par les juges.
Congés payés
► L’histoire
Un salarié formule oralement une demande d’une journée de congé pour laquelle il n’obtient aucune réponse. Estimant sa demande acceptée, il s’absente le 27 juin 2016, ce qui lui vaut un avertissement pour absence injustifiée. L’employeur justifie cet avertissement par l’impossibilité pour le salarié, sauf disposition conventionnelle ou usage contraire, de fixer lui-même les dates de ses congés sans avoir obtenu une autorisation préalable expresse de la direction.
A la demande du salarié, les juges annulent la sanction. L’employeur ne justifiait d’aucune consigne précise imposant au salarié d’obtenir un accord exprès préalable à la prise de congé. De plus, il n’était pas établi que l’employeur avait expressément formulé un refus, en sorte que le salarié avait pu considérer que sa demande était acceptée.
Dépassement de la durée maximale du travail et jours RTT
► L’histoire
Un salarié, engagé comme chauffeur-livreur, avait travaillé 50 heures et 45 minutes durant une semaine. Il réclame des dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail.
Pour la cour d’appel, le salarié n’avait pas démontré l’existence d’un préjudice causé par ce dépassement. D’où le rejet de la demande de dommages et intérêts. La Cour de cassation décide au contraire, en s’appuyant sur le droit européen, que « le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation ». L’objectif de la législation sur les durées maximales de travail étant de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la pose d’un repos suffisant, le dépassement de durée maximale de travail prive le salarié d’un tel repos et lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu’il est porté atteinte à sa sécurité et à sa santé.
Un salarié, agent technique informatique à l’AFP, obtient un rappel de salaires et de primes, mais son employeur conteste ce jugement favorable devant la Cour de cassation au motif que les primes dont le paiement n’est pas affecté par la prise de jours de réduction du temps de travail n’ont pas à être incluses dans l’assiette de calcul de l’indemnité due au titre des jours de RTT.
Réponse de la Cour : les jours de réduction du temps de travail constituent la contrepartie d’un travail supérieur à la durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures; sauf disposition spécifique de l’accord collectif de travail relative aux modalités du maintien du salaire en cas de réduction de la durée du travail, le salarié ne peut subir aucune perte de salaire au titre de la prise de jours de RTT. Ainsi, en l’absence de toute disposition légale ou conventionnelle excluant les primes perçues de l’assiette de calcul des jours de RTT, le montant de ces primes devait entrer dans l’assiette de calcul.
Note de la rédaction. Pourquoi s’intéresser au contentieux du licenciement disciplinaire ? Tout simplement parce qu’un salarié convoqué par l’employeur à un entretien préalable de licenciement ou qui fait l’objet d’une procédure disciplinaire a le droit de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (articles L. 1232-4 et L. 1332-2 du code du travail). Or il est fréquent que le salarié menacé demande à un membre du CSE de l’assister et de le conseiller.
► L’histoire
Un salarié, occupant un poste de directeur des systèmes d’information, est licencié pour faute grave. L’employeur lui reproche un comportement irrespectueux, des faits de harcèlement moral à l’égard d’une subordonnée, et l’instauration d’un climat de tension et de peur dans le but d’éliminer l’ancienne équipe au profit de collaborateurs embauchés par lui-même. Pour les juges, ce comportement ne constituait ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement car l’employeur y était pour quelque chose.
Comme l’avaient constaté les juges, les méthodes managériales du salarié étaient connues de l’employeur et n’avaient pas été réprouvées par sa hiérarchie, il avait régulièrement partagé ses constats avec sa hiérarchie et conduit un processus de réorganisation en lien avec elle et l’employeur avait défendu les décisions qu’il avait prises. En conséquence, le comportement du salarié était bien le résultat d’une position managériale partagée et encouragée par l’ensemble des supérieurs hiérarchiques. Finalement, après avoir approuvé et encouragé les pratiques managériales du salarié, l’employeur ne pouvait pas lui reprocher ensuite une faute grave.
Un salarié, engagé en qualité de conducteur de véhicule poids lourd hautement qualifié, est licencié pour faute grave pour avoir adressé des messages à connotation sexuelle à une salariée d’une société cliente. Devant les prud’hommes, le salarié fait valoir que ces faits relevaient de sa vie personnelle et ne constituait pas un manquement à ses obligations professionnelles, de sorte qu’ils ne pouvaient justifier une sanction disciplinaire. En vain.
Comme l’avait relevé la cour d’appel, le salarié s’était trouvé en relation avec la salariée de l’entreprise cliente et avait eu connaissance de ses coordonnées téléphoniques professionnelles dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. En conséquence, les propos à caractère sexuel à l’égard de cette salariée, avec laquelle il était en contact exclusivement en raison de son travail, ne relevaient pas de sa vie personnelle. Ce comportement injurieux à l’égard de la salariée d’un partenaire commercial constituait une faute grave et rendait impossible la poursuite du contrat de travail.
Licenciement économique & obligation de reclassement
► L’histoire
Faisant valoir que l’employeur avait manqué à son obligation de reclassement, un salarié licencié pour motif économique saisit les prud’hommes pour faire juger que le licenciement dont il a fait l’objet était sans cause réelle et sérieuse.
Effectivement, pour les juges, l’employeur avait bien manqué à son obligation de reclassement car “les offres de reclassement adressées au salarié ne comportaient aucune indication relative à la rémunération, alors qu’il ne ressortait pas des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi que le salarié bénéficierait du maintien de son niveau de rémunération pour toute offre de reclassement qui lui serait proposée”. L’employeur n’avait donc pas adressé des offres de reclassement suffisamment précises, ce qui rendait le licenciement économique sans cause réelle et sérieuse.
Sur la route du retour d’un salon professionnel, auquel il s’était rendu sur instruction de son employeur, un chef d’équipe du bâtiment provoque, sous l’empire d’un état alcoolique, un accident de la circulation au volant de son véhicule de fonction. Le salarié est licencié pour faute grave.
Comme cela avait été constaté, le salarié était au volant de son véhicule de fonction, il rentrait d’un salon professionnel, auquel il s’était rendu sur instruction de son employeur, pour les besoins de son activité professionnelle. En conséquence, pour les juges, cet accident pouvait bien être relié à la vie professionnelle du salarié, même s’il s’était produit à un moment où celui-ci n’était plus sous la subordination de son employeur. D’où la possibilité pour l’employeur de prononcer un licenciement disciplinaire pour faute grave.
Un salarié engagé pour plusieurs missions par une entreprise de travail temporaire a suivi deux formations aux techniques de soudage. A l’issue de son dernier contrat de travail, l’employeur ne lui remet pas ses attestations de formation. Devant les prud’hommes, le salarié réclame la remise de ces attestations et le paiement de dommages et intérêts par l’employeur en réparation du préjudice subi en raison du défaut de remise de ces documents professionnels.
Pour la Cour de cassation, le salarié avait effectivement droit à des dommages et intérêts car il avait perdu une chance d’être recruté sur certaines offres d’emploi en étant dans l’impossibilité de présenter les certificats de soudure attestant de ces formations.
La taxe sur les salaires est due sur les rémunérations versées aux salariés expatriés
La taxe sur les salaires est due, selon le Conseil d’État, par les employeurs établis en France qui en sont redevables à raison des rémunérations versées à l’ensemble des salariés qu’ils emploient, indépendamment du lieu où ceux-ci exercent leur activité, ainsi que par ceux établis à l’étranger disposant d’une installation en France à raison des rémunérations qu’ils versent à ceux de leurs salariés rattachés à cette installation.
Doivent donc être soumises à la taxe les rémunérations versées à des salariés exerçant leur activité à l’étranger, même s’ils ne se trouvent pas à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie et n’entrent pas, par suite, dans le champ de la CSG. Le renvoi opéré depuis le 1er janvier 2013 par l’article 231 du CGI à l’article L.136-2 du code de la sécurité sociale (article L.136-1 du code de la sécurité sociale depuis le 1er septembre 2018) n’a en effet eu ni pour objet ni pour effet d’exclure ces rémunérations de l’assiette de la taxe sur les salaires.
► Le Conseil d’État confirme ainsi sa jurisprudence antérieure au 1er janvier 2013 et la doctrine administrative. Il précise également que les dispositions de l’article 231 du CGI sont en conformité avec le droit de l’UE sur ce point et ne méconnaissent pas le principe d’unicité de la législation sociale (Règlement CE/883/2004 du 29-4-2004), ni les principes de liberté de circulation des travailleurs et citoyens de l’Union, d’établissement et de prestations de services (TFUE, articles 45, 49 et 56).
actuEL CE
La validation des acquis de l’expérience s’ouvre aux aidants familiaux
Le projet de loi marché du travail, adopté hier en Conseil des ministres, étend la validation des acquis de l’expérience (VAE) aux aidants familiaux. Les périodes de mise en situation sont comptabilisées, l’accompagnement des candidats est renforcé et le financement par les associations Transitions professionnelles pérennisé. Décryptage.
Née voilà 20 ans, la validation des acquis de l’expérience (VAE) va de nouveau subir quelques retouches. L’article 4 du projet de loi marché du travail, adopté hier en Conseil des ministres, ouvre le dispositif aux proches aidants et aux aidants familiaux pour leur permettre de faire valoir les compétences acquises auprès d’un membre de leur famille dépendant ou en fin de vie.
Pour ce faire, les périodes de mise en situation “en milieu professionnel” seront comptabilisées “au titre de la durée minimale d’expérience requise pour prétendre à la VAE”.
Remédier aux pénuries de recrutement
Un changement de braquet important. Jusqu’ici, seules les compétences acquises dans le cadre professionnel ou extra-professionnel (bénévolat, expériences syndicale, associative, sportive) étaient valorisées. Les aidants familiaux, qui n’avaient pas de statut, ne pouvaient donc pas apporter la preuve de leurs savoir-faire.
L’objectif est de leur permettre de décrocher des certifications, notamment d’aide-soignant ou d’aide à domicile, pour amorcer une reconversion professionnelle vers les métiers du grand âge. Un secteur “où les tensions de recrutement sont plus qu’exacerbées”, indique l’exposé des motifs du texte. D’où la volonté de l’exécutif de recourir à “cette voie rapide de certification”, comme le précise l’étude d’impact.
Un accompagnement en amont
Face à cette urgence, la procédure subit quelques modifications en vue de pallier les éventuels abandons de candidats : l’accompagnement des postulants débutera, non plus en aval, une fois le dossier jugé “recevable”, comme le prévoit l’article L.6121-1 du code du travail, mais dès le début de la démarche : les postulants pourront être accompagnés dans la “préparation” et la “constitution” de leur dossier (récapitulatif complet des compétences, tant dans le domaine des tâches qu’ils maîtrisent que des imprévus qu’ils ont su gérer). Le dossier est ensuite transmis à l’organisme certificateur (ministères, universités, établissements publics, chambres consulaires, branches professionnelles, certificateurs privés).
Selon l’étude d’impact, la constitution d’un dossier de VAE est, en effet, une étape jugée “complexe” par les candidats les moins qualifiés et peut s’avérer “excluante” pour des personnes qui la réalisent seules
Les associations mises à contribution
Côté financement, les associations transitions pro sont de nouveau mises à contribution : elles pourront financer de manière forfaitaire, dans la limite de 3 000 euros, les parcours de validation des acquis de l’expérience (VAE) des candidats (frais d’inscription auprès de l’école ou de l’organisme certificateur, de constitution du dossier, de préparation au jury de validation).
Le projet de loi pérennise, en effet, les mesures ad hoc de l’ordonnance du 1er avril 2020 qui visaient notamment les salariés placés en activité partielle. Il prévoit ainsi que les associations transitions pro pourront prendre en charge, dans des conditions fixées par décret, les dépenses liées à la VAE “sous réserve du caractère réel et sérieux du projet”.
Selon l’étude d’impact, le coût moyen de ce nouvel accompagnement pourrait s’élever à environ 2 250€, en fonction des régions et des certificateurs (1 500€ auxquels s’ajoutent 750€ pour l’assistance à la préparation du dossier).
Vers une réforme plus globale
Avec ce projet de loi, l’exécutif cherche à valoriser cette troisième voie d’accès à la certification, aux côtés de la formation initiale et continue. Et faire de la VAE une arme anti-chômage. Il s’est d’ailleurs donné pour objectif d’atteindre chaque année 100 000 diplômes ou titres professionnels acquis par la VAE d’ici à 2027. Or, pour l’heure, on est loin du compte. Selon l’étude d’impact, en 2019, si 55 000 candidats ont déposé un dossier (-11% sur un an), seuls 36 100 se sont présentés devant un jury de VAE et parmi eux, un peu moins de 22 000 ont obtenu la certification visée (validation complète).
Le dispositif cumule, de fait, plusieurs handicaps. Trois experts (1) dénonçaient, en mars dernier, dans un rapport, ses points faibles : lourdeur du dispositif, hétérogénéité des pratiques d’accompagnement, multiplicités des acteurs, défaut de visibilité statistique et difficultés de financement… Les partenaires sociaux devraient plancher sur le sujet dans les prochaines semaines pour rectifier le tir.
Le projet de loi, qui sera examiné à l’Assemblée nationale à l’automne, pose donc les jalons d’une réforme plus globale de la VAE à venir…
(1) Claire Khecha, directrice générale de l’Opco Constructys lors du lancement de la mission ; David Rivoire, spécialiste de la VAE et Yanic Soubien, ex-vice-président de la région Normandie en charge des politiques d’emploi et de formation professionnelle.
Anne Bariet
Le gouvernement lance sa réforme de l’assurance chômage contre la volonté des syndicats
Le projet de loi réformant l’assurance chômage a été présenté hier en conseil des ministres. Il prévoit de modifier l’indemnisation des chômeurs en fonction de la conjoncture économique. Les syndicats seront invités à une concertation alors qu’ils rejettent déjà le principe de la réforme.
Assurance chômage, acte 2. Après la réforme de 2021 qui a (entre autres) réintroduit la dégressivité des allocations des cadres et durci les conditions d’indemnisation, le gouvernement lance cette fois ci sa réforme contracyclique. Il s’agit de détériorer la durée et les conditions d’indemnisation des chômeurs lorsque l’économie se porte bien, et de les adoucir lorsque l’économie va mal. La philosophie consiste dans une recherche de plein emploi et une résolution des difficultés de recrutement. Olivier Dussopt a ainsi indiqué : “Le chômage ne baisse plus, nous avons atteint un seuil de 7,4 %”, un taux encore éloigné des 5 % souhaités par le Président de la République. Les détails de la réforme seront issus des concertations avec les syndicats et du travail parlementaire, le texte devant arriver devant l’Assemblée début octobre.
Assurance chômage, bonus-malus : ce que dit le projet de loi
Pour l’heure, le texte du projet de loi (en pièce jointe) se contente de préciser que les règles applicables entre le 1er novembre 2022 et, au plus tard, jusqu’au 31 décembre 2023 seront prises par décret après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Le temps pour Olivier Dussopt et les syndicats de mener la concertation prévue.
C’est d’ailleurs le Conseil d’Etat qui a demandé au gouvernement, dans son avis (en pièce jointe), d’inscrire noir sur blanc dans le projet de loi cette concertation ad hoc permettant au gouvernement de déroger aux dispositions des articles L.1 et L.5422-20 du code du travail : “Si le présent projet de loi a, tout comme les articles L. 5422-20 et L. 5422-20-1 auxquels il déroge, implicitement mais nécessairement pour effet d’écarter l’application à ce décret de la procédure prévue par les dispositions de l’article L.1 du code du travail, le gouvernement a indiqué qu’une première phase de la concertation à venir avec les partenaires sociaux porterait spécifiquement sur le contenu du décret appelé à être adopté sur le fondement des dispositions du présent projet de loi. Le Conseil d’État propose de mentionner expressément cette concertation ad hoc dans le projet de loi”.
Le second alinéa de l’article 1 prolonge aussi la modulation du taux de contribution chômage des employeurs (le bonus-malus issu de la réforme précédente) jusqu’au 31 décembre 2024. Le même décret en Conseil d’État précisera “les périodes de mise en œuvre de la modulation du taux de contribution des employeurs concernés, ainsi que les périodes au cours desquelles est constaté le nombre de fins de contrat de travail et de contrats de mise à disposition pris en compte pour le calcul du taux modulé”.
Le reste du texte (articles 3 et 4) traite des élections professionnelles et de la validation des acquis de l’expérience (lire nos articles dans cette même édition).
Le principe contracyclique de la réforme
Pour en savoir plus sur la réforme, il faut se pencher non sur l’actuel projet de loi mais sur l’interview accordée par le ministre du Travail Olivier Dussopt hier matin sur la radio France info : “Le principe est simple : quand les choses vont très bien, il faut que les règles soient plus incitatives et quand les choses vont moins bien, il faut que les règles soient plus protectrices”.
Sur le fond, le ministre souligne que la réforme pourra moduler la durée d’indemnisation ou les conditions d’éligibilité. Actuellement, un chômeur est indemnisé pendant 24 mois. Cette durée pourra donc être réduite. Quant aux conditions d’éligibilité, il faut aujourd’hui avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois. Et Olivier Dussopt de préciser ces éléments en tentant de ne pas vexer des syndicats déjà très échaudés par le projet : “Est-ce que [la réforme réduira] à 6 à 7 ou 8 mois ou est-ce dire que c’est 6 mois [de travail] sur 18 mois au lieu de 24 ?”. Il ne le sait pas encore : tout dépendra de l’issue des concertations et du travail parlementaire.
Le gouvernement devra donc fixer les critères économiques qui déclencheront l’amélioration ou la détérioration du régime. Là encore, Olivier Dussopt indique : “Il pourra s’agir de la conjoncture économique, du ratio d’emplois vacants par rapport au nombre de demandeurs d’emplois inscrits”.
Encore faudra-t-il en déterminer les modalités d’application. Dans ce domaine, plusieurs inconnues demeurent. On peut par exemple se demander si ces critères varieront en fonction du niveau de l’emploi dans chaque territoire ou si elles resteront nationales. Si tel était le cas, comme a semblé le dire le ministre du Travail, cela ne reviendrait-il pas à pénaliser les chômeurs vivant dans les zones d’emploi sinistrées ?
Autre question légitime : existera-t-il un délai de prévenance afin de ne pas basculer en quelques jours les chômeurs d’un régime favorable à un régime défavorable ? Là encore, pas de réponse pour l’instant, il faut attendre l’avancée de la réforme. Une seule chose semble fixée, ainsi que l’a dit Olivier Dussopt : il n’est pas question de modifier le montant de l’allocation chômage. Seules les conditions d’affiliation et la durée d’indemnisation sont sur la table des négociations. Des négociations où les syndicats vont sans doute aller à contre cœur : ils sont déjà opposés à la réforme et déplorent leurs faibles marges de manœuvre.
Des négociations limitées à une concertation
En théorie, le gouvernement devrait remettre aux syndicats une lettre de cadrage, comme le prévoit l’article L. 5422-20-1 du code du travail. Des négociations devraient ensuite se tenir entre partenaires sociaux afin de définir les termes d’un nouvel accord national interprofessionnel. En l’absence d’accord, il revient à l’État de prendre un décret en Conseil d’État.
Mais cette procédure pourrait ne pas être respectée. Ni Emmanuel Macron ni Olivier Dussopt n’ont évoqué de document de cadrage alors qu’il aurait déjà dû être transmis le 1er juillet dernier. Il semble que la concertation menée par le ministre du Travail ne concernera en aucune façon le principe de la réforme mais uniquement ses modalités d’application. Elle devrait commencer “dans quelques semaines” a indiqué Olivier Véran (porte-parole du gouvernement) à l’issue du conseil des ministres d’hier.
Le Conseil d’État précise quant à lui dans son avis (en pièce jointe) une concertation ad hoc permettant que le gouvernement déroge aux dispositions des articles L.1 et L.5422-20 du Code du travail : “Si le présent projet de loi a, tout comme les articles L. 5422-20 et L. 5422-20-1 auxquels il déroge, implicitement mais nécessairement pour effet d’écarter l’application à ce décret de la procédure prévue par les dispositions de l’article L. 1 du code du travail, le Gouvernement a indiqué qu’une première phase de la concertation à venir avec les partenaires sociaux porterait spécifiquement sur le contenu du décret appelé à être adopté sur le fondement des dispositions du présent projet de loi. Le Conseil d’État propose de mentionner expressément cette concertation ad hoc dans le projet de loi”.
Or, les syndicats, réunis lundi 5 septembre sont opposés à la réforme. Laurent Berger (CFDT) et Denis Gravouil (CGT) ont déjà dénoncé dans la presse “un piège” auquel ils refusent de se laisser prendre. Le leader de la CFE-CGC a déclaré hier : “On va être invité à des concertations, mais la loi est déjà écrite”. Dans un second temps, le gouvernement veut aussi traiter de la gouvernance de l’assurance chômage et de la transformation de Pôle Emploi en France Travail. Pas de quoi rassurer les syndicats dont certains refusent déjà de participer au Conseil national de la refondation. Dans un communiqué de presse diffusé hier soir la CGT dénonce : “Le gouvernement et le patronat [sont] de mèche pour saccager les droits des chômeurs” (en pièce jointe).
Une réforme “dogmatique” ?
Les syndicats dénoncent une réforme qualifiée d'”idéologique et dogmatique” par Laurent Berger. Le secrétaire général de la CFDT a fustigé le principe de résoudre des difficultés de recrutement “en appuyant sur la tête des demandeurs d’emploi, pour qu’ils soient encore plus sous l’eau”. Cela ne résoudrait rien selon lui, d’une part parce qu’environ “la moitié des demandeurs d’emploi ne sont pas indemnisés”, et d’autre part parce que “la Dares a souligné (…) que les difficultés de recrutement sont liées pour 30 % à la formation, et pour 25 % à des problèmes d’attractivité du métier” (réécouter Laurent Berger sur France info). Selon une étude de France Stratégie, les difficultés de recrutement seraient liées à des difficultés “non observables” comme la réputation de l’employeur ou la psychologie du chef d’entreprise. L’économiste Anne Eydoux, Maîtresse de conférences en économie au CNAM, que nous avions interviewée en 2021 au moment de la réforme précédente avait déjà relevé que “l’assurance chômage ne peut être un outil de régulation du marché du travail”.
Marie-Aude Grimont
Projet de loi marché du travail : le texte, l’étude d’impact, l’avis du Conseil d’Etat
Le gouvernement a adopté hier le projet de loi “portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi”.
Ce texte, auquel nous consacrons cette édition spéciale, traite essentiellement de l’assurance chômage, le gouvernement prolongeant l’actuelle convention pour se donner le temps de modifier à nouveau les critères d’indemnisation.
Mais le projet de loi aborde également les élections professionnelles, avec un changement législatif rendu nécessaire par la décision du Conseil constitutionnel, ainsi que la validation des acquis de l’expérience professionnelle (VAE).
Les ordonnances liées à la gestion de la crise sanitaire seront ratifiées dans le cadre du projet de loi Marché du travail
Le projet de loi sur le marché du travail prévoit de ratifier un certain nombre d’ordonnances liées à la gestion de la crise sanitaire, ce qui permettra de leur accorder une valeur législative.
Seront ainsi ratifiées, une fois le projet de loi adopté :
l’ordonnance n° 2020‑322 du 25 mars 2020 adaptant temporairement les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L.1226‑1 du code du travail et modifiant, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement et de la participation ;
l’ordonnance n° 2020‑324 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L.5421‑2 du code du travail ;
l’ordonnance n° 2020‑386 du 1er avril 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d’autorisation d’activité partielle ;
l’ordonnance n° 2020‑388 du 1er avril 2020 relative au report du scrutin de mesure de l’audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés et à la prorogation des mandats des conseillers prud’hommes et membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles ;
l’ordonnance n° 2020‑507 du 2 mai 2020 adaptant temporairement les délais applicables pour la consultation et l’information du comité social et économique afin de faire face à l’épidémie de Covid‑19 ;
l’ordonnance n° 2020‑1442 du 25 novembre 2020 rétablissant des mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421‑2 du code du travail ;
l’ordonnance n° 2020‑1597 du 16 décembre 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés et de jours de repos, de renouvellement de certains contrats et de prêt de main‑d’œuvre ;
l’ordonnance n° 2021‑797 du 23 juin 2021 relative au recouvrement, à l’affectation et au contrôle des contributions des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage ;
l’ordonnance n° 2021‑1013 du 31 juillet 2021 modifiant l’ordonnance n° 2020‑324 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421‑2 du code du travail ;
Associations, élus, syndicalistes : la liste des participants au Conseil national de la refondation
Le Conseil national de la refondation s’ouvre aujourd’hui et le gouvernement a transmis à la presse la liste des invités (en pièce jointe). Parmi eux, les ministres concernés comme Bruno Le Maire (économie), Olivier Dussopt (travail), Marc Fesneau (agriculture) ou encore François Braun (santé). Côté syndicats se trouvent comme prévu Laurent Berger (CFDT), Cyril Chabanier (CFTC) et Laurent Escure (Unsa). Seront également présents Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale et Thierry Beaudet (CESE). Enfin, des représentants du monde associatif pour les personnes handicapées, l’environnement, les familles ou encore la santé et la jeunesse.
actuEL CE
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : Égalité hommes femmes, fonction publique, handicap, nominations
Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du dimanche 4 septembre au jeudi 8 septembre inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branches que vous retrouvez une fois par mois dans nos colonnes.
Égalité hommes femmes
Un arrêté du 5 septembre 2022 détermine la part respective de femmes et d’hommes représentés au sein du comité social d’administration de l’Institut des hautes études de défense nationale
Fonction publique
Un arrêté du 22 août 2022 précise les modalités d’organisation du vote électronique pour l’élection des représentants des personnels civils de la gendarmerie nationale relevant de l’action sociale des armées au sein des comités sociaux
Handicap
Un arrêté du 5 août 2022 revalorise le montant de l’aide financière susceptible d’être attribuée aux entreprises adaptées de travail temporaire et aux entreprises adaptées autorisées à mettre en œuvre l’expérimentation des contrats à durée déterminée tremplin
Un arrêté du 5 août 2022 fixe les montants des aides financières susceptibles d’être attribuées aux entreprises adaptées hors expérimentation
Nominations
Un arrêté du 2 septembre 2022 porte nomination au cabinet de la secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative (Mme Karine Sanouillet, conseillère projets et partenariats)
Un arrêté du 1er septembre 2022 porte nomination sur l’emploi de directeur régional adjoint de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités des Pays de la Loire, chargé des fonctions de responsable du pôle « politique du travail » (M. Philippe Caillon)
Un arrêté du 6 septembre 2022 précise la composition du cabinet de la Première ministre (M. Étienne Loos est nommé conseiller technique presse)
Un arrêté du 6 septembre 2022 précise la composition du cabinet de la Première ministre (M. Jordan Esnault est nommé conseiller technique presse)
Un décret du 5 septembre 2022 modifie la composition de la Commission nationale de la négociation collective maritime, de l’emploi et de la formation professionnelle
Un arrêté du 25 août 2022 porte nomination au conseil de surveillance du fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante
actuEL CE
CNR : Emmanuel Macron annonce “une grande consultation” des Français
Voilà qui ressemble un peu au grand débat et aux cahiers de doléance de la période post gilets jaunes. Lors de son intervention au CNR, la Conseil national de la refondation, le chef de l’État a annoncé “une grande consultation” des Français qui serait lancée la semaine prochaine. Elle aurait lieu à la fois sur internet et sur le terrain, et serait destinée à interroger les citoyens sur leurs souhaits pour l’avenir. Emmanuel Macron a également indiqué que les propositions issues du CNR pourraient donner lieu à des référendums. Pour l’heure, on attend déjà le site internet du CNR qui devait donner accès aux débats…
actuEL CE
La Cour des comptes ouvre sa plateforme de signalements des alertes
Depuis le 6 septembre, la Cour des comptes met à disposition un portail de signalements. La plateforme sécurisée vise à recueillir des irrégularités financières en matière de gestion des marchés publics, de rémunérations ou de subventions indues, de conflits d’intérêt ou de fautes graves de gestion, auprès des juridictions financières. Le portail est « administré par le Parquet général près la Cour des comptes, afin que les signalements puissent nourrir aussi bien la programmation des contrôles que la chambre du contentieux (7e chambre) », précise le communiqué de la Cour. « La recevabilité du signalement sera évaluée, notamment, à travers les points suivants :
il concerne un organisme susceptible de relever d’un contrôle des juridictions financières ;
il a pour objet une situation préjudiciable pour les finances de cet organisme ;
il présente une certaine gravité ;
il s’accompagne de pièces jointes pertinentes », note la plateforme.
Le portail précise toutefois que si une personne se considère comme relevant du statut de lanceur d’alerte, au sens de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, elle est invitée à s’adresser au Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante, pour les questions relatives à ce statut et à ces droits.