“Les CSE n’ont pas encore intégré les attributions du CHSCT dans leur action”
En matière de conditions de travail, de santé et de sécurité, comment les CSE assurent-ils leurs prérogatives ? Sur ces sujets, quelles peuvent et doivent être leurs priorités en cette rentrée ? Alexandra Jean, sociologue du travail, et Elisa Oudinot, ingénieur informatique et psychosociologue, qui ont créé le cabinet DTR conseil, nous répondent et vous livrent leurs conseils. Interview.
Nous sortons d’une longue période dominée par les risques sanitaires. Assiste-t-on dans les entreprises à une remontée des autres préoccupations en matière de sécurité, santé au travail, conditions de travail ?
Le sujet de plus en plus important, c’est bien sûr la charge de travail ! Nous y reviendrons mais en préambule, nous voudrions insister sur un point très important alors que de nombreux CSE vont faire l’objet d’un renouvellement électoral. Nous sommes frappées par le fait que les CSE ont jusqu’à présent peu abordé les questions de santé au travail, si l’on met de côté la crise sanitaire. C’est paradoxal dans la mesure où ils reçoivent de très nombreuses remontées de salariés sur les problèmes liés à la charge de travail accrue et de comportements inappropriés de la part de managers (pressions sur les salariés, par exemple).
Comment expliquez-vous ce décalage ?
Les élus CSE n’ont pas été tous formés à la question de la CSSCT, la commission santé sécurité et des conditions de travail, sur son rôle et son fonctionnement. Ils se sont posés beaucoup de questions sur la coordination entre la CSSCT et le CSE mais en pratique, il y a eu peu de coordination réelle et de travail effectif sur ces sujets. Les élus se sont focalisés sur la répartition des dossiers (le suivi économique par exemple) mais derrière, la question de la coordination, de la stratégie globale collective du CSE, n’a pas été définie ni résolue, et cela vaut d’ailleurs aussi pour les CSE sans CSSCT. Ils ont un peu laissé de côté les questions santé et sécurité au travail.
Certains employeurs ont tendance à définir seuls les ordres du jour du CSE
Et il y a eu parallèlement une stratégie de certaines directions qui ont présenté aux élus la CSSCT comme une instance à part entière, alors qu’elle est loin de disposer des prérogatives du CHSCT (Ndlr : pas de droit d’expertise, par exemple). Comme les élus n’étaient pas formés à cette question, ils n’ont pas toujours réagi. Cela s’est aussi traduit dans les ordres du jour du CSE. Des employeurs ont eu tendance à définir seuls les ordres du jour, certains élus ne savants pas qu’ils doivent participer à la construction de l’ordre du jour. Quand nous commençons à travailler avec les élus sur les questions de conditions de travail, de mal être au travail, de comportements inappropriés au travail (harcèlement par exemple), ils sont souvent démunis pour relier ces points à l’ordre du jour, qu’ils au CSE sont souvent circonscrits au suivi économique.
Mais le sujet principal en cette rentrée, pour vous, c’est donc la charge de travail ?
Nous nous y attendions : au moment de la crise sanitaire, nous pensions que la sortie de crise pourrait donner lieu à une recherche forte de productivité et de performance (1). C’est bien ce qui s’est passé et cela continue. Dans ce contexte de charge de travail croissante, les salariés ont besoin de s’appuyer sur leur hiérarchie pour arbitrer entre plusieurs priorités. Mais ce que nous constatons, dans toutes nos dernières demandes d’expertises, c’est que les sujets de la charge de travail se cumulent avec le problème de comportements déviants de managers. Les salariés se voient confier des objectifs inatteignables au regard des moyens dont ils disposent, et cela détériore leurs relations entre managers et salariés.
L’informel a tendance à se multiplier entre un ou plusieurs membres du CSE et la direction
Par exemple, des directeurs et des responsables d’équipes humilient parfois en public des collaborateurs, les injurient. Ces situations sont délicates et les élus ne savent pas comment réagir, s’ils doivent faire une enquête. Très souvent, la direction les dissuade de le faire en déplaçant la personne victime, mais pas l’harceleur ! On entend aussi souvent les élus expliquer que la direction veut traiter ça de façon discrète. L’informel et le « off » se multiplient entre certains élus et la direction, entre deux couloirs. Au lieu de régler le problème, on le sort de l’ordre du jour officiel.
Votre constat, c’est donc que les CSE n’ont pas encore intégré les attributions des CHSCT ?
C’est ça ! Et même les élus qui veulent le faire ne savent pas trop comment s’y prendre.
N’avez-vous pas vu des initiatives intéressantes pour coordonner l’action du CSE et de la CSSCT ?
Rarement ! Nous avons vu un CSE qui a réagi aux remontées des salariés sur les conditions de travail et des comportements de managers. Ils ont fait une enquête au sein de la CSSCT, l’ont remontée au CSE. Mais eux étaient à la fois expérimentés et formés sur le CSE et la CSSCT. Ils avaient bien conscience que la CSSCT n’était pas une instance.
Certains membres de CSE pensent encore que le CSSCT a les mêmes pouvoirs que le CHSCT
Alors que de très nombreux élus CSE, que nous avons vu en accompagnement, en formation ou en expertise, découvraient ça, ils étaient persuadés que la CSSCT avait davantage de pouvoir, qu’elle pouvait lancer des alertes voire des expertises. Et quand on lit les PV des 4 réunions de l’année du CSE consacrées aux conditions de travail, on ne voit que quelques indicateurs très limités sur l’absentéisme, par exemple.
Quels conseils donnez-vous aux élus des CSE pour qu’ils s’emparent de ces questions liées aux conditions de travail ?
Déjà, les élus doivent se former, et ils disposent avec la loi santé au travail de 5 jours de formation sur la thématique de la santé, sécurité et conditions de travail. Il est important qu’ils se forment en début de mandat, et qu’ils se forment si possible tous ensemble, pas seulement les membres de la CSSCT, afin qu’ils apprennent à trouver des fonctionnements communs, à aborder et à surmonter leurs désaccords. Ensuite, nous les faisons travailler sur l’ordre du jour. Nous les sensibilisons sur le fait que de passer des sujets sur les conditions de travail un peu vrac dans les questions diverses n’est pas une bonne chose.
Il faut se former, et cultiver le lien avec les salariés
Ces sujets, il faut les faire apparaître en tant que tels. Ils doivent aussi analyser les sujets, prévoir de se répartir la parole en réunion, pour que tout le monde s’approprie ce thème. Enfin, il y a le lien avec les salariés qu’il faut cultiver. Quand des élus sont interpellés par les salariés sur les conditions de travail, ils doivent apprendre comment inscrire ces problèmes dans l’organisation du travail, et ne pas hésiter à interpeller la direction sur un service qui dysfonctionne, voire envisager de réaliser une inspection eux-mêmes, une pratique qui s’est un peu perdue.
Les CSE font moins d’inspections ?
Oui, et c’est un problème. Quand nous abordons le sujet avec eux en formation, les élus ont souvent peur du mot inspection, ils craignent la réaction de la direction mais aussi des salariés. Nous essayons de les sensibiliser et de les former là-dessus. Et quand des inspections sont réalisées, nous voyons qu’elles sont parfois canalisées par l’employeur qui prépare une grille d’évaluation où ne figurent comme par hasard que très peu d’éléments sur les risques psychosociaux.
Les élus sont eux-mêmes souvent confrontés, comme salariés, à ces problèmes de charges de travail. Cela reste paradoxal de vous entendre dire que ces problématiques ne sont pas au cœur des CSE…
Il faut bien voir que le CSE est une instance récente, et que les élus, face à la diversité des sujets à traiter, ont été comme absorbés par la répartition des tâches entre eux, par les problèmes d’organisation de l’instance. La direction y a contribué aussi en leur demandant : « Alors, votre commission fonctionne comment ? » Pour briser cette approche « un sujet par élu », il faut que les élus se sentent collectivement autorisés à travailler sur tous les types de sujet, et qu’ils travaillent sur le fond des sujets. Le CSE est bien une instance collégiale.
Que dites-vous aux CSE qui s’approchent de leur renouvellement ? Comment donner envie à d’autres salariés de rejoindre le comité ?
Nous avons aidé récemment deux CSE en vue de leurs élections. Un tiers des membres avait démissionné pendant le mandat, et un autre tiers ne voulait pas se représenter. Nous avons beaucoup travaillé avec eux sur le lien avec les autres salariés. Pour trouver des candidats, à la fois en respectant la parité F/H et la représentativité des différents sites et métiers, il faut préparer les choses longtemps à l’avance. Ils ont organisé des réunions pour parler aux salariés des difficultés du CSE, de la difficulté à se coordonner, des problèmes qu’ils ont pu résoudre, de leurs projets, etc.
IL faut préparer le renouvellement du CSE 6 mois avant l’élection
Une dynamique a pu s’instaurer, dans le sens d’une nouvelle cohésion sociale, et ils ont trouvé des candidats, dont certains avaient justement envie de s’investir sur la question des conditions de travail. Les élus ont souvent peur qu’il n’y a pas assez de candidats. Nous leur conseillons de préparer l’échéance six mois avant l’élection. C’est un gros travail à mener. Mais cela permet aussi d’aborder par exemple la question des crédits d’heures, du rôle des suppléants, de la règle d’ancienneté pour intégrer le CSE, etc. Il faut aussi que le CSE tienne à nouveau un discours sur son rôle…
Que voulez-vous dire ?
Un service mal organisé et en surcharge de travail, c’est un sujet à aborder par les élus dont le rôle est d’interpeller la direction. Mais nous avons parfois perçu chez certains élus comme une peur des représailles de la part de l’employeur ou de leur manager.
Il faut un certain courage pour mettre ces sujets à l’ordre du jour…
Bien sûr, d’où parfois des discussions longues sur le choix du terme figurant dans le point à l’ordre du jour : « Risque psychosocial, ça ne passera pas, mettons alors mal être ou tensions …
La récente loi santé au travail a inscrit dans la loi le droit du CSE à être consulté sur le document d’évaluation des risques (DUERP). Qu’en pensez-vous ?
C’est une très bonne chose, les élus n’avaient souvent pas connaissance du fait qu’ils pouvaient être informés et consultés sur le DUERP. Et par ailleurs souvent les documents ne sont pas actualisés. A ce sujet, il ne faut pas non plus renverser l’ordre des responsabilités, comme on le voit parfois dans les petites structures : ce n’est pas au CSE de faire le travail d’évaluation et d’actualisation du DUERP, mais à l’employeur !
Voyez-vous une autre préoccupation monter en ce moment chez les salariés et dans les CSE ?
Dans les entreprises, et notamment dans le secteur financier, nous ressentons des inquiétudes très fortes sur l’emploi et l’évolution des métiers, avec une réorganisation continue, des services qui ferment, etc. Certains employeurs dramatisent la situation sur le thème : « Après deux ans de crise sanitaire, il nous faut préparer l’avenir… » Beaucoup de salariés, même en CDI dans de grandes entreprises, craignent pour l’évolution de leur carrière et le maintien de leur emploi.
Jean et E. Oudinot du cabinet DTR conseil.
Bernard Domergue
Télétravail : la Firps publie un vade-mecum pour contrer les risques psychosociaux
A l’occasion de la sortie hier de son dernier livre blanc, la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (Firps) met en garde les DRH contre les nouveaux risques psychosociaux liés au télétravail et alerte sur la nécessité de mettre en place une prévention adaptée.
Alors que le travail hybride est devenu la norme du travail post-covid, la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (Firps) alerte les DRH sur la nécessité d’identifier et de prévenir les risques liés à ce mode de travail. La fédération, qui compte aujourd’hui 23 acteurs significatifs et reconnus, spécialisés dans la prévention des RPS (risques psychosociaux) et du management de la qualité de vie au travail, a ainsi édité à destination des DRH un livre blanc (1). Un opus regorgeant de recommandations et de bonnes pratiques en matière d’intégration des nouveaux collaborateurs, de management, de préservation de la vie privée ou encore d’accompagnement des personnes en difficulté.
Ne pas écrire des accords trop “rigides”
Par exemple, sur le sujet de l’éligibilité au télétravail, la FIRPS insiste sur l’importance de définir des critères explicites et objectifs, métier par métier, pour préserver le sentiment d’équité. “Cette réflexion doit être menée poste par poste, en envisageant toutes les situations de travail et en prenant en compte le contenu du travail et la variété des tâches concernées”. Elle met en garde contre des accords trop “rigides” qui voudraient cadrer toutes les étapes ou prises de décision. “Des lignes directrices doivent être posées, mais il est nécessaire de laisser certaines décisions à la main des managers, souvent pris entre les instructions descendantes et la réalité du terrain, afin de leur permettre de réguler la mise en application”.
Revisiter les processus d’intégration
Au sujet de l’intégration des nouveaux salariés, elle invite les DRH à revisiter les processus dédiés en intégrant le travail à distance. D’une part, en formalisant leur démarche pour “organiser des sessions de dialogue interpersonnel entre le nouvel arrivant et chaque membre de son équipe”. D’autre part, en calant des rendez-vous de défriefing de manière régulière afin qu’il se sente à l’aise dans son collectif de travail. Le développement des outils collaboratifs est jugé également prioritaire. Des process qui doivent “être réévalués périodiquement”. Par exemple, l’analyse des rapports d’étonnement des nouveaux embauchés, l’analyse des entretiens de départ pour ceux qui quittent l’entreprise de façon prématurée et/ou des enquêtes intégrant le critère d’ancienneté pourront “permettre de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue”.
A défaut, “le risque est de voir à terme deux populations se côtoyer dans l’entreprise, celles intégrées avant et après le Covid qui ne travailleront pas de la même façon”, prévient François Cochet, président de la Firps et directeur des activités santé au travail de Secafi, associé au sein du groupe Alpha. L’intégration à distance comporte un risque important d’échec”.
Mettre en place une évaluation objective et mesurable
Pour contrer les inégalités, la Firps rappelle qu’un “salarié qui télétravaille est encore souvent pénalisé dans son évolution professionnelle”. “En étant loin de l’entreprise, il n’aura pas les mêmes opportunités qu’un salarié sur place. Le risque de déqualification guette”, poursuit François Cochet. D’où la nécessité de mettre en place – ou de poursuivre – une évaluation objective et mesurable de la productivité des salariés, mais également une organisation permettant de maintenir des échanges formels et informels entre un collaborateur et son manager.
Réactualiser son DUERP
Autre axe de prévention : l’écoute des personnes en difficulté. “L’isolement, la distance, l’hyperconnexion peuvent constituer un cocktail détonant pour chacun, prévient la fédération. Les phénomènes suivants peuvent apparaître : des formes de surinvestissement ou, au contraire, de désengagement, un changement de rythme de travail, des erreurs inhabituelles, une surréactivité aux appels ou aux mails, de l’isolement, une fatigue générale, de nouvelles peurs… “. En outre, le télétravail est un facteur de risque sur la consommation de substances psychoactives (tabac, alcool, drogue, médicaments), l’addiction numérique ou encore le workaholisme, indique la Firps en citant le constat de plusieurs professionnels de la santé au travail.
C’est pourquoi la fédération insiste sur l’importance d’intégrer les nouveaux risques dans le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) puis d’identifier les actions pertinentes pour les supprimer, les réduire ou les pallier. Notamment en sensibilisant les télétravailleurs à ces risques, en mettant en place des moyens de soutien (numéro vert, permanence en présentiel ou distanciel…) aux collaborateurs comme aux managers. Rappelons que la loi du 2 août 2021 renforce la prévention en santé au travail et prévoit que l’employeur devra, à l’avenir, conserver le DUERP, dans ses versions successives, pendant une durée d’au moins 40 ans.
Prévenir l’hyperconnexion
Enfin, côté management, de nouvelles pratiques s‘imposent, selon la fédération. C’est au manager qu’incombe, par exemple, la tâche de prévenir l’hyperconnexion, en fixant par exemple des limites. A charge également pour lui de préserver les frontières entre les temps de vie, même si le dialogue tourne souvent court, “le manager craignant d’être trop intrusif ou le collaborateur n’ayant pas envie de parler ou de montrer ce qu’il pourrait considérer comme une faiblesse à son manager”.
Autre piste : faire évoluer les rituels managériaux, en créant des temps d’échange avant les réunions virtuelles ou encore des “bulles de soutien”. Avec l’objectif que “chacun se sente assez à l’aise pour partager ses difficultés et ses craintes”. A ce titre, François Cochet conseille “d’abandonner les formations en e-learning au profit du présentiel”. “Ces stages doivent être des moments privilégiés entre salariés même s’ils coûtent un peu plus chers”. Des axes clefs pour maintenir le lien dans les collectifs de travail.
- Télétravail et prévention des risques psychosociaux
Anne Bariet
Les troubles psychologiques, deuxième cause des arrêts maladie en 2022
Selon le baromètre Malakoff Humanis sur l’absentéisme, présenté le 8 septembre, les troubles psychologiques dépassent les troubles musculosquelettiques pour la première fois. Avec à la clef un temps plus long de rétablissement. Pour y remédier, les entreprises misent sur deux leviers principaux, l’évolution des pratiques managériales et l’implication des salariés.
En apparence rien d’anormal : le taux d’absentéisme est constant dans les entreprises françaises. Il s’affiche à 42 % en 2022 comme en 2016 (41 %), après une baisse significative durant la crise sanitaire (36 % en 2020 et 38 % en 2021), selon Malakoff Humanis qui a sondé salariés et dirigeants pour cerner les arrêts maladies. Sauf qu’à y regarder de plus près, certains signaux inquiètent. Ce phénomène est particulièrement marqué chez les jeunes. Ainsi, 46 % des 18-34 ans se sont vu prescrire un arrêt maladie, cette année, alors qu’il demeure plutôt stable pour les seniors (34 %).
De même, l’absentéisme touche davantage les femmes, plus arrêtées que les hommes. L’écart se creuse même au fil des années, passant de 6 points en 2016 à 11 points en 2022. Autre tendance : les cadres n’échappent pas à ces absences, avec des taux de 2 à 5 points au-dessus de la moyenne. Tout comme les salariés aidants ou encore les personnes élevant seules leurs enfants.
20 % des arrêts ont pour motif les troubles musculosquelettiques
Surtout, de nouvelles tendances se confirment : des inquiétudes pèsent sur la santé mentale des personnels. Les salariés ont dû se résoudre à faire une pause dans leur travail, en raison de troubles psychologiques. Lesquels constituent le deuxième motif d’arrêt en 2022 (20 % des arrêts, contre 11 % en 2016), après les maladies ordinaires, dépassant pour la première fois les troubles musculosquelettiques (16 %).
Parmi les causes, les salariés mettent en avant les exigences de leur travail, des problèmes liés aux pratiques managériales, l’environnement et les rapports sociaux au travail, les difficultés à concilier vie professionnelle et vie personnelle ou encore des conflits de valeur avec celles de l’entreprise. Des raisons que les dirigeants réfutent, attribuant davantage ces absences à des raisons externes, notamment le contexte personnel, familial, compliqué du salarié.
Un dirigeant sur trois estime que les arrêts vont augmenter dans les deux prochaines années
Reste que l’absentéisme inquiète. D’autant qu’avec la montée des troubles psychologiques, les arrêts s’allongent. Leur durée moyenne est de 97 jours. Les grandes entreprises sont particulièrement pénalisées, tout comme, côté secteur, l’industrie, le BTP et la santé. Les coûts ont également grimpé depuis deux ans, qu’il s’agisse des coûts directs (liés à la prise en charge du salaire du salarié absent) ou indirects (coûts de remplacement, de gestion, de perte de productivité, coûts sociaux…). Et l’optimisme n’est guère de mise : un dirigeant sur trois estime que les arrêts vont avoir tendance à augmenter dans les deux prochaines années.
Les indicateurs sont d’ailleurs scrupuleusement observés : tableaux de bord ad hoc, dispositifs de contrôle médical et actions de prévention font partie de l’arsenal des DRH pour mieux cerner le phénomène.
Les actions de prévention progressent en entreprise
Plus de la moitié des professionnels sondés (57 %) mettent en avant une meilleure prise en compte des attentes et des aspirations des salariés, (notamment des efforts pour favoriser une meilleure conciliation des temps de vie, un management plus positif, une quête de sens). La moitié des DRH se dit également favorable à un accompagnement des salariés vulnérables et des seniors, en proposant des conditions de travail en adéquation avec leurs souhaits. La prévention des risques psychosociaux constitue également la priorité de 45 % des DRH sondés. Avec à la clef, une attention particulière portée aux signes avant-coureurs (répétition d’arrêts courts, signaux faibles…). D’ailleurs 40 % d’entre eux, ont mis en place une formation sur les nouveaux risques, comme les risques liés aux nouveaux modes de travail, à la transformation des métiers, aux nouvelles technologiques ou encore aux pratiques managériales.
Les salariés l’admettent : les actions de prévention pour prévenir les arrêts maladie progresse dans les entreprises.
Dans l’immédiat, les DRH comptent toutefois agir sur deux principaux leviers : l’évolution des pratiques managériales et l’implication des salariés. Car si l’heure n’est pas à la “grande démission”, en référence au “big quit” américain, d’autres craintes ne sont pas à minorer. En premier lieu, le désengagement des collaborateurs. Selon l’enquête, près de quatre salariés sur 10 se déclarent “pas ou peu engagés dans leur travail”, en moyenne sur la période 2018-2022. Ce désengagement a même augmenté entre 2020 et 2022, passant de 35 % à 39 %.
Or, l’étude établit ici une corrélation entre motivation et absentéisme : 50 % des salariés peu engagés ont été arrêtés en 2022, contre 42 % pour l’ensemble des salariés. Des points de vigilance à ne pas négliger !
Anne Bariet
L’EU-Osha lance une enquête sur l’exposition des travailleurs aux facteurs de risque de cancer en Europe
À partir du mois de septembre 2022 et jusqu’en janvier 2023, l’UE-Osha, Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, mène une enquête dans six États membres de l’Union européenne à propos de l’exposition des travailleurs aux facteurs de risque de cancer. Il s’agit de l’Allemagne, l’Espagne, la Finlande, la France, la Hongrie et l’Irlande.
Ils ont été choisis pour leur représentativité de l’ensemble des États membres en termes de taille et de situation géographique, mais aussi selon les données disponibles et la présence d’experts nationaux pour élaborer les questionnaires, précise Marine Cavet, coordinatrice du projet d’enquête. Si celle-ci est concluante, elle pourrait être élargie à d’autres pays européens.
L’objectif est de mieux cerner les facteurs de risque de cancer, parmi lesquels l’amiante, le benzène, les gaz d’échappement des moteurs diesel, la poussière de bois ou de silice, les rayons UV etc. Pour ce faire, des enquêteurs vont remplir 25 000 questionnaires à partir d’entretiens téléphoniques avec des travailleurs de tous les domaines. Ces derniers seront interrogés sur leur semaine de travail passée et sur leurs tâches quotidiennes qui pourraient entraîner une exposition aux facteurs de risque de cancer. Un logiciel analyse ensuite ces réponses pour donner une probabilité d’exposition.
Ce type d’enquête a déjà eu lieu en Australie. L’UE-Osha a traduit et adapté les questionnaires à l’échelle européenne et nationale avec l’aide d’hygiénistes notamment. Marine Cavet donne l’exemple de l’amiante pour lequel la réglementation est plus stricte en Europe qu’en Australie.
En collectant ces données, l’Agence entend contribuer à des mises à jour de la législation de l’UE, mener des campagnes de sensibilisation plus ciblée et prendre des mesures préventives plus adaptées. Elle rappelle que 53 % des décès liés au travail dans l’UE sont la conséquence d’un cancer. Les premiers résultats de l’enquête sont attendus fin 2023.
actuEL CE