Archives de catégorie : Newsletter Actu Sociale N°63

SANTÉ SÉCURITÉ CONDITION DE TRAVAIL

Suivi post-professionnel des salariés : l’arrêté du 28 février 1995 est abrogé

Les modalités de la surveillance post-professionnelle des salariés ayant été exposés à certains facteurs de risques professionnels ont récemment été adaptées par le décret n° 2022-696 du 26 avril 2022.

Pour prendre en compte ces changements, un arrêté du 16 septembre 2022, publié au journal officiel le 24 septembre, vient abroger l’arrêté du 28 février 1995 pris en application de l’article D.461-25 du code de la sécurité sociale fixant le modèle type d’attestation d’exposition et les modalités d’examen dans le cadre du suivi post-professionnel des salariés ayant été exposés à des agents ou procédés cancérogènes.

En effet, l’article D.461-25 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret du 26 avril et les modalités de la surveillance post-professionnelle se trouvent désormais à l’article D. 461-23 de ce même code.

actuEL CE

PROTECTION SOCIALE

Les retraites, une question de travail plus que de budget

Depuis les annonces d’Emmanuel Macron et la publication de différents rapports, le débat s’est focalisé sur les dépenses de retraites et leur financement. Ce qui n’est peut-être pas un hasard du point de vue politique. Pourtant, l’analyse du rapport du conseil d’orientation des retraites montre que le sujet est avant tout une question de travail. Explications.

Son rapport, plein à craquer de chiffres et de courbes, était attendu en juin. L’on s’est donc précipités sur le document lors de sa parution le 15 septembre. Il s’agit bien sûr du rapport du conseil d’orientation des retraites (COR, document en pièce jointe), organisme indépendant composé de parlementaires, de fonctionnaires, de syndicalistes et d’experts. Les personnalités politiques et syndicales s’en sont immédiatement saisis, avec, c’est le moins qu’on puisse dire, des interprétations divergentes. Un contexte d’autant plus explosif que le ministre du travail a ensuite convoqué les partenaires sociaux en réunion sur les retraites. Les syndicats ont alors grincé les dents mais depuis, le débat n’est pas tellement plus avancé. Est-ce pour le remettre dans le droit chemin que le Président du COR, Pierre-Louis Bras a proposé à la presse une séance de présentation du rapport, jeudi 22 septembre ? Nul ne saurait lui prêter d’autres intentions que pédagogiques, car cette conférence fût riche d’enseignements. Certes, des déficits sont prévus. Certes, la population vieillit, mais la trajectoire du financement des retraites ne dépend pas que de choix budgétaires : les calculs sont aussi le fruit de choix en matière de travail.

Les constats du COR : des déficits à relativiser

Premier constat incontestable : la France vieillit. Selon les hypothèses démographiques établies par l’Insee, l’indice de fécondité est de 1,83 enfants par femme en 2021. “On le projette à 1,80 en 2070 car il est en baisse”, précise Pierre-Louis Bras, président du COR. De plus, l’espérance de vie en 2070 serait à la hausse, soit 90 ans pour les femmes et 87,5 ans pour les hommes (4,6 points de plus pour les femmes et 8,2 points de plus pour les hommes par rapport à 2021).

Deuxième constat : la dynamique des dépenses de retraites est contenue. “Il n’existe pas d’explosion des dépenses de retraites”, martèle Pierre-Louis Bras, comme il l’avait déjà fait en avril lors d’une conférence. En effet, le schéma ci-dessous, extrait du rapport du COR, montre que même en retenant le pire scénario de productivité du travail (en hausse de seulement 0,7 %, courbe brune), la part des dépenses de retraites dans le produit intérieur brut (PIB) reste parfaitement stable à l’horizon 2070. Elle s’établirait alors à 14,7 % du PIB. Un scénario plus favorable en matière de productivité du travail, si on retient l’hypothèse d’une hausse de 1,3 %, établirait la part des dépenses de retraite à 12,8 % du PIB (courbe bleue). “Ainsi, dans la plupart des hypothèses, la charge des retraites diminuera sauf si on retient le scénario le plus défavorable d’une croissance de la productivité du travail de seulement 0,7 %”, analyse Pierre-Louis Bras.

D’autres schémas du COR sont éloquents. Malgré le vieillissement de la population, la diminution relative des pensions permet de stabiliser voire de fléchir la part des dépenses dans le PIB. Certes, le ratio du nombre de cotisants, c’est-à-dire d’actifs qui travaillent et financent donc le système par leurs cotisations, est en baisse. En un mot, il y a de moins en moins d’actifs pour financer les pensions des retraités. Le ratio établi à 1,7 actif pour un retraité est amené à baisser à 1,2. Ce ratio entre cotisants et cotisés tire les dépenses de retraites vers le haut.

Cependant, le phénomène reste borné par la baisse relative des pensions de retraite. Cette baisse ne signifie pas une réduction des revenus des retraités, car il s’agit d’une baisse relative, calculée par rapport aux revenus des actifs. D’une part, les retraites étant indexées sur les prix, la richesse augmente donc plus vite que les pensions. D’autre part, notamment en période d’inflation comme aujourd’hui, les salaires augmentent eux aussi plus vite que les pensions. Les revenus des retraités “décrochent” donc par rapport aux revenus des actifs, ce qui crée ce phénomène de baisse relative des pensions constatée par le COR.

Enfin, Pierre-Louis Bras propose de raisonner en équilibre patrimonial plutôt qu’en déficits purs : “En additionnant les réserves du régime par répartition (+ 180,4 milliards), plus le fonds de réserve des retraites (+ 26 milliards), et en retranchant la dette de la CADES* (- 42,3 milliards), on parvient à une situation patrimoniale de + 163,2 milliards. Il faut tenir les déficits mais le bilan patrimonial du système de retraites est aujourd’hui positif”.

Les retraites dépendent aussi du travail

Autre point à retenir du rapport du COR : la question de l’équilibre du solde, c’est-à-dire du rapport entre le volume des dépenses et celui des ressources. Comme dans le budget d’une personne physique, le budget des retraites est en déficit si le régime dépense plus qu’il ne gagne. A ce titre, les ressources sont fournies à 79 % par les cotisations des salariés et employeurs.

Le COR constate quant à lui que le taux de prélèvement des retraites est en baisse. Ce taux représente la part des ressources du système de retraites dans le PIB. Or, ce taux recule du fait des cotisations de la fonction publique hospitalière et territoriale. Selon Pierre-Louis Bras, “le taux de cotisation de ces régimes (CNRACL**) est supérieur aux autres (41 %). Or, la part des rémunérations des agents hospitaliers et territoriaux dans l’ensemble des rémunérations va baisser car les effectifs augmentent moins que dans le reste de l’économie”. On voit ici l’impact que certaines politiques publiques destinées à réaliser des économies dans le budget de l’État (gel du point d’indice, augmentation des primes par rapport au salaires, réduction des effectifs) peuvent avoir sur les retraites.

Enfin, comme on l’a vu, les scénarios du COR sont établis à la fois sur la base de prévisions de croissance et de scénarios de productivité du travail. Plus celle-ci augmente, et mieux se portent les finances des retraites puisque les salariés rapportent plus de cotisations au système. Dès lors, des politiques favorisant la période d’emploi des salariés (soit la durée entre leur première embauche et la rupture de leur dernier contrat de travail) amélioreraient les finances des retraites sans qu’il soit besoin de modifier les paramètres d’âge légal de départ et de durée de cotisation. D’où les questions de l’emploi des séniors et de l’accès des jeunes au travail qui pour l’instant ne sont pas abordée par le gouvernement.

La productivité est définie théoriquement comme la production réalisée par la main d’œuvre en rapport avec la quantité de travail utilisée. Elle a augmenté par exemple pendant les Trente Glorieuses du fait du progrès technique. Ainsi, tout ce qui améliore la productivité des salariés pourrait contribuer aux retraites. Cette boîte peut contenir une multitude de choses : la motivation des salariés par le partage de la valeur, une meilleure déconnexion du travail pendant les temps de repos y compris pour les managers, l’amélioration des rapports hiérarchiques et des outils informatiques (aussi bien logiciels que matériels), la suppression de tâches inutiles et chronophages comme certains “reportings”, en un mot, la qualité de vie au travail et la question du travail lui-même.

Les effets pervers des réformes des retraites

Le président du COR a enfin mis en lumière certains effets pervers des réformes. Une modification de l’âge de départ, de la durée de cotisation ou une réduction des pensions peut produire des effets au-delà du système des retraites. Si on repousse l’âge, il existe alors sur le marché du travail plus de personnes disponibles. Cette hausse de l’offre de travail devrait mécaniquement, comme sur tout marché, entraîner une baisse du prix. Mais le marché du travail ne s’ajuste pas en temps réel comme un marché financier dont les traders suivent les chiffres sur des écrans. La présence de travailleurs plus nombreux fait donc augmenter le chômage qui constitue donc indirectement un effet pervers d’un report de l’âge légal. Par suite, si les chômeurs sont plus nombreux, les dépenses d’assurance chômage sont plus élevées. L’État risque donc de perdre d’une main ce qu’il a gagné de l’autre…

*CADES : Caisse d’amortissement de la dette sociale

**CNRACL : Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales

Marie-Aude Grimont

Les syndicats réclament une revalorisation des retraites complémentaires

Une revalorisation égale à celle des retraites complémentaires, c’est ce que réclament neuf syndicats de retraités (CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, FSU, Solidaires, FO fonction publique, Loisirs et Solidarité des Retraités, Ensemble et solidaires). Dans un communiqué diffusé vendredi 23 septembre (en pièce jointe), ils expriment “l’inquiétude, l’incompréhension, voire de la colère des retraités du secteur privé et des retraités polypensionnés de la Fonction publique”. Les retraites du régime général ont en effet été revalorisées de 4 % avec effet rétroactif au 1er juillet 2022. Les syndicats “ne [peuvent] accepter que les retraites complémentaires ne soient pas également revalorisées au moins à hauteur de l’inflation (…), d’autant que le total des réserves du régime s’élevait à 68 981 millions d’euros (soit plus de 68 milliards, NDLR) au 31 décembre 2021, somme qui représente l’équivalent de près de 10 mois de prestations, ce qui est bien supérieur à l’objectif des 6 mois de réserves”. Ils demandent donc au conseil d’administration de l’AGIRC ARRCO d’aligner les retraites complémentaires sur les retraites de base lors de sa réunion du 6 octobre prochain.

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Retraites : “Une décision d’ici la fin de la semaine” selon Elisabeth Borne

Invitée lundi matin sur BFMTV, la Première ministre Élisabeth Borne a indiqué que la réforme des retraites est “prioritaire”. Si la France dispose “d’un modèle social unique au monde, (…) il faut travailler collectivement d’avantage pour le financer. La part des jeunes qui travaillent et des seniors en emploi est plus faible [en France] qu’ailleurs”, a déploré la Première ministre. Quant à la fixation de l’âge de départ à 64 à 65 ans et à la méthode utilisée (projet de loi indépendant cet hiver ou amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale), elle a annoncé une décision “d’ici la fin de la semaine”, après avoir rencontré les présidents des groupes parlementaires.

Sur l’usage de la procédure du 49.3, elle a précisé que sa méthode consistait dans la recherche d’un compromis, tout en corrigeant rapidement un lapsus : “Le dialogue ne viendra pas de moi” (au lieu de dire “le blocage”). 

En réponse à la question d’un auditeur, Élisabeth Borne a confirmé que l’usure professionnelle, les carrières longues et la pénibilité continueraient de bénéficier d’un départ en retraite “plus précoce”. La concertation avec les partenaires sociaux devrait permettre de couvrir toutes les causes de pénibilité. Par ailleurs, un décalage de l’âge du taux plein n’est pas envisagé. Enfin, Élisabeth Borne a annoncé “qu’on devrait aller dans le même esprit que l’index d’égalité hommes-femmes” afin de s’assurer que les entreprises ne discriminent pas les seniors à l’embauche”. Un index senior pourrait donc être à l’étude.

actuEL CE

Le PLFSS pour 2023 limite la prescription d’arrêts de travail par téléconsultation

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 a été adopté lundi 26 septembre en Conseil des ministres. Deux mesures intéressent directement les services RH : la limitation de la délivrance d’arrêts maladie par téléconsultation et l’indemnisation plus rapide des congés familiaux.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 a été adopté lundi en Conseil des ministres. Zoom sur deux dispositions que les services RH doivent avoir en tête dès à présent. 

Une indemnisation plus rapide des congés familiaux

Le PLFSS pour 2023 vise à simplifier la délivrance des indemnités journalières au moment de l’arrivée d’un enfant. Ainsi, son article 37 prévoit que l’employeur devra garantir, dès le premier cycle de paie suivant l’absence du salarié, au titre du congé maternité, du congé de paternité et du congé d’accueil de l’enfant, le versement d’une somme au moins égale au montant des indemnités journalières

Le gouvernement a en effet pu constater que “ces indemnités journalières peuvent néanmoins être versées avec retard en raison des délais de transmission des éléments de salaires nécessaires au calcul de l’indemnisation. Aujourd’hui, pour 30 % des assurés en congé maternité ou paternité, les employeurs versent directement au salarié un montant correspondant aux indemnités journalières, et perçoivent ensuite les indemnités versées par les caisses”.

Le gouvernement souhaite cette modification afin “d’accompagner la montée en charge de l’allongement du congé paternité entré en vigueur le 1er juillet 2021 et éviter la rupture de ressources lors du congé maternité”.

En contrepartie, le gouvernement garantit un délai de remboursement court de l’assurance maladie aux employeurs afin qu’ils ne subissent aucune perte de trésorerie. Un décret en Conseil d’Etat en fixera le délai. Ce mécanisme de subrogation couvrira une grande majorité des salariés, quel que soit leur statut et leur niveau de revenu, et sera mis en œuvre progressivement entre 2023 et 2025, en fonction de la taille des entreprises.

Un décret en Conseil d’Etat fixera également les catégories de salariés auxquels ces dispositions ne s’appliquent pas eu égard aux caractéristiques de leur contrat de travail, ainsi que les modalités d’application du présent article. 

Ces dispositions entreront en vigueur, selon la taille des effectifs des entreprises et dans les administrations publiques, à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2025.

Le PLFSS pour 2023 a également pour objectif de “transférer à la Cnaf une partie de la prise en charge financière des indemnités journalières au titre du congé maternité, pour un montant d’environ 2 Md€ en 2023, soit 60 % environ de leur coût total, cette part correspondant à la part observée ces dernières années des indemnités versées au titre de la période post-natale de ce congé. Le transfert prendra la forme d’un remboursement par la Cnaf à la branche maladie, sans incidence tant sur les conditions d’accès aux prestations que sur les modalités de gestion et de versement, qui demeurent inchangées”, précise le dossier de presse.

La limitation des arrêts de travail par téléconsultation

Lors de la crise sanitaire, il avait été décidé que même les assurés sans médecin traitant pouvaient bénéficier de la téléconsultation. Le gouvernement veut désormais faire machine arrière estimant qu’il y a des abus. Dans une interview accordée au Journal du dimanche (JDD) le 25 septembre, le ministre des comptes publics, Gabriel Attal, a annoncé que les arrêts de travail délivrés en téléconsultation par un médecin qui n’est pas le médecin traitant ne seront plus remboursés par la sécurité sociale. Il souhaite “éviter que certains enchaînent les consultations en ligne jusqu’à trouver celui qui voudra bien leur délivrer un arrêt maladie”. Selon lui, “on a constaté une explosion des arrêts maladie donnés, en téléconsultation, par un professionnel qui n’est pas le médecin traitant. Ce sont près de 100 millions d’euros l’an dernier”. 

Le PLFSS pour 2023 entérine bien cette annonce à son article 43. Les arrêts de travail prescrits à l’occasion d’une téléconsultation ne donneront lieu à indemnité journalière que si l’incapacité physique a été constatée par le médecin traitant ou par un médecin ayant déjà reçu l’intéressé en consultation depuis moins d’un an. 

Les dispositions du présent article sont applicables aux arrêts de travail prescrits à compter du 1er juin 2023.

Arrêts maladie liés à la Covid-19
Le PLFSS pour 2023 prolonge jusqu’au 31 décembre 2023 la délivrance d’arrêts maladie dérogatoires en cas de test PCR ou antigénique positif à la Covid-19. L’indemnisation sera alors versée sans vérification des conditions habituelles d’ouverture de droit, sans application d’un délai de carence et ne sera pas comprise dans les durées maximales de versement des indemnités journalières.

Florence Mehrez

“L’un des enjeux du plein emploi est de tenir compte des fortes difficultés de recrutement des entreprises”

Aides ciblées pour les bas niveaux de qualification en apprentissage, assouplissements fiscaux et sociaux pour les jeunes entreprises, aide compensatoire pour les seniors… Pour Marc Ferracci, député Renaissance et rapporteur du projet de loi Marché du travail, le plein-emploi passe par de multiples leviers. Le texte est examiné en commission cette semaine à l’Assemblée nationale.

Vous avez été désigné rapporteur du projet de loi Marché du travail. Comment se présente le texte examiné à partir d’aujourd’hui en commission des affaires sociales puis en séance publique à partir du 3 octobre ? Pourrez-vous éviter le recours au 49-3 ?

J’espère que nous n’aurons pas à utiliser le 49-3. La gauche ne soutient pas le projet de loi et le Rassemblement national a d’ores et exprimé une forte défiance à l’égard du texte. Mais il y aura des discussions avec d’autres groupes parlementaires, notamment Les Républicains, qui pourraient nous permettre de trouver un accord. À ce stade environ 210 amendements ont été déposés en commission.

La Première ministre, Elisabeth Borne, a indiqué, lors de son discours de politique générale, que “le plein emploi est à portée de main”. Quel est votre regard d’économiste ?

Pour atteindre cet objectif, il faut agir dans de multiples directions. L’un des enjeux est de tenir compte des fortes difficultés de recrutement des entreprises. La réforme de l’assurance chômage est un levier pour y faire face, mais ce n’est pas le seul.

 La réforme que prévoit le gouvernement doit être un élément d’une stratégie plus globale

La réforme que prévoit le gouvernement doit être un élément d’une stratégie plus globale qui repose sur différents piliers, comme la refonte des lycées professionnels, l’apprentissage, l’amélioration du service public de l’emploi avec France Travail qui doit permettre un meilleur accompagnement des personnes privées d’emploi (en mettant fin à la segmentation de leur suivi en fonction des statuts) mais aussi des entreprises dans leur démarche de recrutement. C’est une question centrale car elle peut générer des gains d’efficacité.

Comment aider les entreprises à recruter ?

Les entreprises et plus particulièrement les petites ont souvent du mal à proposer des offres qui soient en cohérence avec les attentes des salariés et des demandeurs d’emploi, en termes de salaires, de conditions de travail.

Nous prévoyons un assouplissement des contraintes fiscales, sociales et réglementaires pour les jeunes entreprises

Donc il faut aider les employeurs à rédiger les offres d’emploi et renforcer les moyens dédiés à cet accompagnement. Sans pour autant négliger les efforts nécessaires que doivent faire les entreprises et les branches professionnelles pour rendre les métiers plus attractifs.

Autre enjeu : l’accompagnement des jeunes entreprises (moins de cinq ans d’existence) créatrices d’emploi. Lequel peut passer par un assouplissement des contraintes fiscales, sociales et réglementaires qui pèsent sur ces structures.

Comment remettre en emploi les personnes les plus éloignées du marché du travail ?

Des marges de manœuvre existent là encore, notamment en ciblant l’emploi des jeunes et des seniors. Par exemple, toutes les études montrent que l’apprentissage a un rendement positif surtout pour les faibles niveaux de qualification.

Toutes les études montrent que l’apprentissage a un rendement positif surtout pour les faibles niveaux de qualification 

Ce sont eux qui en tirent le plus de bénéfices en termes d’insertion professionnelle. Dans ces conditions, je suis favorable à un système plus redistributif pour ces personnes les moins diplômées, en instaurant des prises en charge des formations (ou coûts contrat) plus élevées pour les plus bas niveaux de qualification (du CAP au BTS) ou des aides à l’embauche dégressives en fonction du niveau de diplôme pour les employeurs.

Et pour les seniors? Elisabeth Borne a évoqué lidée dun Index seniors, calqué sur le modèle de l’Index égalité professionnelle…

La réforme des retraites est importante pour financer l’ensemble de notre modèle social, et au-delà les investissements dans la santé, l’éducation, la transition écologique.

Pour compenser cette décote salariale, il faut donc leur octroyer une aide compensatoire financée par l’assurance chômage

Mais cela passe effectivement par un relèvement de l’emploi des seniors (55-64 ans), actuellement l’un des plus faibles des pays européens. L’idée de l’Index seniors est une bonne idée (que j’ai moi-même portée) mais elle ne réglera pas tout. L’une des principales difficultés des seniors au chômage étant d’accepter un emploi moins bien payé que le précédent.

Pour compenser cette décote salariale, il faut donc leur octroyer une aide compensatoire financée par l’assurance chômage. Autrement dit, leur permettre de bénéficier de leurs droits à l’assurance chômage, en puisant dans leur propre capital de droits.

Dans le projet de loi, le sujet de l’assurance chômage cristallise les plus fortes oppositions. Comment concrètement ce principe “contracyclique” pourrait-il se mettre en place ? Confirmez-vous les propos du ministre du travail qui a déclaré qu’il s’agirait de moduler la durée d’indemnisation ou les conditions d’éligibilité en fonction de la conjoncture mais qu’il ne s’agirait pas de toucher au montant des allocations ?

Il y a encore des discussions sur ce sujet. Mais de nombreuses études ont montré que le taux de retour à l’emploi augmente à proximité des fins de droits, il y a donc des marges de manœuvre. En tout état de cause la modulation ne touchera pas au montant de l’allocation.

Quid des chômeurs résidant dans les zones sinistrées ?

Des mesures d’accompagnement existent, dont le ciblage territorial peut-être amélioré. C’est un des enjeux de la mise en œuvre de France Travail.

Êtes-vous favorable à une modulation des règles en fonction des territoires ?

 Ce mécanisme conduirait à une rupture d’égalité des demandeurs d’emploi

C’est un sujet encore à l’étude. Mais à l’intérieur de chaque région, les taux de chômage ne sont pas homogènes. Si vous voulez aller au bout de la logique, il faut une maille plus fine. D’autant plus que ce mécanisme conduirait à une rupture d’égalité des demandeurs d’emploi. Je constate que les règles n’ont jamais été territorialisées, hormis à Mayotte.

Concernant la VAE (validation des acquis de l’expérience), les syndicats tirent la sonnette d’alarme sur le financement du dispositif, financé par les Associations transitions professionnelles qui prennent déjà en charge les CPF (comptes personnels de formation) de transition professionnelle…

Ce projet de loi n’est pas un texte budgétaire. Il faudra sans doute aller plus loin, en s’appuyant sur le rapport Rivoire, pour donner un nouvel élan à ce dispositif. Mais ce texte donne des clefs pour lever quelques-unes des difficultés identifiées, notamment en renforçant l’accompagnement des candidats à la VAE pour la constitution de leur dossier. Il s’agit d’une mesure importante car la démarche est très complexe. Il permettra ainsi aux proches aidants de s’engager dans un parcours de VAE sur la base de cette expérience familiale.

Ce projet de loi sera-t-il, au-delà de la clarification de la définition du corps électoral, l’occasion d’apporter des améliorations sur les ordonnances de 2017 comme le souhaitent les syndicats ? Notamment sur le nombre d’heures de délégation, le nombre d’élus, l’abaissement du seuil pour les commissions santé et sécurité (aujourd’hui de 300 salariés) ?

Ce projet de loi clarifie, à travers l’article 3, la définition du corps électoral et les règles d’éligibilité aux élections professionnelles. Il n’a pas vocation à traiter l’enjeu global des institutions représentatives du personnel.

Anne Bariet

Les retraites complémentaires bientôt revalorisées de 5,1 % ?

Mardi 27 septembre, la commission paritaire de l’Agirc-Arrco s’est réunie et a abouti à un consensus des partenaires sociaux sur une revalorisation des retraites complémentaires du secteur privé de 5,1 % au 1er novembre prochain. Cette décision doit encore être entérinée par le Conseil d’administration de l’organisme, le 6 octobre.

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Retraites : un projet de loi dédié “avant la fin de l’hiver”

A l’issue d’un dîner à l’Élysée, la première ministre Élisabeth Borne a annoncé, hier, à l’AFP, que le gouvernement avait fait le choix d’un projet de loi spécifique sur les retraites plutôt qu’un amendement au PLFSS dès octobre. La cheffe du gouvernement a demandé au ministre du travail, Olivier Dussopt, « d’engager dès la semaine prochaine » des négociations avec les organisations patronales et syndicales, et avec les « groupes parlementaires ». Au menu des discussions ? La pénibilité des métiers, les carrières longues, les aménagements de fins de carrière, la transition emploi-retraite mais aussi l’emploi des seniors, les régimes spéciaux ainsi que la revalorisation du minimum de pension pour les personnes qui ont eu une carrière complète. L’objectif du gouvernement est d’adopter d’un projet de loi « avant la fin de l’hiver », pour une application prévue à l’été 2023. 

La CFDT a réagi dans un communiqué de presse (en pièce jointe) en réclamant “loyauté et transparence” dans la concertation qui s’annonce : “Cela nécessite d’expliquer clairement les enjeux, y compris financiers, avant de focaliser le débat sur les remèdes. La CFDT exige donc que les objectifs de la réforme des retraites envisagée par le gouvernement soient clairement affichés”. Le syndicat demande également “une véritable concertation sur le minimum de pension, la pénibilité, les carrières longues, les fins de carrière, l’emploi des seniors tant dans le privé que dans le public”, tout en réaffirmant son opposition à un report de l’âge légal à 65 ans. La CFDT participera par ailleurs à la réunion intersyndicale du 3 octobre qui ne manquera pas d’aborder ces sujets.

actuEL CE

NÉGOCIATION COLLECTIVE

Pouvoir d’achat : les leviers d’action des représentants du personnel

Avec une inflation forte, les représentants du personnel doivent utiliser toutes les cartes en leurs mains pour tenter d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés, plaide l’expert-comptable Maël Ligaudan, du cabinet Metis expertise. Ses explications et conseils. En bonus : focus sur l’accord pouvoir d’achat de Renault.

Maël Ligaudan, de Metis expertise, un cabinet basé à Orléans, intervient souvent pour les CSE. Et cela se sent : propos direct, explications détaillées mais didactiques, avec une pointe d’humour bien sentie tel ce commentaire cash : “La prime Macron s’appelle désormais “prime de la partage de la valeur”. Mais moi j’appelle plutôt ça une prime optionnelle de l’employeur !” Au salon SolutionsCSE de Paris, porte de Versailles, l’expert a retenu l’attention des élus présents à sa conférence, mercredi 21 septembre, sur le thème du pouvoir d’achat des salariés, et nous lui avons fait préciser par la suite certains des éléments évoqués, pour les besoins de ce compte-rendu.

Nul besoin de long propos liminaire pour résumer l’enjeu : “De juin 2017 à mars 2022, résume Maël Ligaudan, le salaire mensuel de base n’a progressé que de 8,4%. Au mois d’août 2022, le taux d’inflation annuel s’établissait déjà à 5,8% (..) Dites-vous bien que si vous demandez moins en négociation salariale que 5,8%, cela revient à revendiquer une perte de pouvoir d’achat pour les salariés !”  Bien sûr, tous les délégués syndicaux n’arrivent pas fleur au fusil avec une demande d’augmentation supérieure à 6% ou 7% et il n’existe pas de levier magique. Mais vous disposez de quelques outils utiles et pistes intéressantes, a expliqué l’expert en prévenant : vous ne pouvez bien négocier qu’en connaissant précisément la situation de votre entreprise.

BDESE, agenda social, négociations 

Premier conseil aux élus, en forme de rappel : utilisez les outils mis à votre disposition, comme la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE). “Exigez une BDESE complète, la loi vous donne ce droit, faites-le respecter. Et apprenez à la lire et à l’exploiter, c’est une mine d’informations, formez-vous”, lance l’expert. 

Deuxième conseil : utilisez les grandes consultations annuelles du CSE sur les orientations stratégiques, la politique sociale, les comptes. “Vous devez recueillir des informations détaillées, par exemple sur les prévisions de votre entreprise et sur ses comptes. Utilisez votre droit d’expertise pour analyser les comptes”. 

Troisième conseil : saisissez-vous des trois grandes négociations annuelles :

  1. les rémunérations, temps de travail, partage de la valeur ajoutée;
  2. l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes;
  3. la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP).

A ce propos, tentez d’établir un calendrier annuel de négociations avec l’employeur afin d’avoir un agenda social prévisible que vous pourrez préparer. “Et apprenez à négocier”, ajoute Maël Ligaudan. Négocier, c’est d’abord chercher les infos sur le contexte, l’environnement de l’entreprise, la position prévisible de l’employeur et sa réaction attendue, et celle des autres syndicats éventuels. “Si possible, en amont, élaborez entre syndicats une position commune”, conseille l’expert.

Bien préparer une négociation, c’est aussi définir un objectif et un plan B, et le moment précis où vous déclencherez ce plan B, car une négo, “c’est aussi de la tactique”.  N’oubliez pas, avertit encore notre expert, de “préparer la base”, autrement dit les salariés, à cette négociation, pour vous assurer que vos demandes sont en phase avec les attentes des salariés, “ce sont eux qui ont voté pour vous”.

Enfin, soignez la sortie de négo. Qu’elle se solde ou non par un accord, écrivez dans le procès-verbal les raisons de votre position, rappelez vos revendications, vos demandes, votre argumentation, etc. “Si vous dites à l’employeur que vous allez écrire qu’il refuse de limiter la baisse du pouvoir d’achat des salariés, cela peut avoir son petit effet. Par contre, si vous ne dites rien sur les PV de désaccord pendant des années où la négo n’a pas abouti, l’employeur pourra facilement redorer son blason en communiquant auprès des salariés le jour où il lâchera quelque chose”, glisse-t-il.

L’intéressement

Parallèlement à la négociation, de nombreux outils ne demandent qu’à être exploités par les élus. Certains sont visibles sur la fiche de paie, comme le taux des heures supplémentaires. “S’il y a beaucoup d’heures sup dans votre entreprise, vous pouvez agir sur ce levier en revendiquant une augmentation du taux”, conseille Maël Ligaudan.

N’oubliez pas l’accord d’intéressement. “Dites à votre employeur qu’il doit lire le guide du Medef, qui dit le plus grand bien de l’intéressement !” L’expert insiste sur la souplesse des critères que l’entreprise peut choisir : % de variation du chiffre d’affaires, % d’évolution du nombre de commandes, évolution de la marge commerciale, résultat moins les dividendes, etc.

La participation

En matière de participation, la formule légale peut aussi faire l’objet d’une adaptation car dans certains cas, la situation de votre entreprise peut empêcher mécaniquement le déclenchement de la participation. C’est le cas, par exemple, si votre entreprise dispose d’un capital très important au regard des résultats dégagés. “Dans la formule légale, il est fait référence au bénéfice fiscal. Or le bénéfice fiscal peut prendre en compte des déficits des années antérieures et donc empêcher toute participation. Vous pouvez négocier son remplacement par le bénéfice comptable”, explique l’expert. 

La prime de partage de valeur

Il y a, bien sûr, la prime de partage de la valeur, dite prime Macron, que certains délégués syndicaux essaient depuis la rentrée de négocier sans attendre les négociations annuelles obligatoires, comme chez Renault (lire notre encadré). Mais rappelons qu’il s’agit d’un dispositif optionnel. “Sachez aussi que c’est un dispositif modifiable : contrairement au mécanisme de l’intéressement et de la participation, vous pouvez par exemple jouer sur l’ancienneté, afin de favoriser certains salariés, ceux qui ne bénéficient pas, par exemple, des revalorisations du Smic”, conseille l’expert.

Ce dernier cite aussi un mécanisme méconnu : le contrat de partage des plus-values. Ce dispositif, créé par la loi Pacte, peut constituer aux yeux de Maël Ligaudon un plan B en cas de refus de forte augmentation. Ce contrat engage l’actionnaire, pour au moins 5 ans, à partager avec l’ensemble des salariés une partie de la plus-value qu’il réalisera à l’occasion de la cession de ses titres, au minimum 3 ans plus tard. Il appartient aux délégués syndicaux (ou aux élus mandatés ou au CSE) de le négocier avec l’actionnaire. “C’est une formule intéressante pour les entreprises qui se font racheter par un fonds d’investissement”, souligne l’expert de Métis. 

Une boite aux outils très variés

Parmi les outils disponibles cités par l’expert, il y a encore l’éventuel déblocage de l’épargne salariale mais aussi d’autres paramètres auxquels on ne pense pas de prime abord comme : 

  • négocier une hausse de votre dotation du budget des activités sociales et culturelles (Ndlr : vous pouvez aussi argumenter, si votre entreprise a du mal à recruter, sur le fait qu’il peut s’agir d’un élément différenciant favorable), et cibler certaines activités utiles type services à la personne (garde d’enfant, par exemple);
  • négocier une part financée par l’employeur plus importante pour les titres-restaurant, l’entreprise bénéficiant d’une plus large défiscalisation (Ndlr : La limite d’exonération de la participation des employeurs à l’acquisition de titres-restaurant est revalorisée de 4% au 1er septembre 2022. Cette limite s’élève à 5,92€ pour les titres-restaurant émis du 1er septembre au 31 décembre 2022, au lieu de 5,69€ depuis le début de l’année). 
  • négocier un abondement supplémentaire de l’employeur au plan d’épargne d’entreprise ;
  • négocier un abondement de l’employeur sur le compte épargne temps;
  • négocier des avantages en nature supplémentaires, “importants notamment pour les commerciaux”;
  • renégocier les frais liés au télétravail, du fait de la hausse du coût de l’énergie;
  • inciter l’employeur à se saisir des nouveautés fiscales et sociales d’août 2022. 

Concernant ce dernier point, il s’agit par exemple d’inciter l’employeur à financer jusqu’à 75% de la prise en charge des frais de transports publics (Ndlr : il a l’obligation de le faire mais seulement jusqu’à 50%) mais aussi de cumuler plusieurs dispositifs, comme cette prise en charge transports et le forfait mobilité durable. Explication de Maël Ligaudon : “Il était jusqu’à présent impossible pour un salarié prenant le tram avec son vélo de bénéficier d’une prise en charge à la fois de son abonnement tram et d’une indemnité pour l’utilisation de son vélo. C’est désormais possible”. 

Des évolutions possibles !

Nous achevons donc par un tour de vélo et de tram cet aperçu des pistes à utiliser pour négocier du pouvoir d’achat pour les salariés. Il n’est pas impossible que d’autres nouveautés soient créées dans la loi de finances pour 2023. Le gouvernement, qui vient de demander aux partenaires sociaux de négocier sur le thème du partage de la valeur, a annoncé son intention de reprendre rapidement à son compte un éventuel accord national interprofessionnel. Espérons que les entreprises n’attendront pas ces éventualités pour décider de larges augmentations générales ! 

Renault verse 500€ de prime pouvoir d’achat à ses salariés
Après des négociations avec les organisations syndicales, Renault (42 000 salariés en France) va soumettre à signature syndicale, jusqu’à vendredi 30 septembre, un accord sur le pouvoir d’achat. Selon Mariette Rih, déléguée syndicale centrale FO jointe vendredi soir par actuEL-CSE, cet accord prévoit : 500€ de prime de pouvoir d’achat (il s’agit de la prime partage de la valeur, nouveau nom de la “prime Macron”) y compris pour les intérimaires. La prime est la même pour tout le personnel rémunéré jusqu’à 3 Smic ; 3 mois de prise en charge de la mutuelle santé (le montant dépend de la situation familiale mais il représenterait environ 315€) pour octobre, novembre et décembre. “Cela me paraît très intéressant de ne pas sacrifier la santé au profit du pouvoir d’achat”, commente Mariette Rih. une prime transport de 100€. Le groupe donne aussi aux salariés la possibilité de monétiser 3 jours de RTT, y compris 2 jours à la main de l’employeur, avec un taux de 25%. Au total, le montant moyen de ces primes pourrait représenter 1 000€ par salarié.  Cet accord, qui intervient avant les négociations annuelles obligatoires prévues en février, a pour but de compenser les effets de l’inflation. Selon la DSC FO, ces mesures d’urgence exceptionnelle seront sans impact sur les futures NAO. 

Bernard Domergue

En 2021, la négociation collective reprend quelques couleursGetty

Le ministère du travail a présenté hier aux partenaires sociaux le bilan 2021 de la négociation collective. La production d’accords collectifs repart à la hausse, mais reste inférieure au niveau de 2019. Les entreprises négocient d’abord sur l’épargne salariale, le temps de travail, les conditions de travail.

Après un bilan 2020 marqué par une baisse du nombre d’accords du fait de la crise sanitaire, l’année 2021 enregistre une légère remontée du dialogue social formalisé en France. Au niveau national interprofessionnel (ANI), 2021 a connu un seul accord, qui suggère des modifications à la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, et cinq avenants à des ANI précédents (deux sur l’Agirc-Arcco, les autres sur les plans d’épargne entreprise et interentreprises, les plans d’épargne retraite, et le contrat de sécurisation professionnelle).

Un millier d’accords de branche

Au niveau des conventions collectives, 1 063 accords de branche ont été conclus (contre 1 013 en 2020, soit +5%), dont 6 nouvelles conventions collectives (CCN des métiers du commerce de détail alimentaire spécialisé, CCN de la production et de la transformation des papiers cartons, CCN de la branche du secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile, CCN de la télédiffusion nationale, CCN de la presse quotidienne et hebdomadaire en régions, CCN unifiée des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison).

Les thématiques les plus traitées par les branches concernent :

  • Les salaires avec 377 avenants (290 en 2020).

Ce chiffre reste inférieur au niveau de 2019, le ralentissement de la croissance économique du fait de la crise sanitaire ayant eu un impact sur l’activité conventionnelle selon la Direction générale du travail. Nombre d’accords concernent la revalorisation du Smic ;

  • L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes avec 231 textes l’an dernier (204 en 2020) dont 15 traitent exclusivement ou à titre principal de l’égalité professionnelle et salariale (11 en 2020) ;
  • Les classifications avec 27 accords (9 en 2020) ;
  • La formation professionnelle avec 185 accords ;
  • La protection sociale complémentaire (96) ;
  • Le contrat de travail (53) ;
  • Le temps de travail (78);
  • Les conditions de travail (26), etc.

L’administration souligne que les partenaires sociaux s’approprient peu à peu la délicate articulation des normes prévue par les ordonnances de 2017. La thématique des conditions de conclusion des accords est ainsi traitée dans 140 accords en 2021. “Toutefois, il convient de noter qu’il reste encore des accords conclus qui ne prévoient pas de stipulations spécifiques aux entreprises de moins de 50 salariés, dites « clauses TPE » qui sont obligatoires et dont l’absence expose au refus d’extension”, note la DGT. 

Sur la négociation collective liée à la crise sanitaire, la Direction générale du travail recense 13 accords et avenants en 2021, contre 69 en 2020. Par ailleurs, 29 accords et avenants ont été signés sur l’APLD (activité partielle de longue durée), soit 73 accords de branche conclus depuis l’ouverture de ce dispositif en 2020. 

A noter que la CFDT a signé 84% des accords interprofessionnels et de branche en 2021, FO 69%, la CFE-CGC 59%, la CFCTC 50% et la CGT 39%.

Signalons encore à propos des branches que le ministère se fixe comme objectif de réduire de 5 à 4 mois le délai d’extension des accords de branche, et même à 2 mois s’agissant des accords salariaux du fait des problèmes de minima inférieurs au Smic.

76 800 accords d’entreprise

Au niveau de l’entreprise, le nombre d’accords atteint 76 820, soit un très léger mieux par rapport à 2020 (+0,9%) mais un niveau toujours inférieur à celui de 2019. Le signe pour le ministère du travail que “les effets de la pandémie continuent à se faire sentir”. 

Ces accords sont conclus majoritairement par les délégués syndicaux (51%), puis par les salariés par référendum (26%), devant les élus non mandatés (12%) et les élus ou salariés mandatés (11%). Soulignons, pour la catégorie des entreprises de moins de 20 salariés, que les décisions unilatérales de l’employeur représentent 21% des textes déposés, et les accords ratifiés par référendum par moins de 46%.

Sur le plan général, les accords d’entreprise, dont 63% concernent des entreprises d’au moins 50 salariés, ont trait à :

  • l’épargne salariale (63% des accords), toujours en haut du classement, comme les années précédentes.

L’intéressement représente 64% des textes, ce qui s’explique par le fait que la prime de pouvoir d’achat incitait à la conclusion d’un accord d’intéressement (Ndlr : le plafond passait de 1000 à 2000€);

  • le temps de travail (19%), en hausse du fait notamment de l’aménagement du temps de travail.

A noter la part croissante des conventions de forfait (2 570 accords, soit 740 de plus en un an, soit +40%);

  • les conditions de travail (8%).

La dynamique de ce thème est tirée par les accords de télétravail : 4 070 accords collectifs en 2021, soit 2 fois plus qu’en 2020. Selon la DGT, 26% de ces textes abordent le droit à la déconnexion. A noter que l’industrie (21%) et les activités spécialisées scientifiques et techniques (21%) sont les secteurs les plus représentés dans les accords télétravail. L’administration souligne que le télétravail régulier de 2 jours par semaine domine dans les accords signés, le sujet des frais étant le plus sensible. Explication : “La possibilité de déroger aux stipulations de l’ANI du 26 novembre 2020 par accord d’entreprise permet une hétérogénéité de situations. Un peu moins de la moitié des accords et avenants de l’échantillon (soit 71) prévoient une indemnisation des frais occasionnés par le télétravail. On retrouve le plus fréquemment des indemnisations journalières de 2,50 euros ou mensuelles de 10 euros. Les montants peuvent cependant sensiblement varier : la fourchette d’indemnisation mensuelle est comprise entre 8 et 80 euros. Parmi les accords ne prévoyant pas de prise en charge, certains justifient cette position en rappelant que le télétravail est un choix du salarié”; 

  • les salaires et les primes (8%), etc.

Sur ce point (voir le tableau ci-dessous) la baisse du nombre d’accords (2 points de moins qu’en 2018) s’expliquerait par la mise en place de primes exceptionnelles de pouvoir d’achat.

Soulignons que seulement 3% des accords d’entreprise traitent du droit syndical et des instances représentatives du personnel. Lors de la mise en place du CSE, ce thème arrivait en 4e position pour le nombre d’accords. A ce propos, où en est le plan d’accompagnement des CSE, annoncé par le ministère début 2022 ? “Nous y avons travaillé, nous avançons, mais nous souhaitons remettre ce sujet en visibilité”, répond-on au ministère du travail.

Les effets de la crise sanitaire

Sur la crise sanitaire, 12 910 accords d’entreprise ont été déposés et enregistrés entre mars 2020 et décembre 2021, soit 7 % des 185 990 accords conclus sur cette période. Les principaux sujets sont le temps de travail (5 490 accords) et l’APLD (3 078 accords et avenants d’entreprise).

Par OS, le taux de signature des accords d’entreprise met en tête la CFDT (56%) devant la CGT (42%), la CFE-CGC (33%), FO (32%), la CFTC (19%). Concernant la propension à signer (Ndlr : probabilité d’une signature lorsque le syndicat est effectivement implanté dans l’entreprise via un délégué syndical), ces chiffres s’élèvent à 93% pour la CFDT, 92% pour la CFE-CGC et la CFTC, 90% pour FO, 84% pour la CGT. Commentaire de la DGT : “La propension à signer de l’Unsa est similaire à celle des organisations nationalement représentatives, celle de Solidaires est sensiblement plus basse”.

Des accords innovants concernant les CSE ?
A-t-on constaté des pratiques innovantes dans les accords collectifs sur le comité social et économique ? Le professeur de droit Frédéric Géa tente une réponse, formulée de façon assez prudente, dans le bilan 2021 de la DGT. Au terme de son “approche qualitative des accords”, la réponse est négative concernant les conseils d’entreprise, très rares. A propos des représentants de proximité, les accords ont eu tendance à limiter leurs missions au domaine de la santé, de la sécurité et des conditions de travail. “Plus innovantes ont été, à notre sens, les initiatives ayant conduit à instaurer des commissions du CSE non envisagées au titre des dispositions légales supplétives du code du travail”, poursuit Frédéric Géa. Ce dernier note l’instauration dans certains accords de commissions originales, telles cette “commission de la transition écologique” chargée de : préparer et participer aux réunions du CSE liées à la survenance d’un événement grave lié à l’activité des entreprises de l’unité économique et sociale (UES) ayant porté atteinte – ou ayant pu porter atteinte – à la santé publique et/ou à l’environnement ; formuler des propositions d’actions permettant d’améliorer la performance énergétique, les modes ou les types d’utilisation de l’énergie et les quantité d’énergie utilisées ; proposer des mesures d’amélioration des politiques liées à la préservation de l’environnement ; mener des actions de sensibilisation et d’accompagnement du personnel face aux problématiques de mobilité, d’impact environnemental et sociétal. D’autres commissions originales ont été créées sur le thème de la transformation numérique, et il y a eu aussi des innovations, à la faveur de la crise sanitaire ou motivées par le souci environnemental, visant à privilégier les réunions par visioconférence. Au final, même si les acteurs ont pu frayer des chemins que la loi n’avait pas toujours balisés, dit Frédéric Géa, “nous sommes là dans l’ordre de la co-construction, mais pas nécessairement dans celui de l’innovation par rapport aux dynamiques de négociation que la réforme voulait impulser”. ► A nos lecteurs : nous consacrerons dans nos prochaines éditions deux articles au bilan des ordonnances de 2017, dont un relatif au CSE, à la suite d’une journée de débat organisée par l’ISST et l’Ires le 23 septembre.

Bernard Domergue

117 branches ont encore des minima inférieurs au Smic

Selon le ministère du travail, au 26 septembre 2022, il reste 117 branches qui ont un ou plusieurs minima inférieurs au Smic. Sur ce total, 64 branches ont été “rattrapées” par l’augmentation du Smic du mois d’août, 38 l’ont été par celle de mai dernier, 8 au premier janvier, 6 en octobre 2021 et une depuis janvier 2021. Le ministère rappelle son objectif de réduire à 2 mois le délai d’extension d’accords de branches salariaux, un délai qui était de 3 mois en 2021.

actuEL CE

Le baromètre des branches de septembre 2022

Quelles ont été en septembre 2022 les nouvelles dispositions applicables dans les branches professionnelles ? Notre tableau fait le point.

Grâce au travail de veille de l’équipe du Dictionnaire Permanent Conventions collectives des Éditions Législatives (Lefebvre Dalloz), société éditrice d’actuEL-CSE.fr, nous vous proposons chaque mois un rendez-vous thématique consacré aux branches professionnelles. Il n’est pas question pour nous d’être exhaustif sur ce sujet, mais de vous signaler, au travers des arrêtés d’extension parus au Journal officiel qui rendent obligatoires des dispositions pour toutes les entreprises d’une branche, ainsi qu’au travers d’accords récents, quelques tendances dans l’activité conventionnelle.

Ce baromètre nous paraît d’autant plus intéressant que la loi Travail, puis les ordonnances Macron, ont redéfini les possibilités de négociation données aux branches par rapport aux niveaux de la loi et de la négociation d’entreprise. En outre, une vaste opération de fusion des branches existantes est en cours, le gouvernement souhaitant en réduire fortement le nombre (sur ce dernier point, lire la censure du Conseil constitutionnel).

  Baromètre des branches : septembre 2022
Volume des textes parus au Journal officiel relatifs aux branches professionnelles  177 accords élargis/étendus, dont 130 au moins partiellement relatifs aux salaires, sont parus du 16 juillet au 31 août. Une fois étendus ou élargis, les accords et avenants deviennent obligatoires pour tous les employeurs, généralement le lendemain de la date de la publication de l’arrêté au Journal officiel.  Exemples d’accords ou avenants étendus ou agréés : – un texte relatif au congé supplémentaire, 13ème mois, prime d’ancienneté et salaires minima conclu dans la branche de la production agricole (secteur accouvage) (IDCC 7009, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à l’activité partielle de longue durée (APLD) signé dans la branche des travaux et services agricoles, ruraux et forestiers (IDCC 7025, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à l’activité partielle de longue durée (APLD) signé dans la branche de la fabrication d’ameublement (IDCC 1411, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à l’instauration d’un forfait mobilités durables pour l’année 2022 signé dans la branche des céréales, meunerie, approvisionnement, alimentation (bétail), oléagineux (IDCC 7002, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à la prolongation de l’APLD signé dans la branche des entreprises d’expédition et d’exportation de fruits et légumes (IDCC 1405, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à la conclusion d’un nouvel accord relatif à l’APLD signé dans la branche des personnels des huissiers de justice (IDCC 1921, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à l’allongement de la durée d’application de l’APLD signé dans la branche des ateliers et chantiers d’insertion (IDCC 3016, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à l’allongement de la durée d’application de l’APLD signé dans la branche de l’industrie des tuiles et briques (IDCC 1170, voir l’arrêté).
Accords liés à la crise sanitaire du Coronavirus et de l’épizootie d’influenza aviaire  Des mesures exceptionnelles ont été prises pour faire face à l’épidémie de Coronavirus (ou à l’épizootie d’influenza aviaire), notamment l’activité partielle de longue durée (APLD). Les accords mettent en œuvre ou prolongent l’APLD. Elle permet, sous réserve notamment de la conclusion d’un accord d’entreprise, d’établissement ou de branche étendu, de diminuer l’horaire de travail des salariés. Ces derniers perçoivent une indemnité plafonnée à 4,5 SMIC et fixée en pourcentage de leur rémunération brute. Un texte met en place l’APLD dans la branche de l’agriculture (travaux et services agricoles, ruraux et forestiers) : accord du 12 mai 2022 applicable à compter du 4 août 2022. Le texte permet aux entreprises de prestations de services avicoles de réduire temporairement leur durée du travail, dans la limite de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 36 mois consécutifs. Plusieurs branches concluent des accords de prolongation de l’APLD : Personnel des administrateurs et mandataires judiciaires, Personnel salarié des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, Greffiers des tribunaux de commerce : avenant du 20 juin 2022 ; Fabrication d’ameublement : avenant du 31 mai 2022 ; Bois et scieries : avenant n°1 du 22 juin 2022 ; Industries des carrières et matériaux : avenant n°1 du 19 mai 2022 ; Industrie de la chaussure et articles chaussants : avenant du 5 juillet 2022 ; Entreprises d’expédition et d’exportation de fruits et légumes : avenant n°1 du 8 juin 2022 ; Hôtellerie de plein air : avenant n°1 du 30 juillet 2022 ; Imprimeries de labeur et industries graphiques : avenant du 21 juillet 2022 ; Industries de maroquinerie : avenant du 18 juillet 2022 ; Maintenance, distribution, location de matériels agricoles, de BTP et de manutention : avenant n°1 du 13 juillet 2022 ; Remontées mécaniques : avenant du 4 juillet 2022 ; Organismes de tourisme : avenant n° 1 du 25 mai 2022 ; Industrie des tuiles et briques : avenant du 24 mai 2022.
  Congés exceptionnels  Branche des autoroutes : accord du 12 avril 2022 applicable depuis cette même date pour une durée de 3 ans. Les partenaires sociaux prévoient l’obligation d’assurer le maintien de la rémunération à 100 % durant le congé de paternité. Les dispositions relatives à la garantie d’évolution de la rémunération des salariés de retour d’un congé de maternité ou d’adoption sont étendues aux salariés de retour d’un congé parental. Branche de l’esthétique-cosmétique et enseignements associés : avenant n° 32 du 14 avril 2022. Les partenaires sociaux instituent ou allongent plusieurs congés exceptionnels pour événements familiaux. Branche du golf : avenant n° 86 du 29 juin 2022. Les partenaires sociaux mettent à jour les dispositions conventionnelles relatives aux congés exceptionnels pour événements familiaux. Branche des institutions de retraite complémentaire et de prévoyance : accord du 15 avril 2022. Les partenaires sociaux améliorent la situation du bénéficiaire d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant. Branche de la restauration rapide : avenant n° 5 du 6 mai 2022. Les partenaires sociaux prévoient des congés exceptionnels en faveur du salarié en situation de handicap ou en cas de naissance d’un enfant porteur de handicap.
Modifications de diverses dispositions de CCN  Branche de la production agricole et CUMA (Coopératives d’utilisation de matériels agricoles), secteur de l’accouvage : avenant n° 1 du 20 janvier 2022 applicable depuis le 1er janvier 2022. Les partenaires sociaux actualisent les dispositions relatives aux congés, au treizième mois et à la prime d’ancienneté. Ils modifient par ailleurs la date d’application de l’avenant n° 4 du 18 janvier 2022 relatif aux salaires minima. Branche de l’esthétique-cosmétique : avenant n° 31 du 14 avril 2022. Les partenaires sociaux suppriment les dispositions conventionnelles jusqu’ici applicables à l’indemnité de licenciement, désormais calculées selon les dispositions légales. Branche des commerces de gros de l’habillement, mercerie, chaussure et jouets : accord du 11 avril 2022, applicable depuis le 10 juin 2022. Les partenaires sociaux actualisent les dispositions de la CCN (champ d’application professionnel, congés exceptionnels pour événements familiaux, jours fériés, aménagement des horaires de travail…). Branche de l’hospitalisation privée à but lucratif (hors secteur médico-social) : avenant n°31 du 24 mai 2022 applicable depuis le 1er juin 2022. Les partenaires sociaux revalorisent les indemnités pour travail du dimanche, des jours fériés et de nuit. Branche de la plasturgie : nouveau dépôt de l’avenant du 2 juillet 2020. A la suite de l’annulation par le Conseil d’État de l’arrêté d’extension de l’avenant du 2 juillet 2020 ayant intégralement réécrit les dispositions de la CCN relatives aux indemnités de licenciement et de départ à la retraite, les partenaires sociaux déposent de nouveau cet avenant auprès du ministère du travail.
    Abrogation de conventions collectives régionales au profit d’une CCN unique        Branche de la métallurgie : les conventions collectives régionales, départementales ou territoriales suivantes sont abrogées :  Ain (avenant du 13 juin 2022) ; Bouches-du-Rhône (avenant du 25 avril 2022) ; Charente (avenant du 28 mars 2022) ; Flandres-Douaisis (avenant du 10 juin 2022) ; Gard et Lozère (avenant du 24 mars 2022) ; Arrondissement du Havre (avenant du 3 juin 2022) ; Ille-et-Vilaine – Morbihan (avenant du 24 juin 2022) ; Loiret (avenant du 19 mai 2022) ; Nièvre (avenant du 13 juin 2022) ; Oise (avenant du 30 juin 2022) ; Hautes-Pyrénées (avenant du 30 juin 2022) ; Région parisienne (avenant du 19 avril 2022) ; Saône-et-Loire (avenant du 13 mai 2022) ; Seine-et-Marne (avenant du 19 avril 2022) ; Deux-Sèvres (avenant du 29 juin 2022) ; Var (avenant du 25 avril 2022) ; Vaucluse (avenant du 16 mai 2022) ; Vendée (avenant du 16 juin 2022) ;   Les dispositions de la nouvelle convention collective nationale du 7 février 2022 (non encore étendue) s’appliqueront à compter du 1er janvier 2024.
Élargissement de champ d’application professionnel  Branche des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau : avenants du 21 avril 2022 et du 18 mai 2022, applicables à compter du 16 juillet 2022. Les partenaires sociaux élargissent le champ d’application professionnel de la CCN et modifient son intitulé.
  Durée du travail  Branche des commerces de détail non alimentaires (convention collective nationale) : avenant n° 8 du 3 mai 2022 applicable à compter du 1er jour du mois suivant la publication au Journal officiel de son arrêté d’extension. Les partenaires sociaux définissent le nouveau régime du forfait annuel en jours et les règles relatives à l’aménagement du temps de travail sur l’année.
  Indemnités Ségur   Branche des personnels PACT et ARIM de l’habitat (Centres pour la protection, l’amélioration et la conservation de l’habitat et associations pour la restauration immobilière) : accord n° 21 du 14 juin 2022 applicable depuis cette même date. Les partenaires sociaux prévoient, au bénéfice de certains salariés des structures ou services entrant dans le champ d’application de la CCN, une revalorisation salariale sous la forme d’une prime mensuelle Ségur. Branche de l’habitat et logement accompagné : accord n° 21 du 14 juin 2022 applicable depuis cette même date. Les partenaires sociaux prévoient, au bénéfice de certains salariés des structures ou services entrant dans le champ d’application de la CCN, une revalorisation salariale sous la forme d’une prime mensuelle Ségur.  

Marie-Aude Grimont, avec l’équipe du Dictionnaire permanent Conventions collectives

[Bilan des ordonnances] La branche refuse d’être débranchée [1/2]

En matière de négociation collective et d’instances représentatives, que se passe-t-il après qu’une réforme aussi importante que les ordonnances de 2017 a été votée ? Quels effets produit-elle sur la réalité ? Les acteurs s’en emparent-ils ? C’était, s’agissant des textes ayant bousculé les branches et les IRP, le riche menu des 4èmes rencontres de l’ISTT et de l’Ires, à Bourg-la-Reine, près de Paris, le vendredi 23 septembre (1). Premier volet de notre compte rendu.

Les ordonnances de 2017 n’ont bien sûr pas tué la branche. Mais la réforme visait tout de même à donner la primeur à la négociation d’entreprise en permettant à l’entreprise de déroger à la branche dans certains cas (2). Qu’en est-il résulté cinq ans plus tard ? A écouter les chercheurs, les experts et les syndicalistes qui ont débattu sur le sujet à l’ISST (Institut des sciences sociales du travail) en partenariat avec l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales), la réponse pourrait se résumer ainsi : “Que s’est-il passé ? Une certaine inertie de la part des entreprises”.

Pas de grand bouleversement  

Comme ce fut le cas dans le commerce de détail, les acteurs de la branche ont d’une certaine façon résisté à l’injonction de l’Etat de laisser l’entreprise négocier plus largement ou, à tout le moins, refusé tout grand chambardement. En octobre 2021, les partenaires sociaux de cette branche avaient obtenu gain de cause devant le Conseil d’Etat au sujet des éléments de rémunération qu’elle entendait continuer de réguler au niveau de la branche, alors que l’Etat voulait limiter son action régulatrice au seul salaire de base (3).

Il ne faut pas non plus oublier que certaines organisations patronales, comme l’U2P, étaient hostiles à une inversion de la hiérarchie des normes, souligne Gilles Lecuelle, secrétaire confédéral CFE-CGC en charge du dialogue social. De façon plus large, tout s’est passé comme si les entreprises estimaient avoir déjà suffisamment de grain à moudre sans s’aventurer sur de nouveaux domaines.

Des mutations déjà en cours

“L’usage des dérogations reste limité, et les mutations de la négociation d’entreprise que nous avons observées avaient débuté auparavant”, analyse Catherine Vincent, de l’Ires, qui a mené un travail sur les grandes entreprises. Selon la chercheuse, les grands groupes restent intéressés par la branche, “qui leur sert de référence pour faire mieux en matière de compléments de rémunération, par exemple”. 

 La négociation d’entreprise se centralise et devient une approche intégrée

C’est plutôt dans la négociation collective au sein de l’entreprise que la chercheuse note un approfondissement des évolutions. La négociation se centralise toujours plus, et cette négociation est vue comme “une approche intégrée” visant à décliner la stratégie du groupe en unifiant les statuts sociaux. En corollaire, les délégués syndicaux agissent en très forte autonomie par rapport à leur confédération. “Il s’est produit une réallocation des moyens avec un renforcement des délégués au niveau central et parfois national. J’ai même vu des DS relais chargés de coordonner des CSE”, s’exclame Rémi Bourguignon, de l’université Paris-Est-Créteil.

“Les organisations syndicales ont du mal à se coordonner en interne et en externe, d’autant que leurs moyens dépendent des grandes entreprises”, souligne Catherine Vincent. A ce sujet Claude Didry, chercheur au CNRS, indique avoir vu dans un groupe sidérurgique, où les négociations salariales se mènent par établissement, des DS tenter une sorte de benchmark entre eux pour connaître les marges réelles des directions des établissements. Pour lui aussi, “la négociation d’entreprise ne rime en aucun cas avec une décentralisation de la négociation”, les enveloppes étant décidées au niveau central.

Dans les bureaux d’étude, peu d’activité conventionnelle

Mais revenons à la stabilité de la négociation des branches. Cette relative inertie, note Anne Fretel, avait déjà été relevée après les premières possibilités dérogatoires données à l’entreprise sur la branche par les réformes de 2004 et 2008. La prudence reste toutefois de mise car les recherches ont été réalisées pendant la crise sanitaire d’une part et que ces travaux, notamment les monographies, se focalisent sur les grandes entreprises, beaucoup moins sur les PME, dont les pratiques restent assez mal connues de l’aveu même d’Antoine Naboulet, de France Stratégie.

En outre, la différence d’approche entre les branches est forte, mais cela tient plus au secteur économique et à ses acteurs qu’à l’évolution législative. Dans la branche des bureaux d’études, par exemple, la détermination des conditions de travail et d’emploi se fait autrement que par la négociation de branche ou d’entreprise, on est plus sur des relations informelles. “Cela s’explique parce que les cadres, souvent jeunes, travaillent sur des missions. Il reste difficile pour les acteurs de faire vivre la branche”, constate Noélie Delahaie.

Une négociation formelle mais sans effet sur la réalité

A l’inverse, la dynamique de la négociation collective de branche reste forte dans le secteur de la propreté. “Cette branche a voulu garder une influence forte en proposant des accords cadre pour définir la négociation d’entreprise”, expose Anne Fretel.

 Dans la propreté, on négocie, mais sans effets visibles sur les salariés

François-Xavier Devetter, de l’université de Lille, qui a mené un travail de recherche sur la branche de la propreté avec Julie Valentin, souligne ce paradoxe : “La branche se perçoit comme un lieu de dialogue social, où l’on négocie effectivement. Mais on négocie sur peu de choses, et surtout sans résultat sur la situation des salariés. Ils restent des travailleurs pauvres, avec de mauvaises conditions de travail”.

Eviter la menace d’une réinternalisation de la sous-traitance 

Dans cette branche, poursuit le chercheur, un secteur où les syndicats sont divisés, il s’agit d’abord pour le patronat d’éviter la menace d’une réinternalisation des services sous-traités, tout en cherchant à faire augmenter les prix des services sous-traités. Comment ? “En insistant sur la responsabilité du donneur d’ordres”. A ce propos, Christophe Cayette, secrétaire confédéral CFDT en charge du dialogue social, rappelle la revendication de son organisation : donner le droit au CSE sous-traitant de saisir le CSE du donneur d’ordre, et recevoir ainsi des informations sur les critères des appels d’offres, une boite noire essentielle, y compris lorsque le donneur d’ordre appartient au secteur public.

Des tendances inquiétantes

Mais la stabilité générale évoquée plus haut peut aussi dissimuler des tendances profondes à l’œuvre, inquiétantes pour certains acteurs et observateurs. Dans certains secteurs, insiste Gilles Lecuelle (CFE-CGC), une organisation patronale minoritaire tente de destructurer le champ d’une branche et donc de la convention collective qui s’applique à toutes les entreprises. Comment ? En poussant ses adhérents à négocier des accords d’entreprise dérogatoires très agressifs, parce que le rapport de forces est défavorable aux salariés dans la négociation d’entreprise, soutient le syndicaliste qui cite le danger des accords de performance collective (APC) à cet égard.

Nous voyons de plus en plus de réserves d’extension de la part de l’Etat. Mais pour nous, la branche doit rester normative 

Pierre Jardon, secrétaire confédéral CFTC en charge du dialogue social, tient lui-aussi au rôle régulateur de la branche. “A la CFTC, nous n’avons pas de problème avec l’idée que de nombreux sujets doivent se négocier au plus près des réalités, au sein de l’entreprise. Mais attention, il doit y avoir des règles, et de la loyauté entre les acteurs”, avertit le syndicaliste chrétien.

Ce dernier met en garde le patronat contre tout désengagement de la branche, mais il égratigne aussi l’attitude de l’Etat : “Nous voyons de plus en plus de réserves d’extension. Là, nous sommes en désaccord. Pour nous, la branche doit continuer à être normative, et ne pas se contenter de faire des accords de méthode ou des accords cadre. La lutte contre le dumping social et les enjeux de la gestion prévisionnelle des emplois et parcours professionnelles doivent rester des sujets de branche”.

La restructuration des branches

Quant à la concentration du nombre des branches, dont le chantier avait été lancé bien avant les ordonnances de 2017, elle s’est accélérée : de 687 conventions collectives en 1994 dont 374 regroupaient moins de 5 000 salariés chacun, nous avons abouti aujourd’hui à 230, calcule Benjamin Redt, de la Direction générale du travail (DGT). Ce chantier a renforcé la couverture conventionnelle et a remis en mouvement les acteurs de la branche, “alors que le paysage était marqué par une certaine inertie”, se félicite-t-il.

Non à des mégas branches 

Pierre Jardon admet cette évolution positive, mais il se dit hostile à des “mégas branches”, dans lesquelles les situations des entreprises et des salariés seraient si différentes que la convention ne pourrait plus répondre à leurs besoins.

“Dans les fusions administrées, renchérit Gilles Lecuelle (CFE-CGC), j’observe rarement qu’on garde le meilleur”. Et le syndicaliste d’ironiser sur certains rattachements et leur motivation : “Pour le rattachement de la convention collective des instruments à écrire, les 5 organisations syndicales plaidaient logiquement pour la chimie. Mais les organisations patronales ont poussé vers le papier-carton, moins favorable pour les salariés, et le ministère a suivi”. Sourire de Benjamin Redt, assorti de ce commentaire : “Dans d’autres dossiers, l’arbitrage est allé dans le sens des OS”.

(1) Ce compte-rendu d’une journée entière de présentation d’études et de débats, le vendredi 23 septembre à Bourg-la-Reine, près de Paris, ne saurait être exhaustif, d’autant que certaines thématiques ont déjà été traitées dans ces colonnes. Objectif de ces rencontres de l’ISTT et de l’Ires, selon les mots de Mathieu Saintoul, le président du conseil d’administration de l’ISTT : « Bénéficier de l’apport croisé de chercheurs de différentes disciplines (sociologues, économistes, juristes, etc.) et créer un dialogue avec les acteurs (syndicalistes, experts, négociateurs de branche, etc.) qui vivent dans leur quotidien et leurs mandats ces évolutions économiques et sociales ».

Rappelons que l’ISTT est l’institut des sciences sociales du travail. Outre une activité de recherche, l’ISST, qui est rattaché à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne, dispense des formations pour les conseillers prud’hommes et pour les salariés dans le cadre du congé de formation économique, sociale et syndicale.

L’Ires est l’institut de recherches économiques et sociales et travaille pour les organisations syndicales. 

(2) Sur les possibilités dérogatoires et l’articulation entre les négociations d’entreprise et de branche.

(3) En octobre 2021, le Conseil d’Etat avait invalidé la doctrine du ministère du travail en matière de salaire minimum hiérarchique de branche. Les juges avaient annulé l’arrêté d’extension qui avait exclu de l’extension l’acception large du salaire minimum retenue par les partenaires sociaux de la branche du commerce de détail alimentaire.

► Prochain article : quel bilan pour le CSE ?

Bernard Domergue

IRP

Autonomie de la consultation du CSE sur un projet ponctuel de celle sur les orientations stratégiques

La consultation ponctuelle sur un projet de réorganisation n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise.

La question de l’articulation entre consultation sur un projet de réorganisation et consultation sur les orientations stratégiques se pose depuis la création de cette consultation récurrente en 2013. Plusieurs jugements et arrêts de cour d’appel se sont prononcés au cas par cas, mais c’est la première fois que la chambre sociale tranche dans cet arrêt qui sera publié au rapport annuel de la Cour de cassation, et qui est accompagné de sa notice explicative. Et la réponse est claire : ces deux consultations sont différentes, indépendantes et autonomes.

Consultations sur un projet de fermeture d’un établissement et sur les orientations stratégiques

Dans cette affaire, un établissement d’enseignement catholique informe son CSE de son projet de fermer un lycée professionnel et de résilier le contrat d’association correspondant avec le ministère de l’agriculture. Quelques jours plus tard, la réunion de consultation du comité sur les orientations stratégiques de l’entreprise est ouverte. Le CSE saisit la justice, et la cour d’appel de Paris ordonne la suspension de la consultation sur la résiliation du contrat et la fermeture du lycée jusqu’à la clôture de celle sur les orientations stratégiques.

L’établissement est en outre condamné à payer au CSE des dommages et intérêt pour délit d’entrave à son fonctionnement. Pour les juges, le projet de résiliation du contrat en vue de faire cesser l’activité du lycée était un “choix stratégique”, lequel résulte du constat d’une dégradation de la situation économique, d’une trésorerie insuffisante, obérant la capacité de l’établissement à s’endetter pour faire face à des travaux d’entretien et de rénovation nécessaires, d’une baisse de fréquentation très importante de ce lycée et de la volonté de rétablir un équilibre financier après plusieurs années de déficit.

La cour en déduit qu’il s’agit de la “déclinaison concrète d’une orientation stratégique” qui doit préalablement être soumise à la discussion du CSE. L’établissement conteste. Il considère que ces deux consultations sont autonomes, et que l’employeur demeure libre de soumettre tout projet ponctuel à la consultation du CSE, dès lors que son objet lui apparaît suffisamment déterminé pour que son adoption ait une incidence sur l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise.

Deux consultations autonomes

La Cour de cassation donne raison à l’établissement. Elle en profite pour établir, pour la première fois, une règle générale en matière d’articulation entre consultation sur un projet ponctuel et consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise. Elle commence par rappeler la définition de ces différentes consultations :

  • selon les articles L. 2312-8 et L. 2312-37 du code du travail, le CSE est consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la modification de son organisation économique ou juridique ou en cas de restructuration et compression des effectifs ; 
  • aux termes de l’article L. 2312-24, le CSE est consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise, définies par l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, et sur leurs conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences, l’organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l’intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Cette consultation porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences. Le comité émet un avis sur les orientations stratégiques de l’entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre.

Puis la chambre sociale explique que “la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise”. Il n’y a donc pas lieu de suspendre la consultation sur le projet ponctuel jusqu’à la clôture de celle sur les orientations stratégiques. Il n’y a par conséquent pas délit d’entrave donnant lieu à dommages et intérêts. 

Cette solution apparaît comme logique, et favorise la sécurité juridique des consultations du CSE. En effet, si les deux consultations sont liées, comment et quand les articuler ? 

► Note de la rédaction Si la jurisprudence sur cette question est assez abondante, les juges du fonds n’étaient pas toujours d’accord, et la Cour de cassation ne s’était pas encore prononcée. Un arrêt de la cour d’appel de Paris de 2018 allait toutefois dans le sens de la solution adoptée par la Cour de cassation dans son arrêt du 21 septembre 2022. Ainsi, il a été jugé que la consultation sur les orientations stratégiques est indépendante de toute consultation portant sur un projet ponctuel de réorganisation. Elle soulignait à cet égard la déconnexion des consultations récurrentes et des consultations ponctuelles, aucune n’ayant la primauté sur l’autre, et que l’employeur conservait une entière liberté de soumettre tout projet ponctuel à consultation du comité dès le moment où son objet lui apparaît suffisamment déterminé pour que son adoption ait une incidence sur l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise. La cour d’appel avait toutefois pris soin de réserver le cas de la dissimulation, lors de la consultation sur les orientations stratégiques, d’une nouvelle stratégie impliquant le projet de réorganisation en question. Dans cette affaire, les juges d’appel écartent cette prétendue dissimulation, mais l’on peut penser que dans cette hypothèse, le juge aurait alors pu suspendre le projet jusqu’à la clôture de la consultation sur les orientations stratégiques (CA Paris, ch. 6-2, 3 mai 2018, n° 17/09307. Ce point n’est pas soulevé dans l’arrêt de la Cour de cassation, on peut donc se demander si cette réserve s’applique ? La solution du 21 septembre 2022 semble poser un principe général et ne prévoit pas d’exception, mais il faudra surveiller attentivement les prochaines décisions des juges à cet égard. 

Objets distincts des deux consultations

La notice explicative de l’arrêt ajoute quelques précisions intéressantes. Elle explique, concernant la consultation récurrente sur les orientations stratégiques, que “par son objet et par sa temporalité, cette consultation a été définie indépendamment des consultations ponctuelles. Elle offre un cadre à une discussion prospective sur l’avenir général de l’entreprise, distincte des consultations ponctuelles du CSE relatives à un projet déterminé de l’employeur ayant des répercussions sur l’emploi, notamment en matière de restructurations”.

La notice inscrit la solution retenue dans la continuité de l’arrêt du 30 septembre 2009 (Cass. soc., 30 sept. 2009, n° 07-20.525) qui exclut que la régularité de la consultation du comité d’entreprise sur un projet de licenciement économique soit subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le même comité sur l’évolution annuelle des emplois et des qualifications, et de celle d’engager tous les trois ans une négociation portant sur la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois) imposée le code du travail.

Séverine Baudouin

Selon le baromètre Ugict-CGT, les cadres renâclent

Le syndicat des cadres de la CGT, l’Ugict, qui espère mobiliser les personnels de l’encadrement pour le mouvement de grève du 29 septembre, publie son baromètre 2022. Les cadres sont mécontents de la baisse de leur pouvoir d’achat et de leur temps de travail, souligne Sophie Binet, la secrétaire générale de l’Ugict-CGT

Réalisé depuis dix ans par Viavoice avec le soutien de Secafi, le baromètre de l’Ugict-CGT révèle l’insatisfaction grandissante des cadres en matière de rémunération (1) : 73% d’entre-eux estiment que leur pouvoir d’achat a baissé sur un an. De fait, si la flambée inflationniste conduit à une certaine revalorisation du Smic, les cadres, eux, voient leurs salaires progresser moins fortement, même si de nombreuses discussions sont nouées actuellement avec les entreprises sans attendre les rendez-vous annuels de négociation. “Mais il s’agit souvent de discussions autour de primes voire de monétisation de RTT, et ça ne remplace pas de véritables augmentations”, critique Sophie Binet. Et la secrétaire générale de l’Ugict-CGT de rappeler le chiffre établi par la Dares : sur un an, les salaires des cadres ont baissé de 3,7% en euros constants.

Des augmentations jugées trop faibles

“De plus en plus de cadres souhaitent une augmentation collective, c’est nouveau. Et 43% des cadres comptent demander une augmentation individuelle”, note Olivier Dupuis, cadre chez RTE, trésorier de l’Apec et membre du bureau de l’Ugict. Dans certains secteurs, comme l’assurance, la CGT incite ses délégués syndicaux, pour tenir compte d’une inflation annuelle désormais proche de 6%, de revendiquer au moins 8% d’augmentation.

On en est loin dans de nombreux secteurs, comme l’assurance, qui n’a récemment proposé qu’un petit complément de +1,5%. Ou comme les bureaux études, le secteur d’Emmanuelle Lavignac, de l’Ugict-CGT :  “Alors que notre secteur est en forte croissance, dans les métiers du “cloud” et de la sécurité informatique, les augmentations sont très loin de compenser l’inflation. Par exemple, Cap Gemini, dont la marge est très forte, a prévu une enveloppe limitée (3 millions) pour les augmentations (…). Et certaines sont d’ailleurs réservées aux personnels non augmentés depuis 4 ans”.

Même ressenti dans la branche des IEG (industries électriques et gazières) selon Virginie Gonzales, cadre chez Enedis et secrétaire générale de l’Ufict : “Dans les IEG, la grille des salaires est tassée. Cela en défaveur des ingénieurs cadres et techniciens, lesquels subissent une forte charge de travail. Chez nous, 80% des cadres estiment à plus de 40 h leur temps de travail hebdomadaire”.

Pas moins de 56% des cadres (et même 58% des femmes cadres) estiment leur rémunération en décalage avec leur temps de travail réel, renchérit Sophie Binet. Cette dernière souligne que désormais 67% des cadres citent le salaire parmi leurs 3 priorités, “soit 14 points de plus qu’en 2021”. Le syndicat espère donc mobiliser les personnels de l’encadrement pour la journée d’action de la CGT du jeudi 29 septembre. Selon l’Ugict, les cadres n’ont jamais paru faire autant confiance aux syndicats, même s’ils continuent d’abord de compter sur…eux-mêmes. 

Temps de travail et sens du travail

C’est que la grogne ne se limite pas aux salaires. Le mécontentement est lié à une charge de travail trop forte, qui conduit les cadres à travailler davantage en convertissant le grain de transport lié au télétravail en temps de travail supplémentaire. “42 % des cadres disent travailler plus de 45h par semaine, et 20% plus de 49h ! (+ 5 points par rapport à 2021). Ce temps de travail élevé est particulièrement marqué chez les hommes qui sont 47% à travailler plus de 45h par semaine, le temps de travail des femmes étant lui contraint par les tâches domestiques”, détaille Sophie Binet. Et plus de la moitié des cadres (54 %) disent travailler durant leurs jours de repos.

Ce constat explique peut-être une opinion majoritairement favorable à la retraite à 60 ans, 66% des femmes cadres défendant cet âge de départ. Les cadres sont aussi 82 % à vouloir une pension au moins égale à 75 % du salaire de fin de carrière.

Enfin, la question du sens au travail continue de tirailler les cadres, 58% jugeant non pertinentes et 61% non transparentes les méthodes d’évaluation de leur entreprise. Pour Olivier Dupuis, les entreprises ne peuvent plus ignorer l’aspiration au changement, notamment des jeunes cadres, avec “une quête de sens qui arrive au même rang que les prétentions salariales” : “Les entreprises ne peuvent pas échapper à un questionnement sur leur management et leurs ressources humaines”. C’est par exemple sous le seuil de 50 salariés que 48% des cadres se disent associés aux décisions.

Toujours selon l’enquête de l’Ugict, près d’un cadre sur deux serait prêt à manifester pour défendre sa retraite, 42% à faire grève pour les retraites, et 35% à faire grève pour les salaires, 38% se disant prêts à se syndiquer.

Les revendications de la CGT

Face à ce tableau assez sombre, l’Ugict-CGT revendique trois évolutions fortes pour les cadres, résumées ainsi par Sophie Binet : 

  1. “Restaurer l’échelle mobile des salaires qui existait en France jusqu’en 1982, et qui est toujours utilisée en Belgique. Avec cette indexation de l’ensemble des salaires sur l’évolution des prix, on échappe au phénomène de tassement des grilles conventionnelles, argumente la CGT;
  2. “Réduire le temps de travail” et créer un véritable droit à la déconnexion ;
  3. “Faire primer le sens au travail et l’éthique” avec un droit d’alerte permettant au cadre de refuser, au nom de l’éthique et de l’intérêt général, d’appliquer certaines décisions. “Nous voulons sortir d’un management par les coûts”, insiste la secrétaire générale de l’Ugict-CGT.​

(1) La baromètre de l’Ugict-CGT a été réalisé auprès de 1 000 cadres du public et du privé, représentatifs de la population des cadres travaillant en France métropolitaine, interrogés du 23 au 31 août 2022.

Bernard Domergue

Action logement : les partenaires sociaux protestent contre la ponction de l’Etat

Dans son projet de loi de finances (PLF) pour 2023, présenté hier en conseil des ministres, le gouvernement a prévu de ponctionner Action Logement de 300 M€. “Les partenaires sociaux, responsables paritairement de cet organisme qui gère l’ancien « 1% logement » au profit du logement des salariés, ne peuvent accepter un tel prélèvement”, réagissent, dans un communiqué commun, les organisations patronales et syndicales (Medef, CPME, CFDT, FO, CFTC, CGT, CFE-CGC).

Cette ponction entraînerait, selon syndicats et patronat, “un affaiblissement notable de la capacité d’Action Logement à accompagner les salariés dans leur parcours résidentiel en lien avec l’emploi, alors que cette mission d’utilité sociale est devenue cruciale dans le contexte actuel”. Le montant concerné, 300 millions, représenterait ainsi “26 000 logements abordables en moins à proposer aux salariés, si ce projet de PLF était validé en l’état à la fin de son parcours parlementaire”.

Les organisations syndicales et patronales demandent à être reçues rapidement… 

actuEL CE

Projet loi de finances 2023 : suppression de la CVAE confirmée, aide sur le coût de l’énergie en discussion

Bruno Le Maire a confirmé lundi, lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, la disparition totale en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Mais des inconnues subsistent sur une aide aux entreprises destinée à limiter l’impact des hausses de prix de l’énergie.

“Nous sommes la seule majorité depuis 20 ans à avoir baissé les impôts de production de 10 milliards d’euros. Nous les baisserons à nouveau de 8 milliards d’euros en deux temps en supprimant la CVAE” (cotisation sur la valeur ajoutée). Devant la presse, Bruno Le Maire a confirmé hier sa volonté de faire disparaître ainsi cet impôt local dont sont redevables en principe les entreprises pour lesquelles le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros (voir le PLF pour 2023). “La CVAE serait réduite de moitié en 2023 et totalement supprimée en 2024, précise le PLF pour 2023. Pour éviter tout effet de report, en particulier en défaveur du secteur industriel, le plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) en fonction de la valeur ajoutée sera maintenu, et ajusté à due concurrence en 2023 puis 2024”, ajoute-t-il.

De plus, “le projet de loi prévoit une compensation dynamique aux collectivités territoriales dès le 1er janvier 2023 des pertes de recettes induite par cette suppression par l’affectation d’une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), égale à la moyenne de la CVAE perçue au titre des années 2020, 2021 et 2022”.

Bouclier tarifaire…

Le ministre de l’économie a également profité de cette présentation pour rappeler l’existence de deux aides aux entreprises destinées à limiter les hausses des prix de certaines énergies. La première protège les entreprises qui bénéficient du tarif régulé de vente — cela concerne l’électricité, selon nous. Sont éligibles les petites entités, c’est à dire, dans ce contexte, celles qui réalisent un chiffre d’affaires annuel inférieur à 2 millions d’euros (ou un total de bilan inférieur à ce montant) et qui comptent moins de 10 salariés. Pour elles, la hausse sera limitée à 15 %, assure le ministre.

… et subvention exceptionnelle

Deuxièmement, une aide exceptionnelle a été instaurée cette année pour les entreprises dites énergo-intensives, c’est à dire qui consomment beaucoup d’électricité et/ou de gaz. Selon le cas, l’entreprise peut obtenir une subvention plafonnée à 2, 25 ou 50 millions d’euros pour la période du 1er mars 2022 au 31 août 2022. Pour l’instant, le dispositif remporte peu de succès, semble-t-il. Le gouvernement cherche donc à le modifier pour en élargir l’accès. Publié hier, un arrêté a prolongé les dates de dépôt des demandes pour les périodes d’éligibilité trimestrielle (d’une part, pour le trimestre de mars à mai 2022 ; d’autre part, pour celui de juin à août 2022).

Mais ce n’est pas tout. Pour les entreprises éligibles à l’aide plafonnée à 2 millions d’euros, Bruno Le Maire annonce que la baisse de rentabilité exigée (le ministre a évoqué le critère de bénéfice bien qu’il s’agisse, en l’état actuel des textes, de l’excédent brut d’exploitation spécifique à ce dispositif) serait analysée sur un mois au lieu de trois pour l’instant. Selon lui, cette simplification “sera opérationnelle le 3 octobre pour toutes les périodes passées”. Un décret devrait donc être publié d’ici là.

Pour les autres entreprises éligibles, c’est à dire celles qui peuvent toucher aujourd’hui  jusqu’à 25 millions d’euros ou 50 millions d’euros de subvention, Bruno Le Maire affirme avoir demandé à la Commission européenne de modifier le dispositif sur trois aspects : une baisse du critère de la part de l’énergie dans le chiffre d’affaires (cette part s’élève actuellement à 3 %) ; une exigence de la baisse des bénéfices sur un mois (au lieu de 3 actuellement) et un doublement des plafonds (les plafonds de 25 et 50 millions d’euros passeraient ainsi respectivement à 50 et 100 millions d’euros). Selon le ministre, l’exécutif européen devrait lui répondre le mois prochain.

Par ailleurs, un point important n’a pas été abordé, celui de la prolongation de cette aide aux entreprises énergo-intensives (quel que soit le montant éligible). Début septembre, le gouvernement avait annoncé son intention de rendre le dispositif éligible jusqu’au 31 décembre 2022 alors qu’il devait se terminer, à l’origine, au titre de la période trimestrielle de juin, juillet et août 2022. Et pour 2023, la question se pose aussi : le PLF ne mentionne pas explicitement de budget alloué à cette aide. Une question qui se pose d’autant plus que ce régime temporaire a été accordé, au niveau européen, jusqu’au 31 décembre 2022.

Ludovic Arbelet

Philippe Martinez alerte sur le climat social

Dans une interview accordée au journal Libération, le secrétaire général de la CGT a qualifié la situation sociale de “mauvaise”, notamment en raison des questions de pouvoir d’achat, “que nous appelons «salaires»”. Le syndicaliste déplore que les meures issues de la loi du même nom servent de prétexte à une absence d’augmentation générale des rémunérations en France. S’il regrette également que la CFDT n’ait pas rejoint son appel à manifester aujourd’hui, il note qu'”il est intéressant de voir qu’à la SNCF, la CFDT appelle à la grève le 29″, et juge “positives” les réunions intersyndicales qui se sont tenues depuis la rentrée. Il rappelle également ses positions sur les retraites : “Il n’est pas question de reporter l’âge de départ en retraite, on propose même de le ramener à 60 ans”. Une réforme reviendrait selon lui à “une usurpation du gouvernement”. A quelques mois de la fin de son mandat à la CGT, il dresse aussi le bilan de son action, pointant “je n’ai pas été inactif” en matière de lutte contre le sexisme dans son organisation. Rappelons que Maryline Poulain a récemment quitté le syndicat en dénonçant des actes de sexisme. Pour lui succéder, Philippe Martinez soutient la candidature de Marie Buisson, secrétaire général de la Fédération de l’éducation. “La camarade que je propose n’est pas une potiche comme certains veulent le laisser croire”, conclut-il, ajoutant “quand ça fait cent vingt-huit ans qu’une organisation existe et qu’il n’y a pas eu une seule femme à la tête, c’est une raison supplémentaire”.

actuEL CE

L’Urssaf lance “Première Embauche”, une offre pour les nouveaux employeurs

En septembre, l’Urssaf généralise “Première Embauche”, une nouvelle offre pour toute embauche d’un premier salarié. L’offre de services est désormais généralisée à tout le territoire après l’avoir testée dans plusieurs régions. 

Dans le cadre de cet accompagnement gratuit, l’Urssaf permet à ces employeurs qui recrutent pour la première fois de bénéficier :

  • d’une assistance dans toutes leurs démarches en ligne (obtention d’une attestation, déclaration sociale nominative, etc.) ;
  • d’un suivi préventif de leur compte en cas d’anomalie détectée sur leurs déclarations et paiements ;
  • d’un appui dans leurs nouvelles responsabilités d’employeur sur la réglementation applicable et notamment de visites-conseils en entreprise sur des points de règlementation précis ; 
  • d’un contact personnalisé et de canaux de communication dédiés pour une prise en charge rapide de leurs demandes et questions. 

A noter : les employeurs concernés seront contactés par l’Urssaf pour une présentation de ce nouveau service. 

actuEL CE

Un syndicat peut faire suspendre le règlement intérieur de l’entreprise pour défaut de consultation du CSE

Au nom de la défense de l’intérêt collectif des salariés, un syndicat est recevable à demander en référé que soit provisoirement suspendu le règlement intérieur de l’entreprise en raison du défaut de consultation du CSE.

Fin 2007, la société Autoroute Paris Rhin Rhône (APRR) engage une procédure de modification de son règlement intérieur datant du 27 novembre 2006. Le syndicat Sud autoroute APRR saisit alors le tribunal judiciaire pour faire annuler le règlement intérieur, qui devait entrer en vigueur en avril 2018, en faisant valoir que les CHSCT et les comités d’établissement concernés n’avaient pas été consultés. Au cas où l’annulation serait refusée, le syndicat demande au juge de déclarer le règlement intérieur inopposable aux salariés.

► Le code du travail prévoit effectivement que le règlement intérieur ne peut être introduit dans l’entreprise qu’après avoir été soumis à l’avis des institutions représentatives du personnel (article L. 1321-4). A l’époque des faits, il s’agissait encore du comité d’entreprise et du CHSCT. Aujourd’hui, il s’agit du comité social et économique.

La Cour de cassation juge recevable l’action du syndicat

Tout en confirmant l’arrêt de la cour d’appel ayant rejeté l’action du syndicat, la Cour de cassation reconnaît dans son arrêt du 21 septembre 2022 un droit d’action au syndicat pour la défense de l’intérêt collectif des salariés de l’entreprise. Ainsi, il est jugé qu’un syndicat “est recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d’une entreprise en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel (…) dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente”.

► Comme le souligne la notice explicative de l’arrêt du 21 septembre 2022, “la solution s’explique au regard des spécificités du règlement intérieur d’une entreprise, acte réglementaire de droit privé s’imposant à tous les membres du personnel (…) et qui, notamment, fixe les règles disciplinaires au sein de l’entreprise, dont la nature et l’échelle des sanctions disciplinaires, et peut prévoir des clauses restrictives des droits et des libertés personnelles des salariés de l’entreprise, à la condition qu’elles soient justifiées et proportionnées”.

Un syndicat peut demander une suspension provisoire mais pas une annulation définitive du règlement intérieur

En revanche, pour les juges, “un syndicat n’est pas recevable à demander au tribunal judiciaire par voie d’action au fond la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise, en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel”.

Concrètement, il faut donc retenir qu’une organisation syndicale peut agir en référé pour demander une mesure provisoire de suspension du règlement intérieur de l’entreprise tant que le CSE ne sera pas consulté. Ainsi, cela lui permet de contraindre l’employeur à respecter son obligation légale de soumettre le règlement intérieur à la consultation du comité social et économique. En revanche, il ne lui est pas possible d’aller en justice pour demander une mesure définitive d’annulation ou d’inopposabilité aux salariés du règlement intérieur en raison de l’absence de consultation du CSE.

► L’employeur qui manque à son obligation de consulter le CSE sur le règlement intérieur et/ou de le transmettre à l’inspecteur du travail ne peut pas reprocher à un salarié un manquement aux obligations édictées par ce règlement. Le salarié ne peut donc pas être sanctionné. S’il l’a été, la sanction devra être annulée (Cass. soc., 9 mai 2012, n° 11-13.687).

Frédéric Aouate

La représentation des salariés dans les CA a un effet positif, mais il est trop tôt pour aller plus loin

Alors que plusieurs syndicats, universitaires et experts des CSE plaident pour une amélioration de la représentation des salariés dans les conseils d’administration (CA) et de surveillance des entreprises afin d’aller vers une codétermination à la française, le gouvernement juge cette évolution prématurée. Dans le rapport que le Trésor vient de transmettre au Parlement, le gouvernement admet l’influence positive de la présence des salariés dans les instances de décision mais il plaide surtout pour généraliser de bonnes pratiques.

La loi Pacte de mai 2019 avait prévu que le gouvernement adresse, avant mai 2022, un rapport au Parlement évaluant “les effets économiques et managériaux de la présence de représentants des salariés et des salariés actionnaires au sein des conseils d’administration et de surveillance”.

► Rappelons que la loi Pacte a permis une légère avancée en la matière. L’article 184 de la loi a abaissé le seuil à partir duquel les conseils d’administration ou de surveillance de certaines sociétés anonymes doivent comporter au moins 2 représentants de salariés. Désormais, doivent être nommés : au moins 1 représentant des salariés au sein des conseils d’administration ou de surveillance comportant jusqu’à 8 membres (contre 12 auparavant) ; ou  au moins 2 représentants des salariés au sein des conseils d’administration ou de surveillance comportant plus de 8 membres (contre 12 auparavant) ; ​et ce dans les sociétés anonymes employant, à la clôture de deux exercices consécutifs : au moins 1.000 salariés permanents dans la société et ses filiales françaises, ou au moins 5.000 salariés permanents dans la société et ses filiales françaises et étrangères lire l’article L.225-27-1 du code de commerce). La loi Pacte, qui a restreint les possibilités d’exonération des sociétés holding de cette obligation, a aussi doublé le temps minimal de formation des administrateurs représentant les salariés, cette formation ne pouvant être inférieure à 40 heures par an.

Pas d’augmentation à court terme

Rédigé par la Direction générale du trésor, ce rapport de 57 pages a été transmis le 20 septembre au Parlement, avec quelques mois de retard donc.

Sans surprise, le gouvernement s’aligne sur la position de la plupart des dirigeants des grandes sociétés françaises, opposés à une hausse du nombre d’administrateurs représentant les salariés. Il est “trop tôt”, selon le rapport, pour revoir à la hausse le nombre de représentants des salariés au sein de ces instances décisionnaires : “Une réforme législative imposant la nomination d’un troisième représentant des salariés paraît prématurée”, peut-on lire en conclusion.

Cette revendication d’une hausse de la part des administrateurs représentant les salariés est émise depuis plusieurs années par des syndicats (CFE-CGC, CFDT par exemple), des universitaires et des experts auprès des CSE tel Pierre Ferracci de Secafi ou encore les juristes et économistes du Collège des Bernardins, tels Olivier Favereau, partisans d’une codétermination à la française. Selon certaines études en effet, la présence importante d’administrateurs salariés dans les centres de décision des entreprises, associée à une proximité entre centres de décision et sites de production, contribue à privilégier le maintien d’activités de production sur le territoire national.

Les effets de la présence des administrateurs représentant les salariés

Alors, pourquoi ne pas augmenter à court terme le nombre de représentants des salariés ou des salariés actionnaires au conseil, et pourquoi ne pas imposer pour le moment une représentation spécifique des salariés des filiales étrangères ? “Les effets économiques et managériaux observés à ce stade ne sont pas assez marqués pour justifier un renforcement de la représentation des salariés au conseil. En outre, la majorité des parties prenantes auditionnées a indiqué que les sociétés étaient encore en phase d’adaptation de leur gouvernance au régime issu de la loi Pacte”, répond le Trésor. 

 Ces administrateurs permettent au conseil de mesurer les conséquences sociales de certaines décisions

Ces effets sont pourtant réels. Alors que la représentation des salariés dans les conseils des 120 premières sociétés françaises a quasiment doublé entre 2015 et 2021 (*), le rapport pointe les effets “incontestablement positifs” de ce renforcement “d’un point de vue économique et managérial”.

Les administrateurs représentant les salariés apportent une vision interne de l’entreprise permettant au conseil d’administration ou de surveillance “de mieux mesurer les conséquences sociales de certaines décisions, voire de mettre à l’ordre du jour certaines questions liées à l’emploi et aux conditions de travail, et plus généralement une très bonne connaissance opérationnelle de l’entreprise et de son histoire”.

Et cette vision “peut améliorer la performance économique de l’entreprise et avoir des impacts managériaux intéressants”. Plus précisément, la présence d’administrateurs représentant les salariés a un effet sur la performance financière des entreprises.

Cette présence : 

  • diminue “le ratio de distribution” (ou “payout ratio”), qui correspond à la part des bénéfices redistribuée aux actionnaires. Le rapport juge que c’est un effet positif : moins de bénéfices distribués aux actionnaires permet de pouvoir réinvestir une partie des profits ;
  • fait contrepoids à la présence accrue d’administrateurs indépendants ;
  • renforce la sensibilité des conseils aux enjeux sociaux et environnementaux de long terme.

Concernant les effets sur le management, la présence d’administrateurs salariés ne semble pas avoir d’effet sur la masse salariale. Ont-ils une influence sur la stratégie de l’entreprise ? Oui, “cette influence est indéniable”, juge le rapport, surtout depuis la loi Pacte : “En effet, dans de nombreux cas, le passage d’un à deux représentants des salariés actionnaires a considérablement renforcé la posture de ces derniers au conseil. Plusieurs des administrateurs représentants les salariés nous ont en effet indiqué qu’il était bien plus facile de s’exprimer et de soutenir un point de vue à deux qu’en faisant figure de profil isolé et différent des autres membres du conseil. Par ailleurs, plusieurs ont souligné que le binôme leur permettait d’échanger ensemble avant et après les conseils, ainsi que, dans certains cas, d’être également membres de plus de comités du conseil”.

Les difficultés liées aux mandats

Le rapport pointe aussi les difficultés liées à ces mandats, des points déjà évoqués dans une étude de RDS. Ces administrateurs sont tout d’abord peu connus et peu visibles pour les salariés qu’ils sont chargés de représenter. En effet, l’obligation de discrétion imposée par le code du commerce rend délicate toute communication de leur part autour de leur rôle et de leur influence.

Mais pas question de réformer ou de lever cette obligation, prévient le Trésor : “Le maintien des obligations de discrétion et de confidentialité, qui s’imposent à l’ensemble des administrateurs, semble absolument indispensable (…) L’une des grandes craintes des opposants à la représentation des salariés au conseil était la violation des obligations de confidentialité. L’ensemble des personnes que nous avons interrogées affirme toutefois sans équivoque que les obligations de discrétion et de confidentialité ont été extrêmement bien respectées par les administrateurs représentant les salariés dans la pratique”.

L’incompatibilité avec le mandat de membre du CSE est inhérent au mandat d’administrateur 

Deuxième difficulté : l’isolement de ces représentants. Leur mandat est incompatible avec celui d’élu au CSE ou de délégué syndical (art. L. 225-30 du code de commerce), l’administrateur salarié ne pouvant donc pas s’appuyer officiellement sur les organisations syndicales, ni les consulter en amont. La CFE-CGC réclame la levée de cette incompatibilité, le club Réalités du Dialogue social préconisant pour sa part de permettre à l’administrateur salarié “d’assister ponctuellement à des instances de représentation du personnel”.

Le Trésor n’est pas du tout chaud. “Le maintien d’incompatibilité semble être, tout comme l’obligation de confidentialité, inhérent au mandat d’administrateur en charge de la défense de l’intérêt social et important dans l’établissement de relations de confiance avec les autres membres du conseil”.

Le document soulève aussi le problème très pratique du remboursement des frais de transports des représentants des salariés qui se déplacent en vue de connaître le climat social : “Certaines sociétés refusent de rembourser aux administrateurs représentant les salariés leurs déplacements dans d’autres filiales visant à y évaluer le climat social, considérant que ces derniers ne sont pas essentiels à leur mandat”.

 7 bonnes pratiques “structurantes” à suivre

S’il écarte toute augmentation du nombre d’administrateurs, le rapport plaide pour une règle de représentation proportionnée selon les sexes (pour les désignations par les OS et par le CE européen), ainsi que pour plus grande souplesse dans l’utilisation du droit à formation (**).

Il identifie enfin 7 “bonnes pratiques structurantes” que les entreprises sont invitées à suivre : 

  1. La présence des administrateurs représentant les salariés dans certains comités du conseil d’administration ou de surveillance suivant leurs appétences et leurs compétences ;
  2. Dans les sociétés anonymes ayant adopté la qualité de société à mission, la désignation de l’administrateur représentant les salariés parmi les membres du comité de mission – à noter que ce comité ne fait pas partie des comités chargés d’assister le conseil d’administration ou de surveillance dans ses missions mais constitue une instance distincte des autres organes sociaux ;
  3. L’envoi le plus précoce possible aux administrateurs de la documentation relative aux réunions du conseil d’administration, afin de donner à tous les administrateurs – et notamment aux représentants des salariés – suffisamment de temps pour leur permettre de prendre connaissance attentivement des éléments reçus, parfois très techniques ;
  4. Dans la mesure du possible, l’envoi de versions françaises des documents rédigés en langue anglaise à l’ordre du jour des réunions du conseil d’administration ;
  5. Le financement par la société de cours d’anglais pour les administrateurs représentant les salariés en faisant la demande, sans pour autant imputer ces cours sur les heures de formation obligatoires au titre de leur mandat ;
  6. Le financement par les sociétés de formations certifiantes pour les administrateurs représentant les salariés ; 
  7. L’attribution aux administrateurs représentant les salariés d’une rémunération en ligne avec celle des autres administrateurs et le remboursement auprès de ces derniers de certains frais liés à leurs déplacements au sein du groupe destinés à se renseigner sur les différentes filiales et leur climat social.

(*) Le pourcentage de représentants des salariés et des salariés actionnaires est passé de 7,1 % à 13,7 %, mais cela ne représente que 206 administrateurs en 2021 (sur 1 503 mandats), contre 105 en 2015 (1 477 mandats).

(**) Le législateur pourrait remplacer le quota minimal annuel d’heures de formation par un quota minimal moyen annuel d’heures de formation afin d’apporter une souplesse permettant une plus forte concentration de la formation en début de mandat

Un tiers des dirigeants craignent de donner trop de pouvoir aux syndicats
Dans son troisième rapport d’évaluation sur la loi Pacte (315 pages), France Stratégie, organisme rattaché au Premier ministre, aborde également la question des administrateurs salariés (voir pages 151-159). Leur présence reste cantonnée à un petit nombre d’entreprises, seules 18% des entreprises ayant un conseil d’administration ou de surveillance, relativise France Stratégie, selon laquelle les administrateurs classiques et les administrateurs salariés auraient un profil similaire, comme on le voit sur ce schéma :   Par ailleurs, 45 % des dirigeants interrogés par BVA déclarent ne pas connaître le dispositif des administrateurs représentant les salariés (sondage mené du 9 juin au 7 juillet 2022 auprès de 606 dirigeants d’entreprises de 10 salariés et plus, voir la synthèse ici). Tout comme le rapport du Trésor, celui de France Stratégie cite des études affirmant que la présence d’administrateurs salariés augmente la productivité de l’entreprise. Le rapport souligne aussi que les chefs d’entreprise ne souhaitent pas voir augmenté le nombre d’administrateurs représentant les salariés, mais 63% pensent qu’il serait utile de renforcer la présence des administrateurs salariés en leur accordant plus de ressources. Un tiers (31%) des dirigeants interrogés craignent de donner trop de pouvoir aux salariés et en particulier aux syndicats, près des trois quarts des répondants approuvant l’obligation légale pour les administrateurs salariés de renoncer à tout mandat syndical ou représentatif (72%), “notamment parce que cela permet d’éviter des dérives dans l’entreprise comme des conflits d’intérêt (20%), ou pour garantir la neutralité des administrateurs” (20% de citations également). 

Bernard Domergue

FORMATION

Les députés tentent de simplifier le parcours de la VAE

Alors que le projet de loi Marché du travail est examiné, depuis le 27 septembre, en commission des affaires sociales de l’Assemble nationale, les députés tentent de simplifier l’accès à la validation des acquis de l’expérience, considéré comme “un parcours du combattant”. Autrement dit : “une démarche difficile et contraignante pour une issue incertaine”. Concrètement, plusieurs amendements ont été adoptés pour apporter des retouches à l’article 4 du texte. Ainsi, la nouvelle version du projet de loi donne la possibilité aux candidats d’obtenir une VAE partielle, via l’obtention de blocs de compétences. Par ailleurs, elle double la durée du congé de VAE de 24 heures à 48 heures pour “sécuriser les parcours”. Enfin, elle prévoit de simplifier les règles portant sur la composition des jurys de VAE.

actuEL CE

Les députés musclent la proposition de loi sur la fraude au CPF

La proposition de loi “visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation” a été adoptée hier par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Le texte sera examiné le 6 octobre en séance publique.

Parmi les retouches, les députés étendent l’interdiction du démarchage commercial aux réseaux sociaux, en sus du téléphone, des SMS et des courriels. En cas de manquement à cette interdiction, ils fixent le montant de l’amende administrative à 75 000 euros maximum pour une personne physique et à 375 000 euros pour une personne morale.

Enfin, ils renforcent la procédure de référencement des organismes de formation. Ces derniers devront adresser à la Caisse des dépôts une demande ad hoc sur la plateforme Mon Compte Formation. Avec à la clef, plusieurs informations à transmettre (détention d’un numéro d’activité, absence de condamnation pénale, certification Qualiopi, habilitation à préparer ou délivrer une certification professionnelle…). La CDC se réserve également le droit de déréférencer un prestataire.

Selon Bruno Fuchs (Modem, Haut-Rhin), rapporteur de la proposition de loi, le montant de la fraude est estimé à 43,2 millions d’euros, en 2021, contre 7,8 millions d’euros, en 2020.

actuEL CE