Professeur de droit, Michel Miné est titulaire de la chaire Droit du travail et droits de la personne du Cnam (Conservatoire national des arts et métiers, LISE/Cnam/Cnrs). A ses yeux, l’arrêt de la cour d’appel de Paris reconnaissant le harcèlement moral institutionnel à l’oeuvre chez France Télécom est très important. Cette décision constitue selon lui un avertissement adressé aux dirigeants obnubilés par les objectifs financiers au point de négliger les effets de leurs décisions de gestion sur la santé des salariés. Interview.
Comment analysez-vous sur le plan juridique l’arrêt de la cour d’appelde Paris reconnaissant le harcèlement moral institutionnel envers les salariés de France Télécom ?
Cette décision valide le choix du tribunal correctionnel qui avait décidé de qualifier le harcèlement subi par les salariés de France Télécom de “harcèlement moral institutionnel”, le tribunal correctionnel ayant défini certaines caractéristiques de ce harcèlement moral institutionnel. Ce choix est donc validé par une deuxième juridiction, une juridiction plus élevée dans la hiérarchie, et qui plus est-il s’agit de la cour d’appel de Paris.
La décision est forte et déjà définitive pour ce qui concerne la personne morale France Télécom
Cette décision me paraît donc avoir un poids considérable. Au moment où nous échangeons ensemble, nous ignorons encore s’il y aura un pourvoi en cassation de la part des dirigeants (1). Néanmoins, la notion de “harcèlement moral institutionnel” me semble suffisamment stabilisée, et j’insiste sur le fait que la personne morale France Télécom a été condamnée pour ce harcèlement : comme la société -contrairement aux anciens dirigeants- n’avait pas fait appel, cette décision est définitive à son égard.
En quoi la motivation de cet arrêt se différencie-t-elle de celle du tribunal correctionnel ?
L’arrêt de la cour d’appel me semble d’une rédaction plus classique. Cette rédaction laisse moins de place aux analyses des experts et chercheurs qui explicitaient la situation sociale avec des arguments issus d’autres disciplines que le droit. Il faut dire que la cour d’appel n’avait pas souhaité que puissent à nouveau intervenir des personnalités, comme Christophe Dejours, qui avaient éclairé les débats devant le tribunal correctionnel.
Il n’y a pas de contradictions entre les deux décisions
Maintenant, je ne vois pas de contradiction entre les deux condamnations. Aussi bien le tribunal correctionnel que la cour d’appel critiquent la financiarisation des entreprises. Le jugement du tribunal correctionnel disait par exemple : “Cette politique a été choisie pour des raisons d’ordre financier, car l’entreprise devait créer de la valeur pour l’actionnaire”. La cour d’appel nous dit maintenant que les salariés ont été “sacrifiés aux priorités financières”, et que “la crainte des dirigeants de ne pas réaliser ces objectifs principalement financiers a pu les décider à instaurer la politique industrielle de harcèlement moral”. C’est une expression très forte.
Est-il exagéré de parler d’avertissement ?
Il me semble que les juges adressent un signal d’alarme concernant le poids de la financiarisation dans les grandes entreprises. Ils nous disent ici que cette tendance aboutit à ce que des décisions de gestion sont prises et mises en œuvre d’abord au profit des actionnaires, et que cela peut entraîner une dégradation des conditions de travail -c’est évident dans le cas de France Télécom- mais qui peut aussi nuire au développement socio-économique de l’entreprise. Autrement dit, non seulement la fin ne justifie pas les moyens, mais la fin doit déterminer les moyens !
Lors de la consultation sur les orientations stratégiques, le CSE pourrait citer cette décision en évoquant les effets sur la santé d’un grand projet ou d’une orientation
Si vous avez comme objectif un changement des qualifications de votre personnel et une réduction des effectifs, vous devez atteindre ces objectifs en respectant la santé des salariés. Peut-être cet arrêt pourrait-il donner une autre ampleur à la consultation du CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise. Au moment de cette consultation, même si on n’est pas en France dans la codécision, le CSE peut émettre un avis en disant : attention, telle grande orientation ou tel grand projet risque d’avoir des effets sur les conditions de travail des salariés !
Cet arrêt vous paraît-il solide sur le plan juridique ?
Par rapport à certains articles de presse que j’ai pu lire, je soulignerai d’emblée que nous ne sommes pas sur une nouvelle infraction. Le juge ne peut d’ailleurs pas créer une infraction, c’est bien entendu le domaine de la loi, et ce depuis 1789 ! Ceux qui ont déclenché l’action pénale ont donc choisi de se placer sur le terrain du harcèlement moral, une infraction existante.
Oui, car la Cour de cassation a déjà évolué sur le sujet
Quel a été le raisonnement du juge ? A partir de la catégorie juridique du harcèlement moral, il a appréhendé un nouveau type de harcèlement : le harcèlement moral institutionnel. Autrement dit, on peut avoir un harcèlement de nature institutionnel, c’est-à-dire un harcèlement sans lien direct entre les personnes en jeu. C’est une décision importante, mais ce n’est pas tout à fait nouveau. Dans son arrêt, la cour d’appel évoque d’ailleurs l’évolution de la position de la chambre criminelle de la Cour de cassation : “La jurisprudence de la chambre criminelle a évolué en adéquation avec celle de la chambre sociale considération prise de l’importance de l’enjeu en termes de santé publique”. Dans ce cadre, les chambres sociale et criminelle ont déjà abordé, sous l’angle du harcèlement moral, les méthodes de gestion.
Où se situe donc la nouveauté ?
Jusqu’à présent, on était plutôt sur ce qu’on pourrait appeler du harcèlement managérial : il y avait un lien entre des dirigeants, des managers et des salariés. La nouveauté, ici, c’est que le juge nous dit : ces dirigeants ne rencontrent pas personnellement les 120 000 salariés, la plupart d’entre-eux restent des anonymes pour les dirigeants.
L’arrêt explique qu’il y a un effet de “ruissellement” avec le harcèlement moral institutionnel
Mais cela n’empêche pas que ces dirigeants prennent des décisions qui vont avoir poureffet -et non pas pour objet, c’est important, il s’agit de conséquences pas forcément voulues- de générer des conséquences encascade -une formule juridique qu’il va falloir quand même préciser à un moment !-, avec un effet de “ruissellement”(ce n’est pas le ruissellement pour l’enrichissement mais comment ne pas y voir un clin d’œil ?) pour la dégradation des conditions de travail, par une décision qui part du haut et qui descend jusqu’à la victime. Dans la décision, nous avons une formule nous disant que, potentiellement, tous les salariés de l’entreprise sont concernés dès lors qu’ils ont subi une dégradation de leurs conditions de travail du fait des décisions de gestion des dirigeants, pas seulement ceux qui sont identifiés nominativement comme partie civile.
Cette motivation vous semble-t-elle tenir devant la Cour de cassation en cas de pourvoi ?
C’est bien sûr difficile à dire, mais il me semble que cela peut tenir (1). Par ailleurs, tout un ensemble de faits, rappelés dans l’arrêt, tendent à montrer que les dirigeants ne pouvaient pas ne pas avoir conscience que leurs décisions avaient pour effet une dégradation des conditions de travail.
Cela peut tenir
Après avoir mis en œuvre leurs décisions, les dirigeants auraient très bien pu écouter les alertes qui ont été dressées et revoir à tout le moins les modalités de leurs décisions. Le juge insiste sur les alertes adressées par les CHSCT, les organisations syndicales, les inspecteurs du travail, les médecins du travail, etc. Or les dirigeants n’ont pas écouté ces alertes, tout en ne pouvant pas ignorer, du fait de ces alertes, les conséquences de leurs décisions.
Nous sommes au pénal, mais il n’y a pas besoin de prouver l’intention de dégrader les conditions de travail pour mettre en cause la responsabilité des dirigeants…
En droit pénal, on a besoin d’un élément légal, d’un élément matériel et d’un élément moral. Concernant l’élément moral, on dit généralement qu’il faut prouver l’intention de commettre une infraction. Là, le juge reprend la jurisprudence de la chambre criminelle pour dire, en substance : “Ce n’est pas indispensable que le dirigeant ait eu l’intention de dégrader les conditions de travail” – ce serait un employeur sadique ! “En revanche, il est nécessaire de mettre en lumière le fait que le dirigeant avait conscience que ses décisions et ses actes avaient pour effet de dégrader les conditions de travail”.
Le dirigeant qui ne tient pas compte des alertes peut voir sa responsabilité engagée
Et comme le dirigeant, je le répète, n’a pas arrêté la mise en œuvre de sa politique en dépit des alertes, sa responsabilité peut être engagée” (2). Le juge considère donc qu’il est possible de réprimer sur le plan pénal un effet des décisions, et non pas seulement un objetdes décisions. Jusqu’à présent, même s’il y avait des évolutions de jurisprudence, on avait quand même tendance à considérer que des méthodes de gestion un peu “rudes”, même si elles avaient pour effet de dégrader les conditions de travail, n’étaient pas voulues et ne pouvaient donc être traités qu’au civil, pas au pénal. Nous franchissons une étape.
Cet arrêt peut-il avoir un effet sur les décisions de gestion du personnel ?
Je ne pense pas que le harcèlement moral institutionnel puisse être souvent invoqué dans les PME. En revanche, cette jurisprudence me semble être très importante pour les grandes entreprises, c’est-à-dire pour les organisations dans lesquelles les dirigeants prennent des décisions de gestion sans connaître les salariés, car ils ne les rencontrent pas.
Je le crois, une telle condamnation est particulièrement grave et infamante
La jurisprudence France Télécom va faire date. La société France Télécom est condamnée en tant que personne morale, ce qui signifie que l’infraction a été commise par ses organes et pour son compte, cela signifie que cette entreprise poursuivait des objectifs en commettant des actes interdits par la loi. Une société condamnée sur le plan pénal pour harcèlement moral, c’est quelque chose de particulièrement grave et d’infamant, une entreprise ne peut pas négliger ce risque. Nous sommes ici, en droit du travail, au niveau le plus élevé des infractions, celui du délit. Par ailleurs, je ne partage pas l’interprétation de la condamnation des dirigeants faite dans certains articles de presse qui insistent beaucoup sur l’allègement de la pleine par rapport à la première instance.
Je voulais justement vous poser la question. Comment faut-il comprendre le léger adoucissement des peines visant les anciens dirigeants, qui n’écopent plus de prison ferme mais de sursis ?
Cette décision peut être discutée. La cour d’appel indique qu’elle a tenu compte du fait que les principaux dirigeants ont 73 ans et 80 ans et qu’ils n’ont plus une activité professionnelle dirigeante. Cette “mansuétude” relative s’explique donc par l’âge des prévenus et par leur cessation d’activité.
La cour tient compte de l’âge des prévenus. Les peines seraient plus lourdes avec des dirigeants plus jeunes
Cela signifie que des dirigeants en pleine activité, plus jeunes, pourraient subir pour le même type de délit des condamnations plus sévères, car depuis 2014, la peine de prison pour ce délit a été aggravée pour être portée à deux ans. Et dans l’affaire France Télécom, le parquet avait demandé des peines de prison ferme. Elles auraient sans doute été aménagées au regard de l’âge des prévenus, mais vous voyez que nous sommes dans des affaires dont la peine doit faire réfléchir.
Que pensez-vous du remboursement très partiel des frais d’avocat des parties civiles, pointé notamment par la CFE-CGC ?
La cour accorde en effet seulement 1 500€, au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale, aux organisations qui ont porté l’affaire devant la justice, contre une moyenne d’environ 5 000€ pour les parties civiles des salariés (3).
L’égalité des armes entre les OS et les directions n’est pas assurée
Pour les organisations syndicales, on comprend qu’il y ait ici une difficulté : 1 500€, cela est très insuffisant pour rémunérer le travail d’un avocat qui a suivi du 11 mai au 1er juillet toutes les journées d’audience, qui a étudié le dossier, suivi toute la procédure, rédigé des conclusions, posé des questions… Au regard des moyens financiers, l’égalité des armes entre les organisations syndicales et les directions d’entreprises n’est pas ici assurée.
(1) L’interview a été réalisé par téléphone le mercredi 5 octobre 2022. Depuis, nous savons que les personnes condamnées ont formé un pourvoi en cassation. Rappelons que sous le nom d’affaire France Télécom, on désigne une vague de suicides et de dépressions intervenue dans l’entreprise à la suite de plans de réorganisation prévoyant, sans PSE, des mobilités forcées voire des pressions sur le personnel afin de réduire les effectifs de 22 000 personnes sur 3 ans.
(2) Extrait de l’arrêt : “Les décisions d’organisation prises dans le cadre professionnel peuvent, dans un contexte particulier, être source d’insécurité permanente pour tout le personnel et devenir harcelantes pour certains salariés (…) L’élément moral ne demande pas pour être caractérisé la démonstration de l’intention de nuire de la part des auteurs des agissements. En effet, la Cour de cassation a jugé que l’intention est rapportée dès que l’auteur avait conscience d’une possible dégradation des conditions de travail (..) Les justifications fournies par les prévenus selon lesquelles ils ne voulaient pas provoquer cette vague de suicides ou cette vague de dépressions n’ont aucun effet sur la caractérisation de l’élément moral dans le cadre du travail (…) Le harcèlement institutionnel a en effet pour spécificité d’être en cascade, avec un effet de ruissellement, indépendamment de l’absence de lien hiérarchique entre le prévenu et la victime”.
(3) Patrick Ackermann (ex DSC Sud, co-fondateur de l’observatoire du stress et des mobilités forcées), le syndicaliste de France Télécom qui a le premier porté l’affaire en justice, a reçu 10 000€ au titre du harcèlement subi. La cour considère que lui et d’autres représentants du personnel (secrétaires de CHSCT, secrétaires de CE…) ont été des “victimes par ricochet”, parce qu’ils se sont investis dans la défense des salariés et ont donc subi les effets de la souffrance de leurs collègues.
Bernard Domergue
Contrôle de l’aération des locaux de travail : les organismes temporairement désignés
Un arrêté du 16 septembre 2022 désigne temporairement les organismes pouvant procéder aux contrôles et mesures prescrits par l’agent de contrôle de l’inspection du travail permettant de vérifier la conformité de l’aération et de l’assainissement des locaux de travail aux dispositions des articles R. 4222-6 à R. 4222-17 et R. 4222-20 à R. 4222-21 du code du travail.
Cette désignation intervient dans l’attente de l’accréditation effective des premiers organismes habilités sur le fondement de l’arrêté du 20 décembre 2021 relatif aux conditions d’accréditation d’organismes et aux contrôles et mesures permettant de vérifier la conformité de l’aération et de l’assainissement des locaux de travail prescrits par l’agent de contrôle de l’inspection du travail.
Evaluer les facteurs de risques psychosociaux : une nouvelle brochure de l’INRS
L’INRS vient de mettre en ligne une nouvelle brochure portant sur la démarche d’évaluation des RPS (risques psychosociaux), en vue de leur intégration dans le document unique d’évaluation des risques professionnels et de la mise en place de mesures de prévention.
Elle décrit la démarche d’évaluation et de prévention étape par étape :
étape 1 – Préparer l’évaluation des facteurs de RPS : conditions de réussite, qui est impliqué/qui est concerné, découpage des unités de travail, informations à recueillir, question de la formation préalable aux RPS, aides accessibles à l’entreprise ;
étape 2 – Evaluer les facteurs de RPS : contenu de la grille d’évaluation de l’outil RPS-DU et son utilisation ;
étape 3 – Elaborer un plan d’actions ;
étape 4 – Mettre en œuvre le plan d’actions ;
étape 5 – Suivre et évaluer les actions.
La brochure renvoie à l’outil RPS-DU et à des tableaux associés (synthèse de l’évaluation des facteurs de RPS par unité de travail et suivi des actions de prévention.
actuEL CE
Le site d’information sur le passeport prévention est ouvert
Le passeport de prévention a été mis en place par la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. Il doit recenser l’ensemble des attestations, certificats et diplômes obtenus par le travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et sécurité au travail. La loi du 2 août 2021 prévoit une application à une date fixée par décret (non encore publié à cette heure) et au plus tard le 1er octobre 2022.
Un site internet consacré au passeport prévention vient d’être mis en place par le ministère du travail. Il contient une présentation générale du passeport de prévention et des informations personnalisées selon le type d’utilisateur : travailleurs, employeurs ou organismes de formation.
Ce site est considéré comme la première étape de la mise en œuvre du passeport de prévention, en vue du développement du dispositif au premier semestre 2023.
Cette nouvelle fiche pratique offre des pistes concrètes pour intégrer les enjeux soulevés par l’égalité professionnelle à la stratégie de l’entreprise, au dialogue social et à l’organisation du travail. Elle s’appuie sur l’analyse d’une cinquantaine d’accords signés en 2021 et 2022.
Dix axes sont ainsi développés :
intégrer les enjeux d’égalité à la stratégie de l’entreprise et à ses projets ;
soigner la préparation des négociations ;
présenter dans l’accord les éléments du diagnostic ;
prévoir un dispositif paritaire de suivi et d’évaluation ;
améliorer la mixité des emplois ;
favoriser les parcours et situations d’apprentissage pour toutes et tous ;
évaluer et prévenir les risques professionnels pour les femmes et pour les hommes ;
agir en amont sur les facteurs de risque des violences sexistes et sexuelles ;
améliorer l’organisation du temps de travail au bénéfice des femmes et des hommes ;
soigner les conditions du télétravail et du travail hybride.
Les heures de délégation ne doivent servir qu’à l’exercice des fonctions représentatives du personnel
L’employeur est en droit d’obtenir le remboursement des heures de délégation prises par le représentant du personnel pour se rendre aux entraînements de football de son fils.
Il va de soi que les heures de délégation sont exclusivement là pour permettre au représentant du personnel d’exercer ses fonctions représentatives. Elles ne doivent donc pas être utilisées pour des activités purement personnelles.
Hélas, comme en témoigne un arrêt de la cour d’appel de Caen du 7 juillet 2022, cela ne va de soi pour tout le monde.
L’employeur peut demander des précisions sur l’utilisation des heures
Il ne faut pas perdre de vue que l’employeur qui a un doute sur le bon usage des heures de délégation peut, après les avoir payées, demander au représentant du personnel de lui préciser les activités exercées pendant qu’il était en délégation. Sans avoir à justifier de l’utilisation qu’il a faite de ses heures (Cass. soc., 22 avr. 1992, n° 89-41.253), celui-ci a plutôt intérêt à répondre favorablement à cette demande de précisions s’il ne veut pas avoir à rembourser l’employeur.
► Remarque : il a été jugé que l’abstention d’un représentant du personnel de répondre à la demande de précisions sur les activités exercées en délégation autrement que par la transmission de bons de délégation s’analyse en un refus de réponse (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-19.194). De même, le salarié qui se contente d’indiquer les dates et le nombre d’heures de délégation utilisées, sans préciser la nature des activités exercées, ne permet pas à l’employeur de s’assurer que les heures de délégation ont été utilisées pour leur exercice (Cass. soc., 30 nov. 2004, n° 03-40.434).
C’est exactement ce qui s’est passé dans cette affaire à propos d’un représentant du personnel, délégué du personnel à l’époque des faits, à qui il était reproché d’avoir “utilisé ses heures de délégation pour se rendre aux entraînements de football de son fils”. Mis en demeure par son employeur de fournir des indications sur ses activités pour les mois de janvier, février et mars 2014, l’ancien DP s’était borné à indiquer sommairement qu’il n’avait jamais utilisé ses heures pour se rendre aux entraînements de foot, à l’exclusion de toutes autres observations.
Une attestation comme preuve
De son côté, l’employeur produisait une attestation du président du club de foot certifiant que cette personne participait depuis 2009 aux entraînements du lundi soir et du mercredi après-midi. A cela venait s’ajouter une correspondance d’un salarié de l’entreprise se plaignant du comportement harcelant de l’ex-DP et indiquant que les heures de délégation étaient “une excuse pour se rendre aux entraînements de son fils”.
Estimant que l’employeur apportait ‘”des éléments tendant à établir que les heures étaient utilisées à d’autres fins”, alors que le salarié n’avait jamais fourni et ne fournissait pas d’indications sur les activités exercées, les juges décident que la demande de remboursement des heures de délégation payées entre janvier et mars 2014 était pleinement justifiée.
► Remarque : un usage détourné des heures de délégation peut aussi faire l’objet d’une sanction disciplinaire en cas d’abus. Jugé par exemple que le représentant du personnel qui prend des heures de délégation pour rentrer précipitamment chez lui en vue d’aller rattraper son perroquet commet un abus et peut être sanctionné pour abandon de poste (Cass. soc., 13 janv. 2021, n° 19-20.781).
Frédéric Aouate
Un rapport de l’Ires pour la CGT évalue à 157 milliards le montant des aides publiques aux entreprises
L’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) vient de publier le document de recherche sur les aides publiques aux entreprises réalisé à la demande de la CGT. Intitulé “un capitalisme sous perfusion”, ce document évalue à 157 milliards d’euros le montant des aides publiques aux entreprises en 2019. “Ce chiffrage résulte du cumul des dépenses fiscales (61 mds €), socio-fiscales (65 mds €), et budgétaires (32 mds €), sans prendre en compte des dépenses fiscales déclassées”, peut-on lire dans la conclusion générale de ce rapport de plus de 200 pages.
Les auteurs soulignent que le poids du soutien public aux entreprises a plus que doublé depuis le début des années 2000, passant de 3 % du produit intérieur brut (PIB= environ à 6,44 % en 2019, c’est-à-dire avant les mesures d’urgence prises durant la crise sanitaire. Selon le rapport, les masses en jeu sont considérables : “Rapportées au budget de l’Etat (y compris les dépenses socio-fiscales), elles représentent plus de 30% des dépenses du budget inscrit dans le PLF 2021, soit encore presque trois fois le budget de l’éducation nationale pour 2022, ou 1,5 fois les dépenses consacrées aux soins hospitaliers en 2020 (cumul établissements publics et privés)”.
actuEL CE
Le b.a.-ba de la discrimination pour les élus qui gèrent les ASC
Attribuer des activités sociales et culturelles est une bonne chose, c’est même l’une des missions du CSE. Mais attention, en choisissant certains critères plutôt que d’autres, une bonne intention peut se transformer en discrimination. A la clé de ce faux pas, un redressement Urssaf qui peut coûter cher ! Les ASC sont en effet exonérées de cotisations sauf si elles sont discriminatoires. Thomas Ufarte, juriste-formateur au cabinet JDS, a présenté une conférence au salon Eluceo de Paris afin de guider les élus dans ces écueils.
La salle est bien remplie, ce jeudi 15 septembre, au salon Eluceo du stade de France. Les élus, très intéressés par le sujet des ASC (activités sociales et culturelles), sont venus nombreux écouter le juriste Thomas Ufarte. Est-ce à dire que le risque discriminatoire est mal maîtrisé par les représentants du personnel ? Loin d’aller jusque-là, Thomas Ufarte les met à l’aise : « le CSE définit les prestations, il est libre d’en prévoir ou pas. Autrement dit, les salariés n’ont pas de droit acquis aux ASC ». Mais il les met aussi en garde : “Le plus piégeux, ce sont les critères d’attribution, il y en a 27, la Cour de cassation les a définis en 1975 et on les retrouve à l’article L. 1132-1 du code du travail”. Avant de rentrer dans le détail, autant commencer par quelques définitions essentielles sur le sujet.
Qu’est-ce qu’une discrimination ?
Selon Thomas Ufarte, le CSE est en réalité confronté à deux principes distincts mais souvent confondus : l’absence de discrimination et l’égalité de traitement.
L’absence de discrimination se définit comme l’interdiction de traiter de manière moins favorable des salariés placés dans une situation comparable, soit en les excluant d’une ASC soit en modulant le niveau des prestations par le sexe, l’âge, l’activité syndicale ou tout autre motif énoncé à l’article L. 1132-1 du code du travail.
Attention : une discrimination indirecte s’immisce dans les ASC quand une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence entraîne en réalité un désavantage particulier. Un tel phénomène ne peut perdurer que s’il est objectivé et justifié par un but légitime, et si les moyens pour réaliser ce but sont nécessaires et appropriés.
Un bon exemple valant mieux qu’un long discours, Thomas Ufarte illustre son propos : “Imaginons que vous vouliez réserver un avantage aux salariés à temps plein. Vous excluez donc les personnes à temps partiel. Problème : les employés à temps partiel sont très souvent des femmes. Sans le vouloir peut-être au début, vous les traitez alors moins favorablement que les hommes. C’est une discrimination indirecte”.
Enfin, l’égalité de traitement est un principe plus large que la non-discrimination : il est interdit de traiter différemment des salariés placés dans une situation identique au regard de l’avantage considéré, sauf si cette différence repose sur des critères objectifs et pertinents (Cour de cassation, 30 janvier 2008, n° 06-46.447). Par exemple, si deux salariés ont le même profil professionnel, la même ancienneté, le même âge mais que l’une est moins bien payée que l’autre, l’égalité de traitement prescrit d’aller rechercher si l’employeur a de bonnes raisons de moins payer ce salarié. Quelle qu’en soit le motif, par exemple une moindre performance, il faudra l’objectiver avec les rapports d’évaluation annuelle en présentant un motif raisonné et licite de moins rémunérer le salarié.
Déterminer les bénéficiaires : les salariés et leur famille sont prioritaires
Les bénéficiaires habituels des ASC sont définis par l’article L. 2312-78 du code du travail : il s’agit “prioritairement des salariés, de leur famille et des stagiaires”. L’adverbe “prioritairement” est important ici : il signifie que les élus peuvent ouvrir les ASC à d’autres bénéficiaires mais que ceux-ci devront demeurer subsidiaires. Par exemple, ils peuvent proposer une billetterie aux seuls salariés dans un premier temps, puis en élargir l’accès à d’autres personnes comme aux anciens salariés retraités.
Cette priorité absolue des salariés s’entend quelle que soit la nature de leur contrat de travail, qu’ils soient en CDD ou en CDI ou encore à temps partiel.
La “famille” des salariés désigne les conjoints (mariés ou partenaires de Pacs) ainsi que les concubins. Sont considérés comme “enfants” ceux dont les salariés ont la charge permanente et effective, même issus d’une nouvelle union.
Enfin, les “stagiaires” sont des bénéficiaires courants des ASC, bien que non liés à l’entreprise par un contrat de travail mais par une convention de stage. Le code de l’éducation (article L.124-16) précise même qu’ils “accèdent aux activités sociales et culturelles (…) dans les mêmes conditions que les salariés”. Selon Thomas Ufarte, cela vaut quelle que soit la durée du stage. En revanche, le CSE peut introduire une condition d’ancienneté.
A titre subsidiaire, le CSE peut donc ouvrir les ASC aux retraités ou aux salariés licenciés. Les intérimaires en bénéficient dans leur entreprise d’origine, mais doivent avoir accès aux installations de restauration collective dans l’entreprise d’emploi (article L.1251-24 du code du travail).
Critères d’accès : l’épineuse modulation
Le CSE doit fixer les critères d’accès en respectant à la fois la non-discrimination et l’égalité de traitement. L’ancienneté est un critère couramment retenu à condition de n’être pas excessive, notamment si elle a pour effet d’exclure systématiquement les salariés en CDD. Thomas Ufarte précise que “une condition d’ancienneté d’un an vaut presque toujours un redressement Urssaf. A hauteur de six mois, cela dépend des cas, et trois mois, ça passe presque toujours”.
Autre critère licite : la présence effective à un événement (le repas de fin d’année par exemple). Attention toutefois à ne pas en faire une condition de présence à un événement du CSE : il faut tenir compte des salariés qui ne se trouvent pas dans les locaux de l’entreprise en raison du télétravail ou d’un arrêt maladie par exemple. Ainsi, la remise de cadeaux de Noël peut être prévue pendant un mois dans les locaux du CSE, puis selon d’autres modalités pour les salariés absents.
Sont donc illicites les critères fondés sur le statut ou la nature juridique du contrat de travail, le statut (cadre ou non cadre) et la présence effective dans l’entreprise.
Naviguer entre critères licites et illicites
Quant à la modulation des critères, la loi ne prévoit pas expressément cette obligation. Cependant, l’absence totale de modulation fait courir un risque de redressement si l’on en croit le site de l’Urssaf. En effet, indique Thomas Ufarte, “si on ne module pas les critères d’attribution, l’Urssaf risque de voir dans l’ASC une contrepartie automatique, en nature ou en argent, de la prestation de travail. Donc de ramener l’ASC à du salaire et donc d’appliquer des cotisations”.
Comme pour l’attribution des ASC, certains critères de modulation sont licites : la rémunération des salariés, le quotient familial, l’impôt sur le revenu, le nombre d’enfants à charge ou encore le bon vieux tirage au sort. Des éléments certes intrusifs, qui poussent les élus à entrouvrir la porte de la vie privée des salariés mais qui permettent aussi de se fonder sur ces informations pour cibler les salariés qui ont le plus besoin d’aide. En revanche, la jurisprudence a écarté comme illicites la nature du contrat, la durée du travail, l’atteinte d’objectifs professionnels ou encore le site géographique.
Attention, prévient Thomas Ufarte, si respecter ce qui est indiqué sur le site de l’Urssaf protège la plupart du temps d’un redressement, à l’inverse, une procédure reste possible si un critère jugé licite crée une inégalité dans l’entreprise. Il faut donc être très vigilant dans l’application pratique des critères. Un élu présent dans la salle de conférence en profite pour demander au juriste formateur comment savoir quand se prépare un contrôle Urssaf à l’encontre du CSE. Réponse : “En général, les inspecteurs viennent contrôler l’entreprise, et c’est à l’occasion de ce déplacement qu’ils viennent contrôler aussi le CSE”.
Communiquer les critères aux salariés
Il reste ensuite à bien communiquer les différents critères aux salariés, par exemple en annexe du catalogue des ASC. L’Urssaf contrôle aussi cette communication, “c’est même la première chose qu’elle va regarder”, pointe Thomas Ufarte. Ce dernier attire aussi l’attention des élus sur le traitement de la base de données personnelles qui contiendra les informations relatives aux salariés. Les justificatifs demandés au personnel ne sont à conserver que pendant 10 ans. Pendant cette période, il faut être en mesure de les fournir à l’Urssaf. Le juriste recommande aux élus de s’appuyer sur les données que déteint l’employeur afin d’alléger leur gestion administrative : “Vous pouvez lui demander de classer les salariés par tranches de salaires. Ainsi, c’est l’employeur qui vous fournira le fichier vous permettant de savoir dans quelle tranche se trouvent les salariés ayant droit à telle ou telle ASC. Cela fait gagner du temps”.
Une précision au sujet des justificatifs : si un salarié refuse de les fournir, le CSE ne peut pas l’exclure pour autant de l’ASC, mais il peut la limiter au minimum. Autre question pratique posée par un élu : que faire si le CSE demande un acte de naissance d’un enfant, et que ce dernier étant né à l’étranger, l’acte de naissance n’est pas rédigé en français ? “Dans ce cas, demandez au salarié de faire traduire le document”, répond Thomas Ufarte. “Et si un salarié fournit un justificatif de l’année 2021 pour une ASC proposée en 2022 ?”, demande un autre élu. Réponse du juriste : “Il faut alors répondre au salarié qu’il faut un justificatif de l’année, sinon l’Urssaf risque de redresser”.
Le rescrit social : un outil à manier avec précaution
Le rescrit social est une demande écrite formulée par l’entreprise à l’Urssaf afin de l’interroger sur une pratique. Seul le cotisant (l’employeur) peut demander un rescrit, le CSE ne peut donc pas le faire sans son accord. Il ne pourrait agir seul que pour les cotisations qu’il aurait lui-même versées et afférentes aux salaires de ses propres employés. L’Urssaf dispose ensuite de 20 jours pour solliciter des informations complémentaires. L’absence de réponse au bout de trois mois interdit tout redressement par l’Urssaf, mais uniquement fondé sur la question qui était posée dans le rescrit. Ainsi, l’Urssaf pourra opérer un redressement sur un autre point. Il faut également rester prudent en matière de rescrit car il peut aussi être utilisé par l’Urssaf pour déclencher un contrôle. Mieux vaut donc la solliciter pour des projets que pour des ASC déjà mises en œuvre…
Marie-Aude Grimont
Seul un abus commis dans le cadre de l’exercice du mandat syndical peut justifier une sanction disciplinaire
Le fait d’adresser à une autorité de tutelle un courrier pour faire remonter les interrogations des salariés quant aux projets de la direction ne constitue pas un abus dans la liberté d’expression et l’exercice du mandat.
Il existe une règle, plusieurs fois rappelée par la jurisprudence, d’après laquelle le représentant du personnel ne peut être sanctionné pour des faits commis dans le cadre de l’exercice de son mandat qu’en cas d’abus. A titre d’exemple, il a été jugé que le fait de prendre la défense d’un salarié à l’occasion d’une réunion commerciale ne constitue pas un abus dans l’exercice du mandat (Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 18-16.713).
L’abus a en revanche été admis dans les situations suivantes :
un représentant du personnel qui impose sa présence à un entretien informel entre l’employeur et un salarié et qui perturbe le déroulement de l’entretien (Cass. soc., 23 oct. 2019, n° 17-28.429) ;
un délégué syndical qui impute une absence précipitée de l’entreprise pour aller rattraper son perroquet sur ses heures de délégation (Cass. soc., 13 janv. 2021, n° 19-20.781) ;
des élus du personnel au comportement violent qui s’en prennent de façon agressive et réitérée à la DRH, en l’empêchant de présenter les dossiers (Cass. soc., 2 juill. 2015, n° 14-15.829).
Nouvel exemple de cette jurisprudence avec un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 septembre 2022.
Un courrier en cause
L’affaire se déroule au sein d’une association chargée d’accueillir des enfants handicapés. Reprochant à une délégué syndicale “d’avoir adressé au directeur général de l’Agence régionale de santé Grand Est un courrier mettant gravement en cause l’organisation de l’établissement et les décisions de sa directrice”, l’employeur décide de sanctionner l’intéressée par une mise à pied disciplinaire.
La déléguée syndicale porte l’affaire en justice en vue d’obtenir des prud’hommes l’annulation de la sanction disciplinaire, ainsi que des dommages-intérêts pour atteinte à l’exercice de ses fonctions représentatives du personnel.
Dans son arrêt du 28 septembre 2022, la Cour de cassation valide définitivement l’annulation par la cour d’appel de la mise à pied disciplinaire.
La liberté d’expression prévaut, sauf abus
Comme le rappellent les juges, sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression et qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (article L. 1121-1 du code du travail). Il est également rappelé que “le représentant du personnel, sauf abus, ne peut être sanctionné en raison de l’exercice de son mandat pendant son temps de travail”.
Or, dans cette affaire, “la salariée avait, en sa qualité de représentante du personnel, adressé … à l’Agence régionale de santé une lettre, à la demande de salariés de l’association et en l’absence de réponse de celle-ci à leurs interrogations quant aux projets envisagés par la directrice de l’établissement et leur impact sur leurs conditions de travail et la qualité de l’accueil des résidents”. D’une part, “cette lettre ne comportait aucun élément injurieux, abusif ou excessif”. D’autre part, “l’association ne démontrait pas la mauvaise foi de la salariée”.
En conséquence, rien ne justifiait la mise à pied disciplinaire prononcée par l’employeur.
Frédéric Aouate
Raffineries Total : vers un avancement des négociations salariales ?
Hier après-midi, deux syndicats sont venus en soutien des salariés grévistes des raffineries Total qui réclament des hausses de salaires. La CGT a diffusé un communiqué de presse (en pièce jointe) dans lequel elle fustige “les élus et autres personnalités [qui] remettent en cause ce droit constitutionnel, en appelant à briser la grève par le pourrissement et y compris par le recours à la force”. Le syndicat dit avoir interpellé Elisabeth Borne “pour que s’ouvrent immédiatement, dans les raffineries comme dans toutes les branches, les négociations sur les légitimes revendications des salariés”.
Avancer les négociations salariales pour tenter de déverrouiller le conflit, c’est également le message de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, interrogé sur France 5 : “Il est juste que les salariés se battent pour une revalorisation salariale. Nos militants sont présents autour de la table de négociations. C’était prévu mi-novembre, avançons la date. Il faut débloquer cette situation indigne pour les citoyens.”
Plus tôt dans l’après-midi, le Medef a lui aussi appelé aux négociations : “Il est urgent que les syndicats saisissent la main tendue par Exxon Mobil et Total Energies pour ouvrir des négociations et trouver une solution par le dialogue social”.
actuEL CE
Prime de partage de la valeur : une instruction interministérielle est publiée
La loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (article 1er) a, en quelque sorte, pérennisé la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat depuis le 1er juillet dernier. C’est d’ailleurs la mesure phare de cette loi.
S’il ressemble beaucoup à la Pepa, ce nouveau dispositif, rebaptisé pour l’occasion prime de partage de la valeur (ou PPV), n’est pas complètement identique à la Pepa. Par exemple, il est financièrement moins intéressant puisque la défiscalisation et l’exonération de CSG/CRDS attachées à la prime sont temporaires.
Pour une application sereine du dispositif ne manquait plus qu’une instruction interministérielle. Elle est diffusée dans le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) depuis le 10 octobre.
L’instruction apporte, sous la forme d’un questions-réponses, des précisions sur les conditions d’attribution et de versement de cette nouvelle prime. Elle intègre certaines des précisions apportées par l’instruction n° DSS/5B/2021/187 du 19 août 2021 s’agissant de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat qui pouvait être versée jusqu’au 31 mars 2022.
En outre, elle indique, entre autres, que :
la prime de partage de la valeur est bien soumise à la taxe sur les salaires lorsqu’elle est assujettie à CSG/CDRS ;
pour bénéficier du plafond d’exonération majoré (6 000 euros), l’accord d’intéressement ou de participation volontaires doit produire ses effets au titre du même exercice que celui du versement de la prime : il doit donc être conclu avant le versement de la prime mais le dépôt de l’accord auprès de l’administration peut être lui postérieur à ce versement ;
pour les primes bénéficiant de l’exonération temporaire de CSG/CRDS et d’impôt sur le revenu, les échéances de versement ne pourront être postérieures au 31 décembre 2023 ;
si un salarié éligible à la prime quitte l’entreprise avant le dernier versement de la prime, le reliquat doit être versé avec le solde de tout compte.
Aucune précision nouvelle sur les critères de modulation de la prime ne figure dans l’instruction.
► L’administration invite les lecteurs à lui faire remonter les questions que ne seraient pas traitées dans l’instruction.
Nous reviendrons en détail sur le contenu de cette instruction dans une prochaine édition.
actuEL CE
Activités sociales et culturelles : un plafond de 183€ pour 2023
D’après le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS), le plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS) s’élèvera 3 666 euros en 2023, soit une hausse de 6,9% au premier janvier (Ndlr : un arrêté devra confirmer ce nouveau plafond avant la fin de l’année). En conséquence, le seuil d’exonération des bons d’achat devrait normalement s’élever à 183 euros (soit 5 % du PMSS).
actuEL CE
Crise énergétique : panorama des mesures intéressant les entreprises
Incitations à la sobriété, aides au règlement des factures, obligations d’économie dans les commerces… Les dispositifs mis en place par le gouvernement pour contenir la crise énergétique se multiplient. Tableau récapitulatif.
L’hiver se profile. Pour éviter la pénurie d’énergie, le gouvernement a présenté jeudi dernier son fameux plan de sobriété. Les entreprises sont incitées à présenter au CSE une trajectoire de réduction de leur consommation énergétique. Le même jour, deux décrets publiés au JO limitent la consommation d’énergie des commerces dans toutes les communes. De son côté, Bercy développe son arsenal d’aide aux entreprises pour faire face à la hausse du prix de l’énergie. Le point à date sur les obligations, incitations et subventions liées à la crise énergétique qui concernent les entreprises.
Action / Mesure
Précisions
Entrée en vigueur
Nature
Économie d’énergie
Éteindre les publicités lumineuses (enseignes, panneaux, etc.) entre 01h00 et 06h00 du matin
Jusqu’ici réservée aux communes de moins 800 000 habitants, l’interdiction de laisser les publicités lumineuses allumées la nuit a été généralisée à l’ensemble des communes par un décret du 5 octobre. Certaines publicités lumineuses la nuit restent autorisées : celles des aéroports, celles éclairées par projection ou transparence supportées par le mobilier urbain et celles numériques supportées par le mobilier urbain, à condition que leurs images soient fixes. À partir du 1er juin 2023, seules les publicités lumineuses installées sur l’emprise des aéroports et celles supportées par du mobilier urbain affecté aux services de transport et durant les heures de fonctionnement desdits services pourront être allumées la nuit. En cas de non-respect, l’entreprise s’expose à une contravention de 1 500 € pour les personnes physiques, au lieu de 750 € (jusqu’à 7 500 € pour les personnes morales).
7 octobre 2022
Obligation
S’équiper de systèmes de fermeture manuels ou automatiques limitant les déperditions thermiques…
Un autre décret du 5 octobre oblige les exploitants de locaux dans lesquels sont exercées des activités tertiaires marchandes ou non marchandes (commerces de prêt-à-porter, bureaux, etc.), chauffés ou refroidis à l’aide d’un ou de plusieurs systèmes de chauffage ou de climatisation et donnant sur des espaces extérieurs ou sur une partie de bâtiment non chauffée ou refroidie, de s’équiper de « systèmes de fermeture manuels ou automatiques limitant les déperditions thermiques ».
7 octobre 2022
Obligation
… et fermer les portes de l’établissement en journée
Lorsqu’un ou plusieurs de ces systèmes de chauffage ou de climatisation fonctionnent, ces systèmes de fermeture ne doivent pas, en condition normale d’exploitation, être maintenus ouverts par l’exploitant du bâtiment ou de la partie de bâtiment concerné, y compris pendant les heures d’ouverture aux usagers. Cette disposition ne s’applique pas lorsque des exigences de renouvellement d’air intérieur le nécessitent afin de prévenir les risques de contamination au Covid-19. En cas de non-respect, l’exploitant s’expose à une amende administrative de 750 €.
7 octobre 2022
Obligation
Plan de sobriété
Adapter la température du chauffage
Le gouvernement préconise de s’assurer de la bonne fermeture des locaux chauffés et d’adapter la température des bâtiments en fonction de l’occupation et de la température extérieure : 19 °C pour les pièces occupées, 16 °C hors période d’occupation et 8 °C si les lieux sont inoccupés plus de deux jours.
Dès que possible
Incitation
Éteindre l’éclairage intérieur des bâtiments dès inoccupation
Le gouvernement conseille également de mettre en place des automatismes de détection de présence et d’asservissement à la lumière du jour, de réduire l’éclairage extérieur, d’éteindre les lumières lors des périodes de fermeture et de réduire l’éclairage extérieur, notamment publicitaire.
Dès que possible
Incitation
Diagnostiquer la performance des bâtiments et l’isolation des infrastructures
Il convient de vérifier l’isolation des sols, fenêtres, murs, etc. Le gouvernement propose d’installer des dispositifs de gestion technique des bâtiments. Les PME de 20 à 250 salariés peuvent se tourner vers le programme d’accompagnement diag éco-flux de Bpifrance et l’Ademe. Pour identifier les économies rapidement réalisables, les CCI et CMA proposent des accompagnements et des visites énergie.
Dès que possible
Incitation
Instaurer un suivi précis des consommations d’énergie
En installant des outils de pilotage, de suivi, de mesure en temps réel des consommations énergétiques (eau chaude, gaz, électricité, etc.).
Dès que possible
Incitation
Sensibiliser et former les salariés aux écogestes
En les sensibilisant à l’efficacité énergétique, en les formant aux enjeux environnementaux, en les incitant à réduire l’impact de leurs déplacements, etc.
Dès que possible
Incitation
Relayer auprès des salariés les alertes relatives aux périodes de tension sur le réseau via le dispositif ÉcoWatt
Le dispositif Ecowatt, “sorte de météo de l’électricité en temps réel” (rouge = système électrique très tendu avec coupures possibles, orange = système électrique tendu, vert = consommation normale), a été mis en place par le gestionnaire du réseau électrique français RTE, en partenariat avec l’Ademe. Disponible depuis plusieurs années dans certaines régions de France avec le site internet MonEcoWatt (Bretagne, Provence-Alpes-Côte d’Azur), ce service serait étendu d’ici le début de l’hiver à l’ensemble du territoire à travers une application, a annoncé le gouvernement. Le site Ecowatt propose un système d’alertes vigilance coupure pour avertir les utilisateurs en cas de tensions sur le réseau électrique et de potentielles coupures de courant dans chaque région.
Dès que possible
Incitation
Mettre en place des solutions techniques moins énergivores
Actions possibles : remplacer du matériel et équipements ; déployer des LED ou des éclairages basse consommation ; optimiser les appareils à air comprimé (recherche de fuites, arrêt des compresseurs en période d’inactivité, nettoyage des filtres, diminution de la pression des soufflettes à 2 bars, etc.), les fours, les séchoirs et ventilations, les débits et températures ; diminuer la pression du réseau vapeur ou du débit d’air ; vérifier l’état des calorifuges ; installer des portes sur les meubles frigorifiques ; vérifier le bon réglage et entretenir les chaudières, les pompes de circulation d’eau chaude, les pompes à chaleur, les systèmes de climatisation réversibles, etc.
Dès que possible
Incitation
Intégrer des dispositions de sobriété énergétique dans les contrats fournisseurs
Sous-traitants et autres parties prenantes amont et aval, y compris les clients.
Dès que possible
Incitation
Mettre en place des dispositifs de chauffage autonome ou de récupération de chaleur
Dès que possible
Incitation
Favoriser la mobilité durable
Le gouvernement préconise de : regrouper les déplacements et supprimer les déplacements inutiles (la voie aérienne, exclusivement par ligne régulière, ne devra être utilisée que lorsque le temps de trajet par voie ferroviaire est supérieur à 4 heures pour un aller ou 6 heures aller-retour dans une même journée) ; déployer le forfait mobilités durables ainsi que le dispositif crédit mobilité pour les salariés bénéficiant de véhicule de fonction ; optimiser ou créer et contractualiser avec les partenaires sociaux des plans de mobilité.
Dès que possible
Incitation
Désigner un référent “énergie”
Le gouvernement propose de désigner ou créer dans chaque établissement un ambassadeur ou référent de la sobriété énergétique.
Dès que possible
Incitation
Présenter une trajectoire de réduction de la consommation d’énergie
Et un plan d’actions mené en faveur de la sobriété énergétique au CSE ou aux délégués syndicaux.
Dès que possible
Incitation
Prévoir une organisation en télétravail pour les situations d’urgence
En cas de tension particulière sur le réseau (signal ÉcoWatt rouge), le gouvernement demande aux entreprises de prévoir avec les partenaires sociaux une organisation en télétravail adaptée. “Le télétravail, associé à la fermeture des bâtiments concernés, pourrait être déclenché dans les situations d’urgence en cas de tension importante sur le réseau électrique, afin de maximiser les économies d’énergie liées à l’activité dans les bâtiments”, explique-t-il dans son dossier de presse.
Dès que possible
Incitation
Aides aux entreprises
Aide aux entreprises energo-tensives
L’aide “gaz et électricité” comprend plusieurs volets plafonnés respectivement à 2 M€, 25 M€ et 50 M€, selon les spécificités de l’entreprise. Bercy a annoncé le 5 octobre “l’extension en 2023 et la simplification à venir des aides au paiement des factures d’électricité et de gaz pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie”.
La subvention peut couvrir la période de consommation énergétique du 1er mars 2022 au 31 décembre 2022. Les demandes peuvent être déposées entre le 4 juillet 2022 et le 24 février 2023 (attention aux périodes d’éligibilité).
Subvention
PGE résilience
Le PGE Résilience (PGER) intervient en complément du PGE instauré avec la crise sanitaire. Il est entièrement cumulable avec le ou les PGE obtenu(s) jusqu’au 30 juin 2022. Le plafond des PGER est égal à un montant correspondant à 15 % du chiffre d’affaires (CA) moyen réalisé sur les trois derniers exercices comptables clôturés. À noter, des prêts bonifiés résilience au taux de 2,25 % sont également disponible pour les PME et ETI n’ayant pas obtenu en tout ou partie de PGE, ayant des perspectives réelles de redressement de leur exploitation et ne faisant pas l’objet de procédures collectives (cf. CODEFI et CRP)
Disponible depuis le 8 avril et jusqu’au 31 décembre 2022
Prêt
Bouclier tarifaire
Le bouclier tarifaire, déjà prolongé jusqu’en décembre 2022 pour le gaz, et jusqu’au 1er février 2023 pour l’électricité, serait reconduit en 2023, a annoncé le gouvernement début septembre. Les TPE (< 10 salariés et chiffre d’affaires, recettes ou total du bilan annuel < 2 M€) ayant une puissance de compteur inférieure ou égale à 36 kVA et souscrit à une offre de fourniture d’électricité aux tarifs réglementés de vente (TRV) bénéficieraient en 2023 d’une hausse des tarifs d’électricité limitée à 15 % (au lieu de 4 % en 2022).
Pour l’instant, jusqu’au 31 décembre 2022
Aide forfaitaire
Mise en place d’une garantie de l’État pour réduire le risque de défaut de l’entreprise cliente d’un fournisseur
Le gouvernement a annoncé la mise en place dès le PLF 2023 d’une garantie de l’État pour réduire le risque de défaut de l’entreprise cliente d’un fournisseur. “L’État viendra contre-garantir les cautions bancaires demandées lors de la souscription de contrats de fourniture d’énergie et réassurer les contrats de fourniture d’énergie couverts par des assureurs crédits”, précise-t-il dans son communiqué du 5 octobre.
À venir
Garantie
Publication d’un prix de référence de l’électricité
Le gouvernement a également annoncé le 5 octobre la “publication à venir par la CRE d’un prix de référence de l’électricité pour plusieurs profils de consommateurs professionnels”. “Cet indicateur permettra aux entreprises et collectivités de comparer ce prix de référence avec l’offre reçue d’un fournisseur avant de s’engager”.
À venir
Soutien
Charte des fournisseurs
Une charte comprenant 25 engagements a été signée par des fournisseurs (EDF, Engie, TotalEnergies, GEG, Seolis, Soregies, Alterna Energies) et des associations de fournisseurs (AFIEG, UFE, UNELEG, ANODE, ELE) “pour aider les consommateurs [dont les entreprises] à faire face à la crise énergétique”. Parmi ces engagements : prévenir les entreprises de la fin de validité de leur contrat au moins 2 mois en avance ; favoriser la mise en place des facilités de paiement pour les entreprises en difficulté ; informer les entreprises sur les risques et opportunités des offres commerciales ayant différentes maturités d’engagement et niveau d’exposition au marché.
5 octobre, à venir
Engagement
Recours en cas de litige avec un fournisseur
Pour résoudre les litiges en matière d’énergie, les TPE (< 10 salariés et chiffre d’affaires, recettes ou total du bilan annuel < 2 M€) peuvent saisir le médiateur national de l’énergie. Les autres entreprises peuvent saisir le médiateur des entreprises ou, si le litige concerne le fournisseur EDF ou le fournisseur ENGIE, le médiateur de ces entreprises.
Contact
Matthieu Barry
Violation du statut protecteur : précisions sur les droits à congés payés en cas de départ en retraite
En cas de licenciement en violation du statut protecteur, un salarié protégé demandant sa réintégration puis faisant valoir ses droits à la retraite a droit au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés, sauf pour la période d’exclusion pendant laquelle il a occupé un autre emploi.
Dans cette décision du 21 septembre 2022, la Cour de cassation apporte une précision importante sur l’indemnisation des congés payés dans le cas du salarié protégé ayant demandé sa réintégration mais ayant fait valoir ses droits à la retraite avant d’être réintégré. L’arrêt sera publié au rapport annuel de la Cour de cassation, et fait l’objet d’une notice explicative.
Départ à la retraite avant réintégration
Dans cette affaire, un salarié protégé est licencié sans autorisation administrative. Il saisit le conseil de prud’hommes aux fins de déclarer son licenciement nul et d’ordonner sa réintégration. Presque trois ans plus tard, l’instance est toujours en cours, et le salarié, qui n’a pas été réintégré, fait valoir ses droits à la retraite. Le salarié demande notamment le paiement des congés payés assis sur l’indemnité due au titre de la violation de son statut protecteur.
La cour d’appel refuse au motif que cette indemnité n’ouvre pas droit aux congés payés. Le salarié conteste. Pour lui, “un salarié dont le licenciement est annulé par une décision judiciaire en raison de la violation de son statut protecteur contre le licenciement a droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de son départ à la retraite”.
Droit à l’indemnisation des congés payés pour la période d’éviction
La Cour de cassation donne raison au salarié protégé. Ainsi, conclut la chambre sociale, “le salarié protégé, dont le licenciement est nul en l’absence d’autorisation administrative de licenciement et qui a demandé sa réintégration, a fait valoir, ultérieurement, ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration dans l’entreprise, l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur ouvre droit au paiement, au titre des congés payés afférents, à une indemnité compensatrice de congés payés. Dans l’hypothèse où le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de son départ à la retraite, il ne saurait toutefois prétendre, à l’égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi”.
En d’autres termes, même si la réintégration devient impossible du fait de son départ en retraite, le salarié protégé licencié en violation de son statut protecteur a droit à l’indemnité compensatrice pour les congés payés entre la date de son éviction et la date de son départ en retraite, déduction faite, le cas échéant, de la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi.
►Pour justifier sa solution, comme elle l’explique dans la notice explicative de l’arrêt, la Cour de cassation s’appuie sur sa jurisprudence et sur celle de la Cour de justice de l’Union européenne.
Séverine Baudouin
Ce que prévoit le PLFSS 2023 en matière de contrôle Urssaf
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 (PLFSS) a été déposé à l’Assemblée nationale le 26 septembre dernier. Il sera discuté en séance publique à compter du 20 octobre. Plusieurs mesures viennent modifier les règles du contrôle Urssaf.
L’article 6 (I, 7°) prévoit de pérenniser la limitation à 3 mois de la durée totale du contrôle Urssaf (de l’annonce de son engagement à sa clôture) dans les entreprises de 10 à moins de 20 salariés. Cette mesure était en expérimentation depuis 2018. Cette durée ne pourrait cependant pas s’appliquer en cas de travail dissimulé, obstacle à contrôle, abus de droit, comptabilité insuffisante, ou document inexploitable. De même en présence d’une documentation transmise par le cotisant plus de 15 jours après la réception de la demande de l’agent de contrôle et en cas de demande de report d’une visite de l’agent par la personne contrôlée.
L’article 6 (I, 5°) prévoit que l’agent de contrôle serait autorisé à utiliser les documents et informations obtenus lors du contrôle de toute personne appartenant au même groupe que la personne qu’il contrôle. Ce nouveau droit serait assorti de garanties pour le cotisant : il serait informé de la teneur et de l’origine des documents ou informations obtenus sur lesquels le contrôleur se fonde et une copie des documents lui serait communiquée sur sa demande.
Enfin, l’article 41 (I, 3°) prévoit que les greffiers des tribunaux de commerce soient autorisés à transmettre aux agents des organismes de protection sociale et de l’État des renseignements et documents recueillis dans l’exercice de leur mission et faisant présumer des fraudes en matière de cotisations et prestations sociales.
Ces mesures entreraient en vigueur au 1er janvier 2023.
actuEL CE
Les entreprises françaises sont-elles devenues dépendantes des aides publiques ?
Réalisé pour la CGT, un rapport de l’Ires, l’institut de recherches économiques et sociales, évalue à 157 milliards (dont 60 milliards d’exonérations de cotisations) le montant des aides publiques aux entreprises. Les auteurs mettent en question l’évaluation et l’efficacité de ces aides, la politique d’exonération des cotisations patronales et d’abaissement du coût du travail pouvant même dissuader, selon eux, les entreprises d’investir dans l’innovation et la productivité.
L’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) vient de publier un document de recherche sur les aides publiques aux entreprises réalisé à la demande de la CGT (1). Intitulé “Un capitalisme sous perfusion”, ce document de 212 pages évalue à 157 milliards d’euros le montant des aides publiques aux entreprises en 2019. “Ce chiffrage résulte du cumul des dépenses fiscales (61 mds €), socio-fiscales (65 mds €), et budgétaires (32 mds €), sans prendre en compte des dépenses fiscales déclassées”, peut-on lire dans la conclusion générale de cette étude.
Les auteurs soulignent que le poids du soutien public aux entreprises a plus que doublé depuis le début des années 2000, passant de 3 % du produit intérieur brut (PIB) égal à environ 6,44 % en 2019, c’est-à-dire avant les mesures d’urgence prises durant la crise sanitaire. Selon le rapport, les masses en jeu sont considérables : “Rapportées au budget de l’État (y compris les dépenses socio-fiscales), elles représentent plus de 30% des dépenses du budget inscrit dans le PLF 2021, soit encore presque trois fois le budget de l’éducation nationale pour 2022, ou 1,5 fois les dépenses consacrées aux soins hospitaliers en 2020 (cumul établissements publics et privés)”.
Focus sur le choix politique de baisser le coût du travail
L’étude comporte de multiples volets sur les taux de prélèvements obligatoires, sur l’innovation et le Crédit d’impôt recherche avec une appréciation très négative sur ce dispositif, etc. Nous n’aborderons ici que la partie relative au coût du travail et aux aides publiques aux entreprises destinées à faire baisser ce coût du travail (pages 81-116 du rapport). Ce chapitre traite des exonérations générales de cotisations patronales mises en place depuis 1993 et développées depuis, ainsi que le Crédit d’impôt crédit compétitivité emploi (CICE) lancé par François Hollande en 2013.
Cette politique se justifie, explique l’étude, par l’idée que la France aurait un coût du travail trop élevé. Cela entraînerait deux conséquences : un chômage important pour les travailleurs non qualifiés et des pertes de marché à l’exportation pour les entreprises françaises, celles-ci étant désavantagées par leurs concurrents étrangers.
Pour remédier à ces conséquences, ces dispositifs, utilisés par la droite (gouvernements Balladur, Juppé, Raffarin avec François Fillon ministre des Affaires sociales en 2003) comme par la gauche (gouvernement Jospin avec les compensations liées aux 35 heures, gouvernement Ayrault pour le CICE) ont représenté au fil des ans une importance croissante, de l’ordre de 60 milliards d’euros en 2019 selon l’évaluation du CAE, le Conseil d’analyse économique.
Ce total comprend :
24 milliards d’euros (mds €) pour les allégements généraux de cotisations sociales patronales Fillon;
22 mds € pour la transformation du CICE (Ndlr : en baisse pérenne de cotisations);
4 mds € pour le PRS (pacte de responsabilité et de solidarité, visant à approfondir la politique du CICE) de 2015;
4 mds € pour le PRS de 2016;
3,5 mds € pour la compensation de la hausse de l’impôt sur les sociétés due à la transformation du CICE.
Comment évaluer les effets de ces exonérations ?
Quels effets ont donc produit ces aides ? s’interrogent ensuite les auteurs. Ceux-ci battent en brèche le relatif consensus autour de l’idée selon laquelle l’ensemble des exonérations de cotisations patronales auraient permis de sauvegarder et créer environ 800 000 emplois. Cette estimation, notent-ils, repose sur l’extrapolation d’une autre étude, dont les auteurs (Crépon et Desplatz) soulignent qu’elle ne vaut que pour les dispositifs en vigueur de 1994 à 1997, ce chiffre de 800 000 ayant alors été répété d’étude en étude sans être réellement mis en question. Les auteurs de l’étude pour la CGT discutent ce chiffre en citant d’autres évaluations, plus modestes : certaines avancent 60 000 emplois, d’autres 165 000 emplois de 1993 à 1997, “cette augmentation plus modérée de l’emploi s’expliquant par le fait que les créations d’emplois non-qualifiés sont en grande partie compensées par des destructions d’emplois qualifiés”.
Surtout, les chercheurs soulignent d’une part que ces exonérations portant sur l’ensemble des entreprises, il est très difficile de constituer des groupes de traitement et de contrôle pour évaluer leurs effets, et d’autre part que ces politiques sont “à chaque fois annoncées à l’avance et anticipées par les entreprises, de sorte qu’il n’est pas possible de savoir à quel moment l’emploi a été influencé”. Sur les exonérations, une étude (Aiza Garsaa et Nadine Levratto) tend même à montrer en 2019 un effet “négatif” de la réduction du coût du travail sur la probabilité d’exporter.
Comment serait-ce possible ? L’effet négatif des exonérations des cotisations sociales patronales sur les exportations s’expliquerait “par la perte de compétitivité liée à la dégradation des qualifications de la main d’œuvre”. Enfin, les causes de l’évolution de l’emploi sur la période ne sont pas si évidentes à rapporter aux exonérations. Par exemple, entre 1994 et 1997, le travail à temps partiel est passé de 14,8% à 16,8% de l’emploi total, cette augmentation représentant les trois-quarts de la progression de l’emploi sur la période, d’autant que les temps partiels concernent surtout les entreprises de bas salaires.
Et si le CICE avait dégradé l’investissement et la compétitivité ?
Quant au Crédit d’impôt compétitivité d’emploi (CICE), on connaissait déjà les grandes difficultés éprouvées par France Stratégie pour tenter d’en mesurer les conséquences sur l’emploi et déceler un effet sur l’augmentation des exportations des entreprises françaises. Le rapport rédigé pour la CGT insiste sur cette difficulté, et pointe que la plupart des études existantes font ressortir “un impact modéré, voire faible sur les créations d’emplois”. Cela n’empêche pas le Conseil d’analyse économique, regrettent les auteurs, de préconiser de cibler la baisse de coût sur les bas salaires et d’opter pour une politique de modération des coûts salariaux.
A ce pari, les chercheurs opposent une discussion intéressante sur les effets attendus du CICE : “Accroître la profitabilité des entreprises aujourd’hui en baissant leurs coûts peut éventuellement les amener à croire à une profitabilité future élevée, mais rien ne le garantit. En revanche, baisser le coût du travail peut produire d’autres effets que les économistes qualifieraient “d’adverses”. En particulier, la baisse du coût du travail pourrait décourager les entreprises à investir (..) Baisser le coût du travail désincite à le remplacer par du capital, ce qui signifie qu’il décourage l’investissement productif” voire réduit les gains de productivité.
Contre-intuitive, cette hypothèse selon laquelle ajouter de nouveaux dispositifs d’exonération dégraderait in fine les gains de productivité ne serait pas si récente, ajoutent les auteurs de l’étude. Ceux-ci citent une étude de 2014 sur la révolution industrielle britannique : “C’est le coût relatif du travail élevé par rapport aux coûts de l’énergie et du capital qui a incité les entreprises à innover afin de les substituer, c’est-à-dire augmenter la productivité du travail”. Par ailleurs, le rapport s’inquiète d’un “phénomène d’accoutumance”, les entreprises devenant dépendantes des aides publiques.
Sur ce chapitre, la conclusion des auteurs est sans appel, et mériterait sans nul doute d’être discutée tant elle va à rebours de l’interprétation courante :
“Les dispositifs de réduction du coût du travail découragent les entreprises à investir pour renouveler leur équipement productif et améliorer la productivité du travail. Ce faisant, ils réduisent progressivement la compétitivité des firmes, ce qui est interprété par le politique comme une justification à de nouveaux dispositifs d’aide et de politiques de modération salariale entretenues également par la concurrence internationale dans un cercle vicieux”.
Les auteurs de ce rapport sont Aïmane Abdelsalam, Florian Botte, Laurent Cordonnier, Thomas Dallery, Vincent Duwicquet, Jordan Melmiès, Simon Nadel, Franck Van de Velde, Loïck Tange. Ces auteurs sont tous membres du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), à l’exception de Florian Botte qui est membre du LEM (Lille Économie Management) et qui, comme T. Dallery enseigne, non pas à l‘université de Lille, mais à l’université du Littoral-Côte d’Opale.
Bernard Domergue
Grève dans les raffineries : Solidaires soutient, la CFE-CGC “comprend”, la CGT se retire des réunions sur les retraites
La pression est montée d’un cran dans le conflit social qui oppose les syndicats de TotalÉnergies et d’Esso-ExxonMobil depuis qu’Élisabeth Borne a annoncé l’organisation de réquisitions de personnel. Dans un communiqué de presse, la CGT a annoncé “suspendre, de ce fait, toutes les participations aux réunions avec le gouvernement et le patronat dans la période”. Cela peut donc concerner aussi bien le cycle de réunions en cours sur les retraites (emploi des séniors et usure professionnelle) que les prochaines réunions sur l’assurance chômage dont la première se tiendra lundi 17 octobre.
De son côté, la CFE-CGC a pris position sur le conflit des raffineries. Si elle a toujours été favorable à la négociation au préalable à toute action de grève ou de blocage”, elle relève que “de nombreux salariés de l’encadrement nous font cependant part de leur fort mécontentement quant au manque de reconnaissance de l’entreprise et comprennent le mouvement en cours”. En un mot, le syndicat des cadres ne soutient pas la grève mais comprend le mouvement. Le communiqué ajoute avoir alerté depuis plusieurs mois sur le mauvais climat social au sein de TotalÉnergies, et rappelle les bénéfices de plus de 18 milliards d’euros réalisés par l’entreprise en 2021.
Solidaires a fait connaître son soutien au mouvement de grèves, considérant qu”‘un gouvernement n’a pas à s’ériger en arbitre de la légitimité d’une grève, ni à se transformer en casseur de grève”. Le syndicat appelle au soutien des grévistes “menacés de réquisition dans les Bouches du Rhône, le Rhône et en Seine Maritime et à organiser des rassemblements unitaires (…) le plus rapidement possible sur tout le territoire”.
Indemnités journalières : les nouvelles règles reportées au 1er juin 2024
Le décret n° 2021-428 du 12 avril 2021 prévoit de nouvelles règles de calcul des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) lorsque le salarié n’a pas travaillé (maladie, accident, fermeture de l’établissement, congé non payé…) et n’a donc pas perçu de revenus d’activité pendant tout ou partie de la période de référence (par exemple, pendant les trois mois précédant l’arrêt de travail pour les salariés mensualisés), afin que ce calcul puisse prendre en compte le plus fidèlement possible le revenu qu’il aurait perçu s’il avait normalement exercé son activité. Ainsi, le texte prévoit la prise en compte de l’ensemble des revenus de la période de référence divisés par le nombre de jours de la période travaillée afin de neutraliser les interruptions de travail involontaires ou les débuts d’activité.
Ces dispositions devaient s’appliquer aux arrêts de travail prescrits à compter du 1er octobre 2022. Mais selon le site net-entreprise.fr, cette entrée en vigueur est reportée au 1er juin 2024 dans le but de permettre à l’assurance maladie de mener à bien l’adaptation de son système d’information et de clarifier les données demandées aux employeurs pour le calcul de ces indemnités journalières. Ce décalage de date sera mis en œuvre par un décret devant être publié prochainement.
Les mesures transitoires restent applicables
Le décret de 2021 prévoyait des mesures transitoires pour les arrêts de travail prescrits à compter du 15 avril 2021 et jusqu’au 30 septembre 2022. Selon le site précité, ces mesures continuent à s’appliquer jusqu’au 31 mai 2024 en raison du report de la date d’entrée en vigueur des nouvelles règles.
Pour mémoire, il en résulte que, jusqu’à cette dernière date, les revenus antérieurs servant de base au calcul de l’IJSS sont :
en cas de début d’activité au cours d’un mois de la période de référence ou de fin d’activité pendant la période de référence : pour tout le mois, le revenu d’activité journalier effectivement perçu ;
lorsque, au cours d’un ou de plusieurs mois de la période de référence, l’assuré n’a pas travaillé par suite de maladie, accident, maternité, chômage involontaire total ou partiel ou en raison de la fermeture de l’établissement employeur à la disposition duquel reste l’intéressé, ou encore en cas de congé non payé (sauf absences non autorisées), de service militaire ou d’appel sous les drapeaux : pour l’ensemble du ou des mois concernés, soit le revenu d’activité journalier effectivement perçu si l’assuré a perçu à une ou plusieurs reprises des revenus d’activité pendant la période de référence, soit le revenu d’activité journalier effectivement perçu au cours des jours travaillés depuis la fin de la période de référence dans le cas contraire.
actuEL CE
Le non-recours aux allocations chômage concerne surtout les jeunes en contrats courts
Une proportion non négligeable de salariés éligibles ne recourt pas à l’assurance chômage, selon une étude de la Dares publiée jeudi 6 octobre. Ces “non recourants” sont surtout des jeunes en contrats courts.
“Plus de la moitié des demandeurs d’emploi ne sont pas indemnisés”, indiquait Laurent Berger sur les ondes de FranceInfo le 3 octobre dernier. L’argument est confirmé par les travaux de la direction statistique du ministère du Travail qui a mené une étude sur les cas de non-recours aux allocations et le profil des individus concernés. La Dares s’est penchée sur les fins de contrats de travail survenues entre le 1er novembre 2018 et le 31 octobre 2019. Les analyses portent donc sur les règles antérieures au décret de carence du 26 juillet 2019*. L’étude de la Dares se concentre sur les règles d’indemnisation issues de la convention d’assurance chômage de 2017. Ainsi, les résultats de l’étude ne peuvent être mis en perspective par rapport à la dernière réforme de l’assurance chômage, entrée en vigueur en 2021. Par ailleurs, le choix de cette période permet de ne pas inclure dans les résultats les perturbations de la crise sanitaire.
25 à 42 % des salariés éligibles ne recourent pas à l’assurance chômage
L’étude contredit l’argument selon lequel les chômeurs abusent du système d’indemnisation : entre 25 et 42 % des salariés éligibles (soit 390 000 à 690 000 personnes remplissant toutes les conditions pour percevoir une indemnité chômage) ne recourent pas aux prestations auxquelles ils ont droit. Selon la Dares, ce chiffre est “un taux comparable à ceux observés pour d’autres prestations sociales”. Le taux de non-recours constaté est en effet de 34 % pour le RSA et 32 % pour les retraites. Jusqu’à présent, ce phénomène était moins observé sur l’assurance chômage car les droits y sont ouverts pendant un an, ce qui n’est pas le cas des autres prestations, souligne l’organisme du ministère du Travail. Dans le détail, environ 30 % des personnes âgées de 25 à 60 ans remplissant les critères d’éligibilité ne recourent pas à l’assurance chômage. Il grimpe à 53 % chez les 16-24 ans.
Des jeunes en intérim ou en CDD
Les jeunes en contrats courts (intérim et CDD) recourent moins à l’assurance chômage que ceux qui détiennent un contrat de travail à durée indéterminée, selon les constatations de la Dares. Les deux tableaux ci-dessous montrent le taux de non-recours en fonction de la nature du contrat rompu, et en fonction du motif de fin de contrat :
L’étude constate également que les non-recourants ont travaillé moins longtemps que les recourants : 55 % des éligibles ayant travaillé entre 4 et 6 mois ne recourent pas à l’assurance chômage, contre 19 % pour ceux ayant travaillé plus de deux ans. Le montant des droits de ceux qui ont renoncé à l’assurance chômage est donc potentiellement plus faible.
Cependant, les non-recourants retrouvent également un emploi plus rapidement : dans le mois suivant la fin de leur contrat pour presque 25 % d’entre eux, contre 15 % de ceux qui recourent à l’assurance chômage.
Une méconnaissance de l’allocation et de l’éligibilité
Première cause du non-recours : l’ignorance des conditions d’éligibilité et du montant des droits. Selon la Dares, les chômeurs éligibles peuvent tout simplement manquer d’information sur la prestation et son mode d’accès. Il faut en effet commencer par s’inscrire à Pôle Emploi avant d’être informé de ses droits. Les potentiels bénéficiaires qui ignorent ce point risquent donc encore plus de ne pas s’inscrire sur les listes de Pôle Emploi. Leur manque d’information est alors renforcé par cette omission.
La Dares estime ensuite que ceux qui ne sollicitent pas l’assurance chômage peuvent se méprendre sur leur éligibilité au dispositif : “Le fait que les salariés proches de la durée minimale d’affiliation (4 mois) soient ceux qui recourent le moins à l’assurance chômage peut révéler une incertitude sur les règles d’éligibilité : les individus ayant peu travaillé avant de perdre leur emploi sont aussi les plus susceptibles de ne pas connaître ou de mal connaître leur éligibilité (…). Au contraire, plus la durée travaillée est importante, moins les individus ont de doute sur leur éligibilité”.
Par ailleurs, ceux qui ont déjà perçu l’assurance chômage y recourent plus facilement : ils ont progressé dans la connaissance de leurs droits et dans les démarches à accomplir. C’est ce que la Dares appelle “un effet d’apprentissage”. Elle explique aussi le non-recours comme le résultat d’un calcul entre les coûts et les bénéfices : “La prestation peut en effet paraître peu attractive eu égard aux coûts associés à sa demande (crainte de la stigmatisation, démarches administratives, contrôles, etc.), et ce d’autant plus si les personnes anticipent un retour rapide à l’emploi”.
Enfin, la Dares pointe la complexité et les modifications régulières des règles d’indemnisation qui nuisent à l’information des potentiels bénéficiaires de l’allocation.
*A l’automne 2018, les partenaires sociaux n’avaient pas abouti à un accord fixant les nouvelles règles de l’assurance chômage. L’État avait donc “repris la main” par décret.
**Administration centrale du ministère du Travail chargée de la mise en œuvre des politiques d’emploi et de formation professionnelle
Le non-recours, un argument contre les projets de réforme de l’assurance chômage ?
C’est peu de dire que ce rapport de la Dares était très attendu. Un amendement à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018 prévoyait sa remise dans les deux ans. Il aurait donc dû sortir en 2020. Il n’en fut pourtant rien, et il faudra attendre le 19 janvier 2022 pour que le sujet refasse surface à l’occasion du dépôt d’un rapport parlementaire d’évaluation de la loi avenir professionnel. Les députés qui l’ont rédigé y indiquent que le fameux rapport “est en retard mais en voie d’être remis”. La Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP **) leur aurait expliqué que “produire ce rapport était rendu difficile jusqu’ici en raison de la complexification des règles d’éligibilité”. Avec deux ans de retard, le document aurait pu être publié en mars 2022. Mais là encore, pas de rapport. A un mois du premier tour de l’élection présidentielle, des députés se sont émus de l’absence persistante du mystérieux document. Selon le journal Libération, Élisabeth Borne, alors ministre du Travail, interpellée par le député François Ruffin, aurait répondu que les résultats de l’étude nécessitaient d’être approfondis. Aurait-il dérangé la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron ? C’est à l’époque ce que pense l’opposition socialiste/communiste/France Insoumise. La CGT dénonça à son tour “une censure insupportable” du rapport par le gouvernement dans un communiqué de presse du 23 mars 2022 (en pièce jointe) : “Le président-candidat Macron vient d’annoncer une nouvelle réforme de l’assurance chômage s’il est élu. Avait-il peur de voir apparaître que des centaines de milliers d’allocataires sont lésés, alors qu’il envisage de nouvelles économies sur le dos des travailleuses et travailleurs précaires ?”. Le syndicat n’a donc pas manqué d’enfoncer le clou la semaine dernière, dénonçant dans un nouveau communiqué (en pièce jointe) “les mensonges du gouvernement, arguant que “le mythe des chômeurs grassement indemnisés et qui ne veulent pas travailler ne cesse de s’effondrer (…)”. Il reste à voir si l’opposition va se saisir de ce document pour dénoncer le projet d’introduire une assurance chômage contracyclique par décret grâce à l’article 1er du projet de loi portant mesures d’urgence sur le marché du travail. Celui-ci doit arriver devant les sénateurs le 25 octobre prochain.
Marie-Aude Grimont
Le Conseil d’État rejette les derniers recours des syndicats contre l’assurance chômage
La précédente réforme de l’assurance chômage avait donné lieu à de multiples recours des syndicats. Si certains ont abouti, le Conseil d’État demandant au gouvernement de revoir sa copie, d’autres ont finalement été rejetés lundi 10 octobre. Plusieurs syndicats* avaient demandé au juge d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1251 fixant la date d’entrée en vigueur de certaines dispositions du régime d’assurance chômage. Ils faisaient notamment valoir que le décret était irrégulier, du fait que le gouvernement ne leur avait transmis aucun nouveau document de cadrage pour négocier l’assurance chômage. Le Conseil d’État ne retient ni cet argument ni celui d’un détournement de procédure lié au fait que le décret en cause reprenait la même décision que celle qui fût suspendue en référé le 22 juin 2021. Même rejet de principe sur la date d’entrée en vigueur des nouvelles modalités de calcul du salaire journalier de référence : le Conseil d’État considère qu’aucune erreur manifeste d’appréciation ne ressort des pièces du dossier.
Réagissant par communiqué de presse, l’Unsa indique qu’elle “continuera de s’opposer à la rédaction des droits des demandeurs d ’emploi” et s’oppose déjà à l’idée d’une réduction de la durée d’indemnisation des seniors avancée par le ministre du Travail.
Les organisations patronales voient également rejetés leurs recours sur le bonus-malus (taux de séparation moyens de l’arrêté du 28 juin 2021 et critères d’affectation d’une entreprise à un secteur d’activité).
*L’Unsa, la CGT, la CFE-CGC, la CFDT, la CFTC, la FSU et divers syndicats d’interprètes et conférenciers
actuEL CE
Modulation de l’assurance chômage, territorialisation : les questions qui restent en suspens
Le ministère du Travail a transmis hier aux syndicats une lettre et un support de concertation en vue de la première réunion qui se tiendra lundi 17 octobre à 9 heures. Le document confirme que le gouvernement exclut une modulation du montant de l’allocation chômage. Il met lui-même en doute la question de la territorialité des mesures. Explications.
Les partenaires sociaux vont pouvoir plancher tout le week-end sur les documents transmis hier par le ministère du Travail. Une lettre de concertation et un support de 25 pages leur détaillent le contenu de la réunion qui se tiendra lundi prochain, de 9 à 11 heures. Il y est question des paramètres d’indemnisation qui seront amenés à varier selon l’état de la conjoncture. Le ministère aborde aussi les critères économiques qui déclencheront la variation des paramètres d’indemnisation. Il évoque également l’épineuse question de la territorialisation : la situation économique et le marché du travail ne sont pas identiques en île-de-France et en province. Dès la présentation du projet de réforme, ce point avait suscité des commentaires sceptiques. La concertation doit en principe se terminer fin novembre, alors que du côté parlementaire, le projet de loi qui permet au gouvernement de porter cette réforme par décret a été adopté à l’Assemblée nationale. Il sera débattu au Sénat à partir du 25 octobre prochain.
Les thèmes abordés pendant la concertation
La lettre de concertation leur propose de tenter de répondre à trois grandes questions :
l’état des lieux du marché du travail et le diagnostic sur les difficultés de recrutement ;
le choix des paramètres du régime qui pourront faire l’objet d’une modulation en fonction de la conjoncture ;
les critères et modalités du déclenchement du passage aux règles plus favorables en cas d’embellie ou moins favorables en cas de tempête économique.
Le support de concertation explique la philosophie du projet et lance des pistes sur chacun des trois thèmes, sans toutefois répondre aux questions qui se posent sur la faisabilité et la viabilité juridique du futur régime.
Paramètres modulés : le montant de l’indemnisation est exclu d’emblé
Conformément aux déclarations publiques d’Olivier Dussopt, le montant de l’allocation chômage ne changera pas en fonction de la situation économique du pays. Le support de concertation est très clair sur ce sujet : “L’ensemble de ces paramètres sont soumis à la réflexion des partenaires sociaux, à l’exception de la modulation du montant de l’indemnisation et du taux de remplacement de l’allocation journalière en fonction du Salaire Journalier de Référence, que le gouvernement écarte d’emblée”. C’est un élément important qui sécurise les chômeurs au moins sur ce point.
En revanche, le futur régime pourra jouer sur la condition d’affiliation : il faut actuellement avoir travaillé 6 mois sur 24 mois (au lieu de 4 mois avant la réforme de l’assurance chômage de 2021. Ainsi, si la conjoncture s’améliore, cette durée pourrait devenir plus longue. A l’inverse, elle pourrait être raccourcie en cas de détérioration économique. C’est toute la philosophie de ce système “contracyclique”. La période de référence (à savoir les 24 mois) pourrait elle aussi changer selon les mêmes mécanismes. Autre paramètre évoqué dans le support, la durée d’indemnisation, c’est à dire la période pendant laquelle l’allocation est perçue. Elle est actuellement de 24 mois pour un chômeur de moins de 55 ans, et de 36 mois pour un chômeur plus âgé. Mais attention, Olivier Dussopt envisage aussi de réduire la durée l’indemnisation de ces séniors afin de les inciter à conserver leur emploi.
Les modulations devront remplir certains objectifs : avoir un effet réel et rapide sur l’emploi, et se prêter aux comparaisons internationales “en fonction de l’écart constaté avec les autres pays”.
Des questions demeurent au-delà de ces vœux pieux : les modulations interviendront-elles en début ou en fin de droits ? S’appliqueront-elles sur toute la durée d’indemnisation ? Le ministère n’y répond pas : il les soumet aux partenaires sociaux.
Les indicateurs d’évolution des paramètres
Autre sujet et pas des moindres : selon quels indicateurs la modulation des paramètres sera-t-elle déclenchée ? Le taux de chômage ? Le taux de croissance ? Le PIB ? Sur ce point, le support de concertation ne rentre pas dans le détail. Il évoque des indicateurs sur les tensions de recrutement et des indicateurs “renseignant sur l’activité (par exemple rythme de la croissance ou indicateurs de climat des affaires)”.
Vers un comité d’experts consultatifs sur la territorialisation ?
Le ministère aborde enfin l’épineuse question de la territorialisation. Dans la mesure où le marché du travail et l’environnement économique ne sont pas similaires aux quatre coins du pays, il faudra bien en tenir compte avant de moduler les paramètres d’assurance chômage. Mais un tel dispositif ne risque-t-il pas de ressembler à “une usine à gaz” ? Le système canadien, dont semble s’inspirer la réforme, prévoit 62 régions économiques, chacune connaissant une modulation différente en fonction de sa santé…
Le ministère relève aussi le risque juridique : si les conditions d’indemnisation diffèrent selon le lieu de résidence ou de travail, comment assurer l’égalité des citoyens devant la loi protégée par la Constitution ? Le document ne répond pas à cette question mais propose de créer un comité d’experts consultatif, “chargé, en cas de passage de seuil des indicateurs, de donner son appréciation de la situation du marché du travail et ses recommandations sur l’opportunité d’appliquer les nouveaux paramètres prévus”.
Le reste du document (en pièce jointe) contient plusieurs annexes émaillées de chiffres que les syndicats vont devoir éplucher…
Marie-Aude Grimont
La rubrique “Effectif” du Boss sera opposable à compter du 1er novembre
Dans une actualité datée du 12 octobre 2022, le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) annonce que la rubrique “Effectif” est désormais consolidée sur la base des remarques issues de la consultation. Elle sera opposable à compter du 1er novembre 2022 (et non à partir du 1er août 2022 comme cela était un temps prévu).
Fraude au CPF : l’Assemblée nationale interdit le démarchage téléphonique et durcit le recours à la sous-traitance
Fin du démarchage commercial par téléphone, SMS ou via les réseaux sociaux, échange d’information entre les acteurs, recours à la sous-traitance encadré… La proposition de loi sur la fraude au CPF (compte personnel de formation) a été adopté, à l’unanimité, en première lecture, à l’Assemblée nationale, le 6 octobre. Le détail du texte.
SMS, coups de téléphone, mails… De nombreux Français sont sollicités chaque jour par des démarcheurs concernant le compte personnel de formation (CPF). Parfois à la limite du harcèlement. Sur les réseaux sociaux, un mot-clé “#BalanceTaFormation” permet même aux internautes de répertorier les arnaques au CPF. La méthode est rodée. L’interlocuteur annonce en général au titulaire du CPF (crédité de 500 euros chaque année) qu’il va bientôt perdre son argent s’il ne le dépense pas tout de suite dans une formation. Des formations qui n’existent pas le plus souvent.
Le préjudice de la fraude est énorme : il est estimé 43,2 millions d’euros, en 2021 par Tracfin, la cellule anti-blanchissement du ministère des finances, contre 7,8 millions d’euros, en 2020.
“Il est de notre devoir de dépolluer les pratiques illégales qui créent indument de la dépense, ternissent l’image du CPF et dépossèdent le titulaire de son libre arbitre”, a rappelé Carole Grandjean, la ministre déléguée à l’enseignement et la formation professionnels, en ouverture des débats, devant les députés, le 6 octobre.
Le texte, porté par Sylvain Maillard, député de Paris (Renaissance, ex-LREM) et Bruno Fuchs, député du Haut-Rhin (Modem), était attendu de longue date. En février dernier, Catherine Fabre, à l’époque députée LREM de Gironde, avait déposé une première, proposition de loi, assez similaire. Laquelle n’avait pas pu être examinée en raison de la fin de la session parlementaire anticipée due aux élections présidentielle et législative. Plusieurs tentatives avaient ensuite été effectuées pour intégrer un véhicule législatif, via des amendements, notamment lors des débats sur la loi pouvoir d’achat, mais sans succès.
375 000 euros d’amende
Dans le détail, l’article 1 de la proposition de loi inscrit dans les codes de la consommation et du travail l’interdiction du démarchage commercial par SMS, téléphone ou via les réseaux sociaux au titre du CPF. En cas de manquement à cette interdiction, le texte fixe le montant de l’amende administrative à 75 000 euros maximum pour une personne physique et à 375 000 euros pour une personne morale.
Par ailleurs, l’article 2 étend le champ des acteurs concernés par un échange d’informations utiles à la lutte contre la fraude au CPF, afin d’intégrer dans la boucle les organismes financeurs, les organismes et instances délivrant la certification Qualiopi ainsi que les ministères et organismes certificateurs. Il prévoit également de lever le secret professionnel et d’instaurer un droit de communication d’informations entre les agents de la Caisse des dépôts et consignations chargés de la lutte contre la fraude au CPF et les agents chargés de la lutte contre le travail illégal. “Cette disposition leur permettra d’échanger tout renseignement ou document utile à leurs missions respectives de lutte contre la fraude au CPF et de lutte contre le travail illégal”, indique l’exposé des motifs.
La CDC pourra recouvrir les sommes perçues à tort
En outre, pour permettre à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) d’encaisser plus facilement les sommes perçues illégalement, le texte lui confère les moyens de mettre en œuvre un recouvrement forcé. Une prérogative déjà attribuée à Pôle emploi pour “lutter contre l’évasion des fonds”. Actuellement, la Caisse des dépôts ne peut pas obtenir l’exécution forcée de la créance.
Le recours à la sous-traitance encadré
Surtout, et c’est peut-être la grande nouveauté du texte, l’article 4 encadre, via un amendement du gouvernement déposé en séance publique, le recours à la sous-traitance. Ces organismes qui officient pour le compte d’autres prestataires n’ont pas actuellement l’obligation d’être référencés sur la plateforme Mon compte formation et donc d’en respecter les conditions générales d’utilisation. Or, selon l’amendement 13, “certains organismes de formation y font appel de manière systématique et non régulée ce qui peut porter préjudice à la qualité des formations sans moyen d’intervention en retour”. D’où l’idée de respecter, à travers ce texte, les mêmes conditions que les prestataires afin d’être référencés sur la plateforme.
Selon le gouvernement, il s’agit “de rendre les organismes de formation transparents et responsables de la qualité de leurs sous-traitants, d’une part en les déclarant à la Caisse des dépôts et consignations et d’autre part, en interdisant le portage Qualiopi”. lequel permet à un organisme référencé de sous-traiter tout ou partie d’une formation à un prestataire qui ne possède pas la certification Qualiopi.
Plusieurs dysfonctionnements ont été pointés, notamment la réactivité des sous-traitants, sommés d’être opérationnels en “24 heures” sur la plateforme Mon compte formation. Un délai qui “peut interroger sur la capacité et les moyens mis en œuvre par l’organisme de portage pour contrôler efficacement les formations proposées par son futur sous-traitant”, indique l’exposé des motifs de cet amendement.
En cas de manquements du sous-traitant, le donneur d’ordre pourra être déférencé. Un décret précisera la mise en musique de ces dispositions.
Si l’étendue de la sous-traitance n’a pas été communiquée, on ne connaît, pas pour l’heure le nombre d’organismes concernés, cette nouvelle donne pourrait faire évoluer les pratiques. Et rendre le contrôle de la qualité de l’organisme tout comme celui de la formation plus effective. A suivre !
“Les plateformes téléphoniques sont le plus souvent basées à l’étranger”
Selon Olivier Haquet, fondateur d’Adomlingua, “ce texte était attendu, il est positif pour les organismes de formation. Car les fraudes au CPF font un tort considérable au secteur de la formation professionnelle. Ce dispositif est entaché par des arnaques potentielles. D’où une image ternie. Reste qu’il ne fera peut-être pas de miracles. Le projet de loi risque de ne toucher que les sociétés implantées en France. Or, les plateformes de démarchage téléphonique sont souvent basées à l’étranger. Les dispositions prévues ne changeraient donc pas le cours des choses. Est-ce que ces pratiques frauduleuses seront stoppées net ? Le doute est permis… “.
Terra Nova plaide pour un droit opposable au télétravail
Dans une nouvelle note publiée le 7 octobre, le think tank Terra Nova milite pour un droit opposable au télétravail, assorti de contreparties pour l’employeur. En l’occurrence, l’ajout d’une clause dans les contrats de travail qui permettrait de limiter les temps de trajet travail-domicile des salariés.
Faut-il instaurer un droit opposable au télétravail ? C’est en tout cas ce que suggère la note de Terra Nova, publiée vendredi 7 octobre et intitulée “Comment les nouvelles organisations du travail transforment l’entreprise : pour un travail hybride socialement responsable” (1). Son auteur, Martin Richer, consultant en RSE (responsabilité sociale et environnementale), responsable du pôle Entreprises, travail, emploi au sein du think tank, souligne, en effet, la nécessité pour les employeurs d’adopter une attitude plus volontariste vis-à-vis du télétravail, quel que soit le contexte sanitaire. “Cette disposition s’inscrirait dans une forme d’ordre public social en matière numérique qui s’imposerait à l’ordre conventionnel et à l’ordre contractuel”.
Selon Martin Richer, la création d’un tel droit viendrait compléter les réformes amorcées ces dernières années. D’une part, des ordonnances Travail de 2017 qui prévoient qu’un employeur doit motiver sa réponse lorsqu’il refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte. D’autre part, des recommandations de la Convention citoyenne sur le climat de 2019. Laquelle propose d’instaurer un plancher d’une journée de télétravail par semaine si le poste est jugé éligible. Ces dispositions “préfigurent un droit au télétravail opposable”, qui serait inhérent à tout contrat de travail.
Forfait annuel de jours de télétravail
En pratique, Terra Nova préconise “l’instauration d’un forfait annuel de jours de télétravail que les salariés pourraient utiliser à leur initiative”. A charge pour les partenaires sociaux, de déterminer, via un accord national interprofessionnel, un socle annuel minimum de jours et les conditions d’exercice de ce forfait (notamment le délai de prévenance).
Terra Nova suggère quelques pistes de réflexion. Les partenaires sociaux pourraient, par exemple, s’inspirer de l’Allemagne qui a fixé de socle à 24 jours. Ils pourraient prévoir la possibilité de rehausser ce socle, via un accord de suivi ou donner aux entreprises la possibilité de prévoir un régime plus favorable à leurs salariés (via un accord d’entreprise).
Amende administrative
Terra Nova durcit même le ton en proposant de sanctionner le non-respect de cette obligation, en cas de pandémie, à savoir le versement d’une amende administrative de 2 000 euros par salarié non placé en télétravail “afin de faire respecter le droit de ne pas être exposé à un agent pathogène dangereux quand cela est possible”.
Limiter le temps de trajet domicile-trajet à trois heures
Mais en contrepartie, le think tank fait un pas vers les employeurs, en constatant également “des abus”, côté salariés, en l’occurrence sur les déménagements (2).
Terra Nova préconise ainsi d’ajouter une clause dans les contrats de travail limitant les temps de trajets domicile-travail. “Dans le cadre du télétravail, le lieu d’exercice du travail au domicile du salarié ne peut se situer dans un lieu situé à plus de trois heures de temps de déplacement du lieu de travail sur site”. Une perspective inenvisageable jusqu’à présent. “La Cour de cassation a toujours défendu la liberté de choix de domicile du salarié, sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales”, constate la note.
C’est d’ailleurs le sens du jugement rendu le 5 juillet dernier par le tribunal judiciaire de Paris.
Toutefois, pour Terra Nova, une brèche semble être ouverte. “L’employeur est responsable de la santé et de la sécurité de ses équipes, ce qui comprend le trajet domicile-travail”, prévient Martin Richer, en se référant à un arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles du 10 mars 2022. Lequel a validé le licenciement d’un salarié, responsable de support technique dans une entreprise des Yvelines, pour faute grave, après un déménagement en Bretagne, à plus de 400 km de son lieu de travail, sans en avoir informé son employeur.
Reste désormais à attendre les décisions de la Cour de cassation…
(1) Le think tank est un groupe de réflexion privé. Terra Nova se définit comme un think tank “progressiste indépendant ayant pour but de produire et diffuser des solutions politiques innovantes en France et en Europe”.
(2) Dans sa note, Terra Nova préconise également la négociation d’accords sur le “travail hybride” plutôt que sur le télétravail, “afin de mieux tenir compte de la coexistence des différents environnements de travail”, et suggère d’instituer, pour les entreprises de plus de 50 salariés, “une commission de suivi sur le travail hybride, qui réunirait organisations syndicales, direction d’entreprise et cadres de l’entreprise, et qui aurait vocation à faire un bilan annuel des conditions d’exercice du travail hybride”.
Terra Nova favorable au “titre télétravail”
Pour faciliter le télétravail, Terra Nova propose d’inciter les entreprises à faciliter l’accès de leurs salariés à des espaces de travail partagés à travers la généralisation d’un “titre télétravail”, comme le prévoyait la proposition de loi déposée le 16 novembre 2021 par l’ex députée Renaissance de Haute-Savoie, Frédérique Lardet. Ce “titre télétravail” qui prendrait la forme d’une allocation forfaitaire à la charge de l’entreprise et du CSE, permettrait de financer l’accès pour les salariés à un espace de coworking ou autre tiers-lieu de leur choix, dans le cadre duquel le travail à distance pourrait s’exercer. Frédérique Lardet fixait son montant à 600€ par an et par salarié. Terra Nova propose de moduler ce montant par accord d’entreprise.
Anne Bariet
Ce que prévoit le PLFSS 2023 en matière d’indemnisation des arrêts de travail
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 (PLFSS) a été déposé à l’Assemblée nationale le 26 septembre dernier. Il sera discuté en séance publique à compter du 20 octobre. Plusieurs mesures concernent l’indemnisation des arrêts de travail pour cause de maladie (dont le Covid-19), maternité, paternité.
Afin de limiter les risques d’une rupture de trésorerie des salariés liée au délai trop long de versement des indemnités journalières (IJ) pour maternité ou paternité (31,5 jours en moyenne), l’article 37 du PLFSS prévoit que l’employeur payerait ces indemnités directement au salarié en lieu et place des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). Celles-ci lui rembourseraient ensuite les montants versés. Cette subrogation interviendrait en matière de congé d’adoption, maternité/paternité et accueil de l’enfant. Cette mesure entrerait en vigueur de manière échelonnée d’ici à 2025 en fonction de la taille des effectifs de l’entreprise.
L’article 16 (II et IV) du PLFSS prévoit une prolongation des règles dérogatoires d’indemnisation des arrêts de travail Covid-19 jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023. En effet depuis janvier 2020, pour s’adapter à la crise sanitaire, plusieurs mesures ont dérogé aux règles de prise en charge de droit commun de divers frais de santé ainsi qu’aux conditions de versement des prestations en espèces et des indemnités complémentaires de l’employeur attribuées en cas d’incapacité de travail. Ces dérogations ont permis de tenir compte des contraintes d’isolement ou de maintien à domicile imposées aux travailleurs positifs au Covid‑19, symptomatiques, cas contacts, contraints de garder leur enfant à domicile, assurés vulnérables. Cette prolongation des règles dérogatoires entrerait en vigueur au 1er janvier 2023.
Enfin, le projet d’article 43 prévoit de limiter l’indemnisation des arrêts de travail prescrits dans le cadre d’une téléconsultation aux cas où ils ont été délivrés par le médecin traitant ou par un médecin que le patient a déjà consulté lors de l’année précédente. La mesure entrerait en vigueur au 1er janvier 2023.
actuEL CE
Abandon de poste : une proposition de réforme qui soulève de nombreuses questions
Dans le cadre de la première lecture du projet de loi sur le marché du travail, les députés ont inséré dans le code du travail une procédure à suivre par les entreprises en cas d’abandon de poste de la part d’un de leurs salariés. Instituant une présomption simple de démission, le texte permet au salarié de renverser la présomption devant le juge. Les avocats en droit du travail se posent déjà de nombreuses questions sur la mise en application de cette mesure.
Voilà un sujet qui n’était pas au programme du projet de loi sur le marché du travail. Mais au détour du texte, qui porte notamment sur l’assurance chômage, des députés ont souhaité encadrer l’abandon de poste, une pratique qu’il n’est pas possible aujourd’hui de quantifier.
En commission des affaires sociales, les députés avaient attaqué le sujet sous l’angle de l’assurance chômage, proposant que l’abandon de poste ne constitue pas une privation involontaire d’emploi. L’amendement – retiré – a été réécrit pour la séance publique et adopté. Il est désormais prévu dans le projet de loi que le salarié qui a abandonné volontairement son poste et qui ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur, est présumé démissionnaire. Le texte prévoit une voie de recours pour le salarié qui peut saisir le conseil de prud’hommes afin de contester la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption. L’affaire est alors directement portée devant le bureau de jugement qui doit se prononcer sur la nature de la rupture dans le délai d’un mois.
Si un décret doit apporter les précisions nécessaires, de nombreuses questions se posent déjà aux praticiens qui s’interrogent sur l’opportunité et l’applicabilité d’une telle réforme.
Du licenciement pour faute grave à la présomption de démission
Les avocats interrogés pointent la différence entre la première rédaction de l’amendement (retiré par la suite) et sa rédaction finale qui fait peser le risque sur l’employeur. “La première mouture de l’amendement écartait le droit à allocation chômage en cas d’abandon de poste, constate Florian Carriere, avocat associé au sein du cabinet Voxius Avocats. Avec la seconde version, on donne à l’employeur le choix entre un licenciement ou une présomption de démission. Par ailleurs, en cas de contentieux l’employeur pourrait se voir condamné à réparer les préjudices subis par le salarié, comme la privation de l’allocation de retour à l’emploi (ARE) jusqu’à ce que la décision soit rendue”.
Une responsabilité qui peut poser une question éthique aux employeurs, estime pour sa part Fadi Sfeir, avocat au sein du cabinet Capstan Avocats. “L’employeur devra choisir entre licencier le salarié ou respecter cette nouvelle procédure et priver ainsi le salarié de ses droits à l’assurance chômage”.
Reste à savoir si cette nouvelle procédure ne fermera pas complètement la porte du licenciement pour faute grave pour abandon de poste. C’est la question que se pose Loic Lewandowski, avocat associé au sein du cabinet Hogo Avocats.Et en cas de réponse affirmative, “cela signifiera-t-il qu’il faudra créer des sous-catégories de faute graves ou cela constituera-t-il une faute grave suis generis ?, s’interroge-t-il. Comment pourra-t-on concilier le fait que la faute grave soit depuis toujours une privation d’emploi ouvrant droit aux ARE avec ce nouveau régime ?”
La fin de la démission claire et non équivoque ?
Pour Loic Lewandowski, “on assiste à un bouleversement majeur de l’équilibre de tout le droit de la rupture unilatérale du code du travail. Jamais une présomption de démission n’a existé dans le droit du travail, souligne-t-il. La démission doit être claire et non-équivoque”.
Florian Carrière s’interroge sur la possibilité “d’un retour d’une jurisprudence de la Cour de cassation sur la démission qui admet que, dans certaines circonstances la démission peut résulter du comportement du salarié”. Dans un arrêt du 24 novembre 1999, la Cour de cassation a ainsi admis que l’abandon de poste constitue une démission s’agissant d’un salarié “qui, après avoir exprimé sa volonté de quitter l’entreprise, ne se présente plus au travail mais demande à être licencié pour percevoir les indemnités de chômage”. Dans un arrêt du 4 janvier 2000, la Cour de cassation a retenu la même solution à l’égard d’un salarié qui n’avait pas repris le travail après un congé maladie, malgré une mise en demeure de l’employeur, et qui s’était mis au service d’une entreprise concurrente. Une position également adoptée dans un arrêt du 13 juin 2001 s’agissant d’un salarié “ayant manifesté à plusieurs reprises mais en vain son souhait d’être licencié, adopte une attitude agressive allant jusqu’à frapper un autre salarié et ne se présente plus sur son lieu de travail malgré de nombreuses mises en demeure”.
Une procédure risquée pour l’employeur
Les avocats redoutent également que cette procédure présente des risques pour les entreprises. “En vertu du principe d’interprétation stricte de la loi qui évoque un abandon “volontaire”, l’intention du salarié devra être prouvée, ce qui représente un risque pour l’employeur”, insiste Fadi Sfeir. Il indique aussi que vont se poser “des problèmes de frontière avec d’autres situations comme par exemple le salarié qui refuse ce qu’il estime être une modification de son contrat de travail tandis que l’employeur y voit un simple changement dans les conditions de travail”.
Autre écueil, l’inapplication de cette procédure dans certains cas. “L’exposé des motifs nous dit que la présomption de démission n’est pas applicable en cas de manquements à la santé et à la sécurité. Le conseil de prud’hommes devra alors vérifier s’il existe des problématiques de santé et de sécurité permettant de requalifier la rupture en licenciement”, estime Florian Carrière.
Enfin, si l’employeur applique cette procédure articulée autour d’une présomption de démission, “il rompra le contrat mais ce sera au juge de prononcer la véritable nature de la rupture s’il est saisi par le salarié”, met en garde Fadi Sfeir. Et dans le cas où la démission est invalidée par le juge, l’employeur sera-t-il condamné pour licenciement injustifié ?
Une procédure aisément contournable
“L’abandon de poste suit son propre régime procédural. Il sera très simple de contourner le texte pour le salarié, assure Loic Lewandowski. Le salarié viendra par exemple le lendemain de la mise en demeure de l’employeur et il s’agira alors seulement d’une absence injustifiée et non d’un abandon de poste. Il pourra ne pas revenir le lendemain et ainsi de suite. Or, l’abandon de poste suppose une absence continue”.
Des garanties procédurales insuffisantes
Le projet de loi a prévu que cette présomption peut être renversée par le salarié directement devant le bureau du jugement qui disposera d’un mois pour statuer. Or, ce délai d’un mois est intenable, assurent en chœur tous les avocats interrogés qui ont déjà pu le constater en matière de prise d’acte. Cela signifie que “le salarié présumé démissionnaire ne percevra rien, du moins pendant les quatre premiers mois”, explique Fadi Sfeir. En effet, passé ce délai, le salarié démissionnaire pourra demander à Pôle emploi de réexaminer sa situation.
Fin de contrat
Enfin, comment gérer la fin de contrat dans une telle hypothèse ? “L’employeur devra-t-il envoyer un courrier au salarié ou seulement lui adresser les documents relatifs à la fin de contrat ? s’interroge Florian Carriere. Que deviendront les dispositions conventionnelles existantes ? “Par exemple, la convention collective nationale de l’immobilier exige que la démission soit écrite. Or, si la démission est présumée, il n’y aura pas d’écrit”.
Autre question délaissée, celle du sort de la prévoyance ? “Qu’en sera-t-il de la portabilité qui suppose plusieurs conditions dont celle d’être indemnisé par Pôle emploi ? se demande l’avocat. On priverait ainsi le salarié du bénéfice de la portabilité. Par ailleurs, si le salarié obtient gain de cause devant le conseil de prud’hommes, à partir de quand commencera le délai de 12 mois de maintien des garanties ? A compter de la décision de justice ? Et qui indemnisera les mois perdus ?”. Sans compter la question de l’exécution du préavis et de son indemnisation en cas de contentieux…
Autant de questions auxquelles répondront – peut-être – les sénateurs qui commenceront à examiner le texte à compter du 25 octobre.
Florence Mehrez
Grève des raffineries : le gouvernement annonce des réquisitions de personnel
Hier, lors de la séance de questions au gouvernement de l’Assemblée nationale, Élisabeth Borne a annoncé la réquisition par les préfets “des personnels indispensables au fonctionnement des dépôts” d’Esso-ExxonMobil. Il vise à contraindre les salariés à assurer un minimum de service dans les dépôts et raffineries concernés. La Première ministre a aussi renouvelé son appel aux syndicats et aux directions d’Esso et de Total à engager rapidement des négociations afin de sortir du conflit. La CGT a réagi en rappelant que la réquisition a été “dénoncée en 2011 par l’Organisation internationale du travail comme contraire au droit de grève”. Force Ouvrière a également fait connaître son opposition aux réquisitions, et exprimé son soutien à “tous les mouvements de grève engagés par les salariés mobilisés pour leurs salaires et l’amélioration de leurs conditions de travail” (communiqués de presse en pièce jointe). Un accord a été signé entre la direction d’Esso et les syndicats CFE-CGC et CFDT. Il prévoit 6,5 % d’augmentation de salaire et une prime de partage de la valeur de 3000 euros. Les syndicats FO et CGT d’Esso et de Total ont quant à eux reconduit les grèves.
actuEL CE
Index, durée d’indemnisation : les pistes d’Olivier Dussopt pour l’emploi des séniors
Le 9 octobre, dans les colonnes du Journal du Dimanche, le ministre du Travail a évoqué différentes pistes pour favoriser l’emploi des séniors. Cette communication intervient alors que se déroule cette semaine le premier cycle de concertation sur la réforme des retraites, justement autour des thèmes de l’emploi des séniors et de l’usure au travail. Il serait question notamment de réduire la durée d’indemnisation par l’assurance chômage de 36 mois qui bénéficie aux salariés de plus de 55 ans (au lieu de 24 mois pour les salariés plus jeunes). Olivier Dussopt a également abordé la création d’un index professionnel, calqué sur l’index d’égalité hommes-femmes, ainsi que des réductions de cotisations sociales pour l’employeur. Le ministre réfléchit par ailleurs à inciter les séniors à accepter des emplois moins rémunérés en contrepartie de la perception d’une part d’allocation chômage. Il souhaite enfin favoriser le cumul emploi-retraite et la retraite progressive. Selon la Dares, seuls 56% des 55-64 ans sont en emploi.
actuEL CE
Ce que prévoit le PLFSS 2023 en matière de travail illégal
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 (PLFSS) a été déposé à l’Assemblée nationale le 26 septembre dernier. Il sera discuté en séance publique à compter du 20 octobre. Il prévoit plusieurs mesures en matière de travail illégal.
L’article 6 (I, 6°) prévoit que les sanctions encourues par le donneur d’ordre manquant à son obligation de vigilance varient en fonction de la gravité des faits commis. Ainsi, pour un premier manquement, la pénalité encourue par le donneur d’ordre resterait plafonnée à 15 000 euros pour une personne physique et à 75 000 euros pour une personne morale. Ce montant ne pourrait pas dépasser, s’il s’avérait inférieur, le montant mis à sa charge au titre de la solidarité financière. En cas de réitération, ces plafonds ne s’appliqueraient plus, et la sanction serait strictement proportionnée au montant mis à sa charge au titre de la solidarité financière. La réitération serait caractérisée en cas de nouvelle annulation prononcée dans un délai de cinq ans, correspondant à la prescription en matière de travail dissimulé.
L’article 6 (I, 6°) prévoit que le donneur d’ordre bénéficie de la réduction de 10 points du taux des majorations de redressement en cas de règlement dans les 30 jours à compter de la notification de la mise en demeure ou de présentation d’un plan d’échelonnement des paiements dans ce même délai. Cette réduction ne serait pas applicable en cas de nouvelle constatation de travail dissimulé dans les cinq ans.
L’article 41 (I, 6°) prévoit que le droit de communication reconnu aux agents de l’Urssaf soit élargi afin de leur permettre d’obtenir des informations et documents, notamment auprès des établissements bancaires, sans qu’il soit opposé le secret professionnel, dans le but de recouvrer des créances relatives à une infraction de travail dissimulé.
Enfin, l’article 41 (I, 7° et II) prévoit que certains agents de contrôle Urssaf, de l’inspection du travail et de Pôle emploi se voient attribuer de nouvelles compétences de cyber-enquête pour la recherche du travail illégal sur internet : participer à des échanges électroniques, être en contact avec les personnes susceptibles d’être les auteurs des infractions, extraire, recueillir et conserver les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs des infractions.
Ces mesures entreraient en vigueur au 1er janvier 2023.
actuEL CE
Prime de partage de la valeur : les précisions de l’administration
La loi Pouvoir d’achat a créé un nouveau dispositif de prime exonérée de charges sociales sur le modèle de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat : la prime de partage de la valeur (PPV). Applicable aux primes versées à compter du 1er juillet dernier, ce dispositif vient d’être précisé par l’administration via une instruction diffusée dans le Bulletin officiel de la sécurité sociale.
Cette instruction, tant attendue par les employeurs et les praticiens du droit, intègre un grand nombre de précisions apportées par l’instruction DSS/5B/2021/187 du 19 août 2021 relative à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) millésime 2021/2022.
Attention ! L’instruction ne règle pas toutes les questions suscitées par l’application du nouveau dispositif, loin de là. De nombreuses questions sont laissées en suspens concernant la modulation du montant de la prime ou le versement fractionné de la prime. Aucune précision n’est donnée sur le principe de non-substitution à un élément de rémunération, pourtant source potentielle d’un abondant contentieux.
► En préliminaire, l’administration indique qu’“il est important que les questionnements qui ne trouveraient pas de réponses dans la présente instruction puissent [lui] être relayés rapidement”.
Exonération de la prime : un certain nombre de points sont clarifiés
Cotisations, contributions et taxes bénéficiant de l’exonération
L’exonération, sans limitation de durée, porte sur les cotisations et contributions suivantes (QR 1.1) :
les cotisations salariales et patronales de sécurité sociale (cotisation complémentaire du régime local d’Alsace-Moselle comprise) ;
les cotisations salariales et patronales aux régimes de retraite complémentaire (CET et Apec compris) ;
les cotisations salariales et patronales aux régimes d’assurance chômage (AGS compris) ;
la cotisation d’assurance maladie prévue à l’article L. 131-9 du code de la sécurité sociale ;
la contribution solidarité autonomie ;
la contribution au versement mobilité ;
la contribution au dialogue social ;
les contributions dues au Fnal ;
la taxe d’apprentissage et la contribution supplémentaire à l’apprentissage, la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance, la contribution dédiée au financement du CPF pour les titulaires d’un CDD ;
la participation des employeurs à l’effort de construction ;
et, le cas échéant, les contributions résultant d’accords conventionnels de branche.
Contributions et taxes bénéficiant temporairement d’une exonération : à quelles conditions ?
La prime de partage de la valeur peut être exonérée d’impôt sur le revenu, de CSG/CRDS, de taxe sur les salaires et de forfait social (QR 1.1 et 7.2) lorsqu’elle satisfait à deux conditions cumulatives (QR 7.1) :
elle est versée à compter du 1er juillet 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023 au plus tard : attention, la date du 31 décembre 2023 est impérative (sauf pour les intérimaires, voir ci-dessous), si le solde de la prime est versée après cette date, la prime ne sera pas éligible à l’exonération de CSG/CRDS, taxe sur les salaires et d’impôt sur le revenu (QR 7.5) ;
elle est versée aux salariés percevant une rémunération brute inférieure à 3 Smic, cette limite s’appréciant, en cas de versement en plusieurs fois, à la date du premier versement : la rémunération à retenir est celle correspondant à l’assiette des cotisations de sécurité sociale définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. La limite de trois Smic est calculée selon les mêmes modalités que celles retenues pour la réduction des cotisations d’allocations familiales et d’assurance maladie qui se réfèrent aux règles applicables pour la réduction Fillon. Le Smic annuel à retenir est donc celui calculé en fonction du temps de travail prévu au contrat de travail et est proratisé en cas de temps partiel ou pour les salariés non employés toute l’année. La période de référence pour le versement de la prime correspondant à 12 mois glissants, il faut appliquer les dispositions susvisées à due proportion, pour vérifier la limite de trois Smic. Le plafond de rémunération ne peut faire l’objet d’aucune majoration à aucun titre que ce soit. Il ne peut donc donner lieu à une majoration au titre du nombre d’heures supplémentaires et complémentaires réalisées (QR 7.4).
► Comme pour la Pepa, retenir les 12derniers mois précédant le versement de la prime oblige l’employeur à reconstituer un Smic annuel en additionnant, selon la date de versement de la prime, les Smic mensuels applicables durant ces 12 mois (QR 7.3).
Par tolérance, lorsque le franchissement du plafond de rémunération de 3 Smic annuels résulte du versement, postérieur à la décision d’attribution de la prime, d’éléments de rémunération dont le montant ne pouvait être pris en compte lors de cette décision d’attribution, le plafond sera considéré comme respecté.
Prélèvements dus
Sauf lorsqu’elle peut bénéficier de l’exonération d’IR, de CSG/CRDS, de taxes sur les salaires et forfait social dans les conditions susvisées, la prime de partage de la valeur est assujettie à (QR 1.2) :
à la CSG après abattement de 1,75 % pour frais professionnels ;
à la CRDS ;
à l’impôt sur le revenu ;
à la taxe sur les salaires : contrairement à ce qu’avait indiqué laconiquement le ministère du travail dans son FAQ du 17 août 2022, la prime est bien soumise à la taxe sur les salaires dans les conditions de droit commun ;
et au forfait social au taux de 20 % : ce forfait n’est dû que dans les entreprises de 250 salariés et plus.
► Ainsi, ces contributions et taxes sont dues sur toutes les primes versées à compter du 1er janvier 2024 et sur les primes versées, entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023, à des salariés percevant une rémunération supérieure ou égale à 3 Smic annuels.
Plafond d’exonération majoré : les précisions administratives sur la mise en œuvre d’un accord d’intéressement ou de participation volontaire
Rappel des conditions requises pour en bénéficier
En principe d’un montant de 3 000 euros, le plafond d’exonération peut être porté à 6 000 euros par bénéficiaire et par année civile lorsque :
l’employeur est un Esat (établissements ou services d’aide par le travail) : n’ayant pas la capacité juridique de conclure un accord d’intéressement ou de participation, ces employeurs peuvent bénéficier de l’exonération à hauteur de 6 000 euros sans être tenus de mettre en place un tel accord, sous réserve d’attribuer la prime à l’ensemble de leurs travailleurs handicapés sans exception liée à la rémunération (mais la prime peut être modulée en fonction des critères légaux) (QR 4.10) ;
l’employeur est une association ou fondation reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général (ou une association cultuelle ou de bienfaisance), habilitée à ce titre à recevoir des dons ouvrant droit à réduction d’impôt (CGI, art. 200, 1 a et b et 238 bis, 1 a et b) : ces employeurs peuvent bénéficier de l’exonération à hauteur de 6 000 euros, sans être tenus de mettre en place un accord d’intéressement ou de participation (QR 4.10) ;
dans les entreprises soumises à l’obligation de mettre en place un accord de participation, l’entreprise est dotée d’un accord d’intéressement à la date de versement de la prime ou conclut un accord d’intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime ;
dans les entreprises non soumises à l’obligation de mettre en place un accord de participation, l’entreprise est dotée ou conclut un accord de participation ou un accord d’intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime.
L’administration consacre trois questions-réponses sur la mise en place obligatoire d’un régime de participation, sur la mise en place d’un accord de participation à titre volontaire et sur la faculté de mise en place d’un accord d’intéressement (QR 4.2, 4.3 et 4.4). Nous ne détaillerons pas ces points de droit.
En revanche, elle précise que, pour bénéficier de l’exonération, l’accord d’intéressement ou de participation volontaire doit produire ses effets au titre du même exercice que celui du versement de la prime, donc avoir été conclu avant le versement de la prime. Le dépôt de cet accord, qui doit intervenir dans les délais prévus par le code du travail pour bénéficier des exonérations attachées au dispositif d’intéressement ou de participation, peut être réalisé postérieurement au versement de la prime (QR 4.5).
► L’administration rappelle qu’il n’est pas nécessaire qu’une prime d’intéressement ou que des sommes issues de la participation volontaire ai(en)t été versée(s) aux salariés pour pouvoir attribuer la prime de partage de la valeur, les primes d’intéressement ou les sommes issues de la participation volontaire étant déclenchées par la réalisation de conditions aléatoires prévues dans l’accord (QR 4.6). Comme pour la Pepa, la remise en cause a posteriori de l’accord d’intéressement ou de participation volontaire par les autorités compétentes n’a pas d’impact sur l’exonération de la prime de partage de la valeur (QR 4.7).
Possibilité de neutralisation de la prime du calcul de l’intéressement uniquement
Comme pour la Pepa, l’administration confirme la possibilité de neutraliser les primes de partage de la valeur dans le calcul de l’intéressement, à certaines conditions (QR 4.8) :
si l’accord d’intéressement ne prévoit pas initialement cette neutralisation du résultat opérationnel, l’employeur ne peut pas l’ajouter unilatéralement, au risque de voir requalifier la prime en rémunération de droit commun (soumise à charges sociales et à l’impôt) ;
mais il peut négocier cette neutralisation par voie d’avenants ou dans un nouvel accord conclus à partir de 2022 dans les délais impartis par la loi (C. trav., art. L. 3314-4 : conclusion avant le premier jour de la 2e moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise effet).
Attention ! les accords ou avenants aux accords de participation ne peuvent pas neutraliser le versement de la prime, qu’il s’agisse d’une participation volontaire ou obligatoire ou que la formule de calcul soit légale ou dérogatoire.
Bénéficiaires
Précisions sur le sort des apprentis, stagiaires et mandataires sociaux
Le sort à réserver aux apprentis, stagiaires et mandataires sociaux est le même que celui qui leur était réservé pour la Pepa. Les apprentis (et salariés en contrat de professionnalisation) ont droit à la prime puisque titulaires d’un contrat de travail (QR 2.8), contrairement aux stagiaires (QR 2.9).
L’administration confirme très logiquement qu’un mandataire social titulaire d’un contrat de travail doit bénéficier de la prime dans les mêmes conditions que les salariés de l’entreprise et que ce versement ouvre droit à l’exonération dans les conditions de droit commun. S’il n’existe pas de contrat de travail, le versement de la prime n’est pas obligatoire et son éventuel versement n’ouvre pas droit à l’exonération prévue par la loi (QR 2.10).
Les intérimaires et salariés permanents d’une entreprise de travail temporaire
Les intérimaires en mission bénéficient de la prime de partage de la valeur dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l’entreprise utilisatrice. A cette fin, l’entreprise utilisatrice doit communiquer sans délai à l’entreprise de travail temporaire (ETT) (QR 2.11) :
la décision unilatérale ou l’accord instituant la prime ;
l’identité des salariés intérimaires concernés ;
le montant de la prime pour chacun d’eux ;
et la date de versement de la prime retenue pour les salariés permanents (entendue comme la date figurant au bloc S21.G00.50.001 de la DSN).
L’ETT en informe sans délai son CSE (lorsqu’il existe) et verse la prime aux intérimaires concernés selon les conditions et les modalités fixées par l’accord ou la décision unilatérale de l’entreprise utilisatrice.
La prime ainsi versée bénéficie de l’exonération lorsque les conditions prévues pour en bénéficier sont remplies par l’entreprise utilisatrice. En effet, les conditions requises pour le bénéfice des exonérations s’apprécient au niveau de l’entreprise utilisatrice, tout comme la condition de présence définie par l’accord ou la DUE (date de versement de la prime, de dépôt de l’accord ou de signature de la DUE).
Pour d’évidentes raisons pratiques, l’administration admet toutefois que la prime puisse être versée de manière décalée par l’ETT par rapport à l’entreprise utilisatrice et ce, même après le 31 décembre 2023. Le versement doit cependant être effectué avant le 29 février 2024 pour ouvrir droit aux exonérations.
► L’administration indique que, si l’entreprise de travail temporaire verse la prime à ses salariés permanents, elle doit verser la prime à ses salariés intérimaires dans les mêmes conditions que pour ses salariés permanents (QR 2.13). L’administration ajoute que l’entreprise de travail temporaire dont une partie des intérimaires a bénéficié d’une PPV versée par les entreprises utilisatrices n’est pas tenue de verser cette prime à des salariés en mission dans d’autres entreprises utilisatrices (QR 2.12).
L’administration n’apporte aucune précision sur l’éligibilité des salariés de groupements d’employeurs ou d’associations intermédiaires. Dans le silence des textes, mieux vaut ne pas distribuer de PPV à ces salariés.
Mise en place de la prime par accord ou décision unilatérale de l’employeur (DUE)
Sans surprise, l’administration rappelle que la prime de partage de la valeur peut être mise en place par accord d’entreprise ou de groupe conclu selon les modalités prévues en matière d’intéressement (QR 5.1) ou par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du CSE (s’il en existe un).
► Cette consultation s’effectue, avant le versement de la prime, selon les règles de droit commun des articles L.2312-14 à L.2312-16 du code du travail. Les employeurs de moins de 11 salariés informent, par tout moyen, leurs salariés de leur décision de verser une prime (QR 5,5).
Si l’accord doit être déposé auprès de l’administration (plateforme de téléprocédure “téléaccords”), la DUE (décision unilatérale de l’employeur) n’a en revanche pas besoin d’être déposée auprès de l’administration (QR 5.4).
L’acte instituant la prime (accord ou DUE) doit préciser (QR 5.2) :
le montant de la prime ;
la date à laquelle est apprécié le critère de présence dans l’entreprise dans la limite des options prévues par la loi (date de versement de la prime, date de dépôt de l’accord ou date de signature de la DUE) ;
le cas échéant, l’exclusion des salariés dont la rémunération est supérieure à un certain plafond et le niveau de ce plafond et les modalités de sa modulation selon les bénéficiaires dans le respect des conditions prévues par la loi (sur les critères de modulations, voir ci-après).
Le Boss oublie une clause importante : l’acte doit également préciser la date et les modalités de versement de la prime.
Compte tenu du caractère pérenne de la PPV, l’administration admet que l’accord ou la DUE puisse avoir une durée supérieure à un an ou un exercice (QR 5.3). Dans ce cas, et dans l’hypothèse où l’employeur bénéficie du plafond d’exonération majorée (6 000 euros) au titre de la mise en place d’un accord de participation volontaire ou d’un accord d’intéressement, la condition d’un accord d’intéressement et/ou de participation volontaire produisant ses effets doit être remplie pendant toute la durée de cet accord ou décision.
► Mieux vaut toutefois négocier un accord ou prendre une décision pour l’année civile, quitte à reconduire le dispositif l’année suivante en renouvelant l’accord ou en prenant une nouvelle décision à l’identique. En effet, il n’est pas toujours aisé de mesurer la capacité financière de l’entreprise nécessaire pour assurer la distribution de la prime sur plusieurs années sans la mettre en péril. Rappelons également que la prime sera intégralement imposable et soumise à CSG/CRDS à compter du 1er janvier 2024. Des exonérations temporaires qui militent pour un engagement annuel ou tout au moins n’allant pas au-delà de 2023.
Détermination du montant de la prime
Peu de nouveautés
Après avoir rappelé que seul le critère de rémunération peut être utilisé comme critère d’exclusion (QR 2.5), l’administration revient brièvement sur la possible modulation du montant de la prime selon des critères légalement circonscrits (critères autorisés : rémunération, niveau de classification, durée de travail prévue au contrat de travail, durée de présence effective durant l’année écoulée, ancienneté dans l’entreprise) qui, confirme-t-elle, peuvent être combiné (QR 3.5).
Comme pour la Pepa, les critères de modulation s’apprécient sur les 12 mois précédant le versement de la prime (QR 3.3), une précision ne figurant dans la loi que pour le critère de durée de présence effective, pas pour les autres critères.
► L’appréciation sur les 12 mois précédant le versement de la prime ne pose pas de difficultés majeures pour les quatre premiers critères légaux, il en va différemment du critère d’ancienneté dans l’entreprise.
S’agissant de la durée de présence effective durant l’année écoulée, l’administration précise qu’elle s’apprécie dans les mêmes conditions que celles prévues pour le calcul de la valeur du Smic prise en compte pour le calcul de la réduction Fillon, soit en proportion de la durée de travail et en retenant les mêmes règles pour la prise en compte des absences (exception faite des congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, des congés de présence parentale, des congés parentaux d’éducation, des jours d’absence pour enfant malade et des dons de jours de repos au titre d’un enfant décédé ou gravement malade qui sont assimilés expressément à une durée de présence effective) (QR 3.4).
► Ainsi, un salarié ne devrait vraisemblablement pas percevoir de prime s’il n’est effectivement pas présent dans l’entreprise durant les 12 mois précédant le versement de la prime, en dehors des absences pour congés parentaux. Une réponse plus claire de l’administration aurait été toutefois bienvenue sur ce point.
Beaucoup de questions laissées en suspens
Quid de l’ancienneté dans l’entreprise ? Comment la comptabiliser lorsqu’un accord de groupe institue la prime et qu’un salarié est transféré d’une entreprise à l’autre sans reprise de son ancienneté ? Ce critère s’apprécie-t-il aussi sur les 12 mois précédant le versement de la prime ? Dans l’affirmative, comment apprécier une ancienneté sur cette période ?
Quid de la rémunération ? Si la rémunération à retenir pour le plafond de rémunération requise pour bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu et de CSG/CRDS est définie par la loi (voir ci-avant), ce n’est pas le cas de la rémunération servant de base au critère de modulation du montant de la prime ? L’acte juridique instituant la prime (accord ou DUE) peut-elle la définir librement ? Que faire lorsque cet acte ne précise rien ? Si, au cours des 12 mois précédant le versement de la prime, le salarié n’a perçu aucune rémunération, la prime à verser sera-t-elle d’un montant nul ou faut-il prévoir un montant plancher dans un tel cas de figure ?
Plus largement, la prime de partage de la valeur peut-elle aboutir, pour certains salariés, à une prime égale à zéro ? L’employeur doit-il fixer un plancher minimal de versement, quel que soit le critère retenu ? Et pourquoi apprécier l’ensemble de ces critères sur les 12 mois précédant le versement de la prime alors que la loi le prévoit uniquement pour le critère de la durée de présence effective ?
Entreprise à établissements multiples : son sort est clarifié
Il est possible d’attribuer des montants de prime différents selon l’établissement dont relèvent les salariés et l’employeur n’est pas tenu d’attribuer la prime à tous les établissements de l’entreprise (il peut l’attribuer aux salariés relevant d’un ou plusieurs établissements seulement, sous réserve que l’accord ou la DUE le prévoit et liste les établissements concernés) (QR 3.6 et 3.7).
Versement de la prime
La prime de partage de la valeur peut faire l’objet d’avances (QR 6.1) et d’un versement fractionné dans la limite d’une fois par trimestre, au cours d’une même année civile, rappelle l’administration. Elle précise que, si la prime peut être versée en plusieurs fois, il s’agit de la même prime unique (QR 6.3). Dès lors, les critères d’attribution (et, à notre avis, de modulation) ne peuvent être différents pour chaque versement. Ces critères s’apprécient à la date du premier versement annuel de la prime.
► Ni la loi ni le Boss ne précisent s’il s’agit de trimestres civils ou non. Dans le silence des textes, un versement tous les trimestres civils semble possible, sans avoir besoin de respecter une durée de trois mois entre les versements.
L’administration indique également que lorsqu’un salarié éligible à la prime quitte l’entreprise avant le versement de toutes les fractions de prime, le reliquat de prime auquel il a droit doit être versé avec le solde de tout compte, l’employeur ayant la possibilité dans ce cas de figure de ne pas respecter la temporalité prévue par l’acte instituant la prime (QR 6.5).
Conséquences du non-respect des conditions d’attribution de la prime (QR 8.1)
Le bénéfice de l’exonération est conditionné pour l’employeur au respect de l’ensemble des conditions d’attribution.
Toutefois, en cas de contrôle ultérieur donnant lieu au constat de l’absence de respect de l’une ou de plusieurs de ces conditions, afin d’éviter la remise en cause de l’ensemble de l’exonération, les employeurs seront invités dans un premier temps à régulariser cette situation.
En outre, à défaut, le redressement pourra être opéré dans des conditions similaires à celles applicables pour le contrôle de l’application des règles liées au caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire autorisant à réduire le redressement à proportion des seules erreurs commises (modulation du redressement Urssaf : article L.133-4-8 du code de la sécurité sociale).
► Ainsi, en pratique, le redressement sera réduit à hauteur des cotisations et contributions sociales dues sur les seules sommes faisant défaut ou excédant les conditions et limites prévues par la loi. Les sommes faisant défaut pourront être calculées en fonction du montant moyen de prime attribué et du nombre de salariés omis ou, lorsque la modulation n’était pas autorisée, en fonction de l’écart entre le montant des primes réduites à tort et le montant des primes non modulées défini par l’employeur. Les sommes en excédent correspondront notamment aux sommes exonérées versées à des salariés dont la rémunération excéderait le plafond défini dans l’entreprise ou attribués en substitution à d’autres éléments de rémunération.
Par ailleurs, en cas d’exonération par l’employeur des primes excédant le plafond de 3 000 euros ou 6 000 euros par salarié, seule la part excédant cette limite sera assujettie dans les conditions de droit commun. L’administration ajoute que “pour les entreprises, autres que celles mentionnées à la question 4.10 (entreprises bénéficiant du plafond d’exonération majoré au titre de la mise en œuvre d’un accord d’intéressement ou de participation volontaire), ayant versé une prime de plus de 3 000 euros sans remplir l’une des conditions …[requises pour bénéficier du plafond d’exonération majoré], seule la part de la prime excédant 3 000 euros sera réintégrée dans l’assiette des cotisations et des contributions sociales et, le cas échéant, à l’assiette de l’impôt sur le revenu”.
Géraldine Anstett
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : emploi, fonction publique, nominations, santé sécurité
Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du vendredi 7 octobre au jeudi 13 octobre inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branches que vous retrouvez une fois par mois dans nos colonnes.
Emploi
Un arrêté du 3 octobre 2022 habilite les territoires pour mener l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée »
Fonction publique
Un arrêté du 4 octobre 2022 modifie l’arrêté du 7 juin 2022 portant institution et composition des comités sociaux d’administration relevant du ministre chargé de l’agriculture
Un arrêté du 4 octobre 2022 modifie l’arrêté du 25 avril 2022 portant création des comités sociaux d’administration relevant du ministère de la justice
Un arrêté du 6 octobre 2022 précise les modalités d’organisation du vote électronique par internet pour l’élection des représentants du personnel au sein des instances de représentation du ministère de l’intérieur et des outre-mer
Un arrêté du 5 octobre 2022 précise les modalités d’organisation du vote électronique par internet des personnels relevant du ministère de la culture pour l’élection des représentants des personnels aux comités sociaux d’administration, aux commissions administratives paritaires et aux commissions consultatives paritaires pour les élections professionnelles fixées du 1er au 8 décembre 2022
Nominations
Un décret du 5 octobre 2022 porte nomination au Conseil commun de la fonction publique (sur proposition de la CFDT Fonctions publiques : Laetitia Aresu et Christophe Bonnet)
Un arrêté du 10 octobre 2022 porte nomination au cabinet du ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement
Un arrêté du 3 octobre 2022 porte nomination au Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire
Un arrêté du 6 octobre 2022 porte nomination à la commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières
Outre mer
Un décret du 12 octobre 2022 étend et adapte à Mayotte les dispositions réglementaires du code de la sécurité sociale relatives à l’allocation journalière de présence parentale et l’allocation journalière du proche aidant
Santé sécurité
Un arrêté du 16 septembre 2022 porte désignation temporaire d’organismes pouvant procéder aux contrôles et mesures en matière d’aération et d’assainissement des locaux de travail prescrits par l’agent de contrôle de l’inspection du travail
Un arrêté du 25 juillet 2022 modifie divers arrêtés relatifs à la prévention des risques liés à l’amiante
actuEL CE
Lettre de notre Avocat septembre 2022
CONTRAT DE TRAVAIL – EXECUTION
Contrat, prime conventionnelle, absence de contractualisation : la référence dans le contrat de travail à une prime prévue par la convention d’entreprise, laquelle définit exclusivement ses conditions d’attribution, n’implique pas la contractualisation de ses dispositions (Cass. Soc., 06.07.2022, n°20-22.358).
Prime de 13ème mois, prime de vacances, CCN Syntec : une prime de 13ème mois, prévue par le contrat de travail, s’analyse comme un élément fixe de la rémunération annuelle d’un salarié et ne peut valoir prime de vacances au sens de l’article 31 de la CCN Syntec (Cass. Soc., 14.09.2022, n°21-14.943).
Dépassement d’un forfait en jours, renonciation aux jours de repos, indemnisation : le dépassement du forfait en jours peut caractériser un renoncement du salarié à ses jours de congés que l’employeur est tenu de rémunérer (Cass. Soc., 06.07.2022, n°20-15.656).
Forfait en jours, heures supplémentaires : selon l’article L. 3121-48 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire. Il en résulte qu’un salarié soumis à une convention de forfait en jours dont il ne conteste pas la validité ne peut réclamer le paiement d’heures supplémentaires (Cass. Soc., 21.09.2022, n°21-14.106).
Changement d’horaires : le changement des horaires de travail d’un salarié relève en principe du pouvoir de direction de l’employeur. Toutefois, l’accord du salarié est nécessaire pour un passage d’horaire de nuit à un horaire de jour, les horaires se trouvant radicalement inversés (Cass. Soc., 14.09.2022, n°21-13.015).
Heures supplémentaires, charge de la preuve : en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir effectuées afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant. Pour rappel, le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-13.496).
Egalité de traitement, diplôme : la seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s’il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée (Cass. Soc., 14.09.2022, n°21-12.175).
Remboursement des frais de transport en commun, éloignement géographique pour convenance personnelle : l’employeur ne peut pas alléguer l’éloignement géographique pour convenance personnelle du salarié afin de refuser le remboursement des frais de transports en commun, sous peine d’instaurer entre les salariés une différence de traitement qui ne serait pas justifiée par des raisons objectives et pertinentes (TJ de Paris, 05.07.2022, n°22/04735 : décision communiquée sur simple demande).
Contrat à temps partiel, formalisme, présomption de travail à temps complet : l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. L’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur (Cass. Soc., 14.09.2022, n°21-12.251).
Contrat à temps partiel, avenant de complément d’heures, durée maximale : un avenant de complément d’heures à un contrat de travail à temps partiel ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement (Cass. Soc., 21.09.2022, n°20-10.701
Harcèlement moral, charge de la preuve : le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement (Cass. Soc., 12.07.2022, n°20-23.367).
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Absence prolongée pour maladie, désorganisation d’un service, licenciement : la désorganisation d’un service ne suffit pas à justifier le licenciement d’un salarié en arrêt maladie prolongé, lorsque la désorganisation ne concerne pas l’ensemble de l’entreprise (Cass. Soc., 06.07.2022, n°21-10.261).
Comportement managérial encouragé par la hiérarchie, licenciement injustifié : le comportement d’un salarié embauché en qualité de directeur des systèmes d’information qui est le résultat d’une position managériale partagée et encouragée par l’ensemble de ses supérieurs hiérarchiques ne rend pas impossible son maintien dans l’entreprise et ne peut, dans ce cadre, constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. Soc., 12.07.2022, n°20-22.857).
Licenciement pour inaptitude, reclassement, recours au travail temporaire : il incombe à l’employeur qui envisage de licencier pour inaptitude un salarié bénéficiant d’une protection de procéder, préalablement à son licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d’être proposés pour pourvoir ces postes, et appropriés à ses capacités, en vue de chercher à le reclasser et à éviter autant que de possible son licenciement. Dans l’hypothèse où l’employeur recourt au travail temporaire dans des conditions telles qu’elles révèlent l’existence d’un ou plusieurs postes disponibles dans l’entreprise, peu important qu’ils soient susceptibles de faire l’objet de contrats à durée indéterminée ou déterminée, il lui appartient de proposer ces postes au salarié, pour autant qu’ils soient appropriés à ses capacités (CE, 19.07.2022, n°438076).
Droit d’agir en justice, liberté fondamentale, nullité du licenciement : est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur. Ici, la lettre de licenciement faisait référence aux bulletins de paie de collègues communiqués dans le cadre d’un contentieux prud’homal (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-11.101).
LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE
Absence de baisse du chiffre d’affaires ou des commandes, existence d’un motif économique: le juge ne peut écarter le motif économique d’un licenciement du seul fait que l’employeur n’apporte pas la preuve de la baisse du chiffre d’affaires et/ou des commandes. Dès lors que l’employeur invoque l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques prévus par le code du travail, ou de tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés, le juge doit les prendre en compte (Cass. Soc., 21.09.2022, n°20-18.511).
PSE, appréciation de la conditions d’effectif, UES : les conditions de mise en œuvre d’un PSE (en termes d’effectif et du nombre des licenciements envisagés) s’apprécient au niveau de l’entreprise, ou dans le cadre d’une UES. Lorsque le jugement reconnaissant l’UES est frappé d’appel, et n’est donc pas définitif, les conditions de mise en œuvre d’un PSE s’apprécient au seul niveau de la société employeur (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-19.092).
Sauvegarde de la compétitivité, champ d’appréciation : lorsque la lettre de licenciement fait état d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, le juge doit rechercher si la décision de l’employeur était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle relève. Les juges du fond ne peuvent se déterminer par des motifs tirés de l’absence de justification par l’employeur de la situation de ses concurrents évoluant sur le même secteur d’activité, impropres à écarter l’existence d’une menace sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe (Cass. Soc., 12.07.2022, n°21-12.984).
Modification du contrat de travail pour motif économique : lorsque l’employeur formule une proposition au salarié conformément à l’article L. 1222-6 du code du travail en invoquant des difficultés économiques, les juges du fond ne peuvent dénier l’existence de la modification du contrat de travail (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-13.058).
Séparation des pouvoirs, compétence de l’autorité administrative, PSE, prorogation des mandats : dans le cadre de son contrôle relatif au plan de sauvegarde de l’emploi, il n’appartient pas à l’autorité administrative, lorsque le mandat des membres des institutions représentatives du personnel dans l’entreprise a été prorogé par la voie d’un accord collectif conclu en application des dispositions transitoires de l’ordonnance du 22 septembre 2017, d’apprécier si ce mandat a été valablement prorogé par cet accord, à moins que l’autorité judiciaire dûment saisie à cet effet ait jugé que tel n’était pas le cas (CE, 19.07.2022, n°436401).
OBLIGATION DE SECURITE, CONDITIONS DE TRAVAIL
Mise en cause précipitée et humiliante d’une salariée, manquement à l’obligation de sécurité : une mise en cause précipitée et humiliante du mode de management d’une salariée, sans ménagement ni précautions suffisantes, peut constituer un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité (Cass. Soc., 06.07.2022, n°21-13.631).
Obligation de sécurité de l’employeur, formation du salarié intérimaire : l’employeur viole délibérément ses obligations légales de sécurité et doit supporter le risque de l’accident lorsque l’entreprise recrute un salarié en intérim sans lui délivrer une autorisation de conduite, sans faire de vérification particulière et sans lui assurer de formation (Cass. Crim., 06.09.2022, n°21-86.085).
Alerte, registre d’alerte en matière de risque grave : les alertes du salarié ou du représentant du personnel au comité social et économique en matière de risque grave pour la santé publique ou l’environnement sont consignées sur un registre spécial qui est tenu, sous la responsabilité de l’employeur, à la disposition des représentants du personnel au comité social et économique (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-16.993).
Liberté d’expression des salariés sur leurs conditions de travail : les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l’exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement (Cass, Soc., 21.09.2022, n°21-13.045).
TRANSFERT D’ACTIVITE
Perte d’un contrat de concession, absence de transfert d’activité : la perte d’un contrat de concession ne suffit pas à entrainer le transfert automatique des salariés vers un autre concessionnaire lorsqu’il n’existe aucun transfert d’activité chez le nouveau concessionnaire (Cass. Soc., 12.07.2022, n°17-24.129).
Transfert, égalité de traitement : l’obligation à laquelle est tenu le nouvel employeur, en cas de reprise du contrat de travail du salarié d’une entreprise par application volontaire de l’article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir à son bénéfice les droits qui lui étaient reconnus chez son ancien employeur au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés (Cass. Soc., 28.09.2022, n°20-23.613).
Transfert, fraude, CSP : l’existence d’un concert frauduleux entre les employeurs successifs pour priver le salarié des droits qu’il tenait de l’article L. 1224-1 du code du travail prive d’effet le licenciement, chacun d’eux devant ainsi supporter les conséquences dommageables de la rupture du contrat de travail. De plus, en l’absence de motif économique, le CSP n’ayant pas de cause, la société cessionnaire doit reverser au salarié les sommes correspondant au préavis réglées à Pôle emploi (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-17.213).
SALARIÉS PROTÉGÉS
Liberté d’expression, représentant du personnel : sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression. Il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Par ailleurs, le représentant du personnel, sauf abus, ne peut être sanctionné en raison de l’exercice de son mandat pendant son temps de travail (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-14.814).
Salarié protégé, preuve des faits reprochés : le licenciement disciplinaire d’un salarié protégé pour des faits de harcèlement moral est subordonné à l’absence de doute quant à la matérialité des faits qui lui sont reprochés (CAA de Paris, 22.08.2022, n°21PA00008).
Licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé, pouvoir du juge judiciaire : l’autorisation de licenciement d’un salarié protégé pour inaptitude ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant le juge judiciaire tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations. Le juge judiciaire est compétent pour ordonner à l’employeur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes intéressés (Cass. Soc., 15.06.2002, n°20-22.430).
Licenciement nul, droits à la retraite, indemnité compensatrice de congés-payés : lorsque le salarié protégé, dont le licenciement est nul en l’absence d’autorisation administrative de licenciement et qui a demandé sa réintégration, a fait valoir, ultérieurement, ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration dans l’entreprise, l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur ouvre droit au paiement, au titre des congés payés afférents, d’une indemnité compensatrice de congés payés. Dans l’hypothèse où le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de son départ à la retraite, il ne saurait toutefois prétendre, à l’égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi (Cass. Soc., 21.09.2022, n°21-13.552).
IRP, FONCTIONNEMENT, PERIMETRE
Participation du président du CSE au vote, élection du secrétaire : la participation du président au vote de désignation du secrétaire n’est pas une faute entravant le fonctionnement régulier de l’instance (Cass. Crim., 14.06.2022, n°21-82.443).
Modification de l’ordre du jour à l’unanimité : l’ordre du jour d’une réunion peut valablement être modifié à l’unanimité des membres présents en début de séance du comité (Cass. Crim., 13.09.2022, n°21-83.914).
Articulation des consultations du CSE, consultation ponctuelle, consultation récurrente : la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise (Cass. Soc., 21.09.2022, n°20-23.660).
NEGOCIATION, ACCORDS COLLECTIFS
Mise en cause de l’accord collectif, principe de loyauté : si, du fait de l’absence d’accord de substitution, un salarié peut conserver son statut de cadre et la rémunération résultant de la convention collective mise en cause par un transfert d’entreprise jusqu’à la fin du délai de survie de cette convention, il ne peut prétendre au maintien pour l’avenir de ce statut, qui ne résulte que des dispositions de la convention collective qui ne s’applique plus (Cass. Soc., 14.09.2022, n°21-13.309).
Action en nullité d’un accord collectif, modalités de publication : le délai de forclusion pour agir en nullité d’un accord de branche court à compter de la date à laquelle l’accord de branche a été rendu public par sa publication au bulletin officiel des conventions collectives qui, en conférant date certaine, répond à l’objectif de sécurité juridique. Le versement dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable, n’est qu’une mesure complémentaire répondant à l’objectif d’accessibilité de la norme de droit (Cass. Soc., 21.09.2022, n°20-23.500).
SYNDICATS
Union syndicale, statuts, désignation d’un DS ou d’un RSS : les statuts d’une union de syndicats peuvent limiter sa capacité à désigner un délégué syndical ou un représentant de section syndicale dans une entreprise, par exemple lorsqu’un syndicat adhérent de l’union a déjà procédé à une telle désignation (Cass. Soc., 06.07.2022, n°21-17.933).
Participation de l’employeur aux cotisations syndicales, indépendance des syndicats : un accord collectif peut prévoir la prise en charge par l’employeur d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles, dès lors que le dispositif conventionnel ne porte aucune atteinte à la liberté du salarié d’adhérer ou de ne pas adhérer au syndicat de son choix, ne permet pas à l’employeur de connaître l’identité des salariés adhérant aux organisations syndicales et bénéficie tant aux syndicats représentatifs qu’aux syndicats non représentatifs dans l’entreprise. Le montant de la participation de l’employeur ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par le salarié (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-10.785).
Désignation du délégué syndical, renonciation des élus et candidats : lorsque tous les élus ou tous les candidats qu’elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé à être désignés délégué syndical, l’organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l’un de ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou l’un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-19.005).
Intérêt à agir du syndicat, contestation du règlement intérieur : si un syndicat est recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d’une entreprise en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel, en l’absence desquelles le règlement intérieur ne peut être appliqué, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente, le syndicat n’est, en revanche, pas recevable à demander au tribunal judiciaire la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise, en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur de ces formalités (Cass. Soc., 21.09.2022, n°21-10.718).
PROCEDURE, PRESCRIPTION
Prescription en matière de harcèlement moral, point de départ du délai : le délai de prescription de cinq ans, dont dispose le salarié victime d’un harcèlement pour agir devant le conseil de prud’hommes, court à partir du dernier acte de harcèlement. Lorsque l’action exercée au titre du harcèlement moral n’est pas prescrite, le juge doit prendre en compte l’ensemble des faits invoqués permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral, quelle que soit la date de leur commission (Cass. Soc., 29.06.2022, n°21-15.684).
Bureau de conciliation et d’orientation, procès-verbal de conciliation, clause de non-concurrence : le BCO est compétent pour régler un différend né à l’occasion du contrat de travail. Lorsque les parties ont précisé dans le procès-verbal de conciliation que leur accord vaut renonciation à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail, elles ont reconnu que leurs concessions réciproques incluaient bien la clause de non-concurrence. Une action en paiement d’une contrepartie financière est, par nature, une réclamation relative à la rupture du contrat (CA Aix-en-Provence, 22.06.2022, n°21/00102 : décision communiquée sur simple demande).
Autorité de la chose jugée du pénal sur le civil, licéité de la preuve : une cour d’appel ayant constaté que le licenciement du salarié était motivé par des faits de violences volontaires pour lesquels il avait été condamné par le tribunal de police, c’est à bon droit qu’elle a décidé que l’autorité absolue de la chose jugée au pénal s’opposait à ce que l’intéressé soit admis à soutenir devant le juge prud’homal, l’illicéité du mode de preuve jugé probant par le juge pénal (Cass. Soc., 21.09.2022, n°20-16.841).
Clause de médiation préalable, procédure de conciliation préliminaire et obligatoire devant les prud’hommes : en raison de l’existence d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire en matière prud’homale, une clause du contrat de travail prévoyant une procédure de médiation préalable n’empêche pas les parties de saisir le juge prud’homal de leur différend (Cass. Soc., avis, 14.06.2022, n°15006).