Le site Mon Compte Formation sécurisé à compter du 25 octobre grâce à FranceConnect+
Afin de renforcer la sécurité du service Mon Compte Formation, le ministère du travail indique, qu’à partir du 25 octobre 2022, l’achat de formations via le CPF (compte personnel de formation) sur la plateforme Mon compte formation sera sécurisé avec le service France Connect +. Cette authentification renforcée grâce au service d’identité numérique de La Poste permet de lutter contre l’usurpation d’identité lors de la réalisation de démarches administratives sensibles.
A partir de cette date, il sera donc nécessaire de détenir un compte France Connect + afin de s’inscrire en formation sur Mon compte formation. Pour créer une identité numérique, il convient de se rendre sur le site lidentitenumerique.laposte.fr.
La mesure d’expertise prise par l’employeur n’empêche pas une expertise du CSE pour risque grave
La décision de l’employeur de confier à un cabinet externe une mission d’analyse des risques psychosociaux n’empêche pas le CSE de voter une expertise pour risque grave.
Par délibération du 2 septembre 2021, l’un des CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de La Poste vote une expertise pour risque grave. A la demande de la direction, le tribunal judiciaire annule cette délibération.
Pour le juge, l’expertise du CHSCT n’avait pas lieu d’être car l’employeur justifiait avoir apporté des réponses pertinentes au risque grave invoqué, notamment par la désignation d’un cabinet externe missionné pour mener une mission d’analyse en vue de la mise à jour du volet RPS (risques psychosociaux) du document unique. De plus, c’est sans attendre le résultat de cette mission que le CHSCT a ordonné une expertise recouvrant, pour partie, les mêmes faits.
Heureusement, la Cour de cassation ne partage le point de vue du tribunal judiciaire.
Des prérogatives légales
Ainsi, comme le rappelle l’arrêt du 28 septembre 2022, en présence d’un risque grave identifié et actuel, “la mesure d’expertise prise par l’employeur ne saurait en soi faire échec à l’exercice par le CHSCT de ses prérogatives légales”, et donc le priver de la possibilité de se faire assister par un expert.
Cette décision n’est pas une première. Quasiment dans les mêmes termes, il a déjà été jugé que des mesures d’investigation et d’enquête décidées par l’employeur ne saurait faire échec à l’exercice par le CHSCT de ses prérogatives légales. Ici aussi, il était question d’expertise pour risque grave et d’enquête externalisée par l’employeur (Cass. soc., 6 mars 2019, n° 17-28.388).
De même, d’après une jurisprudence du 13 février 2019, le fait que l’entreprise soit dotée de deux organes de prévention spécifiques ne s’oppose pas à ce que le CHSCT décide de recourir à une expertise (Cass. soc., 13 févr. 2019, n° 17-15.530).
Précisions sur la mise à disposition du registre d’alerte santé publique et environnement
Dans une entreprise dotée d’un seul CSE, l’employeur n’a pas l’obligation de mettre en place un registre d’alerte en matière de risque grave pour la santé publique ou l’environnement dans chacun des magasins de la société. La tenue de ce registre au siège de l’entreprise suffit.
Le représentant du personnel au CSE qui constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement font peser un risque grave pour la santé publique ou l’environnement en alerte immédiatement l’employeur (article L.4133-2 du code du travail). Cette alerte est consignée sur un registre spécial, tenu sous la responsabilité de l’employeur, à la disposition des représentants du personnel au CSE (articles D.4132-1 et D.4132-2 du code du travail).
Mais où ce registre doit-il être mis en place lorsque l’entreprise est composée de plusieurs établissements ? C’est à cette question que cet arrêt du 28 septembre 2022 répond pour la première fois.
Plusieurs magasins mais un seul CSE
Dans cette affaire, en sa qualité de membre du CSE, un salarié saisi la juridiction prud’homale selon la procédure accélérée au fond pour obtenir notamment la mise en place d’un registre du droit d’alerte en matière de risque grave pour la santé publique ou l’environnement au niveau de tous les magasins.
Il est débouté par la cour d’appel au motif que l’employeur n’a pas l’obligation mettre en place ce registre dans chacun de ses magasins, ceux-ci n’étant pas des entités légales indépendantes, ni des établissements distincts au sens du CSE.
Un seul CSE, un seul registre
La Cour de cassation donne raison aux juges du fond. Elle commence par constater que la société n’est dotée que d’un seul CSE et que le registre spécial est bien tenu au siège de l’entreprise, à la disposition des représentants du personnel. Elle en déduit que la société n’a pas l’obligation de mettre en place un registre d’alerte dans chacun des magasins de la société.
Il semble se déduire de cette décision que si l’entreprise comporte plusieurs établissements distincts, un registre doit alors être tenu dans chacun d’eux, à la disposition des représentants du personnel au CSE d’établissement. Faudrait-il alors mettre également en place un registre spécial au niveau du CSE central d’entreprise ? La Cour de cassation ne répond pas à cette question.
► Cette solution devrait d’après nous s’appliquer également au registre des dangers graves et imminents dans le cadre du droit d’alerte correspondant (articles L.4131-2 et D.4132-1 du code du travail), les mécanismes étant similaires. A noter à cet égard que la circulaire DRT n° 93-15 du 25 mars 1993 (BO ministère du travail, n° 93/10, 5 juin) prévoit, concernant ce registre, que “quand plusieurs comités distincts auront été créés, il sera établi un registre par comité”. Cette circulaire est réputée abrogée mais il nous semble que la règle reste valable, d’autant qu’elle va dans le même sens que l’arrêt du 28 septembre 2022.
Réforme de l’assurance chômage : la concertation débute
La première réunion de concertation sur l’assurance chômage s’est déroulée hier matin au ministère du travail. Les partenaires sociaux ont désormais jusqu’au 21 novembre pour avancer leurs propositions sur la réforme contracyclique voulue par le gouvernement selon laquelle l’assurance chômage s’adapte à la conjoncture économique.
La concertation sur l’assurance chômage est lancée. La première réunion s’est déroulée hier au ministère du travail, en présence d’Olivier Dussopt mais sans la CGT. La confédération a en effet choisi de ne pas se présenter en raison du conflit chez Total et Exxon et des réquisitions décidées par le gouvernement qui, selon elle, portent “une atteinte majeure au droit constitutionnel de grève et aux libertés fondamentales” (lire à ce sujet notre interview du professeur de droit Emmanuel Dockès dans cette même édition). A la veille d’une journée de mobilisation interprofessionnelle, le ministère du travail a voulu faire passer l’idée d’une première réunion dans “une ambiance apaisée et constructive” en présence de la CFDT, de FO, de la CFTC, de la CFE-CGC, du Medef, de la CPME et de l’U2P.
Fin des discussions le 21 novembre
La concertation va durer plusieurs semaines au travers de bilatérales avec les organisations syndicales et patronales, “autant que nécessaire”, assure-t-on au ministère du travail, même si la deadline est d’ores et déjà fixée au 21 novembre, pour une réunion finale présidée par Olivier Dussopt. S’ensuivra ensuite une négociation interprofessionnelle sur la gouvernance dès la fin de l’année.
La France dispose d’un “système protecteur” mais “qui épouse imparfaitement les évolutions de la conjoncture”. C’est pour cela que le ministère souhaite un système “plus réaliste et plus adapté pour que le chômage baisse et que les demandeurs d’emploi retrouvent le chemin de l’emploi”.
Trois points au menu des échanges
Les trois points à l’ordre du jour de cette première réunion vont alimenter toutes les séances de concertation.
1. Un état des lieux du marché du travail ;
2. Les paramètres qui pourraient faire l’objet d’une modulation afin de tenir compte de la conjoncture (durée d’indemnisation, conditions d’affiliation, seuil d’éligibilité, taux de conversion entre la durée d’affiliation et à la durée indemnisée…) ;
3. Les critères permettant d’activer la modulation et leur ampleur et les modalités du déclenchement du passage aux règles plus favorables ou moins favorables (intervention d’un comité d’experts, territorialisation, …).
Les partenaires sociaux vont désormais devoir discuter de ces 3 points avec le ministère du travail pendant plusieurs semaines. Olivier Dussopt “est attaché au maintien du niveau d’indemnisation” et il faudra “s’assurer de bien mesurer tous les impacts de tout ce qui est mis sur la table”, assure-t-on rue de Grenelle.
Pas de rétroactivité des nouvelles règles
Une fois ces nouvelles règles fixées, il conviendra d’en assurer l’application. Là encore, les partenaires sociaux sont appelés à y réfléchir. “Les règles et les procédures doivent être claires ; on ne les changera pas du jour au lendemain”, indique-t-on au ministère du travail.
D’une part, il n’y aura pas de rétroactivité. Les demandeurs d’emploi qui sont actuellement en cours d’indemnisation – jusqu’à l’entrée en vigueur du décret qui traduira ces nouvelles règles – ne verront pas leurs droits remis en cause.
►Concrètement, deux décrets sont attendus. Le premier “de jointure” pour assurer la continuité des droits des chômeurs. Le second sur le nouveau régime contracyclique.
D’autre part, “lorsque les droits seront notifiés on ne pourra pas retirer des droits aux demandeurs d’emploi”, assure-t-on au ministère. Par exemple, un demandeur d’emploi qui bénéficie de 18 mois d’indemnisation au moment de son inscription ne pourra pas voir cette durée réduite. En revanche, si en cours d’indemnisation la conjoncture économique se dégrade, son indemnisation pourra être prolongée de trois mois.
Restera à déterminer également à quelle date s’appliqueront les nouvelles règles aux demandeurs d’emploi : à l’inscription ? En cours ou en fin de droits ?
Quoi qu’il en soit, le ministère tient à souligner que Pôle emploi disposera d’outils pour informer les demandeurs d’emploi et réaliser des simulations pour leur permettre de se projeter dans leur parcours et connaître les règles qui s’appliqueront à eux. “Il faut de la clarté et de la simplification si on veut faire évoluer les comportements des demandeurs d’emploi et des entreprises”.
Condition d’affiliation, freins à l’emploi, territorialisation : quelques détails fournis par les partenaires sociaux
A la sortie de cette réunion, les partenaires sociaux nous ont fait part des quelques détails qui ont émergé par rapport au document de concertation. Selon Michel Beaugas (FO), il a été question d’utiliser la condition d’affiliation comme paramètre modulable dans le futur régime : “Aujourd’hui, elle est de 6 mois dans les 24 derniers mois, elle pourrait passer à 6 mois dans les derniers 18 mois, ou 8 mois dans les derniers 24 mois. En tout cas il en a davantage été question que la durée d’indemnisation”. Cependant, aucune décision n’est prise pour l’instant. Marylise Léon (CFDT) préfèrerait agir sur “les freins périphériques à l’emploi”, à savoir les places en crèche pour faire garder les enfants des potentiels salariés, le logement ou encore la mobilité. Eric Courpotin, secrétaire confédéral de la CFTC, déplore qu’Olivier Dussopt “navigue à vue : ils reprendraient les stocks de demandeurs d ’emploi déjà indemnisés, mais ils nous disent qu’ils ne toucheront pas à leurs droits. Mais s’ils reprennent le stock, ils seront bien obligés de [modifier] leurs droits, sinon, la réforme ne s’applique pas [aux demandeurs d’emploi déjà indemnisés !”. Même chose sur la territorialisation : “le ministre nous dit qu’ils ne veulent pas territorialiser, puis il nous en parle au sujet des indicateurs, donc tout est confondu et mélangé”. La CGT s’est exprimée par voie de communiqué de presse (en pièce jointe), dénonçant un “projet de loi tout tracé par le gouvernement” : “L’issue de ces concertations est donc contrainte, elles se tiennent en lieu et place de négociations paritaires. Les premiers éléments (…) laissent prévoir que cette réforme privera des centaines de milliers de personnes de droits à l’assurance chômage (…). Enfin, côté patronal, Hubert Mongon (UIMM / Medef) a reconnu que “les sujets ne sont pas simples, car il existe de multiples facteurs qui expliquent les difficultés de recrutement, notamment la formation”. La CPME, représentée par Jean-Michel Pottier, partage la même volonté de voir aboutir le projet de modulation. “Mais elle pourrait aussi être incitative pour retrouver un emploi”, tempère-t-il avant d’appeler aussi à “un accompagnement des demandeurs d’emploi”. Les propos sont plus mesurés à l’U2P. Son vice-président, Michel Picon émet “des réserves” sur le projet, notamment son efficacité pour résoudre les problèmes de recrutement, ainsi que “des doutes sur la non-prise en compte de la territorialité des situations. Pour l’instant, les syndicats attendent les réunions bilatérales pour entrer plus en profondeur sur la technique des différents éléments et faire valoir leurs propositions. Il convient également d’attendre les modifications qui pourraient être portées au projet de loi sur le marché du travail par le Sénat à compter du 25 octobre.
Florence Mehrez et Marie-Aude Grimont
Report des nouvelles règles de calcul des indemnités journalières de sécurité sociale : le décret est paru
Un décret du 14 octobre 2022 acte le report des nouvelles règles de calcul des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) au 1er juin 2024. Initialement, ces dispositions devaient s’appliquer aux arrêts de travail prescrits à compter du 1er octobre 2022.
► Rappelons que ces nouvelles règles prévoient, lorsque le salarié n’a pas travaillé etn’a donc pas perçu de revenus d’activité pendant tout ou partie de la période de référence, la prise en compte de l’ensemble des revenus de la période de référence divisés par le nombre de jours de la période travaillée afin de neutraliser les interruptions de travail involontaires ou les débuts d’activité.
Stéphane Sirot : “Le partage de la valeur est un motif légitime de mobilisation”
Après l’annonce des réquisitions par Élisabeth Borne mardi 11 octobre, le conflit des raffineries et de la distribution de carburant se poursuit. Quelles sont ses spécificités et ses points communs avec les mouvements antérieurs qui ont secoué le pays ? Que dit-il de la capacité des organisations syndicales que l’on décrit comme déclinantes depuis plusieurs décennies ? Comment le conflit peut-il évoluer ? Nous avons demandé à Stéphane Sirot, historien spécialiste des grèves en France, de nous apporter son éclairage. Entretien.
Contrairement au gouvernement, avez-vous vu ce mouvement arriver ? Était-il prévisible ?
Oui et non. Je l’avais vu arriver mais je ne me doutais pas de son ampleur. Cela étant, il n’a rien de surprenant : depuis un an se multiplient les conflits salariaux. On assiste à une résurgence de la conflictualité sur les questions de revenu, puisqu’elles sont en quelque sorte indexées sur le niveau d’inflation. Mais l’ampleur d’un mouvement est un ingrédient toujours difficile à anticiper.
Comment jugez-vous la manière avec laquelle le gouvernement gère ce conflit ?
D’un côté, on peut constater son imprévoyance, ou son incapacité à mesurer le mécontentement. De l’autre, il est vrai que l’intervention publique s’est faite tardive. Et ce déni continue autour d’une bataille sémantique, le gouvernement adoptant les termes de “grève préventive” et de “blocage” mais pas celui de “pénurie”. Or la pénurie signifie simplement qu’il manque de quelque chose. Il est donc cocasse de voir son entêtement à ne pas vouloir le prononcer ! Mais s’il veut faire penser qu’il n’existe pas de pénurie, alors pourquoi intervenir dans le conflit ? Ensuite, sur son positionnement dans le rapport de force entre les entreprises et les salariés, on ne peut pas dire qu’il fasse preuve de neutralité. La réquisition, c’est l’arme atomique en matière de relations sociales, c’est le 49-3 du social ! Pour rester neutre, contrairement à ce qu’il affirme, il aurait fallu menacer les entreprises d’un moyen de pression équivalent à la réquisition, à savoir une loi ou un amendement relatif aux superprofits. Or, il refuse d’adopter cette mesure, sa position est donc de fait connoté.
Que pensez-vous du point de départ de ce mouvement, à savoir les salaires, dans un contexte d’inflation et d’une demande de partage de la valeur ?
C’est un motif légitime de mobilisation. Les termes du débat sont emblématiques de ce point de vue. Il est clairement question de partage des richesses. Et l’inquiétude ajoute à cette légitimité car les salariés en grève sont inquiets pour leur avenir. Des échéances s’approchent dans lesquelles il faudra faire un moindre usage des énergies fossiles, favoriser des véhicules propres. Alors quid de l’avenir de ces salariés ?
Vous voulez dire que cette grève est une occasion manquée d’évoquer ces sujets avec les salariés des raffineries ?
Oui, les enjeux écologiques et numériques sont des sujets délicats quand on s’adresse aux citoyens. Et ces thèmes sont marqués par d’incessants allers-retours : tantôt on les martèle, tantôt on les met de côté (un plan de sobriété énergétique a été présenté il y a peu, NDLR).
On ne traite pas les sujets en amont
Je crains que, comme on le fait souvent, on ne traite des sujets que quand ils arrivent, sans les avoir prévus en amont. Mettre en avant les problématiques des salaires c’est bien normal, mais ça ne devrait pas empêcher de réfléchir aux problématiques de plus long terme. D’autant que les syndicats depuis les années 90 n’ont pas été les derniers à se préoccuper d’écologie.
Ce n’est pas la première fois qu’un conflit social prend racine dans les raffineries et la distribution. Par ailleurs le mouvement des gilets jaunes s’est déclenché sur une taxe sur l’essence et une limitation de vitesse. Que pensez-vous de la mobilité comme vecteur récurrent de conflits sociaux dans l’histoire ?
Oui, on a vu un conflit social moins classique avec les gilets jaunes. Mais on peut être certain que ce type de mobilisation se reproduira. La preuve : dans sa gestion de la crise énergétique, le gouvernement s’adresse en premier lieu à ces catégories de population, plutôt modestes et en périphérie urbaine et rurale. Quand on regarde bien, les aides proposées entrent en résonance avec ces populations. La classe politique garde en mémoire ces événements traumatiques (pour elle comme pour les gilets jaunes), donc elle essaie d’en prendre soin, pas seulement par philanthropie, mais par crainte de nouveaux soulèvements.
Le gouvernement veut aligner des réformes sensibles, comme l’assurance chômage et les retraites qui ont été vecteurs de mobilisations majeures comme en 1995 ou en 2019. Avez-vous l’impression que ce filigrane joue dans ce conflit ?
Oui, je suis convaincu que tout le monde y pense, même si je n’en ai pas la preuve. Tous les acteurs se préparent car ils s’attendent à quelque chose sur le projet de réforme des retraites, dont l’issue est dans les têtes des deux camps.
Le conflit d’aujourd’hui est offensif
Si la CGT et les grévistes obtiennent satisfaction, ce sera un atout non négligeable dans la bataille des retraites. Depuis 1995, on est face à des conflits défensifs, réactifs. Or, le conflit d’aujourd’hui est offensif, et d’ampleur nationale en plus ! Il faut voir également que le choix des citoyens de rejoindre le conflit dépend de ses chances de gagner. Cela peut jouer dans la dynamique syndicale. A l’inverse, si le gouvernement par les réquisitions et l’utilisation des stocks de carburant parvient à un arrêt de la grève, ce serait un semi-échec pour la CGT, un affaiblissement. Ces enjeux sont très présents dans le conflit des raffineries.
Pour l’instant, personne ne les nomme mais tout le monde pense aussi aux gilets jaunes, qui n’apparaissent pas dans la contestation. Pensez-vous qu’ils vont rejoindre la mobilisation ?
Je pense que ce conflit restera syndical. Dans toutes les manifestations de ces dernières années, on a revu des gilets jaunes mais de manière résiduelle. Ils ne sont pas parvenus à s’organiser et à pérenniser des structures leur permettant de perdurer. On voit dès lors l’intérêt que représentent les organisations traditionnelles, ces institutions syndicales.
Lors de sa conférence de presse de jeudi 13 octobre, la CGT a indiqué que sa volonté de rendre le conflit national et interprofessionnel provient de l’annonce des réquisitions. Ces dernières ont-elles toujours cristallisé les conflits ?
Les réquisitions ont toujours durci les conflits sociaux
Les réquisitions ont toujours durci les conflits sociaux. Soit, elles ont pour effet de briser une grève, comme ce fut le cas en 2010 avec la réforme Sarkozy des retraites, ou par exemple en 1910-1920 dans les grèves de cheminots. Soit, à l’inverse, elles ajoutent à la détermination des grévistes et ancrent le conflit. Il devient alors plus long et étend la solidarité autour de lui. Ce fut le cas lors la grève des mineurs de 1963. Pompidou avait signé un décret de réquisition en pensant que les mineurs allaient se remettre au travail, et c’est l’inverse qui s’est produit. On a vu un record de collectes de fond dans la population pour soutenir le mouvement.
Si elles sont si risquées, pourquoi le gouvernement les utilise-t-il ?
Parce qu’il joue la variable de l’opinion publique. Il espère que les gens en aient marre, qu’ils voudront partir en vacances fin octobre. Dans un conflit, l’opinion est un acteur majeur.
On voit aussi se mettre en place une sorte de concurrence entre les mobilisations des Insoumis (16 octobre) et celles de la CGT (29 septembre, 18 octobre). Ce type de rivalité entre un parti politique et un syndicat est-il inédit ?
En l’occurrence, la rivalité que vous décrivez est générée par le gouvernement, puisque la grève du 18 octobre n’était pas prévue ! C’est tout le paradoxe de la situation. Une dynamique sociale et politique peut être générée par l’impact des réquisitions. C’est plutôt ce côté-là qui est inédit. La plupart du temps, les dynamiques politiques et syndicales ont permis des avancées dans le modèle social, par exemple lors du Front populaire ou en 1968. Mais aujourd’hui c’est très différent car la conjonction politique et syndicale n’est pas recherchée, la CGT n’a pas appelé à rejoindre la marche du 16 octobre. Il faut cependant relativiser ce point : une pétition de 700 syndicalistes appelle à rejoindre la marche du 16, mais pas la confédération, c’est une démarche individuelle. Il y a donc un contexte inattendu qui peut ne rien donner ou participer d’une réelle dynamique, c’est un classique de la mobilisation à la française.
Dans votre livre sur l’histoire de la grève en France, vous dites que le conflit est “le centre de régulation des rapports sociaux” car la société française a construit un “univers industriel et salarial antagonique”. Pouvez-vous expliquer cet antagonisme et nous dire s’il est toujours la source des conflits ?
Pour moi, tout s’est joué dès la révolution française et la loi Le Chapelier qui interdit les coalitions de l’époque. On en retrouve en permanence les traces. On sent encore aujourd’hui que l’ordre dominant est perturbé par le conflit. L’État se satisfait du fait que la régulation sociale ne doive pas le concerner. Le patronat a la tentation de préférer la conflictualité plutôt que concéder une part de pouvoir dans l’entreprise.
On a institutionalisé la régulation par le conflit
Et les syndicats, en raison des pratiques des deux autres acteurs, se retrouvent dans la clandestinité. Après-guerre, on a inscrit le droit de grève dans la Constitution, on a donc institutionnalisé la régulation par le conflit. On a donné au comité d’entreprise un pouvoir décisionnel dans les œuvres sociales mais pas dans la stratégie de l’entreprise. On a ensuite accepté la présence des syndicats à condition de ne pas empiéter sur le pouvoir patronal. On a clairement fait ces choix, d’autres comme l’Allemagne a choisi la régulation par la négociation collective, qui reporte le rapport de force sur un rapport de droit et exige de donner plus de pouvoir aux représentants du personnel. On n’a jamais voulu de ça chez nous. On a fait pendant deux siècles le choix du conflit.
Ce fut encore le cas récemment en 2017, avec les ordonnances Macron qui ont fusionné les instances de représentation du personnel…
Oui, les politiques ont toujours à la bouche le dialogue social mais on voit que ces ordonnances sont une catastrophe, les syndicats sont pour le coup unanimes sur ce point.
Que dit cette grève de l’état du syndicalisme en France que l’on décrit comme déclinant ?
D’un côté c’est positif : en matière de grève, l’expertise syndicale est immédiatement convoquée. Les syndicats continuent donc d’avoir un impact sur la société. Si on les réunit tous, ils ont environ deux millions de militants. A eux tous, les partis politiques n’en ont pas le quart. Donc les syndicats ont une vivacité indéniable, même s’ils sont circonscrits à certains secteurs et aux salariés à statut, et que leur périmètre n’est plus le même que dans les années cinquante et soixante.
Les taux de syndicalisation sont ceux de 1914 !
D’un autre côté, il ne faut pas nier le processus de désaffiliation des citoyens, qui concerne d’ailleurs toutes les structures. Les taux de syndicalisation sont aujourd’hui ceux de 1914, entre 7 et 11 %. L’abstention frappe aussi bien les élections nationales que professionnelles, cela pose de grandes questions aux syndicats, notamment par rapport aux jeunes.
Vous dites aussi dans votre livre qu’il ne faut pas rechercher les explications d’une grève dans le passé, mais dans les caractères de la société contemporaine. Quels sont ces caractères aujourd’hui qui pourraient expliquer le mouvement de ces derniers jours ?
Il n’y a pas d’objet plus plastique que la grève. Elle se transforme à mesure que la société évolue. C’est toujours vrai aujourd’hui. La société s’est tertiarisée, les mouvements se sont donc transférés du secteur industriel et des industries vers la fonction publique et les ouvriers à statut. Nous sommes de plus dans une société de consommation qui voit le déclin des grèves longues au profit des débrayages courts. On recherche donc des tactiques de conflictualité moins coûteuses mais qui désorganisent quand même la production.
Sans faire de vous un devin, quelle issue voyez-vous au conflit ?
Plus un conflit s’étend dans la durée, plus il se durcit et plus c’est compliqué de trouver une porte de sortie par le haut, sans vainqueur ni vaincu. Dans l’immédiat, soit les grévistes maintiennent leurs positions dans les jours qui viennent, soit ils se lassent et se laissent convaincre par les perspectives d’accord. Il faudra voir aussi les journées du 16 et du 18. Si elles ne participent pas d’une montée en puissance, ce sera compliqué pour le moral des grévistes de tenir. Pour l’instant, c’est l’incertitude…
Marie-Aude Grimont
Une proposition de loi pour supprimer le barème Macron
La Nupes a présenté, le 11 octobre, à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à supprimer les barèmes prud’homaux applicables en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Portée par Sophie Taillé-Polian, députée du Val-de-Marne et vice-présidente du groupe écologiste de l’Assemblée nationale, le texte comprend un unique article qui vise à rétablir l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version antérieure au 22 septembre 2017, avant que n’y soient inscrits les barèmes prud’homaux.
Selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, cette mesure a entraîné “une perte de 1,3 mois de salaires en moyenne pour les salariés licenciés sans motif entre 2017 et 2022, et notamment de 3,1 mois en moyenne pour les salariés ayant une ancienneté comprise entre deux et cinq ans”.
actuEL CE
Pierre Jardon (CFTC) : “Quel meilleur outil que le syndicalisme et les IRP pour donner du sens au travail ?”
Venu du terrain, Pierre Jardon est en charge du dialogue social au sein de la CFTC. Comment appréhende-t-il le renouvellement électoral des CSE ? Interview.
Pour commencer, un mot sur votre parcours, Pierre Jardon. Vous venez des métiers de la forêt…
Je viens de Champagne-Ardennes. J’ai fait un BEP aménagement et entretien de l’espace rural puis un bac pro conduite des espaces forestiers. J’aurais pu poursuivre mes études, mais je ne voulais absolument pas me retrouver dans un bureau, comme je le fais aujourd’hui (Ndlr : rires !). Je voulais travailler à l’extérieur. J’ai été pendant un an ouvrier agricole puis j’ai rejoint, comme ouvrier forestier, l’Office national des forêts (ONF). A l’époque, je ne connaissais rien au syndicalisme, j’avais beaucoup de préjugés. Un jour, je suis tombé sur un tract national de la CFTC. Cela m’a interpellé : “Comment, on peut à la fois être chrétien et syndicalisme ?!” Je me suis rapproché du délégué à l’origine du tract, il m’a expliqué la philosophie du syndicat, j’ai été séduit, je me suis engagé. D’abord comme délégué syndical, puis comme élu au CE. J’ai créé la section syndicale de mon établissement où nous avons fait 40% des voix. Ensuite, j’ai accompagné le délégué syndical central CFTC de l’ONF. On a repéré mon travail, j’ai été élu en 2008 secrétaire général de la fédération agricole puis j’ai été embauché par la confédération comme secrétaire confédéral.
En quoi consistent aujourd’hui vos mandats ?
Je suis conseiller confédéral CFTC en charge du dialogue social. Je suis donc tous les sujets liés au dialogue social et aux branches professionnelles. Je représente la CFTC à la Commission nationale de la négociation collective, la CNNCFP, ainsi que dans ses sous-commissions qui traitent de la restructuration des branches et des salaires. Je suis également membre titulaire du Haut conseil au dialogue social. J’ai récemment négocié pour la CFTC l’accord national interprofessionnel sur le paritarisme.
Vous étiez l’un des intervenants des rencontres ISST-Ires sur le bilan des ordonnances de 2017 où la question des CSE a été abordée (lire notre article). Avez-vous déjà des remontées sur le renouvellement des CSE ?
C’est un peu tôt. La plupart des entreprises ayant attendu le dernier moment, fin 2019, pour passer en CSE, nous attendons plutôt pour 2023 la grande vague de renouvellement des comités sociaux et économiques.
Notre inquiétude, c’est de ne pas pouvoir traiter toutes les négos des protocoles électoraux en même temps !
Notre grosse inquiétude concerne notre capacité à assumer sur le terrain la négociation des protocoles d’accords préélectoraux qui vont arriver en grande quantité et au même moment. Cela pose un problème de fond. On nous dit que les syndicats ne sont pas suffisamment présents dans les PME par exemple. Nous ne demandons pas mieux que nous y implanter, mais comment tout faire en même temps ? On ne peut pas démultiplier les équipes pour être présents partout !
Etes-vous inquiet sur le renouvellement des listes de candidats ?
C’est une vraie question, celle du renouvellement des équipes des CSE. On demande aujourd’hui aux élus CSE d’être quasiment des professionnels du syndicalisme et de la représentation du personnel.
On demande aux élus d’être des professionnels
On exige d’eux qu’ils soient capables de répondre aux problèmes des collègues sur le terrain, mais aussi d’être compétents sur tous les sujets, à la fois économiques et sociaux, sans oublier de savoir gérer les activités sociales et culturelles, et maintenant nous avons aussi des prérogatives environnementales dans le CSE ! Avant le CSE, on pouvait, selon les compétences et les approches, se partager le travail, maintenant on centralise toutes les compétences sur un seul mandat, c’est très compliqué de trouver des personnes souhaitant s’engager dans un mandat complexe à gérer, et très prenant.
Que dites-vous aux salariés pour les inciter à s’engager ?
Une des difficultés que nous avons pour attirer des jeunes, c’est que nous ne pouvons plus faire le “tuilage” qui existait auparavant grâce aux suppléants mais aussi aux mandats de délégué du personnel, avec une montée en compétences et en responsabilité progressive. Aujourd’hui, les suppléants ne participent plus aux réunions et aux débats de l’instance. Avec les ordonnances, nous sommes aussi confrontés à la limitation de trois mandats successifs. L’engagement n’est pas un souci pour les gens en fin de carrière, mais un jeune peut craindre que son affichage syndical et dans un CSE nuise à son parcours professionnel. Nous soulignons donc auprès de ces jeunes la protection ayant trait au mandat -mais cette protection ne dure pas indéfiniment ! – mais nous leur expliquons surtout tout l’intérêt du mandat d’élu CSE.
Et donc, votre argument “décisif” ?
Aujourd’hui, les jeunes sont en quête de sens au travail. Quel meilleur outil que le syndicalisme pour trouver du sens ? Le représentant du personnel va être un acteur de l’évolution de l’entreprise, il va pouvoir chercher à influencer les choses, à contribuer à l’amélioration des conditions de travail et au bien-être des collègues, il va pouvoir s’intéresser à la situation économique de son entreprise, à sa stratégie, participer à la prise en compte des enjeux écologiques, c’est passionnant !
Influencer les choses, améliorer les conditions de travail
Tous ces sujets peuvent faire peur, c’est vrai, mais ils apportent du sens aux salariés, et nous, à la CFTC, nous offrons aux élus tout un accompagnement (formation, par exemple). Chez nous, à la CFTC, on tient beaucoup à la subsidiarité : c’est au plus près du terrain que doivent être prises des décisions et des choix, tout ne descend pas de la confédération de façon verticale, on ne dit pas aux délégués syndicaux : tu dois négocier comme ceci ou comme cela…
Quand tu débutes un mandat, tu bégayes, tu rougis, mais ensuite, tu développes une relation d’égal à égal
Au début, quand tu as un mandat, tu n’es pas très à l’aise, tu rougis, tu bégayes, mais au fur et à mesure, tu découvres que ton interlocuteur est comme toi, alors tu prends de la confiance et tu apprends à relativiser. Mes premières réunions face au DRH et au grand patron, j’étais impressionné. Après, tu vois que tu peux nouer une véritable relation pour parler d’égal à égal, et tu apprends à argumenter, à mieux t’exprimer. Au début, je ne parlais pas comme je le fais maintenant !
Comment appréciez-vous la situation sociale, au regard des retraites par exemple ?
Je ressens de l’inquiétude quant à la façon dont on traite le dialogue social, on l’a bien vu avec le bilan des ordonnances. Au niveau interprofessionnel national, quand le gouvernement veut faire du passage en force, sans concertation ou avec des lettres de cadrage ne laissant aucune marge de manœuvre aux partenaires sociaux, il empêche toute possibilité de co-construction avec les praticiens et les acteurs de terrain.
Pourquoi ne pas chercher d’abord à réduire le nombre des accidents du travail, la pénibilité ?
Sur la réforme des retraites, on prend le problème du mauvais côté. On explique qu’il y a un problème de financement pour en déduire qu’il faut reculer l’âge de départ. Mais si l’enjeu est au départ d’avoir davantage d’emplois et de personnes au travail, voyons plutôt d’abord comment augmenter le volume de travail, en traitant la problématique des accidents de travail, de la pénibilité, en mettant en adéquation l’offre et la demande, en traitant les problèmes d’attractivité de certains métiers et secteurs, en élaborant une gestion prévisionnelle des emplois dans les branches. Au final, si on avance sur tous ces sujets, nous aurons des réponses en matière d’assurance chômage et de retraite ! A la CFTC, nous disons que notre système de retraites est vieillissant et qu’il est devenu injuste. Il faut une réforme des retraites, mais une réforme où l’on regarde tous les sujets en profondeur, et pas l’unique paramètre de l’âge. Là, on voit que la façon dont les choses sont envisagées non seulement ne répondra pas au problème global mais elle risque de renforcer la colère des gens.
Bernard Domergue
L’employeur ne vote pas pour désigner un mandataire du CSE pour agir en justice
La décision par laquelle le comité mandate un de ses membres pour le représenter en justice afin de garantir l’exécution de la décision du comité de recourir à un expert dans le cadre d’une consultation sur un projet important constitue une délibération sur laquelle seuls les membres élus doivent se prononcer, à l’exclusion du président du comité.
La question du vote de l’employeur, président du CSE, est souvent d’application délicate dans la pratique. Le code du travail prévoit que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu’il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel (C. trav., art. L. 2315-32, al. 2). Une abondante jurisprudence a tranché certaines questions, quand d’autres font l’objet de décisions incertaines et que d’autres encore n’ont pas été tranchées. C’est notamment le cas de la participation de l’employeur lorsque le CSE vote le mandat d’un de ses membres pour agir en justice. Cette décision publiée de la Cour de cassation du 19 octobre 2022 se prononce sur cette question.
Opposition de la direction à une expertise du comité sur un projet important
Dans cette affaire, un projet est soumis au CHSCT (comité d’hygiène, sécurité et conditions de travail). Dans ce cadre, les représentants élus ont dénoncé des dysfonctionnements du comité, souhaitant ajouter le point “Fonctionnement du CHSCT” à l’ordre du jour. Une nouvelle réunion se tient une semaine plus tard, à laquelle un seul élu du comité se présente. Il vote, seul, d’une part le recours à une expertise dans le cadre du projet important présenté au comité, et d’autre part le mandat de représentation en justice du comité pour garantir l’exécution de la délibération concomitante de recours à expertise dans le cadre de la consultation du comité sur le projet important.
La direction refuse de collaborer à l’expertise et ne produit pas les documents demandés. Le CHSCT fait donc assigner la société devant le juge des référés.
Mais la nullité de cette assignation est prononcée, au motif que la question de la désignation d’un représentant du comité pour agir en justice, distincte de la question du vote d’une délibération relative au recours à une expertise, constitue une mesure relevant des modalités de fonctionnement du comité qui doit être prise à l’issue d’une délibération collective à laquelle doit prendre part son président. En d’autres termes, l’employeur aurait dû voter pour la désignation du représentant du comité comme mandataire pour agir en justice pour faire respecter la délibération de désignation de l’expert.
Pas de participation du président au vote du mandat pour représenter le comité en justice
Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord. Elle explique que “si les décisions du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) portant sur ses modalités de fonctionnement et l’organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents, le président du comité ne participe pas au vote lorsqu’il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel”.
Il en résulte que la décision par laquelle le comité qui, “dans le cadre d’une consultation sur un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité, a décidé du recours à une expertise, mandate un de ses membres pour agir et le représenter en justice pour garantir l’exécution de la décision de recourir à un expert constitue une délibération sur laquelle les membres élus doivent seuls se prononcer en tant que délégation du personnel, à l’exclusion du chef d’entreprise, président du comité”.
Ainsi, l’employeur, en tant que président du comité, n’a pas à voter ce mandat de représentation en justice. La délibération et valable, ainsi que l’assignation délivrée en application. La solution s’applique bien sûr quelle que soit la consultation et/ou l’expertise en cause
► Ndlr : la portée de la solution semble toutefois cantonnée au vote d’un mandat dans le cadre d’une consultation et/ou d’une expertise du CSE. Ce n’est pas, nous semble-t-il, l’ensemble des mandats d’action en justice qui sont visés indistinctement, même si ce sont les plus courants. Ainsi, il n’est pas certain que l’employeur soit écarté dans le cadre du vote d’un mandat permanent d’action en justice, habilitant un membre du CSE à intenter toute action au nom du CSE ; ou encore dans le cadre d’une action en justice déterminée contre un tiers, en dehors de toute consultation du CSE, par exemple pour un contentieux concernant un contrat avec un tiers.
Toutefois, la jurisprudence relative au droit de vote de l’employeur dans le cadre de désignations n’est pas uniforme : s’il est certain qu’il peut voter pour la désignation du secrétaire ou du trésorier (par exemple, Cass. soc., 10 juill. 1991, n° 88-20.411 ; Cass. crim., 14 juin 2022, n° 21-82.443 ; Cass. soc., 25 sept. 2013, n° 12-14.489), il ne vote pas par exemple pour la désignation de représentants au conseil de surveillance ou d’administration (Cass. soc., 5 mai 1983, n° 81-16.787) ou encore pour la désignation des représentants du comité d’établissement au comité central d’entreprise (Cass. soc., 21 juill. 1976, n° 76-60.072). La solution mérite donc d’être précisée à cet égard.
Solution transposable au CSE
La solution apparaît comme transposable au CSE. En effet, la décision est rendue au visa des alinéas 2 et 3 de l’article L. 4614-2 prévoyant que les décisions du CHSCT portant sur ses modalités de fonctionnement et l’organisation de ses travaux ainsi que ses résolutions sont prises à la majorité des membres présents, et que le président du comité ne participe pas au vote lorsqu’il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel. Or, si cet article est abrogé et que le CSE a succédé au CHSCT, les dispositions de l’article L. 2315-32 sont quasi identiques. En particulier, la règle précisant que le président ne participe pas au vote lorsqu’il consulte les membres élus en tant que délégation du personnel.
La justice administrative valide les réquisitions de salariés du pétrole, mais pas des laboratoires
Dans une ordonnance de référé du 13 octobre, le tribunal administratif de Rouen rejette la demande de la CGT de suspendre la réquisition visant les salariés de deux établissements d’Exxon Mobil en Seine-Maritime. Le tribunal administratif de Lille a rendu le 14 octobre a même décision au sujet des réquisitions de Dunkerque. En revanche, le 15 octobre, le tribunal administratif de Rennes a suspendu un arrêté préfectoral réquisitionnant 55 salariés d’un laboratoire médical. Le mouvement social se poursuit chez Total en dépit d’un accord salarial.
Dans cette affaire tranchée par le tribunal administratif de Rouen, il n’y aura pas d’appel, nous explique l’avocat de la CGT, Emmanuel Gayat, du cabinet JDS Avocats. En effet, les salariés des établissements visés (Port-Jérôme-sur-Seine et plateforme de Gravenchon) ont cessé la grève, un accord ayant été obtenu chez Exxon Mobil (lire notre encadré). Il reste pour autant intéressant de se pencher sur la motivation de cette décision.
Les demandes et les arguments de la CGT
Dans sa requête, la fédération nationale des industries chimiques de la CGT demandait au juge administratif de suspendre :
l’arrêté du 12 octobre 2022 du préfet de la Seine-Maritime portant réquisition de personnels chargés de l’activité de pompage et d’expédition du site Exxon Mobil de Port-Jérôme-sur-Seine ;
l’exécution de toute réquisition visant les grévistes de la plateforme de Gravenchon du groupe Exxon Mobil qui serait édictée entre la saisine de la juridiction et l’ordonnance à intervenir.
A l’appui de sa demande, la CGT faisait valoir plusieurs arguments comme :
l’absence de recherches par le préfet de mesures alternatives pour l’approvisionnement en carburant;
l’illégalité du recours aux réquisitions au regard des conventions 87, 98 et 135 de l’Organisation internationale du travail (OIT);
le fait que l’accord collectif trouvé chez Exxon Mobil était “sans incidence sur le droit de grève exercé par les salariés visés” ;
le libre exercice du droit de grève, “droit garanti par les seuls textes de valeur constitutionnelle”, etc.
En outre, l’avocat ajoutait que la notification “tardive” aux salariés par l’employeur de la notification, “alors que ce dernier en avait une connaissance précoce”, constituait à ses yeux “une manifestation supplémentaire de l’atteinte au droit de grève”.
La décision et la motivation du juge
Pour trancher, le juge considère d’abord la situation : “Le dépôt pétrolier exploité par la société Exxon Mobil sur le site de Port-Jérôme-sur-Seine permet la desserte en carburant, non seulement du département de la Seine-Maritime mais aussi de la région Île-de-France par l’oléoduc reliant Le Havre à Paris”. De ce fait, l’activité du site relève d’un “besoin essentiel du pays“.
Des risques d’atteinte à l’ordre public
Par ailleurs, comme le taux d’indisponibilité des stations-service atteint “plus de 36 % en Île-de-France”, le juge écarte la possibilité de mesures alternatives (Ndlr : type maintien de l’ordre) pour remédier à la situation. Le tribunal administration considère que le recours aux mesures de réquisitions individuelles d’agents qualifiés “présente un caractère nécessaire pour prévenir les risques d’atteinte à l’ordre public eu égard à la durée des défaillances d’approvisionnement causées par la grève”.
Le juge souligne enfin le caractère limité des réquisitions, qui ne visent qu’un faible nombre de salariés, et restent exceptionnelles. Au vu de ses “effets limités”, l’arrêté préfectoral de réquisition n’apparaît pas au juge “manifestement attentatoire au droit de grève reconnu et protégé par la convention de l’OIT n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical du 9 juillet 1948, la convention n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective du 1er juillet 1949 et la convention n° 135 concernant les représentants des travailleurs du 23 juin 1971”.
Même décision du tribunal administratif de Lille
Saisi par la CGT d’une demande de rejet des réquisitions touchant quelques salariés du dépôt Total de Dunkerque, le tribunal administratif de Lille a rendu le 14 octobre la même décision, avec une motivation équivalente. Selon le juge, la pénurie menaçant le ravitaillement des véhicules de services publics et de services de première nécessité crée “des risques pour la sécurité routière et l’ordre public”. Par conséquent, “les réquisitions contestées” sont “justifiées”.
Il estime, là aussi, que la mesure de réquisition est “proportionnée” puisqu’elle ne vise que trois personnes (et le cas échéant leurs remplaçants) pour chaque quart de 8 heures, et qu’elle ne sera pas mise en œuvre de façon permanente selon le représentant de l’Etat. Les réquisitions décidées par le préfet du Nord n’étaient donc pour le juge administratif “pas entachées d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève”.
Le tribunal administratif de Rennes conclut à une atteinte excessive au droit de grève
En revanche, dans une ordonnance de référé rendue le 15 octobre, le tribunal administratif de Rennes, auquel la fédération CGT chimie et la fédération FO pharmacie demandaient de suspendre l’arrêté du préfet ordonnant la réquisition de 55 salariés d’un laboratoire d’analyses médicales de Rennes, a conclu à “une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève” et a suspendu l’arrêté de réquisition.
Le préfet justifiait son arrêté de réquisition des personnels du laboratoire, pris à la demande de la directrice de cette société, par la nécessité d’assurer la continuité des soins des établissements de santé de la métropole rennaise. En effet, disait-il, la société des Laboratoires de biologie réunis “assure le fonctionnement des quatre cliniques rennaises qui assurent 60 % des urgences de la métropole, 60 % des accouchements ainsi que la cardiologie et 70 % de l’activité chirurgicale”.
Le préfet soutenait que l’appel à la grève du 11 octobre 2022, lancée à la suite d’une proposition de la direction d’augmentation de seulement 2,1%, rendait “impossible la recherche de solutions alternatives, les entreprises concurrentes ne disposant pas des infrastructures nécessaires”. Il soulignait enfin que mesure de réquisition était limitée dans le temps (du 13 octobre 7h30 au 17 octobre 7h30) avec un “effectif strictement nécessaire pour assurer un service minimum” (55 des 160 salariés).
Le droit de grève, une liberté fondamentale
Mais pour le juge, cet arrêté faisait directement obstacle au droit de grève, “une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative“, liberté que le juge des référés est chargé de faire respecter. S’il n’estime pas que cette atteinte est justifiée, contrairement aux tribunaux de Rouen et Lille qui s’appuient sur l’approvisionnement et le maintien de l’ordre public, c’est parce que le tribunal administratif de Rennes estime que n’est pas démontrée que la grève “serait susceptible d’avoir, sur l’activité d’analyse des prélèvements médicaux provenant des quatre établissements privés concernés, un impact tel qu’il serait susceptible de compromettre immédiatement et gravement le fonctionnement du dispositif sanitaire au sein de l’agglomération rennaise, s’agissant de la sécurité des patients et de la continuité des soins, en rendant nécessaire l’organisation sans délai, par voie de réquisition, d’un service minimum”.
Le juge observe qu’aucun élément concret n’est apporté par le préfet pour démontrer la possibilité de tels effets justifiant une mesure d’urgence telle que la réquisition, comme le préfet ne démontre pas qu’une solution alternative à la réquisition était impossible à trouver. L’arrêté de réquisition ne paraît donc “proportionné à l’impératif d’assurer, même à l’échelon de la seule agglomération, la sécurité des patients et la continuité des soins”.
L’arrêté est donc suspendu.
“C’est un coup d’arrêt bienvenu à la généralisation des arrêtés de réquisition pris contre des grévistes revendiquant simplement des augmentations de salaires à la hauteur d’une part de l’inflation et d’autre part des profits exceptionnels réalisés par certains secteurs professionnels”, commente l’avocat Emmanuel Gayat. De son côté, FO se félicite de cette décision et “enjoint les pouvoirs publics et les employeurs à cesser cette pratique de réquisition ou de menaces”.
Chez Total, le mouvement se poursuit malgré un accord salarial
Bernard Domergue
Monétisation des jours RTT : une actualité de l’Urssaf apporte des précisions
Afin d’améliorer la rémunération et le pouvoir d’achat, la loi de finances rectificative permet à tous les salariés, avec l’accord de leur employeur, de convertir les jours de repos non pris en salaire. Sont concernées les jours de RTT acquis depuis le 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025.
Les journées ou demi-journées travaillées et rachetées par l’employeur à compter du 18 août 2022 sont majorées d’un montant au moins égal au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise (25 % en l’absence d’accord collectif).
Ces sommes bénéficient également, selon les mêmes conditions que pour les heures supplémentaires, de la réduction de cotisations salariales et de la déduction forfaitaire patronale pour les entreprises de moins de 20 salariés.
► Les exonérations sur les RTT monétisée ne sont pas applicables à Mayotte.
Une actualité Urssaf du 30 septembre précise que les montants doivent être déclarés par l’employeur en DSN via les codes types de personnels suivants :
CTP 096 pour la réduction de cotisations salariales ;
CTP 097 pour la déduction forfaitaire de cotisations patronales pour les employeurs de moins de 20 salariés.
Pour rappel, le montant de la déduction forfaitaire des cotisations patronales mise en place par la loi “pouvoir d’achat” doit être déclaré sur la DSN, selon une actualité Urssaf du 30 septembre 2022, à l’aide du code type de personnel CTP 005.
actuEL CE
Abandon de poste : le Sénat pourrait modifier le texte
La commission des affaires sociales du Sénat se réunit mercredi 19 octobre pour examiner le projet de loi sur le fonctionnement du marché du travail “en vue du plein emploi”, la discussion en séance plénière devant avoir lieu à partir du 25 octobre. Les sénateurs pourraient modifier la rédaction de l’article créé par les députés au sujet de l’abandon de poste.
Un amendement de la sénatrice LR Berthet propose en effet une réécriture de cet article. Il s’agit toujours de priver un demandeur d’emploi de ses droits à des allocations d’assurance chômage dès lors que son départ de l’entreprise résulte d’un abandon de poste. L’amendement vise à “sécuriser” cette disposition pour les entreprises en ajoutant :
un délai au terme duquel la démission serait définitivement acquise ;
une date de rupture du contrat (il s’agit de la date de présentation de la mise en demeure). Pour la sénatrice, “cet élément est essentiel pour donner une pleine portée à ce texte” car à défaut, “dans l’incertitude de l’attente des délais judiciaires l’employeur ne fera pas usage de ce mode de rupture et s’en détournera au profit d’une procédure plus sécurisée, rendant celui-ci évidé de sa vocation première” ;
des délais de saisine du conseil de prud’hommes ainsi que les délais et modalités d’exécution mais qui seraient cette fois précisés par décret.
Rappelons que ce projet de texte suscite les réserves de nombreux juristes et avocats
actuEL CE
Réquisitions et droit de grève : “L’OIT exige une discussion en amont avec les syndicats sur un service minimum”
Pour Emmanuel Dockès, qui enseigne le droit du travail à l’université de Lyon 2, les arrêtés de réquisition de personnels pris par les préfets constituent une remise en cause du droit de grève. L’Organisation internationale du travail (OIT) a déjà délivré à la France un avis sans concession sur ce sujet, nous rappelle-t-il dans cette interview.
Que pensez-vous des décisions des juges administratifs au sujet des réquisitions de salariés en grève ? Celles du secteur pétrolier (Lille, Rouen) ont été “validées” (1) mais pas celle concernant des salariés d’un labo d’analyses à Rennes…
Ces différentes décisions ne sont pas contradictoires : elles évaluent la pertinence de la réquisition eu égard à l’intensité du trouble repéré et au caractère proportionné de la réquisition demandée. Ce qui m’étonne en revanche, dans les décisions rendues défavorablement pour les salariés, c’est le peu de cas qui est fait de l’avis rendu en novembre 2011 par le Comité de la liberté syndicale de l’OIT, l’Organisation internationale du travail (Nldr : voir le rapport 362). Le juge administratif est en effet gardien des traités internationaux et le Conseil d’Etat reconnaît l’application directe des traités de l’OIT. Or cet avis traite de questions très proches de celles posées récemment aux juridictions administratives.
En 2011, l’OIT a demandé à la France de ne pas imposer de réquisition
Cet avis concerne en effet la situation dans les raffineries françaises lors du conflit de 2010. A l’époque, le Conseil d’Etat avait validé les réquisitions de salariés ordonnées par le gouvernement afin de rouvrir les raffineries. Mais la plainte déposée par la suite auprès de l’OIT par la CGT avait suscité un avis très circonstancié et détaillé. Aujourd’hui, ce qui m’étonne encore une fois, c’est que le juge administratif continue de se soumettre à la décision de 2010 du Conseil d’Etat qui est antérieure à l’avis rendu par l’OIT. Que va faire le Conseil d’Etat, c’est la grande question ! Il me semble assez soucieux d’éviter les condamnations internationales de la France.
Pouvez-vous nous résumer cet avis de l’OIT ?
La décision de l’OIT n’interdit pas l’intervention de l’Etat. Elle admet même cette intervention au nom de la continuité des services essentiels (ambulances, pompiers, police, etc.), pour lesquels la fourniture d’essence est vitale. Attention, ce n’est pas la raffinerie qui est elle-même un service essentiel, mais son fonctionnement limité peut être nécessaire aux services essentiels, ce qu’il faut vérifier. Par ailleurs et surtout, l’OIT reprochait à l’Etat français d’avoir imposé unilatéralement des réquisitions. L’OIT exige de commencer par négocier, avec les organisations syndicales à l’origine de la grève, un service minimum permettant de servir certains services prioritaires. Il faut impérativement rechercher un accord.
Un accord sur un tel service minimum vous semble-t-il possible ?
Je vois mal un syndicat comme la CGT refuser de discuter en amont d’une organisation permettant, par exemple, le fonctionnement des ambulances, des pompiers…Encore faut-il que ces discussions visent un véritable service minimum. Aujourd’hui, nous avons l’impression qu’il y a de la part de l’exécutif une vraie volonté d’empêcher les grèves.
Vous soutenez que la réquisition était à l’origine une possibilité de recours en cas d’événement exceptionnel, comme une guerre…
Il faut relire les débats parlementaires lors de l’examen et de l’adoption, en 2003, de ce texte (Ndlr : il s’agit de l’article L.2215-1 du code général des collectivités territoriales, aucune disposition analogue n’existe dans le code du travail). Les organisations de droits de l’homme et les syndicats s’étaient alarmés d’un texte extrêmement large dans son énoncé, où l’on pouvait faire entrer toutes sortes de situations. Le gouvernement avait tenu à les rassurer en évoquant des circonstances exceptionnelles pour appliquer ces dispositions, comme un cataclysme important, un tremblement de terre, un conflit militaire, un événement rendant par exemple nécessaire des distributions de vivres, etc.
A l’origine, l’exécutif avait rassuré sur l’utilisation limitée de ces dispositions
L’utilisation de cet outil comme une arme anti-grève avait été écartée. En effet, ce texte ne dit absolument pas : “En cas de grève, virgule, s’il se produit ceci, la réquisition, etc.”, le mot grève n’est pas cité, ni même évoqué dans l’article. Aussi l’utilisation de ce texte en 2010 pour réquisitionner des personnels de raffineries a-t-il créé la surprise : ce qui avait été conçu pour lutter contre une invasion ou une désorganisation épouvantable était soudain mobilisé pour briser un mouvement de grève. Mais les juridictions administratives alors saisies n’ont pas trouvé choquant que les préfets puissent restreindre le droit de grève. Ce qui a conduit à la condamnation de l’OIT, au nom de la liberté syndicale.
Que dites-vous des propos de la Première ministre sur TF1 demandant aux grévistes de respecter l’accord majoritaire salarial trouvé chez Total ?
Ces propos me semblent dénoter une évolution très importante de la conception du droit du travail. Cette idée d’une nécessaire obéissance à ce qui serait majoritaire (référendum ou accord signé par les organisations syndicales majoritaires) signifie la soumission de la minorité. C’est la vision d’une décision collective l’emportant sur des décisions individuelles. Ce n’est pas du tout dans la tradition française. Mais nous voyons de tels systèmes à l’œuvre ailleurs, comme par exemple au Royaume Uni, aux USA ou au Canada, où la grève ne peut pas se déclencher sans un vote majoritaire. La logique collective, dans ce cas, interdit la grève si le vote majoritaire ne passe pas, mais elle oblige tout le monde à faire grève si la majorité penche en ce sens.
On nous parle d’une soumission à la majorité, mais dans le sens d’une reprise, pas d’une grève
La Première ministre préconise la soumission majoritaire, mais évidemment elle n’évoque jamais la possibilité d’une action majoritaire qui s’imposerait aux non-grévistes. De toute manière, pareille discipline est tout à fait contraire au système français. Chez nous, chacun peut choisir de participer ou non à la grève. La grève est une liberté individuelle qui s’exerce collectivement. De plus, si le système majoritaire à l’anglo-saxonne devait s’appliquer, il faudrait le suivre jusqu’au bout : c’est sur chaque établissement que le vote peut avoir lieu.
L’appel à un fait majoritaire globalisé se heurte à la réalité du terrain
Actuellement, dans les raffineries en grève, il me semble que le personnel est très largement engagé dans le mouvement. A tel point qu’on ne trouve pas une minorité suffisante de non-grévistes pour faire tourner ces installations, même au ralenti, d’où le recours aux réquisitions. Je souligne d’ailleurs que le mouvement actuel ne comporte pas de piquet de grève, où l’on empêche les non-grévistes de travailler. Sur les sites en grève, il y a une très large majorité de grévistes. L’appel de la Première ministre à une obéissance à un fait majoritaire globalisé, loin des lieux d’action, se heurte à cette réalité du terrain.
Comment voyez-vous la suite de ce mouvement ?
Ma boule de cristal n’est pas meilleure que la vôtre ! Je pense qu’il y a, du fait de la baisse du pouvoir d’achat des salariés, une potentialité d’élargissement de ce conflit : la manifestation du 29 septembre dernier a été assez suivie, il y a déjà eu ce dimanche une manifestation politique, il y a ce mardi un appel à la grève interprofessionnelle, et nous avons un gouvernement qui annonce une baisse du salaire différé au travers d’une modification de l’assurance chômage et des retraites, tout cela au moment où l’inflation fait s’effondrer les salaires réels. Est-ce que pour autant tout cela va coaguler ? Je n’en sais rien, mais à la place du gouvernement, je serais inquiet.
Le gouvernement n’aurait-il pas mieux fait d’annoncer en amont une sur les superprofits des pétroliers pour faire baisser la tension sociale ?
Le gouvernement ne subit pas seulement la pression des salariés et des grévistes, il subit aussi la pression très forte des milieux d’affaires. Et lui-même est marqué par une idéologie qui va dans ce sens-là. Aussi ne prend-il pas, ou n’arrive-t-il pas à prendre, des mesures qui peuvent sembler politiquement évidentes. Mais nous avons d’autres exemples dans l’histoire, je pense à la loi travail de 2016. François Hollande a tactiquement annoncé vouloir faire une grande loi sociale sur le travail pour la fin de son quinquennat, afin de remettre le peuple de gauche de son côté en vue de la présidentielle, d’où par exemple l’appel à Robert Badinter pour imaginer un nouveau code du travail. Pour des raisons idéologiques, mais aussi du fait de l’influence des lobbys, le résultat a été celui que tout le monde connaît : une loi antisociale, puissamment contestée, et une défaite politique historique.
Nldr : d’autres réquisitions ont été annoncées par l’Etat concernant les dépôts de Feyzin (Rhône) et Mardyck, près de Dunkerque.
Bernard Domergue
Le gouvernement va prolonger la ristourne sur le prix des carburants
Confronté au conflit social dans les raffineries et à une pénurie de carburants, le gouvernement a décidé de prolonger la ristourne de 30 centimes sur les prix des carburants à la pompe, a indiqué Elisabeth Borne, la Première ministre, lors de son interview sur TF1 le 16 octobre, soit deux jours avant la journée de grève interprofessionnelle du 18 octobre. Cette aide de l’Etat, qui devait cesser à compter du 1er novembre, devrait donc se poursuivre jusqu’à la mi-novembre. Le geste complémentaire de Total devrait également se prolonger.
actuEL CE
Réquisitions : des avocats et professeurs de droit s’inquiètent d’une remise en cause du droit de grève
Dans une tribune publiée par le quotidien Libération intitulée “Réquisitions dans les raffineries : l’exécutif contre le droit de grève”, un collectif de professeurs de droit (Emmanuel Dockès, lire son interview dans cette même édition d’actuEL-CSE…) et d’avocats (Savine Bernard, William Bourdon, Raphaël Kempf…) s’alarme de ce que le gouvernement ait recours aux réquisitions dans le conflit social du secteur pétrolier.
Ils soulignent que l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales prévoyant la possibilité pour les préfets de réquisitionner “toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service” est issu “d’une lignée de règles particulièrement dangereuses pour l’Etat de droit”. Son origine remonte en effet à une loi de 1938 destinée à préparer la nation pour le temps de guerre, “loi prorogée après 1944 jusqu’à sa modification par une ordonnance du 6 janvier 1959 (..) sur le fondement des pouvoirs exorbitants attribués par l’article 92 de la Constitution de 1958, et qui étendait significativement les prérogatives de l’exécutif dans le contexte de la guerre d’Algérie”.
Prévus pour ne s’appliquer que dans des situations de troubles particulièrement graves (guerres, conflits extérieurs), ces textes, soulignent les signataires de la tribune, ont pourtant été, avec le temps, “utilisés par les différents gouvernements pour tenter de mettre fin à des mouvements de grève”.
Cet “usage récurrent par l’exécutif” de lois initialement présentées comme ne devant être mises en œuvre que dans des circonstances exceptionnelles interpelle ces juristes : “Nous ne pouvons qu’alerter sur le danger qui guette chacun de nous si nous n’y prenons pas garde : celui de perdre, les unes après les autres, nos libertés acquises de haute lutte. Le droit de grève, comme la liberté d’association et d’expression, est un droit fondamental qui ne saurait dépendre d’un agenda politique tendant à contrôler et à réprimer le mouvement social dans la diversité de ses modes d’action”.
actuEL CE
Les salariés les plus habitués au télétravail ont davantage suivi une formation dans le numérique que les autres
Comment le télétravail affecte-t-il le développement des compétences ? Tel est le sujet d’une note récente du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) à partir de résultats recueillis à l’issue des deux confinements en 2020 et 2021, marqués par une forte hausse du télétravail.
Dans une note de septembre 2022, le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) s’interroge sur la manière dont a été garanti le développement des compétences en télétravail, notamment lors des deux confinements (*). Le Céreq s’appuie sur l’enquête Impact qu’il a réalisée de mars à mai 2021 sur les effets de la crise sanitaire sur les mobilités, les projets, les aspirations professionnelles, les compétences et le travail. Deux questions principales se posent : le télétravail a-t-il généré de nouveaux besoins en formation ? Les salariés ont-ils continué à se former en période d’augmentation du télétravail ?
Le Céreq identifie quatre types de télétravailleurs. 1) Les “nouveaux convertis” qui représentent 40 % des télétravailleurs. Ce groupe se compose de nombreux primo-télétravailleurs qui n’avaient jamais eu recours au télétravail avant la crise sanitaire. Ils ont souvent connu l’introduction d’un nouvel outil collaboratif en 2020. Ce sont plus souvent des femmes, des gestionnaires administratives, comptables ou commerciales et employés qualifiés dans de grandes entreprises des secteurs des activités financières, d’assurance ou immobilières. 2) Les “aguerris” qui constituent 27 % des télétravailleurs. Ces derniers sont habitués au télétravail et sont de fort utilisateurs des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Ce sont le plus souvent des hommes, des ingénieurs en informatique, consultants ou directeurs commerciaux, âgés de 35 à 49 ans, très diplômés et plutôt récents dans leur entreprise. Ils travaillent plus souvent dans de grandes entreprises des secteurs de l’information et de la communication. 3) Les “exceptionnels” qui composent 18 % des télétravailleurs. Il s’agit de salariés qui ont télétravaillé de manière peu intensive et seulement pendant le premier confinement. 81 % d’entre eux expérimentaient d’ailleurs le télétravail pour la première fois. Aucun d’entre eux n’a renouvelé l’expérience du télétravail lors de deuxième confinement. 37 % invoquent le fait que leur activité n’était pas télétravaillable ou qu’ils n’avaient pas les équipements adaptés pour le faire. Ce sont plutôt des hommes, techniciens ou chargés d’affaire, en poste depuis relativement longtemps dans leur entreprise, plus âgés que la moyenne, exerçant des professions intermédiaires et travaillant plus souvent dans des entreprises de taille moyenne. 4) Les “occasionnels”, soit 15 % des télétravailleurs. Ce sont majoritairement des femmes, conseillères clientèle, assistantes juridiques ou comptables, moins diplômées que la moyenne et occupant des postes d’employées qualifiées. Elles sont plus âgées que la moyenne et sont présentes dans leur entreprise depuis relativement longtemps.
Qui a bénéficié de formations au numérique ?
L’essor du télétravail à partir de 2020, lié à la crise sanitaire, a entraîné la nécessité de maîtriser des outils numériques pour collaborer à distance et à plusieurs. “Face à ce changement, certains ont ressenti un manque de compétences, note le Céreq. C’est le cas des « occasionnels » et des « convertis » qui déclarent plus que les autres avoir manqué de compétences numériques pour bien faire leur travail (respectivement 15 et 17 % contre 8 % pour les autres télétravailleurs”.
Il ressort de la note que ce sont les salariés les plus habitués au télétravail et à l’utilisation d’outils numériques qui ont eu le plus de chances de suivre une formation dans le numérique que les autres. Ce sont ainsi 30 % des salariés “aguerris” qui ont suivi au moins une formation au numérique pour acquérir, le plus souvent, des compétences en matière de stockage et de gestion de flux de données et dans le domaine du RGPD.
Les autres catégories de télétravailleurs, qui avaient aussi besoin d’acquérir des formations en numérique, ont eu moins souvent accès aux formations dédiées (environ un sur cinq) et pour des objectifs différents. Ainsi, les “nouveaux convertis” ont principalement suivi des formations au management ou à la gestion de projet à distance. Les “occasionnels” se sont davantage formés à l’utilisation de logiciels, d’outils de travail à distance et à la découverte de l’univers digital. Les “exceptionnels” quant à eux ont suivi avant tout des formations en matière de sécurité informatique, de logiciels métier ou d’utilisation des réseaux sociaux.
A noter que les trois-quarts de ces formations ont été suivies à distance.
Quels ont été les effets du télétravail sur les apprentissages informels ?
L’essor du télétravail a-t-il entraîné une déperdition des échanges professionnels ? La note étudie ainsi la manière dont le télétravail a affecté les apprentissages réalisés “sur le tas”. “En télétravail, les possibilités d’échanger de façon fortuite (autour de la fameuse “machine à café”) sont plus rares, voire inexistantes”. Par ailleurs, “à distance, l’organisation du collectif est bouleversée et les échanges nécessitent une forme d’anticipation”. Le Céreq constate que “le recours aux outils numériques semble favoriser les chances d’apprendre seul avec l’aide d’internet ou des médias”. Toutefois, aucune différence de comportement significative n’est observée entre les télétravailleurs et les autres ce qui amène le Céreq à conclure que “travailler à domicile n’aurait donc pas d’incidence sur le fait d’apprendre seul”.
Le Céreq constate que “cette dimension [des échanges professionnels] a été “d’autant mieux préservée à distance qu’elle était présente avant la crise dans l’environnement de travail des salariés”. La culture d’entreprise est donc un facteur essentiel.
(*) “Comment garantir le développement des compétences en télétravail ?”, Marion Lambert, Bref Céreq n° 425.
Florence Mehrez
L’Index de l’égalité professionnelle F/H : “utile mais imparfait”
Dans une note publiée le 13 octobre, le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) revient sur l’Index égalité professionnelle mis en œuvre à partir de 2019. Selon les auteurs, si cet outil a permis plus de transparence salariale, la réalité de ses effets s’avère plus contrastée.
Ils distinguent quatre types d’entreprises :
Pour les premières, plutôt de grande taille, déjà investies dans l’égalité professionnelle, bien outillées et rodées au dialogue social sur cette thématique, la valeur ajoutée de l’Index est certes limitée, mais il a le mérite de provoquer des effets de correction et s’intègre assez rapidement aux outils préalablement existants.
Le second groupe regroupe le plus souvent des grandes entreprises : celles-ci estiment que l’Index est moins performant que les outils “maison” préexistants, il n’est pas considéré comme un outil de gestion de l’égalité utile.
Dans le troisième groupe, en revanche, qui n’avait pas investi le champ de l’égalité professionnelle, l’Index produit des “effets réels”, il a permis d’analyser les inégalités professionnelles telles que définies dans l’Index et a conduit à des actions dans certains des domaines couverts par la mesure.
Enfin, le dernier groupe, composé de petites entreprises, reste hermétique à ce sujet. L’Index est avant tout produit dans un souci de conformité avec les obligations réglementaires.
actuEL CE
L’Anact lance Prev’camp, un accompagnement pour prévenir les conduites addictives en milieu professionnel
Parce que les conduites addictives (tabac, alcool, drogues, etc.) ne s’arrêtent pas à la porte de l’entreprise, le réseau Anact-Aract déploie un accompagnement pour les prévenir en milieu professionnel Prev’camp.
Il s’agit de modalités gratuites d’accompagnement. Leur objectif est d’appuyer la mise en place de démarches de prévention collective durable favorisant le maintien en emploi.
Il existe quatre types de modalités d’accompagnement :
information-sensibilisation ;
atelier avec partage de pratiques ;
accompagnement collectif inter-structures ;
innovation par l’expérimentation de nouvelles pratiques en matière de prévention des conduites addictives.
Les bénéfices pouvant être retirés sont, notamment :
un appui par des experts des conditions de travail et des conduites addictives pour mettre en place une démarche sur mesure ;
dépasser les freins fréquents sur ce sujet (tabou, focalisation sur le contrôle et la sanction au détriment des mesures de prévention des risques professionnels, d’amélioration des conditions de travail et de soutien aux personnes concernées) ;
des méthodes et des outils qui ont fait leur preuve ;
progresser vers un environnement de travail favorable à la santé et au maintien en emploi ;
une dynamique de proximité.
Pour faire appel à Prev’Camp, il faut se renseigner auprès de l’Aract dans votre région.
actuEL CE
Les sénateurs modifient le projet de loi Marché du travail en commission des affaires sociales
Les sénateurs ont débuté l’examen du projet de loi sur le marché du travail qui contient des dispositions relatives à l’assurance chômage, à la VAE et aux élections professionnelles. Hier, en commission des affaires sociales, ils ont adopté un certain nombre d’amendements. Tour d’horizon des changements décidés par la Haute chambre.
La commission des affaires sociales du Sénat a adopté hier le projet de loi sur le marché du travail dont l’examen en séance publique débutera le 25 octobre. Les sénateurs ont apporté des modifications au texte, surtout sur les dispositions relatives à l’assurance chômage.
Assurance chômage
Négociation sur l’assurance chômage
Les parlementaires ont décidé d’avancer au 31 août 2023 la date limite d’application des mesures relatives à l’assurance chômage qui pourront être prises par décret en Conseil d’État, y compris pour l’application du bonus-malus, estimant que “la gestion paritaire de l’assurance chômage doit prévaloir”. C’est ainsi que dans cette même logique, ils ont abrogé les dispositions du code du travail qui fixent la procédure de négociation d’un accord relatif à l’assurance chômage sur la base d’un document de cadrage du Premier ministre. Et dans la foulée, ils demandent que soit engagée, dès publication de la loi, une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel sur la gouvernance, l’équilibre financier et les règles d’indemnisation de l’assurance chômage à l’issue de laquelle le gouvernement devra leur communiquer un document d’orientation en vue de la négociation sur l’assurance chômage (lire en pièce jointe le communiqué de la commission). Ce document devra être transmis concomitamment au Parlement. Il devra présenter des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options possibles pour faire évoluer les règles d’indemnisation de l’assurance chômage.
Bonus-malus
Les sénateurs ont modifié le bonus-malus. Ils souhaitent que le dispositif soit limité aux fins de CDD d’une durée inférieure ou égale à un mois, hors remplacement de salariés absents et d’en exclure les fins de CDI, quelle qu’en soit la cause, et les fins de mission d’intérim. Par ailleurs, ils ont décidé de plafonner la modulation des contributions d’assurance chômage à plus ou moins 0,5 point (soit dans une fourchette comprise entre 3,55 % et 4,55 %, contre 3 % à 5,05 % actuellement).
Contracyclicité
Les parlementaires ont décidé que les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits et, d’autre part, la durée des droits à l’allocation d’assurance chômage pourront être modulées en tenant compte d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail qui seront fixés par la convention d’assurance chômage.
Abandon de poste
Les sénateurs ont modifié à la marge la procédure applicable à l’abandon de poste, telle qu’introduite dans le texte par les députés. La mise en demeure demandant au salarié de reprendre son poste ou de justifier son absence dans un délai fixé par l’employeur ne pourra être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’État. Le salarié sera présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai s’il ne régularise pas sa situation.
Refus d’un CDI
Nouveauté introduite en commission des affaires sociales : un employeur qui proposera à un salarié en CDD de signer un CDI pour occuper le même emploi, ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente, de la même classification et sans changement du lieu de travail devra notifier cette proposition par écrit au salarié et la transmettre à Pôle emploi. Si Pôle emploi constate qu’un demandeur d’emploi a reçu, au cours des 12 derniers mois, trois propositions de CDI à l’issue d’un CDD, le bénéfice de l’allocation d’assurance chômage ne pourra pas être ouvert à cette personne au titre de la privation involontaire d’emploi, sauf s’il s’avère qu’elle a été employée en CDI au cours de la même période.
Succession de CDD
Les sénateurs décident de faire partir la réactivation de l’expérimentation relative à la succession de CDD avec un même salarié à partir de la date de publication du décret d’application afin que la nouvelle expérimentation ne soit pas amputée et dure bien deux années pleines. Par ailleurs, ils estiment que le rapport d’évaluation doit être remis au plus tard trois mois avant le terme de l’expérimentation, et non six mois après celui-ci.
CDII
Les sénateurs ont supprimé la durée maximale de 36 mois applicable aux missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée intérimaire (CDII).
Validation des acquis de l’expérience
Les sénateurs ont souhaité introduire dans le code du travail le principe selon lequel la validation des acquis de l’expérience (VAE) est ouverte à toute personne qui justifie d’une activité en rapport direct avec le contenu de la certification visée. Ces derniers suppriment ainsi de la loi la liste des types d’activité et catégories de personnes éligibles à la VAE : activité professionnelle salariée, non salariée, bénévole ou de volontariat, sportifs de haut niveau, mandat électoral local, responsabilités syndicales, etc.
Ils estiment que le risque d’une énumération d’activités ou de catégories est d’exclure certaines personnes de l’accès à la VAE alors même que les compétences qu’elles auraient acquises pourraient leur permettre d’obtenir une certification par la validation de leurs acquis.
Les sénateurs ont également abrogé l’article L. 6412-2 du code du travail qui régit aujourd’hui la procédure de recevabilité des dossiers de VAE et prévoit que le certificateur doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.
Elections professionnelles
Les parlementaires ont avancé la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives aux élections professionnelles au 31 octobre 2022 au lieu du 1er novembre 2022. Ils mettent en avant le fait que la décision du Conseil constitutionnel qui abroge l’article L.2314-18 du code du travail dans sa rédaction actuelle prend effet au 31 octobre 2022.
► A noter : les sénateurs proposent enfin de ne ratifier que six ordonnances sur les 21 inscrites dans le projet de loi, à savoir celles qui restent en vigueur.
Florence Mehrez
Recruteurs et personnes handicapées ne sont pas sur la même longueur d’onde
Selon un sondage réalisé par l’Ifop, pour le compte de l’Agefipfh, dévoilé, hier, en prévision de la Semaine européenne de l’emploi des personnes handicapées (du 14 au 20 novembre 2022), 24 % des personnes en situation de handicap sondées estiment que le plein emploi à l’horizon 2027 est un objectif réaliste (contre 35 % pour le grand public et les recruteurs). Ils sont encore moins nombreux (18 %) à estimer que le plein emploi est atteignable pour eux-mêmes (31 % pour les recruteurs).
Parmi les leviers, 28 % personnes handicapées recommandent majoritairement de renforcer les “sanctions” contre les entreprises qui ne respectent pas l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH). 26 % se prononcent pour la simplification et le développement des aides et des services spécialisés pour leur accueil et leur intégration et autant sont favorables à l’amélioration des conditions de vie au travail dans les entreprises (26 %).
À l’inverse, près de la moitié des recruteurs mettent en avant l’appui au sourcing, 23 % une aide des services spécialisés et 16 % aimeraient que les démarches administratives soient simplifiées. Seuls 7 % d’entre eux pensent qu’une prime incitative à l’embauche serait efficace.
actuEL CE
La justice annule la sanction de l’inspecteur du travail Anthony Smith
Le tribunal administratif de Nancy a annulé, hier, l’arrêté de déplacement émis par le ministère du Travail à l’encontre d’Anthony Smith. Cet inspecteur du travail avait été sanctionné en 2020 pour avoir demandé des mesures de protection des salariés d’une association contre la Covid. D’autres griefs visent la diffusion d’annexes de tracts syndicaux. Mais les dessous du dossier sont plus complexes… Explications.
“Il est soulagé !”, nous dit d’emblée Valérie Labatut, secrétaire nationale CGT de l’inspection du travail. Anthony Smith l’a en effet informée, hier de bon matin, du jugement du tribunal administratif le concernant. Après les conclusions de la rapporteure publique qui lui étaient favorables, le juge a décidé d’annuler l’arrêté de déplacement d’office pris par Élisabeth Borne en août 2020, alors qu’elle était ministre du Travail. A l’époque, en pleine crise sanitaire et confinement, Anthony Smith avait demandé en référé qu’une association employant des aides à domicile adopte des mesures de protection de ses salariés contre la Covid-19 (fourniture de gel, de masques etc.). Anthony Smith s’était vu mis à pied par Muriel Pénicaud. Cette sanction avait été allégée par Élisabeth Borne en mutation à Melun, soit à plus de 150 kilomètres de chez lui (Anthnoy Smith travaillant dans la région de Reims, dans la Marne). Soutenu par une intersyndicale de l’inspection du travail incluant la CGT, FO, la FSU, et la CNT (Confédération nationale du travail), il avait alors demandé en justice l’annulation de cet arrêté de déplacement d’office. Le tribunal administratif lui a donné raison hier. Un seul des cinq griefs reprochés par le ministère du travail est retenu par le juge, mais ce grief ne justifiait pas une telle sanction, que le juge considère comme disproportionnée
Diffusion en interne de l’annexe d’un tract syndical
Premier grief reproché à Anthony Smith par le ministère du Travail : la diffusion d’une annexe d’un tract syndical contenant un modèle de courrier. Celui-ci demandait aux entreprises de justifier des mesures de prévention, d’hygiène et de sécurité prises pour protéger leurs salariés contre la Covid-19. Sur ce grief, le juge retient que ce courrier-type “avait été avalisé par le responsable de l’unité de contrôle d’Anthony Smith, qui l’a remercié de cet envoi et l’a invité à la partager avec ses collègues”. Dès lors, selon le tribunal, la diffusion du courrier ne saurait constituer une faute de nature à justifier une sanction.
L’annexe envoyée à des entreprises
Deuxième grief : avoir adressé ce courrier à des entreprises. Anthony Smith en avait informé ses collègues et sa ligne hiérarchique. Il avait d’ailleurs été encouragé dans ce sens par ses supérieurs. Le directeur général du travail avait ensuite critiqué le modèle de courrier issu du tract syndical. Anthony Smith a alors modifié la première version du courrier-type. Le juge relève que ce courrier reprenait les éléments des Questions/Réponses dont le ministère du Travail a fait grand usage pendant la crise sanitaire, et qui sont encore en ligne sur son site. De ce fait, le contenu des courriers “ne saurait être regardé comme entrant en contradiction avec les orientations de la direction générale du travail”. Selon le juge, de tels agissements relèvent des pouvoirs propres de l’inspecteur du travail d’exercer ses missions de contrôle. Ils ne constituent pas un abus de droit et respectent la déontologie de la profession. Ainsi, Anthony Smith n’a commis aucune faute disciplinaire. Il est de plus fondé à soutenir que le grief tiré d’une méconnaissance des règles de compétence territoriale de l’inspecteur du travail est entaché d’une erreur de fait.
Pas de preuve d’une poursuite des envois après un rappel à l’ordre
Troisième grief : avoir poursuivi l’envoi des courriers au-delà du 27 mars 2020, date à laquelle le responsable d’unité départementale a demandé à l’inspecteur du travail de cesser ses envois. Il aurait été rappelé à l’ordre à ce sujet le 31 mars. Le juge pointe cependant qu’il n’est pas établi qu’Anthony Smith aurait poursuivi l’envoi des courriers après avoir reçu des consignes contraires. Aucune faute disciplinaire ne peut être retenue, d’autant que la décision du juge sur le deuxième grief retient déjà son innocence au sujet de l’envoi des courriers.
L’inspecteur du travail ne brouillait pas la communication officielle
Quatrième grief : “avoir brouillé considérablement aux yeux des acteurs publics et privés la stratégie que le ministère du Travail entendait poursuivre dans le département vis-à-vis du maintien ou non de l’activité des entreprises”. A ce sujet, le juge note qu’aucune pièce du dossier ne fait ressortir que les interventions du préfet de la Marne envers certaines entreprises pour leur signifier de reprendre une activité sans autorisation n’étaient nécessaires. En un mot, on reprochait à Anthony Smith d’avoir demandé en référé que des entreprises adoptent des mesures de protection des salariés contre la Covid. En plein débat sur la fermeture ou non des commerces dits “non essentiels”, les autorités souhaitaient au contraire que les entreprises poursuivent leurs activités. A ce sujet, l’inspecteur du travail était notamment saisi par des élus du personnel d’une société d’aide à la personne face au manque d’équipements de protection pour les salariés. Mais pour le juge, ces éléments ne sont pas de nature à établir que les agissements d’Anthony Smith brouillaient la stratégie gouvernementale en matière de reprise de l’activité économique.
Seul grief retenu : le courrier sur le droit de retrait des salariés
Enfin, il était reproché à l’inspecteur du travail d’avoir diffusé à ses collègues l’annexe d’un second tract syndical, destinée aux salariés et présentée comme un constat d’exercice légal du droit de retrait en raison de la Covid-19. Sa hiérarchie lui aurait alors signifié que l’appréciation du caractère abusif ou non du droit de retrait relevait du seul juge judiciaire. Cependant, le juge relève qu’Anthony Smith a partagé avec ses collègues un document “dont la diffusion à des salariés aurait été de nature à leur faire croire à tort que l’administration pouvait attester de l’exercice régulier de leur droit de retrait. M. Smith n’est donc pas fondé à contester la matérialité ni la qualification juridique de ce grief”.
La sanction de ce grief était disproportionnée
Sur le seul grief d’avoir diffusé un document relatif au droit de retrait des salariés, le tribunal administratif de Nancy juge que la sanction de “mutation” à Melun était disproportionnée au regard de la gravité des faits. L’arrêté de déplacement d’office est donc annulé. Selon Valérie Labatut (secrétaire nationale CGT de l’inspection du travail), Anthony Smith va donc demander sa réintégration : “Il ne demande qu’à reprendre sereinement son travail et son quotidien dans un délai raisonnable”.
La charge de travail d’Anthony Smith incompatible avec ses mandats syndicaux
Le juge relève également que le ministère reprochait à Anthony Smith d’avoir refusé de prendre à sa charge certains dossiers. Mais les entretiens de l’inspecteur du travail avec sa hiérarchie les années précédentes montraient qu’il avait souligné à plusieurs reprises que sa charge de travail ne prenait pas en compte ses mandats syndicaux. Anthony Smith était élu du CHSCT, représentant syndical CGT et membre du Conseil national de l’inspection du travail pour la CGT.
Le médecin du travail avait demandé que sa charge de travail soit allégée, et une démarche en ce sens avait été entamée avec ses supérieurs. Dès lors, le juge considère que le refus de certaines missions ne constitue pas une faute justifiant une sanction. Anthony Smith aurait également refusé des entretiens professionnels. Mais le juge pointe qu’il n’aurait pas été informé des conséquences disciplinaires que pouvaient lui valoir ce refus. Là encore, aucune faute ni sanction ne pouvaient être retenues.
Une discrimination syndicale ?
A la lecture du jugement, il s’avère donc que les griefs ont été multipliés à l’égard de l’inspecteur du travail. Au final, l’éléphant de l’accusation accouche d’une souris. On peut donc se demander pour quelles raisons Anthony Smith a fait l’objet de telles poursuites. Selon son avocat, Maître Renaud Fages, il était en conflit avec sa direction dans le cadre du CHSCT, car ses supérieurs n’avaient pas mis en place de mesures de prévention en interne, afin de protéger les inspecteurs du travail de la Covid-19. Anthony Smith s’était également insurgé contre une directive voulant que les inspecteurs du travail ne mettent pas de masque pendant leurs interventions en entreprise. Enfin, au niveau national, la CGT avait émis des doutes sur la politique sanitaire de la Direction générale du travail. Est-ce à dire que le ministère du travail a commis une discrimination syndicale ? Le juge ne se prononce pas sur ce point. Selon Renaud Fages, “nous avons allégué devant le juge la volonté du ministère de sanctionner un représentant syndical et de faire de lui un exemple pour toute la profession. Mais le juge ayant retenu les faits portant sur l’un des griefs, il se prononce uniquement sur la proportionnalité de la sanction, pas sur la discrimination syndicale, qui est de toute façon très difficile à faire reconnaître”.
La CGT a réagi en fin de journée sur cette affaire, jugeant que “Cette décision confirme le caractère purement politique de cet acharnement du gouvernement” (communiqué en pièce jointe).
Le ministère, qui n’a pas souhaité réagir hier, fera-t-il appel de cette décision ? Il faudra attendre l’expiration du délai de deux mois pour le savoir. Mais il semble que ce ne soit pas son intérêt de voir cette affaire rebondir dans le débat public alors que le nom de la Première ministre y est évoqué…
Marie-Aude Grimont
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : droits des salariés, handicap, nominations, personnes détenues, santé, sécurité sociale
Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du vendredi 14 octobre au jeudi 20 octobre inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branches que vous retrouvez une fois par mois dans nos colonnes.
Administration
Un décret du 19 octobre 2022 fixe les conditions de mise en œuvre du traitement des saisines de la Commission d’accès aux documents administratifs relevant d’une série de demandes
Droits des salariés
Un décret du 14 octobre 2022 modifie le décret n° 2021-428 du 12 avril 2021 relatif au calcul des indemnités journalières maladie et maternité
Droits sociaux des personnes détenues
Une ordonnance du 19 octobre 2022 précise les droits sociaux des personnes détenues (Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues)
Fonction publique
Une décision ministérielle du 7 octobre 2022 fixe les conditions et modalités d’utilisation des technologies de l’information et de la communication par les organisations syndicales dans le cadre des élections professionnelles de 2022
Un arrêté du 12 octobre 2022 autorise au titre de l’année 2022 l’ouverture d’un recrutement sans concours dans le corps des adjoints administratifs des administrations de l’État dans l’administration supérieure des îles Wallis et Futuna
Un arrêté du 12 octobre 2022 précise les modalités d’organisation du vote électronique par internet des personnels relevant du ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour l’élection des représentants des personnels aux comités sociaux d’administration, à la formation spécialisée de site à Nantes, aux commissions administratives paritaires, aux commissions consultatives paritaires et aux commissions consultatives locales pour les élections professionnelles fixées du 1er au 8 décembre 2022
Un arrêté du 3 octobre 2022 porte modification de l’arrêté du 3 juin 2022 relatif à la représentation des femmes et des hommes au sein des comités sociaux d’administration relevant du ministère de l’intérieur et du ministère des outre-mer
Handicap
Un arrêté du 29 septembre 2022 fixe la liste des entreprises adaptées retenues pour mener l’expérimentation d’un accompagnement des transitions professionnelles en recourant au contrat à durée déterminée conclu en application de l’article L. 1242-3 du code du travail
Nominations
Un arrêté du 10 octobre 2022 porte nomination au Conseil supérieur de la prud’homie en qualité de représentants des salariés sur proposition de Force Ouvrière (Patricia Devron, Pierre Lemmet)
Un arrêté du 13 octobre 2022 précise la composition du cabinet de la Première ministre (nomination de Gwenaël Frontin, conseiller auprès de la Première ministre, chargé des relations sociales)
Santé sécurité
Un arrêté du 16 septembre 2022 modifie et complète la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l’amiante, susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante
Sécurité sociale
Un décret du 14 octobre 2022 porte application de l’article 12 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022
Traitement de données
Un arrêté du 21 septembre 2022 précise le traitement automatisé de données à caractères personnel dénommé “Champollion” ayant pour finalité de structurer et de mettre à disposition des administrations relevant du champ du travail, de l’emploi et de l’insertion, des données pour l’accomplissement de leurs missions
actuEL CE
Travailleurs handicapés : un nouvel arrêté met à jour la liste des entreprises adaptées pouvant recourir au CDD tremplin
Un arrêté du 29 septembre 2022 actualise la liste des entreprises adaptées pouvant recourir au CDD tremplin.
Rappelons que le CDD tremplin a pour vocation de permettre à des personnes handicapées de bénéficier d’un parcours de remise à l’emploi, de qualification et de construction d’un parcours l’amenant à retrouver un emploi dans une entreprise autre qu’une entreprise adaptée.
Il s’agit d’une expérimentation rendue possible par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, pour une période définie entre 7 septembre 2018 et le 31 décembre 2022.
actuEL CE
49.3 déclenché pour le budget : pas de taxe sur les superprofits mais une hausse du plafond des titres-restaurant
Elisabeth Borne l’a annoncé mercredi : le gouvernement a donc recours à l’article 49.3 pour faire adopter à l’Assemblée nationale la partie recette de son budget pour 2023 (ou PLF, projet de loi de finances). Cette procédure, qui engage la responsabilité du gouvernement, permet à l’exécutif de fixer le texte qui sera considéré comme adopté sauf en cas de vote d’une motion de censure par une majorité de députés (la Nupes, à gauche, et le Rassemblement national, à l’extrême-droite, ont déposé chacun une motion de censure).
De ce fait, le texte ne devrait pas comprendre de taxe sur les superprofits. Un amendement du Modem prévoyant une surtaxation des dividendes exceptionnels des entreprises (les dividendes dont le niveau dépasse de 20% la moyenne des 5 dernières années) avait été voté par une majorité de députés. Le gouvernement devrait en revanche conserver certains amendements votés comme la hausse du crédit d’impôt pour la garde d’enfants (le plafond passerait de 2 500 à 3 500€), le relèvement de 11,84€ à 13€ du plafond des titres-restaurant “afin de soutenir le pouvoir d’achat des salariés et de leur donner accès à un repas complet et sain”, la baisse de la TVA sur les produits anti-Covid tels que les masques.
Le gouvernement pourrait également faire usage du 49.3 pour écourter les débats et faire adopter son projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.