Pour FO, la régulation du CPF ne doit pas accroître le coût des formations pour les salariés
Un amendement introduit dans le cadre du Projet de loi de finances (PLF) pour 2023, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, prévoit de cibler le compte personnel de formation (CPF) sur les actions en matière d’insertion et de maintien en emploi, le détail des modalités étant au pouvoir réglementaire et à la consultation des interlocuteurs sociaux. Tout en se disant favorable à une régulation du CPF, FO s’inquiète des conséquences possibles du dispositif envisagé. “Nous restons fermement opposés à toute logique de modération financière synonyme de reste à charge pour le titulaire du compte personnel de formation”, explique le syndicat dans un communiqué. Force ouvrière estime que l’amendement pourrait même remettre en cause “l’essence du CPF, originellement envisagé comme un droit individuel garanti collectivement”. Et FO d’ajouter : “Si le CPF est conditionné à une exigence d’employabilité couplée d’une logique financière, le droit des salariés s’en trouverait gravement diminué”. Le syndicat défend une régulation basée sur “la qualité de l’action de formation” et via un “accompagnement systématique des titulaires par les conseillers en évolution professionnelle”.
actuEL CE
CPF : les Acteurs de la compétence “très vigilants” sur l’instauration d’un “reste à charge”
Alors que le projet de loi de finances pour 2023 prévoit un mécanisme de régulation pour le compte personnel de formation (CPF), ouvrant ainsi la brèche à un éventuel “reste à charge” pour le titulaire, les Acteurs de la compétence (ex-Fédération de la formation professionnelle) se dit “très vigilante” sur l’adoption d’une telle mesure. Elle déclare qu’une éventuelle contribution financière obligatoire ne doit pas s’appliquer aux demandeurs d’emploi, ne doit pas dépasser un forfait de 10 % du crédit CPF mobilisé et ne doit pas cibler les ouvriers/employés. “Il est crucial de ne pas revenir sur ce droit à se former pour tous les Français, indique Pierre Courbebaisse, président de la fédération. Ce droit est une protection de tous contre les risques d’obsolescence des compétences et contre le chômage”. D’autres leviers peuvent être activés à ses yeux, en premier lieu le co-investissement employeur/salarié ; l’abondement par les régions, les collectivités territoriales ou d’autres acteurs comme les CAF….
actuEL CE
Un arrêté fixe la demande d’agrément des organismes de formation des conseillers prud’hommes
Un arrêté du 8 novembre 2022 (en pièce jointe) fixe le contenu du dossier de demande d’agrément des établissements publics et organismes privés à but non lucratif qui assurent la formation des conseillers prud’hommes. Il précise la liste des données administratives (dénomination, adresse…) et des données sur l’organisation des formations (nombre, durée, lieux…). La formation devra être adaptée “en fonction des besoins, notamment au regard des évolutions juridiques et de la nature des contentieux”.
Le contenu du programme de formation est par ailleurs déterminé : sources en droit du travail et procédure prud’homale, relations individuelles et collectives de travail, durée du travail, salaire et accessoires, intéressement, participation, épargne salariale, santé et sécurité au travail. L’enseignement peut avoir lieu en présentiel ou à distance, mais les organismes doivent organiser des exercices pratiques basés “sur l’étude de documents ou de dossiers préparés à partir de cas pratiques ou de contentieux tirés de la jurisprudence”. Les formateurs doivent justifier des diplômes et de l’expérience appropriée en droit social.
Assurance chômage : la CFDT fustige “un compromis aux frais des travailleurs”
Les parlementaires ont finalement trouvé un compromis pour le texte final du projet de loi sur le marché du travail, qui comprend un volet touchant l’assurance chômage. Mais pour la CFDT, il s’agit d’un compromis dont les salariés vont faire les frais : “Le texte instaure une présomption de démission pour les salariés qui abandonnent leur poste, ce qui les exclut des droits à l’assurance chômage. Cette mesure avait été introduite par les députés à l’Assemblée nationale alors qu’il n’existe aucune étude ni chiffrage sur les abandons de poste en France. Le texte va encore au-delà, en conservant deux amendements issus du Sénat : la suppression des droits à l’assurance chômage pour les salariés qui refusent à deux reprises un CDI à l’issue d’un CDD ou d’un contrat d’intérim sur le même poste”. Et la CFDT de dénoncer des dispositions “sanctionnant injustement un salarié” et “qui ignorent totalement les raisons légitimes (personnelles ou liées aux conditions de travail dans l’entreprise) que peut avoir un salarié lorsqu’il refuse un CDI à l’issue d’un CDD ou d’une mission d’intérim”.
actuEL CE
Le Sénat vote un amendement portant la retraite à 64 ans
Lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), la majorité sénatoriale a voté un amendement portant de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite. Plus exactement, le texte prévoit qu’en l’absence de mesures décidées avec les partenaires sociaux réunis dans “une convention nationale pour l’emploi des séniors et la sauvegarde du système des retraites”, plusieurs mesures paramétriques seraient appliquées à compter du 1er janvier 2024 :
maintien de l’âge d’obtention automatique du taux plein à 67 ans ;
accélération de la mise en œuvre de la réforme « Touraine » de 2014, qui porte la durée d’assurance nécessaire pour l’obtention d’une pension à taux plein à 43 annuités à compter de la génération 1973. Cet amendement tend à rendre cette durée applicable dès la génération 1967 ;
report progressif de l’âge d’ouverture des droits à 64 ans à compter de la génération 1967;
convergence des régimes spéciaux vers ces paramètres avant 2033, selon des conditions et un calendrier fixés par décret en Conseil d’État.
Ces dispositions voulues par Les Républicains devraient donc figurer dans le texte global du PLFSS soumis aux sénateurs ce mardi 15 novembre. Mais elles ne devraient pas être retenues par les députés, le gouvernement ayant renoncé à légiférer sur le sujet dans le cadre des discussions budgétaires de fin d’année. En effet, le président de la République a annoncé une loi spécifique en début d’année au terme d’un processus de concertation qui vient d’être lancé sur la partie de la concertation portant sur l’emploi des séniors.
actuEL CE
PLFSS pour 2023 : les mesures adoptées par le Sénat
Le Sénat a adopté hier après-midi le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Nous récapitulons dans un tableau comparatif les modifications apportées au texte par les sénateurs.
Le 31 octobre dernier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a été adopté sans vote en première lecture par l’Assemblée nationale, à la suite au recours à l’article 49.3 de la Constitution par la Première ministre le 26 octobre sur le volet “dépenses” et l’ensemble du texte.
Les sénateurs ont à leur tour adopté le texte hier, qui comprend une mesure sur les retraites.
Le tableau récapitulatif suivant fait le point sur les mesures déclarées conformes et celles qui ont été ajoutées, modifiées ou complétées par les sénateurs.
►A noter : la commission mixte paritaire, réunie hier soir, n’a pas abouti à un texte de compromis entre les deux chambres. Une nouvelle lecture aura ainsi lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat.
`Géraldine Anstett
Petites pensions, retraites des femmes, régimes spéciaux : les pistes du gouvernement
Hier s’est ouvert le nouveau cycle de concertation entre le ministère du Travail et les partenaires sociaux sur la réforme des retraites (à noter que le premier cycle sur les seniors et l’usure professionnelle n’est pas clos), consacré à l’équité et la justice sociale. Au menu de ce nouveau thème : les inégalités de retraite envers les femmes, les petites pensions ou encore les régimes spéciaux (RATP, EDF notamment). Afin de faire le point sur les pistes de réforme, le ministère a adressé aux partenaires sociaux un support de concertation (en pièce jointe) dont voici les principaux éléments à retenir.
Sur les petites pensions, le président de la République s’est engagé à garantir un minimum de pension à 1 100 € pour une carrière complète. Ce chiffre est repris dans le document qui propose à court terme de revaloriser les minimas de pension, et à moyen terme d’instaurer un dispositif plus universel, sans doute comparable à celui qui fut proposé en 2019 et qui suscita l’opposition des syndicats.
Sur l’égalité hommes femmes, le ministère constate que les femmes sont les principales destinataires des petites retraites car elles connaissent plus de temps partiel et de salaires inférieurs à ceux des hommes. Réintroduire de l’égalité pourrait passer par la lutte contre les freins périphériques à de meilleurs emplois pour les femmes (garde d’enfant par exemple). Le document propose également une réforme des droits familiaux et conjugaux mais n’entre pas dans le détail, une prise en compte de l’interruption de travail subie ou encore la lutte contre le non-recours à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).
Enfin, 3 pistes pour réformer les régimes spéciaux :
mettre fin à ces régimes sur le même modèle que la SNCF ;
prévoir une affiliation au régime général pour l’ensemble des risques de sécurité sociale ;
prévoir une affiliation au régime général pour le seul risque vieillesse.
Négociation sur le partage de la valeur : les attentes syndicales, les prudences patronales
Les partenaires sociaux vont négocier jusque fin janvier sur le thème du partage de la valeur dans l’entreprise. Les organisations syndicales veulent aller au delà du champ souhaité par le gouvernement (intéressement, participation, actionnariat salarié) pour aborder la question des salaires, tandis que la CPME est très hostile à l’idée défendue par Emmanuel Macron d’une “prime dividende salarié”.
Organisations patronales et syndicales n’entreront pas tout de suite dans le vif du sujet. Elles vont prendre deux ou trois séances (21 et 29 novembre, peut-être le 2 décembre aussi) pour construire ensemble un diagnostic, et prendre éventuellement le temps d’auditionner des experts sur le sujet (1). Du reste, les partenaires sociaux ne partent pas de rien. Il y a d’une part les études de la Dares sur l’intéressement et la participation, mais aussi la position commune élaborée par eux en 2019 sur ce même thème, comme le souligne Luc Mathieu, négociateur CFDT et ancien secrétaire général de la fédération banques-assurances (2). Le plus difficile commencera ensuite.
Quel périmètre de négociation ?
En effet, les organisations patronales et syndicales n’ont pas forcément la même idée du périmètre de cette négociation. Dans une interview à RTL le 8 novembre, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, a expliqué que cette négociation devait viser deux objectifs, la simplification du système d’intéressement et de participation, “car les salariés et les patrons n’y comprennent plus rien”, et son application aux petites entreprises, un point également souligné par Stéphanie Pauzat, la vice-présidente de la CPME : “Il faut que les TPE-PME s’approprient encore davantage ces dispositifs”. Un point également ciblé par Imane Harraoui (CFTC) : “Il n’y a pas de participation obligatoire pour les salariés des sociétés de moins de 50 personnes alors que certaines entreprises pourraient en verser”.
Le patronat aimerait donc s’en tenir au champ défini par le ministre du travail dans le document d’orientation adressé aux partenaires sociaux le 16 septembre pour leur demander d’ouvrir cette négociation, comme l’article L1 du code du travail oblige le gouvernement à le faire avant de légiférer sur une réforme sociale (lire notre encadré).
Pour la CPME, la notion de dividende salarié est absurde
Ce champ apparaît assez restreint puisqu’il vise une amélioration des dispositifs existants en matière d’intéressement et de participation et leur généralisation. Rappelons que ces dispositifs ont été récemment retouchés par le gouvernement : déblocage anticipé, passage à 5 ans de la durée maximale de l’accord d’intéressement.
Mais il pourrait s’agir aussi, pour le gouvernement, de pousser les partenaires sociaux à donner corps à la promesse d’Emmanuel Macron, lors de la campagne présidentielle, d’un “dividende salarié”, l’idée étant d’imposer aux entreprises qui versent des dividendes un partage des profits, via la participation ou l’intéressement. Et là, la CPME n’est guère allante, l’organisation des PME n’ayant nullement envie de voir imposée aux chefs d’entreprise une clef de répartition des résultats. “Parler d’un dividende salarié, c’est vraiment ne pas connaître l’univers des TPE-PME”, réagit Stéphanie Pauzat. Pour la vice-présidente de la CPME, le dividende rémunère le risque pris par l’entrepreneur pour lancer ou reprendre une entreprise, “il engage souvent son patrimoine personnel et réinjecte parfois des fonds pour passer un cap difficile”, et il ne saurait y avoir d’équivalent pour les salariés.
Pour la CFDT, il faut parler salaires
A l’inverse, pour les organisations syndicales, le thème même de partage de la valeur suppose, comme le dit Luc Mathieu (CFDT), de “discuter de la répartition de la valeur ajoutée des entreprises entre les investissements productifs, la rémunération du capital, et la rémunération des salariés”. Autrement dit, la question des salaires, et même de l’écart entre les plus fortes rémunérations et les plus bas salaires, ne peut pas être évacuée de ces discussions. “Nous devons traiter la question des salaires minima inférieurs au Smic et du tassement des grilles conventionnelles”, souligne Luc Mathieu qui propose de transformer le comité des experts du Smic en comité des bas salaires. “La lettre de cadrage n’évoque que des thèmes classiques et nous paraît trop peu ambitieuse”, renchérit, pour la CFTC, Imane Harraoui.
Parler salaires ? Sur ce point aussi, la CPME s’inscrit en faux. “L’interprofessionnel n’est pas fait pour cela, les salaires se négocient à l’échelle des branches et des entreprises”, coupe Stéphanie Pauzat.
L’inflation s’invite au menu
Parce que les salaires “sont encore la meilleure façon de partager la valeur ajoutée”, la CGT avance pour sa part, par la voix de Boris Plazzi, la revendication d’un retour à l’échelle mobile des salaires. Ce mécanisme, supprimé par la gauche en 1983 afin de casser la spirale inflationniste, permettait une progression automatique, suivant l’inflation, des salaires et donc pas seulement du Smic. Le négociateur CGT y voit le moyen d’éviter le tassement des grilles. N’est-ce pas illusoire de penser que les organisations d’employeurs pourraient s’y rallier ? “Tout dépend de la capacité du patronat à écouter la détresse des salariés de ce pays”, répond Boris Plazzi, qui ajoute : “Il y a une petite possibilité d’obtenir des avancées car le Medef tient à obtenir un accord pour montrer que la négociation fonctionne dans ce pays”.
Nous voulons un changement de la formule légale de calcul de la participation
Raphaelle Bertholon, pour la CFE-CGC, revendique de son côté un changement de la formule légale du calcul de la participation, pour remplacer le bénéfice fiscal par le bénéfice comptable. Cette modification serait favorable aux salariés, certains étant privés de participation du fait des mécanismes internes (prix de transfert entre entités juridiques différentes) au sein des entreprises mais aussi de l’optimisation fiscale. La secrétaire nationale de l’économie de la confédération des cadres reprend ici une analyse faite par certains experts des CSE. Elle aimerait aussi voir abordée la question des droits de vote des épargnants salariés : “Ce n’est pas au gérant du fonds de voter pour eux, il faudrait assurer véritablement leur droit de vote”.
La gouvernance elle-même en partage ?
Enfin, la délégation CFE-CGC entend revendiquer une meilleure place pour les représentants des salariés dans les conseils d’administration. “Ce serait aussi un signe de reconnaissance non pécunière pour le monde du travail”, appuie Imane Harraoui (CFTC). Au passage, Raphaelle Bertholon (CFE-CGC) ne cache pas son irritation à l’égard du troisième objectif assigné par le gouvernement aux partenaires sociaux, consistant à orienter l’épargne salariale vers des investissements responsables et solidaires, “comme si le comité intersyndical de l’épargne salariale n’existait pas” (4).
Un plus grand “partage” de la gouvernance des entreprises est également revendiqués par la CFDT : “Au moment de la loi pouvoir d’achat cet été, nous avions déjà demandé une meilleure représentation des salariés. Nous reposerons la question de la gouvernance des entreprises dans cette négociation”, avertit Luc Mathieu. Ce dernier envisage aussi de réclamer que la prime de partage de la valeur soit ciblée par exemple sur les petites entreprises, “car on ne pourra pas répondre au défi d’une inflation forte par un système général de primes”.
Attention aux exonérations de cotisations sociales !
Le chef de file de la délégation CFDT met aussi en avant la question de l’enjeu de la sécurité de l’épargne de l’actionnariat salarié : “Quand j’étais secrétaire général de la fédération CFDT banques-assurances, avec la faillite de Dexia, j’ai vu les salariés perdre toute leur épargne salariale qui avait été placée uniquement sur les titres de l’entreprise”.
Pour FO, toujours attachée à ce que les mécanismes type intéressement ou participation “ne se substituent pas à des augmentations de salaire”, cette négociation doit aussi traiter du salaire différé. “Le partage de la valeur ne doit pas reposer sur des exonérations de cotisations sociales qui privent l’assurance chômage et la Sécurité sociale de rentrées”, énonce Karen Gournay.
(1) Le calendrier de négociation prévoit ensuite des séances les 15 et 20 décembre, les 6, 13 et 20, 26 et 30 janvier, a priori toutes au Medef. Le récent accord national interprofessionnel sur le paritarisme, qui a donné un cadre pour les échanges interprofessionnels, n’impose pas un lieu “neutre” pour la tenue des négos, comme le souhaitaient certaines organisations syndicales, mais il indique que le lieu de négociation est “défini paritairement” lors de la première séance.
(2) Cette position commune s’était matérialisée en mars 2019 par un rapport de 62 pages élaboré par la CFDT, le Medef, la CFTC, l’U2P, la CFE-CGC, la CPME. La conclusion des partenaires sociaux de ce document consensuel était la suivante : “C’est du taux de croissance de la valeur ajoutée que dépend en définitive la possibilité de desserrer les contraintes pesant sur les arbitrages dans le partage pour pouvoir répondre à l’exigence de redresser le pouvoir d’achat et l’emploi, en même temps que les investissements”.
(3) Créé en janvier 2002 par la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et la CGT, le comité intersyndical de l’épargne salariale (CIES) entend développer l’épargne salariale “pour tous les salariés” en promouvant “l’investissement socialement responsable”. Il s’agit de choisir des placements conciliant performance économique et impact social et environnemental pour financer des entreprises contribuant au développement durable.
(4) Dans son programme présidentiel, Emmanuel Macron avait également avancé l’idée de faire dépendre la rémunération des dirigeants des grandes entreprises du respect des objectifs environnementaux et sociétaux de l’entreprise.
Les trois objectifs fixés par le gouvernement
Le document d’orientation adressé par le gouvernement aux partenaires sociaux le 16 septembre dernier (et qui leur demandait un retour avant le 1er novembre !), les invite à ouvrir une négociation sur le partage de la valeur ajoutée afin d’aborder trois objectifs principaux : 1/ “Généraliser le bénéfice de dispositifs de partage de la valeur pour les salariés, notamment dans les plus petites entreprises” “Les partenaires sociaux sont invités à réfléchir aux moyens de faciliter et de généraliser le bénéfice pour l’ensemble des salariés d’au moins un dispositif de partage de la valeur dont le déclenchement serait fonction des résultats, des performances de l’entreprise ou de la politique de rémunération de l’actionnaire. Cette généralisation ne devra pas engendrer de recul par rapport aux situations où un dispositif de partage de la valeur est déjà prévu. Les modalités de cette généralisation, et notamment le choix des outils et les paramètres retenus, devront prendre en compte la taille de l’entreprise, ses modalités de financement, ainsi que sa situation économique”. 2/ “Renforcer, simplifier et veiller à l’articulation des différents dispositifs de partage de la valeur” “La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat met en place un nouvel outil durable de partage de la valeur, sous la forme d’une prime dont le versement peut être décidé par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur et dont le montant peut être modulé en fonction de critères objectifs fixés dans la loi. La formule de participation, qui a peu évolué depuis la création du dispositif, peut susciter des critiques pour son manque de lisibilité, tout en étant parfois insuffisamment adaptée aux caractéristiques de l’entreprise, en particulier sa taille. Les partenaires sociaux sont donc invités à réfléchir à la modernisation de ces dispositifs ainsi qu’à l’amélioration de l’articulation de la nouvelle prime de partage de la valeur avec les dispositifs d’épargne salariale existants. La négociation pourra également porter sur les moyens permettant de de renforcer les dispositifs de partage de la valeur, dont l’actionnariat salarié. Les partenaires sociaux sont notamment incités à négocier sur les moyens et outils permettant de favoriser la diffusion de dispositifs d’épargne salariale dans les plus petites entreprises”. 3/ “Orienter l’épargne salariale vers les grandes priorités d’intérêt commun” “Les partenaires sociaux sont invités à réfléchir à des actions développant l’attractivité des produits d’épargne et permettant d’orienter l’épargne salariale vers des investissements responsables et solidaires ainsi que vers l’économie productive et la transition écologique”.
Bernard Domergue
Prime de partage de la valeur : 15 accords à la loupe
Renault, Radiall, ELM Leblanc, La Matmut, Saint-Gobain matériaux, Boysen France, Expressions parfumées… Ces entreprises, de toute taille, ont conclu des accords sur la prime de partage de la valeur. Salariés ciblés, montant, critères de modulation retenus, fractionnement… Revue de détail des principales dispositions.
Face à l’inflation galopante et à la flambée des factures d’énergie, certaines entreprises n’ont pas hésité à se saisir de la loi relative à la protection du pouvoir d’achat, promulguée l’été dernier, pour octroyer un coup de pouce financier à leurs salariés : nous avons recensé 465 accords sur Légifrance. Parmi les mesures clefs, elles ont opté pour la prime de partage de la valeur qui succède à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. Toutes se rejoignent pour dire que cette prime peut constituer un coup de pouce au pouvoir d’achat. “L’année 2022 est marquée par un contexte unique qui conjugue une inflation forte et une croissance significative du chiffre d’affaires d’expressions parfumées”, indique le préambule de l’accord du parfumeur Expressions parfumées qui précise que “l’inflation pénalise le budget des salariés”. Pour Radiall, il s’agit d’”apporter une réponse complémentaire à cette situation au niveau de l’entreprise” tandis que Renault souligne que cet accord “vise à accompagner les salariés du groupe face aux problèmes de pouvoir d’achat auxquels ils sont confrontés”.
Pour qui ?
Le versement de la prime de partage de la valeur demeure facultatif. Elle peut être destinée à une partie des salariés rémunérés moins de trois Smic puisque la prime est exonérée et défiscalisée en deçà de ce plafond de rémunération. C’est, par exemple, l’option choisie par Saint-Gobain matériaux, Radiall, Multifinances (20 personnes), Multitude technologies, Sotrami (transports) ou encore Piveteau Bois qui ciblent, à travers leur accord, les collaborateurs qui perçoivent une rémunération annuelle brute inférieure à trois fois la valeur annuelle du Smic.
A l’inverse, d’autres entreprises ont décidé d’octroyer ce coup de pouce à l’ensemble de leurs salariés. Ainsi le parfumeur Expressions parfumées ne fait aucune distinction en fonction de la rémunération. Idem pour Renault, Boysen France (fabrication de composants pour pots d’échappement de véhicules automobiles), Erilia (logements sociaux) ou encore pour ELM Leblanc.
Quelques différences toutefois : si la PME Multifinances réserve son bénéfice aux salariés présents dans l’entreprise depuis au moins trois mois (sur les 12 mois précédent le versement de la prime), chez ELM Leblanc, la durée de présence effective exigée est d’un an, entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022. Chez Erilia, six mois d’ancienneté sont exigés.
Selon Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, interviewé le 10 novembre sur France 2, 700 000 salariés auraient bénéficié de cette prime depuis août dernier.
Pour quel montant ?
L’employeur peut librement fixer le montant de la prime accordée par accord ou décision unilatérale. Son montant peut donc être inférieur aux montants exonérés, à savoir 3 000 euros voire 6 000 euros (si l’entreprise a conclu un accord d’intéressement ou si l’employeur est une association, une fondation ou encore un Esat) ou supérieur à ces montants. En réalité, peu d’accords atteignent ces plafonds. Chez Piveteau bois, ce sera 2 000 euros (pour les salariés à temps plein), chez Keolis Argenteuil Boucles-de-Seine, ce sera 1 300 euros et chez Saint-Malo Stevedores (manutention portuaire), 1 200 euros. Mais toutes les négociations ne se concluent pas à un tel niveau. Dans de nombreuses entreprises, les partenaires sociaux se sont accordés sur des montants moins élevés. La Matmut a versé 900 euros bruts ; Renault, 500 euros ; Sotrami, 350 euros. Multifinances et Multitude Technologies attribuent 400 euros. Quant au groupe Saint-Gobain matériaux, il versera 600 euros ce mois-ci.
En moyenne, le montant moyen est de 710 euros, selon Bruno Le Maire, le ministre de l’économie qui a souligné une “dynamique positive”
La prime est-elle modulée ?
Rémunération, niveau de classification, ancienneté dans l’entreprise, durée de présence effective, temps partiel… Comme pour la prime Pepa, l’employeur peut verser la PPV en la modulant selon certains critères légaux. Ainsi à la Caisse régionale du Groupama Nord-Est, le montant de la prime varie en fonction du niveau de rémunération : 800 euros bruts pour les salariés ayant perçus une rémunération brute inférieure à trois fois la valeur du Smic ; 500 euros bruts pour ceux touchant une rémunération brute égale ou supérieur à ce plafond. De même Radiall a modulé le montant de la prime en fonction du salaire perçu en la fixant ainsi à 850 euros pour tous les salariés dont la rémunération est inférieure ou égale à 2 250 euros bruts ; à 700 euros pour ceux qui perçoivent un salaire compris entre 2 250 et 2 800 euros, à 600 euros pour ceux qui touche entre 2 800 et 3 750 euros bruts et à 400 euros pour les collaborateurs qui ont une rémunération supérieure à 3 750 euros.
L’entreprise de connecteurs électroniques cible ici les salariés en CDI et CDD, les apprentis, les personnes en contrat en professionnalisation et les intérimaires dont le contrat de mise à disposition est effectif au 30 septembre 2022. En revanche, les mandataires sociaux et les stagiaires, qui ne sont pas titulaires d’un contrat de travail, en sont exclus.
Elle rappelle également que le montant est modulé et calculé proportionnellement à la durée du travail. Sont assimilés à des périodes de présence effective, les absences dues au congé paternité, maternité, d’adoption (y compris le congé parental d’éducation, le congé pour enfant malade, le congé de présence parentale, les évènements familiaux). Également pris en compte, les maladies professionnelles, les accidents du travail, les temps assimilés à du temps de travail effectif, à l’instar des visites médicales obligatoires, ou des crédits d’heures des représentants du personnel.
Autres cas de figure : chez le transporteur Sotrami, le montant oscille en fonction du temps de présence du salarié pendant l’année écoulée ; il perçoit 100 % du montant de la prime s’il a été présent de 11 à 12 mois (entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022) ; 80 % s’il a été présent entre neuf et 11 mois durant cette période ; 60 % (de six à neuf mois de présence) et 20 % (moins de six mois).
Piveteau Bois retient deux critères, la durée de travail du bénéficiaire (proratisé pour les temps partiel) et le temps de présence effectif dans l’entreprise (présents les 12 mois précédant la date de versement de la prime, soit entre le 1er septembre et le 31 août). Pour Cerp Bretagne Atlantique (coopérative de pharmaciens), le montant de ce coup de pouce dépend de la catégorie socio-professionnelle du salarié, les employés touchent 1 000 euros ; les techniciens, 750 euros, les agents de maîtrise, 500 euros et les cadres, 250 euros.
La prime est-elle fractionnée ?
Il est possible de verser la prime en plusieurs fois au cours de l’année civile, dans la limite d’une fois par trimestre. Un versement mensuel est donc interdit. Saint-Malo Stevedores (manutention portuaire), par exemple, a opté pour quatre versements : 300 euros en novembre 2022, 300 euros en mars 2023, 300 euros en juin 2023 et 300 euros en septembre 2023. De son côté, le parfumeur Expressions parfumées prévoit, dans son accord, un versement en deux temps : un paiement de 500 euros bruts sur la fiche de paie d’octobre dernier et un second du même montant en février 2023.
Chez Saint-Gobain matériaux, en revanche, la prime est versée une seule fois, en septembre dernier.
Quelle est la durée de ces accords?
Sans surprise, la durée déterminée est privilégiée dans la quasi-totalité des accords analysés. Il s’applique jusqu’au 31 décembre 2022 chez Saint-Gobain matériaux, Erilia, Multifinances. Boysen France, Saint-Malo Stevedores, jusqu’au 28 février 2023 chez Expressions parfumées, fin septembre 2023 chez Saint-Malo Stevedores.
Une exception toutefois : Chez Keolis Argenteuil Boucles-de-Seine, l’accord est à durée indéterminée, il “pourra être révisé dans les conditions fixées par la loi”.
Quels sont les bonus de ces accords ?
Saint-Malo Stevedores s’est saisi de cette négociation pour aller plus loin “dans le cadre du pouvoir d’achat et de l’attractivité de la profession”, en incluant dans son accord la mise en place d’une prime d’ancienneté à compter du 1er septembre 2023 (1 % à 15 % du salaire moyen qui est de 2222 euros en 2022) entre deux ans d’ancienneté et 28 ans d’ancienneté.
A noter également : le groupe Renault prévoit dans son accord “plan global de soutien au pouvoir d’achat des salariés” des mesures complémentaires, à savoir une prime transport (100 euros), une monétisation des jours de RTT (trois jours), ainsi que l’intégration d’une nouvelle absence assimilée à du temps de présence dans les accords d’intéressement (congé paternité et d’accueil de l’enfant). Le groupe Matmut a, quant à lui, relevé le plafond du forfait mobilité durable de 350 à 500 euros.
Manifestation CGT : deux élus de CSE parlent de leur mandat
La CGT avait appelé à la mobilisation interprofessionnelle, jeudi 10 novembre, sur le thème de l’augmentation des salaires, des minimas sociaux et des pensions. Nous avons rencontré au point de rassemblement deux élus de CSE venus manifester. Ils nous ont parlé des raisons de leur présence et de leur mandat d’élu, notamment de la limitation à trois mandats successifs. Et ils n’ont pas du tout la même opinion…
Le 10 novembre 2022 ne restera pas dans l’histoire syndicale comme une grande manifestation de la CGT. A quinze heures, soit une heure après le rendez-vous fixé pour lancer la marche, le nombre de sympathisants était encore limité. Difficile d’y lire un essoufflement de la mobilisation après une journée prometteuse le 18 octobre, et une journée en demi-teinte le 27 : les transports très perturbés par la grève de la RATP ont pu nuire au regroupement des manifestants. Le cortège s’est néanmoins bien étoffé au fil des rues. A Paris, il aurait réuni 2 400 personnes selon la police, 10 000 selon la CGT.
“Bien sûr, on préférerait une mobilisation générale et des grèves reconductibles, ça serait l’idéal mais le salariat n’est pas là”, explique Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale de la CGT, qui remplaçait Philippe Martinez en déplacement en province. Elle note également que les gros mouvements interprofessionnels ont mobilisé sur des demandes défensives (les retraites), alors que l’augmentation des salaires relève d’une demande offensive. “Néanmoins, même si ces journées sont espacées et répétitives, elles entretiennent les mobilisations à un autre niveau. Depuis septembre, on constate une effusion de mobilisations sur les salaires dans les entreprises et cela alimente aussi le mouvement interprofessionnel”, précise-t-elle.
Les revendications de la CGT n’ont pas varié depuis la rentrée : un Smic à 2 000€ bruts, un retour de l’échelle mobile des salaires permettant de les indexer sur l’inflation, une revalorisation des minimas sociaux et des pensions.
Selon Nathalie Verdeil, “l’augmentation des salaires est la principale préoccupation des salariés face à une inflation galopante”. Quant au partage de la valeur, nouveau sujet de négociation (lire notre article dans cette édition) avec notamment le projet de dividende salarié, elle le considère comme “un alibi pour ne pas parler des salaires” et rappelle que seuls ces derniers permettent de financer la protection sociale.
Valérie Lesage, secrétaire générale de l’union régionale île de France CGT ajoute que d’autres journées de mobilisation sont en réflexion à la CGT : “Nous avons des instances nationales la semaine prochaine qui vont en décider”.
Les salaires et les retraites, les élus du CSE venus manifester en parlent aussi comme des motifs des mobilisation. Djamel Benotmane est élu chez Fiducial Private Sécurité, une entreprise qui emploie des agents de sécurité. Loris Foreman est élu chez Paris Customers Assistance, un spécialiste des services fournis aux transports aériens.
Djamel Bentomane : “Je ne cherche pas un mandat pour faire valoir mes droits”
Djamel Bentomane cumule les fonctions d’élu du CSE, de délégué syndical CGT et de secrétaire du syndicat d’agents de sécurité Prévention Sécurité 75. Pourquoi est-il venu manifester ? “Dans notre entreprise, les salaires sont gelés. Les agents de sécurité sont payés sous le Smic, on n’arrive pas à tenir les fins de mois debout”. Il a également assisté aux dernières négociations de branche : “Les patrons nous ont proposé 3,25 %. Nous étions organisés en intersyndicale avec FO, la CFTC et la CFE-CGC. Ces derniers ont cédé et nous avons exercé notre droit d’opposition. Les patrons sont revenus nous chercher pour négocier, avec une proposition de 7,5 %. Les autres ont signé, mais nous continuons de demander 10 %”.
Djamel Bentomane est élu depuis 2014. A l’époque, il était délégué du personnel. “Le passage au CSE a fusionné les instances, mais ils n’ont pas mis les moyens. Les délégués du personnel étaient sur le terrain pour remonter toutes les infractions. Aujourd’hui un seul élu porte trois casquettes”, regrette-t-il. En revanche, la limitation à trois mandats successifs dans le CSE, une nouvelle règle souvent décriée, ne l’inquiète pas : “Je pars du principe que je suis militant de terrain. Je ne cherche pas un mandat pour faire valoir mes droits”.
Loris Foreman : “Être élu, c’est un deuxième métier dans le métier”
Loris Formean est venu pour défendre l’augmentation des salaires : “Je gagne 1 600€, il faut que je fasse des nuits, des weekends, des jours fériés pour atteindre 2 000€. Je n’ai qu’un weekend toutes les six semaines”, nous confie-t-il. Les négociations annuelles obligatoires ont abouti à 600€ de prime Macron et 86€ d’augmentation. Insuffisant pour Loris Foreman : “Ce n’est même pas la moitié de mon plein d’essence ! Nous réclamons 300€. Si mon salaire n’augmente pas, je vais devenir Smicard. C’est pour ça que je suis dans la rue, il faut se lever. Certes, on n’est peut-être pas assez, mais il y a la mobilisation dans les transports, des étudiants sont venus et j’ai vu des blouses blanches.”
Élu au CSE depuis 2019 et réélu l’année dernière, il commence son deuxième mandat et n’a donc connu que le CSE mais cela ne l’empêche pas de juger sévèrement les ordonnances Macron : “Le problème, c’est que l’élu fait tout : il est DP, CHSCT et représentant de proximité. Dans les grandes boîtes, être élu c’est un deuxième métier dans le métier car cela prend beaucoup de temps. Avec les ordonnances, on a essayé de faire taire les élus”.
La priorité selon lui serait de redonner des moyens et du pouvoir au CSE. Et quand on lui demande s’il va continuer de représenter les salariés, il nous répond : “Je voudrais bien mais c’est déjà mon deuxième mandat. Avec la limitation, je ne serai bientôt plus élu et plus salarié protégé…”.
Marie-Aude Grimont
“Négociez le calendrier de consultation du CSE !”
Dans ce point de vue, Daphné Lecointre et Julien Picard, co-fondateurs du cabinet PNL Conseil, spécialisé dans l’intervention auprès des CSE, constatent que certaines entreprises concentrent à la fin de l’année les grandes consultations annuelles, sur la base de données déjà anciennes. Pour prévenir ce travers, les consultants suggèrent aux élus des comités sociaux et économiques (CSE) de négocier un calendrier annuel de consultation de l’instance,
Les dernières réformes du marché du travail se sont appuyées sur la promesse d’un dialogue social renforcé pour accompagner le poids grandissant de la négociation d’entreprise et un certain nombre de mesures que le patronat appelait de ses vœux : baisse des cotisations sociales, assouplissement du droit des licenciements collectifs, sécurisation financière de l’employeur par un barème prud’hommal plafonnant les indemnités pour licenciement abusif, simplification et réduction des obligations et des moyens des IRP (institutions représentatives du personnel), dépénalisation de la majeure partie des entraves au CSE….
En contrepartie, un large accès à l’information (mise en place de la BDES, la Base de Données Economiques et Sociales depuis 2013, Environnementales depuis 2021), des consultations annuelles obligatoires restreintes mais avec expertises associées (loi Rebsamen de 2015), davantage de présence dans les conseils d’administrations, des dispositifs destinés à la promotion des compétences (valorisation des parcours syndicaux, mobilité sécurisée, réforme de la formation professionnelle) devaient permettre aux instances représentatives du Personnel de tenir leur rôle.
Au-delà de ces promesses, la pratique force à constater que les prérogatives des CSE sont complexifiées dans bon nombre d’entreprises, indépendamment de la crise sanitaire qui aura parfois servie d’excuse.
La réduction des moyens alloués aux représentants du personnel notamment à l’occasion des ordonnances « Macron » n’a échappé à personne. Bien sûr, il y a aussi le sujet de la BDESE dont le contenu et les modalités sont rarement au niveau des obligations légales. L’information transmise aux instances est même appauvrie là où une BDESE peu renseignée remplace les données historiquement transmises.
Une dérive inquiétante : les consultations annuelles obligatoires tardives
A défaut d’accord prévoyant des dispositions dérogatoires, le CSE d’entreprise est consulté obligatoirement chaque année sur trois thèmes :
La situation économique et financière.
La politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.
Les orientations stratégiques et ses conséquences.
Parallèlement, les délais relatifs aux consultations sont fixés et s’articulent principalement autour de deux références :
1 mois sans intervention d’un expert.
2 mois avec intervention d’un expert.
Les délais s’ouvrent à compter de la transmission des documents par l’employeur. Ceci a une conséquence : la Direction ayant la main sur la production des informations prend également la main sur le calendrier. Dans la pratique ce sont donc les Directions qui décident d’inscrire à l’ordre du jour d’une séance du CSE les consultations annuelles obligatoires précédemment évoquées.
Il est constaté dans ces conditions des dérives calendaires pour ces consultations, en particulier sur les thèmes sociaux et stratégiques dont la matière est moins normée que pour les données comptables et financières. Ainsi, les consultations ont tendance à se retarder, occupant de plus en plus le 2nd semestre pour des données majoritairement arrêtées en fin d’année civile. Certaines entreprises particulièrement peu vertueuses vont même jusqu’à ouvrir les 3 consultations sur le dernier mois de l’année. L’ancienneté des données pose alors question quant à l’intérêt et à l’utilité de débattre de sujets devenus trop éloignés de l’actualité.
Et finalement c’est sans doute la plus dramatique et la moins avouable des conséquences des dernières réformes : décourager par restriction des moyens alloués aux représentants du personnel et complexifier leur capacité à exercer utilement leurs prérogatives économiques.
La nécessité de fixer un calendrier des informations-consultations annuelles obligatoires
Dans un environnement réglementaire de moins en moins lisible, il est plus que jamais utile de revenir aux fondamentaux. L’article L.2312-8 du code du travail est, à ce titre, une pièce centrale :
D’une part, il ne fixe aucune limite au champ d’intervention du CSE, ni aux domaines d’information auquel il doit avoir accès.
D’autre part, il stipule explicitement que la première mission du CSE est de défendre les intérêts des salariés.
L’article L.2312-8 du Code du travail (extrait)“Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions.Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise”.
Une bonne pratique de dialogue social passe par l’élaboration d’un calendrier des négociations et informations-consultations annuelles obligatoires, voire la désignation d’un expert en début d’exercice en considérant que ce dernier va accompagner l’instance tout au long de l’année, et ce, indépendamment des dates auxquelles l’information-consultation va être mise à l’ordre du jour. Cela peut être négocié avec les DS, acté par un engagement avec le CSE et peut être appuyé par les modalités formalisées dans la lettre de mission de l’expert.
► NDLR : les auteurs de ce point de vue, Daphné Lecointre et Julien Picard, sont co-fondateurs du cabinet PNL Conseil, spécialisé dans l’intervention à destination des CSE.
Les élections partielles n’échappent pas à la règle de représentation proportionnée des femmes et des hommes
Les listes de candidats présentés par une organisation syndicale à l’occasion d’élections partielles du comité social et économique (CSE) doivent respecter la proportion de femmes et d’hommes du collège électoral.
Moins de deux ans après sa mise en place, en juillet 2019, le CSE d’une société spécialisée en ingénierie, conseil et services informatiques perd la moitié de ses élus titulaires. L’employeur se voit alors contraint d’organiser des élections partielles afin de pourvoir 6 postes de titulaires et 12 de suppléants.
► Rappelons que si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des élus titulaires est réduit de moitié ou plus et que l’on est à plus de 6 mois de la fin de la mandature, l’employeur est tenu d’organiser ce qu’on appelle des élections partielles (art. L. 2314-10 du code du travail). L’objet de ces élections est de “réparer” un comité social et économique amputé d’une partie de ses élus et de lui permettre de fonctionner à nouveau normalement jusqu’à la fin des mandats en cours. Attention toutefois : tant que l’on peut remédier à la situation en faisant jouer les règles de remplacement des titulaires par des suppléants, il n’y a pas lieu d’organiser des élections partielles (Cass. soc., 18 mai 2022, n°21-11 347).
Liste de candidats sans femme
Dans cette affaire, le syndicat Solidaires Informatique dépose, au sein du collège unique prévu pour l’élection initiale du CSE, une liste de 4 candidats, tant pour les titulaires que pour les suppléants, composée uniquement d’hommes.
A l’issue du second tour, M. [J] est élu en tant que titulaire et MM. [RU], [P], [M] le sont en qualité de suppléants. A la demande de l’employeur, le tribunal judiciaire de Lyon annule l’élection de MM [J] et [M] pour violation des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes.
Pour les juges, la question du respect de la parité pour la liste du syndicat devait s’apprécier à chaque dépôt de la liste. Donc, à l’élection initiale du CSE et à l’élection partielle.
Après avoir notamment rappelé que “les élections partielles se déroulent sur la base des dispositions en vigueur lors de l’élection précédente”, c’est-à-dire en application du protocole préélectoral conclu pour l’élection initiale du CSE, la Cour de cassation entérine le jugement du tribunal judiciaire.
► Remarque. Les listes qui comportent plusieurs candidats à l’élection du CSE doivent être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale (art. L.2314-30 du code du travail). En cas de non-respect par une liste de candidats des règles de représentation proportionnée entre les femmes et les hommes, le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats (art. L.2314-32).
Comme cela avait été constaté, les listes présentées par Solidaires Informatique comportaient un homme en surnombre au regard de la proportion de F/H figurant dans le protocole d’accord préélectoral (28,1% de femmes et 71,9% d’hommes) établir pour les élections initiales. Il convenait donc bien d’annuler, en application de l’art. L.2314-32 du code du travail, l’élection du dernier élu du sexe surreprésenté, soit M. [J] sur la liste des titulaires et M. [M] sur la liste des suppléants.
Frédéric Aouate
Profits des multinationales : FO réclame une “fiscalité plus juste” et un meilleur partage
Afin de réduire les inégalités de revenus grandissantes, FO réclame une “fiscalité plus juste”, notamment celle s’appliquant aux multinationales. Le syndicat s’appuie sur le dernier rapport de l’observatoire des multinationales selon lequel les entreprises du CAC 40 ont réalisé 157 milliards de profits en 2021, soit quatre fois plus qu’en 2020, et ont versé 80 milliards d’euros à leurs actionnaires (57 Mds de dividendes et 23 Mds de rachat d’actions). Ce chiffre comprend certes les marges exceptionnelles du fait de l’explosion des coûts de l’énergie mais ces versements de dividendes ne se limitent pas aux multinationales de l’énergie, argumente FO, “puisque certains secteurs (Commerce, banque, assurance, laboratoires pharmaceutiques…) ont engrangé des bénéfices records tout en poursuivant les suppressions d’emplois en 2021 !” Le syndicat s’inquiète du fait que le taux réel d’imposition des multinationales et des grands groupes du CAC 40 “est bien en deçà du taux de l’Impôt sur les sociétés abaissé à 25% en France et du taux moyen de 22% au niveau de l’OCDE”.
Alors qu’une négociation s’ouvre en ce moment entre les partenaires sociaux sur le thème du partage de la valeur, FO affirme que le choix des grandes entreprises de “privilégier le versement des dividendes” montre que “des marges de manœuvre existent mais ne sont pas dirigées en priorité vers les salariés alors même qu’une majorité de ménages subit au quotidien la hausse des prix à la consommation, notamment les plus précaires !”
actuEL CE
La fin annoncée du comité d’évaluation des ordonnances fait réagir la CGT
La CGT réagit vivement aux propos d’Olivier Dussopt. Le ministre du travail a évoqué le 15 novembre, devant l’association des journalistes de l’information sociale, la fin du comité d’évaluation des ordonnances travail sur leur dernier rapport de ce comité). Cette fin a d’ailleurs été annoncée par la présidence de ce comité aux différents membres. La CGT estime qu’il s’agit d’une décision politique et “idéologique” : “C’est sans doute parce que les derniers rapports d’évaluation sur les ordonnances « Macron » concluaient à un « dialogue social » dégradé dans les entreprises que le gouvernement décide simplement de supprimer le comité d’évaluation desdites ordonnances”.
Pour le syndicat, “l’impact négatif des ordonnances”, “confirmé par la crise sanitaire”, nécessite une révision de ces ordonnances. Et la CGT de rappeler qu’elle revendique :
“d’attribuer aux suppléants les mêmes droits qu’aux titulaires et leur permettre de participer aux réunions ;
de rendre obligatoire la mise en place de représentants de proximité par établissement avec un crédit d’heures équivalent aux membres du CSE ;
la mise en place de commissions SSCT à partir de 50 salariés, avec des prérogatives qui sont celles des CHSCT-E (environnement) et des heures de délégation pour fonctionner ;
la mise en place de CSE par établissement distincts dès 50 salariés, avec une augmentation du nombre d’élus et des heures de délégation ;
le droit systématique pour les organisations syndicales et les représentants du personnel à l’information dématérialisée en direction des salariés;
la fin de la possibilité d’accords dérogatoires et des référendums patronaux ;
la suppression des accords de performance collective (APC) et des ruptures conventionnelles collectives (RCC) qui sont à durée illimitée, sans motif économique, sans contreparties, en deçà même de ce qui est prévu dans un PSE”.
Devant les journalistes, le ministère a indiqué le 15 novembre que de possibles “ajustements” aux ordonnances pourraient être étudiés dans le cadre des assises du travail.
Les critères de délivrance de l’agrément des services de santé au travail sont fixés
Un décret pris pour l’application de la loi du 2 août 2021 réformant la santé au travail définit les critères de délivrance de l’agrément des services de santé au travail, notamment en fonction d’un cahier des charges dont il fixe le contenu. Il détermine également la liste des documents et rapports d’activité établis par le service de santé, et leurs modalités de publication.
Sauf avis contraire du Dreets (directeur régional de de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités), un service de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) ne peut pas s’opposer à l’adhésion d’une entreprise relevant de sa compétence, qui est définie en fonction d’un critère géographique, professionnel ou interprofessionnel. Les critères de la compétence géographique sont précisés.
Relève en effet de la compétence géographique du SPSTI l’entreprise située dans la région où il dispose d’un agrément si (article D.4622-21 modifié du code du travail) :
son adhésion ne remet pas en cause la couverture effective des besoins en médecine du travail des secteurs pour lesquels le service est agréé ;
le service garantit un accès de proximité pour chaque travailleur (accès à un centre fixe ou mobile).
Agrément du SPST
Chaque SPSTI doit faire l’objet d’un agrément, délivré pour une durée de cinq ans par la Dreets. Cet agrément ne peut être refusé que pour des motifs tirés de la non-conformité aux prescriptions du code du travail, notamment celles du cahier des charges national (article D.4622-49 modifié du code du travail).
Cahier des charges de l’agrément
Le code du travail fixe désormais le contenu du cahier des charges national de l’agrément du SPSTI, qui comprend une liste détaillée de critères, non reproduits ici, relatifs notamment à (article D.4622-49-1, I nouveau du code du travail) :
la gouvernance et le pilotage du service ;
la qualité de l’offre de services ;
la contribution à la mise en œuvre de la politique de santé au travail ;
la mise en œuvre de la pluridisciplinarité ;
la couverture des besoins des entreprises et de l’ensemble des secteurs adhérents au service.
Pour les services de prévention et de santé au travail autonomes, seuls certains de ces critères sont applicables (article D.4622-49-1, II nouveau du code du travail).
Contrôle du Dreets
Lorsque le Dreets constate que les conditions de fonctionnement du service de prévention et de santé au travail ne sont pas conformes aux prescriptions du code du travail, et notamment celles du cahier des charges national de l’agrément, il peut, après avis du médecin inspecteur du travail :
au moment de la demande d’agrément, délivrer celui-ci pour une durée de deux ans non renouvelable (au lieu de cinq ans), sous réserve d’un engagement de mise en conformité du SPST ;
en cours d’agrément, mettre fin à celui-ci ou en réduire la durée, après avoir invité le SPST à se mettre en conformité, par tout moyen permettant de conférer date certaine à sa demande, dans un délai maximal de six mois.
Le président du SPST doit informer chaque entreprise adhérente dès réception de cette décision (article D.4622-51 modifié du code du travail).
Documents et rapports
Documents rendus publics
Le SPSTI doit communiquer à ses adhérents ainsi qu’au comité régional de prévention et de santé au travail, et rendre publics, son offre de services socles et complémentaires, sa grille tarifaire ainsi que les documents suivants (article D.4622-47-1 nouveau du code du travail) :
les résultats de la dernière certification du service ;
le projet de service pluriannuel ;
l’offre de services spécifique à destination des travailleurs indépendants.
Ces documents sont transmis par tout moyen aux adhérents et au comité régional de prévention et de santé au travail et publiés sur le site internet du SPSTI, au plus tard à la fin de l’année à laquelle ils ont été établis (article D .4622-47-2 nouveau du code du travail).
Rapport annuel d’activité
Le rapport annuel d’activité du SPSTI était auparavant présenté soit au CSE des entreprises adhérentes, soit au CSE interentreprises, ou au conseil d’administration et à la commission de contrôle, au plus tard à la fin du 4e mois qui suit l’année pour laquelle il a été établi.
Désormais, ce rapport est présenté soit au CSE interentreprises, soit à la commission de contrôle et au conseil d’administration, après avis de la commission médico-technique, puis aux entreprises adhérentes. Le CSE des entreprises adhérentes n’a plus accès au rapport. Seules lui sont transmises les données d’activité propres à une entreprise ou à un établissement de plus de 300 salariés. Le CSE des entreprises et établissements de 300 salariés et moins peut obtenir ces données s’il en fait la demande (article D.4622–54 modifié du code du travail).
Dans les services autonomes, comme auparavant, l’employeur établit un rapport et le présente au CSE au plus tard à la fin du 4e mois qui suit l’année pour laquelle il a été établi (article D.4622-55 du code du travail).
Autres rapports
Un rapport comptable d’entreprise, certifié par un commissaire aux comptes, est, comme auparavant, versé en complément de ces rapports avant la fin du premier semestre (article D.4622-56 du code du travail).
S’agissant des salariés éloignés, le médecin du travail du service de prévention et de santé au travail principal devait jusqu’à présent élaborer un rapport annuel propre à l’entreprise. Cette obligation est supprimée (article D.4625-31 abrogé du code du travail).
Transmission de données à l’administration
Les services de prévention et de santé au travail interentreprises et autonomes transmettent par voie dématérialisée les données relatives à leur activité et à leur gestion financière et toute autre information demandée par le Dreets dans les délais fixés par celui-ci.
Elles concernent l’organisation et le fonctionnement des services de prévention et de santé au travail notamment (article D.4622-57 du code du travail) :
les ressources et les outils utilisés, notamment une adresse électronique à jour pour faciliter la transmission des données ;
la réalisation des actions figurant dans le cadre du projet pluriannuel de service et notamment, pour les services de prévention et de santé interentreprises, la réalisation de l’offre socle de services ;
pour les SPSTI, les données relatives à la gestion financière du service permettant notamment de calculer le coût moyen national de l’offre socle ;
toute autre information relative à la contribution des services de prévention et de santé au travail à la mise en œuvre de la politique de santé au travail.
Un rapport de synthèse annuel relatif à l’activité et à la gestion financière des services de prévention et de santé au travail est publié sur le site internet du ministère chargé du travail (article D.4622-58 du code du travail).
►Ces dispositions sont entrées en vigueur le 17 novembre 2022.
Laurence Méchin
Le dossier médical en santé au travail peut être mis en place
Un décret du 15 novembre 2022, pris en application de la loi du 2 août 2021 relatif à la santé au travail, précise les règles d’élaboration, d’accessibilité et de conservation du dossier médical en santé au travail.
Un décret du 15 novembre 2022 fixe les nouvelles règles concernant le dossier médical en santé au travail (DMST) : les modalités de constitution du dossier médical, son contenu, les différents accès possibles au dossier en lecture et en alimentation par les professionnels des services de santé au travail, l’information du travailleur sur son droit d’opposition à l’accès à ses données ainsi que les modalités d’échanges d’informations entre professionnels de santé.
► Le décret ajoute une nouvelle sous-section intitulée “Dossier médical en santé au travail” dans la section 2 relative au suivi individuel de l’état de santé du travailleur de la partie réglementaire du code du travail. Cette nouvelle partie précise les modalités de fonctionnement du DMST en application de la loi du 2 août 2021 relatif à la santé au travail.
Mise en place du DMST
Le DMST doit être constitué par le médecin du travail ou, le cas échéant, le collaborateur, l’interne en médecine du travail ou l’infirmier, et retrace dans le respect du secret médical les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis ainsi que les avis et propositions du médecin du travail. Il est accessible au médecin praticien correspondant et aux professionnels de santé chargés d’assurer, sous l’autorité du médecin du travail, le suivi de l’état de santé d’une personne, sauf opposition de l’intéressé (article L.4624-8 du code du travail).
Le DMST doit être constitué sous format numérique sécurisé, pour chaque travailleur bénéficiant d’un suivi individuel de son état de santé dans un SPST (service de santé au travail). Le traitement de ces données est placé sous la responsabilité du SPST pour le respect des obligations légales auxquelles il est soumis, conformément au RGPD, le règlement général de protection des données (article R.4624-45-3 nouveau du code du travail).
Contenu du DMST
Le DMST doit comprendre les éléments suivants (article R.4624-45-4 nouveau du code du travail) :
les données d’identité, incluant l’identifiant national de santé (numéro de sécurité sociale), les données médico-administratives du travailleur nécessaires à la coordination de sa prise en charge en matière de santé et, le cas échéant, les données d’identité et de contact de son médecin traitant ;
les informations permettant de connaître les risques actuels ou passés auxquels le travailleur est ou a été exposé, notamment les informations relatives aux caractéristiques du ou des postes de travail et au secteur d’activité dans lequel il exerce, les données d’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels ou toute autre donnée d’exposition à un risque professionnel de nature à affecter l’état de santé du travailleur, ainsi que les mesures de prévention mises en place ;
les informations relatives à l’état de santé du travailleur recueillies lors des visites et examens nécessaires au suivi individuel de son état de santé ;
les correspondances échangées entre professionnels de santé aux fins de la coordination et de la continuité de la prise en charge du travailleur ;
les informations formalisées concernant les attestations, avis et propositions des professionnels de santé au travail, notamment celles formulées après une visite médicale, les informations délivrées au travailleur sur les expositions professionnelles, les risques identifiés, les moyens de protection, l’existence ou l’absence d’une pathologie en lien possible avec une exposition professionnelle, ainsi que les avis médicaux ;
la mention de l’information du travailleur sur ses droits en matière d’accès aux données le concernant et sur les conditions d’accès à son dossier médical ;
le cas échéant, le consentement ou l’opposition du travailleur notamment lorsqu’il relève de plusieurs SPST ou cesse de relever d’un de ces services.
Alimentation du DMST
L’alimentation et la consultation du DMST peuvent être réalisées par (article R.4624-45-5 nouveau du code du travail) :
le médecin du travail ;
le collaborateur médecin ;
l’interne en médecine du travail ;
l’infirmier ;
l’intervenant en prévention des risques professionnels et l’assistant de service de prévention et de santé au travail, sur délégation du médecin du travail et sous sa responsabilité.
L’alimentation et la consultation du DMST doivent respecter les règles de confidentialité précisées par le code de la santé publique.
Toutes les actions réalisées sur le dossier médical, quel qu’en soit l’auteur, doivent être tracées et conservées dans le dossier médical, notamment la date, l’heure, et l’identification du professionnel du service de santé au travail (article R.4624-45-5 nouveau du code du travail).
Information du droit d’opposition du salarié
Le travailleur doit être informé lors de la création de son dossier médical et lorsqu’il relève de plusieurs SPST ou cesse de relever de l’un de ces services, par tout moyen y compris dématérialisé (article R.4624-45-6 nouveau du code du travail) :
de son droit de s’opposer à l’accès au DMST, du médecin praticien correspondant ou des professionnels chargés d’assurer, sous l’autorité du médecin du travail, le suivi de son état de santé ;
de son droit de s’opposer à l’accès des professionnels chargés du suivi de son état de santé aux dossiers médicaux en santé au travail dont il est titulaire et qui sont détenus par d’autres services de prévention et de santé au travail.
La délivrance de ces informations et l’exercice de l’un de ces droits doivent être retracés dans le dossier médical (article R.4624-45-6 nouveau du code du travail).
Le droit d’opposition ne s’applique pas, en revanche, à la constitution et à l’alimentation du dossier médical en santé au travail (article R.4624-45-8 nouveau du code du travail).
Transmission du dossier médical
Lorsqu’un travailleur relève de plusieurs SPST ou cesse de relever d’un de ces services, le service compétent pour assurer la continuité du suivi du travailleur peut demander la transmission de son dossier médical, sauf dans le cas où le travailleur a déjà exprimé son opposition à une telle transmission (voir supra) (article R.4624-45-7 nouveau du code du travail).
Le service demandeur doit informer le travailleur et s’assurer qu’il ne s’oppose pas à une telle transmission. En l’absence d’opposition du travailleur, son dossier médical est transmis par messagerie sécurisée au service demandeur.
Dans ce cas, les informations concernant des tiers n’intervenant pas dans le suivi individuel de l’état de santé ne sont communicables que dans la mesure où elles sont strictement nécessaires à la continuité du suivi (article R.4624-45-7 nouveau du code du travail).
Communication du dossier médical au salarié
Le travailleur, ou en cas de décès de celui-ci toute personne qui y est autorisée par le code de la santé publique, peut demander la communication du DMST sous format papier ou dématérialisé.
Le travailleur peut également exercer auprès du SPST ses droits de rectification, d’effacement et de limitation prévus par le RGPD (article R.4624-45-8 nouveau du code du travail).
Conservation du dossier médical (article R.4624-45-9 du code du travail)
Les informations concernant la santé des travailleurs sont soit conservées au sein des SPST qui les ont recueillies, soit déposées par ces établissements auprès d’un organisme hébergeur.
Le SPST doit veiller à ce que toutes les dispositions soient prises pour assurer la confidentialité des informations ainsi conservées ou hébergées.
Le DMST doit être conservé pendant une durée de 40 ans à compter de la date de la dernière visite ou examen du titulaire au sein du SPST concerné, dans la limite d’une durée de 10 ans à compter de la date du décès de la personne titulaire du dossier. Ces délais sont suspendus par l’introduction de tout recours gracieux ou contentieux tendant à mettre en cause la responsabilité médicale du service ou de professionnels de santé à raison de leurs interventions au sein du service.
Lorsque la durée de conservation d’un dossier médical doit s’achever avant d’autres durées plus longues mentionnées aux articles R.4412-55 (50 ans après la fin de la période d’exposition à des agents chimiques dangereux), R.4426-9 (10 ans ou 40 après la cessation de l’exposition à des agents biologiques) et R.4451-83 du code du travail (jusqu’au moment où le travailleur exposé à des rayonnements ionisants a ou aurait atteint l’âge de 75 ans et, en tout état de cause, pendant une période d’au moins 50 ans à compter de la fin de l’activité professionnelle impliquant une exposition aux rayonnements ionisants), la conservation du dossier est prorogée jusqu’aux échéances prévues par ces articles.
Suppression du dossier médical spécial
Les travailleurs susceptibles d’être exposés à des agents biologiques pathogènes ne bénéficient plus désormais d’un dossier médical spécial mentionné dans le DMST. Ces derniers bénéficient désormais uniquement du DMST (article R.4426-8 et suivants modifiés du code du travail).
Entrée en vigueur
Ce décret entre en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 17 novembre 2022.
Les DMST créés à compter du 17 novembre 2022, ainsi que ceux, établis avant cette date, des travailleurs toujours suivis à cette même date par un SPST, doivent être conformes aux dispositions des articles R.4624-45-3 relatifs à la mise en place et à la sécurisation des données et R.4624-45-4 relatif au contenu du DMST dans leur rédaction issue du présent décret, au plus tard le 31 mars 2023.
Les DMST, établis avant le 17 novembre 2022, des travailleurs qui ne sont plus suivis à cette même date par un SPST restent régis par les dispositions du code du travail dans leur rédaction antérieure au présent décret, à l’exception des dispositions relatives à la communication, à l’hébergement et à la conservation des dossiers.