Archives de catégorie : Newsletter Actu Sociale N°72

SANTÉ SÉCURITÉ CONDITIONS DE TRAVAIL

La commission européenne met à jour la recommandation sur les maladies professionnelles

Le comité consultatif de l’UE pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail (CCSS) avait plaidé pour que le covid-19 soit reconnu en maladie professionnelle dans certains secteurs. La commission a adopté le 28 novembre une recommandation actualisée sur les maladies professionnelles en intégrant le covid-19 dans celle-ci. Dans ce cadre, elle recommande aux Etats membres de reconnaitre le covid-19 comme maladie professionnelle pour les travailleurs particulièrement concernés :  sanitaire et social, aide à domicile ou lorsqu’un risque d’infection a été prouvé (pendant une pandémie) dans d’autres secteurs. Elle souligne également l’importance de soutenir les travailleurs infectés par le Covid-19 au travail et les familles confrontées au décès du travailleur.

actuEL CE

Le Cese lance une enquête sur les dérèglements climatiques et la santé au travail

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) lance une enquête sur les dérèglements climatiques et la santé au travail à destination des représentants des personnels du public et du privé, des employeurs des petites et grandes entreprises et de la fonction publique.

“Comment percevez-vous la prise en compte des enjeux liés aux dérèglements climatiques au travail ? Quelles sont les pratiques actuelles du dialogue social sur les questions de santé-environnement ? Quels sont les outils à disposition des partenaires sociaux pour identifier et prévenir les risques émergents ?”. Autant de questions dont vos contributions nourriront l’avis du Cese et ses préconisations pour une meilleure prise en compte des enjeux et des outils permettant d’affronter le changement climatique.

A l’issue de cette consultation, une synthèse sera réalisée et disponible sur le site du Cese, ainsi que dans l’avis de la Commission Travail et Emploi. 

Pour y participer, cliquez sur ce lien

actuEL CE

LFSS pour 2023 : la Nupes saisit à son tour le Conseil constitutionnel

La Nupes a, à son tour, saisi le Conseil constitutionnel de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. 

Outre certaines critiques identiques à celle du groupe LR sur la forme, notamment celles sur le droit d’amendement, la Nupes porte devant le Conseil constitutionnel certaines dispositions qui intéressent directement les services RH. 

La première concerne le versement d’indemnités journalières. La LFSS pour 2023 limite l’indemnisation des arrêts de travail prescrits par téléconsultation. Ainsi, ne seront indemnisés que ceux délivrés par le médecin traitant ou par un médecin que le patient a déjà consulté lors de l’année précédente. Les députés de la Nupes contestent cette mesure notamment en raison du phénomène de désertification médicale, ce qui risquerait de priver de nombreux assurés d’indemnités journalières, ce qui “briserait le lien entre cotisations sociales et prestations sociales”.

Les auteurs de la saisine contestent également l’annexe selon laquelle les réductions de cotisations liées à la prime de partage de valeur n’auraient pas d’impact financier. Selon eux, au contraire, la PPV va entraîner des pertes financières pour la sécurité sociale et, qui plus est, créer un effet d’aubaine pour les employeurs.

actuEL CE

Florence Bénichoux : “Avec trois fois moins d’industrie, la France a deux fois plus d’accidents du travail mortels que l’Allemagne”

Médecin et préventrice, Florence Bénichoux est directrice générale du cabinet de conseil Better Human. Lors des assises du travail, elle a déploré l’absence de culture de la prévention des accidents et des risques professionnels en France. Interview.

Vous êtes médecin et préventrice. Un mot sur votre parcours et l’entreprise de conseil que vous dirigez, Better Human ?

Trois chiffres pour résumer mon parcours : le 2, le 3 et le 8. Le 2 parce que j’ai deux enfants, et c’est très important pour moi, mais aussi parce que j’ai une double formation : je suis docteur en médecine et j’ai fait Sciences Po. Le 3 parce que j’ai eu trois vies professionnelles très différentes, avec des tranches de 12 ans environ à chaque fois, et le 8 parce que j’en suis au moins à mon huitième métier différent. J’ai commencé ma vie professionnelle en faisant de la médecine hospitalière, dans la cancérologie. J’ai adoré ce métier mais j’ai vu mourir beaucoup de mes patients -c’était il y a 35 ans.

Je suis allée voir les pionniers de la prévention en matière de santé 

Je ne me voyais pas continuer. Je me suis orienté vers la prévention en matière de santé, pour voir si l’on pouvait éviter ces décès. A la fin des années 80, la prévention, on n’en faisait pas beaucoup. Je suis allée voir les pionniers de la prévention, dans la spécialité cardio-vasculaire, aux États-Unis, au Canada et en Suède. Là, j’ai compris que 80% de la prévention passait par de la communication. Si je voulais continuer dans cette voie, je devais changer de métier pour me former à la communication, d’abord dans le domaine de la santé. 

Vous avez d’abord fait de la prévention de la santé générale, pas de la santé au travail ?

C’est ça ! Il s’agissait de prévenir le cancer, le diabète, les maladies cardio-vasculaires, l’obésité, j’étais encore loin de la santé au travail. J’ai travaillé dans des agences de conseil en communication de la santé, en faisant de la prévention pour la fédération française des sociétés d’assurance, la fédération de la cardiologie, etc. J’ai fini par diriger une entreprise de 70 salariés et j’ai vu apparaître, au début des années 2 000, les premières problématiques de dépression au travail, de burn out, les premiers accidents vasculaires cérébraux et les premiers infarctus du myocarde chez des jeunes gens.

Dans les années 2 000, j’ai vu la montée des dépressions, accidents vasculaires et infarctus liés au travail 

Là, je me suis dit : tu penses être un expert de la prévention santé mais que fais-tu pour la prévention de la santé mentale ? Rien ! C’est le début de mon intérêt pour la santé au travail. J’ai décidé de me consacrer à la prévention de la santé mentale et j’ai fondé, en 2006, un cabinet, Better Human Cie, qui fait du conseil en capital humain et qui essaie de faire, auprès des entreprises, du conseil sur cette prévention. J’ai pensé qu’il fallait quitter le niveau individuel et s’intéresser au niveau organisationnel. Je ne suis pas médecin du travail mais cela fait 15 ans que je fais de la prévention sur les sujets liés aux conditions de travail, à l’organisation du travail et au management. 

Vous conseillez donc des entreprises. Les CSE aussi ? 

Je conseille qui me le demande ! Il nous arrive d’être saisi par des partenaires sociaux et par des CSE, et cela arrivait souvent à l’époque des CHSCT, mais aussi par des médecins du travail, et surtout par les directions des ressources humaines et par les directions de la stratégie dans les entreprises. Les employeurs commencent en effet à se rendre compte de la dimension stratégique de la prévention.

Dans quels secteurs intervenez-nous ? 

Dans différents secteurs du privé, dans l’industrie (Airbus par exemple), l’agroalimentaire (Nestlé, Danone, Ferrero, etc.), les services (Atos par ex.) et le secteur médico-social, où la situation est très difficile. Nous intervenons aussi dans le secteur public (ministères, fonction publique territoriale et hospitalière). 

L’industrie, l’agroalimentaire, les services, le médico-social 

Je défends pour mon cabinet une approche scientifique basée sur des outils et des méthodes pour faire progresser les hommes et les organisations, et une approche éthique : garantie de la confidentialité des données, respect de la parole des personnes, etc. J’ai vu trop de cabinets RH attirés par ce marché qui n’avaient pas la déontologie nécessaire, sans parler des psychologues “très psychologisants”. Mes valeurs, c’est la proximité, l’innovation et la performance, mais la performance durable. 

Qu’attendent les entreprises de votre intervention : moins d’absentéisme ? 

C’est souvent la demande initiale : l’entreprise veut réduire l’absentéisme. Mais l’absentéisme, ça ne se traite pas ! Ce qui se traite, ce sont les causes de l’absentéisme. Il faut déjà poser un bon diagnostic sur les conditions de travail et la qualité de vie au travail dans l’entreprise. Nous établissons ensuite une cartographie des risques pour rendre visibles les équipes et les thématiques qui ne posent pas de problème, et celles qui présentent des facteurs de risques. A partir de cette cartographie, il est possible d’élaborer des plans d’action différents selon les situations réelles, car les personnes ne vivent pas les mêmes choses selon les équipes. 

Lors des assises du travail, vous avez déploré l’absence de culture de la prévention du risque en France. Sur quoi vous fondez-vous ? 

J’ai dit en effet que la France connaissait deux fois plus d’accidents du travail mortels qu’en Allemagne, tout en ayant trois fois moins d’industrie ! Je me base sur les statistiques d’Eurostat : en 2019, nous avons eu en France 803 accidents mortels du travail, alors que l’Allemagne en avait 416. L’explication pour moi, c’est une différence d’approche culturelle. Les Allemands sont beaucoup plus respectueux des règles que nous, Français. Le nombre de fois où j’observe, dans la rue, des travaux menés sans précaution !

803 accidents mortels du travail par an en France, contre 416 en Allemagne 

En Allemagne, il y a toujours un périmètre de sécurité bien délimité pour les travaux dans la rue, les ouvriers portent tous leurs gants et leur casque, etc. Pour simplifier, disons qu’en Allemagne, on est dans l’organisation du travail alors qu’en France, et on l’a bien vu au moment de la crise sanitaire, on reste dans la logique du héros. Avec tous les inconvénients : les infirmières et les médecins se sont comportés en héros face à la pandémie, et maintenant ils sont épuisés. D’autre part, je me fonde sur mon expérience. Cela fait maintenant une vingtaine d’années que j’observe que la prévention est toujours le parent pauvre en France (1).

Le système français est conçu pour réparer, pas pour prévenir 

Tout notre système est fait pour faire de la réparation, du traitement, de la thérapeutique, à laquelle nous nous sommes du reste formés comme médecins. C’est un problème culturel qu’il va nous falloir traiter à la source. En France, grâce à la Sécurité sociale, les soins sont gratuits quand vous êtes malade, mais tout se passe comme si cela nous exonérait de faire des efforts pour prévenir ces maladies. Dans les pays anglo-saxons où la santé coûte cher, les personnes individuelles mais aussi les entreprises ont intérêt à mettre en place de la prévention.  

Peut-on modifier cette culture de non-prévention ?

J’en suis persuadée ! Quand nous expliquons aux salariés français les règles de prévention au travail et leur intérêt, c’est-à-dire quand on ne contente pas d’injonctions sur le port d’équipements de sécurité par exemple, leur comportement change. J’ai de multiples exemples d’action dans les entreprises qui ont permis de changer les pratiques. Par exemple, au moment du retour au présentiel après la crise sanitaire, nous avons conseillé aux entreprises de faire des retours d’expérience, en négatif comme en positif, sur cette période forcée de télétravail : que veut-on en garder, que faut-il changer ? Ces retours d’expérience ont été formidables : les gens ont reparlé du travail, on les a écoutés et c’était très important car les personnes ont vécu le télétravail de façon très différente, du rêve au cauchemar, etc. Ce dialogue a permis de réintégrer les salariés. Mais il faudrait aussi changer notre approche globale, par exemple en consacrant un budget important pour faire de la prévention.

Cela signifie davantage de taxation pour les entreprises ? 

Peut-être, mais regardez le problème de la santé mentale et des risques psychosociaux : ils sont rarement reconnus en accident du travail et en maladie professionnelle.

Le coût des RPS provoqués par le travail est payé par la société entière 

Autrement dit, les entreprises en cause pour ces maladies ne paient rien pour cela, c’est la société entière qui prend en charge le coût de ces maladies qui sont la conséquence de dysfonctionnements au travail. Or qu’observons-nous en ce moment ? En 2022, l’absentéisme explose, chez les jeunes, les managers et les personnes seules. Les dépressions passent aujourd’hui devant les TMS, les troubles musculo-squelettiques, comme cause de l’absentéisme.  

Vous suggérez aussi un changement chez les acteurs de la prévention…

Nous avons en France 75 organismes de prévention (Nldr : INRS, Anact, OPBTP, etc.), c’est beaucoup trop ! Rares sont ceux qui sont identifiés correctement par les entreprises.

Je milite pour un seul organisme de prévention en France 

Chacun de ces organismes peut avoir une légitimité dans sa spécialité, mais cela crée une forêt indistincte pour le chef d’entreprise : trouver le bon interlocuteur demande un temps fou, faute de porte d’entrée commune. Je milite donc pour un seul organisme auquel toutes les entreprises devraient obligatoirement cotiser, cet organisme pouvant diffuser les grands éléments de prévention que tout le monde devrait connaître, les spécificités propres aux métiers et aux secteurs venant ensuite.

Selon certains, les salariés se mettraient en retrait dans les entreprises, notamment pour des raisons liées à la prise en compte insuffisante de la crise climatique. Qu’en pensez-vous ?

Il peut y avoir des conflits de loyauté, en effet, entre les valeurs qu’un individu porte et le fonctionnement d’une société. Mais quand je vais dans une entreprise, les gens ne me parlent pas d’abord de la crise climatique, ils me parlent principalement de trois choses. D’abord, du sens de leur travail : à quoi je sers ? Quelle est la mission de l’entreprise et comment je peux y contribuer ?

 Les salariés vivent une solitude extrême

Ensuite, ils nous parlent de leur isolement. Les salariés vivent une extrême solitude. Les collectifs s’effritent partout, en partie à cause du Covid, mais aussi du fait d’un puissant individualisme dans la société depuis des années. Troisième élément : les salariés nous parlent d’un manque de reconnaissance. Depuis 20 ans, les effectifs ont été réduits et on a demandé aux salariés d’en faire davantage, sans que les gens aient l’impression d’avoir reçu en échange une reconnaissance financière ou symbolique, ou même bénéficié d’une évolution professionnelle.    

Alertez-vous les entreprises sur ces sujets ?

Bien sûr ! Il nous arrive de préconiser des embauches dans tel ou tel secteur de l’entreprise, pour régler le problème de mauvaise organisation du travail, selon la cartographie des risques que nous établissons. Nous disons : “Attention, là vous mettez tellement les gens en tension que vous allez les perdre et sans tenir vos objectifs ! Mettez plus de gens sur ce projet-là”. Mais il y a aussi des endroits dans les entreprises où il y a une sous-charge, un manque d’activité qui fait d’ailleurs peur aux salariés qui ont peur de perdre leur job. 

Et les entreprises vous suivent ? 

Dans les années 2000, quand je parlais de la nécessité de redonner de la confiance et de l’autonomie aux salariés, on me répondait : “Mais non, il suffit qu’ils obéissent”. Depuis, les choses ont quand même changé. Nous mettons nos outils de prévention des risques au service de la transformation des entreprises. Si cela ne marchait pas, nous ne serions plus là !

La qualité de vie au travail est un facteur d’attractivité 

De plus, aujourd’hui, la qualité de vie au travail est un facteur d’attractivité et de fidélisation. Les salariés demandent d’autres conditions de travail. Ce que les générations précédentes acceptaient, ils le refusent. Si vous ne traitez pas les causes d’un problème de conditions de travail dans l’entreprise, vous allez perdre les jeunes salariés. A peine arrivés dans une entreprise, s’ils sont déçus par ce qu’ils vivent, ils s’en vont très vite. C’est un sujet crucial pour les ressources humaines. J’y ajoute l’explosion de la part des intérimaires dans les entreprises industrielles. 

Si l’âge légal de départ est relevé, les entreprises vont devoir faire travailler leurs salariés seniors plus longtemps. Comment ?

Je vais être directe : aujourd’hui, le rythme de travail, tant sur le plan physique que mental, est devenu insupportable pour quelqu’un de 58 ou 60 ans. Le travail casse beaucoup de gens.

 L’industrie ne garde pas les plus de 58 ans

D’ailleurs, l’industrie ne garde pas les plus de 58 ans, ils sont déjà sortis de l’entreprise. Dans certaines entreprises toutefois, on voit un phénomène nouveau, très nouveau : comme elles ont du mal à recruter des jeunes, elles s’intéressent à nouveau au travail de leurs seniors. Quoi qu’il en soit, j’estime qu’il y a un vrai souci de soutenabilité du travail. La durée du travail devrait être abordée à l’échelle d’une vie : en fonction de nos épisodes de vie, nous devrions pouvoir travailler plus ou moins, selon notre âge, la présence d’enfants, etc. 

Quel regard portez-vous sur le CSE ? 

Quand les CHSCT ont disparu, nous avons perdu beaucoup de compétences dans le domaine de la santé au travail, certains membres expérimentés des CHSCT n’ayant pas souhaité poursuivre un mandat au sein des CSE.

On a perdu les compétences des élus spécialisés en conditions de travail 

Dans les comités sociaux et économiques, l’approche économique paraît dominante, il me semble y avoir très peu de spécialistes des conditions de travail. Nous repartons de zéro. Il faut reformer des gens. Et nous avons aussi beaucoup moins de médecins du travail, même si les nouveaux infirmiers sont très bien formés. 

Faut-il imposer dès 50 salariés la CSSCT, la commission santé, sécurité et conditions de travail ? 

Je n’ai pas d’avis tranché. Peut-être faudrait-il d’abord faire reconnaître une professionnalisation des élus du personnel sur ces sujets. Ce que je vois souvent, ce sont des syndicalistes d’une cinquantaine d’années qui en ont ras-le-bol du travail et qui cherchent, en fin de carrière, à peser sur l’entreprise pour faire changer les choses. Mais on devrait pouvoir aussi attirer les jeunes vers ces mandats, via un parcours d’évolution professionnelle dans une entreprise : j’ai 30 ans, j’ai envie d’évoluer après plusieurs années dans le même métier, je peux m’orienter vers un mandat et retrouver une former de pouvoir d’agir dans l’entreprise, mais à condition que ce soit reconnu, avec une évolution de statut et/ou de salaire. 

  • Ndlr : selon Eurostat, la France enregistre un taux d’incidence des accidents de travail mortels de 3,53 pour 100 000 travailleurs, contre une moyenne de 1,7 accident de travail mortel pour 100 000 travailleurs pour l’Union européenne.

Bernard Domergue

La violence et le harcèlement au travail touchent plus d’une personne sur cinq dans le monde

L’Organisation internationale du travail (OIT) a dévoilé la première enquête réalisée au niveau mondial à propos des expériences vécues de violence et de harcèlement au travail (*).

Plus d’une personne sur cinq (soit près de 23 %) des personnes ayant un emploi ont déclaré avoir subi de la violence ou du harcèlement au travail, que ce soit d’ordre physique, psychologique ou sexuel. 31,8 % des victimes ont déclaré avoir été soumises à plus d’une forme de violence et de harcèlement, et 6,3 pour cent des victimes ont été confrontées aux trois formes de ce phénomène au cours de leur vie professionnelle. 

Les hommes signalent davantage être victimes de violence et de harcèlement d’ordre physique. En revanche, les femmes sont plus exposées aux violences sexuelles. 

Plus de trois victimes sur cinq déclarent avoir été soumises à ces violences à plusieurs reprises et, pour la plupart d’entre elles, le dernier épisode a eu lieu au cours des cinq années précédentes.

Par ailleurs, le risque de subir de la violence et du harcèlement au travail est particulièrement élevé dans certains groupes démographiques : les jeunes, les migrants, les employés et salariés, et c’est tout particulièrement vrai pour les femmes. Ainsi, les jeunes femmes sont deux fois plus susceptibles que les jeunes hommes d’être victimes de violence et de harcèlement d’ordre sexuels, et que les femmes migrantes sont près de deux fois plus susceptibles que les femmes non migrantes de déclarer avoir subi cette forme de violence et de harcèlement.

L’étude souligne également le fait que les personnes qui ont déjà été victimes de discrimination fondée sur le genre, le handicap, la nationalité/ethnicité, la couleur de la peau et/ou la religion risquent davantage que les personnes n’ayant pas subi de telles discriminations par le passé d’avoir été victimes de violence et de harcèlement au travail. A noter que celles qui ont été victimes de discrimination fondée sur le genre sont particulièrement exposées à ce risque.

Enfin, l’étude constate que parler de ces violences au travail reste difficile. Seulement 54,4 % s’en sont ouvertes à quelqu’un, et le plus souvent, après avoir subi plus d’une forme de violence et de harcèlement. Parmi les obstacles qui peuvent dissuader les victimes de signaler les actes de violence et de harcèlement au travail : le sentiment de perdre son temps et les craintes pour sa réputation”. 

(*) Etude conjointe de l’Organisation internationale du Travail (OIT), de la Lloyd’s Register Foundation (LRF) et de Gallup.

PROTECTION SOCIALE

Retraites : le gouvernement distille ses premières annonces

Sans attendre le 15 décembre, jour de l’annonce officielle de ses arbitrages, le gouvernement distille ses premières annonces s’agissant de la future réforme des retraites. Dans une interview au Parisien parue vendredi 2 décembre, Elisabeth Borne explique la réforme s’appliquera dès l’été 2023 “à partir de la génération née au deuxième semestre 1961”. Et la Première ministre d’expliquer : “Il ne s’agit pas de dire que du jour au lendemain, on passe de 62 à 64 ou 65 ans. Les personnes concernées nées en 1961 travailleront quelques mois de plus avant de pouvoir atteindre l’âge légal de départ en retraite”. A propos des régimes spéciaux (RATP, IEG, Banque de France, etc.), Elisabeth Borne assure que les nouveaux salariés de ces entreprises (“les nouveaux recrutés”) rejoindront le régime général d’assurance vieillesse.  La Première ministre, qui promet que la réforme assurera une retraite minimale au niveau de 85% du Smic, c’est-à-dire 1 200€ par mois, confirme également que gouvernement souhaite “créer un index senior comme celui mis en place pour l’égalité professionnelle, et qui obligera les entreprises à la transparence avec des indicateurs comme la formation, le recrutement”.

Ces déclarations suscitent l’exaspération des organisations syndicales, qui rappellent que la concertation sur les retraites n’est même pas achevée, certaines envisageant d’ores-et-déjà des recours juridiques. Vendredi, lors des assises du travail, Olivier Dussopt, le ministre du travail, a cherché à calmer le jeu en insistant sur le fait que la concertation était toujours en cours et que la réforme prendrait en compte la pénibilité et les carrières longues. 

actuEL CE

Réforme des retraites : les concertations patinent, la mobilisation s’anime

Ils commencent à en avoir assez. Assez du projet de réforme, des concertations qui n’en sont pas, des interventions publiques comme celles du week-end dernier, où Elisabeth Borne et Emmanuel Macron ont poussé la réforme pour l’installer dans l’opinion publique. Les syndicats, qui ne se sentent pas écoutés, évoquent plus que jamais une mobilisation et une grève pour janvier 2023.

Les concertations sur la réforme de l’assurance chômage les avaient déjà échaudés. Les syndicats en étaient sortis avec le sentiment d’être méprisés par le gouvernement. Et les concertations sur les retraites ne leur mettent pas du baume au cœur…

Le cycle 2 patine

A la CFE-CGC, Gérard Mardiné ne se fait pas d’illusions sur l’issue du cycle 2 des concertations, consacré à l’équité et la justice sociale : “On ne sait rien sur l’issue du cycle 2, cela va se terminer comme le 1er cycle. Nous avons été reçus le 21 novembre, nous avons remis un document de propositions sur ce cycle 2, mais il faudrait de vraies mesures dont on puisse chiffrer l’efficacité entre les recettes et les dépenses”. Le secrétaire général reprend à son compte le trait d’humeur du président du syndicat des cadres François Hommeril vendredi dernier sur les ondes de FranceInfo : “On a atteint les limites du foutage de gueule”.

Le ministère du travail ne répond pas aux propositions

Le premier cycle sur l’usure professionnelle n’a débouché que sur les pistes d’une évolution du compte professionnel de prévention et la création d’un index relatif à l’emploi des séniors, comparable à l’index d’égalité hommes femmes dont on connaît toutes les faiblesses. Index d’ailleurs confirmé par Élisabeth Borne dans l’interview au Parisien le week-end dernier. “Il y a des concertations en cours mais on apprend tout dans la presse !”, déplore Pascale Coton qui assiste aux concertations pour la CFTC.

La secrétaire générale du syndicat chrétien ne cache pas son agacement sur le déroulement des concertations en général : “Nous avons remis des propositions sur le cycle 1, un document bien fait, remis clés en main, qui représente un travail phénoménal, et ils ne nous répondent pas. Nous sommes reçus par des techniciens du ministère qui n’ont même pas le mandat pour nous donner un retour”.

Côté ministère du Travail, Olivier Dussopt maintient son cap et refuse d’assumer un dialogue de sourds qu’il interprète en désaccords. Interrogé vendredi 2 décembre à l’issue d’une réunion à Matignon sur les retraites, il a indiqué au sujet des concertations : “Nous pouvons acter un certain nombre de désaccords (…). Ces différences ne doivent pas nous empêcher de continuer, et c’est le cas, sur d’autres thèmes”.

Vers un conflit dur en 2023 ?

Les syndicats ne comptent pas en rester là. Réunis hier soir en intersyndicale au siège de la FSU, ils ont évoqué la préparation d’une action collective contre la réforme. Cette action pourrait être annoncée le même jour que la communication officielle des contours de la réforme par le gouvernement, attendue pour le 15 décembre. Dans le communiqué publié hier soir, CFDT, CFTC, CFE-CGC, FO, FSU, Solidaires et Unsa, sans oublier les syndicats étudiants, réaffirment leur opposition au recul de l’âge de départ ainsi que “leur détermination à construire ensemble les mobilisations passant en particulier par une première date de mobilisation unitaire avec grèves et manifestations en janvier si le gouvernement demeurait arc-bouté sur son projet”;

Il faut dire qu’Emmanuel Macron ne s’est pas privé de décréter son projet comme “indispensable” dans les colonnes du Parisien ce dimanche. “Il saborde les concertations”, réagit Gérard Mardiné (CFE-CGC), qui ajoute que dans les conditions actuelles, un conflit dur risque d’advenir en 2023. La CFE-CGC réfléchit de plus à engager un recours juridique afin de stopper ou en tout cas gêner les ambitions gouvernementales.

Un mouvement social se dessine aussi côté CFDT. Interrogé sur France2 hier matin (revoir ici), Laurent Berger a dénoncé la création d’un “impôt sur les travailleurs, puisqu’on va faire reposer le financement sur les seuls travailleurs au lieu de l’ensemble de la société [par l’impôt]. C’est hors de question”. Il considère également que le régime des retraites n’est pas en danger comme il l’était en 2010 au moment de la réforme Sarkozy. Laurent Berger ajoute : “Si le 15 [décembre], la Première ministre annonce un report de l’âge légal de départ en retraite, en janvier il y aura de la conflictualité sociale et la CFDT animera cette conflictualité sociale”.

Chez FO, qui planche sur des recours juridiques contre la dernière réforme de l’assurance chômage, Michel Beaugas prédit un conflit social “dès l’annonce du projet en conseil des ministres”. Le syndicat a prévu plus de 180 déplacements en régions “pour motiver les troupes”.

La CGT ne sera pas en reste. Boudant les concertations depuis le conflit d’octobre dans les raffineries de pétrole, elle a publié un communiqué très clair (en pièce jointe) qui se conclut en ces termes : ” La CGT appelle l’ensemble du monde du travail, à préparer, dès maintenant, les mobilisations qui seront nécessaires pour faire échec à cette réforme”. L’Unsa de Laurent Escure a également réagi par communiqué (en pièce jointe) : ” L’Unsa privilégiera l’intersyndicale interprofessionnelle pour agir. Elle saura donner donc les moyens de la riposte, aux côtés des autres organisations syndicales et de tous les salariés qui refusent massivement ce recul injustifié et dogmatique !”. L’hiver sera bien frais côté social…

Marie-Aude Grimont

Les employeurs disposent d’un nouveau téléservice pour gérer les indemnités journalières

Sur son site internet, l’Assurance maladie annonce la mise en œuvre d’un nouveau téléservice à la disposition des employeurs pour gérer les indemnités journalières. Les employeurs peuvent ainsi transmettre à l’Assurance maladie les pièces jointes nécessaires aux règlements des indemnités journalières.

L’envoi des pièces justificatives peut être réalisé à différents moments : demande en lien avec un signalement d’arrêt et le traitement des indemnités journalières, demande de pièces complémentaires etc.

Ce téléservice est disponible pour tous les employeurs dont les salariés dépendent du régime général de l’Assurance maladie. Il peut être utilisé par les employeurs ou leurs mandataires (experts-comptables, centres ou associations de gestion agréés).

Pour accéder au service en ligne, l’entreprise doit être inscrite sur net-entreprises.fr ou, si elle l’est déjà, s’inscrire à ce service en sélectionnant dans son menu personnalisé “L’attestation de salaire pour le versement des IJ” puis le “Compte entreprise”. Le service sera alors accessible dès le lendemain.

actuEL CE

NÉGOCIATION COLLECTIVE

NAO : des budgets prévisionnels d’augmentation de 4 % pour 2023

Selon l’enquête du cabinet Mercer sur les négociations salariales obligatoires, publiée le 1er décembre, les entreprises sondées prévoient des budgets prévisionnels d’augmentation de l’ordre de 4 % pour l’ensemble des salariés. Dans le détail, 17 % des entreprises interrogées opteraient pour des augmentations en dessous de l’inflation, 3 % au-dessus et 17 % envisageraient de s’aligner.

Parmi les secteurs qui se démarquent, on retrouve celui de la métallurgie qui table sur une hausse des salaires de 6 %, celui de la distribution (6 %), de la chimie (5 %) et de l’énergie (4 %). À l’inverse, le secteur des transports (3,5 %), des biens de consommation (3,7 %), des services (3,8 %), des banques-finances (3,9 %) et de la tech (3,9 %) arrivent en queue de peloton.

actuEL CE

FORMATION

Loi Avenir professionnel : les partenaires sociaux traquent les économies possibles

Les partenaires sociaux viennent de finaliser les travaux d’évaluation de la loi Avenir professionnel. À la clef, 17 préconisations, majoritairement sur le financement et la gouvernance du système. Reste à savoir quel sort Carole Grandjean, la ministre déléguée en charge de l’enseignement et de la formation professionnels, réservera à cette “contribution paritaire”.

Plus de quatre ans après la loi Avenir professionnel, la réforme de la formation continue fait toujours débat. Les partenaires sociaux viennent de finaliser leurs travaux d’évaluation, le jeudi 1er décembre, entamés après une première réflexion en juillet 2021. L’objectif ? “Proposer des pistes concrètes pour faire évoluer, réguler le système de la formation professionnelle et de l’apprentissage et permettre sa soutenabilité”.  

Cette “contribution paritaire” devrait être transmise à Carole Grandjean, la ministre déléguée en charge de l’enseignement et de la formation professionnels, d’ici à quelques jours. Le temps pour les organisations patronales et syndicales de se positionner sur les axes de réforme.

Reste que le document ne fait pas l’unanimité. Si la CFTC s’est prononcée en faveur du texte, d’autres syndicats, à l’image de FO et de la CFE-CGC, ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils ne le parapheront pas. Ce document ne devrait pas pour autant être remisé au placard. La ministre s’est engagée à lancer un nouveau cycle de concertations, en priorisant les propositions, en vue de nourrir le futur projet de loi sur “France travail”, attendu au printemps 2023.  

Gouvernance : peser sur les décisions de France compétences

Sans surprise, les principales préconisations des partenaires sociaux portent sur le financement et la gouvernance du système. Rappelant qu’ils “n’ont pas vocation à une présence simplement institutionnelle”, ils souhaitent peser sur les décisions. D’autant qu’ils estiment que France compétences (“unique instance de régulation”) n’intègre “ni une stratégie nationale pluriannuelle, ni son articulation avec les stratégies sectorielles et régionales de formation”. Le document appelle ainsi à la “révision des processus de décision au sein du conseil d’administration de France compétences”, notamment en permettant aux administrateurs d’effectuer des arbitrages sur tous les postes budgétaires avec l’instauration d’une minorité de blocage. Au passage, ils se disent prêts à créer d’un “espace stratégique quadripartite” pour définir une “vision et des priorités à moyen-long terme”.

Financement : vers une participation de l’État ?

L’autre sujet épineux concerne le financement du système. Les partenaires sociaux penchent ici pour des mesures structurelles afin de doter France compétences de “marges de manœuvre financières” pérennes. Sans chiffrer toutefois ces nouvelles ressources financières. Comment ? Ils demandent la fin de l’exonération de la taxe d’apprentissage dont bénéficient certaines entreprises (associations, mutuelles et TPE dont la masse salariale ne dépasse pas six fois le Smic annuel).

À défaut, ils se prononcent pour une compensation par l’État pour combler ce manque à gagner. À leurs yeux, des sources d’économie peuvent également être trouvées en recentrant le CPF sur les enjeux professionnels, en fléchant une partie du plan d’investissement dans les compétences (PIC) vers les projets de transition professionnelle tout en rationalisant les procédures d’enregistrement aux différents répertoires, RNCP et répertoire spécifique.

En revanche, le document ne fait pas état d’une potentielle hausse des contributions formation, souhaitée par plusieurs organisations syndicales.

Surtout, pour les syndicats, il est “légitime que l’État participe plus activement au financement (du système)” ; l’apprentissage étant “une voie de formation initiale à part entière”. Par exemple, en minorant les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (ou coûts contrats) pour les établissements et CFA (centres de formation des apprentis) bénéficiant de fonds publics. Ils rappellent que les branches professionnelles ont elles-mêmes réduit le financement des coûts contrat.

Le retour des fonds mutualisés pour les entreprises de 50 à 299 salariés ?

Cette recherche de nouvelle trésorerie n’est pas anodine. Elle répond à un double objectif, rééquilibrer le budget de France compétences mis à mal par le succès du compte personnel de formation et de l’apprentissage, mais aussi permettre la création d’une nouvelle ligne de dépenses. De fait, quatre ans après la loi, les PME/ TPE sont toujours vent debout contre la fin de l’accès aux fonds de formation mutualisés pour les entreprises de plus de 50 salariés. Les partenaires sociaux, CPME en tête, demandent donc de revenir aux règles précédentes, à savoir la possibilité pour les structures de 50 à 299 salariés de bénéficier d’une enveloppe supplémentaire afin de les aider à financer leur plan de développement des compétences.

Qui plus est, les partenaires sociaux plaident pour des mesures simplifiées concernant le co-investissement CPF, notamment par accord de branche ou d’entreprise, mais aussi pour un crédit d’impôt formation ainsi que pour un lifting du plan comptable pour amortir les dépenses de formation considérées dans ce cas comme un “investissement” et non comme une “dépense”.

Un crédit d’impôt pour les particuliers ?

Enfin, les partenaires sociaux se prononcent pour la mobilisation du CPF (compte personnel de formation) dans le cadre d’un projet de transition professionnelle ou encore pour l’instauration d’un crédit d’impôt, cette fois en direction des particuliers, en vue de financer des formations à la reconversion.

La balle est désormais dans le camp de Carole Grandjean.

Anne Bariet

IRP

Le transfert du contrat de travail d’un salarié protégé peut être contesté devant le juge judiciaire en cas de fraude

En cas de fraude, ne porte pas atteinte au principe de séparation des pouvoirs l’action du salarié protégé transféré devant le juge judiciaire afin d’obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu’un salarié protégé est compris dans un transfert partiel d’entreprise ou d’établissement, par application de l’article L. 1224-1 du code du travail, le transfert de ce salarié doit être soumis à l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail qui s’assure que le salarié ne fait pas l’objet d’une mesure discriminatoire (C. trav., art. L. 2421-9).
L’inspecteur du travail contrôle un certain nombre de points, en conséquence, le juge judiciaire n’a normalement pas de pouvoir dans ce cadre, en application du principe de séparation des pouvoirs. Cependant, le juge judiciaire est compétent si la contestation, fondée sur l’article L. 1224-1 du code du travail, ne porte pas sur la décision de l’inspecteur du travail mais sur les conditions du transfert des contrats de travail. C’est le cas d’une fraude dans le cadre du transfert qui est jugé dans cet arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2023.

Transfert partiel autorisé par l’inspection du travail

Dans cette affaire, la société de droit étranger Associated Press (AP), cède son antenne française à la société de droit étranger French Language Limited (FLS). Trois salariés protégés font partie de cette entité, et AP demande à l’inspecteur du travail l’autorisation de procéder au transfert de leur contrat de travail. L’autorisation est accordée, mais trois mois plus tard, FLS dépose le bilan, et sa liquidation judiciaire est prononcée le mois suivant. Le liquidateur obtient l’autorisation de licencier ces salariés.

Les salariés protégés saisissent le conseil de prud’hommes de demandes tendant notamment à dire que le transfert de leur contrat de travail a été frauduleusement mis en œuvre, d’en déduire que leur licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et de condamner leur employeur d’origine, la société AP à des dommages et intérêts à ce titre.
La société AP conteste, au motif que le juge judiciaire ne serait pas compétent, le transfert ayant été autorisé par l’inspection du travail.

Compétence du juge judiciaire en cas de fraude au transfert

Mais la Cour de cassation rejette cet argument. Elle commence par rappeler qu’en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, les contrats de travail en cours au jour du transfert subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. Lorsqu’un salarié investi d’un mandat représentatif est compris dans un tel transfert partiel, ce transfert ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail, en application des articles L. 2414-1 et L. 2421-9 du code du travail.

Puis la chambre sociale passe en revue les points de contrôle de l’inspecteur du travail pour autoriser, ou non, ce transfert :

  • matérialité du transfert partiel ;
  • exécution effective du contrat de travail dans l’entité transférée ;
  • absence de lien avec le mandat ou l’appartenance syndicale.

Elle en conclut que ce contrôle ne porte pas sur l’origine de l’opération de transfert.
Il en résulte que le salarié protégé peut invoquer devant le juge judiciaire, eu égard aux circonstances dans lesquelles est intervenu le transfert, et qui suite à ce transfert a été licencié après autorisation de l’autorité administrative, l’existence d’une fraude aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail. Sur ce fondement, il peut solliciter des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En effet, explique la Cour, dans ce cas, cette contestation ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative qui a autorisé le transfert. Il n’y a donc pas d’atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

Note. Dans une affaire jugée il y a quelques mois, la Cour de cassation a considéré que le juge judiciaire est compétent si la contestation du licenciement d’un salarié protégé ne porte pas sur la décision de l’inspecteur du travail, mais sur l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail (Cass.soc., 21 avr. 2022, n° 20-17.496). Cette décision a été prise dans une situation différente, et il n’était pas question de fraude, mais de la compétence de la juridiction judiciaire pour apprécier si la cession d’éléments d’actifs autorisée par le juge-commissaire emportait application du transfert du contrat du travail du salarié protégé dont le licenciement économique avait été autorisé antérieurement dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire. Cependant, le principe selon lequel le juge judiciaire, juge compétent en matière de transfert des contrats de travail dans le cadre de l’article L. 1224-1 du code du travail, est habilité à apprécier l’application de cet article dès lors que la décision administrative concernant le salarié protégé n’opère pas ce contrôle. Il a également été jugé, dans le cas d’un licenciement économique avec plan de sauvegarde de l’emploi validé par l’administration, que le juge judiciaire demeure compétent pour connaître de l’action exercée par les salariés licenciés aux fins de voir constater une violation des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail de nature à priver d’effet leurs licenciements (Cass. soc., 10 juin 2020, n° 18-26.229). Il s’agissait d’une fraude aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, fraude sur laquelle l’arrêt n’apporte pas de précisions.

Un transfert frauduleux

Enfin, la Cour de cassation confirme la fraude aux droits des salariés dans cette affaire. Elle souligne que le seul but de cette cession sans avenir était d’éluder les règles relatives au licenciement économique, la société AP ayant le souhait de se séparer du service français depuis 2007. Elle relève à cet égard, notamment :

  • que certains clients importants étaient exclus de la cession, le contrat prévoyant un transfert ultérieur dans un contrat distinct, lequel n’a jamais vu le jour ;
  • l’absence de transfert effectif de la clientèle française ;
  • l’absence de reprise des éléments incorporels nécessaires à l’exploitation de la nouvelle entité ;
  • l’absence de soutien financier de l’actionnaire principal pour permettre à FLS de développer sa clientèle et d’assurer sa viabilité.

En conséquence, les salariés sont bien fondés en leur demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l’encontre de la société cédante, AP.
 

Séverine Baudouin

[3 Q/R] Utilisation d’une messagerie externe, titres-restaurants périmés, objectifs annuels d’un salarié protégé

Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert examine trois des questions qui lui ont été soumises par des élus du personnel. Dans cet article, les réponses aux questions suivantes : Peut-on contraindre l’employeur à communiquer convocation et ordre du jour des réunions sur une messagerie externe ? Que faire des titres-restaurants périmés ? Un salarié protégé peut-il obtenir la proratisation de ses objectifs annuels ?

Dans le cadre du service de renseignement juridique par téléphone de Lefebvre Dalloz, les juristes de l’Appel Expert sont souvent sollicités par des élus du personnel. Nous avons eu l’idée de leur demander de choisir trois questions qui leur ont été soumises et d’y répondre. Voici leur sélection pour ce mois de novembre 2022. Bonne lecture ! 

3 questions d’élus, 3 réponses d’expert

Charline Raymond, juriste pour l’Appel Expert, répond à 3 questions posées par des élus de CSE en novembre 2022

Peut-on contraindre l’employeur à communiquer convocation et ordre du jour des réunions sur une messagerie externe ?

Non, à défaut d’accord, les élus ne peuvent imposer au président du CSE un mode particulier de transmission des documents

Les élus d’un CSE se sont créé des adresses mail propres, externes à la messagerie professionnelle de l’entreprise. Peuvent-ils contraindre l’employeur à leur envoyer la convocation et l’ordre du jour des réunions de CSE sur cette adresse mail ? La réponse est non : l’article L.2315-30 du code du travail ne précise pas les modalités d’envoi des documents. A défaut d’accord, nul ne peut donc imposer au président du CSE une forme de transmission.

La jurisprudence ajoute quelques détails. dans un arrêt du 25 novembre 2015 (n° 14-16.067), la Cour de cassation a jugé que l’employeur qui envoie des documents par liste de diffusion électronique remplit son obligation de transmission. Il doit donc seulement transmettre les documents et pouvoir le prouver (accusé de réception du mail envoyé à chaque représentant du personnel, remise en main propre contre signature…). Dans un arrêt du 6 avril 2004 (n° 02-40.498), la Cour de cassation a jugé que les élus doivent pouvoir y disposer d’un matériel ou procédé excluant l’interception de leurs communications téléphoniques et l’identification de leurs correspondants. La Cour exige donc un minimum de respect de la confidentialité des échanges, et on peut transposer cette jurisprudence à la question des messageries.

Enfin, dans son rapport relatif à la cybersurveillance des lieux de travail rendu en le 5 février 2002, la Cnil indique que “lorsque les instances représentatives du personnel disposent d’un compte de messagerie dédié, des mesures de sécurité particulières devraient être définies ou mises en œuvre afin d’assurer la confidentialité des informations échangées”. L’employeur doit donc garantir la confidentialité des échanges sur la messagerie professionnelle.

Que faire des titres-restaurants périmés ?

L’employeur doit reverser leur montant au budget des ASC

Un titre-restaurant périmé a encore de la valeur ! Les CSE peuvent en récupérer le montant via le budget des ASC. Les articles R.3262-13 et R.3262-14 prévoient en effet que la contre-valeur des titres périmés ou perdus est versée à l’émetteur des titres par l’établissement bancaire qui tient son compte de titres-restaurants. L’émetteur en verse à son tour le montant à l’employeur au prorata des achats effectués, et selon l’article L.3262-5, ce dernier le restitue au CSE dans le budget des activités sociales et culturelles.

Sont ainsi récupérables les titres définitivement périmés, non présentés au remboursement par un restaurant ou un détaillant en fruits et légumes avant la fin du deuxième mois suivant l’expiration de leur période d’utilisation. En vertu des règles de prescription (article 2224 du code civil), le CSE dispose d’un délai de 5 ans pour réclamer le versement du montant des titres périmés à l’employeur.

Un salarié protégé peut-il obtenir la proratisation de ses objectifs annuels ?

Oui, il faut le demander lors de l’entretien de début de mandat

Un élu du CSE peut exercer des fonctions opérationnelles dont une partie variable de la rémunération dépend d’objectifs annuels de performance, comme les commerciaux par exemple. A ce titre, dans la mesure où son temps de travail est réduit par ses heures de délégation, on peut se demander si ses objectifs annuels peuvent être proratisés au temps de travail opérationnel. Un élu peut le demander lors de l’entretien de début de mandat. En effet, l’article L.2141-5 du code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de rémunération. Lorsqu’une prime est fixée en fonction d’objectifs quantitatifs, le temps passé par le salarié à l’exercice de ses activités syndicales ou représentatives doit donc être neutralisé afin de ne pas pénaliser l’intéressé. Si un commercial classique, salarié non protégé, a pour objectif mensuel une performance de 10 000 euros, un élu qui passe la moitié de son temps en heures de délégation peut demander à ce que son objectif lié à son activité professionnelle soit abaissé à 5 000 euros.

Dans un arrêt du 6 juillet 2010 (n° 09-41.354), la Cour de cassation a jugé que l’exercice de mandats représentatifs ne peut avoir aucune incidence défavorable sur la rémunération du salarié et fixe les modalités de calcul de la prime d’une élue en deux phases :

– fixer le montant de la prime en tenant compte, pour la partie de son activité correspondant à ses mandats, au montant moyen de cette prime versée, pour un temps équivalent, aux autres salariés ;

– pour la part correspondant à son temps de production, fixer une somme calculée sur la base d’objectifs réduits à la mesure de ce temps.

Marie-Aude Grimont

Négocier un avenir commun semblant impossible, il en résulterait…une grève du zèle

Nombre d’acteurs et d’observateurs du monde de l’entreprise ont glosé dernièrement sur le “quiet quitting” qui atteindrait le monde du salariat. Cette grève du zèle, ce repli sur soi et ce retrait du monde de l’entreprise (certains n’hésitant pas à parler de “flemme”), plusieurs chercheurs les relient à l’incertitude de la situation actuelle dans laquelle se trouvent les salariés et l’entreprise, confrontés à des défis importants (crise climatique notamment) peu pris en compte à leurs yeux. La conscience du réchauffement climatique et de ses conséquences dramatiques, écrivent les auteurs, atteint un niveau inédit ches les jeunes générations, et “cette prise de conscience va souvent de pair avec le rejet des modes de production et de consommation actuels, tenus pour responsables des dégâts environnementaux”.

Pour les trois auteurs d’une note réalisée pour la CFDT et la fondation Jean Jaurès (1), “le désengagement actuel des salariés” serait ainsi la conséquence “d’une incapacité nouvelle à négocier la bonne volonté de ses membres”, cette incapacité résultante elle-même de “l’affaiblissement du pouvoir régulateur des relations d’interdépendance”.  

Pour ces auteurs, ce phénomène rappelle “à quel point le travail ne se réduit pas à un emploi et à sa rémunération, mais doit être une activité vivante, utile, productrice de sens et génératrice d’identité”. Pour en sortir, il faudrait “restaurer la possibilité d’une projection vers l’avenir, y compris au sein des organisations”. 

  • Ces auteurs sont Henri Bergeron, sociologue au CNRS,  Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste, et Claudia Senik, directrice de l’Observatoire du bien-être au Cepremap. 

actuEL CE

Réseaux sociaux : Karim Abed, l’influenceur de la CGT de l’énergie

Secrétaire général de la fédération CGT mines-énergie d’Ouest Ile-de-France, Karim Abed défend une approche très active de la communication syndicale sur les réseaux sociaux.

Aujourd’hui âgé de 52 ans, Karim Abed a été touché jeune par le virus de la communication. Ce matheux, qui s’est orienté vers la logistique pour rejoindre les industries électriques et gazières (IEG) chez Enedis, dont il est désormais détaché pour être permanent à la CGT, s’est formé un an durant aux techniques de l’information et de la communication au sein du CFPJ (centre de perfectionnement des journalistes à Paris). A l’époque, il avait 19 ans et était déjà syndiqué à la CGT. Autant dire qu’il a mis à profit sa formation au service de sa fédération, les mines énergie. Il a gardé cette obsession de tous les instants : “Comment toucher les jeunes ? Comment les atteindre ?” 

Aujourd’hui, tout le monde a un téléphone et le regarde en permanence. C’est le point d’entrée pour toucher les jeunes 

Sa réponse est simple : par le terrain et par le téléphone, “car aujourd’hui tout le monde a un smartphone qu’il consulte en permanence”. Par le terrain, cela signifie aller autant que possible au contact des salariés. “Il faut passer régulièrement sur les sites, discuter, répondre aux questions, voir les préoccupations”, explique-t-il. Une leçon tirée de ses nombreux mandats (délégué du personnel, membre du CHSCT, membre du CE, etc.). Au sein des industries électriques et gazières (IEG), le parcours d’une semaine d’intégration des nouveaux salariés ayant été réduit à un jour, la CGT a d’ailleurs lancé une formation de 2 jours pour ses nouveaux adhérents. “On voit des jeunes rejoindre la CCAS (la caisse centreale des activités sociales du secteur, un très gros CSE) et ils organisent eux-mêmes des activités, type séjours au ski”, se félicite le secrétaire général. 

Une communauté de 17 000 personnes sur Facebook

Mais cette communication directe ne suffit plus, surtout à l’heure d’un télétravail massif “où l’on perd le contact visuel avec les personnes”. Alors, pour sa fédération mines énergie, Karim Abed n’a cessé de s’aventurer sur les réseaux pour toucher un public plus large et faire partager les analyses de son syndicat. Pourquoi miser sur les réseaux sociaux ? “Le taux d’ouverture d’un mail, ça doit tourner autour de 15%”, répond-il. Sous-entendu : vous aurez plus de chances en multipliant les canaux et en misant sur les réseaux. Et rien de mieux qu’une bonne communication pour assurer les salariés de l’utilité d’un syndicat.

Karim Abed a ainsi développé la présence de la CGT énergie sur Facebook. Le réseau n’a-t-il pas une image un peu vieillotte ? “C’est pour les 30 ans et plus”, répond le syndicaliste, en ajoutant que le groupe des salariés IEG compte quand même…17 000 personnes sur Facebook : assez représentatif pour tester le moral des salariés, et lancer des sondages.

 Sur les réseaux, il ne suffit pas de poster, il faut réagir, répondre, partager

Karim Abed a aussi investi twitter, un réseau moins populaire mais qui offre, dit-il, des connexions avec des mondes différents, comme l’univers politique. Il s’agit de créer des communautés pouvant s’entraider, mais auxquelles le syndicaliste apporte aussi des informations et réponses : “Sur les réseaux, il ne suffit pas de poster, il faut réagir vite, répondre aux questions, partager des images de manifestations, ça fédère”. C’est ainsi qu’un tract syndical en vient à être très relayé, ou qu’une vidéo devient virale. “Avec la menace de privatisation d’EDF, la hausse du coût de l’énergie et les menaces de coupure de l’électricité cet hiver, nous arrivons sur les réseaux à faire entendre le point de vue des salariés CGT qui travaillent dans ces secteurs”, se félicite Karim Abed. 

La CGT est sur Instagram et sur Tik tok

Y compris, désormais, sur instagram, “un réseau avec beaucoup de jeunes avec de bon taux de lecture mais une interactivité plus faible”, et sur Tik tok. Sur ce réseau très apprécié par les jeunes, les formats sont courts, très personnalisés. Mais les activités ludiques du début, omniprésentes, type danse, cèdent désormais un peu de place à l’actualité. “Nous faisons des directs depuis des manifestations, ça fait découvrir le syndicalisme à tout un tas de personnes. Nous faisons des débats sur l’énergie, c’est très suivi”, affirme le syndicaliste.

Au début, son approche a été prudente : “J’ai testé l’idée, j’ai échangé avec les jeunes. Ils m’ont conseillé d’avoir une approche un peu différente, décalée”. Résultat : des vidéos vues désormais plusieurs milliers de fois. Bien que le visage de Karim Abed n’apparaisse jamais sur ses posts, le succès de son nom sur les réseaux sociaux a déclenché la curiosité de ses camarades en congrès : “Beaucoup m’ont dit : “Ah mais c’est toi Karim, c’est super de nous faire connaître comme ça !” Cela m’a étonné, et ça m’a montré que mon action est efficace : elle a un impact, on fait connaître nos positions”. 

 Des outils coté CSE ? Des courtes vidéos d’élus !

Le syndicaliste, qui prend aussi en charge les slogans et les visuels des manifestations franciliennes (il a eu récemment l’idée d’utiliser la technique des grandes banderoles des supporters de foot (“tifo”) pour rendre son syndicat plus visible), est plus circonspect quand nous l’interrogeons sur ce que serait une bonne communication du CSE.

A ses yeux, c’est d’abord la communication syndicale qui compte, et donc la communication du syndicat faisant partie du CSE. Il nous répond néanmoins par quelques conseils pratiques : animer un intranet d’entreprise (encore faut-il que l’entreprise l’accepte), publier une newsletter en permettant aux salariés de laisser leurs coordonnées, “faire des vidéos courtes dans lesquelles s’expriment des élus”, etc. 

Bernard Domergue

Hausse des salaires à l’embauche depuis le début de l’année

Selon une enquête de Talent.com, spécialiste du marché de l’emploi et du recrutement, les offres d’emploi, tous secteurs confondus, publiées sur son site affichaient des salaires à l’embauche en augmentation de 5,77 %, entre ceux proposés début janvier par rapport à fin octobre. Toutefois des disparités existent entre les différents secteurs de l’économie. La finance arrive en tête (+16,36 % depuis le début de l’année, tous métiers confondus) suivi par le secteur de l’industrie et de la production (+13,44 %) et le BTP (+9,01 %).

À l’inverse, l’hôtellerie-restauration affiche des salaires stables sur les neufs premiers mois de l’année mais en baisse de 13,32 % entre janvier et fin octobre. Même constat du côté du secteur de la santé : sur les trois premiers trimestres, les salaires proposés n’ont cessé de chuter chaque mois, passant de 46 213 euros en janvier à 42 556 euros fin octobre (et même 36 600 euros en juillet/août).

actuEL CE