Les modalités d’organisation et d’évaluation de la formation spécifique des infirmiers de santé au travail sont précisées
02/03/2023
Un arrêté du 30 janvier 2023 fixe les modalités d’organisation et d’évaluation de la formation spécifique des infirmiers de santé au travail.
La loi du 2 août 2021 visant à renforcer la prévention en santé au travail prévoit que l’infirmier recruté dans un service de prévention et de santé au travail (SPST) devra être diplômé d’Etat ou disposer de l’autorisation d’exercer sans limitation. Il devra également détenir une formation spécifique en santé au travail, que l’employeur devra lui faire suivre dans un délai de 12 mois à compter de son recrutement dès lors que cela n’aurait pas été le cas au préalable. Le décret d’application du 27 décembre 2022 a indiqué que cette obligation de formation débutait à compter du 31 mars 2023 et en a fixé les modalités. Un arrêté du 30 janvier 2023, publié hier au Journal officiel, détermine les modalités d’organisation et d’évaluation de la formation spécifique des infirmiers de santé au travail.
Les compétences à acquérir
Selon le décret du 27 décembre 2022, la formation spécifique en santé au travail doit ainsi permettre, au minimum, au candidat d’acquérir des compétences dans les matières suivantes:
la connaissance du monde du travail et de l’entreprise ;
la connaissance des risques et pathologies professionnels et des moyens de les prévenir ;
l’action collective de prévention des risques professionnels et de promotion de la santé sur le lieu de travail et l’accompagnement des employeurs et des entreprises;
le suivi individuel de l’état de santé des salariés, incluant la traçabilité des expositions et la veille sanitaire et épidémiologique ;
la prévention de la désinsertion professionnelle ;
l’exercice infirmier dans le cadre des équipes pluridisciplinaires des services de prévention et de santé au travail et la collaboration avec les intervenants en prévention des risques professionnels du SPST, les services de prévention des caisses de sécurité sociale, l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et son réseau.
Les modalités de cette acquisition
L’arrêté du 30 janvier 2023 indique que les matières mentionnées précédemment sont organisées selon les modalités suivantes :
1. La connaissance du monde du travail et de l’entreprise comprend (25 heures minimum) :
a) Les différents acteurs de l’entreprise, notamment ceux mobilisables en santé au travail (ressources humaines, institutions représentatives du personnel dont le CSE, les techniciens et responsables HSE…) ;
b) Le management et l’organisation de l’entreprise ;
c) Le système et la réglementation qui régit la santé au travail en France ;
d) La dimension économique de l’entreprise et les spécificités au regard de leur taille ;
2. La connaissance des risques et pathologies professionnels et les moyens de les prévenir comprend (50 heures minimum) :
a) Les différents risques professionnels (biologiques, chimiques, physiques, mécaniques, environnementaux, psychosociaux…) ;
b) L’évaluation des risques professionnels (le document unique d’évaluation des risques, la fiche d’entreprise…) ;
c) Les pathologies induites par l’exposition aux risques professionnels ;
d) Les moyens de prévention collectifs et individuels des risques professionnels ;
e) Les métrologies (mesures du bruit, de la lumière, des produits chimiques) ;
3. L’action collective de prévention des risques professionnels et de promotion de la santé sur le lieu de travail et l’accompagnement des employeurs et des entreprises comprend (50 heures minimum) :
a) Les actions en milieu de travail ;
b) Les actions de formation et d’information ;
c) La prévention et la promotion de la santé (lien entre santé publique et santé au travail, la prévention des conduites addictives en milieu professionnel, la promotion de l’activité sportive…) ;
4. Le suivi individuel de l’état de santé des salariés incluant la traçabilité des expositions et la veille sanitaire et épidémiologique comprend (35 heures minimum) :
a) Les différents types de suivi individuel et les différentes visites les constituant, en incluant les modalités de recours aux outils de télésanté au travail ;
b) Le recueil de données, le repérage, l’évaluation, l’analyse de la situation de la personne, les pratiques et méthodes de conduites de l’entretien infirmier et les critères d’orientation vers le médecin du travail ;
c) La traçabilité des expositions, épidémiologie, veille sanitaire ;
d) Maîtriser l’usage et le recours au dossier médical en santé au travail numérique et sécurisé (contenu, accès, droit du travailleur, échanges d’informations entre professionnels de santé) ;
5. La prévention de la désinsertion professionnelle comprend (35 heures minimum) :
a) L’exposition à certains facteurs de risques professionnels au-delà de seuils réglementaires ;
b) Les outils du maintien en emploi ;
c) La prévention de l’usure professionnelle ;
6. L’exercice infirmier dans le cadre des équipes pluridisciplinaires des services de prévention et de santé au travail et la collaboration avec les intervenants en prévention des risques professionnels du SPST, les services de prévention des caisses de sécurité sociale, l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et son réseau. (20 heures minimum) :
a) Le cadre des protocoles de délégation des missions des médecins du travail aux infirmiers ;
b) Les différents acteurs externes mobilisables en santé au travail (Anact, Carsat, INRS, OPPBTP, IPRP externe…) ;
c) Méthodologie de travail sur les actions collectives au sein de l’équipe pluridisciplinaire.
Validation des acquisitions des connaissances et compétences
L’acquisition des connaissances transmises dans les six matières précitées est sanctionnée par un taux de réussite d’au moins 50 % à une épreuve de validation dont les modalités seront déterminées par l’établissement ou l’organisme de formation. L’acquisition des compétences développées durant le stage de pratique professionnelle en santé au travail de 105 heures prévu à l’article R. 4623-31-1 du code du travail est sanctionné par la validation du stage selon des modalités qui seront prévues par l’établissement ou l’organisme de formation.
► A noter : l’arrêté comprend des dispositions similaires dans le code rural et de la pêche maritime, avec toutefois un ajout à l’item “L’action collective de prévention des risques professionnels et de promotion de la santé sur le lieu de travail et l’accompagnement des employeurs et des entreprises” qui devra comprendre une formation sur la méthodologie de travail sur les actions collectives au sein de l’équipe pluridisciplinaire.
Florence Mehrez
Le risque d’accidents du travail est plus important chez les sous-traitants
02/03/2023
Un salarié travaillant chez un sous-traitant a davantage de risques de subir un accident du travail : c’est ce qu’établit la Dares (direction des études statistiques du ministère du travail) dans une note publiée le 1er mars. Le taux d’accident du travail varie en effet de 2,9% pour un établissement ne travaillant pas pour un donneur d’ordres à 5% pour un établissement dont le chiffre d’affaires est réalisé entre 10% et 49% pour un donneur d’ordre. A noter que ce rapport n’est pas linéaire. Autrement dit, le taux d’accidents ne s’accroît pas au fur et à mesure de la dépendance de l’activité à l’égard d’un donneur d’ordres. Pour la Dares, cela peut s’expliquer par une “meilleure maîtrise des risques dans les établissements sous-traitants lorsque ceux-ci sont quasi-intégrés à leur donneur d’ordres”.
De la même façon, les entreprises qui recourent à un un volant d’intérimaires supérieur à 4% de leurs effectifs connaissent un taux d’accidents du travail plus élevé.
Source : actuel CSE
Comment prévenir les pratiques addictives en milieu de travail ?
03/03/2023
Alors que la consommation de substances psychoactives, telles que l’alcool, le tabac, le cannabis ou encore les médicaments, est une problématique récurrente du monde professionnel, l’INRS a récemment publié une brochure sur le sujet afin de comprendre et prévenir ce risque d’addiction.
Le document donne les clés pour préserver la santé et la sécurité des travailleurs. Il revient notamment sur :
les addictions (usage simple, usage nocif, dépendance) et les pratiques addictives ;
les substances psychoactives : alcool, tabac et cigarette électronique, cannabis et cannabidiol, cocaïne, médicaments psychotropes, polyconsommation, etc. ;
les pratiques addictives en milieu de travail ;
la prévention et les objectifs d’actions de prévention.
Par exemple, parmi les catégories socioprofessionnelles ayant une consommation dangereuse d’alcool, on compte chez les hommes 22 % des ouvriers, 22,9 % des employés et 16 % des cadres, et chez les femmes 6,6 % des ouvrières, 6,8 % des employées et 10,7 % des cadres.
En matière de sécurité, la consommation de substances psychoactives peut être responsable de troubles de vigilance et d’accidents, notamment de travail. En matière de santé, les risques portent sur l’apparition de dépressions, de pathologies cardiopulmonaires, de cancers et de dépendance aux produits consommés.
Côté prévention, il est important d’inscrire le risque « pratiques addictives » dans le document unique d’évaluation des risques professionnels et de définir des actions de prévention telles que :
la prévention des facteurs liés au travail favorisant les consommations : risques psychosociaux (RPS), organisations du travail (horaires atypiques, travail isolé), contraintes physiques exposants aux troubles musculosquelettiques (TMS), environnements de travail (froid, chaleur, travail en extérieur), etc. ;
l’encadrement de la consommation d’alcool : inscription dans le règlement intérieur ou dans une note de service des interdictions ou des restrictions ;
l’organisation des secours face à un trouble du comportement : prise en charge de l’urgence, alerte, arrêt de toute activité dangereuse, suivi des consignes données par les secours, analyse de l’événement, retour du salarié dans l’entreprise ;
la formation, l’information et la sensibilisation des travailleurs.
Enfin, la brochure précise en annexes le rôle des services de prévention et de santé au travail (SPST) en matière d’addiction, les informations utiles sur le règlement intérieur ainsi que la place des tests de dépistage (éthylotest, test salivaire).
Source : actuel CSE
L’Observatoire de la Mutualité française dresse un bilan de la santé au travail
03/03/2023
Alors que le 4ème Plan Santé au travail pour la période 2021-2025 affirme le rôle de prévention au travail des organismes complémentaires, la Fédération nationale de la Mutualité française, qui regroupe la majorité des mutuelles de santé existant en France, vient de consacrer la 6ème édition de son Observatoire à la santé au travail. A cette occasion, des chiffres clés sur la problématique santé au travail ont été présentés.
Chaque année, plus de 200 000 travailleurs décèdent de maladies professionnelles au sein de l’Union européenne. La France se place dans le haut du classement avec 3,5 accidents mortels pour 100 000 personnes en emploi, soit un niveau deux fois plus élevé que la moyenne européenne. Concernant les sinistres (accidents du travail, accidents de trajet et maladies professionnelles), 1,1 million ont été déclarés en un an dans le secteur privé, dont 804 100 avec arrêt. Plus précisément sur les troubles musculosquelettiques (TMS), 44 492 cas ont été reconnus en 2019 en France et représentent 88 % des maladies professionnelles. Le secteur le plus accidentogène reste celui de la construction avec 53,4 accidents du travail avec arrêt pour 1 000 salariés, alors que la moyenne nationale est de 33,5.
Une densité hétérogène de l’offre en santé au travail est également à souligner en France. A titre d’exemple, Paris dispose de 20,4 médecins du travail pour 100 000 habitants alors que le Cantal en recense seulement 2,8. Un autre signe inquiétant est l’âge moyen des médecins du travail qui est aujourd’hui de 54,6 ans. Par ailleurs, on constate aussi une dégradation générale de la situation puisqu’en 2005, 70 % des salariés répondaient avoir eu une visite médicale en santé au travail depuis moins d’un an, ils sont à présent plus que 39 %.
L’Observatoire établit un diagnostic des évolutions récentes en matière de santé au travail. Parmi les constats qui ressortent :
la nécessité d’améliorer les conditions de travail et de développer les actions de prévention ;
l’insuffisance de l’offre en santé au travail et les inégalités territoriales d’accès aux soins ;
la nécessité de mieux prendre en compte les conditions différenciées d’exposition aux risques professionnels : différences hommes/femmes, selon les secteurs d’activité, selon l’âge.
Pour les femmes, les secteurs d’activité les plus accidentogènes sont les activités de services (santé, nettoyage, travail temporaire) et les services, commerces et industries de l’alimentation. Du côté des hommes, les accidents se produisent davantage dans les secteurs du BTP, de l’industrie, du transport, de l’eau, du gaz, de l’électricité et des activités de services.
L’Observatoire présente, dans un second temps, les résultats d’une enquête sur les représentations des Français envers leur système de santé et leurs préoccupations quotidiennes sur le sujet. Les Français remettent le système de santé en question. Seul un Français sur deux a une perception positive du fonctionnement du système de santé. Globalement, ils se disent en bonne santé (83 %) mais une part non négligeable (39 %) estime que le travail a un effet de dégradation sur la santé. Les entreprises sont attendues en matière de prise en compte des enjeux de santé. En effet, pour les trois quarts des Français, il est primordial que les entreprises déploient des actions d’information sur les souffrances professionnelles.
Pour terminer, la Mutualité Française rappelle que l’information sur la santé au travail ne se limite pas aux entreprises et reste à construire pour les indépendants, bien que ces derniers s’estiment en meilleure condition physique que la population salariée (87 % contre 82 %).
La CFE-CGC signe le projet d’accord sur le partage de la valeur
28/02/2023
Et de quatre ! Après la CFDT, FO et la CFTC, la CFE-CGC a annoncé hier signer à son tour le projet d’accord sur le partage de la valeur. Le syndicat estime que “l’accord trouvé le 10 février dernier et validé ce jour par le comité directeur de la CFE-CGC, répond à [la] commande du [ministre du travail] à savoir généraliser le système de participation et d’intéressement pour les entreprises de moins de 50 salariés, simplifier les dispositifs de partage de la valeur et orienter l’épargne salariale vers des priorités d’intérêts communs.
La CFE-CGC se félicite que cet accord “obligera à partir de 2025, les entreprises de 11 à 49 salariés respectant certains critères, à mettre en place un système de partage de valeur. Cette avancée indéniable va permettre à un nombre conséquent de salariés (entre 700 000 et 1 million d’après les calculs de la CFE-CGC) de bénéficier désormais d’un dispositif de partage de la valeur”.
Pour la CFE-CGC, cet accord est aussi la preuve qu’il est possible de demander aux entreprises des contreparties en échange des aides publiques qu’elles reçoivent”.
La confédération syndicale indique que “cet accord répond aussi à la demande CFE-CGC d’amplifier le fléchage de l’épargne salariale vers des investissements responsables, avec l’obligation de proposer deux fonds labélisés (CIES, Finansol, Greenfin, France relance ou ISR) et d’informer (via les conseils de surveillance des FCPE diversifiés) les salariés épargnants sur les votes exercés en AG en leur nom par la société de gestion (vote sur le montant des dividendes, sur la rémunération du dirigeant, sur les résolutions climat, etc…). Ce dernier point constitue une grande avancée pour la CFE-CGC, ouvrant la voie à une nouvelle forme d’action syndicale qui utilise la finance pour agir directement sur les entreprises, en les incitant à adopter un comportement plus vertueux”.
Source : actuel CSE
“L’accord va permettre à 700 000 voire un million de salariés de bénéficier, à partir de 2025, d’un système de partage de la valeur”
01/03/2023
Raphaëlle Bertholon, secrétaire nationale CFE-CGC et cheffe de file de la négociation sur le partage de la valeur, explique les raisons de la signature par sa confédération de l’accord national interprofessionnel (ANI). Parmi les satisfecits, l’élargissement des systèmes de partage de valeur aux entreprises de 11 à 49 salariés, une plus large de conditionnalités sur les aides publiques accordées aux entreprises et la gouvernance des fonds de l’épargne salariale.
Quelle est votre position sur l’ANI sur le partage de la valeur ?
Le comité directeur de la CFE-CGC a décidé, lundi 27 février, de signer l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur. Le grand apport de l’accord est qu’il va permettre à un nombre conséquent de salariés (entre 700 000 et un million d’après nos estimations) de bénéficier à partir de 2025 d’un système de partage de la valeur. Cet accord est aussi pour la CFE-CGC la preuve qu’il est possible de demander aux entreprises des contreparties en échange des aides publiques qu’elles perçoivent. La prime de partage de la valeur votée dans le cadre de la loi sur le pouvoir d’achat cet été, est assortie d’une exonération de cotisations sociales accordées aux entreprises. Jusqu’ici, il n’y avait aucune contrepartie. Désormais aux 603 millions accordées aux entreprises de moins de 50 salariés en 2022 (d’après nos calculs), il y a en face, cette obligation de mettre en place un système de partage de la valeur.
Cet accord ouvre la voie à la mise en oeuvre plus large de conditionnalités sur les aides publiques aux entreprises
Pour la CFE-CGC, cet accord ouvre donc la voie vers une mise en œuvre beaucoup plus large de conditionnalités sur les aides publiques accordées aux entreprises. Ces dernières représentent d’après une étude récente de l’Ires (Institut de recherche économique et social) plus de 150 milliards par an, et elles sont financées par la collectivité. Ces conditionnalités peuvent trouver différentes formes, comme le maintien de l’emploi, le taux d’emploi des séniors, la réduction des émissions de CO2 pour citer quelques exemples d’actualité. C’est le meilleur moyen pour la CFE-CGC d’assurer l’efficacité de ces aides et de rendre notre économie plus résiliente. L’autre avancée pour la CFE-CGC concerne l’épargne salariale, avec d’une part l’obligation de proposer au moins deux fonds labéllisés pour orienter l’épargne vers des investissements socialement responsables, et d’autre part informer les salariés via les conseils de surveillance des fonds, des votes exercés en assemblée générale d’entreprise par les sociétés de gestion au nom des salariés épargnants.
Quelles sont vos réserves ?
A ce jour nous n’avons plus de réserves dans la mesure où nous avons pu chiffrer le nombre de salariés qui vont pouvoir bénéficier de l’accord. Nous avons par contre des regrets, car ce texte aurait pu être plus ambitieux, en particulier en abordant la question des salaires. Il faut rappeler que nous nous sommes concentrés sur la lettre de cadrage du ministre du travail qui a réduit le périmètre de la négociation, en se focalisant sur les petites entreprises et sur le partage des profits plutôt que sur le partage de la valeur. Ce dernier recouvre une notion économique plus large et englobe la question des salaires et des revalorisations salariales, de la fiscalité ainsi que le sujet des investissements. Ce dont nous n’avons pas débattu, excepté dans le chapitre concernant l’information.
Nous regrettons qu’il n’y ait rien dans le texte sur la gouvernance des entreprises
Après la question des salaires qui n’a pas été traitée comme elle aurait due, l’autre déception concerne la non prise en compte de notre proposition sur la délibération annuelle sur le partage de la valeur au sein de la gouvernance des entreprises. Nous sommes convaincus que cette disposition venait compléter très utilement l’article L.3314-10 du code du travail qui prévoit que c’est le conseil d’administration ou d’orientation qui accorde un dispositif d’intéressement. Pour la CFE-CGC si nous voulons réellement agir sur les super dividendes”, c’est au sein de la gouvernance des entreprises, le lieu de décision des dividendes proposés en assemblée générale des entreprises. Avec une telle délibération les administrateurs seraient mis en responsabilité sur l’équilibre global du partage de la valeur, en particulier au regard de la répartition avec les salariés et l’entreprise (avec les investissements).
Selon Elisabeth Borne, l’accord devrait être transposé dans un projet de loi sur le plein emploi, au printemps. Quels sont les thèmes que vous aimeriez voir défendre par les parlementaires ? Quels sont les points perfectibles ?
Nous continuerons de porter la question des salaires, avec deux points très spécifiques à la CFE-CGC : le premier qui défend la mise en œuvre d’un véritable pacte de progression salariale, avec une clause de revalorisation et de “sauvegarde” des minima de grilles salariales pour éviter le resserrement des rémunérations entre les catégories professionnelles ; et le deuxième qui doit acter que toute prise de responsabilité (promotion) s’accompagne d’une revalorisation salariale. Nous rencontrons de plus en plus de salariés qui sont promus sans augmentation. C’est inacceptable et contre-productif : in fine, les salariés vont valoriser leur promotion à l’extérieur de l’entreprise.
Nous préconisons toujours la révision de la formule légale de la participation
S’agissant de la participation, nous préconisions une révision de la formule de participation pour qu’elle soit adossée au bénéfice comptable et non plus fiscal. Trop d’entreprises pratiquent des opérations fiscales minorant le bénéfice imposable et donc la participation. Cela revient à spolier de leur travail les salariés du pays à l’origine de la création de valeur. A ce titre, nous demandons, comme François Hommeril l’a rappelé dans une tribune des Echos, du 14 février, l’abrogation de l’article L 3326-1 du code du travail qui prévoit que le calcul de la réserve de participation, certifié par une attestation du commissaire aux comptes, ne peut pas être mis remis en cause, même en cas de fraude. Ce point essentiellement fiscal, ne rentrait pas dans le périmètre de la négociation, aussi nous le portons dans le cadre du débat parlementaire.
Des salariés sont privés du bénéfice de la participation du fait des transferts de bénéfices
Cet article prive bon nombre de salariés dans leurs droits à bénéficier de la participation, du fait de l’état actuel de la mondialisation et des comportements de certains groupes qui transfèrent les bénéfices créés en France vers des pays à la fiscalité attrayante. Les salariés des entreprises comme Rank Xerox, Liaisons sociales, Procter et Gamble, General Electric ou encore Mc Donald’s l’ont appris à leurs dépens. Nous militons également pour l’enrichissement du décret du 26 novembre 1987 qui liste les établissements publics et entreprises publiques soumis aux dispositions concernant la participation. Certaines entreprises publiques comme RTE n’y figurent pas et doivent être ajoutées. L’Etat doit être exemplaire dans ce domaine. Il ne peut exiger des petites entreprises qu’elles mettent en place un dispositif de partage de la valeur, sans que les entreprises dans lequel il est lui-même actionnaire ne répondent aux même obligations !
Quels sont à vos yeux les points marquants du texte ?
Le cœur de la négociation porte sur l’élargissement des systèmes de partage de valeur aux entreprises de 11 à 49 salariés. C’est la grande avancée de l’accord qui d’après les calculs de la CFE-CGC sur les données Insee devrait permettre à un nombre conséquent de salariés (entre 700 000 et un million de salariés) d’accéder à un dispositif de partage de la valeur. Il y a aussi un autre article porté par la CFE-CGC, qui peut passer inaperçu, alors qu’il n’a rien d’anodin. Il s’agit de l’article 34 sur la gouvernance des fonds. Jusqu’à aujourd’hui, les salariés qui investissent dans des FCPE (fonds communs de placement d’entreprise) diversifiés n’exercent pas directement leur droit de vote. C’est la société de gestion qui vote à leur place, sans qu’ils sachent les positions prises sur des sujets aussi importants que le montant des dividendes, la rémunération des dirigeants… Autant de votes en relation directe avec le partage de la valeur. Cet article prévoit une obligation pour les sociétés de gestion de rendre compte lors des réunions de conseil de surveillance des fonds sur les votes effectués. Les votes appliqués par les sociétés de gestion pourront ainsi devenir un critère de choix du gestionnaire de l’épargne salariale. Il est totalement en phase avec les aspirations de jeunes militants très soucieux d’aligner leurs actes (les votes associés à leur épargne) avec les valeurs qu’ils portent.
Le nouveau dispositif d’actionnariat salarié proposé par l’ANI est-il une avancée ?
Le dispositif auquel la délégation patronale tenait beaucoup est le “plan de partage de la valorisation de l’entreprise”. Il s’agit d’un nouveau produit prenant la forme de “bons de partage de la valorisation” qui ne sont pas des valeurs mobilières. De mon point de vue, ce produit doit, en amont, recueillir l’aval des autorités compétentes, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) voir l’Autorité des marchés financiers (AMF) si le produit est lié au cours de bourse. Ces dernières pourraient se montrer prudentes.
Le salarié n’aura pas de droit de vote
De plus, contrairement à un salarié actionnaire, le salarié n’aura pas de droit de vote, il ne participera pas à la gouvernance de l’entreprise. Ce point est essentiel pour la CFE-CGC qui prône pour une plus grande participation des salariés à la gouvernance des entreprises. Il est prouvé par l’étude de Céline Cézanne et de Xavier Hollandts que lorsque les salariés siègent au conseil d’administration, les dividendes accordées aux entreprises et les rachats d’action sont plus modérées et le partage de la valeur plus équilibré. De plus comme nouveau produit, il faudra prévoir son intégration dans les FPCE, ce qui ne sera pas évident. La CFE-CGC connaît bien ce sujet. Nous avions porté dans le cadre de la loi Pacte, l’intégration des parts sociales (produits spécifiques aux coopératives) dans les FCPE. Nous l’avons obtenu, mais ce fût au prix d’un long parcours : il a fallu convaincre et expliquer.
Concernant les PME, à votre avis, combien d’entreprises de 11 à 50 salariés pourraient être concernées par le développement de la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés ? Combien d‘entre elles réalisent un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives ?
Nous nous réjouissons de la génération – sous conditions – du développement de la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés. Il est, toutefois, difficile d’avoir une évaluation précise du nombre d’entreprises concernées. Nous avons procédé à une évaluation. L’Insee répertorie 85 563 sociétés de cette taille, et l’on sait que 63 % des PME sont redevables de l’impôt sur les sociétés. D’après les conseillers entreprises de banque que nous avons pu interroger par enquête flash, c’est de l’ordre de 85 % des entreprises bénéficiaires, qui auraient un résultat supérieur à 1 % du CA. Il faut enfin soustraire à ce chiffre les PME qui sont, d’ores et déjà, dotées d’un dispositif d’épargne salariale, soit 19,5% d’après la Dares. Ainsi nous tombons sur un chiffre de 700 000 salariés éligibles, qui peuvent être à un million si nous retraitons les valeurs manquantes (celles qui n’ont pas renseigné leur effectif et catégorie juridique) sur le répertoire Insee. Soulignons également que les grandes entreprises n’ont pas l’apanage du versement des montants les plus élevés. Selon une étude sur les composantes du coût du travail, réalisée par l’Insee, ce sont les structures de 250 à 499 qui versent le plus (1 359 euros rapporté à l’ensemble des salariés) quand celles de plus de 1 000 salariés octroient 1 249 euros. A l’autre bout du spectre les entreprises de 10 à 49 employées versent 347 euros, expliqué par le fait qu’elles ne sont que 19,5 % à offrir un dispositif d’épargne salariale. L’accord devrait permettre d’augmenter sensiblement ce chiffre et d’atteindre les 900 à 1 000 euros que connaissent les entreprises de la taille de 50 à 249 salariés.
Craigniez-vous que certaines mesures du futur projet de loi ne passent pas sous les fourches caudines du Conseil d’Etat ?
Effectivement. Le texte prévoit le maintien des mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, inscrites dans la loi du 16 août 2022, et le maintien du régime actuel pour les entreprises de moins de 50 salariés. Or, c’est le Conseil d’Etat qui avait exigé une version exceptionnelle jusqu’en 2023 et une autre avec une fiscalité identique à celle de l’intéressement à partir de 2024. Son argumentation reposait sur une inégalité de traitement devant la charge publique entre ceux percevant moins ou plus de trois Smic. Cette mesure introduit un effet de seuil donnant lieu à un écart important de rémunération pour les salariés touchant une rémunération quasi-semblable, mais placés de part et d’autre de ce plafond. C’est pourquoi l’avis du Conseil d’Etat pour ce dispositif qui concerne uniquement les entreprises de moins de 50 salariés sera à surveiller.
Concernant l’axe 3 du document de cadrage, à savoir l’orientation de l’épargne salariale vers les grandes priorités d’intérêt commun, les mesures arrêtées vous satisfont-elles ?
Nous avons pesé pour promouvoir des labels comme le CIES (comité intersyndical d’épargne salariale), créé il y a plus de 20 ans et qui a contribué à l’essor de l’Investissement socialement responsable (ISR) en France ; et pour que les gestionnaires de fonds proposent dans les PEE et les PER en comptes titres au moins deux fonds qui prennent en compte de critères extra-financiers (exemples : fonds labéllisés ISR, GREENFIN, FINANSOL, CIES, France Relance). Ce que nous avons obtenu.
L’investissement socialement responsable représente 40% de l’épargne salariale
Aujourd’hui, l’investissement socialement responsable représente 40 % des encours de l’épargne salariale, hors actionnariat salarié. Mais nous pouvons aller plus loin. L’autre avancée, qui était une demande CFE-CGC est le sujet de la gouvernance et des droits de vote, que j’ai évoqué précédemment. Il est aussi à noter, la demande de déplafonnement à hauteur de la prime de partage de valeur (PPV) pour l’abondement unilatéral de l’employeur dans le cadre de l’acquisition d’actions d’entreprise, qui est aujourd’hui fixé à 2 % du PASS (plafond annuel de la sécurité sociale), soit proche de 900 euros. Enfin, nous avons demandé de préciser que la formation économique et financière prévue dans le cadre la loi Pacte pour les salariés siégeant dans les conseils de surveillance des fonds soit bien compté comme du temps de présence, évitant comme nous avons eu le cas, que des militants soient obligés de prendre sur leurs congés pour se former !
(*) Côté syndical, seule la CGT ne signera pas le texte, la CFDT, CFTC, FO et la CFTC ayant décidé de le parapher.
Anne Bariet
Accord salarial dans la branche des services automobile
01/03/2023
Quatre syndicats (FGMM-CFDT, CFTC, CFE-CGC et FO) ont signé avec le patronat de la branche des services automobile un accord salarial. Ces discussions, réclamées par les syndicats afin de revoir les grilles conventionnelles après la hausse du Smic du 1er janvier 2023, prévoient une augmentation de 1 % sur toute la grille des salaires, les premiers échelons étant portés à 1 726€ (+ 17€ au-dessus du Smic), 1 743€ (+ 34 euros), 1 759€ (+ 50 euros).
Commentaire de la FGMM-CFDT : “C’est un accord important pour de très nombreux salariés des entreprises des TPE-PME et de certains groupes de cette branche qui attendent cette revalorisation de la grille avec impatience. Mais cette négociation ne constitue qu’une première étape des négociations à venir sur les salaires minima de branche pour 2023”.
Source : actuel CSE
La CGT ne signe pas le projet d’accord sur le partage de la valeur
01/03/2023
La CGT a confirmé hier, en fin d’après-midi, qu’elle ne signera pas le projet d’accord sur le partage de la valeur. Dans un contexte d’inflation, déplore la confédération, “le patronat persiste à refuser de discuter des augmentations de salaires, notamment des minima de branches, se retranchant fort opportunément derrière l’indépendance des négociateurs à tous les niveaux”.
La CGT critique aussi le fait que “l’accord se limite à un rappel des dispositions légales en vigueur tant pour les négociations salariales annuelles que pour d’autres sujets majeurs comme les classifications ou l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes”.
Selon le syndicat, le fait de permettre de placer la prime de partage de la valeur sur un plan d’épargne entreprise ou d’épargne retraite “ne ferait que favoriser encore plus des régimes de retraite par capitalisation, avec tous les risques que cela comporte pour l’épargne des salariés” si le projet de loi reprenait cette mesure.
Nucléaire : “Le film “la syndicaliste” fait l’impasse sur la dimension collective du syndicalisme”
28/02/2023
Cécile Maire, déjà autrice d’un livre remarquable sur le syndicalisme d’entreprise au prisme de l’amiante, publie un nouvel ouvrage sur l’histoire syndicale de la CFDT dans le nucléaire. Un secteur sous les feux de l’actualité avec notamment la sortie du film “La syndicaliste” et le projet d’évolution de l’organisation de la sûreté nucléaire en France. Interview.
Cécile Maire, vous êtes l’autrice d’un livre sur l’amiante (1). D’où vient l’idée d’en faire un nouveau sur le nucléaire ?
C’est en fait une commande du syndicat S2NM. Il fédère les syndicats CFDT de la partie recherche et cycle du combustible, qui sont rattachés à la métallurgie, le S2NM ne comprenant pas les syndicats des centrales de production électrique.
J’ai écrit ce livre pour les militants syndicaux
Le syndicat souhaitait garder une trace de toute cette histoire humaine qui s’inscrit dans une durée longue, il souhaitait aussi la faire connaître. J’ai écrit ce livre pour eux, pour ces salariés et leurs familles, ces militants, ces responsables syndicaux dont l’action est souvent caricaturée, d’autant que les travailleurs du nucléaire n’ont pas bonne presse.
Il y a peu d’industries et de métiers où l’on soit d’abord obligés de se défendre
Je cite le délégué syndical Philippe Tanguy : “Il y a peu d’industries et de métiers où on soit d’abord obligés de se défendre, d’expliquer qu’on a des enfants, qu’on n’est pas des tueurs (…) Avant de parler de notre métier en propre, il faut d’abord en passer par là”. Je pense que mon livre peut être très utile à ceux qui commencent leur carrière professionnelle dans ce secteur sans en connaître l’histoire. Mais ce livre peut sans doute aussi parler aux salariés des secteurs de l’énergie et de la défense, qui peuvent être eux-aussi confrontés à la mauvaise image de leur activité et à des problématiques de sécurité très fortes, et plus généralement à tous ceux qui s’intéressent aux pratiques et stratégies syndicales, à l’organisation collective, à la négociation.
Demain sort sur les écrans le film “La syndicaliste”, autour de la figure de Maureen Kearney (2). Cette dernière, qui était alors secrétaire du comité de groupe d’Areva, a été victime en 2012 d’une terrible agression à domicile jamais élucidée, alors qu’elle s’opposait à un projet de transferts de technologie vers la Chine, et qu’elle préparait une action en justice pour délit d’entrave contre la direction d’Areva. Avez-vous vu le film ?
Je l’ai vu, en effet. D’abord, je trouve qu’il était temps qu’on donne un large écho à ce scandale qui ne sera probablement jamais jugé : nous parlons ici d’un viol perpétré en 2012 contre une femme porteuse d’un mandat syndical, c’est quand même exceptionnellement grave ! Ensuite, on a cherché à faire passer la victime pour la coupable, en l’accusant de dénonciation mensongère.
Je suis satisfaite que Maureen Kearney soit enfin réhabilitée
Maureen Kearney a d’ailleurs été condamnée pour cela en première instance en 2017, et même si elle a été blanchie en appel en 2018, on ne retrouvera sans doute jamais ceux qui ont fait ça et ceux qui ont commandité cette agression (2). Pour moi, et comme d’ailleurs le livre de Caroline Michel-Aguirre l’a montré, c’est une affaire d’Etat. Je suis aussi satisfaite que Maureen Kearney, qui a été traînée dans la boue, soit aujourd’hui réhabilitée avec ce film et qu’elle ait l’occasion de s’exprimer elle-même sur tout cela. Maintenant, le film m’a plusieurs fois gênée.
Qu’est-ce qui vous gêne dans ce film ?
Le film joue sur l’émotion et sur le suspense, il joue sur l’ambiguïté : s’agit-il d’une agression véritable ou le fruit d’une imagination ? Je trouve que cela crée un malaise. Ensuite, le film occulte totalement la dimension collective du syndicalisme, il n’offre pas une représentation vraisemblable de ce qu’est le syndicalisme et le combat collectif, ce qui est un comble pour un film qui s’appelle “la syndicaliste”. Or le personnage de Maureen Kearney est porteur d’une parole collective, elle est mandatée par un collectif.
Mais Maureen Kearney n’est-elle pas un “personnage” à part ?
Le parcours de Maureen et sa personnalité sont atypiques, bien entendu : dans un milieu très masculin qui valorise la science, c’est une femme, une étrangère (Irlandaise) qui plus est, qui enseigne l’Anglais dans un groupe nucléaire français, et qui se mêle des histoires françaises en apportant sa pratique consistant à ne pas hésiter à interpeller patrons, parlementaires et ministres. Ce n’est pas courant.
Le côté collectif d’un comité de groupe et du syndicalisme n’apparaît pas dans le film
Mais ces différences, qui sont autant de richesses, ont été acceptées au sein de la CFDT, elle était même à la tête du comité de groupe européen d’Areva, elle animait tout un collectif, ce n’est pas rien tout de même ! Mais tout cela n’apparaît pas dans le film. On ne voit jamais l’animation d’un collectif, qui consiste à débattre, à poser des options, à prendre des décisions collectives. De même, on ne voit qu’une très pâle figure à la place de Jean-Pierre Bachmann.
Qui est Jean-Pierre Bachmann ?
C’était le coordinateur CFDT d’Areva, et il a été aussi le secrétaire général de l’Union fédérale des syndicats du nucléaire, la structure qui a pris en charge finanicèrement les procès de l’affaire. Il a toujours soutenu Maureen, y compris dans des moments difficiles où il était débordé : imaginez le flot d’activité syndicale qu’il a dû déployer de 2012 à 2018, entre la crise du secteur, les changements du code du travail et les ordonnances Macron avec le passage au CSE.
Un coordinateur syndical très actif, qui a toujours soutenu Maureen
Lui qui a toujours été très actif, avec une personnalité fantasque et grande gueule, et bien, dans le film il apparaît comme une sorte de bras droit un peu benêt ! Et le film représente la syndicaliste comme quelqu’un qui est seule, isolée. Or justement, dans certaines entreprises, que dit-on pour discréditer un délégué syndical ? Qu’il travaille seul, qu’il est isolé, qu’il ne représente personne, c’est le reproche suprême ! Et il n’est pas question non plus du délit d’entrave que la secrétaire du comité de groupe veut déclencher faute d’obtenir certaines informations…
Justement, après l’agression de Maureen Kearney, le projet d’action en justice pour délit d’entrave sera abandonné…
Cette agression a traumatisé les équipes. Les élus et représentants syndicaux ont choisi de signer une clause de confidentialité en échange de l’obtention d’informations de la part de l’entreprise, ils ont donc décidé d’arrêter les frais, mais sans lâcher le morceau, ils ont nommé un expert ensuite.
L’actualité du nucléaire, c’est aussi ce projet du gouvernement de réorganiser la sûreté nucléaire. Qu’en pensez-vous ?
Je ne suis pas vraiment qualifiée pour en juger. Si je me rapporte à la réaction de la CFDT du secteur (lire notre encadré), les syndicats, pour lesquels les questions de sécurité et de sûreté ne sont jamais acquises dans le nucléaire, déplorent de découvrir un projet dans la presse auquel ils n’ont pas du tout été associés.
Revenons à votre livre. On découvre que la CFDT, dans les années 70, était contre le plan Messmer qui allait généraliser le nucléaire en France…
En effet ! La CFDT, qui continue parfois d’être taxée d’anti-nucléaire par ses concurrents, défendait déjà le mix-énergétique, avec l’idée d’une montée en puissance des énergies renouvelables. La CFDT était contre le tout-nucléaire et c’est toujours le cas, même si cela s’exprime différemment après 50 ans d’exploitation nucléaire. Dans la postface de mon livre, Sébastien Lambert, le secrétaire général du Syndicat national du nucléaire et de la métallurgie (S2NM-CFDT) exprime d’ailleurs bien cette position pas si facile à assumer : “Nous assumons, au sein du S2NM, le choix politique d’avoir un mix-énergétique plus équilibré. Connaissez-vous beaucoup de salariés qui acceptent et revendiquent la diminution des activités de leur champ professionnel sur le long terme ?”
L’idée était déjà celle d’un mix-énergétique
Il faut bien reconnaître cependant un changement de stratégie syndicale ou plutôt de poste syndicale, notamment à la Hague, dans les années 80. Par exemple, le syndicat a pris position pour l’EPR de Flamanville au motif que sans ce chantier, on risquait de perdre des compétences cruciales pour la filière, y compris la maintenance de l’activité et le traitement des déchets. Il y a eu aussi une autre façon d’aborder les problèmes de sûreté et de rejets : pour éviter toute dramatisation excessive qui risquait de braquer les salariés, on n’appelait plus la presse tout de suite en cas de problème, on travaillait d’abord en interne sur le sujet.
Vous citez un syndicaliste du nucléaire selon lequel “les meilleurs années pour le dialogue social, c’était après l’assassinat de Georges Besse par Action directe, car les patrons avaient peur”…
Attention, je ne cautionne pas le meurtre des patrons, l’auteur de ces mots non plus d’ailleurs, on est ici dans la provocation ! Le message, c’est : “Les directions ne comprennent que le rapport de forces”. J’ai gardé ce passage pour montrer la diversité des opinions et des expressions dans un syndicat.
Avant d’entrer dans un conflit, il faut regarder la sortie !
Je cite aussi ce mot de Sébastien Heurtevent qui le tient de Jean-Pierre Bachmann : “Avant d’entrer en conflit, regarder la sortie !” Il parle d’un mouvement de grève sur les salaires en 2007 qui a été un échec car le mouvement était mal préparé. J’en fais le récit car un livre n’est pas un rapport de congrès confédéral où tout va souvent très bien, je pense qu’un échec aussi est instructif…
(1) Cécile Maire a été secrétaire générale de la fédération métallurgie de la CFDT de Normandie puis secrétaire générale adjointe de l’Union régionale CFDT de Normandie, un mandat qu’elle vient de quitter. Son livre s’intitule “Les cousins de l’atome, ou militer à la CFDT dans l’union fédérale des syndicats du nucléaire”, 350 pages, 20€. Pour lire un extrait et commander le livre, voir www.bookelis.com ou contacter l’autrice, par exemple via Linkedin.Pour lire un compte-rendu de son livre précédant portant sur le syndicalisme d’entreprise au prisme de l’amiante, voir notre article du 31 août 2017.
(2) Le film “La syndicaliste” du cinéaste Jean-Paul Salomé, adapté du livre de Caroline Michel-Aguirre, sort en salles ce mercredi 1er mars. Isabelle Huppert (ci-contre) incarne la figure de Maureen Kearney. Voir la bande-annonce.Le livre de Caroline Michel-Aguirre suggère que l’agression et le viol perpétrés en 2012 contre la syndicaliste pourraient avoir été commandités par les bénéficiaires de rétrocessions en cas de vente à l’étranger de la technologie nucléaire française. Le livre évoque également, comme le rapporte France Inter, une autre agression du même type subie, cette fois, par la femme d’un cadre de Véolia, après que ce dernier se soit opposé, dans une histoire de contrats similaire, à un intermédaire.
CFDT et FO s’opposent au projet du gouvernement de réorganiser la sûreté nucléaire
Le gouvernement, qui souhaite relancer la construction de centrales nucléaires en France, entend remanier l’organisation de la sûreté de ce secteur en rapprochant l’Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN) et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), comme le prévoit un amendement introduit dans le projet de loi sur l’accélération du nucléaire. Ce projet n’est pas du goût de FO qui dénonce un “bricolage à la va-vite d’un pôle unique” : “En France, les organismes (IRSN, ASN, ASND, CEA) qui concourent à la sûreté nucléaire sont reconnus parmi les meilleurs au plan international, et l’organisation de la sûreté est le résultat de décennies d’interactions et de retours d’expériences (..) Le maintien d’une sûreté nucléaire indépendante et efficace est une garantie indispensable à la sécurité des travailleurs, de la population, de l’environnement, et des installations. C’est aussi une condition de l’acceptabilité des activités réparties sur tout le territoire”. FO conteste donc cette réorganisation et entend s’opposer au calendrier annoncé. La CFDT est également critique sur ce projet. “L’organisation actuelle de la sûreté nucléaire en France a jusqu’à présent démontré la complémentarité entre l’Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN) et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Accélérer les procédures dans le domaine du nucléaire ne signifie pas pour la CFDT de devoir démanteler le système actuel de gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection”. Et le syndicat de réclamer “l’abandon du projet et une véritable concertation avant tout changement”. La CFDT rapporte que la pétition contre le démantèlement de l’IRSN rassemble déjà plus de 8 000 signataires, et qu’une journée de protestation contre ce projet rassemble aujourd’hui, mardi 28 février à 14h30, les salariés de l’IRSN devant l’Assemblée. Le syndicat demande que “tout changement de l’organisation et de la structuration de la sûreté nucléaire” fasse “l’objet d’un véritable dialogue avec les parties prenantes”.
Bernard Domergue
Droits des femmes : l’intersyndicale appelle “à se saisir du 8 mars”
28/02/2023
L’intersyndicale contre la réforme des retraites, qui entend mettre “la France à l’arrêt” le 7 mars, appelle également “les travailleuses et travailleurs à se saisir du 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, pour dénoncer partout l’injustice sociale majeure de cette réforme des retraites envers les femmes”.
L’intersyndicale déplore que les salaires des femmes soient toujours inférieurs de 25% en moyenne à ceux des hommes en 2023. “Les discriminations et inégalités professionnelles subies par les femmes durant toute leur carrière ne sont pas seulement reproduites au moment de la retraite mais fortement amplifiées. L’index Egalité professionnelle n’a d’ailleurs rien résolu pour les inégalités salariales dans le privé et ne résoudrait rien dans le secteur public. Les femmes perçoivent des pensions de droit direct inférieures de 40% à celles des hommes, elles sont deux fois plus nombreuses à travailler jusqu’à 67 ans (fin de la décote), et 40% d’entre elles partent en retraite avec une pension incomplète”, argumentent les syndicats qui jugent donc que le recul de l’âge de départ à 64 ans “ne fera qu’aggraver la situation économique des femmes, comme le relève l’étude d’impact de la réforme”.
Source : actuel CSE
Règlement des données : la Cnil publie un guide pour les organisations syndicales
01/03/2023
“Afin d’accompagner les organisations syndicales de salariés dans leur mise en conformité”, la Cnil (commission nationale informatique et libertés) publie un guide de sensibilisation au règlement général sur la protection des données (RGPD). Cette initiative résulte de contrôles opérés en 2018 par la Cnil auprès d’organisations syndicales qui avaient révélé “des difficultés dans l’application des règles informatique et libertés”. On pense notamment à l’affaire des fichiers qui a provoqué en 2018 une crise interne chez FO et la démission de son secrétaire général.
une explication des missions de la Cnil et termes essentiels à la compréhension du guide ;
12 fiches thématiques reprenant les principes « Informatique et Libertés » ;
un glossaire définissant les termes techniques ;
deux annexes : une fiche de sensibilisation récapitulant 5 bons réflexes à adopter lors d’un traitement de données ainsi qu’une fiche de registre des activités de traitement vierge.
En plus de ce guide on peut signaler une publication de 2020 de la Cnil : quelles sont les bonnes pratiques pour la tenue d’un fichier d’adhérents ?
Source : actuel CSE
Le droit d’agir en justice au nom l’intérêt collectif de la profession ne dépend pas du nombre de salariés concernés
02/03/2023
L’action intentée par un syndicat au nom des intérêts collectif de la profession en cas de méconnaissance par l’entreprise d’un accord collectif est recevable, même si cette violation ne concerne que quelques salariés.
Les syndicats sont notamment là pour défendre les intérêts collectifs de la profession qu’ils représentent. Si besoin est, ils peuvent agir en justice concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession (article L. 2132-3 du code du travail). Cela leur permet notamment d’intenter une action en cas de méconnaissance par l’employeur d’une convention ou d’un accord collectif de travail, tel que la convention collective ou un accord d’entreprise. Et ce, même s’ils n’en sont pas signataires (Cass. soc., 4 juin 2014, n° 13-15.142).
Mais attention, c’est toujours sous réserve que soit en jeu l’intérêt collectif de la profession et non les intérêts individuels des salariés.
A noter : l’intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat ne doit pas être confondu avec l’intérêt individuel de ses membres, qui relève de leur seule action individuelle. Le syndicat n’est pas recevable à défendre en son nom les intérêts propres du salarié.
Comme nous le montre une intéressante jurisprudence du 15 février 2023, l’intérêt collectif ne dépend pas du nombre de salariés concernés.
La CGT va en justice contre un accord d’entreprise
L’affaire se déroule au sein de la société ERDF, devenue Enedis. Invoquant la violation des dispositions d’un accord entreprise relatif aux mesures d’accompagnement des réorganisations de l’entreprise, la Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT (FNME-CGT) et le syndicat CGT énergie 24 intentent une action en justice en invoquant une atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession. L’employeur doit être condamné à leur verser des dommages et intérêts.
Dans un arrêt du 3 juin 2021, la cour d’appel de Paris rejette la demande au motif que les deux organisations syndicales “se fondaient sur la situation individuelle de quatre salariés sur les 9 573 salariés concernés”. Il n’était donc pas “démontré que l’ensemble de la profession représentée par ces syndicats a subi un préjudice même indirect résultant des manquements invoqués”.
La Cour de cassation ne partage pas ce point de vue et casse l’arrêt rendu par la cour d’appel. D’après les juges “l’action introduite par un syndicat sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail est recevable du seul fait que ladite action repose sur l’inexécution de dispositions d’une convention ou d’un accord collectif qui cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession”. De ce fait, “la circonstance que seuls quelques salariés de l’entreprise seraient concernés par cette violation étant sans incidence sur le droit d’agir du syndicat”.
Une jurisprudence confirmée
Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation décide que le nombre de salariés de l’entreprise ou de l’établissement touchés par la violation des dispositions d’un accord collectif n’a pas à être pris en compte au regard de la recevabilité de l’action syndicale intentée au nom de la défense des intérêts collectifs de la profession (Cass. soc., 9 juill. 2015, n° 14-11.752). Dans cette affaire, l’action introduite par le syndicat avait été rejetée en appel sous prétexte qu’elle ne tendait pas “à faire sanctionner une violation générale et systématique par la société de la réglementation et de l’accord collectif conclu en matière de temps et de durée du travail”.
Cette motivation n’a pas été admise en cassation. Dès lors que l’intérêt collectif de la profession est en jeu, l’action du syndicat est recevable, même s’il n’y a qu’un petit nombre de salariés concernés.
Frédéric Aouate
Retraites : cinq grandes fédérations de la CGT promettent “une semaine noire”
03/03/2023
Comment peser sur le gouvernement pour faire échec à la réforme des retraites, sans risquer l’isolement et le phénomène de grève par procuration, et sans encourir le reproche de défendre surtout les régimes spéciaux ? Cinq grandes fédérations de la CGT répondent en coordonnant des actions reconductibles la semaine prochaine : coupures d’électricité, grève à la SNCF et dans les raffineries, journée “ports morts”, etc.
“Emmanuel Macron, si tu continues, il va faire tout noir chez toi”. Dans le vaste patio du siège de la CGT à Montreuil (93), hier en fin de matinée, c’était presque l’ambiance des grands soirs : plus de 200 militants, arborant casquettes et drapeaux, appartenant à 5 grosses fédérations (ports et docks, mines-énergie, cheminots, chimie, verre-céramique) ont entonné quelques chants en guise d’échauffement avant le 7 mars, jour promis par l’intersyndicale pour “mettre la France à l’arrêt”. Commentaire de Sébastien Menesplier, secrétaire général de la FNME-CGT (mines-énergie) : “Cette journée, ça fait du bien, les militants ont le moral gonflé à bloc !”
Au cœur de l’activité économique du pays (EDF, SNCF, activité portuaire, raffineries, etc.), ces puissantes fédérations CGT (*) ont en effet décidé hier de réunir leurs syndicats et leurs délégués syndicaux centraux pour coordonner leur action la semaine prochaine dans le but revendiqué de bloquer l’économie afin de pousser le gouvernement à renoncer à sa réforme des retraites. Sans dévoiler le détail de leurs actions, les cinq secrétaires généraux de chaque organisation ont livré à la presse leur stratégie.
S’organiser pour provoquer un effet d’entraînement
Alors que la CGT tient son congrès fin mars et n’est pas à l’abri de divisions pour la succession de Philippe Martinez, ce dernier devant passer la main à une Marie Buisson parfois contestée en interne par certaines de ces grandes fédérations, cette stratégie est conduite dans le respect de la ligne confédérale, et en contact avec le secrétaire général confédéral, a assuré Laurent Brun.
Et secrétaire général des cheminots CGT de préciser : “C’est la confédération qui a lancé un appel à la grève reconductible il y a une quinzaine de jours, et nous nous efforçons de mettre en œuvre cet appel, en espérant que d’autres fédérations, comme la construction et le bois-ameublement par exemple, nous rejoignent”.
Aujourd’hui, “nous ne débattons pas du congrès de la CGT, nous nous battons contre la réforme des retraites”, coupe Sébastien Menesplier, le secrétaire général des mines et énergie.
Nous ne voulons pas d’une grève par procuration
Pour Laurent Brun, cette initiative coordonnée n’arrive pas trop tard : il fallait bien, explique-t-il, que les nombreux manifestants moins aguerris que les syndicalistes expérimentés se rendent comptent qu’il ne suffisait pas de faire nombre pour faire plier le gouvernement, pour enclencher une nouvelle étape. De plus, cette coordination est inédite : “Nous ne voulons pas d’une grève par procuration car cela signifierait que nous serions les seuls à faire grève. C’est pour cela que nous nous organisons afin de provoquer un effet d’entraînement, et c’est ce qui nous avait manqué lors de précédents mouvements. Habituellement, le vote d’une réforme porte un coup dur à un mouvement. Là, le passage à l’Assemblée n’a fait que renforcer la mobilisation pour le 7 mars”.
Le calendrier parlementaire n’est pas le nôtre
Interrogé sur la course de vitesse lancée par le gouvernement et sa majorité, Emmanuel Lepine, secrétaire général de la CGT chimie (FNIC), répond sans se démonter : “Le calendrier parlementaire a sa logique mais ce n’est pas la nôtre. On sait quand on lance une grève, on ne sait jamais quand elle finit”. Tous se défendent de vouloir préserver seulement leurs régimes spéciaux en assurant combattre le passage à 64 ans et l’augmentation de la durée de cotisation, deux points qui touchent tous les salariés.
Un mouvement reconductible aux actions variées
Il ne s’agit pas pour autant, avec cet appel à des grèves reconductibles, de donner le signal d’un mouvement continu et illimité. “D’abord, parce que la grève reconductible, ça se construit par le bas, pas par le haut”, dit Sébastien Menesplier. Ensuite, parce que les modalités de ces actions vont varier, selon les fédérations et les activités.
Mais l’objectif commun est de peser sur l’économie afin d’engager une nouvelle étape du rapport de forces avec le gouvernement. “Dans notre fédé, nous avons 11 branches. Vous comprenez bien que ce n’est pas la même chose de faire grève dans une raffinerie que de le faire dans la répartition pharmaceutique, où une entreprise peut se débrouiller pour remplacer ses chauffeurs. Dans ce secteur, il vaut mieux faire des débrayages pour perturber plus efficacement l’activité”, illustre Emmanuel Lepine.
Journée “ports morts” le 8 mars
Tony Aubois, secrétaire général de la fédération ports et docks, abonde : “Si nous cessons de faire des heures supplémentaires, nous perturbons le chargement et le déchargement des navires”. Ce dernier promet 48 heures de grève les 7 et 8 mars avec une journée “ports morts” le mercredi 8.
Côté cheminots, un mouvement de grève reconductible, qui prendra effet dans la soirée du lundi 6 mars, est annoncé par la CGT mais aussi par tous les syndicats représentatifs de la SNCF (**), indique Laurent Brun qui a réuni hier pas moins de 224 syndicats. “Je n’ai jamais vu depuis 2006 une assemblée générale aussi dynamique”, se réjouit Emmanuel Lepine (chimie) qui annonce des grèves à partir du 6 mars également.
A partir de lundi, c’est la grève jusqu’à la gagne
Un mouvement reconductible est également lancé dans la branche verre-céramique, particulièrement concerné par les problèmes de pénibilité. Sson secrétaire général, Philippe Thibaudet, réclame la retraite à 60 ans et à 55 ans pour pénibilité : “Cette bataille est jouable et gagnable”.
Enfin, dans l’énergie, Sébastien Menesplier promet une “semaine noire” dans quelques jours : “A partir de lundi, c’est la grève jusqu’à la gagne ! Les actions seront nombreuses. Oui, nous allons faire des coupures ciblées et des coupures stratégiques. Oui, nous allons couper des entreprises. Oui nous allons continuer notre action Robin des bois (***)”.
(*) Certaines de ces fédérations restent des “bastions” pour la CGT malgré l’érosion de ses résultats dans le secteur privé : le syndicat garde une représentativité de 80% dans les ports, de 42% dans la branche industries électriques et gazières, de 35% à 40% dans la céramique-verre, de 28 à 35% dans la chimie, de 32% chez les cheminots. La CGT revendique 32 000 syndiqués chez les cheminots, 23 000 dans la chimie, 20 000 dans les ports et docks, etc.
(**) A la RATP également, un appel à la grève reconductible a été lancé à partir du 7 mars par tous les syndicats (CGT, FO, UNSA et CFE-CGC).
(***) Actions visant à rétablir l’électricité et/ou le gaz coupé chez des particuliers ou associations, par exemple, pour défaut de paiements, ou à les livrer gratuitement.
Bernard Domergue
[Film] La Syndicaliste, ou le calvaire d’une lanceuse d’alerte
03/03/2023
S’il était issu d’un scénario original, on peinerait à y croire tellement les ingrédients du thriller politique imprègnent le film. Mais voilà, le film La Syndicaliste est tiré d’une histoire vraie et adapté du livre d’une journaliste. Le résultat est glaçant.
Tout y est : ministres impuissants, catastrophe industrielle et sociale, puissance étrangère aux appétits féroces, patrons redoutables, enquête bâclée, preuves disparues, etc. Bref, c’est bien une affaire d’État que met à l’écran Jean-Paul Salomé, dans le film La Syndicaliste, sorti en salles ce 1er mars.
L’histoire vraie de Maureen Kearney
En 2012, Maureen Kearney, secrétaire CFDT du comité de groupe européen d’Areva, est agressée et violée à son domicile, alors qu’elle se sentait surveillée et recevait des menaces anonymes par téléphone. Elle tentait depuis plusieurs mois d’alerter la classe politique sur les risques sociaux que faisait planer sur Areva un projet d’accord secret entre EDF et une entreprise chinoise. Le but de l’opération : transférer à la Chine les savoir-faire d’Areva sur les réacteurs de moyenne puissance, puis liquider les emplois correspondants et faire d’EDF la plaque tournante du nucléaire français. Maureen Kearney va se dresser contre ces projets et le payer très cher.
Par incompétence, manque de temps ou auto conviction, les gendarmes vont vite tourner en rond et en déduire que la syndicaliste de la CFDT a mis en scène sa propre agression. Passant du statut de victime à celui d’accusée, elle sera placée en garde à vue puis jugée coupable de dénonciation mensongère par le tribunal correctionnel de Versailles le 6 juillet 2017 (lire le compte-rendu de ce procès dans Dalloz actualité). Mais l’Irlandaise d’origine ne lâche pas le morceau. Elle revient sur ses aveux arrachés sous la pression des policiers, change d’avocat et de psychologue (au profit d’un ancien médecin militaire spécialiste des traumatismes de guerre), et fait appel. La défense s’organisera autour de deux points : tout d’abord, Maureen Kearney n’a pas pu se ligoter elle-même car une blessure à l’épaule causée par une chute immobilisait sa main droite. Ensuite, l’absence de traces ADN de l’agresseur ne signifie pas pour autant que la gendarmerie n’en a trouvé aucune : les analyses envoyées au laboratoire ont disparu… La cour d’appel de Versailles l’acquittera le 19 septembre 2018 (lire cet article).
Isabelle Huppert, Marina Foïs, Yvan Attal
La ressemblance entre l’actrice et Maureen Kearney est plus que frappante et exploitée à fond dans le film : même corps frêle à la limite de la maigreur, même chignon blond relevé derrière la tête, même régularité des traits. Isabelle Huppert semble parfois un peu coincée dans le rôle de la femme traumatisée chez qui on tente d’insinuer le doute, surtout quand on connaît la variété de sa palette de jeu. Mais son interprétation répond à merveille à celle de Marina Foïs qui campe avec justesse une Anne Lauvergeon en patronne de choc. Yvan Attal habite un Luc Oursel en chef d’Areva irascible, n’hésitant pas à envoyer une chaise à la figure de Maureen Kearney en pleine réunion (l’anecdote est vraie).
Un manque de collectif ?
Organisée par la CFDT Cadres et sa secrétaire nationale, Franca Madinier, en présence du réalisateur Jean-Paul Salomé et Maureen Kearney, la projection-débat à laquelle nous avons assisté, mercredi 1er mars au cinéma mk2 du 13ème arrondissement de Paris, a permis aux syndicalistes (CFDT) de poser leurs questions. Ils sont venus la plupart du temps en petits groupes remplir la grande salle aux confortables fauteuils rouges.
L’une d’entre eux a jugé dommage que le film occulte la dimension collective du combat d’une Maureen Kearney abandonnée par les autres élus du personnel. La réalité est en effet différente de l’impression donnée par le film : la secrétaire du comité de groupe européen a été soutenue par son syndicat et la confédération CFDT (dont Laurent Berger) qui a pris en charge ses frais d’avocat.
Très émue par les applaudissements de la salle, Maureen Kearney a insisté sur ce point après la projection : “Vous m’avez soutenue du début jusqu’à la fin. Ce combat a été gagné collectivement”. De même, selon Sébastien Lambert, secrétaire général du Syndicat national du nucléaire et de la métallurgie (S2NM-CFDT), “nous, tes copains, on sait que tu as été seule parce que tu as été meurtrie dans ta chair. Par contre, sur le reste, la CFDT ne t’a jamais abandonnée car tu ne l’as jamais abandonnée, tu as assumé les mandats qu’on s’était donnés collectivement”.
Le réalisateur Jean-Paul Salomé explique à la salle ses choix cinématographiques par la nécessité de tenir en deux heures un film grand public, en mode thriller politique et centré sur l’héroïne. Si le film ne met sans doute pas suffisamment en valeur le personnage de Jean-Pierre Bachmann, coordinateur CFDT d’Areva, c’est pour les mêmes raisons : réserver les projecteurs à Maureen Kearney, victime d’un État qui laisse filer des secrets nucléaires, et de services de police incapables de diligenter une enquête sérieuse. La Syndicaliste n’est donc pas un documentaire, et le spectateur désireux d’en savoir plus devra se tourner vers l’ouvrage de Caroline Michel-Aguirre, paru en format poche à l’occasion du film (1). Cette configuration contribue sans doute au rythme quelque peu haché du film, contraint de s’adapter au déroulement des événements. La Syndicaliste n’en reste pas moins un film à voir, en particulier pour qui n’aura jamais entendu parler de cette affaire.
Une leçon de courage militant
Comme l’a lancé Franca Madinier, secrétaire nationale de la CFDT Cadres, ” Si Maureen avait été un homme, aurait-elle subi les mêmes torts ?”. L’interrogation est pertinente et reprise par Béatrice Lestic, secrétaire nationale de la CFDT en pointe de la lutte contre l’inégalité hommes-femmes, pour qui Maureen Kearney a été agressée parce qu’elle était une femme : “On n’a pas d’exemple à ma connaissance d’homme militant à qui on fait subir des agressions sexuelles pour le faire taire. On peut le battre, l’insulter, mais sans agression sexuelle. C’est une vraie arme sexiste et masculiniste”. La lanceuse d’alerte a vécu également la double peine de ne pas être crue et de voir son agression retournée contre elle. Un calvaire que vivent encore trop souvent de nombreuses femmes en France qui témoignent d’enquêtes à charge et du manque d’écoute du duo police/justice.
Maureen Kearney s’est enfin heurtée à des journalistes peu précautionneux, diffusant son adresse, harcelant sa fille au téléphone. “Les médias ont traité le sensationnel. Il y eu plein d’articles quand j’ai été condamnée. Et seulement deux ou trois au moment de mon acquittement”, dit-elle avec un délicieux accent irlandais. A-t-on tiré les leçons de cette affaire ? Est-on assuré qu’elle ne se reproduira pas ? Rien n’est moins sûr. Quant aux secrets d’Areva, ils ont bien été transférés à la Chine qui vend désormais des centrales nucléaires partout dans le monde grâce au savoir-faire français. Au passage, l’affaire aura brisé la vie d’une femme courageuse. Tout ça pour ça. Mais que voulez-vous, les affaires sont les affaires…
Salariés vulnérables : comment préparer leur retour en entreprise
27/02/2023
Le ministère du travail vient de mettre à jour son questions-réponses sur les salariés vulnérables à la Covid-19. Il délivre des conseils pour préparer au mieux le retour de ces salariés au travail.
Prolongée d’un mois de manière informelle par le ministère de la santé, la possibilité de placer en activité partielle les salariés de droit privé se trouvant dans l’impossibilité de continuer à travailler à distance et considérés comme vulnérables à la Covid-19, arrive à terme fin février.
Afin d’accompagner au mieux les entreprises pour préparer le retour de ces salariés sur le lieu de travail, le ministère du travail a mis à jour son questions-réponses sur les salariés vulnérables.
Préparer le retour des salariés vulnérables au bureau
Le ministère du travail précise que le retour en entreprise des salariés placés en activité partielle en raison de leur vulnérabilité à la Covid-19 “doit faire l’objet d’une attention particulière de la part des employeurs”. Dans le cadre d’un échange avec le salarié, et en lien avec un professionnel de santé au travail, l’employeur doit réfléchir aux mesures utiles pour assurer sa protection sur site. Ces mesures peuvent être notamment :
la mise à disposition d’un bureau individuel ou, si ce n’est pas possible, l’aménagement de l’espace de travail pour éviter la promiscuité ;
l’adaptation des horaires pour éviter les heures de pointe ou, si ce n’est pas possible, la prise en charge de modes de transports individuels ;
la vigilance sur le port du masque et le respect des gestes barrières dans les salles de réunion ou les autres espaces confinés où se trouve l’intéressé ;
l’aménagement d’un accès aux espaces de restauration collectifs permettant le respect des gestes barrière ou, si ce n’est pas possible, la recherche de solutions alternatives ;
si le poste de travail le permet, le recours au télétravail est également une option possible, sur la base d’un accord entre l’employeur et l’intéressé.
Il est par ailleurs recommandé d’envisager une visite de reprise. Ou bien, lorsqu’un salarié aura alterné des périodes courtes d’absences et de présence au sein de l’entreprise, d’organiser une visite médicale à la demande au moment de la reprise du salarié.
Solliciter le service de santé au travail
Les services de santé au travail ont effectivement leur rôle à jouer. L’employeur peut les solliciter pour préparer l’accueil du salarié vulnérable. Le salarié lui-même peut également s’adresser au service de prévention et de santé au travail pour solliciter une visite.
Lorsque le salarié s’est éloigné pendant une longue période de leur travail, les services de prévention et de santé au travail ont aussi un rôle d’accompagnement au plan psychologique. Ils peuvent également le conseiller, ainsi que les employeurs, pour favoriser le maintien en emploi.
Le questions-réponses insiste sur le rôle des cellules de prévention de la désinsertion professionnelle (PDP). Elle peut orienter le salarié vers des outils susceptibles de favoriser le retour au travail, notamment le temps partiel thérapeutique ou autre dispositif permettant une reprise d’activité à temps progressif et une réadaptation au travail.
Attention au risque de discriminations
Enfin, le ministère du travail recommande aux employeurs d’être particulièrement vigilants sur le risque de discrimination à l’égard des salariés vulnérables. “Toute décision de l’employeur (promotion, sanctions, mutation, licenciement, formation…) devra être prise en fonction de critères professionnels et non sur des considérations d’ordre personnel, fondées sur des éléments extérieurs au travail”, insiste le ministère du travail.
Si le salarié vulnérable est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur devra respecter une procédure stricte et notamment rechercher toutes les possibilités de reclassement avant de pouvoir le licencier. En cas de non-respect de ces obligations, le salarié pourra s’adresser à l’inspecteur du travail ou au défenseur des droits pour faire cesser ou demander de réparer des situations de discrimination.
Florence Mehrez
Petit récap si vous rentrez de vacances…
27/02/2023
Si vous reprenez le travail, voici l’essentiel à savoir pour vous mettre à jour sur l’actualité intéressant votre mandat de représentant du personnel : réforme des retraites, rôle du CSE sur l’emploi des seniors, le déménagement de l’entreprise, infos à connaître sur la situation économique, formation des élus, accord sur le partage de la valeur, etc.
Bon courage si vous reprenez votre travail et votre mandat aujourd’hui (*). Pour faciliter votre reprise, nous vous signalons ces quelques articles qui vous permettront de vous tenir à jour.
► Retraites : où en est-on ?
Le 17 février dernier, l’Assemblée nationale a achevé dans le tumulte l’examen en première lecture du projet de loi de finances rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS), qui porte l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite et l’accélération de l’augmentation de la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Du fait d’un examen réduit à 15 jours selon la procédure choisie par le gouvernement et d’une bataille d’amendements orchestrée par la France Insoumise, les députés n’ont pas pu se prononcer sur l’ensemble de ce texte ni même sur l’article 7 relevant l’âge de départ, contrairement à ce que souhaitait l’intersyndicale. L’opposition de gauche a néanmoins mis l’exécutif en difficulté au sujet notamment du minima de pension, de la situation des femmes et de la question des carrières longues.
Le texte n’ayant pas été voté, le gouvernement avait donc la main pour transmettre sa version du texte que le Sénat va examiner, d’abord en commission à partir de demain mardi 28 février, puis en séance plénière du 2 mars jusqu’au 11 voire 12 mars. Le gouvernement a par exemple décidé de rétablir l’index seniors qui avait été repoussé par les députés.
Voir notre article sur le contenu de ce texte avec les modifications déjà apportées au texte et que le gouvernement a choisi de retenir
Voir notre article sur les prochaines étapes parlementaires et notre podcast sur les retraites, notamment le passage sur l’article 47-1 et la procédure choisie par le gouvernement (écouter à partir de la 11e minute)
► Retraites : la journée intersyndicale du 7 mars
Après avoir observé une sorte de pause pendant les vacances scolaires, l’intersyndicale (CFDT, CFTC, CFE-CGC, FO, CGT, FSU, Solidaires, UNSA) entend “mettre la France à l’arrêt” lors de la 6e journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le mardi 7 mars, tandis que certains syndicats, dans les transports et l’énergie, envisagent déjà une grève reconductible. Une mobilisation, sur le thème des droits des femmes, est également prévue le 8 mars.
Plusieurs syndicats ont activé leur caisse de grève afin de supporter l’effort que représente une journée de cessation du travail.
► Les outils du CSE pour se saisir de l’emploi des seniors
La réforme des retraites a suscité des discussions passionnées sur les conditions de travail, la pénibilité et sur la difficulté française à les améliorer. Le débat s’est aussi focalisé sur le taux d’emploi des seniors et sur la situation qui leur est faite dans les entreprises. Les organisations syndicales ont notamment exprimé leur scepticisme sur l’index seniors que le gouvernement prévoit dans le projet de loi sur les retraites.
Sur l’emploi des seniors, de quels éléments dispose déjà la CSE ?
Sur la façon dont le CSE peut orienter son action en faveur des seniors, lisez l’interview de Marie-Laure Billotte, directrice de missions au sein du cabinet d’expertise Groupe 3E.
► Renouvellement des CSE : la formation des élus
En 2023 ont lieu de très nombreux renouvellements de comités sociaux et économiques (CSE). Nous vous proposons une infographie rappelant les droits des élus en matière de formation.
► Inflation, marges de l’entreprise, minima conventionnels: des infos utiles pour le CSE
Ce début 2023 est marqué par la persistance d’une forte inflation (+13,5% sur un an pour les produits de grande consommation) qui grignote le pouvoir d’achat des salariés en dépit de la progression des salaires. Si les perspectives économiques semblent s’assombrir et si la facture énergétique pèsera sur les comptes, il n’en reste pas moins que les entreprises ont conservé en moyenne des marges importantes, bien que très variables selon les secteurs d’activité. Nous revenons sur quelques données et chiffres essentiels à connaître sur la conjoncture économique afin de vous permettre de situer votre entreprise et de questionner sa direction au sujet de sa santé économique.
Le décret sur la revalorisation des minima de branche est paru. Ce texte réduit de 3 mois à 45 jours le délai dans lequel les branches doivent ouvrir des négociations lorsque des minima conventionnels sont inférieurs au Smic. Si rien ne se passe dans ce délai, la ou les branches concernées s’exposent à une fusion administrative de branches. Par ailleurs, le décret confirme que l’extension des avenants salariaux doit intervenir dans un délai maximal de 2 mois à compter de la réception de la demande d’extension.
► Déménagement de l’entreprise : quel rôle pour le CSE ?
A l’occasion de la parution d’un guide Secafi, nous vous avons proposé l’interview de Maria Le Calvez, experte spécialisée dans l’aménagement des locaux et le déménagement des entreprises. Comment les élus du personnel peuvent-ils pousser l’entreprise à mieux prendre en compte les questions de conditions de travail, dans un contexte marqué par l’essor du télétravail et du flex-office ?
► Un accord interprofessionnel sur le partage de la valeur ajoutée
Le projet d’accord national interprofessionnel (ANI) sur la valeur ajoutée trouvé par les syndicats et le patronat le 10 février est signé par la CFDT, FO et la CFTC, la CFE-CGC devant se prononcer aujourd’hui, la CGT ne signant pas le texte. Le gouvernement s’est engagé à retranscrire cet accord dans une loi en le respectant, alors qu’il ne comporte pourtant pas le “dividende salarié” promis par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, mais dont le patronat ne veut pas. Il faudra voir à ce sujet la position que prendront les députés Renaissance.
Sur le fond, cet accord prévoit de nombreuses dispositions dont :
un enrichissement de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) sur la stratégie fiscale de l’entreprise (Ndlr : observons que la BDESE n’est souvent déjà pas à jour des nouvelles informations environnementale obligatoires);
la prise en compte des “superprofits” dans les accords de participation et d’intéressement, afin de favoriser un versement d’intéressement ou de participation complémentaire ou d’un abondement au PEE (plan épargne entreprise) ou au PER (plan épargne retraite);
une pérennisation de la prime de partage de la valeur (PPV), qu’il serait possible de placer dans un plan d’épargne salariale ou retraite, selon les modalités en vigueur pour l’intéressement;
trois nouveaux cas de déblocage anticipé de la participation : dépenses engagées en tant que proche aidant, dépenses de rénovation énergétique et achat d’un véhicule “propre”;
la mise en place avant le 1er janvier 2025, dans les structures de 11 à 49 salariés, d’un dispositif légal de partage de la valeur dès lors qu’elles réalisent un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives. Cela se ferait via un accord de branche, un accord d’entreprise ou une mesure unilatérale, les entreprises pouvant opter pour un calcul moins favorable que la formule légale de participation, etc…
► A suivre : l’abandon de poste entraînera une démission
Un projet de décret prévoit qu’un salarié sera présumé démissionnaire s’il ne justifie pas son absence dans un délai de 15 jours. Conséquence : le salarié n’aura plus droit au chômage, contrairement à la situation antérieure qui voyait l’entreprise licencier le salarié absent. Selon la Dares, ces abandons de poste ont représenté, lors du 1er semestre 2022, pas moins de 70 % les licenciements pour faute grave ou lourde dans le secteur privé, soit un total de 123 000 personnes.
► A suivre : les assises du travail
Y aura-t-il, après la question des retraites, une “séquence” consacrée au travail qui se traduira par un nouveau projet de loi ? C’est ce qu’a laissé entendre, en janvier, le ministre du travail qui souhaite présenter cet été un texte en vue du “plein emploi”.
Le gouvernement a de fait lancé début décembre « les assises du travail », une série de débats et de travaux qui doivent aboutir à des propositions d’ici la fin mars.
Lors du dernier débat, organisé au CESE le 14 février, plusieurs propositions ont été esquissées par les animateurs des différents groupes de travail, concertant tant l’ordre du jour des CSE “afin de dégager du temps pour aborder la question environnementale”, que l’amélioration de la culture de la prévention des accidents du travail.
(*) Ndlr : la zone A (Besançon, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Dijon, Grenoble, Limoges, Lyon, Poitiers) a repris le travail depuis le 20 février, les vacances scolaires se terminent ce lundi pour la zone B (Aix-Marseille, Amiens, Caen, Lille, Nancy-Metz, Nantes, Nice, Orléans-Tours, Reims, Rennes, Rouen, Strasbourg), et elles se prolongent jusqu’au 6 mars pour la zone C (Paris, Créteil, Versailles, Montpellier, Toulouse). Pour voir les prochaines vacances scolaires, cliquez ici.
Si vous êtes en région parisienne les 9 et 10 mars, nous vous suggérons de venir au salon Eluceo destiné aux élus de CSE, qui se tient au Stade de France à Saint-Denis. Un livret sur le CSE rédigé par la rédaction sociale de Lefebvre Dalloz vous sera remis à l’entrée, et vous pourrez assister à notre conférence, le jeudi 9 mars de 11h30 à 12h30 salle 3, sur “les grands enjeux 2023 pour les CSE et les droits des salariés”. Nous vous accueillerons aussi volontiers pour un échange dans notre loge (n°007). ► Informations et inscription ici
Bernard Domergue
Les réserves de la Défenseure des droits sur le nouveau titre de séjour “métier en tension”
27/02/2023
Dans un avis rendu hier, la Défenseure des droits émet des réserves sur le projet de loi “immigration”. S’agissant de la création d’un titre de séjour “métiers en tension”, si la Défenseure des droits reconnaît que “l’introduction d’une régularisation des travailleurs concernés déconnectée du pouvoir discrétionnaire de l’administration et de l’intervention obligatoire de l’employeur doit être saluée”, elle déplore que “la création d’un nouveau titre de séjour « métiers en tension » conduit au maintien d’un double régime insuffisamment protecteur des droits des travailleurs concernés”.
Elle craint que ce titre ne soit qu'”un simple dispositif de correction temporaire de la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs de l’économie” et qu’ainsi, “les droits des étrangers, et notamment la protection de leur vie privée et familiale, demeureraient précaires et dépendants des fluctuations de l’économie”, un risque “renforcé par la durée de ce titre de séjour – un an – sans que les conditions de renouvellement ne soient clairement précisées”.
Par ailleurs, dans “une logique de protection des travailleurs sans-papiers”, la Défenseure des droits suggère que la preuve de l’emploi puisse se faire par tout moyen. “En effet, le dispositif actuel de régularisation exclut de fait les salariés les moins bien traités, et notamment ceux qui ne disposent pas de fiches de paie”.
Source : actuel CSE
Abandons de poste : FO dénonce “encore un peu plus de précarité”
27/02/2023
Alors que la Dares vient de publier ses chiffres sur les abandons de poste et que le projet de décret fait son chemin, Force ouvrière dénonce dans un communiqué “la situation extrêmement précaire des salariés”. Le document poursuit : “Le salarié va se retrouver dans une situation extrêmement précaire puisqu’il devra accomplir beaucoup de démarches juridiques (saisine du juge, rédaction de conclusions, etc.) tout en étant privé de ressources (absence totale de rémunération et d’allocations chômage) sans garantie d’obtenir gain de cause ! La ‘présomption de démission’ est contraire à la notion même de démission. Celle-ci ne se présume pas. Elle doit être claire et non équivoque”. FO considère également que les garanties fournies dans le projet de décret (le délai de 15 jours calendaires à respecter après la mise en demeure de l’employeur) sont insuffisantes.
Source : actuel CSE
Ipsos en France étend le congé parentalité rémunéré à 10 semaines
28/02/2023
Ipsos en France a annoncé hier le déploiement de son “Parental Act”, qui porte le congé parentalité à dix semaines et ce, depuis le 1er janvier 2023. Il est ouvert à tous les seconds parents salariés, hommes et femmes, en CDI depuis plus d’un an au sein de l’entreprise.
L’entreprise annonce par ailleurs un Index égalité professionnelle de 92 sur 100 en 2022 et une baisse des écarts de rémunération femmes-hommes de 1,3 % à 0,5 % entre 2021 et 2022.
Ipsos en France souhaite par ailleurs, “à très court terme”, faire passer les femmes dans le top management de 45 % à 50 %.
Source : actuel CSE
Période d’essai renouvelée : un échange de courriels peut-il établir le consentement du salarié ?
01/03/2023
Renouveler la période d’essai n’est possible que si cela est prévu par accord de branche étendu et par le contrat de travail. Le salarié doit, en outre, consentir de manière claire et non équivoque à ce renouvellement. En cas de doute sur ce consentement, les juges peuvent l’établir en s’appuyant sur d’autres éléments. Illustration dans un arrêt récent.
La période d’essai est encadrée par un certain nombre de règles et doit donc être maniée avec précaution. En premier lieu, elle n’est pas obligatoire et ne se présume pas : elle doit être expressément prévue dans le contrat de travail, faute de quoi elle ne peut être appliquée.
Son renouvellement est également soumis à conditions : il faut d’une part que la possibilité en soit prévue par convention ou accord de branche étendu et par le contrat de travail, et d’autre part que le salarié donne son accord exprès et ce, avant l’échéance de la période d’essai initiale.
Un accord exprès est nécessaire
Mais qu’est-ce qu’un accord exprès ? S’il ne fait pas de doute que la mention “lu et approuvé” suivie de la signature apposées par le salarié sur le courrier de renouvellement remis par l’employeur vaut accord exprès et non équivoque (Cass. soc., 21 janv. 2015, n° 13-23.018), il n’en va pas de même si le salarié s’est contenté de signer ledit courrier, sans autre mention. Dans ce cas, il est possible de s’appuyer sur d’autres éléments pour caractériser son accord pour le renouvellement. Un arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2023 en donne l’illustration.
Des éléments complémentaires
Dans cette affaire, la période d’essai d’un DRH est renouvelée puis rompue par l’employeur un mois après le renouvellement. Le salarié, qui s’était contenté de signer la lettre de renouvellement sans autre mention conteste la validité de ce renouvellement, et donc celle de la rupture, intervenue alors que la période d’essai étant selon lui écoulée. Estimant ne pas avoir accepté ce renouvellement de manière claire et non équivoque, il demande la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sa demande est rejetée, au fond comme en cassation. Les juges s’appuient sur des éléments complémentaires à la seule signature pour établir qu’il avait bien consenti au renouvellement. Il s’agissait, en l’occurrence, de courriels adressés à des recruteurs par l’intéressé, dans lesquels il indiquait “que sa période d’essai au sein de la société avait été prolongée et qu’il était en recherche d’emploi”. L’un des recruteurs avait d’ailleurs établi une attestation en ce sens.
La Cour de cassation approuvant la cour d’appel a considéré que la période d’essai avait donc été régulièrement renouvelée et, tout aussi régulièrement, rompue.
Marie Excoffier
Charge de travail et évolution professionnelle : l’entreprise doit tenir compte du mandat
01/03/2023
L’entreprise doit adapter la charge de travail du salarié qui remplit un mandat de représentant du personnel ou un mandat syndical et elle ne doit bien sûr pas tenir compte de l’appartenance à un syndicat pour l’évolution des rémunérations et de la carrière professionnelle : c’est ce qu’on peut déduire des articles L.1132-1 et L. 2141-5 du code du travail. Et c’est ce que rappelle le tribunal judiciaire de Bobigny, dans un jugement du 23 février 2023, à une compagnie d’aviation, Easy Jet en l’occurrence.
Pour l’évolution professionnelle de ses pilotes, la compagnie utilisait un critère d’évaluation basé sur le nombre d’heures de vol réalisées, ce qui ne tenait donc pas compte des éventuelles heures de délégation dont bénéficient les pilotes porteurs d’un mandat.
“L’absence de prise en compte des heures de délégation dans le calcul des heures factorisées constitue donc bien une mesure discriminatoire fondée sur l’appartenance syndicale des représentants du personnel PNT”, juge le tribunal. Défendu par le cabinet d’avocats Société 41, le syndicat des pilotes de ligne (SNPL France Alpa), qui avait porté cette affaire en justice, obtient, outre 5 000€ de dommages et intérêts, la régularisation rétroactive et individuelle des représentants du personnel, l’entreprise devant mettre en place un système d’équivalence intégrant les heures de délégation des élus du personnel.
Source : actuel CSE
Discriminations à l’emploi : comment les députés comptent améliorer l’action de groupe
02/03/2023
Le 8 mars prochain, les députés examineront en séance publique une proposition de loi visant à rendre plus efficace l’action de groupe. Simplification de la procédure, élargissement aux associations de la possibilité d’agir, prise en compte d’éléments de preuve antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi de 2016, création d’un registre national, etc. : autant de changements qui satisfont la Défenseure des droits.
L’action de groupe devrait bientôt évoluer, comme l’avait annoncé le ministre du travail, Olivier Dussopt, le 30 janvier dernier, dans le cadre de la présentation du plan national 2023-2026 de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. L’une des pistes afin de renforcer la lutte contre les discriminations au travail est en effet de “renforcer les actions de groupe en rendant “plus opérationnelles” celles pouvant être conduites par les organisations syndicales et les associations en cas de discrimination dans l’emploi ou l’accès à l’emploi”, avait indiqué le ministre du travail.
Selon nos informations, cette piste devrait passer par la proposition de loi des députés LR, Philippe Gosselin, et Modem, Laurence Vichnievsky, déposée en décembre dernier, dans le prolongement de la mission d’information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe, dont les conclusions ont été présentées au mois de juin 2020. “Le bilan de cette nouvelle procédure était décevant, déplorent les deux rapporteurs auteurs de la proposition de la loi, seules 32 actions de groupe ont été intentées en France depuis 2014, dont 20 dans le domaine de la consommation. Sur cet ensemble, 12 ont fait l’objet d’un rejet et 14 sont toujours en cours. Seules 6 procédures (soit moins de 20 %) ont eu un résultat positif : 3 déclarations de responsabilité du défendeur et 3 accords amiables”.
Après avoir été modifié par la commission des lois, le texte sera examiné en séance publique à l’Assemblée nationale les 8 et 9 mars prochains. La Défenseure des droits vient par ailleurs de rendre son avis sur la proposition de loi dont elle loue les avancées, avec toutefois quelques réserves.
Zoom sur les principaux changements.
Harmoniser les actions de groupe
L’une des modifications majeures de la proposition de loi est d’harmoniser les différentes actions de groupe existantes et de supprimer les dispositions spécifiques dans les différents codes.
La Défenseure des droits, dans son avis du 23 février, “salue la volonté du législateur d’instaurer, par la création d’une loi non codifiée dédiée, un régime général de droit commun des actions de groupe applicable dans tout domaine. Par ce cadre de référence commun, le droit des actions de groupe gagne en lisibilité et en accessibilité. En mettant fin à la disparité des régimes existants, la proposition de loi garantit par ailleurs une meilleure intelligibilité de ce droit”.
Le texte définit l’action de groupe comme celle “exercée en justice par un demandeur pour le compte de plusieurs personnes physiques ou morales, placées dans une situation similaire, subissant des dommages ayant pour cause commune un même manquement ou un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles commis par toute personne agissant dans l’exercice ou à l’occasion de son activité professionnelle, par toute personne morale de droit public ou par tout organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public. L’action de groupe est exercée afin d’obtenir soit la cessation du manquement, soit la réparation des préjudices, quelle qu’en soit la nature, subis du fait de ce manquement, soit la satisfaction de ces deux prétentions”.
Étendre le champ des initiateurs de l’action de groupe
La proposition de loi élargit le champ des personnes susceptibles d’initier une action collective. La Défenseure des droits rappelle dans son avis qu'”en l’état actuel du droit, l’action de groupe est seulement ouverte aux organisations syndicales et à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap. Par ailleurs, concernant le champ de l’emploi, seules les organisations syndicales peuvent initier une action de groupe ; les associations ne peuvent le faire que pour les cas de refus d’embauche et de stage (article L. 1134-7 du code du travail)”.
Des évolutions en ce sens ont lieu via cette proposition de loi. “La nouvelle formulation des articles supprime la distinction entre le stade de l’embauche et les discriminations subies dans l’emploi : une association pourrait désormais, selon la proposition de loi, initier une action de groupe pour discrimination dans la carrière”, indique la Défenseure des droits qui salue cette avancée. Notamment, insiste-t-elle, parce que “les syndicats semblant avoir concentré leurs actions sur des motifs pour lesquels ils sont sensibilisés, soit parce qu’ils les concernent très directement (discriminations syndicales), soit parce qu’ils font l’objet de négociations collectives obligatoires auxquelles ils participent (égalité femmes/hommes), la limitation du recours collectif aux syndicats en matière de carrière apparaît restreindre de fait l’accès au recours des groupes discriminés dont la situation serait insuffisamment prise en compte par les organisations syndicales”.
La proposition de loi prévoit d’élargir la qualité pour agir aux associations agréées, aux associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte (et non plus cinq ans), aux associations agissant pour le compte d’au moins cent personnes physiques se déclarant victimes, aux associations agissant pour le compte d’au moins dix personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés.
L’action de groupe pourra ainsi être exercée par :
les associations agréées ;
les associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte ;
les associations régulièrement déclarées agissant pour le compte soit d’au moins 100 personnes physiques, soit d’au moins 10 personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d’au moins cinq collectivités territoriales se déclarant victimes d’un dommage, causé par le défendeur ;
les organisations syndicales représentatives, au sens des articles L. 2122‑1, L. 2122‑5 ou L. 2122‑9 du code du travail ou de l’article L. 221‑1 du code général de la fonction publique, et les organisations syndicales représentatives de magistrats de l’ordre judiciaire :
a) en matière de lutte contre les discriminations ;
b) en matière de protection des données personnelles ;
c) ou lorsqu’elle tend à la cessation du manquement d’un employeur ou à la réparation de dommages causés par ce manquement à plusieurs personnes placées sous l’autorité de cet employeur.
les entités qualifiées figurant sur la liste dressée par la Commission européenne en application du paragraphe 1 de l’article 5 de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE lorsqu’elle vise à sanctionner des infractions de professionnels aux dispositions du droit de l’Union européenne mentionnées à l’annexe I de la même directive, qui portent atteinte ou risquent de porter atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs.
► A noter que le ministère public pourra exercer, en qualité de partie principale, l’action de groupe en cessation du manquement. Il pourra également intervenir, en qualité de partie jointe, dans toute action de groupe. La Défenseure des droits s’en félicite. “La participation accrue du ministère public à la procédure de l’action de groupe, outre qu’elle acte la gravité de l’atteinte à l’ordre public causée par les discriminations, est de nature à renforcer l’effectivité du dispositif et son efficacité”.
Simplification de la procédure
La proposition de loi supprime l’étape de mise en demeure préalable et prévoit la possibilité pour le juge de la mise en état d’ordonner toutes les mesures provisoires utiles pour faire cesser, dans un délai qu’il fixe, le manquement allégué Le juge de la mise en état pourra ainsi intervenir rapidement pour faire cesser des situations discriminatoires évidentes au regard du dossier des demandeurs. Autant d’évolutions qui satisfont la Défenseure des droits.
Autre source de satisfaction pour la Défenseure, la proposition de loi prévoit une réparation intégrale du préjudice. “De manière peu satisfaisante, en l’état actuel du droit, la réparation varie en effet selon le domaine concerné”. Le texte revient par ailleurs sur une limitation que prévoit actuellement le droit quant au préjudice indemnisable. “En effet, en vertu de l’article L.1134-8, alinéa 2 du code du travail, sauf en ce qui concerne les candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation, sont seuls indemnisables dans le cadre de l’action de groupe les préjudices nés après la réception de la demande de cessation”, souligne l’avis de la Défenseure des droits. “L’article L. 1134-8, alinéa 2 du code du travail contraint actuellement les victimes de discrimination à devoir intenter de nouveaux recours individuels à l’issue de l’action de groupe, par exemple aux prud’hommes s’agissant de salariés, s’ils souhaitent voir indemnisés les préjudices antérieurs à celle-ci (…) Désormais, tous les préjudices, même antérieurs à l’action de groupe, pourront pertinemment être réparés dans le cadre d’un unique contentieux”.
Registre national des actions de groupe
La proposition de loi crée un registre public des actions de groupe en cours devant l’ensemble des juridictions est tenu et mis à la disposition du public par le ministre de la justice. “La Défenseure des droits salue cette avancée “qui répond tout à la fois à des enjeux de publicité et de traçabilité. La tenue d’un registre public des actions de groupe permettra au Défenseur des droits et organisations concernées de connaître les actions en cours. Il pourrait aussi permettre aux personnes de vérifier si elles sont concernées par une telle action”.
Compétence juridictionnelle en matière d’action de groupe
Le texte confie à des tribunaux judiciaires spécialement désignés le traitement des actions de groupe engagées en toutes matières. “Cette mesure, prise dans un souci de rationalisation des compétences et des moyens, semble en effet nécessaire au sein de l’ordre judiciaire. Elle permettra aux tribunaux désignés de développer une expertise essentielle pour le traitement de ces contentieux lourds et complexes et renforcera par conséquent l’efficacité du traitement des actions de groupe”, explique la Défenseure des droits.
Droit transitoire
Enfin, la proposition de loi va permettre d’éviter certains obstacles liés au droit transitoire. On s’en souvient en effet, dans l’affaire Safran, le recours avait été rejeté, le tribunal judiciaire de Paris ayant estimé que la période comprise entre la date d’entrée en vigueur de la loi et celle d’introduction de l’action de groupe le 30 mars 2018 s’avérait objectivement trop courte pour conclure à l’existence d’une discrimination dans l’évolution de carrière des élus syndicaux. “La loi du 18 novembre 2016 empêche de prendre en compte les discriminations avérées avant l’entrée en vigueur de la loi et l’interprétation actuelle des dispositions légales semble de surcroît empêcher de prendre en compte tout élément probatoire antérieur qui se rapporterait à la situation discriminatoire”, déplore la Défenseure des droits.
Ce ne sera plus le cas si le texte est adopté. Il ne prévoit en effet plus cette limitation dans le temps, sauf pour la disposition concernant la sanction civile.
La Défenseure des droits souhaite tout de même que soient adoptés d’autres changements comme, notamment, la possibilité pour les associations et les syndicats, dès le déclenchement de la procédure, de faire connaître par voie de publicité l’action de groupe intentée, disposition qui a été retirée de la proposition de loi initiale par la commission des lois.
Florence Mehrez
Monoprix encadre le travail de nuit et de fin de journée
03/03/2023
Volontariat, réversibilité, majoration salariale, contreparties sociales… Monoprix a signé, le 18 janvier, deux accords relatifs au travail de nuit et de fin de journée. Ils concernent 47 établissements situés hors d’une zone touristique internationale. Le détail des textes.
Après l’annulation, en novembre 2021, par le tribunal judiciaire de Nanterre de l’accord relatif au travail de nuit du 11 décembre 2019 permettant d’employer des salariés après 21h, Monoprix réplique. L’enseigne a signé, le 18 janvier, avec la CFDT et la CFE-CGC, un nouvel accord pour encadrer le travail de nuit et de fin de journée. Conclu à titre expérimental, il est applicable du 22 janvier 2023 jusqu’à la fin de la période des soldes d’hiver 2024 (fixée le 6 février 2024). Les organisations syndicales représentatives et la direction se réuniront deux mois avant cette deadline pour envisager une éventuelle pérennisation des mesures.
Le travail de nuit est justifié, selon l’enseigne, par la “nécessité d’assurer le respect de la sécurité alimentaire, l’approvisionnement des points de vente, la préparation des marchandises avant l’ouverture au public ainsi que par la continuité de l’activité économique”.
Une plage horaire comprise entre 5 heures et 7 heures
Concrètement, le travail de nuit correspond à la plage horaire comprise entre 5 heures et 7 heures. Il concerne 47 établissements composant l’UES Monoprix situés hors d’une zone touristique internationale. Il vise “les emplois en lien avec la fonction de réception et préparation de marchandises, de réassort, ainsi que ceux des membres de l’encadrement utiles à ce type de fonctions”. La décision relève toutefois de l’autorité du directeur de chaque magasin.
Volontariat
Tous les emplois des magasins concernés reposent sur la base du volontariat. Pour les salariés soumis à un forfait annuel en jours, “leur planning devra être établi en amont avec leur accord, en tenant particulièrement compte de l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle”. Dans tous les cas, l’accord précise que si aucun salarié n’est volontaire, il sera alors procédé à des recrutements.
Une fiche de volontariat devra ainsi être remplie : lorsqu’un salarié nouvellement embauché sera amené à travailler de nuit, lorsque les horaires d’un salarié évoluent vers une plage horaire de nuit 5-7 heures ou lors de la mutation d’un salarié vers un établissement ouvert sur cette tranche horaire.
Le refus de travailler totalement ou partiellement sur un horaire entre 5 heures et 7 heures du matin ne pourra justifier le refus d’embauche. De la même manière, ce refus ne pourra pas entraîner de sanctions de quelque nature que ce soit. Il ne peut pas non plus être pris en considération pour refuser une promotion, une mutation ou l’octroi d’un congé.
Réversibilité
Le volontariat sera réversible sous réserve d’en faire la demande par écrit. La direction devra y répondre dans un délai d’un mois, à compter de la réception de la demande de réversibilité, sous réserve des contraintes d’organisation du magasin. Le salarié est alors prioritaire pour occuper un poste relevant de sa catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent n’impliquant pas d’horaires de nuit. En cas de circonstances exceptionnelles liées à un changement important dans la situation personnelle ou familiale du salarié, cette réversibilité “prendra effet dans les meilleurs délais et au plus tard, dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande de réversibilité”.
À noter : en cas de grossesse ou pendant la période du congé postnatal, la salariée a le droit d’être affectée sur un poste sans horaires de nuit.
Ce changement d’affectation n’entraîne aucune diminution de la rémunération de base de la salariée.
Majorations salariales
L’accord prévoit deux niveaux de majoration selon les horaires effectués :
entre 5h et 6h : majoration de 25 % du taux horaire de base du salarié ;
entre 6h et 7h : majoration de 5 % du taux horaire de base du salarié
Pour les salariés qui sont à temps plein, l’accord donne la possibilité de bénéficier, à la place des majorations salariales, d’un repos de récupération en temps égal au nombre d’heures travaillées pendant les périodes de nuit, affectés du coefficient de majoration adapté à chaque heure considérée.
Repos compensateur
L’accord instaure un repos compensateur équivalent à 5 % du temps effectivement travaillé pour les salariées travaillant en heures. Il doit être pris dans un délai maximum de trois mois (soit par heures, soit par demi-journée, soit par journée entière), sous peine d’être imposé par la direction. Les cadres en au forfait-jour débutant avant 6 heures bénéficient d’un repos compensateur forfaitaire deux jours. Ceux qui débutent après 6 heures et avant 7 heures bénéficient d’un repos compensateur forfaitaire d’un jour. Pour les cadres en forfait jours déclarant plus de 141 jours débutant après 6 h et avant 7 h, le repos compensateur forfaitaire s’élève à 1,5 jours.
Le repos compensateur sera acquis, au terme de la période allant du 1er juin au 31 mai et devra être pris par journée entière En outre, les salariés qui répondent à la définition du travailleur de nuit (article L.3122-5, 2° du code du travail) bénéficie d’un repos compensateur spécifique, équivalent à :
trois jours ouvrés pour une durée du travail de nuit comprise entre 270 et 415 heures sur une période de 12 mois consécutifs ;
quatre jours ouvrés pour une durée comprise entre 416 heures et 690 heures ;
cinq ouvrés si le nombre d’heures de nuit travaillées au cours de la période de référence est supérieur à 690 heures.
Autres mesures sociales
Au-delà, le texte accorde une prise en charge du titre de transports en commun à hauteur de 70 % ainsi que le remboursement des frais de taxi pour les situations “pouvant être anticipées”, via le compte de l’UES Monoprix auprès d’une société de VTC. En cas de grève des transports en commun, les frais de taxi seront pris en charge. Les salariés pourront également demander un prêt de 5 000 euros à l’entreprise pour l’acquisition d’un véhicule (voiture ou deux roues) s’ils l’utilisent pour se rendre sur leur lieu de travail, et ce pour une durée maximale de 36 mois Le montant du remboursement ne devra pas être supérieur à un tiers du salaire de base. Salarié et entreprise signeront alors une convention de prêt.
Par ailleurs, l’accord octroie une prise en charge pour la garde d’enfants de moins de 16 ans d’un montant maximal de 1200 euros TTC par an, mensuellement sur présentation d’une facture.
Enfin, l’accord précise que le salarié bénéficie d’une surveillance médicale renforcée. À ce titre, il peut, en sus des visites périodiques obligatoires, demander à bénéficier d’un examen médical auprès du médecin du travail s’il le souhaite.
Travail en fin de journée
Estimant que “l’emploi des salariés jusqu’à 22 heures est une nécessité” pour s’adapter à “l’évolution sociétale du commerce, aux mutations rapides des modes de consommation et aux horaires d’ouverture de la concurrence”, Monoprix décide, dans un second accord, de prolonger le travail de fin de journée jusqu’à 22 heures (et non plus 21 heures). Autrement dit de décaler la période de nuit de 22 heures à 7 heures pour 47 magasins de l’UES. En contrepartie, l’accord prévoit de majoration à hauteur de 30 % du taux horaire de base pour les salariés à l’horaire. Quant aux cadres en forfait-jours et directeurs de magasin, ils se verront attribuer une prime forfaitaire de 20 euros bruts (15 euros bruts pour les agents de maîtrise en charge de la fermeture).
Anne Bariet
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : avocats, nominations, protection sociale, santé au travail
03/03/2023
Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du vendredi 24 février au jeudi 2 mars inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branches que vous retrouvez une fois par mois dans nos colonnes.
Aide aux entreprises
Un décret du 27 février 2023 modifie l’aide en faveur des exploitants de remontées mécaniques dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19
Un arrêté du 22 février 2023 prévoit une aide visant au soutien des entreprises de pêche pour faire face à l’augmentation des prix des matières premières et notamment de l’énergie liée à l’agression de la Russie contre l’Ukraine
Avocats
Un décret du 1er mars 2023 traite du code de déontologie des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation
IRP Fonction publique
Un arrêté du 2 février 2023 précise la composition de la formation spécialisée du comité social d’administration de service central de réseau de la direction générale de la police nationale
Nominations
Un arrêté du 21 février 2023 modifie l’arrêté du 23 mai 2022 portant nomination des membres titulaires du Haut Conseil du travail social
Un arrêté du 17 février 2023 nomme Paul-Mathieu Caitucoli conseiller territoires et innovation sociale au cabinet de la secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative
Un arrêté du 21 février 2023 modifie l’arrêté du 23 mai 2022 portant nomination des membres suppléants du Haut Conseil du travail social
Santé et protection sociale
Un décret du 27 février 2023 traite du suivi médical professionnel des salariés agricoles, des pensions d’invalidité et de la rente pour accident du travail ou maladie professionnelle des non-salariés agricoles et au complément d’indemnisation au titre de leur exposition aux pesticides
Un arrêté du 27 février 2023 modifie l’arrêté du 1er juin 2021 relatif aux mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé maintenues en matière de lutte contre la Covid-19
Un arrêté du 30 janvier 2023 traite de l’organisation et de l’évaluation de la formation spécifique des infirmiers de santé au travail
Violences
La loi du 28 février 2023 créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales est paru au JO
Source : actuel CSE
Retraites : O. Dussopt “réservé” sur l’idée d’un nouveau contrat de travail pour les seniors
03/03/2023
Lors d’une interview hier matin sur RTL, le ministre du travail a expliqué être “réservé” sur l’idée de la commission des affaires sociales du Sénat de créer un nouveau contrat de travail, avec exonérations sociales à la clé, pour favoriser le recrutement des plus de 60 ans : “Avec la Première ministre, nous avions initialement considéré qu’une exonération des cotisations n’était pas le meilleur moyen de favoriser l’emploi des seniors”. Olivier Dussopt a ajouté que ce contrat de travail ne pourrait être éventuellement créé qu’après une concertation préalable des partenaires sociaux.
A propos des autres amendements souhaités par les sénateurs, le ministre a jugé que l’idée d’une surcote bénéficiant aux mères de famille “allait dans le bon sens” : “Cela permettrait, grâce aux trimestres acquis au titre de la maternité, soit d’éviter la décote pour les femmes ayant une carrière hachée, soit de permettre, pour les femmes ayant une carrière complète, une majoration pour les trimestres cotisés entre 63 et 64 ans”.
Au sujet de la polémique sur les niveaux de pension minimum, le ministre du travail a expliqué que la réforme des retraites augmentera les pensions de 1,8 millions de personnes, dont 900 000 percevront une augmentation de 70 à 100€. Pour les nouveaux retraités (800 000 par an), 200 000 auront une pension meilleure : “Certaines personnes vont recevoir 100€ de plus parce qu’elles ont une carrière complète, d’autres auront moins. Environ 40 000 personnes passeront le cap des 1 200€, dont 20 000 personnes par le seul effet de la réforme”.
Sur l’ensemble du projet de loi portant sur les retraites, le ministre du travail s’est montré optimiste quant à la possibilité de trouver un accord sur le texte avec la majorité sénatoriale. Enfin, à propos de la petite phrase du porte-parole du gouvernement largement moquée sur les réseaux sociaux (“Mettre le pays à l’arrêt c’est prendre le risque d’une catastrophe écologique, agricole, sanitaire voire humaine dans quelques mois (..) Ce serait rater le train du futur”), Olivier Dussopt a commenté : “Ce qu’a voulu dire Olivier Véran, c’est que nous sommes dans un moment de notre histoire économique et sociale, après le Covid et dans cette période d’inflation, où un blocage de notre économique n’aurait pas de conséquences positives pour le pays. Manifester son désaccord est possible sans bloquer le pays”.
Source : actuel CSE
Contrat de travail, période d’essai, congés familiaux : le projet de loi adaptant le droit de l’Union européenne définitivement adopté
03/03/2023
Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture a été adopté définitivement au Parlement après une nouvelle lecture à la suite de l’accord trouvé en commission mixte paritaire.
Rappelons que ce texte modifie le code du travail en matière d’informations obligatoires à fournir au salarié, de période d’essai, de contrats précaires et de congés familiaux.
Nous reviendrons en détail sur les mesures du projet de loi après sa publication au Journal officiel.
Source : actuel CSE
Devoir de vigilance : le tribunal judiciaire de Paris déboute les ONG dans l’affaire Total
03/03/2023
Le 28 février, le tribunal judiciaire de Paris a débouté les ONG dans le litige les opposant à Total concernant les projets d’oléoduc et de forages pétroliers en Ouganda et en Tanzanie sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance. Les juges déclarent irrecevables « les demandes formées par les associations “Les Amis de la Terre France”, NAPE et AFIEGO aux fins d’enjoindre la société TotalEnergies SE, d’exécuter ses obligations en matière de vigilance et tendant à voir suspendre les travaux afférents aux projets Tilenga et EACOP ».
La Cnav publie les chiffres des retraites au 31 décembre 2022
27/02/2023
La Caisse nationale d’Assurance vieillesse (Cnav) a publié ses statistiques. Plus de 15 millions de retraités percevaient une pension fin 2022. L’âge moyen est de 74,8 ans, soit 73,9 ans chez les hommes et 75,4 chez les femmes. 2 080 073 personnes ont une retraite anticipée pour carrière longue, plus de 33 000 pour handicap, 49 240 en raison d’une exposition à l’amiante et 35 939 pour incapacité permanente. 4,7 millions de Français perçoivent le minimum contributif, dont une large proportion de femmes (3,4 millions). Elles sont également plus nombreuses que les hommes à toucher une compensation de pension sous la forme d’une majoration pour enfants (3,1 millions contre 2,4 millions d’hommes). 6,3 millions de retraités sont bénéficiaires d’un droit direct au régime de base avec carrière complète (1 197 €). Pour l’ensemble des retraités, la pension moyenne est de 800 €, les hommes touchant 908 € et les femmes 705 €. Les régions comptant le plus de retraités sont l’Ile-de-France (13 %), Rhône-Alpes (9,1 %), Sud-Est (8,2 %), hauts-de-France (7,3 %).
Source : actuel CSE
Retraites : la commission des affaires sociales du Sénat souhaite créer un nouveau contrat de travail pour les seniors
01/03/2023
La commission des affaires sociales du Sénat a terminé hier l’examen du projet de loi sur les retraites. Elle a adopté plusieurs amendements au texte : surcote à partir de 63 ans pour les mères, index seniors seulement à partir de 300 salariés, retraite à 60 ans pour les accidentés du travail, et création d’un nouveau contrat de travail pour les plus de 60 ans, un CDI exonéré de cotisations familiales.
La commission des affaires sociales du Sénat n’a eu besoin que de quelques heures hier pour examiner le projet de loi sur les retraites. “Pour conforter et garantir l’équité de la réforme”, selon les mots du communiqué de la commission, les sénateurs ont adopté plusieurs amendements qui seront présentés en séance publique aux sénateurs à partir du 2 mars, ceux-ci devant l’examiner jusqu’au 11 ou 12 mars. “La majorité sénatoriale (Ndlr : Les Républicains) souhaite aller au bout de ce texte”, a prévenu la rapporteure Elisabeth Doineau.
La commission, qui soutient au nom de l’équilibre financier le relèvement de l’âge légal de départ à 64 ans ainsi que l’accélération du calendrier Touraine sur l’augmentation de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein, a mis en avant certains d’entre-eux portant sur :
les droits à la retraite des mères. Les femmes dont la majoration de durée d’assurance pour enfant permet d’atteindre 43 annuités de cotisation bénéficieraient d’une surcote à partir de 63 ans. “Cette surcote permettra de gommer en partie les inégalités de pension entre les femmes et les hommes”, a soutenu hier la rapporteure du texte au sénat, Elisabeth Doineau.
Motivation de cet amendement : “Les assurées atteignant la durée d’assurance requise pour l’obtention du taux plein grâce à leurs trimestres de majoration de durée d’assurance au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants avant l’âge légal de 64 ans, c’est-à-dire essentiellement les mères de famille, cotiseraient « à perte » jusqu’à ce qu’elles atteignent cet âge. En effet, la surcote, qui correspond à une majoration de la pension de 1,25 % par trimestre, n’est accordée qu’en contrepartie des trimestres cotisés par l’assuré au-delà de la durée requise et de l’âge légal. Dans un souci de justice et de prise en compte des difficultés professionnelles rencontrées par les mères de famille du fait de la naissance et de l’éducation de leurs enfants, cet amendement vise à accorder le bénéfice d’une surcote en contrepartie des trimestres cotisés entre 63 et 64 ans aux assurés ayant atteint la durée d’assurance requise un an avant l’âge légal, soit 63 ans au terme de la montée en charge de la réforme, et ayant obtenu au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants dans le secteur privé ou dans la fonction publique”.
les accidents du travail. Les personnes victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle pourraient continuer à partir à la retraite à 60 ans.
Motivation de l’amendement : “Afin d’assurer une juste réparation des dommages subis par les assurés exposés à la pénibilité au cours de leur carrière, le présent amendement propose de maintenir à 60 ans l’âge minimum de départ en retraite anticipée pour incapacité permanenteen fixant cette condition d’âge dans la loi”.
la retraite progressive. Celle-ci serait ouverte dès 60 ans aux personnes souhaitant réduire leur activité.
“Cet amendement vise à maintenir l’âge d’éligibilité à ce dispositif à 60 ans, tant pour ses bénéficiaires actuels, c’est-à-dire les salariés, les travailleurs indépendants et les non-salariés agricoles, que pour les assurés qui y seront rendus éligibles dans le cadre de la réforme des retraites. À défaut d’éléments permettant d’estimer le taux de recours des publics nouvellement éligibles à la retraite progressive, notamment dans la fonction publique, il paraît néanmoins nécessaire de prévoir une diminution progressive de l’activité de l’assuré. Ainsi, entre 60 et 62 ans, la quotité de travail ne pourrait être réduite de plus de 20 % par rapport à un temps plein. À compter de 62 ans, la réduction pourrait atteindre jusqu’à 60 % de la durée de travail à temps complet, comme c’est le cas aujourd’hui dès 60 ans. Ces modalités seront déterminées par décret en Conseil d’État”.
Sur la question des carrières longues, la commission sénatoriale explique attendre la position définitive du gouvernement après les propos de la Première ministre, jugés assez flous : “Nous verrons ce que nous propose le gouvernement et nous sommes ouverts à la discussion”, a indiqué René-Paul Savary. Cette question devrait être négociée aujourd’hui après-midi entre les sénateurs de la majorité et le ministre du travail.
Un nouveau contrat de travail pour les seniors
La commission a également adopté d’autres amendements. L’un d’eux prévoit une exonération des cotisations familiales viaun nouveau contrat de travail destiné aux seniors en fin de carrière. “Ce CDI seniors s’adressera aux personnes aux chômage”, a précisé hier soir le sénateur René-Paul Savary.
“Pour soutenir l’emploi des salariés de plus de 60 ans”, les sénateurs souhaitent ainsi créer “un contrat à durée indéterminée de fin de carrière exonéré de cotisations famille afin de réduire pour l’employeur le différentiel de coût lié à une expérience plus importante”. Destiné aux salariés d’au moins 60 ans, ce contrat pourrait être rompu par l’employeur en mettant à la retraite du salarié “s’il remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein”, l’employeur n’étant ainsi pas “tenu de conserver le salarié jusqu’à ses 70 ans, âge butoir qui représente aujourd’hui un frein à l’embauche de seniors”.
L’amendement prévoit aussi, “afin d’adapter le contrat aux besoins des entreprises”, que les partenaires sociaux puissent déterminer, par accord de branche, “les activités concernées, les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat et les contreparties dont il peut bénéficier en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite”.
L’index seniors à partir de 300 salariés
Un autre amendement concerne l’index seniors. La commission souhaite que cet index ne s’importe qu’aux seules entreprises de plus de 300 salariés, et non d’au moins 50 salariés. Argument : “Les indicateurs ne seront pertinents que pour de grandes entreprises, les petites et moyennes entreprises ne disposant pas d’effectifs suffisants pour établir des statistiques reflétant leur engagement en faveur des seniors. Au sein d’une entreprise de 50 salariés, le départ de quelques salariés seniors pourrait dégrader fortement ses indicateurs, alors même qu’elle déploie des mesures pour le maintien en emploi et le recrutement de seniors”. Si cet amendement était retenu in fine, l’index serait donc applicable aux entreprises d’au moins 1 000 salariés à compter du 1er novembre 2023 puis à celles d’au moins 300 salariés à partir du 1er juillet 2024.
Fonds de prévention de la pénibilité : la Carsat associée
A propos du Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU), la commission du Sénat souhaite, par amendement, que les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) interviennent “en identifiant les entreprises auxquelles pourront être allouées les ressources” de ce fonds. Les sénateurs veulent aussi élargir le champ des destinataires des ressources du fonds “aux institutions concourant à l’organisation de la prévention afin de pouvoir y inclure des acteurs tels que l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), le réseau des Aract et l’ Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)”.
Un autre amendement propose d’imposer aux branches une négociation tous les 4 ans “sur les métiers ou activités particulièrement exposés aux facteurs de pénibilité concernés par le nouveau Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (FIPU)”, les agents chimiques devant être inclus dans ces facteurs.
► Il faudra voir, si le Sénat vient en séance publique au bout du texte contrairement à ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale, ce qu’il retiendra de ces amendements, et surtout ce qu’il en restera au final, le gouvernement devant trouver un accord entre députés et sénateurs pour faire voter le texte, à moins de l’imposer via le 49.3. Hier soir, la présidente sénatoriale de la commission des affaires sociales a estimé qu’une loi sur le travail s’imposerait suite à cette loi sur les retraites.
Bernard Domergue
Une analyse assez positive sur la réforme des retraites
01/03/2023
Écrite pour le think Tank Terra Nova, la note d’un professeur d’économie et de finances publiques livre une analyse assez positive, quoique nuancée, sur le projet de réforme des retraites qui, rappelons-le, peut encore évoluer puisque le texte est arrivé au Sénat.
L’objectif d’économies de 13,5 milliards d’euros pour 2030 poursuivi par le gouvernement paraît à cet analyste “raisonnable”, d’autant que le scénario retenu n’est pas, et de loin, le plus pessimiste : “Le gouvernement a retenu une hypothèse de chômage (4,5 %) très éloignée de l’hypothèse centrale retenue par le COR (7 %) et les grandes organisations internationales, qui aurait majoré de 13,5 à 19,5 milliards d’euros le déficit 2030, soit 0,2 points de PIB”.
En revanche, souligne-t-il, il est vrai que le projet tranche avec les précédentes réformes dans la mesure où l’obtention de ces économies ne repose que sur un seul facteur, les mesures d’âge : “En 2014, rappelle ce point de vue, la réforme Touraine avait joué sur les trois leviers : allongement de la durée d’assurance, augmentation des cotisations retraite (+ 0,6 % en 4 ans), mise à contribution des retraités par le report de la revalorisation des pensions de retraite d’avril à octobre et la fiscalisation de la majoration de pension pour enfants”.
Sur les inégalités, l’auteur reprend, en les pondérant, les critiques formulées contre le projet et met en avant trois mesures. “Tout d’abord, la réforme exempte les invalides et les inaptes de la hausse de l’âge légal et n’accompagne pas celle-ci d’une augmentation de l’âge d’annulation de la décote, qui reste fixé à 67 ans. Il s’agit d’une différence majeure par rapport à la réforme de 2010, qui permet d’exonérer les trois quarts des plus modestes de l’effet du report de l’âge légal”. Ensuite, la revalorisation des petites pensions, bien que le gouvernement se soit largement emmêlé les pinceaux avec la fausse promesse des 1 200 euros, sera réelle selon l’analyste qui avance un montant moyen de l’ordre de 50€ par mois, “bénéficiant à la fois aux nouveaux retraités et aux retraités actuels”.
Cette revalorisation du minimum contributif versé aux retraités bénéficiant d’une retraite à taux plein (sans « décote ») mais ayant cotisé sur des faibles revenus, qui pourra atteindre jusqu’à 100€ bruts pour une carrière complète, est donc jugées comme “une mesure favorable aux salariés modestes et qui bénéficiera davantage aux femmes”.
Enfin, à propos des carrières longues, l’auteur souligne que la mesure visant à limiter l’impact de la hausse de l’âge légal sur ses bénéficiaires ne bénéficiera pas aux retraités très modestes, “qui ont souvent des carrières hachées les rendant inéligibles au dispositif”.
Au total, l’ensemble des mesures d’accompagnement atteint 5,9 milliards d’euros, “soit près du tiers des économies brutes dégagées par le relèvement de l’âge légal et l’accélération de la hausse de la durée de cotisation (17,7 milliards d’euros)”. Il s’agit, selon cet analyste, “d’un niveau de compensation sans précédent par rapport aux deux dernières réformes des retraites”.
Selon l’auteur, qui marque ici très fortement sa différence par rapport aux appréciations syndicales, la réforme serait même bénéfique pour les femmes. Certes, admet-il, les femmes bénéficient peu du dispositif carrières longues et elles seront les plus pénalisées par le report à 64 ans de l’âge légal de départ, mais la revalorisation des petites pensions bénéficiera surtout aux femmes. Mais il aurait fallu, ajoute la note, toucher à la mesure de la décote à 67 ans afin de corriger les inégalités des situations des femmes ayant eu des carrières hachées.
En conclusion, cette note estime que ce projet “ne mérite ni excès d’honneur, ni indignité” mais qu’il aurait pu “être significativement amélioré en sortant d’une logique paramétrique de court terme“. Mais voilà : “Le gouvernement est aujourd’hui pris au piège du « triangle d’incompatibilité » de sa réforme. Il ne peut plus à la fois tenir son objectif de retour à l’équilibre, essayer de rendre la réforme plus juste et continuer à s’appuyer uniquement sur des mesures d’âge pour boucler son financement”.
Source : actuel CSE
Le nombre de demandeurs d’emploi indemnisés a baissé de 6% au 3e trimestre 2022
01/03/2023
Selon les chiffres que publie, chaque trimestre, l’Unedic, l’organisme paritaire qui gère l’assurance chômage, la France comptait, à la fin du troisième trimestre 2022, environ 6,2 millions de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi (-6 % sur un an) pour 2,4 millions de demandeurs indemnisés, soit une baisse de 6% par rapport à 2021. De ce fait, les dépenses trimestrielles d’indemnisation s’élevaient selon l’Unedic à 8,3 Md€, en baisse de 5 % par rapport au même trimestre l’année précédente.
A noter que 512 000 personnes ayant perdu leur emploi ont ouvert, lors du 3e trimestre 2022, un droit à l’Assurance chômage, soit une baisse de 2 % par rapport au troisième trimestre 2021. Explication de l’Unedic : “Le nombre d’ouvertures de droit initiales est très saisonnier (avec un pic d’ouvertures de droit à la sortie des vacances d’été, au mois de septembre). En outre, l’introduction du rechargement des droits par la Convention d’Assurance chômage du 14 mai 2014 a entraîné une baisse mécanique du nombre d’ouvertures de droit initiales, certains allocataires procédant désormais au rechargement d’un droit”.
Toujours au 3e trimestre 2022, le montant moyen de l’allocation mensuelle nette est de 1 006€ (806€ pour les allocataires qui travaillent une partie de leur temps et 1 106€ pour les allocataires sans aucun travail).
Source : actuel CSE
Retraites : le Sénat entame l’examen du texte
02/03/2023
Le Sénat entame ce jeudi après-midi l’examen en séance publique du projet de loi rectificative de la Sécurité sociale, qui contient la réforme des retraites. En commission des affaires sociales, les sénateurs ont proposé plusieurs amendements modifiant certains aspects de la réforme (surcote pour les mères de famille, index seniors à partir de 300 salariés seulement, nouveau contrat de travail pour les plus de 60 ans).
Le gouvernement, de son côté, n’a pour l’instant déposé que quelques amendements à la marge. L’un d’eux prévoit que l’assurance vieillesse verse une pension à un enfant perdant ses deux parents, jusqu’à l’âge de 21 ans voire 25 ans en cas de difficulté d’insertion. Un décret préciserait le taux de cette pension. Un autre amendement du gouvernement prévoit d’étendre aux avocats la majoration de 10 % de la pension de retraite dès lors qu’ils ont au moins 3 enfants.