PFAS, le polluant qu’il n’est plus possible de regarder de haut
08/03/2023
À l’instar du « Forever Pollution Project », les enquêtes s’accumulent pour accabler les sites industriels qui utilisent les substances per- et polyfluoroalkyles (PFAS). La pression monte et les pouvoirs publics sont invités à davantage réglementer l’utilisation, les rejets, la surveillance de ces molécules.
C’est le petit scandale environnemental qui monte. Depuis quelques semaines, les indices se multiplient. Les analyses convergent. Largement utilisées dans l’industrie pour leurs propriétés adhésives ou imperméabilisantes, dans le textile, les emballages, la cosmétique… les substances per- et polyfluoroalkyles (PFAS) infusent les sols et l’eau des rivières. Il y a urgence à prendre au sérieux la question de ces polluants que l’on considère comme « éternels » car très difficilement dégradables. « Ces substances contiennent toutes des liaisons carbone-fluor, qui comptent parmi les liaisons chimiques les plus stables », détaillait le ministère de la Transition écologique lors de la présentation mi-janvier d’un plan d’action 2023-2027 pour arrêter l’incendie.
Des effets qui ne laissent aucun doute
Ce plan vise entre autres à accroître la surveillance des PFAS dans les rejets aqueux des industriels, mesure qui fera l’objet d’un arrêté ministériel actuellement en consultation. Il envisage aussi par exemple de sortir des filières de recyclage les produits contaminés ou de pousser les entreprises à « mener une démarche de réduction technico-économique des rejets ». Ces mesures peuvent apparaître comme bien timides tant les PFAS ont des effets délétères sur l’environnement et la santé humaine. « Certains s’accumulent dans les organismes vivants et se retrouvent dans la chaîne alimentaire. D’autres, plus mobiles, sont transportés sur de très longues distances par l’eau ou l’air et peuvent se retrouver jusque dans les océans Arctique et Antarctique », rappelle l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)… avec des conséquences qui vont de la multiplication des cancers à la diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination.
Pollution diffuse
En décembre, des militants d’Extinction rébellion ont mené une action coup de poing en pénétrant sur le site d’Arkema à Pierre-Bénite, dans la métropole lyonnaise. Dénonçant le manque de réaction des pouvoirs publics face à un site accusé de polluer son environnement immédiat. À l’échelle plus globale, les études se suivent et se ressemblent pour constater les dégâts. Dernier épisode en date : la publication du « Forever Pollution Project » par dix-huit médias européens, dont Le Monde, une enquête au long cours cartographiant 17 000 sites contaminés en Europe. « À des niveaux qui requièrent l’attention des pouvoirs publics (au-delà de 10 nanogrammes par litre) ». Et même de plus de 100 μg/l pour 2 100 d’entre eux. Respectivement 900 et 108 sites lorsqu’on se focalise sur la situation française. Dont cinq particulièrement problématiques. À l’autre bout de la chaîne, l’ONG Générations futures a publié mi-janvier une étude montrant que 36 % des eaux superficielles françaises contenaient au moins un PFAS… et même 100 % des échantillons prélevés à Paris et dans les Hauts-de-Seine.
Manque de transparence
Parfaire ce type d’études qui souffrent de beaucoup d’approximation est impératif. Mais il est difficile de s’en contenter. Et Générations futures, toujours, demande une révision stricte du règlement européen Reach afin de restreindre l’utilisation de ces molécules dans l’industrie. Ainsi que des normes sur les rejets dans l’air et dans l’eau qui ne sont pas envisagées à ce jour par le plan français. L’ONG Robin des bois invite de son côté les pouvoirs publics à faire preuve de davantage de transparence. Il y a un an, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (devenu IGEDD) a été chargé d’une analyse des risques de la présence de PFAS dans l’environnement. Puis d’établir des propositions visant à mieux les caractériser, à limiter les risques de transferts vers les eaux de surface et souterraines, à tester plus efficacement les sites et à réhabiliter ceux qui sont contaminés. Ce travail devait être conduit sous huit mois (soit au plus tard le 8 octobre 2022). Il n’a pas été publié. Une autre échéance approche. L’article 46 de la loi climat et résilience donne deux ans au gouvernement pour présenter un rapport sur le sujet au Parlement. Elle a été promulguée le 22 août 2021.
Un employeur ne peut pas dissuader les salariés de faire grève
10/03/2023
Les faits remontent à 2016 et au conflit sur la loi travail. Dans une lettre ouverte publiée sur l’intranet de l’entreprise, un employeur se dit “choqué” par un appel à la grève du syndicat CGT du site. Dans un jugement rendu le 16 février, le tribunal judiciaire estime que ce courrier est de nature à discréditer un syndicat et son action et qu’il constitue une atteinte à la liberté syndicale et au droit de grève.
A Pont de Claix, dans l’Isère, la société Vencorex, dont les 400 employés fabriquent des produits chimiques, connaît une grève le 2 avril 2016. C’est alors l’époque des mobilisations syndicales contre “la loi travail”, ou loi El Khomry, du gouvernement Valls de François Hollande. Douze jours plus tard, le secrétaire de la CGT du site reçoit une lettre cosignée par les cadres du comité de direction, avec l’en-tête de la société. Le courrier, qui se présente comme une lettre ouverte, est également publié sur l’intranet de l’entreprise.
Le comité de direction se dit “choqué” par l’appel à la grève de la CGT
Dans ce texte, les cadres se disent “très choqués” par l’appel à la grève de la CGT, “lancé 2 jours après le mouvement national et donc totalement déconnecté de celui-ci”. Cet appel n’a pas été levé, déplore l’entreprise, “malgré de très nombreuses explications faite par l’encadrement sur les conséquences néfastes pour notre client et notre entreprise”.
La direction déplore une grève “sans effet sur la cause qu’elle prétendait défendre”, l’entreprise subissant seule des conséquences sur “de nouvelles pertes de production et de vente”. Le courrier expose en détail la stratégie de l’entreprise “pour en faire un leader mondial” et estime que des mouvements sociaux affaiblissement cette stratégie : “Chaque tonne perdue est une tonne récupérée par nos concurrents, alors que chaque tonne produite et vendue par Vencorex assure l’avenir de la société, de ses salariés et de ses partenaires industriels”.
Une atteinte à la liberté syndicale et au droit de grève
Le syndicat CGT saisit la justice pour faire reconnaître un délit d’entrave. Dans un jugement rendu le 23 février 2023, le tribunal judiciaire de Chambéry estime que le courrier porte atteinte à la liberté syndicale et au libre choix des salariés d’exercer leur droit de grève. L’entreprise est condamnée à payer 2 500€ à la CGT en réparation de son préjudice.
Selon le juge, en effet, certains termes du courrier (“Nous avons été très choqués”, “au final cette grève n’a eu aucun effet sur la cause qu’elle prétendait défendre”) sont de nature à “discréditer directement le syndicat CGT du site chimique de Pont de Claix en soutenant que son action n’aurait pas de légitimité et serait inutile”. Le choix d’envoyer ce courrier au responsable syndical et de le diffuser à l’ensemble des salariés via l’intranet atteste pour le juge de “la volonté de la société de discréditer l’organisation syndicale auprès de l’ensemble des salariés et non simplement, comme elle le soutient, d’alerter la CGT sur les conséquences économiques d’une grève dans l’entreprise au regard de ses particularités techniques”.
“Un courrier visant à dissuader les salariés de faire grève”
Il s’agit donc bien pour le tribunal d’une atteinte à la liberté syndicale dans la mesure où “il n’appartient pas à une société ou ses représentants de donner une opinion subjective sur l’utilité d’une organisation syndicale représentative au sein de l’entreprise qui tire sa légitimité d’une liberté fondamentale”.
Selon le tribunal, ce courrier visait “à dissuader de manière générale les salariés d’exercer leur droit de grève dans le cadre de futurs mouvements sociaux”.
Un syndicat, rappelle enfin le juge, est en droit de déposer un préavis de grève “pour contester une loi qu’elle considère comme contraire aux intérêts des salariés qu’elle défend même si l’exercice de ce droit aura nécessairement un impact sur le fonctionnement de l’entreprise privée”.
A l’égard des syndicats, l’employeur doit rester neutre
“Il est interdit à l’employeur ou à ses représentants d’employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation syndicale”, prévoit l’article L. 2141-7 du code du travail. Cette obligation de neutralité signifie pour l’employeur qu’il ne peut pas : discriminer un syndicat; tenter de réduire l’influence d’un syndicat.; favoriser un syndicat plutôt qu’un autre (par exemple, la justice a annulé les élections professionnelles d’Orpea, l’employeur ayant favorisé un syndicat maison et manqué à son devoir de neutralité). La Cour de cassation a ainsi considéré qu’un employeur adressant trois lettres ouvertes à l’ensemble des salariés faisant porter la responsabilité de l’échec de négociations sur un délégué syndical commettait un délit de discrimination syndicale, ces courriers publics caractérisant un moyen de pression à l’encontre du délégué syndical et du syndicat qui l’a désigné (voir Cass. crim., 19 nov. 2013, n° 12-82.163). Au titre de la discrimination syndicale, les juges ont également sanctionné le fait pour un employeur de laisser se diffuser dans l’entreprise une lettre de représentants syndicaux dénonçant le comportement d’un autre délégué syndical. La Cour de cassation a considéré que cette action ne constituait pas un simple droit de réponse mais visait à discréditer le délégué syndical en pleine négociation d’un accord (voir Cass. soc., 19 nov. 2014, n° 13-16.780). Ajoutons que, sur le plan individuel des droits des personnes, l’article L. 2141-5 du code du travail interdit à l’employeur “de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail”.
Bernard Domergue
Réforme des retraites : l’occasion d’une revitalisation syndicale ?
10/03/2023
Quelle qu’en soit l’issue, le mouvement d’opposition à la réforme des retraites aura donné aux syndicats de la visibilité et de la popularité. Peut-on même parler de revitalisation syndicale ? Nous avons posé la question aux principaux intéressés et à la chercheuse Camille Dupuy.
Les sondages l’ont montré : les syndicats ont remporté la bataille de l’opinion publique face au gouvernement. Dès le mois de janvier, plus de 70 % de la population se disait opposée au projet de réforme des retraites. Un sondage Elabe pour BFM a même placé Philippe Martinez en meilleure incarnation de la contestation du projet. Si le taux de syndicalisation a continué de baisser entre 2013 et 2019, les confédérations tirent leur épingle du jeu en termes d’image et enregistrent de nouvelles adhésions.
Les adhésions continuent leur chemin
Depuis le début du mouvement, les syndicats connaissent un rebond des adhésions. En février, la CFDT annonçait 10 000 nouvelles demandes. Selon Laurent Berger, que nous avons interrogé le 7 mars, ce chiffre est désormais passé à 16 000. La même trajectoire se dessine à la CGT qui enregistre selon Philippe Martinez 12 500 nouveaux adhérents. Force Ouvrière en comptabilisait 4 763 le 11 février dernier. Le chiffre s’élevait mardi 7 mars à presque 6 000 selon Frédéric Souillot. Cyril Chabanier a également noté trois fois plus de visites du site internet de la CFTC sur janvier et février. A la CFE-CGC, François Hommeril fait état d’une hausse de 15 à 30 % des adhésions selon les fédérations, et jusqu’à 50 % dans la fédération du commerce.
Une revitalisation syndicale ?
Quelle que soit l’issue du conflit sur les retraites, les syndicats auront grâce à leur union remis leurs noms dans le débat public et montré leur présence. Selon Laurent Berger (CFDT), “le conflit montre une centralité du syndicalisme dans le monde du travail, je suis persuadé que s’ouvre quelque chose de nouveau pour le syndicalisme, si on est capables de continuer de parler de la réalité du travail (c’est ce qui a fait notre force) et de travailler ensemble au-delà de nos divergences et désaccords quand on a besoin de le faire”.
Philippe Martinez (CGT) n’a quant à lui jamais cru au “syndicalisme bashing souvent orchestré par l’Élysée et Matignon”. Le mouvement des retraites a selon lui fait aussi découvrir les syndicats à des salariés qui ne les connaissaient pas : “On a des salariés d’entreprises sans syndicats qui viennent nous voir pour savoir comment faire grève. C’est ça aussi l’utilité de ce mouvement social : ça met les syndicats au premier plan, ça nous permet de discuter avec des gens qu’on ne croise jamais et ça montre l’utilité du syndicalisme”.
C’est aussi l’opinion de Frédéric Souillot (FO) qui note que “les gens ont redécouvert ce que sont les organisations syndicales. Laurent Escure (Unsa) met quant à lui l’accent sur des syndicats porteurs d’espoir : “On porte beaucoup l’espoir des travailleurs contre la maldonne de la répartition des richesses et des efforts demandés”. “C’est en effet une démonstration de force, et tout le monde en profite”, nous a indiqué François Hommeril (CFE-CGC).
Pour Cyril Chabanier (CFTC), le comportement de l’intersyndicale, restée unie depuis début janvier n’est pas anodin : “Grâce à notre organisation et notre responsabilité, beaucoup de nos concitoyens se sont rendu compte que les syndicats étaient peut-être plus raisonnables et constructifs que le gouvernement ou l’assemblée nationale”.
Vrai développement ou renforcement des bastions ?
Selon Camille Dupuy, maître de conférences en sociologie à l’Université Rouen Normandie, chercheuse à l’IRHIS et au CEET (1) spécialiste des syndicats, “à l’occasion de ces mouvements sociaux, les syndicats enregistrent souvent de nouvelles adhésions là où ils sont déjà les plus présents, par exemple dans l’industrie pour la CGT et la fonction publique chez FO”. Pas de conquête de nouvelles cibles donc mais plutôt un renforcement des bastions. Par ailleurs, la chercheuse à l’IRHIS et au CEET (1) pointe que les salariés choisissent souvent le syndicat qui est déjà implanté dans leur entreprise, par commodité pratique et pour éviter un isolement syndical.
Enfin, elle ajoute que “les syndicats jouent gros”, notamment s’ils commettent l’erreur de ne pas suffisamment écouter leur base : “On l’a vu au moment de la loi travail en 2017, FO s’était plutôt positionnée pour, et la base a vite contesté. La CFDT aussi en 1995. Donc s’ils font un mauvais choix, ils peuvent aussi le payer très cher”.
Dans son dernier ouvrage, le spécialiste des syndicats Jean Marie Pernot, appelait justement les syndicats à la recherche de stratégies communes leur permettant de se revitaliser. Il pointait notamment les ravages de la dispersion syndicale : “Les gens attendent que les syndicats se mettent d’accord entre eux pour recommencer à s’intéresser au syndicalisme. Tant que cette question n’est pas réglée, la marginalisation guette les syndicats et le Rassemblement National progresse”. Il constate aujourd’hui au contraire “la force de l’intersyndicale, alignée dans une position claire, qui n’a pas toutes les cartes en main mais qui incarne ce qui résiste à la réforme des retraites (lire sur le site de France culture).
Pour l’heure, l’unité syndicale se heurte au silence de l’exécutif. Malgré leur demande de rendez-vous au sommet (lire notre brève dans cette édition), Élisabeth Borne s’est contentée de les renvoyer vers Olivier Dussopt. Emmanuel Macron compte donc sur le pourrissement du mouvement, alors que deux nouvelles manifestations sont annoncées par les syndicats. Tant que durera le travail parlementaire, l’intersyndicale a peu de chances d’être reçue, le gouvernement pouvant arguer que la séquence est au temps parlementaire. Sauf peut-être s’il est contraint d’utiliser l’article 49.3, et que ce passage en force crée un regain d’opposition au projet de réforme.
(1) IHRIS : Institut de recherche inter-disciplinaire Homme Société
Elisabeth Borne se félicite des chiffres 2022 de l’apprentissage
06/03/2023
A l’occasion du 3ème rendez-vous des Rencontres jeunesse de Matignon dédié à l’avenir professionnel des jeunes qui s’est tenu vendredi 3 mars, la Première ministre a présenté les résultats 2022 de l’apprentissage et le bilan de la première année du contrat d’engagement jeune.
837 000 contrats d’apprentissage ont été signés, ce qui représente une hausse de 14 % par rapport à 2021, soit 100 500 apprentis supplémentaires. Le seuil de 10 000 apprentis en situation de handicap a été franchi soit + 21 % par rapport à 2021. Le taux d’insertion des jeunes est en hausse avec près de 2 jeunes sur 3 en emploi à l’issue de leur apprentissage. L’objectif est d’atteindre 1 million d’apprentis par an à horizon 2027.
S’agissant du nouveau contrat d’engagement jeune qui s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et présentent des difficultés d’accès à l’emploi durable, plus de 300 000 contrats ont été signés. Parmi ceux entrés en contrat d’engagement jeune en mars 2022, 76 % ont accédé à un emploi dans les 9 mois qui ont suivi l’entrée.
Le report de l’âge de départ à la retraite augmente le nombre de seniors au chômage
06/03/2023
Dans une étude publiée le 1er mars, l’Unédic, qui gère l’assurance chômage, vient confirmer les craintes mises en lumière par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) il y a quelques semaines : une augmentation de l’âge légal de départ à la retraite mène mécaniquement à une hausse du nombre de seniors indemnisés par l’assurance chômage. En effet, entre 2010 (date de la réforme reculant de 60 à 62 ans l’âge de départ) et 2022, ce sont 100 000 allocataires de plus qui ont été indemnisés à 60 ans ou plus. En conséquence, les dépenses d’indemnisation des 55 ans ou plus ont augmenté de 38 % (contre 16 % pour les 54 ans ou moins). Elles ont même presque triplé pour les 60-61 ans et doublé pour les 62-66 ans.
L’Unédic montre aussi que le chômage est bien utilisé par les entreprises pour se séparer de leurs seniors. Alors que la durée d’indemnisation des plus de 55 est en principe de 3 ans, elle constate un pic de ruptures conventionnelles (qui donnent droit au chômage) justement 3 ans avant l’âge légal de départ, soit 59 ans actuellement : à cet âge, 25 % des ouvertures de droit le sont à la suite d’une rupture d’un commun accord, contre seulement 17 % à 52 ou 56 ans par exemple.
Après avoir rappelé que le retour à l’emploi demeure plus difficile pour les seniors, elle démontre enfin que l’impact financier sur l’assurance chômage de la réforme des retraites en discussion au Parlement dépendra grandement du traitement réservé à ces seniors et parle d’’un solde incertain, pouvant être positif ou négatif de plusieurs centaines de millions d’euros par an”.
Source : actuel CSE
Les sénateurs adoptent l’Index seniors et le CDI de fin de carrière
07/03/2023
Les sénateurs ont adopté, dans la nuit de dimanche à lundi, l’Index seniors et, lundi matin, le CDI de fin de carrière pour les salariés âgés d’au moins 60 ans. Détail de ces mesures qui doivent encore passer l’étape de la commission mixte paritaire.
Les sénateurs poursuivent l’examen du PLFRSS (projet de loi de finances rectificative de la sécurité sociale) sur la réforme des retraites. Dans la nuit de dimanche à lundi, ils ont adopté l’article 2 qui crée un Index seniors et, dans la foulée, lundi matin, le CDI senior.
► A noter : à l’issue de son examen au Sénat, le projet de loi fera l’objet d’une commission mixte paritaire. Les dispositions présentées dans cet artticle peuvent donc encore évoluer.
Rétablissement d’un Index seniors pour les entreprises d’au moins 300 salariés
Le 14 février dernier,les députés rejetaient l’article 2 du projet de loi visant à créer un Index seniors. Le gouvernement l’avait toutefois réinséré dans le texte transmis aux sénateurs en en conservant les amendements votés, à savoir un Index étendu aux entreprises de 50 salariés et plus (et non plus d’au moins 300 salariés) et un Index genré.
Les sénateurs ont adopté l’article 2 mais en revenant au seuil initial. Ainsi, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, l’employeur devra publier chaque année des indicateurs relatifs à l’emploi des seniors, en distinguant leur sexe, ainsi qu’aux actions mises en œuvre pour favoriser leur emploi au sein de l’entreprise.
Les sénateurs maintiennent la modification dans les termes employés pour préciser l’objectif de l’Index seniors. “L’employeur poursuit un objectif d’amélioration de l’embauche et du maintien en activité des seniors” (et non plus “prend en compte”).
Pas de changement non plus sur les modalités de mise en oeuvre de l’Index seniors. La liste des indicateurs et leur méthode de calcul seront fixées par décret. Le décret fixera également ses conditions d’application, notamment les modalités de mise en œuvre et les modalités de publication des indicateurs ainsi que la date et les modalités de leur transmission à l’autorité administrative.
Une convention ou un accord de branche étendu pourra déterminer la liste des indicateurs et leur méthode de calcul, qui se substitueront alors à celles fixées par le décret pour les entreprises de la branche concernée.
Les sénateurs reprennent également les sanctions liées à la non-publication de l’Index seniors, à savoir une pénalité, dans la limite de 1 % des rémunérations et gains versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l’année civile précédant celle au titre de laquelle l’obligation est méconnue. La pénalité sera prononcée dans des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d’État. Son montant devra tenir compte des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’emploi des seniors ainsi que des motifs de méconnaissance de l’obligation de publication.
L’entrée en vigueur de l’Index seniors dépendra de la taille de l’entreprise :
à compter du 1er novembre 2023 pour les entreprises d’au moins 1 000 salariés ;
à compter du 1er juillet 2024 pour les entreprises d’au moins 300 et de moins de 1 000 salariés.
Enfin, s’agissant des entreprises d’au moins 300 salariés qui sont soumises à l’obligation de négocier sur la GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels), les sénateurs confirment l’obligation de négocier non plus sur “l’amélioration des conditions de travail des salariés âgés” mais sur “l’emploi des salariés âgés”.
Un contrat de fin de carrière pour les salariés d’au moins 60 ans
Les sénateurs ont également adopté la création d’un CDI seniors. Appelé “contrat de fin de carrière”, ce nouveau contrat s’adressera aux salariés âgés d’au moins 60 ans. Il sera conclu pour une durée indéterminée. Par dérogation à l’article L. 1237‑5 du code de la sécurité sociale, l’employeur pourra mettre à la retraite le salarié avant ses 70 ans dès lors qu’il remplit les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein.
Le contrat devra être établi par écrit. Les activités concernées, les mesures d’information du salarié sur la nature de son contrat et les contreparties en termes de rémunération et d’indemnité de mise à la retraite accordées au salarié seront fixées par une convention de branche ou un accord de branche étendu. À défaut d’accord, ces modalités seront fixées par décret.
la contribution mentionnée à l’article L. 137‑12 du code de la sécurité sociale versée par l’employeur en cas de mise à la retraite, à hauteur de 50 % des indemnités versées, ne sera pas due ;
les rémunérations versées au salarié employé dans le cadre de ce contrat seront exonérées des cotisations d’allocations familiales.
Le CDI senior entrera en vigueur le 1er septembre 2023.
► A noter que le gouvernement a donné un avis défavorable à l’adoption de cette mesure.
S’agissant de ces mesures, le gouvernement devra engager, dès la publication de la loi, une concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l’adoption des décrets d’application.
Après une nouvelle journée de forte mobilisation, les syndicats déplorent le silence de l’exécutif sur la réforme des retraites. Ils ont décidé hier soir d’envoyer un courrier au Président de la République lui demandant de les recevoir “en urgence”.
“Cela ne peut plus durer”, s’indigne le communiqué de presse intersyndical diffusé hier soir (en pièce jointe). Réunis au siège de Force Ouvrière à Paris, les syndicats déplorent n’avoir reçu aucune réponse du gouvernement : “Le silence du président de la République constitue un grave problème démocratique qui conduit immanquablement à une situation qui pourrait devenir explosive”, énonce le communiqué.
En attendant qu’Emmanuel Macron réponde au courrier des syndicats en les recevant, une nouvelle mobilisation est annoncée pour le samedi 11 mars, ainsi qu’un autre rendez-vous la semaine prochaine, le jour de la commission mixte paritaire (CMP), commission composée de députés et de sénateurs visant à trouver un compromis sur un texte commun sur la réforme des retraites.
L’absence de contact entre l’exécutif et les syndicats dure depuis déjà plusieurs semaines. Malgré une journée réussie sur le plan de la mobilisation, les leaders syndicaux que nous avons interrogé en tête du cortège parisien sont inquiets pour la démocratie.
Une mobilisation “en hausse de 20 % par rapport au 31 janvier”
Les syndicats avaient promis une journée forte, ils ont tenu parole. “C’est la plus grande manifestation de ces 40 dernières années”, a affirmé Laurent Berger (CFDT). De l’avis de Philippe Martinez (CGT), “bien que ce soit la 6ème journée, elle est la plus forte. En local, on compte plus de 300 rassemblements, et partout ils sont plus forts que le 31 janvier”. En fin de journée, la CGT a décompté 700 000 manifestants à Paris (81 000 selon le ministère de l’Intérieur) et 3,5 millions dans tout le pays (1,2 millions selon le ministère). Ces chiffres sont en nette hausse par rapport à fin janvier, date à laquelle la CGT avait communiqué le chiffre de 500 000 personnes à Paris, et 2,5 millions en France.
Sans dialogue avec l’exécutif, les syndicats s’inquiètent pour la démocratie
Les leaders confédéraux montrent de l’inquiétude face à l’absence de réponse du gouvernement. Ils assurent n’avoir pas eu de contact récent avec l’exécutif. “Reposons les choses sur la table et arrêtez l’obstination”, insiste laurent Berger qui poursuit en ces termes : “L’exercice de la démocratie c’est d’être entendu, il faut que le gouvernement entende ce cri très puissant du monde du travail, c’est l’enjeu de la journée d’aujourd’hui. (…) On n’a pas eu une seule rencontre donc il y a un vrai sujet. Il n’y a pas de résonnance en face. On ne fait pas ces réformes là sans un compromis social, et ce compromis c’est de stopper les 64 ans”.
Philippe Martinez regrette que le Président de la République ait prétendu changer de méthode sans que cela se traduise dans les faits : “C’est un problème démocratique, un problème de respect du peuple de la part du Président de la République. Il a dit à plusieurs reprises j’ai changé, j’écoute. Je pense qu’on a fait assez de bruit ! Soit il écoute et il est le Président de tous les Français, soit il a décidé d’en faire une affaire personnelle, et là c’est grave”.
Frédéric Souillot (FO) évoque implicitement le risque d’un retour des gilets jaunes : ” Si demain le gouvernement passe par ordonnances ou un 49.3, ce serait plus qu’un déni de démocratie. Et moi, à la place de l’exécutif je ne prendrais pas ce risque-là, à savoir qu’on reparte sur une radicalisation et épisodes des années précédentes”.
Laurent Escure (UNSA) espère quant à lui ” que le président va sortir de son rôle de Professeur Tournesol de la politique et atterrir et se confronter au pays réel et au monde du travail tel qu’il est”.
Une opposition unanime à la retraite par capitalisation et au CDI seniors
Les syndicats ne sont guère surpris par la proposition sénatoriale d’introduire une part de capitalisation dans le système de retraite et se déclarent opposés à cette idée : “C’est anachronique aujourd’hui alors qu’on est en train de se battre contre le report de l’âge légal, on ne va pas en plus rajouter de la capitalisation ! Quand on fera le bilan de tout ça, on verra que c’est quand même le grand n’importe quoi du début à la fin”, nous a indiqué Laurent Berger.
Frédéric Souillot pointe que “c’est le retour de la droite qui essaie de faire passer ses trucs mais c’est une connerie”, tandis que Philippe Martinez dénonce “les arrières pensés et les incohérences du gouvernement qui n’aime pas la répartition, ce qu’il aime c’est le capital et la capitalisation”. Cyril Chabanier (CFTC) rappelle que “le système par répartition n’est pas en faillite, donc on n’en a même pas besoin”, François Hommeril (CFE-CGC) déplore que “ces gens-là ne connaissent pas le dossier. Il demeure que la pression des fonds de pension pour mettre la main sur les retraites elle est énorme, on le sait”. Laurent Escure (UNSA) s’agace de voir “des sénateurs déconnectés du terrain, et qui devraient réfléchir à deux fois avant de faire les apprentis sorciers de la protection sociale”.
Les syndicats ne sont pas plus enthousiasmés par le CDI seniors : “C’est du bricolage puisque le fond de la réforme est vérolé” pour Laurent Berger. “Ca se traduit toujours par moins de cotisations pour les employeurs ce sont les mêmes qui nous disent qu’il y a un problème de financement des retraites. Là aussi, ce n’est pas sérieux”, s’indigne Philippe Martinez.
Pour sa part, Frédéric Souillot pointe que “ce sera un CDD déguisé en CDI, on n’en a pas besoin”. Pour Cyril Chabanier (CFTC), “c’est encore une mauvaise idée dans la précipitation. Ils vont exonérer de cotisations famille puis nous dire que la branche est en déficit”. Et c’est “du grand n’importe quoi” pour François Hommeril (CFE-CGC) qui préconise de plutôt travailler par branches et par entreprises.
A Paris, « oui à la retraite…des réformes ! »
C’est un cortège impressionnant, emmené par la CFTC et Solidaires, suivi par FO, la CGT et la CFDT (citons aussi l’UNSA, la FSU et le SAF), qui, parti des beaux quartiers de Sèvres-Babylone, a fini sa course par grandes vagues place d’Italie, hier après-midi à Paris. D’abord dans une ambiance festive et sonore, joyeusement mélangée tout comme les générations (salariés, retraités et étudiants), avant que quelques incidents n’émaillent la fin de parcours du côté des Gobelins. Dans le répertoire toujours renouvelé des slogans et pancartes hostiles à la réforme, on pouvait lire : « Non à la réforme des retraites, oui à la retraite des réformes », « Pourquoi toujours favoriser les riches », « Et les dividendes, ils cotisent quand ? », « Réforme des traitres », « Laissez-moi râler », « Je ne veux pas travailler plus, je veux du temps pour vivre », etc.
Marie-Aude Grimont
Financement des retraites : FO propose de lutter contre la fraude aux cotisations
09/03/2023
“La lutte contre la fraude apparaît comme l’un des piliers essentiels de préservation de notre système de protection sociale”, affirme Force Ouvrière dans un communiqué publié lundi 6 mars. FO ne se satisfait pas des derniers chiffres diffusés par le ministère de l’Économie le 23 février dernier indiquant que “le réseau Urssaf a plus que doublé le montant des redressements réalisés depuis dix ans, passant de 320 M€ en 2013 à 788 M€ en 2022”. Pour le syndicat, ces chiffres “ne représentent qu’une infime partie de la fraude aux cotisations comprise entre 7,3 et 9,2 milliards en 2021 selon les estimations de l’Urssaf Caisse nationale”. De plus, selon FO, “redressement n’est pas synonyme de recouvrement effectif”. Enfin, le syndicat revendique la fin des politiques de coupes budgétaires dans la branche recouvrement, le recrutement substantiel d’inspecteurs, des plans de formation adéquats des agents et l’augmentation des capacités d’accueil des cotisants dans leurs démarches. Sur ces sujets, l’Unsa réclame également “d’avantage de volonté politique (lire son communiqué en ligne).
Source : actuel CSE
Retraites : le Sénat vote l’article 7 sur le report de l’âge légal
09/03/2023
Les débats sur le projet de réforme des retraites ont repris hier après-midi au Sénat sur l’article 7 (report de l’âge légal à 64 ans), ponctués par l’utilisation de l’article 38 du règlement du Sénat (1). L’article 7 a été adopté dans la nuit. Les débats ont commencé par une suite de discussions sur les sous-amendements déclarés irrecevables mardi soir par Catherine Deroche, présidente LR de la commission des affaires sociales et une suspension de séance. Les débats sur l’amendement n° 2633 (trimestres alloués aux femmes pour chaque enfant) ont ensuite été clôturés en raison d’une application de l’article 38 (1) à la demande du président de Groupe LR, Bruno Retailleau. Plusieurs sénatrices de l’opposition, dont Mme Poncet-Monge se sont offusquées de voir les débats contraints sur la retraite des femmes justement le jour de la journée internationale du droit des femmes. L’amendement a reçu un avis défavorable du gouvernement puis a été rejeté par les sénateurs.
Ont en revanche été adoptés trois amendements identiques (lire le n° 1895). Ils ouvrent aux carrières longues et aux travailleurs handicapés la possibilité de racheter des trimestres d’étude avec réduction du coût de versement. Adoptés également plusieurs amendements (lire le n° 1914) assouplissant les conditions d’accès au rachat au titre des études supérieures. Adoptés également des amendements permettant aux enseignants du premier degré de partir en retraite sans attendre la fin de l’année scolaire (lire le n° 3747) ainsi que des amendements relatifs à la retraites des sapeurs-pompiers (lire le n° 2606).
Ont été rejetés les amendements remettant en cause l’accélération de la réforme Touraine pour les générations de 1961 à 1965.
L’article 38 permet de clôturer les débats “lorsqu’au moins deux orateurs d’avis contraire sont intervenus dans la discussion générale d’un texte” (lire sur le site du Sénat).
Source : actuel CSE
Le courrier intersyndical envoyé à Emmanuel Macron
10/03/2023
Comme prévu lors de la réunion de mardi 7 mars, l’intersyndicale a envoyé hier un courrier au Président de la République, lui demandant une rencontre au plus vite. Cette lettre signée par tous les leaders syndicaux rappelle à Emmanuel Macron que le projet de réforme “est refusé par l’ensemble des organisations syndicales qui en demande le retrait”. Elle insiste également sur les fortes mobilisations qui se sont tenues dans le pays les 19 et 31 janvier, les 7, 11 et 16 février, et le 7 mars. Enfin, elle alerte sur le silence de l’exécutif auquel les syndicats se sont heurtés jusqu’à présent : “Cette absence de réponse constitue un grave problème démocratique, il conduit immanquablement à une situation qui pourrait devenir explosive”. Pour l’instant, le Président de la république n’a pas donné suite. En déplacement hier à Saint-Nazaire (d’où il est originaire), Laurent Berger a qualifié cette attitude de mépris, “et ce mépris est incompréhensible quand on a deux millions de personnes dans la rue le 7 mars” (lire sur France Bleu).
Source : actuel CSE
Retraites : le Sénat adopte une surcote en cas de majoration de trimestre pour enfant
10/03/2023
Le Sénat a adopté hier avec avis favorable du gouvernement un amendement (n° 2127) prévoyant de faire bénéficier d’une surcote de 1,25 % les assurés ayant obtenu au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants. Il vise aussi bien les assurés issus du secteur privé que de la fonction publique. Un autre amendement (adopté avec avis défavorable du gouvernement) prévoit un départ anticipé ou progressif en retraite à 55 ans au bénéfice des travailleurs handicapés.
Climat : les grandes entreprises ne sont pas sur la bonne voie
06/03/2023
Négligeant une partie de leurs activités ou misant de manière excessive sur les mécanismes de compensation, vingt-quatre grands groupes industriels sont pointés du doigt par une étude. Au-delà de ces cas particuliers, définir une politique climatique sincère demande à être vigilant sur ses émissions indirectes et sur la confiance dans des technologies qui n’ont pas fait leurs preuves et qui ne verront peut-être jamais le jour (techno-solutionnisme).
Les résultats ne sont pas bons. Dans un rapport publié lundi 13 février, les groupes de réflexion New climate institute et Carbon market watch ne sont pas tendres avec les vingt-quatre entreprises multinationales dont elles ont analysé les engagements climatiques. Et qui représentent 4 % des émissions mondiales si l’on tient compte de leur empreinte indirecte (que l’on qualifie de Scope 3 dans le jargon carbone).
Le rapport dénonce des « engagements ambigus » et « un manque de crédibilité » de politiques qui sont pourtant présentées comme exemplaires par ces mêmes entreprises. Toutes promettent sur le papier d’atteindre des niveaux d’émissions compatibles avec l’accord de Paris. Mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient. De l’industrie à la tech et à la grande distribution, aucun secteur n’est épargné.
Scope 3 oublié
Davantage que les bons et mauvais points que délivre le rapport, son intérêt est d’attirer l’attention sur des problématiques que l’ensemble des structures engagées vers la neutralité carbone doivent apprendre à mieux prendre en compte. Attention en particulier à ne pas reporter à demain les engagements les plus structurants sous prétexte qu’il faut avancer pas à pas. Si dans le panel des vingt-quatre, les entreprises se fixent des objectifs à 2030, elles ont trop tendance à minorer leurs enjeux, insiste l’étude. Se focalisant beaucoup trop, en particulier, sur leurs émissions directes. Or le Scope 3 représente 90 % des émissions de gaz à effet de serre de la plupart des entreprises étudiées.
Quelques calculs montrent que la somme des engagements permettra de réduire de 15 à 21 % des émissions sur la chaîne de valeur étudiée entre 2019 et 2030 s’ils sont tenus. Il faudrait atteindre -43 voire -48 % à l’échelle mondiale afin de plafonner la température de la planète à 1,5 degré au-dessus des températures qui étaient celles de l’ère préindustrielle.
Bonnet d’âne pour Carrefour
Plus ennuyeux encore, la majorité des entreprises ne semblent pas se donner les moyens de décarboner leur activité. À l’instar de Carrefour ou Walmart, 17 groupes sont accusés d’afficher des ambitions malhonnêtes sur le long terme. Le géant français de la grande distribution est notamment pointé du doigt car non seulement il exclut de ses calculs sa chaîne d’approvisionnement en produits et en emballages, mais surtout 80 % de ses sites ! En France, seuls 11 % des 5 799 magasins apparaissent ainsi dans le périmètre du groupe. Les autres sont considérés comme des franchises indépendantes et priés de faire leurs propres calculs.
Si le cas est extrême, le rapport souligne un autre écueil bien plus répandu : la grande place laissée aux technologies de séquestration du carbone (CCUS pour Carbon Capture, Utilization and Storage), et plus globalement aux mécanismes de compensation. Le rapport émet des doutes sur l’additionnalité des mesures envisagées par les uns et les autres et qui pourraient laisser croire que les objectifs peuvent être tenus sans grands efforts d’atténuation.
Bons élèves
A contrario, le rapport met en exergue cinq groupes qui affichent des ambitions à la hauteur des attentes afin de réduire sensiblement leurs émissions d’ici 2030 et d’en effacer 90 % en 2040 de l’amont à l’aval de leur activité… montrant ainsi que le combat n’est pas perdu d’avance. Même les entreprises qui n’ont pas encore pris la mesure des enjeux ont heureusement encore la possibilité de rattraper en suivant leur exemple !
Le combat n’est pas perdu, mais il n’est pas gagné non plus. Parmi ces bons élèves, le spécialiste des textiles H&M demeure ainsi très dépendant à des paris technologiques visant à maximiser l’efficacité des matériaux utilisés dans la fabrication d’habits, ainsi qu’à sa capacité à mobiliser une grande quantité de biomasse pour atteindre ses objectifs de production d’énergie décarbonée. Or en matière de transition, tout est question d’équilibre. La forêt est une source d’approvisionnement durable en bois si elle est utilisée raisonnablement. Elle ne l’est plus lorsque tout le monde retient les mêmes options et que la consommation bondit au-delà du raisonnable.
Olivier Descamps
De retour de congés ? Petit récap, bonus !
06/03/2023
Si vous rentrez ce lundi de vacances, vous pouvez vous reporter à notre précédente synthèse de l’actualité de ces dernières semaines pour “rattraper” l’essentiel de ce que vous avez manqué. Il faut y ajouter, pour la semaine dernière, les infos suivantes :
Notre article sur les amendements à la réforme des retraites souhaités par la commission des affaires sociales du Sénat (avec notamment l’idée d’un contrat de travail spécifique à partir de 60 ans) : la Haute assemblée poursuit l’examen du texte jusqu’au 11 ou 12 mars.
Notre article sur l’initiative de 5 grandes fédérations syndicales de la CGT (cheminots, énergie, ports, chimie, verre-céramique). Elles vont plus loin que l’intersyndicale contre la réforme des retraites qui appelle à mettre la France à l’arrêt le 7 mars. Ces fédérations lancent des actions coordonnées et reconductibles en vue “d’une semaine noire” afin de pousser le gouvernement à abandonner son projet de loi. Est prévue notamment une grève reconductible à la SNCF et à la RATP dès ce lundi soir et dans les raffineries.
Nos articles sur la jurisprudence : l’action en justice au nom de l’intérêt collectif de la profession, la requalification en CDI de CDD à la demande d’un syndicat et ses effets sur les seuils sociaux, etc.
Notre article sur le projet visant à renforcer l’action de groupe contre les discriminations dans l’emploi.
L’interview de la négociatrice CFE-CGC qui analyse le contenu de l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur ajoutée et sa portée.
Nous vous conseillons d’aller voir le film La syndicaliste, en salles depuis le 2 mars. Il s’inspire de faits réels, Isabelle Huppert incarnant l’ancienne secrétaire du comité de groupe européen d’Areva, Maureen Kearney, victime d’une agression et d’un viol dont les auteurs n’ont jamais été arrêtés. Pour avoir une idée des faits et du film, lire notre article paru vendredi. Ce film focalise l’action sur le personnage de la syndicaliste et peut donner à penser que celle-ci était isolé, ce qui n’est pas le cas (lire notre interview qui développe un regard critique de la représentation de l’action collective et syndicale notre interview qui développe un regard).
Source : actuel CSE
Transition écologique : la DGE publie deux guides pour les TPE/PME
06/03/2023
La Direction générale des entreprises (DGE) a mis en ligne deux guides présentant les dispositifs d’accompagnement et de soutien disponibles pour aider les TPE/PME et les PME industrielles dans leur transition écologique :
Ces guides répertorient les solutions utiles pour mesurer la maturité écologique de l’entreprise, définir les actions prioritaires à mettre en œuvre, bénéficier d’un accompagnement, de prêts ou encore de subventions.
Source : actuel CSE
L’investissement climatique de l’UE à la traîne
08/03/2023
“L’investissement climatique de l’Union européenne (UE) a rebondi après avoir chuté au cours de la pandémie, mais les investissements doivent considérablement augmenter si l’Europe veut atteindre ses objectifs de neutralité carbone [objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050]”, alerte la Banque européenne d’investissement (BEI) dans son rapport 2022-2023 publié le 28 février, sur la base d’un échantillon de 12 500 entreprises européennes.
Selon la BEI, environ 1 040 Mds€ d’investissement par an sur la période 2021-2030 seraient nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne (UE) de 55 % d’ici 2030. Soit 357 Md€ de plus par an que les investissements consacrés entre 2011 et 2020 (683 Mds€).
Source : actuel CSE
“Vu l’énorme enjeu de pouvoir d’achat, l’accord sur le partage de la valeur peut paraître limité”
09/03/2023
Pour l’expert auprès des CSE Guillaume Etiévant, du cabinet JDS experts (1), l’accord trouvé par les partenaires sociaux sur le partage de la valeur contient des dispositions intéressantes mais qui ne semblent pas à la hauteur de l’enjeu actuel sur le pouvoir d’achat des salariés. Interview.
De façon générale, que pensez-vous, en tant qu’expert des CSE, de l’accord trouvé par les partenaires sociaux sur le partage de la valeur et que la Première ministre s’est engagée à retranscrire dans une loi ?
Face aux enjeux énormes de pouvoir d’achat, dans la période que nous traversons, ce type de dispositions qui amendent à la marge ce qui existe ou qui incitent à certaines négociations paraît quand même très limité.
C’est toujours ça de pris…
Je comprends bien la stratégie des organisations syndicales d’avoir recherché un accord national interprofessionnel pour obtenir quelques avancées, c’est toujours ça de pris ! Il me semble en effet évident que les organisations patronales ne souhaitaient pas lâcher grand-chose et qu’on ne pouvait pas non plus attendre du gouvernement qu’il prenne des initiatives de progrès social pour les instances représentatives. Pour autant, il faut se replacer dans la perspective de l’an dernier : il y a eu de nombreux débats sur le partage de la valeur, suite au projet d’Emmanuel Macron de dividende salarié et surtout en raison des profits très importants générés dans les secteurs du transport et de l’énergie et des très bons résultats, en général, des groupes du CAC 40. Ces niveaux de rémunération élevés du capital, avec les dividendes et les politiques de rachats d’action, ont suscité un véritable débat public compte tenu de l’inflation et des grandes difficultés de pouvoir d’achat des Français : ne faudrait-il pas mieux répartir les choses pour récompenser les efforts des salariés ?
D’où la revendication de certains syndicats, en début de négociation, de revoir la formule légale de participation ?
En effet, certains ont avancé l’idée qu’il fallait revoir la formule légale de participation pour qu’elle bénéficie davantage aux salariés. C’était une piste intéressante car cette formule, très ancienne, peut être améliorée. Dans cette formule, le capital est en effet rémunéré trois fois avant qu’il ne reste éventuellement quelque chose pour les salariés ! Pour résumer la formule, on prend le bénéfice fiscal, on déduit 5% des capitaux propres, on divise par deux, et on multiplie par la part des salaires dans la valeur ajoutée. Cela résulte de compromis passés à l’Assemblée nationale il y a bien longtemps mais aujourd’hui, économiquement, ça n’a plus aucun sens.
Pourquoi cette formule ne vous paraît plus adaptée aujourd’hui ?
Depuis les années 70 et la mise en place de cette formule, les niches fiscales pour les entreprises se sont multipliées, or la participation part du résultat fiscal, qui minore donc les résultats réels. D’autre part, le capitalisme s’est mondialisé : les entreprises françaises sont d’abord des filiales de groupes souvent internationaux, qui font en sorte de laisser un minimum de marge en France par des mécanismes d’optimisation fiscale qui réduisent donc la participation.
La formule de la participation date des années 70
On aurait pu réfléchir à une évolution de cette formule pour prendre davantage en compte le résultat comptable lui-même avant toutes les déductions des niches fiscales : sinon, non seulement l’entreprise est défiscalisée sur une partie de ses résultats mais en plus elle ne paie pas de participation dessus. Du fait de ces montages fiscaux, des milliers de salariés ne touchent pas de participation.
Mais l’accord ne prévoit pas cela…
Non, l’accord ne traite pas cela. Cela dit, il prévoit une communication, dans la BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales du CSE) de la déclaration fiscale de l’entreprise pays par pays (Ndlr : lire notre encadré). Cette déclaration permettra aux salariés d’une filiale française d’un groupe international d’avoir, pour chaque filiale détenue par la même holding, des éléments sur le chiffre d’affaires, ses bénéfices et ses impôts. C’est intéressant, cela va donner des ordres de grandeur sur les marges réelles des filiales et donc cela peut donner quelques arguments aux représentants des salariés. Mais il faudra toujours faire appel à un expert pour calculer comment est faite la marge en France. Car l’expert a accès à la même documentation que le commissaire aux comptes, c’est-à-dire aux éléments tels que les prix de transferts.
Que sont les prix de transfert ?
Ce sont les prix fixés pour des marchandises ou des prestations vendues par une filiale à une autre, appartenant au même groupe, dans des pays différents. Par exemple, la filiale basée dans un pays étranger va vendre une prestation informatique à une filiale française : le prix qu’elle va mettre sur ses prestations va être déterminant.
Ce sont les prix pour les marchandises et prestations vendues par une filiale à une autre
Plus elle va vendre cher sa prestation, plus la filiale française, qui devra supporter ces charges, aura du mal à générer des bénéfices. Tout ceci se fait sur la base de règles internationales fixées par l’OCDE mais leur respect n’empêche pas l’optimisation fisclae (2). De nombreux groupes se servent ainsi de ces flux internationaux pour transférer la marge générée en France vers leur holding ou leurs filiales basées dans des pays à moindre imposition.
Pour généraliser le partage de la valeur, l’accord oblige les petites entreprises à mettre en place un dispositif de partage. Qu’en dites-vous ?
L’accord fait en effet obligation aux entreprises entre 11 et 49 salariés de mettre en place au moins un dispositif légal de partage de la valeur dès qu’elles réalisent un bénéfice net fiscal positif d’au moins 1% du chiffre d’affaires durant trois années consécutives (années 2022, 2023, 2024).
L’obligation paraît assez légère
Ce dispositif, qui serait obligatoire à partir de 2025, pourra prendre la forme de l’intéressement, de la participation, mais aussi d’un abondement à un plan d’épargne d’entreprise ou d’une prime de partage de la valeur. C’est donc une obligation assez légère faite aux petites entreprises car un abondement ou une prime Macron peuvent avoir un montant faible.
L’accord permet aussi aux entreprises de moins de 50 salariés de déroger à la formule légale de calcul de la participation….
Dans les entreprises de 50 salariés et plus, les directions peuvent déjà négocier un accord avec les organisations représentatives pour déroger à la formule légale, mais pour cela, il faut que le résultat ainsi obtenu soit meilleur pour les salariés que celui obtenu par la formule légale. C’est plutôt rare, mais nous avons déjà aidé des CSE à obtenir ce type d’accord, par exemple pour neutraliser l’effet des flux intra-groupe ou de certaines niches fiscales ou pour baser le résultat sur le résultat comptable et non fiscal.
Cela me semble dangereux pour l’avenir. Les employeurs pourraient réclamer que cela s’applique aussi au-delà de 50 salariés
Là, ce qui est proposé pour les entreprises de 11 à 49 salariés est tout à fait différent puisqu’on permet aux entreprises de déroger, par accord de branche ou d’entreprise, à la formule légale, y compris pour qu’elle soit moins-disante que le code du travail, donc moins favorable aux salariés (3). Cela me semble très dangereux, d’autant que dans les petites entreprises, il y a moins d’élus du personnel et moins de représentation syndicale. Pour obtenir d’autres choses de leur employeur, certaines équipes seront tentées d’accepter des formules moins-disantes sur la participation. Et je crains surtout à l’avenir que ce dispositif ne soit étendu aux entreprises de 50 salariés et plus, sur le thème : “Pourquoi les salariés des grands groupes seraient-ils avantagés ou davantage protégés que les salariés des PME ?”
Pourquoi avez-vous cette crainte ?
Ces dernières années, les conditions de mise en place de la participation se sont dégradées. Depuis 2019, il faut ainsi 5 ans consécutifs pendant lesquels une entreprise dépasse les 50 salariés pour bénéficier de la participation, et encore, la présence d’un accord d’intéressement reporte de 3 ans supplémentaires la mise en place de la participation. Autant dire que les salariés pouvaient attendre longtemps une participation ! L’accord des partenaires sociaux maintient les 5 ans consécutifs mais supprime la règle des 3 ans.
L’accord évoque la prise en compte des résultats exceptionnels, qu’en pensez-vous ?
L’article 9 de l’accord ne donne pas une définition précise et comptable de ce qu’est un résultat exceptionnel, le résultat exceptionnel sera celui “présentant un caractère exceptionnel tel que défini par l’employeur”. On est ici un peu dans le domaine du bon vouloir de l’employeur. Si toutefois l’employeur reconnaît une situation de résultat exceptionnel, il aura l’obligation, nous dit l’accord, de procéder au versement automatique d’un supplément de participation ou d’intéressement dont les modalités sont définies par accord, ce qui semble intéressant, soit de renvoyer un nouveau versement à une nouvelle discussion.
Des résultats exceptionnels pourront donner lieu à une PPV, qui n’est pas proportionnelle
Cette discussion pourra traiter de la participation, de l’intéressement, d’une forme d’abondement au plan d’épargne d’entreprise ou encore de la prime de partage de la valeur (PPV). Or cette PPV n’a pas de minimum légal, elle peut ne pas être proportionnée aux résultats exceptionnels. Sur la PPV, par ailleurs, l’accord donne la possibilité de la placer dans un plan d’épargne d’entreprise, ce qui permet de la valoriser par les taux d’intérêt.
L’accord écarte l’idée d’un dividende salarié voulu par Emmanuel Macron…
Les partenaires sociaux expliquent bien dans l’accord pourquoi ils n’en veulent pas, et c’est une bonne chose ! Je trouve que cette expression, dividende salarié, entraîne beaucoup de confusion. On risquerait d’oublier ce qui distingue la participation du dividende.
Qu’est-ce qui différencie dividende et participation ?
Le dividende, c’est la rémunération du capital investi dans l’entreprise. La participation, c’est l’attribution aux salariés d’une partie du profit de l’entreprise au nom de leur contribution à la création de ce profit. Donc, la participation rémunère le travail des salariés, c’est bien différent du dividende. Si on confond ces notions, ça peut être dangereux. Le risque, c’est de confondre l’intérêt des actionnaires et l’intérêt des salariés.
L’intérêt des actionnaires et l’intérêt des salariés sont contradictoires
Or ces intérêts sont contradictoires et entrent en conflit sur le partage de la valeur créée. Si on appelle tout ça dividende, dans l’état d’esprit général, on brouille les cartes. J’observe d’ailleurs que l’accord traite aussi de l’actionnariat salarié. Mais aujourd’hui, l’enjeu me paraît plutôt être celui d’une valorisation du travail que celui d’un meilleur revenu via des dividendes en tant qu’actionnaire. A terme, je crains même que l’idée d’une fusion des dispositifs de l’intéressement et de la participation ne finisse par faire son chemin.
Rappelez-nous les différences entre participation et intéressement…
La participation, c’est une obligation légale de partage des profits avec une formule minimum. L’intéressement est un dispositif complètement facultatif et sans formule légale : son contenu est très libre.
L’intéressement ne passe pas forcément par des objectifs comptables
L’intéressement peut être basé sur des objectifs de profits, sur des indicateurs d’activité, d’innovation ou de qualité (type satisfaction client), etc. Il ne s’agit pas forcément d’objectifs comptables. La seule contrainte qui s’impose aux partenaires sociaux qui négocient un accord d’intéressement, c’est que cet accord ne peut pas aboutir à chaque fois au même montant versé aux salariés. La participation et l’intéressement correspondent donc à deux systèmes très différents. Si l’on commence à laisser les entreprises déroger à la formule légale de la participation dans un sens moins-disant, je crains que dans quelques années on se dise qu’un seul grand dispositif suffirait, avec le risque que ce soit un outil a minima.
(1) JDS experts (expertises économiques et sociales du CSE) fait partie de l’ensemble JDS qui regroupe JDS avocats et Alteo (cabinet d’expertise des conditions de travail).
(2) L’OCDE est l’Organisation de coopération et de développement économique. Sa mission est de promouvoir des politiques améliorant le bien-être économique et social partout dans le monde. Sur les prix de transferts et l’OCDE, voir ici
(3) Selon l’accord, “les organisations d’employeurs et de salariés dans chaque branche professionnelle ouvrent, avant le 30 juin 2024, une négociation visant à mettre à disposition des entreprises de moins de 50 salariés un dispositif de participation facultatif, dont la formule peut déroger à la formule de référence de la participation, dite « formule légale », et donner un résultat supérieur comme inférieur à celui de la formule de référence de la participation. Les entreprises de moins de 50 salariés ont la possibilité de mettre en place : le dispositif de branche par accord collectif ou par décision unilatérale, ou, par accord collectif, une autre formule dérogatoire de participation pouvant donner un résultat supérieur comme inférieur à celui de la formule de référence de la participation, dite « formule légale »”.
Informations fiscales à verser dans la BDESE : extrait du chapitre 2 de l’accord (article )
“Lorsqu’elle existe, les entreprises insèrent dans la BDESE la déclaration publique « pays-par-pays » telle que prévue par la Directive (UE) n°2021/2101 du parlement et du Conseil du 24 novembre 2021 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés. Afin de développer le débat sur la stratégie fiscale de l’entreprise et du groupe auquel elles appartiennent, les informations sur la politique fiscale au sein du groupe peuvent être transmises le cas échéant au comité de groupe pour l’application de l’article L 2332-1 du code du travail et au comité d’entreprise européen pour l’application de l’article L.2343-2 du code du travail. Des informations sur la politique fiscale de l’entreprise peuvent être mises à disposition du CSE en vue de la consultation sur la situation économique et financière prévue à l’article 2312- 25 du code du travail. Lorsqu’en application de l’article L.2312-20 du code du travail un accord de groupe prévoit que la consultation sur les orientations stratégiques est effectuée au niveau du comité de groupe les informations transmises à ce dernier en vertu de l’article L.2332-1 du code du travail peuvent inclure une note sur la stratégie fiscale au sein du groupe. Par ailleurs, il est rappelé l’obligation pour l’employeur de présenter au CSE, dans les six mois suivants la clôture de chaque exercice, un rapport relatif à l’accord de participation. Ce rapport comporte notamment les éléments servant de base au calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés pour l’exercice écoulé ainsi que des indications précises sur la gestion et l’utilisation des sommes affectées à cette réserve. Il est rappelé que le CSE peut recourir à un expert-comptable dans les conditions prévues par le code du travail”.
Bernard Domergue
[RSE] Devoir de vigilance de TotalEnergies : ce qu’il faut retenir de la décision du juge des référés
09/03/2023
Le 28 février, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a déclaré irrecevables les demandes des ONG dans le litige les opposant à TotalEnergies, concernant les projets pétroliers Tilenga et EACOP en Ouganda et en Tanzanie. Dans sa décision, le juge donne pour la première fois une définition de la RSE et appelle le gouvernement à préciser les contours de la loi sur le devoir de vigilance.
« C’est la première décision en application de la loi sur le devoir de vigilance », souligne Antonin Lévy, avocat conseil de la société Total dans le litige opposant le groupe pétrolier à plusieurs ONG concernant les projets Tilenga et EACOP en Ouganda et en Tanzanie.
Dans deux jugements rendus le 28 février par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, les assignations des ONG « Les Amis de la Terre France », « Survie » et quatre associations ougandaises (AFIEGO, CRED, NAPE, Les Amis de la Terre Ouganda et NAVODA) mettant en cause le devoir de vigilance de TotalEnergies concernant les projets Tilenga et Eacop en Ouganda et en Tanzanie ont finalement été rejetées. Pour rappel, les associations avaient demandé au tribunal d’enjoindre à TotalEnergies de :
« mettre en conformité son plan de vigilance avec la loi, en y faisant figurer tous les risques d’atteintes graves associés aux projets » ;
mettre en œuvre de manière effective des « mesures de vigilance raisonnable », y compris des mesures d’urgence telles que « le versement immédiat des compensations et des distributions de nourriture pour les communautés privées de leurs moyens de subsistance » ;
« suspendre les travaux afférents aux projets ».
« La loi française sur le devoir de vigilance est imprécise »
Alors concrètement, que peut-on en retenir ? Pour Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement et professeur associé à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, « cela reste une décision du juge des référés : ce n’est ni une défaite ni une victoire pour l’une ou l’autre des parties. Il ne faut pas la surinterpréter ».
« Pour la première fois, dans une décision de justice, on trouve une définition de la RSE, rattachée aux droits de l’Homme », remarque toutefois le professeur.
« La responsabilité sociale des entreprises, qui participe de cette évolution, désigne un concept selon lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec les parties prenantes, initialement à partir d’une démarche volontaire progressivement complétée par un cadre légal et réglementaire visant à mieux encadrer les mesures déployées et à l’évaluation de leur efficacité. » (Extrait de la décision, p .15)
Sur le devoir de vigilance, le professeur note « deux choses intéressantes. Sur la forme, le juge considère que la loi française sur le devoir de vigilance est imprécise. Celle-ci donne une possibilité au gouvernement de prendre un décret. Le juge fait de cette possibilité une obligation. Sans ce décret, il estime qu’on ne peut pas évaluer le sens et la portée du devoir de vigilance ».
Un « constat que font de très nombreuses entreprises qui sont obligées de définir elles-mêmes la méthodologie et le champ des obligations auxquelles cette loi générale les astreint », estime Antonin Lévy.
Et sur le fond, que nous dit le juge ? « Il considère qu’il n’est pas outillé pour se prononcer sur le contenu du plan de vigilance : il peut seulement se prononcer sur l’existence d’un plan. En l’espèce, le juge relève que formellement, la société TotalEnergies a bien établi ses plans de vigilance », répond Arnaud Gossement.
« Le tribunal indique que le plan de vigilance comporte les 5 items prévus par la loi sur le devoir de vigilance et qu’ils sont suffisamment détaillés pour ne pas être regardés comme sommaires, se félicite sur ce point Antonin Lévy. Il relève par ailleurs que la société a versé de très nombreuses pièces contradictoires au débat, qui démontrent la mise en œuvre effective de son plan de vigilance ».
Développer le plan de vigilance avec les parties prenantes
Le tribunal reproche tout d’abord « aux associations de ne pas avoir exprimé toutes leurs demandes dans la mise en demeure – dont le contenu diffère de celui de l’assignation », analyse Arnaud Gossement. Sur ce point, « les associations requérantes, qui contestent avoir modifié substantiellement leurs demandes, expliquent qu’elles n’ont fait que les préciser et consolider leur argumentaire avec plus de 200 documents de preuves à l’appui. Les pièces du dossier sont nombreuses et proportionnées aux enjeux, et répondent aux besoins d’actualisations liés à la longueur de la procédure, considérablement rallongée par la bataille procédurale engagée par Total en 2019 », précise le communiqué publié sur le site de l’ONG Les amis de la Terre.
Autre reproche, celui de « ne pas avoir suffisamment dialogué avec Total avant d’aller dans le prétoire ». Un argumentaire entendu par Antonin Lévy qui conseille « aux entreprises de développer effectivement leur plan de vigilance avec les parties prenantes : les ONG, les syndicats, les acteurs de la société civile, les personnes concernées… Ceci afin que l’entreprise ne soit pas laissée comme maître et juge de ses obligations ».
Cette décision a-t-elle mis un coup d’arrêt aux projets portés par TotalEnergies ? « Les premiers forages devraient démarrer dans les semaines à venir, indique Pauline Tétillon, co-présidente de l’association SURVIE. Or, pour l’instant, le juge n’a contraint TotalEnergies ni à modifier son plan de vigilance, ni à mettre en place les mesures d’urgence que nous réclamons (distributions de nourriture et dédommagement financier de toutes les personnes impactées) ».
« On ne s’arrêtera pas là »
« Il semblerait par ailleurs que le financement du projet ne soit pas bouclé. Grâce à la mobilisation internationale, les plus grosses banques ont – pour le moment – renoncé à apporter leur soutien financier », se félicite la responsable associative. « Nous n’avons pas encore décidé des suites à donner à l’affaire car cela mérite une analyse approfondie du jugement. Nous allons en discuter avec les 5 autres ONG et les communautés ougandaises afin de décider de la stratégie à adopter. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne s’arrêtera pas là ».