Archives de catégorie : Newsletter Actu Sociale N°88

NÉGOCIATION COLLECTIVE

Trois syndicats signent un accord revalorisant les minimas conventionnels des cadres dans la métallurgie

12/04/2023

Après un échec des négociations fin janvier 2023, trois syndicats de salariés (CFDT, CFE-CGC, FO) se sont mis d’accord avec l’UIMM (Union des industries métallurgiques et minières) pour revaloriser de 4,7 % les minimas conventionnels de la branche métallurgie. Explication de Gabriel Artero, président de la fédération de la métallurgie CFE-CGC que nous avons pu contacter :  “Nous étions arrivés à 4,5 % au bout de deux séances. La réforme des retraites étant passée par là, nous avons campé sur nos positions. Notre levier était de ne pas avancer sur la grille issue de la nouvelle convention collective tant que nous n’avions pas bouclé cette négociation. Sur 4,7 %, nous avons conclu qu’il fallait mieux tenir que courrir, d’ailleurs nous avions un mandat pour signer à cette hauteur”.

Source : actuel CSE

CSE

L’expertise du CSE sur l’accord de participation est à la charge de l’employeur

12/04/2023

L’incertitude résultant de l’ordonnance sur le CSE est enfin levée : l’expert-comptable désigné par le CSE en vue de l’assister pour l’examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation est rémunéré par l’employeur selon les modalités de l’article L. 2315-80, 1° du code du travail.

Cette question était restée sans réponse depuis l’ordonnance relative au CSE du 22 septembre 2017 : qui paie pour l’expertise du CSE pour l’examen du rapport annuel relatif à la participation ?

Nouvelles règles de financement des expertises du CSE

Le financement exclusif de l’employeur devient l’exception…

En effet, l’ordonnance relative au CSE a profondément remanié les règles relatives au financement des expertises du CSE. Depuis lors, la règle est celle du cofinancement des expertises, le CSE devant rémunérer son expert sur son budget de fonctionnement à hauteur de 20 % de son coût. Quelques exceptions subsistent et l’employeur paie la totalité des expertises (C. trav., art. L. 2315-80) :

relevant des consultations sur la politique sociale et les conditions de travail, sur la situation économique et financière de l’entreprise et en matière de licenciement économique collectif (expert-comptable) ;

en cas de risque grave (expert habilité).

► Sont aussi financées entièrement par l’employeur l’expertise dans le cadre de la recherche d’un repreneur, et celle en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle dans les entreprises de 300 salariés et plus, en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération dans la BDESE. En outre, l’employeur finance les expertises normalement cofinancées lorsque le budget de fonctionnement du CSE est insuffisant pour couvrir le coût de l’expertise et n’a pas donné lieu à un transfert d’excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles prévu à l’article L. 2312-84 au cours des trois années précédentes.

Enfin, l’article L. 2315-81 du code du travail prévoit que le CSE peut faire appel à tout type d’expertise rémunérée par ses soins pour la préparation de ses travaux.

…et le financement de l’expertise relative au rapport de participation n’est pas tranché

Cependant, si l’expertise dans le cadre de l’examen du rapport relatif à l’accord de participation (rappelons que dans les entreprises où est constituée une réserve spéciale de participation, l’employeur doit remettre au comité, 6 mois après la clôture de chaque exercice, un rapport relatif à l’accord de participation) a bien été reprise pour le CSE, l’article D. 3323-14 du code du travail n’a pas modifié le renvoi relatif à son financement. Ainsi, il est renvoyé à l’article L. 2325-35 du code du travail, lequel concerne les expertises du comité d’entreprise et est abrogé. Cet article prévoyait la prise en charge de cette expertise par l’employeur. Si les commentateurs optaient plutôt pour un financement exclusif de l’employeur, un doute demeurait, notamment en raison du principe de cofinancement.

Financement de l’expertise du CSE sur la participation

Pour le tribunal judiciaire : l’expertise est à la charge exclusive du CSE…

Dans cette affaire, dans le cadre de la communication annuelle du rapport sur la réserve spéciale de participation (C. trav., art. D. 3323-13), le CSE vote le recours à un expert pour l’assister dans l’examen de ce calcul et désigne un cabinet d’expertise à cet effet.

Le comité saisit le président du tribunal judiciaire afin de juger que cette expertise, votée sur le fondement de l’article D. 3323-14 du code du travail, est une expertise légale et doit être prise en charge intégralement par l’employeur.

De son côté, la société saisit aussi le président du tribunal judiciaire afin de juger qu’elle n’a pas l’obligation légale de prendre en charge l’expertise votée par le comité au titre de l’article D. 3323-14 du code du travail qui doit être à la charge exclusive du comité, ou à titre subsidiaire la réduction du coût prévisionnel de l’expertise.

Le tribunal judiciaire donne raison à l’employeur, et décide que cette expertise est à la charge exclusive du CSE. Pour le juge, seules les expertises mentionnées au 1° de l’article L. 2315-80 du code du travail sont intégralement financées par l’employeur, et l’expertise prévue par l’article D. 3323-14 du code du travail n’y est pas mentionnée. De plus, aucune disposition légale ne prévoit plus le financement de celle-ci par l’employeur. Enfin, le tribunal ajoute que l’expertise objet du litige a lieu dans le cadre d’une procédure d’information alors qu’aucune des dispositions légales en vigueur relatives au financement en tout ou partie par l’employeur ne concerne une expertise dans le cadre d’une information du CSE.

… mais la Cour de cassation tranche pour une expertise financée par l’employeur

Mais pour la Cour de cassation (voir l’arrêt en pièce jointe), « les dispositions de l’ancien article L. 2325-35 du code du travail relatives au recours à un expert-comptable par le comité d’entreprise, désormais abrogé, auxquelles l’article D. 3323-14 renvoie, figuraient dans une sous-section « experts rémunérés par l’entreprise » précisant, à l’ancien article L. 2315-40, que l’expert-comptable est rémunéré par l’entreprise ».

Il en résulte que l’expertise, décidée par le CSE appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l’accord de participation devant lui être présenté par l’employeur dans les 6 mois qui suivent la clôture de chaque exercice, participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise prévue à l’article L. 2315-88 du code du travail.

Cette expertise ne relève donc pas du champ d’application de l’article L. 2315-81 prévoyant le financement exclusif de l’expertise par le CSE pour l’assister dans la préparation de ses travaux.

En conséquence, l’expert-comptable désigné par le CSE en vue de l’assister pour l’examen du rapport annuel relatif à la réserve spéciale de participation est rémunéré par l’employeur selon les modalités de l’article L. 2315-80, 1°, du code du travail.

La Cour de cassation confirme donc bien sa jurisprudence antérieure à l’ordonnance relative au CSE (Cass. soc., 28 janv. 2009, n° 07-18.284).

► Il nous semble que cette expertise sur la participation reste autonome, même si la Cour de cassation la rattache à celle sur la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise. En effet, l’expertise est bien prévue par un article spécifique. Et cet article D. 3323-14 du code du travail prévoit que lorsque le CSE est appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l’accord de participation, les questions ainsi examinées font l’objet de réunions distinctes ou d’une mention spéciale à son ordre du jour. Il n’est nullement rattaché à la consultation sur la situation économique et financière. Enfin, ce rapport comporte les éléments servant de base au calcul de la réserve spéciale de participation et des indications précises sur la gestion et l’utilisation des sommes affectées à cette réserve. Or, ces dernières n’ont pas été intégrées à la BDESE. Même s’il est possible de faire le choix d’intégrer ces informations dans la BDESE, ce rapport constituant une information récurrente, un rapport ad hoc doit donc bien être établi et présenté au CSE dans le cadre d’une information spécifique, laquelle doit avoir lieu dans un certain délai (6 mois qui suivent la clôture de chaque exercice), ce qui ne correspond pas forcément avec la consultation sur la situation économique et financière et son expertise y afférente. Il semble que ce soit ce délai de présentation du rapport, lié à la clôture de l’exercice, qui justifie que la Cour de cassation considère que cette expertise « participe de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise ».

Séverine Baudouin

Les difficultés de recrutement devraient s’accentuer en 2023

12/04/2023

Les projets d’embauche dans le secteur privé atteignent, cette année, 3,04 millions, soit un volume équivalent à celui de 2022 (-0,2 %), selon l’enquête sur les besoins de main-d’œuvre (BMO), réalisée auprès de 424 000 établissements et publiée le 7 avril par Pôle emploi et le Credoc. Dans le détail, la proportion d’établissements prévoyant d’embaucher baisse légèrement (31 % en 2023 contre 32,8 % en 2022) tandis que le nombre moyen de projets par établissement recruteur augmente de 3,94 en 2022 à 4 en 2023.

Autre enseignement : les emplois durables (CDI ou CDD de plus de six mois) occupent désormais la première place dans les intentions d’embauche, avec 72 % des projets. Le CDI représente, lui, 54,3 % des projets.

La dynamique est portée par les établissements de moins de 10 salariés (+4,9 %), alors que le nombre de projets diminue dans les établissements plus grands.

Par secteur d’activité, les services aux particuliers et aux entreprises concentrent l’essentiel des projets d’embauche : plus de six intentions d’embauche sur dix sont prévues dans les services. Mais d’autres secteurs ne sont pas en reste, à l’instar de l’industrie (+0,8 %). A l’inverse, le commerce de détail affiche une régression (-5,3 %).

Reste qu’en 2023, les employeurs anticipent des difficultés de recrutement pour 61 % de leurs projets, soit une augmentation de 3,1 points par rapport à 2022.

Source : actuel CSE

La commission européenne lance une consultation sur la directive des CE européens

13/04/2023

La Commission européenne a lancé hier la première phase, qui doit durer 6 semaines, d’une consultation des partenaires sociaux européens en vue d’une éventuelle révision de la directive sur les comités d’entreprise européens. Cette initiative fait suite à une résolution du Parlement européen de février 2023 préconisant de réviser la directive sur les CE européens qui date de 2009. Cette préconisation s’appuyait sur une évaluation de la Directive faite par la Commission en 2018, dont il ressortait certaines lacunes, “par exemple en ce qui concerne la procédure de consultation des comités d’entreprise européens et les moyens dont disposent les représentants pour faire respecter leurs droits”. Le Parlement européen suggérait de “renforcer les comités d’entreprise européens et leurs capacités de fonctionnement ainsi que d’augmenter leur nombre, tout en tenant compte des différents mécanismes de concertation sociale dans les États membres”. Pour sa part, la Commission semblait plus prudente : elle évoquait la création d’un “guide pratique pour les praticiens des comités d’entreprise européens” ainsi que des aides aux partenaires sociaux pour les aider à mettre en œuvre les comités d’entreprise européens.

Selon la Commission, environ 20 nouveaux comités d’entreprise européens sont créés chaque année et 1 000 entreprises disposent d’un comité d’entreprise européen actif, ce qui représente à peu près la moitié de l’ensemble des entreprises éligibles.

La consultation des partenaires sociaux se fait en deux phases, ceux-ci pouvant décider d’ouvrir des négociations sur le sujet avant que les institutions européennes ne s’en saisissent.

Source : actuel CSE

Transition écologique et dialogue social : un projet d’ANI est ouvert à signature jusqu’au 24 avril

14/04/2023

“Document de travail”, “boîte à outils”, “guide méthodologique, le projet d’accord national interprofessionnel sur la transition écologique et le dialogue social, finalisé mardi soir par les organisations patronales et syndicales, n’impose pas d’obligation nouvelle pour les employeurs. Son objectif : faciliter l’appropriation des outils juridiques existants pour donner une “impulsion” à la négociation de branche et d’entreprise et ainsi favoriser la “révolution verte”.

Et de deux ! Après l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur du 10 février dernier, les partenaires sociaux sont parvenus mardi 11 avril vers 23 heures à un nouveau projet d’ANI sur la transition écologique et le dialogue social. Le texte est soumis à signature jusqu’au 24 avril inclus. Mais d’ores et déjà, la CFDT, la CFTC et FO lui ont donné un avis favorable. Par la voix de Madeleine Gilbert, la CFE-CGC dit “avoir pris acte du texte” et prendre le temps de la réflexion ; elle le présentera à ses instances dirigeantes le 17 avril. Du côté de la CGT, une signature “semble peu probable”.

Commencée le 8 juillet dernier, cette négociation s’inscrit dans le cadre des travaux de l’agenda social autonome des partenaires sociaux, décidé en 2021. Elle visait à aboutir à un diagnostic partagé sur les enjeux de la transition écologique ainsi que leurs conséquences sur l’entreprise, l’activité et l’emploi. 12 séances ont été nécessaires pour sceller le texte de compromis de 50 pages, articulé autour de cinq chapitres. Sur la forme, il donne des repères juridiques et pratiques qui “permettent d’identifier des pistes de discussions, et plus particulièrement pour les TPE et les PME”. Sur le fond, il réaffirme l’importance du dialogue du social, réglementé par le code du travail, mais aussi du dialogue professionnel, notamment dans les entreprises dépourvues de représentation du personnel et de présence syndicale.

“Efficacité de la démocratie sociale”

Aussitôt, Hubert Mongon, chef de file de la délégation patronale, s’est félicité de l’aboutissement des discussions “dans un contexte social particulièrement complexe”. “A nouveau, nous sommes en mesure de démontrer toute l’efficacité de la démocratie sociale et la capacité des partenaires sociaux à dialoguer dans un temps long sur des sujets de société majeurs”.

“Nous sommes convaincus que ce défi de la transition écologique ne sera résolu qu’avec le support des entreprises et particulièrement à travers le dialogue social, le dialogue professionnel et le dialogue sous toutes ces formes”.

“Il s’agit de concilier la nécessité d’agir pour la planète avec les intérêts des travailleurs pour lesquels il faut préserver l’emploi, la santé et les conditions de travail, argue pour sa part Béatrice Clicq, secrétaire confédérale FO. Ce projet d’accord peut contribuer à réussir ce virage”. 

Faire en sorte “d’appliquer la loi”…

Pas d’obligation nouvelle pour les entreprises toutefois puisque le projet d’accord n’est pas normatif. “Ce n’est pas la révolution mais l’idée est de donner une impulsion dans les branches et les entreprises”, convient Luc Mathieu, chef de file de la négociation pour la CFDT. “Malgré une réglementation et des informations foisonnantes sur le sujet, la transition écologique n’est pas un sujet de négociation. Plutôt que d’attaquer un texte contraignant, essayons déjà de faire en sorte que tout ce qui est prévu par la loi s’applique”. Certes la transition écologique fait partie des nouvelles prérogatives des CSE depuis la loi Climat et résilience d’août 2021 mais, dans les faits, le sujet reste trop souvent absent du dialogue social.

… malgré plusieurs obstacles persistants

Or il y a urgence. Mais la question du changement climatique bute sur plusieurs obstacles. “Les employeurs et salariés sont assez démunis en raison d’un manque de formation et d’acculturation, affirme Fabien Guimbretière, membre de la commission exécutive de la CFDT, ex-secrétaire général de la CFDT Agri-Agro. Il y a ici un problème de compétences globales mais aussi une difficulté des employeurs à remettre en cause leur modèle de développement économique”.

De plus, “il n’est pas naturel pour les dirigeants et les organisations syndicales de se mettre autour d’une table pour discuter de la transition écologique. L’objectif est donc de donner des clefs de lecture, de droit, des idées sur le dialogue social, des repères. Commençons par utiliser les outils que nous avons à notre disposition notamment pour les PME et TPE”, poursuit-il.

Une feuille de route pour les partenaires sociaux 

En résumé, “cet accord est finalement une feuille de route précieuse, utile, efficace et opérationnelle pour les partenaires sociaux afin d’accélérer la transition écologique au sein des entreprises et des branches professionnelles ainsi que dans les territoires”, insiste Hubert Mongon. En somme, une “boîte à outils importante à la disposition des entreprises, quels que soient leur taille, leurs métiers, leur filière, pour être mieux accompagnées dans le dialogue social”. 

Mieux traiter des enjeux environnementaux dans les CSE

Le texte rappelle les compétences environnementales du CSE dans le cadre des consultations ponctuelles et récurrentes (orientations stratégiques, situation économique et financière ; politique sociale, conditions de travail et emploi). A condition que l’employeur respecte “son obligation de transmettre des informations précises et écrites dans un délai suffisant”, lesquelles doivent permettre “d’apprécier les conséquences environnementales des projets ou des décisions de l’entreprise” (Ndlr : ce qui n’est pas encore le cas si l’on en croit une étude du CESE). 

Il pourrait dans ce cadre être pertinent de mobiliser l’analyse environnementale, l’audit énergétique, le bilan des émissions de gaz à effet de serre, la déclaration de performance extra-financière, le plan de vigilance ou encore le plan de continuité d’activité, nous dit le projet d’ANI.

Il suggère également, en cas de recours à une expertise, d’intégrer un volet environnemental dans la lettre de mission de l’expert-comptable “pour lui permettre d’élaborer une analyse globale articulant enjeux économiques, financiers, sociaux et environnementaux”. 

Etoffer la BDESE avec plus d’indicateurs environnementaux

La BDESE pourrait également s’enrichir des nouveaux indicateurs, à l’instar du bilan des émissions de gaz à effet de serre, de la consommation des matières premières ou de l’utilisation des sols dans le volet “gestion durable des ressources” de la rubrique “économie circulaire”. Il est également possible de proposer des indicateurs d’utilisation des ressources tels que la quantité d’eau et les KWh consommés, les tonnes de déchets produites, etc…

Cap sur les mobilités douces et l’intéressement “vert”

S’agissant de l’organisation du travail, le texte recommande de négocier un accord de télétravail, un accord sur le temps de travail qui intègre la prise en compte des aléas climatiques (temps de pause, horaires de travail, équipements,..) ou encore de finaliser un plan de mobilité qui met l’accent sur les transports publics, les voitures électriques, le co-voiturage, la conversion des flottes des entreprises.

Côté rémunération, il préconise l’intégration de critères environnementaux dans la politique de rémunération, notamment dans les accords d’intéressement, ou encore l’orientation des placements des fonds d’épargne vers des investissements socialement responsables. En revanche, Franck Don, chef de file de la négociation pour la CFTC, regrette que le texte fasse l’impasse sur la rémunération des dirigeants, notamment du variable. Une revendication qui s’est soldée par une fin de non-recevoir de la part du camp patronal.

Comité de suivi

En revanche, il se félicite de la mise en place d’un comité de suivi. Les organisations signataires se retrouveront une première fois, avant le 31 décembre 2023, afin de déterminer les critères à mettre en place au niveau national. Le comité se réunira, ensuite “au plus tard deux ans à compter de la conclusion du présent accord, puis sur un rythme annuel”. Objectif ? “Etablir un état des lieux de l’évolution des pratiques, analyser la mise en œuvre et l’impact du dialogue social relatif à la transition écologique sur le fonctionnement de l’entreprise”. En somme, évaluer la portée de l’accord.

“Un acte manqué” pour la CGT
Si elle salue le fait qu’une délégation complète du côté des employeurs comme des salariés ait pu se réunir et discuter de ces sujets, la CGT dénonce pour sa part “un texte inopérant dans la quasi-totalité de son contenu”. Plus précisément, sa représentante, Fabienne Rouchy, parle d’un projet d’accord très insuffisant, pas du tout à la hauteur des enjeux et de l’urgence climatique, qui ne crée aucune garantie supplémentaire pour les salariés. La confédération aurait en effet souhaité un texte normatif et demandait par exemple que soit rendue obligatoire dans les CSE la création de commissions dédiées aux questions environnementales, dotées de leur propre budget, ou encore que l’ANI suggère d’amorcer une réflexion sur la diminution du temps de travail, qui pourrait avoir un impact positif sur l’environnement. Quant au comité de suivi, si son importance est aussi reconnue par Fabienne Rouchy, une réunion au bout de deux ans “n’a aucun sens face à l’urgence de la transition écologique”. Elle dénonce donc globalement “un manque de prise de conscience du patronat”.

Anne Bariet et Elise Drutinus

SANTÉ, SÉCURITÉ, CONDITIONS DE TRAVAIL

Suivi post-professionnel : comment l’activer concrètement ?

11/04/2023

Le cadre réglementaire de la surveillance post-professionnelle des salariés exposés à certains facteurs de risques a été rénové par la loi santé au travail d’août 2021 et ses textes d’application. Les salariés ayant été exposés à des risques justifiant un suivi médical renforcé peuvent bénéficier, lorsqu’ils sont inactifs ou retraités, d’un suivi post-professionnel (SPP). 

Une circulaire de l’assurance maladie, publiée le 30 mars 2023, présente le nouveau dispositif et apporte quelques précisions d’organisation.  

Première étape de cet éventuel SPP, la visite de fin de carrière au cours de laquelle le médecin du travail fait, selon la loi du 2 août 2021, la synthèse des expositions auxquelles a été soumis le salarié. Avec ce récapitulatif, l’assuré va pouvoir déposer une demande de SPP auprès de sa caisse d’assurance maladie. “Ce document vaut attestation d’exposition sans qu’il soit nécessaire de mener des investigation complémentaires”, est-il souligné dans la circulaire, signée par le directeur délégué aux opérations, Pierre Peix, et la directrice des risques professionnels, Anne Thiebeauld. La caisse instruit donc la demande.  

Si nécessaire, “pour définir le protocole de surveillance adapté à la situation”, le médecin conseil peut solliciter l’avis du CCPP (centre de consultation de pathologie professionnelle ou du CRPPE (centre régional de pathologies professionnelles et environnementales), la liste actualisée des contacts est en annexe de la circulaire.  

Précision importante : si le salarié retraité n’a pas pu bénéficier d’une visite de fin de carrière, mais demande tout de même à bénéficier d’un SPP, le médecin conseil peut là aussi solliciter l’avis de du CCPP ou CRPPE, dont les avis “sont mutualisés et mis à disposition de l’ensemble des services médicaux”.  

Une fois le SPP accordé, la caisse indiquera à l’assuré quels sont les examens accordés par le médecin conseil pour une prise en charge à 100 %, ainsi que leur fréquence. 

Source : actuel CSE

Les conditions de travail, principal facteur de l’absentéisme

13/04/2023

Selon le groupe de conseil et de courtage Diot-Siaci, le taux d’absentéisme atteint 5,64% en 2022, soit un niveau proche de 2020, année marquée par la pandémie. Parmi les causes, les salariés mettent en avant une charge de travail trop importante, un manque de reconnaissance mais aussi l’ambiance de travail.

Les arrêts de travail ne faiblissent pas. Selon le baromètre du groupe de conseil et de courtage, Diot-Siaci, le taux d’absentéisme a atteint 5,64 % en 2022. C’est plus qu’en 2021 (4,94 %) et proche de celui de 2020 (5,62 %), au plus fort de la crise sanitaire.

Dans le détail, la hausse est liée à l’augmentation du nombre de salariés absents au moins une fois au cours de l’année qui atteint 45 %, en progression de 10 points par rapport à l’année précédente. Soit un “niveau historique” en 2022, selon les auteurs de l’étude.

En revanche, la durée moyenne annuelle diminue : 18,4 jours en 2022, contre 23,6 jours en 2021. Les arrêts compris entre quatre et neuf jours sont les plus fréquents. Ils ont doublé entre 2021 et 2022, passant de 0,44 % à 0,92 %.

Le baromètre a été réalisé avec l’Ifop, auprès de 3 000 salariés, complété par les données de l’Observatoire statistique mis en place par Diot-Siaci sur quatre années (2019 à 2022).

L’absentéisme des jeunes en progression

Toutes les catégories socio-professionnelle et toutes les catégories d’âge sont concernées. Mais à y regarder de plus près, les jeunes de 25-34 ans qui sont les plus absents. Une tendance observée depuis 2019.

L’absentéisme pour des raisons autres que la santé est en recul, avec 16 % des salariés arrêtés en 2022, soit sept points de moins qu’en 2021. Concernant l’absentéisme dit “de complaisance”, 2 % des salariés déclarent avoir été arrêtés en 2022 pour convenance personnelle ou suite à des congés refusés.

Situations de sous-effectifs et objectifs de performance trop élevés

Surtout, des inquiétudes pèsent sur la santé mentale et physique des collaborateurs. Les salariés ont dû se résoudre à faire une pause dans leur travail, en raison d’un impact négatif de leur travail sur leur santé mentale (62 %) ou leur santé physique (52 %) ; ces deux caractéristiques pouvant être “cumulatives et interdépendantes”.

Les salariés mettent ici en avant les situations de stress (pour 67 % d’entre eux) et une charge de travail trop importante (51 %). Ainsi, ils dénoncent des situations de sous-effectifs, des objectifs de performance trop élevés ainsi qu’une répartition inéquitable de la charge de travail dans leur équipe.

Par ailleurs, ils déplorent un manque de reconnaissance (46 %).

Les salariés sondés pointent aussi l’ambiance de travail. Le retour au bureau post-confinement n’est pas idyllique : un tiers des répondants mentionne une pression psychologique de la part de leur manager ou bien une mauvaise ambiance de travail entre collègues.

“Alors que la question de l’absentéisme est souvent perçue ou traitée sous le prisme du manque d’engagement des salariés, les résultats de l’enquête montrent très clairement que c’est bien la santé au travail qui est la cause de l’écrasante majorité des absences”, analyse Sabeiha Bouchakour, directrice QVT-prévention au sein de la société Diot-Siaci.

Des solutions pour endiguer l’absentéisme

Face à cette situation, les entreprises tentent de juguler ce fléau. Mais des efforts restent à faire : seulement un tiers des salariés interrogés (32 %) estiment que les managers de leur entreprise sont suffisamment sensibilisés aux risques psychosociaux (RPS), alors même que “ceux-ci sont des acteurs de plus en plus centraux dans les grandes transformations en entreprise”.

“Cette enquête souligne aussi de façon évidente que les salariés appellent de leurs vœux des actions plus recentrées sur les conditions de travail”, poursuit Sabeiha Bouchakour.

D’ailleurs, ils ne manquent pas d’idées : 73 % estiment que la mise en place de davantage d’actions de prévention en lien avec la santé physique ou psychologique serait positive. 70 % pensent également qu’une plus grande souplesse dans l’organisation du travail et la possibilité d’évoquer ce type de sujets sur le lieu de travail permettrait éviter certains arrêts.

En pratique, ils plébiscitent des actions de prévention sur les troublés musculosquelettiques ; la gestion du stress et des RPS ; des conseils pour le sommeil ; des dispositifs d’aide pour l’accompagnement d‘un proche malade ou encore une ligne d’écoute psychologique…

Anne Bariet

Comment réduire les vibrations pour les caristes au niveau des quais de chargement ?

13/04/2023

Les caristes sont exposés à des vibrations lorsqu’ils utilisent des engins de manutention pour soulever ou déplacer des charges. Chaque année, 400 lombalgies avec hernie discale en lien avec des vibrations sont reconnues comme maladies professionnelles chez les caristes. C’est dans ce contexte que l’INRS s’est intéressé à cette problématique de santé au travail et propose un dépliant sur le sujet (ED 6445).
 
Le document rappelle que le quai de chargement est un lieu à risques. En effet, c’est la zone du secteur de la logistique qui recense le plus de risques pour les opérateurs. En addition aux risques de chutes, la passage entre le quai de chargement et la remorque du camion représente l’endroit avec les vibrations les plus marquées pour les caristes.
 
Pour y faire face, l’INRS recommande des actions afin de réduire l’exposition des caristes à ces vibrations. Ces solutions portent sur :

l’organisation du travail : réduction du temps d’exposition, utilisation de machines qui émettent moins de vibrations (chariot à mât rétractable, transpalette accompagnant, etc.), variation des tâches (conditionnement, filmage de palettes, tri des déchets, gestion des stocks, préparation de bordereaux, etc.), tâche complémentaire au niveau de la zone de liaison quai-remorque qui oblige à réduire la vitesse, voire à arrêter l’engin (scannage de produits ou de codes-barres, saisie informatique) ;

le quai et la zone de transbordement : amélioration de la qualité des sols, traitement des irrégularités (trous, bosses), entretien et nettoyage régulier des quais, choix d’un niveleur adapté entre le quai et la remorque, lèvre du niveleur plate, la plus fine possible et avec un biseau allongé, positionnement du bord arrière de la remorque parallèlement au quai, plancher de la remorque plus haut que le quai, plateau du niveleur en légère montée vers la remorque ou horizontal ;

l’engin de manutention : avec l’émission vibratoire la plus basse possible, entretien régulier des roues et des éléments de suspension (siège, plate-forme, timon, etc.), réduction de la vitesse de circulation des engins ;

la remorque : retrait de la plaque de renfort à l’entrée de la remorque ou intégration de la plaque dans l’épaisseur du plancher de la remorque, bon état du revêtement de la remorque, échanges avec les entreprises partenaires propriétaires des remorques pour la mise en place de ces bonnes pratiques.

 
Les engins qui transmettent le plus de chocs et de vibrations au conducteur restent les gerbeurs ou transpalettes à conducteur porté debout ou semi-assis. Un travail de prévention est essentiel pour réduire la fatigue, les douleurs au dos (lombalgies) voire les hernies discales.

Source : actuel CSE
 

DROIT

Inaptitude : quand le télétravail préconisé par le médecin du travail s’impose à l’employeur

11/04/2023

Lorsque le médecin du travail préconise, pour le salarié déclaré inapte, un poste en télétravail compatible avec ses fonctions, il appartient à l’employeur de proposer ce poste même si le télétravail n’a pas été mis en place dans l’entreprise.

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, il bénéficie d’un droit au reclassement. L’employeur est tenu de rechercher un autre emploi approprié aux capacités du salarié, en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail, notamment des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise (articles L.1226-2 et L.1226-10 du code du travail).

L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail (articles L.1226-2 et L.1226-10 du code du travail).

Par ailleurs, une jurisprudence constante exige que la proposition d’un reclassement soit sérieuse et loyale (arrêt du 21 mai 2008, arrêt du 13 mai 2015arrêt du 26 janvier 2022).

Pour écarter la préconisation du médecin du travail de proposer un poste en télétravail, l’employeur peut-il opposer le fait que l’entreprise n’a pas mis en place cette forme d’organisation du travail dans l’entreprise ? La Cour de cassation , pour la première fois à notre connaissance, tranche cette question.

Il n’est pas nécessaire que le télétravail soit mis en place dans l’entreprise pour être proposé au salarié

En l’espèce, une salariée secrétaire médicale responsable d’un service  de santé au travail, avait été déclarée inapte à son poste de travail. L’avis d’inaptitude précisait qu’elle ”pourrait occuper un poste administratif sans déplacement et à temps partiel (deux jours par semaine) en télétravail avec aménagement du poste approprié”.

L’employeur licencie la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Cette dernière conteste la validité de son licenciement et demande des dommages-intérêts.
La cour d’appel lui fait droit au motif que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement en n’aménageant pas le poste occupé par la salariée en télétravail. Elle estime que l’aménagement de poste de la salariée par sa transformation en un emploi à domicile faisait partie intégrante de l’obligation de reclassement incombant à l’employeur.

L’employeur forme un pourvoi. Il défend l’argument selon lequel l’employeur n’est pas tenu de créer spécifiquement un poste adapté aux capacités du salarié. Il considère qu’il ne peut se voir imposer d’aménager en télétravail le poste de la salariée que si le télétravail a été mis en place au sein de l’entreprise. Or il n’existait aucun poste en télétravail au sein du centre de santé au travail. En outre, le télétravail ne serait pas compatible avec l’activité de la salariée qui requiert le respect du secret médical.

La Cour de cassation rejette l’argumentation de l’employeur et confirme l’arrêt d’appel. Elle relève que les missions de la salariée à son poste de “coordinateur” ne supposaient pas l’accès aux dossiers médicaux et, étaient susceptibles d’être pour l’essentiel réalisées à domicile en télétravail et à temps partiel comme préconisé par le médecin du travail. Elle ajoute qu’il n’est pas nécessaire que le télétravail soit mis en place dans l’entreprise pour être proposé au salarié dans la mesure où l’aménagement d’un poste en télétravail peut résulter d’un avenant au contrat de travail.

Il en résulte que l’employeur n’avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement.

La Cour de cassation avait déjà admis que l’employeur manquait à son obligation de reclassement lorsqu’il ne proposait pas au salarié déclaré inapte un poste en télétravail alors que cette mesure était une préconisation du médecin du travail sauf à justifier de l’impossibilité du recours au télétravail (arrêt du 15 janvier 2014 ; arrêt du 23 septembre 2014). Mais c’est la première fois qu’elle précise que l’obligation de proposer un poste de télétravail s’applique même si le télétravail n’est pas mis en place dans l’entreprise.

Nathalie Lebreton

Le barème des indemnités kilométriques est actualisé

11/04/2023

Comme annoncé par le gouvernement, le barème des indemnités kilométriques est revalorisé de 5,4 % par un arrêté du 27 mars 2023. Il est publié au Journal officiel du 7 avril. Il s’agit du barème applicable en 2023 pour la déclaration des revenus de l’année 2022.

Rappelons que lorsque le salarié est contraint d’utiliser son véhicule personnel pour effectuer le trajet entre son domicile et son lieu de travail, l’employeur peut lui verser des indemnités forfaitaires kilométriques. 

Il n’y a pas d’obligation légale en la matière, à la différence des frais de transports collectifs.

Ces barèmes forfaitaires (applicables aux automobiles, aux motocyclettes et aux cyclomoteurs) permettent l’évaluation des frais de déplacement professionnels avec un véhicule par les bénéficiaires de traitements et salaires optant pour le régime des frais réels déductibles, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d’intérêts annuels afférents à l’achat à crédit du véhicule utilisé.

L’employeur peut déduire les indemnités kilométriques versées au salarié de l’assiette des cotisations sociales dans la limite de ces barèmes, publiés annuellement par le fisc. En cas d’utilisation d’un véhicule électrique, le montant des indemnités kilométriques est majoré de 20 % (BOSS-FP-380). L’employeur peut donc prendre en charge les trajets du salarié en franchise de cotisations si ces frais ont un caractère professionnel et si les indemnités sont utilisées conformément à leur objet, ce qui est le cas lorsqu’elles restent dans les limites des barèmes fiscaux. 

Source : actuel CSE

Les députés socialistes font des propositions pour améliorer l’emploi des seniors

11/04/2023

Le député PS de l’Essonne, Jérôme Guedj, a déposé une proposition de loi visant à garantir le droit à vieillir dans la dignité et à préparer la société au vieillissement de sa population. Parmi les mesures proposées, certaines concernent l’emploi des seniors (en pièce jointe). 

Il est ainsi proposé de déplafonner le compte personnel de formation (CPF) au-delà d’un certain âge – 45 ans – en instaurant un abondement supplémentaire, chaque année, pour les salariés concernés. Ces derniers pourront ainsi bénéficier d’un financement supplémentaire pour leurs formations professionnelles, au-delà du plafond actuel. 

Une seconde disposition met en place un rendez-vous en conseil en évolution professionnelle a lieu pour toute personne dans l’année suivant son 45ème anniversaire.
Un bilan de compétences est proposé lors de ce rendez-vous. Ce rendez-vous se déroule immédiatement après la visite de mi-carrière avec le service de santé au travail.

Source : actuel CSE

La rupture conventionnelle libère le salarié de l’indemnité de dédit-formation

12/04/2023

La clause de dédit-formation, qui met à la charge du salarié une indemnité en cas de rupture du contrat de travail à son initiative, ne s’applique pas en cas de rupture conventionnelle, y compris si le salarié a pris l’initiative de la solliciter. C’est ce que juge la Cour de cassation dans un arrêt du 15 mars 2023.

La clause de dédit-formation prévoit que le salarié qui démissionne avant un certain délai devra rembourser à l’employeur les frais exposés pour sa formation. Elle est licite si elle constitue la contrepartie d’un engagement d’assurer une formation entraînant des frais excédant les dépenses imposées par la loi ou la convention collective, si elle ne prive pas le salarié de la faculté de démissionner et si l’indemnité de dédit est proportionnée aux frais engagés (arrêt du 5 juin 2002).

Elle peut être insérée dans le contrat de travail ou faire l’objet d’un avenant conclu avant le début de la formation (arrêt du 4 février 2004 ; arrêt du 20 novembre 2013).

Une clause exécutée en cas de rupture à l’initiative du salarié

Lors de son embauche, une infirmière en santé au travail a souscrit une clause de dédit-formation. “En cas de rupture du contrat à son initiative ou non imputable à l’employeur”, la salariée s’engageait, selon certaines modalités, à rembourser tout ou partie des sommes engagées pour sa formation.

Un an plus tard, elle a conclu une rupture conventionnelle homologuée de son contrat de travail. Son employeur a ensuite saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de l’indemnité de dédit et de condamnation à des dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Devant la Cour de cassation, l’employeur faisait valoir que la salariée avait été à l’initiative de la rupture conventionnelle et qu’il s’était borné à donner son accord à cette rupture. En se fondant sur la force obligatoire du contrat (article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, devenu article 1103 du code civil), il soutenait qu’il n’était pas possible de considérer, comme l’avait fait la cour d’appel, que la rupture n’était ni à l’initiative du salarié ni non imputable à l’employeur.

Une rupture d’un commun accord n’est imputable à aucune des parties

La Cour de cassation, qui rejette le pourvoi, commence par rappeler que, dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation (article 1162 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-1131 du 10 février 2016, devenu article 1190 du code civil).

La Haute Juridiction décide qu’il résulte de l’article L.1237-11 du code du travail que la rupture conventionnelle du contrat de travail, exclusive de la démission ou du licenciement, intervient d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Par conséquent, la rupture n’est imputable à aucune des parties.

Elle en déduit que, dès lors qu’une clause de dédit-formation prévoit le paiement d’une indemnité de dédit en cas de rupture du contrat à l’initiative de la salariée ou non imputable à l’employeur, une cour d’appel peut juger que cette clause ne prévoit pas de paiement en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail. En effet, cette rupture intervient d’un commun accord entre les parties : elle ne peut donc s’analyser ni en une rupture à l’initiative du salarié ni en une rupture non imputable à l’employeur.

C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation se prononce sur le sort d’une clause de dédit-formation en cas de rupture conventionnelle du contrat de travail. Au demeurant, dans la mesure où la rupture conventionnelle est négociée par les parties, la convention de rupture peut régler le sort de la clause.

La rupture conventionnelle homologuée ne demeure imputable à aucune des parties que si sa validité n’est pas remise en cause. La rupture conventionnelle est nulle et produit les effets d’un licenciement aux torts de l’employeur en cas de vice du consentement du salarié (arrêt du 30 mai 2018) ou de non-respect d’une formalité essentielle telle que l’absence de mention de la date de signature (arrêt du 27 mars 2019) ou de remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié (arrêt du 6 février 2013 ; arrêt du 3 juillet 2019).

Clément Geiger

La CNIL ouvre une consultation publique sur le référentiel « alertes professionnelles »

12/04/2023

Le 6 avril dernier, la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) a ouvert une consultation publique pour mettre à jour son référentiel « alertes professionnelles ».

Cette démarche fait suite au renforcement récent de la protection des lanceurs d’alerte dans la loi (transposition de la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte par la loi Waserman dont le décret d’application a été publié le 3 octobre 2022). Selon la CNIL, les changements ont rendu nécessaire la modification du référentiel adopté à l’origine le 18 juillet 2019.

Toute personne ou organisme peut participer à la consultation jusqu’au 5 mai 2023. A l’issue de ce délai, le projet enrichi des observations recueillies sera remis à l’examen du collège de la CNIL en vue de l’adoption du référentiel final. 

Source : actuel CSE

Lettre d’informations du cabinet LBBa pour le mois de mars 2023

CONTRAT DE TRAVAIL – EXECUTION

Salarié itinérant, temps de déplacement, heures supplémentaires : la Cour de cassation confirme que lorsque durant le temps de déplacement entre son domicile et le premier ou le dernier client , le salarié itinérant doit se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles, ce temps de déplacement doit être considéré comme du temps de travail effectif pouvant donner lieu au paiement d’heures supplémentaires (Cass. soc., 1er mars 2023, n°21-12.068).

Engagement unilatéral de l’employeur, coefficient supérieur, rémunération : le salarié qui se voit reconnaître un coefficient supérieur par un engagement unilatéral de l’employeur est en droit de bénéficier de la rémunération correspondant à ce coefficient en application de la convention collective applicable, peu important les fonctions réellement exercées par lui (Cass. soc., 1er mars 2023, n°21-25.376).

Communication des bulletins de paie anonymisés, égalité de traitement, droit à la preuve : la communication à une salariée des bulletins de paie de collègues masculins occupant des postes de niveau comparable au sien avec occultation des données personnelles à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle et de la rémunération peut être ordonnée dès lors qu’elle est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, à savoir la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (Cass. soc., 8 mars 2023, n°21-12.492).

Durée du travail, cadre dirigeant : un directeur des ressources humaines et de la communication, qui bénéficie de subdélégations de la part du directeur général, qui doit, en dépit d’une grande autonomie dans l’exercice de ses fonctions, en référer au directeur général et qui ne signe ni les lettres de convocation à entretien préalable, ni les lettres de licenciement, n’a pas la qualité de cadre dirigeant (Cass. soc., 15 mars 2023, n° 21-21.632).

Congés payés, jours de congés supplémentaires pour enfant à charge : les salariés âgés de 21 ans au moins à la date du 30 avril de l’année précédente bénéficient de deux jours de congés supplémentaires par enfant à charge, sans que le cumul du nombre de jours de congés supplémentaires et des jours de congés annuels puisse excéder la durée maximale du congé annuel de trente jours ouvrables (Cass. soc., 15 mars 2023, n° 20-20.995).

Géolocalisation, véhicule professionnel : constitue une atteinte à la vie privée l’utilisation par l’employeur du système de géolocalisation installé sur le véhicule professionnel mis à disposition du salarié, destiné à la protection contre le vol et la vérification du kilométrage, pour surveiller l’intéressé et contrôler sa localisation en dehors de son temps de travail (Cass. soc., 22 mars 2023, n° 21-24.729).

Télétravail, inaptitude, obligation de reclassement : lorsque le médecin du travail préconise un poste en télétravail compatible avec les fonctions du salarié déclaré inapte, il appartient à l’employeur de proposer ce poste même si le télétravail n’a pas été mis en place dans l’entreprise (Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-15.472).

Inaptitude, cumul du salaire et des IJSS : s’il n’est ni reclassé ni licencié à l’expiration d’un délai d’un mois, un salarié déclaré inapte peut cumuler à la fois le salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension de son contrat de travail et les indemnités journalières de sécurité sociale (Cass. soc., 1er mars 2023, n°21-19.956).

RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Indemnité d’éviction, intéressement et participation : si le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de la période d’éviction comprise entre la date du licenciement nul et celle de la réintégration dans son emploi, sauf lorsqu’il a occupé un autre emploi durant cette période, les sommes réclamées au titre de l’intéressement et de la participation ne constituant pas des salaires doivent à ce titre être exclues du calcul de l’indemnité d’éviction (Cass. soc., 1er mars 2023, n°21-16.008).

Harcèlement moral, nullité de la convention de rupture conventionnelle : doit être considérée comme nulle la convention de rupture conventionnelle conclue alors qu’au moment de la signature de l’acte, la salariée était dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a été victime, résultant notamment de propos déplacés réguliers, voire quotidiens, de nature discriminatoire, et des troubles psychologiques qui en sont résultés (Cass. soc., 1er mars 2023, n°21-21.345).

Irrégularité de la composition du conseil de discipline, incidence sur le licenciement : l’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur n’est assimilée à la violation d’une garantie de fond et ne rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse que lorsqu’elle a privé le salarié des droits de sa défense ou lorsqu’elle est susceptible d’avoir exercé une influence sur la décision finale de licenciement par l’employeur (Cass. soc., 8 mars 2023, n°21-19.340).

Montant des indemnités de rupture et de la clause de non-concurrence, prise en compte des heures supplémentaires non rémunérées : les indemnités de rupture du contrat de travail et la contrepartie financière de la clause de non-concurrence doivent être calculées sur la base de la rémunération que le salarié aurait dû percevoir et non sur celle de la rémunération qu’il a effectivement perçue du fait des manquements de l’employeur à ses obligations. Il doit être tenu compte, le cas échéant, des heures supplémentaires réalisées par le salarié et non-rémunérées par l’employeur (Cass. soc., 15 mars 2023, n°21-16.057).

CDD successifs, rupture anticipée : la faute de nature à justifier la rupture anticipée d’un CDD doit avoir été commise durant l’exécution de ce contrat, et non au cours d’un contrat antérieur (Cass. soc., 15 mars 2023, n° 21-17.227).

Clause de dédit-formation, rupture conventionnelle : la clause de dédit-formation ne s’applique pas en cas de rupture conventionnelle, quand bien même elle aurait été sollicitée par le salarié (Cass. soc., 15 mars 2023, n°21-23.814).

LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE, PSE

Rupture conventionnelle collective : un accord portant RCC ne peut être validé par l’administration lorsqu’il est conclu dans le contexte d’une cessation d’activité de l’établissement ou de l’entreprise conduisant de manière certaine à ce que les salariés n’ayant pas opté pour la RCC fassent l’objet, à la fin de la période d’application de cet accord, d’un licenciement pour motif économique, et le cas échéant, d’un PSE (CE, 21 mars 2023, n° 459626).

PSE, prévention des RPS : dans le cadre d’une réorganisation qui donne lieu à l’élaboration d’un PSE, l’administration doit vérifier le respect par l’employeur de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A cette fin, elle doit contrôler, d’une part, la régularité de la consultation des institutions représentatives du personnel, d’autre part que les actions arrêtées par l’employeur correspondent à des mesures précises et concrètes (CE, 21 mars 2023, n° 450012, n° 460660, n° 460924).

PSE, contrôle de l’administration, motivation : la décision d’homologation qui fait mention notamment, d’une part, des démarches effectuées par le liquidateur judiciaire pour rechercher des postes de reclassement, des mesures d’accompagnement du PSE ainsi que le budget global alloué à ce titre, et de la proposition d’adhésion au CSP, et d’autre part, qui comporte l’appréciation de l’administration selon laquelle le plan est proportionné aux moyens de l’entreprise, n’est pas entachée d’insuffisance de motivation (CE, 21 mars 2023, n° 453029).

RCC, contrôle de l’administration : la circonstance qu’à la date de la négociation de l’accord de RCC, la loi ne permettait pas encore d’inclure les fonctionnaires dans le champ de la RCC n’entache pas de nullité l’accord qui a été conclu après la modification de la loi (CE, 21 mars 2023, n° 446492).

TRANSFERT

Externalisation de l’activité commerciale, absence de transfert au sens de l’article L. 1224-1 : l’externalisation de l’activité commerciale d’une société auprès d’une agence commerciale se trouvant dans un lien de dépendance à l’égard de la première n’entraîne pas automatiquement le transfert des contrats de travail des salariés, sauf à caractériser le transfert d’une entité économique autonome ayant conservé son identité (Cass. soc., 1er février 2023, n°21-19.513).

IRP, FONCTIONNEMENT, PERIMETRE

Titres-restaurant, activité sociale et culturelle : les titres-restaurant relèvent d’une activité sociale et culturelle du CSE dès lors qu’ils ne sont qu’une faculté pour l’employeur, les salariés ayant un accès à un restaurant d’entreprise (TJ Nanterre, 13 mars 2023, n° 22/0015, décision communicable sur simple demande).

Désignation d’un représentant au CSE, date : les conditions d’ouverture du droit pour un syndicat de désigner un représentant au CSE s’apprécient à la date des dernières élections (Cass. soc., 22 mars 2023, n° 22-11.461).

Accord de GPEC, consultation du CSE : si, en présence d’un accord relatif à la GPEC, le CSE n’a pas à être consulté sur cette gestion prévisionnelle dans le cadre de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques, sont, en revanche, soumises à consultation les mesures ponctuelles intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment celles de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, quand bien même elle résulteraient de la mise en œuvre de l’accord de GPEC (Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-17.729).

Justification des nécessités d’utiliser les heures de délégation hors du temps de travail, incompétence du juge des référés : l’employeur ne peut contester l’usage fait des heures de délégation qu’après les avoir payées. Le fait que les heures aient été prises en dehors du temps de travail. Si la charge de la preuve des nécessités du mandat l’obligeant à utiliser ses heures de délégation en dehors de son temps de travail pèse sur le salarié, l’employeur ne peut saisir le juge des référés pour obtenir la justification par le salarié de ces nécessités (Cass. soc., 5 avr. 2023, n°21-17.851).

Examen par le CSE du rapport sur la participation, honoraires de l’expert: l’expertise réalisée en vue de l’examen du rapport sur la participation participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise. Dès lors, les honoraires d’expertise sont à la charge de l’entreprise. Cette solution peut laisser penser que l’expertise sur la participation n’a plus de caractère distinct  (Cass. soc., 5 avr. 2023, n°21-23.427).

Requalification en CDI, détermination des effectifs, intérêt à agir des syndicats : les syndicats ont qualité pour demander au tribunal judiciaire que les CDD soient considérés comme des CDI pour la détermination des effectifs de l’entreprise en vue de la désignation d’un RSS (Cass. soc., 15 févr. 2023, n°22-10.540).

ELECTIONS

Négociation préélectorale, obligation de loyauté, contrôle de l’effectif : l’employeur, tenu dans le cadre de la négociation préélectorale à une obligation de loyauté, doit fournir aux syndicats participant à cette négociation, sur leur demande, les éléments nécessaires au contrôle de l’effectif de l’entreprise et de la régularité des listes électorales (Cass. soc., 22 mars 2023, n° 21-18.095).

PAP, contestation par un syndicat: un syndicat professionnel, affilié à une fédération ou à une union de syndicats qui a signé le PAP, que celle-ci soit ou non représentative, ne peut contester la validité de ce protocole et demander l’annulation à ce titre des élections professionnelles dans l’entreprise (Cass. soc., 22 mars 2023, n° 22-13.535

SALARIES PROTEGES

Licenciement économique, prime de maintien dans l’emploi : dès lors que le licenciement économique du salarié protégé n’a pas été autorisé par l’administration, son poste ne pouvait plus être supprimé en application des mesures du PSE définies par l’accord collectif. Le salarié ne pouvait donc prétendre au versement de la prime de maintien dans l’emploi, instituée par cet accord au bénéfice des salariés dont le licenciement devait être échelonné, que pour la période comprise entre l’engagement de la procédure de licenciement et le refus d’autorisation de licenciement (Cass. soc., 22 mars 2023, n° 21-18.557).

Expiration de la période de protection, refus d’autorisation administrative de rupture : en engageant la procédure de licenciement quelques jours après l’expiration de la période de protection du salarié et en lui notifiant un licenciement fondé sur les mêmes motifs que ceux ayant motivé un refus d’autorisation administrative de rupture, l’employeur n’a pas tenu compte de la décision de l’autorité administrative qui s’imposait à lui et a détourné la procédure de licenciement. La rupture constitue donc un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser par la réintégration du salarié dans son poste ou dans un poste équivalent (Cass. soc., 22 mars 2023, n° 21-21.561).

Sauvegarde de la compétitivité, appréciation du secteur pertinent, comparaison avec les concurrents : lorsque la demande d’autorisation de licenciement pour motif économique d’un salarié protégé est fondée sur la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, l’autorité administrative doit s’assurer du bien-fondé d’un tel motif, en appréciant la réalité de la menace pour la compétitivité de l’entreprise, le cas échéant, au niveau du secteur d’activité dont relève l’entreprise en cause au sein du groupe. Le motif invoqué, qui doit être caractérisé dans le secteur d’activité pertinent, doit ainsi reposer sur des éléments tendant à démontrer l’existence de cette menace, ce qui implique nécessairement de comparer la situation de l’entreprise avec celle de ses concurrents (CAA Nantes, 28 mars 2023, n°22NT00701, décision communicable sur simple demande).

CONTENTIEUX

Action dans l’intérêt collectif de la profession, inexécution d’un accord collectif, indifférence du nombre de salariés concernés : l’action introduite par un syndicat sur le fondement de l’article L. 2132-3 du code du travail est recevable du seul fait que ladite action repose sur l’inexécution de dispositions d’une convention ou d’un accord collectif qui cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession, la circonstance que seuls quelques salariés de l’entreprise seraient concernés par cette violation étant sans incidence sur le droit d’agir du syndicat (Cass. soc., 15 févr. 2023, n°21-22.030).

Action dans l’intérêt collectif de la profession, intérêt à agir du syndicat, réglementation sur les stages : s’il ne peut solliciter le paiement de sommes déterminées à des salariés nommément désignés, un syndicat est recevable à solliciter en justice l’application par l’employeur des garanties légales relatives au respect du délai de carence entre deux conventions de stage et à la proportion de stagiaires pouvant être employés par l’entreprise (TJ Nanterre, 6 mars 2023, n°22/02944, décision communicable sur simple demande).

Droit à la preuve, preuve obtenue de façon illicite, procès-verbal de police : à défaut pour l’employeur d’avoir expressément invoqué son droit à la preuve devant la cour d’appel, est irrecevable le procès-verbal qui lui avait été communiqué dans le cadre informel des relations qu’il entretenait pour les besoins de son activité avec les autorités de police, et qui constitue une preuve obtenue de manière illicite (Cass. soc., 8 mars 2023, n°20-21.848).

Droit à la preuve, moyen de preuve illicite, proportionnalité de l’atteinte aux droits du salarié : les enregistrements extraits d’un système de vidéosurveillance irrégulièrement mis en place constituent un moyen de preuve illicite. Ces pièces sont par conséquent irrecevables dès lors que l’employeur, qui disposait d’un autre moyen de preuve non-versé aux débats, ne justifiait pas du caractère indispensable de la production desdits enregistrements (Cass. soc., 8 mars 2023, n°21-17.802).

Droit à la preuve, moyen de preuve illicite, système de badgeage détourné de sa finalité : l’exploitation par un employeur d’un système de badgeage à des fins autres que celles présentées aux salariés, à la CNIL et aux institutions représentatives du personnel, constitue un moyen de preuve illicite. Toutefois, ce moyen de preuve n’est pas nécessairement irrecevable et les juges doivent rechercher si la preuve litigieuse n’était pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et si l’atteinte au respect de la vie personnelle du salarié n’était pas strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. soc., 8 mars 2023, n°21-20.798).

Rappel de salaires, prescription, conditions d’application des dispositions transitoires : à défaut de saisine de la juridiction prud’homale dans les trois années suivant le 16 juin 2013, ce délai expirant le 15 juin 2016 à 24h00, les dispositions transitoires prévues par la loi du 14 juin 2013 ne sont pas applicables de sorte que l’action en paiement de créances de salaire nées sous l’empire de la loi ancienne se trouve prescrite. Le salarié ayant saisi la juridiction prud’homale le 16 juin 2016, ses créances d’heures supplémentaires étaient intégralement soumises aux nouvelles règles de prescription prévoyant un délai d’action de trois ans et pouvaient remonter, en application de ces règles, jusqu’à trois années avant la rupture du contrat de travail (Cass. soc., 15 mars 2023, n°21-16.057).

Mémoire en intervention d’un syndicat en appel, recevabilité : le syndicat qui, en première instance, a la qualité de partie, peut faire appel du jugement rendu. Dès lors, son « mémoire en intervention », communiqué dans le délai d’appel, doit être qualifié de mémoire en appel principal. Toutefois, lorsqu’un syndicat rédige un mémoire en intervention devant le tribunal administratif, il est préférable, devant la cour administrative d’appel, qu’il fasse appel du jugement par la production d’un mémoire en appel principal (CAA Nantes, 28 mars 2023, n°22NT00701, décision communicable sur simple demande).

Société d’avocats aux Barreaux de Paris et de Rennes

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JO 2024 : les magasins pourront être ouverts le dimanche du 15 juin au 15 septembre 2024

13/04/2023

La commission mixte paritaire (CMP) a trouvé un accord sur le projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques 2024. Parmi les mesures discutées, l’ouverture des commerces de détail autorisée le dimanche afin de répondre aux besoins du public et des touristes.

Un accord a finalement été trouvé. Mardi 4 avril, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 s’est réunie et a adopté un texte de compromis. Retour sur l’une des mesures phares intéressant les entreprises : l’ouverture des commerces le dimanche.

L’autorisation étendue à à d’autres établissements

Pour rappel, le Sénat avait acté l’ouverture exceptionnelle des commerces le dimanche pour une durée excédant celle des Jeux (entre le 1er juin 2024 et le 30 septembre 2024). Une durée jugée trop longue notamment par les sénateurs du groupe écologiste, solidarité et territoires qui réclamait de limiter la dérogation à la stricte période de compétitions.

Des arguments entendus par les députés qui avaient réduit la dérogation au repos dominical du 15 juillet au 15 septembre 2024. Finalement, la CMP a coupé la poire en deux.

L’article 17 prévoit d’autoriser exceptionnellement l’ouverture des commerces situés dans les communes d’implantation des sites de compétition des jeux ainsi que dans les communes limitrophes ou situées à proximité de ces sites entre le 15 juin 2024 et le 30 septembre 2024 (art. 17, al.  1).

Avant de donner son accord, le préfet devra recueillir l’avis de divers acteurs concernés (conseil municipal, chambre de commerce et d’industrie, chambre des métiers et de l’artisanat, organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, etc.).

Lorsqu’il a autorisé un établissement à déroger à la règle du repos dominical, il pourra étendre l’autorisation à tout ou partie des établissements situés dans les communes du même département et exerçant la même activité à y déroger, dans les mêmes conditions (art. 17, al.  5).

Volontariat 

Concernant les modalités de mise en œuvre, la dérogation au repos dominical se fera sur le principe du « volontariat » pour les salariés des commerces visés.

Le salarié qui se porte volontaire pourra « revenir à tout moment sur sa décision de travailler le dimanche, à condition d’en informer par écrit son employeur en respectant un délai de dix jours francs ». Il bénéficiera des contreparties définies au premier alinéa de l’article L 3132-27 du code du travail (art. 17, al.  4).

Prochaine étape : l’adoption du texte de compromis par l’Assemblée nationale le 11 avril, avant d’être définitivement voté par le Sénat le 12 avril 2023.

Leslie Brassac

Partage de la valeur : des députés souhaitent compléter l’accord des partenaires sociaux

14/04/2023

La mission d’information parlementaire sur le partage de la valeur a rendu ses conclusions mercredi 12 avril. Les deux rapporteurs souhaitent retranscrire l’accord national interprofessionnel (ANI) ad hoc mais avec quelques ajustements. Comme l’obligation de verser dès le 1er janvier 2024 et non le 1er janvier 2025 une prime de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à 50 salariés ou encore de laisser au seul employeur l’appréciation du caractère exceptionnel des résultats…

La nature du véhicule législatif – proposition de loi ou projet de loi – n’est pas déterminé mais les deux députés, Louis Marguerite (Renaissance) et Eva Sas (Europe Ecologie Les Verts), rapporteurs de la mission d’information parlementaire sur les outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur, sont unanimes : ils souhaitent retranscrire l’accord national interprofessionnel (ANI), finalisé le 10 février dernier, par les partenaires sociaux dans la loi.

“Alors que 53 % des salariés du secteur privé bénéficient actuellement d’au moins un des outils de partage de la valeur, grâce à l’ANI, jusqu’à 1,5 million de salariés supplémentaires pourraient en bénéficier”, a assuré Louis Margueritte, qualifiant cet accord d’ “historique”.

Même si Eva Sas a toutefois précisé qu’il apparaît “essentiel dans la période actuelle de soutenir la dynamique salariale, par l’augmentation du Smic et la conditionnalité des aides aux entreprises”, la prime de partage de la valeur pouvant “se substituer à l’augmentation des salaires”, en référence à l’enquête de l’Insee de mars dernier.

“Réduire les inégalités entre salariés des PME et des grandes entreprises”

Les deux députés comptent bien apporter leurs propres contributions pour enrichir le texte. À ce titre, ils ont auditionné une quarantaine d’experts (organisations patronales, syndicales, économistes, universitaires, ministères du travail et de l’économie, associations spécialisées dans l’épargne salariale).

“La France est le second pays d’Europe dans le déploiement des outils de partage de la valeur. Ces outils constituent un complément aux salaires. Même si notre pays se situe en bonne place en Europe, de fortes inégalités persistent entre les salariés des petites entreprises et ceux des grandes entreprises. Il faut corriger cette situation”, a affirmé Louis Margueritte. L’objectif est donc de “réduire ces inégalités et d’introduire plus d’égalité et de justice sociale dans nos entreprises”.

Avancer d’un an le partage de la valeur dans les entreprises de 11 à 50 salariés

Parmi les retouches, les deux rapporteurs préconisent d’avancer d’un an la mise en place en place d’un dispositif de partage de la valeur dans les entreprises de 11 à 50 salariés qui réalisent des bénéfices. L’article 7 de l’ANI prévoit, en effet, l’entrée en vigueur de cette obligation en janvier 2025, ce qui conduirait “à des premiers versements en septembre 2025”. Une perspective trop lointaine, au vu du “contexte inflationniste actuel”, selon les députés qui souhaitent que cette disposition s’applique “dès 2024”.

Abroger l’article L.3326-1 du code du travail

Par ailleurs, ils se prononcent pour l’abrogation de l’article L.3326-1 du code du travail. Lequel prévoit que le calcul de la réserve de participation, certifié par une attestation du commissaire aux comptes, ne peut pas être mis remis en cause, même en cas de fraude. Une revendication portée par la CFE-CGC lors des négociations de l’ANI.

Cet article prive bon nombre de salariés dans leurs droits à bénéficier de la participation, certains groupes transférant les bénéfices créés en France vers des pays à la fiscalité attrayante. Les salariés des entreprises comme Rank Xerox, Liaisons sociales, Procter et Gamble, General Electric ou encore Mc Donald’s l’ont appris à leurs dépens.

Redéfinir la notion de “résultats exceptionnels”

S’agissant des superprofits, Eva Sas regrette que l’appréciation du “caractère exceptionnel” des résultats soit laissée à la seule main de l’employeur. “Cette disposition est inopérante”, observe-t-elle. Elle recommande donc de définir “précisément” cette notion et “d’étendre la redistribution qui en découle à l’ensemble de la chaîne de valeur via un fonds dédié à l’intéressement des TPE/PME, ou à une redistribution aux salariés sous-traitants”.

Nouveau cas de déblocage anticipé de la participation

Les deux rapporteurs suggèrent également d’aller plus loin et d’’ouvrir les dispositifs de partage de la valeur aux structures de l’économie sociale et solidaire. Ils souhaitent, en outre, lancer une réflexion dans la fonction publique.

Enfin, ils demandent d’instaurer un nouveau cas de déblocage anticipé de la participation pour “soutenir le pouvoir d’achat”, à savoir la possibilité pour les salariés touchant une rémunération inférieure à 3 Smic de débloquer 1 000 euros par an.

Anne Bariet

Contrats courts : 235 000 emplois à temps plein !

14/04/2023

Près de 40 000 établissements recourent toute l’année à des contrats d’une durée inférieure à 32 jours. Transformés en CDI ou CDD, 9 millions de ces contrats représenteraient un volume de 235 000 emplois de 5 jours par semaine.

A partir d’une exploitation des déclarations sociales nominatives (DSN), la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail a cherché à évaluer le poids des contrats précaires en France, plus précisément des contrats de travail courts, c’est-à-dire d’une durée inférieure à 32 jours. Le résultat, établi sur la base des déclarations 2019, vient d’être publié hier soir : 39 000 établissements appartenant à 27 000 entreprises recourent aux contrats courts tout au long de l’année. Dans ces établissements, ces contrats précaires représentent 19% de leur volume d’emploi, autrement dit 19% de la durée totale des contrats de travail. 

L’action sociale concentre le plus d’établissements concernés par les contrats courts

Ces établissements appartiennent au secteur de l’action sociale privée (17 % des cas, alors que ce secteur ne représente que 2 % des établissements du secteur privé), de l’industrie (16 %, contre 6 %), de l’hébergement-restauration (13 %, contre 9 %), du commerce (12 %, contre 19 %), des transports et de l’entreposage (10 %, contre 3 %) et de la construction (8 %, contre 10 %), comme on le voit sur ce graphique.

Plus de 9 millions de contrats, soit 235 000 emplois à temps plein

Sur cette base, la Dares a ensuite calculé, de façon bien sûr théorique, combien de ces emplois précaires pourraient créer d’emplois stables (CDI ou CDD d’un an), l’hypothèse étant de raisonner par famille de métiers en considérant qu’un emploi n’est pas substituable à un autre dans une autre famille (225 familles professionnelles étudiées). Pour y parvenir, la Dares a exclu du calcul du nombre des contrats courts les périodes de 5 semaines où leur recours est faible, de façon à tenir compte des 5 semaines de congés payés. L’administration a également privilégié les seuls contrats se succédant de façon assez proches. Après la prise en compte du repos hebdomadaire de 48 heures, la Dares a enfin agrégé les contrats cours pour chaque semaine de 2019 afin d’estimer un volume minimal de contrats courts présents toute l’année. 

Il en ressort que qu’environ 9 millions de contrats courts pourraient être transformés en contrats stables (CDI ou CDD), pour un volume équivalent à 235 000 emplois de 5 jours par semaine. Dans le graphique ci-dessous, on voit bien quels secteurs dégageraient le plus d’emplois : l’industrie, l’action sociale, les transports, etc.

Des ouvriers non qualifiés

On voit qu’il s’agit a priori d’un nombre important d’emplois : 43 000 emplois de 5 jours par semaine dans l’industrie, 36 000 dans l’action sociale privée, 26 000 dans le transport-entreposage, 15 000 dans le commerce, 13 000 dans l’hébergement-restauration, 9 000 dans la construction, etc.

Selon la Dares, ces contrats courts potentiellement transformables en des contrats stables “mobiliseraient le plus souvent des ouvriers non qualifiés de la manutention (pour un volume équivalent à 28 000 emplois de 5 jours par semaine) et de l’industrie (11 000), ainsi que des agents d’entretien et des aides-soignants (14 000 chacun)”.

Bernard Domergue

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : droits des salariés, nomination

14/04/2023

Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du vendredi 7 avril au jeudi 13 avril inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branche que vous retrouvez une fois par mois dans nos colonnes.

Droits des salariés

Un décret du 12 avril 2023 définit les secteurs autorisés à mettre en œuvre l’expérimentation prévue par la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi sur le remplacement de plusieurs salariés par un seul salarié titulaire d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de travail temporaire (Ndlr : nous reviendrons sur ce décret dans une prochaine édition).

Nominations

Un arrêté du 4 avril 2023 porte nomination au cabinet du ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

Source : actuel CSE

PROTECTION SOCIALE

“Si censure il y a, ce sera uniquement sur des motifs juridiques, qui seront alors à construire, en limitant par exemple le champ des lois de financement de la sécurité sociale”

11/04/2023

Le 14 avril, le Conseil constitutionnel rendra ses deux décisions très attendues sur la réforme des retraites. La première sur la LFRSS pour 2023 qui porte réforme des retraites, la seconde sur la proposition de loi instituant un référendum d’initiative partagée afin que l’âge légal de départ à la retraite demeure à 62 ans. Bérénice Bauduin, maître de conférence à l’Ecole de droit de la Sorbonne, répond à nos questions sur la position que les Sages pourraient adopter sur ces deux textes.

Peut-on affirmer que la procédure parlementaire utilisée pour la réforme des retraites est inédite ?

Le recours au vote bloqué et à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution est assez fréquent dans le cadre des lois de finances. Le recours à ces articles n’est donc pas inédit pour une loi de finances, ces dispositions constitutionnelles permettant d’accélérer l’examen du texte. S’il est vrai que leur cumul avec les délais prévus à l’article 47-1 de la Constitution (applicable aux lois de financement de la sécurité sociale) est plus rare, rien n’oblige le Conseil constitutionnel à appréhender ces mécanismes constitutionnels de façon globale. Or, il semble qu’individuellement ces mécanismes aient été utilisés conformément au texte constitutionnel.

La véritable originalité de ce texte est le véhicule législatif utilisé pour une réforme des retraites, un projet de loi rectificative de financement de la sécurité sociale (PLFRSS). C’est ce point que devra trancher le Conseil constitutionnel.

Sur la nature du véhicule législatif, on peut se référer à une précédente décision du Conseil constitutionnel qui portait sur la LFSS pour 2018. Les requérants considéraient que l’article contesté, qui supprimait le régime social des indépendants (RSI) et modifiait les règles d’affiliation à l’assurance vieillesse de certaines professions libérales, était une mesure trop large pour figurer au sein d’une loi de financement de la sécurité sociale. Cet argument a été rejeté par le Conseil constitutionnel. Dans la LFRSS pour 2023, l’article le plus contesté est l’article 10 qui reporte l’âge de départ à la retraite et qui, certes, concerne davantage d’assurés sociaux.

Les saisines critiquent également le caractère insincère de la loi déférée. Cet argument peut-il prospérer devant les Sages ?

Ce principe de sincérité de la LFSS veut que la loi “détermine, pour l’année à venir, de manière sincère, les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible” (article LO 111-3 2° du code de la sécurité sociale).

Le Conseil constitutionnel a tiré des conséquences précises de cette disposition en considérant que :

– La sincérité de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre qu’elle détermine pour l’année en cours” ; 

– Qu’il se déduit du principe de sincérité une obligation de véracité des informations transmises au parlement et que la sincérité de la loi de financement de la sécurité sociale s’apprécie “au regard des informations disponibles à la date du dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale et des dispositions contenues dans ce projet de loi” ;

– Enfin, qu’”il appartient au gouvernement d’informer le Parlement, au cours de l’examen de ce projet de loi, lorsque surviennent des circonstances de droit ou de fait de nature à remettre en cause les conditions générales de l’équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et, dans ce cas, de corriger les prévisions initiales”.

En l’espèce, s’il y a eu des “cafouillages” de la part du gouvernement sur les conséquences exactes de certaines mesures, il est difficile de considérer que la censure s’impose sur ce grief tiré de l’insincérité.

Le Conseil constitutionnel peut-il donner raison à ceux qui pointent la présence de cavaliers sociaux ?

Le Conseil constitutionnel va s’assurer que l’effet de chacune des dispositions de la loi sur les recettes ou sur les dépenses n’est pas “trop indirect”. Pour apprécier cet effet, le juge constitutionnel privilégie le critère juridique au critère financier. En d’autres termes, c’est le lien juridique qu’entretiennent les dispositions contestées avec le domaine des lois de sécurité sociale qui justifie ou non la censure et non l’importance de leurs conséquences financières.

A cet effet, plusieurs mesures pourraient être considérées comme des cavaliers sociaux.

Tel pourrait être le cas de l’article 2 de la loi qui prévoit un Index seniors dans les entreprises de 300 salariés et plus, quand bien même le texte prévoit une sanction qui pourrait être rattachée à une loi de finances.

Le texte prévoit ensuite l’ouverture d’une négociation interprofessionnelle sur les seniors dans le cadre de l’article L.1 du code du travail, qui n’a pas de lien direct avec une LFSS. En l’absence de négociation interprofessionnelle, la loi prévoit un CDI de fin de carrière (CDI seniors) dont les modalités seraient définies par les branches professionnelles (dispositions supplétives) accompagné d’une exonération de cotisation. Mais là encore, le lien avec une LFSS apparait très ténu.

Il est également probable que le Conseil constitutionnel censure en tant que cavalier législatif l’article 17 de la loi qui instaure un suivi individuel spécifique des salariés ayant exercé des métiers exposés à des facteurs de risques professionnels.

Le Conseil constitutionnel pourrait donc, selon vous, ne pas aller au-delà de la censure de ces cavaliers sociaux ?

L’attitude – classique – du Conseil constitutionnel serait d’être prudent sur les motivations politiques et se contenter de censurer les cavaliers sociaux. Sur le véhicule législatif utilisé, si on peut rejeter la méthode ou la déplorer, la censure ne s’impose pas au regard de la jurisprudence constitutionnelle antérieure. Au regard de l’extrême tension du contexte social actuel, nous ne sommes toutefois pas à l’abri d’un coup de théâtre inattendu de la part du Conseil constitutionnel. Mais si censure il y a, ce sera uniquement sur des motifs juridiques – qui seront alors à construire –  en limitant par exemple le champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Le Conseil constitutionnel pourrait-il censurer le texte au motif que la loi n’aura d’effets qu’à partir de septembre 2023 ?

Non. Peu importe que la loi ne commence à produire ses effets qu’en septembre 2023. Ce qui importe c’est que le texte ait des effets sur les recettes et dépenses de l’année. Or, en l’espèce, il y en a.

Le Conseil constitutionnel pourrait-il invalider la loi au motif que la démocratie sociale n’a pas été respectée comme ne cessent de le répéter les organisations syndicales ?

Non, le Conseil constitutionnel ne censure pas la loi sur le motif du non-respect de la démocratie sociale. Dans une décision du 21 décembre 2017, le Conseil constitutionnel avait rejeté un tel grief. Faute de valeur constitutionnelle, le grief tiré de la violation de l’article L.1 du code du travail est inopérant devant le Conseil constitutionnel. De plus, ce type de réforme ne rentre pas dans le champ d’application de cet article L.1.

La censure de certaines dispositions empêcherait-elle de les voir prospérer dans une autre loi ?

En cas de censure partielle ou totale de la loi, la possibilité de reprendre les dispositions censurées dans un autre texte de loi dépend de la nature de la censure. Si l’invalidation envisagée vise des cavaliers sociaux, ces dispositions peuvent être reprises dans une loi classique sans que cela ne soit censuré ultérieurement pour ce même motif.

Si la censure est liée à la violation de droits et libertés constitutionnels, ce qui est très improbable, c’est évidemment plus délicat car il faut tenir compte des motifs de censure pour ne pas être à nouveau censuré. Mais cela n’est pas impossible : souvenons-nous du système de plancher/plafond applicable aux indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La NUPES a développé des griefs qui reposent sur une méconnaissance de certaines dispositions de la Constitution consacrant des droits “substantiels” :

– En application de l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946, le report de l’âge légal contreviendrait à un “droit à la retraite” ; 

– En application de l’alinéa 3 du Préambule de la Constitution de 1946, les femmes seraient défavorisées alors que le texte dispose que “la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme” ; 

– Enfin, en violation de l’article 1 de la Constitution de 1958, le texte augmenterait les difficultés des seniors sur le marché de l’emploi ce qui serait contraire à la “République sociale”.

Selon nous, aucun de ces griefs n’a de chance d’être retenu car ils reposent sur une interprétation de la Constitution qui ne résulte pas de la jurisprudence constitutionnelle actuelle.

La Première ministre a adressé au Conseil constitutionnel une “saisine blanche”. Cela empêchera-t-il  le dépôt ultérieur de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ? 

La QPC est possible pour les dispositions législatives qui n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances. La “saisine blanche” ne change pas grand-chose.

Lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d’un contrôle a priori d’une loi, il peut soulever des griefs qui n’ont pas été expressément visés. C’est-à-dire qu’il peut se prononcer sur des dispositions qui ne sont pas directement contestées par les auteurs des saisines et qu’il peut soulever d’office une contrariété avec un autre droit constitutionnel que ceux invoqués. En principe, toutefois, le Conseil se contente d’examiner les griefs qui lui sont soumis et se limite ainsi aux dispositions effectivement contestées pour justement laisser de la place aux QPC. L’examen des QPC lui laisse en effet plus de temps pour trancher des questions complexes, et de surcroit dans le cadre d’une procédure contradictoire plus développée que dans un contrôle a priori. À cet égard, la saisine blanche n’aura aucun impact tangible.

Il faut toutefois que la procédure QPC permette de telles questions sur une loi de financement de la sécurité sociale. Il est en effet nécessaire que la disposition contestée par QPC soit applicable au litige en cours. Si tel est le cas, cela aura probablement lieu à l’occasion de contentieux administratifs sur les décrets pris pour l’application des dispositions législatives.

Venons-en à la proposition de loi sur le référendum d’initiative partagée (RIP) déposée par des parlementaires et sur lequel le Conseil constitutionnel rendra également sa décision le 14 avril. Quel est la nature du contrôle que va opérer le Conseil constitutionnel ?

Lorsque le Conseil Constitutionnel est saisi d’une proposition de loi sur un RIP, il vérifie que les conditions prévues par l’article 11 de la Constitution sont remplies.

– Le nombre de parlementaires signataires (un cinquième des membres du Parlement) ;

– La conformité de l’objet : les parlementaires peuvent soumettre au référendum “tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions” ;

– Les conditions de délai : le RIP ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.

Et enfin si la proposition de loi n’est pas contraire à la Constitution dans sa totalité : partage de compétences entre le législatif et le réglementaire, respect des droits substantiels,…

Qu’en est-il de cette proposition de loi ?

La proposition de loi soumise au Conseil constitutionnel est constituée d’un article unique qui vise à inscrire dans la loi la règle selon laquelle l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite ne peut pas être fixé au-delà de 62 ans. 

S’agissant de la conformité de son objet au regard de l’article 11 de la Constitution, on peut se demander si la proposition est une “réforme” en tant que telle car elle vise à maintenir l’état actuel du droit. Le texte du RIP sur la privatisation d’ADP proposait également un statu quo afin d’empêcher sa privatisation, mais en affirmant son caractère de service public. Les Sages ont considéré qu’il s’agissait bien d’une réforme en matière de politique économique sans que la question de la “réforme” n’ait été soulevée en tant que telle.

En revanche, en 2022, le Conseil constitutionnel a conclu à la non-conformité de l’objet du RIP visant à taxer les super profits estimant qu’il ne s’agissait pas d’une réforme relative à la politique économique de la Nation

S’agissant du délai prévu à l’article 11 de la Constitution interdisant à un RIP d’avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an, la question n’a pas lieu d’être. En effet, dans toutes ses décisions RIP, le Conseil constitutionnel énonce le même attendu de principe : “à la date d’enregistrement de la saisine, elle n’avait pas pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an”. Cela est dit expressément dans la loi organique sur le RIP et tel est le cas en l’espèce.

D’autres questions posent davantage de difficultés. La proposition de loi, telle que rédigée, semble vouloir lier le législateur pour le futur, ce dernier ne pouvant plus fixer l’âge de départ à la retraite au-delà de 62 ans. Or, le pouvoir législatif ne peut pas contraindre un pouvoir normatif de même nature. Le Conseil pourrait être amené à interpréter cette disposition en rappelant qu’elle ne peut avoir pour effet d’empêcher une réforme future.

Le Conseil constitutionnel pourrait soulever une autre interrogation, plus compliquée à résoudre, sur le fondement de l’article 40 de la Constitution selon lequel “les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique”.

Si la LFRSS et le RIP sont tous deux validés par le Conseil constitutionnel, n’existe-t-il pas un risque d’aggravation des charges publiques ? Non pas par rapport à l’état du droit actuel qui fixe l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, mais dans l’hypothèse où le RIP arriverait à son terme, après le passage à 64 ans, et que l’âge de départ à la retraite passerait de nouveau à 62 ans ? La question est complexe car le Conseil constitutionnel se prononcera le 14 avril : or, à cette date, il ne pourra pas y avoir d’aggravation des charges publiques. En revanche, Le RIP pourrait aggraver les charges ultérieurement, au bout du processus.

Si le Conseil constitutionnel estime que le RIP est conforme à la Constitution, le PLFRSS s’il est validé sera-t-il suspendu le temps que le RIP aille à son terme ?

Non. La loi promulguée pourra entrer en application et le RIP suivra son cours. La Constitution ne prévoit en effet pas la suspension de la loi dans ce cas.

S’agissant du RIP visant à empêcher la privatisation d’ADP, le Conseil constitutionnel l’avait validé et lancé la deuxième phase sur le recueil de la participation des citoyens le 9 mai 2019. La loi autorisant la privatisation avait, elle, été validée le 16 mai 2019 et promulguée le 22 mai 2019. À cette date, elle était donc applicable. La procédure de recueil des participations dans le cadre du RIP avait pris fin le 12 mars 2020 mais n’avait pas recueilli assez de participation. La loi pourrait donc être promulguée et entrer en vigueur tandis que RIP poursuivrait son parcours en parallèle. 

A quel moment les deux dispositifs pourraient-ils s’entrechoquer ?

Au bout de neuf mois, le Conseil constitutionnel vérifiera si le nombre de participants est suffisant (le RIP doit être soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales) et si le processus peut ainsi aller à son terme. Dans ce cas, le texte sera soumis au Parlement qui dispose d’un délai de six mois pour l’examiner. En l’absence d’examen, un référendum devra être convoqué. Au bout du processus, le RIP pourrait donc – potentiellement – permettre de revenir sur la loi promulguée et éventuellement l’abroger en partie sur l’âge de départ à la retraite. Selon que le Parlement l’examine ou qu’un référendum est organisé, la procédure totale pourrait durer entre un an et deux ans.

Florence Mehrez

Les parlementaires de gauche déposent une nouvelle demande de référendum sur les retraites

14/04/2023

La formulation choisie pour la demande de référendum d’initiative partagée (RIP) au sujet des retraites, qui consiste à priver à l’avenir le législateur de tout choix de repousser l’âge de départ à la retraite au-delà de 62 ans, pourrait conduire le Conseil constitutionnel à décider que cette demande n’est pas recevable, au motif qu’il ne s’agit pas vraiment d’un projet de réforme, ce qu’exige l’article 11 de la Constitution pour tout projet de référendum. C’est du moins ce qu’estiment certains juristes. Pour parer à cette éventualité, la gauche parlementaire a transmis hier soir, et alors que les Sages rendent leurs décisions en fin de journée, une seconde demande de référendum, qui devra donc à nouveau être étudiée par le Conseil constitutionnel dans un délai maximum d’un mois. 

La proposition de loi vise à limiter l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans en érigeant cette limite en un principe directeur du système de retraites par répartition. Elle tend aussi à assurer l’effectivité des autres principes directeurs, en précisant les moyens d’assurer la pérennité financière du système. Ainsi le texte indique la nécessaire contribution des revenus du capital au financement des retraites, en assujettissant les plus-values sur titres, rachats d’actions et dividendes à des contributions d’un montant similaire aux cotisations salariales sur les retraites, et d’en prévoir l’affectation directe au système de retraites.

Source : actuel CSE