Archives de catégorie : Newsletter N°11 – Actu Sociale

Emploi

35 800 ruptures conventionnelles homologuées en février

26/03/2021

En février 2021, 35 800 ruptures conventionnelles relatives à des salariés non protégés ont été homologuées. Leur nombre augmente de 1,7 % en un mois, après trois mois consécutifs de baisse, mais diminue de 4,0 % sur un an. Sur les trois derniers mois, le nombre d’homologations se replie nettement (−10,4 % en moyenne sur les mois de décembre 2020, janvier et février 2021 relativement aux trois mois précédents).

Enfin, 4,7 % des demandes de ruptures conventionnelles reçues par l’inspection du travail n’ont pas été validées ce mois-ci. 1,9 % des demandes reçues ont été jugées irrecevables car le dossier était incomplet. Parmi les demandes recevables, 2,8 % ont été refusées par l’administration en raison d’un manquement aux prescriptions légales (tenue d’au moins un entretien, indemnité supérieure ou égale au minimum légal, respect du délai de rétractation de 15 jours calendaires, etc.).

Rupture conventionnelle : l’employeur doit prouver la remise d’un exemplaire de la convention au salarié

26/03/2021

Ce n’est pas au salarié d’apporter la preuve de la non-remise de la convention de rupture par l’employeur. Les juges ne peuvent donc pas le débouter de sa demande de nullité de la rupture au motif qu’il n’établit pas ne pas avoir été en possession de la convention pendant le délai de rétractation.

La Cour de cassation considère, s’agissant de la rupture conventionnelle du contrat de travail, que la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire :

  • pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail ;
  • et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause.

Sans une telle remise, la convention de rupture est nulle.

Un principe plusieurs fois réaffirmé

Ce principe, la Cour a déjà eu l’occasion d’affirmer dans plusieurs affaires. Par exemple, en 2013, elle a considéré que la convention dont le salarié n’a pas reçu d’exemplaire, qu’il avait juste signée sans la dater ni la faire précéder de la mention « lu et approuvé » était nulle (Cass. soc., 6 févr. 2013, n° 11-27.000). En 2019, elle a jugé que le fait que la convention de rupture mentionne qu’elle a été établie en deux exemplaires ne permet pas de présumer qu’un exemplaire a bien été remis au salarié (Cass. soc., 3 juill. 2019, n° 18-14.414).

Elle estime par ailleurs qu’en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve. Ainsi a-t-elle considéré il y a quelques mois qu’en cas de litige, l’employeur doit être en mesure d’attester de la remise d’un exemplaire au salarié (Cass. soc., 23 sept. 2020, n° 18-25.770).

L’employeur doit prouver avoir remis un exemplaire

Dans une récente affaire, elle casse l’arrêt d’appel. Les juges du fond avaient en effet débouté le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle signé avec son employeur, au motif que son argumentaire n’était pas pertinent et qu’il n’établissait pas ne pas avoir été en possession de ces documents durant le délai de réflexion. En l’espèce, le salarié invoquait le fait que l’employeur ne lui avait  pas remis un exemplaire du protocole de rupture conventionnelle après sa signature, l’employeur ayant eu besoin de conserver tous les exemplaires signés afin d’y rajouter la mention « lu et approuvé ». La Cour rappelle avec cet arrêt que ce n’est pas au salarié de prouver qu’il n’a pas reçu un exemplaire de la convention de rupture. C’est à l’employeur de rapporter la preuve contraire.

Delphine De Saint Remy, Guides RH

DROIT

“Le harcèlement sexuel reste encore banalisé en entreprise”

26/03/2021

Le cabinet Empreinte Humaine, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux et la qualité des travail, organisait jeudi dernier une webconférence sur le harcèlement sexuel. L’occasion de rappeler les actions que doit mettre en oeuvre très rapidement l’employeur face à de tels faits.

“Si la parole se libère dans les médias, elle reste encore banalisée dans les entreprises”, constate Sophie Changarnier, consultante en management de la qualité de vie au travail & prévention des risques psychosociaux au sein du cabinet Empreinte Humaine. Alors que les témoignages affluent dans la presse, relatant des faits de harcèlement sexuel, Empreinte Humaine est revenu sur le sujet, jeudi 18 mars, lors d’une visioconférence.

La difficulté à parler

Il n’est pas rare, dans le monde du travail, d’entendre des phrases qui minimisent les agissements fautifs, constate Sophie Changarnier : “tu es un peu coincée”, tu ne sais pas rire”, “Michel est comme ça”. “En entreprise, un climat, une ambiance, une dynamique d’équipe et des signaux faibles peuvent interpeller, confirme Christophe Nguyen, psychologue du travail et président du cabinet Empreinte Humaine. Des équipes peuvent banaliser des blagues sexistes, des non-dits, des rumeurs”. Il peut aussi s’agir d’étiquettes collées à des personnes (“une séductrice”, “une femme volage”, “un homme à femmes”). La cohésion d’équipe et l’ancienneté peuvent aussi être des facteurs aggravants. “Il est parfois difficile de faire bouger des certitudes. On demande aux nouveaux de s’adapter à cette culture”, observe-t-il.

Sans compter que la précarité des victimes peut favoriser des situations d’autocensure. “Le contexte sociétal joue sur la libération de la parole, la peur de perdre son emploi”, confirme Sophie Changarnier. Pourtant, insiste Christophe Nguyen, “ce qu’on pouvait accepter – “la culture métier” – est devenu irrecevable devant un tribunal. Cela n’exonère plus l’employeur d’agir”. 

Ce sentiment de culpabilité des victimes n’est pas à sous-estimer. Elles peuvent se dire “qu’elles n’ont pas su être assez claires. Il est très important que le collectif soutienne ces personnes et soit à l’écoute. Le processus de harcèlement consiste bien souvent justement à renvoyer à la personne victime le sentiment qu’elle est responsable”, explique Christophe Nguyen. Sophie Changanier souligne un autre motif d’autocensure : la crainte que la ou le conjoint ou les enfants soient au courant. La victime peut aussi penser que sa parole va être remise en cause, complète Christophe Nguyen. “On ne vas pas me croire et on va me discréditer”. “Si le collectif est derrière la victime, ça facilite la prise de parole”, observe-t-il. Il peut être aussi nécessaire de prévoir un accompagnement psychologique pour la victime mais aussi pour les personnes mises en cause, prévient Sophie Changarnier. 

Le plan d’action de l’employeur

Le cabinet Empreinte humaine identifie plusieurs causes aux comportements de harcèlement sexuel. D’une part, des facteurs humains : personnalité narcissique, banalisation du sexisme, précarité, paresse sociale, non-dits, culpabilité. D’autre part, des facteurs organisationnels : cumul de pouvoirs, asymétrie de statut, système clos ou dogmatique, starification, manche d’étanchéité vie personnelle/vie professionnelle, culture d’entreprise/d’équipe, système protecteur défaillant, méconnaissance de la loi,…

Quelle que soit la cause, l’entreprise doit réagir, et vite, explique le cabinet Empreine Humaine. L’employeur a l’obligation de diligenter une enquête contradictoire et rigoureuse, de mener une instruction à charge et à décharge, de démontrer que les faits sont étrangers au harcèlement sexuel ou non, de faire cesser les agissements et sanctionner l’auteur des faits si ces derniers sont caractéristiques de harcèlement sexuel, de mettre en oeuvre des actions de prévention primaire et pas seulement en réaction. “Nous passons beaucoup de temps à recueillir des témoignages, des attestations sur l’honneur. C’est parole contre parole, explique Christophe Nguyen. Il y a de vrais enjeux” [lors des enquêtes menées en interne]. Assurer la traçabilité des faits est aussi essentiel : qui met en cause qui et pourquoi et quel est le fait générateur de la plainte. L’employeur peut mobiliser d’autres leviers. “La culture d’entreprise peut évoluer, il est possible de rédiger une charte pour rappeler les valeurs, sensibiliser le management, le on boarding est également essentiel”. “Il est aussi nécessaire de sensibiliser les salariés aux espaces de parole existants, de permettre de libérer la parole à d’autres endroits”, complète Sophie Changarnier. 

“Il faut aussi donner un vrai rôle aux référents harcèlement sexuel, rôle qui n’est pas défini par la loi, insiste Christophe Nguyen. Le médecin du travail doit aussi être un acteur clef d’autant que la confidentialité des échanges est assurée. Des “capteurs” en entreprise ont aussi un rôle de sentinelle dans l’entreprise et jouent un rôle de prévention”.

Attention aussi à ne pas passer à côté de faits de harcèlement sexuel sous couvert d’une ambiance “amicale”. Cela peut être particulièrement vrai au sein de start-up, met en garde Sophie Changarnier. Dans les start-up notamment, la question de la frontière vie privée/vie professionnelle peut être plus poreuse. Ainsi, a-t-elle déjà constaté des négligences de professionnels RH qui, après avoir mené une enquête, en avaient déduit que les salariés se voyant également à l’extérieur de l’entreprise, il n’y avait pas de sujet. Pourtant, comme le rappelle Christophe Nguyen, la jurisprudence estime que “même si les faits se déroulent en dehors du temps de travail, l’employeur doit sanctionner dès lors que cela a un lien avec le travail”. 

La vigilance des RH est donc de mise sur ce sujet particulièrement sensible. 

Les référents contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes
Dès lors qu’une entreprise emploie au moins 250 salariés, l’empoyeur doit désigner un “référent”. Selon l’article L. 1153-5-1 du code du travail, il est chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.  Par ailleurs, le CSE désigne également un “référent” en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, ce référent étant choisi parmi les membres du comité social et économique. Cette désignation se fait à la majorité des membres du comité, pour la durée du mandat  (art. L.2314-1). Ce référent bénéficie d’une formation (art. L. 2315-18). ► Sur la différence entre ces deux “référents”, lire notre article du 22/1/2020

Florence Mehrez

“Une conversation Zoom ne peut pas être enregistrée à l’insu du salarié”

19/03/2021

A-A+

Le télétravail implique d’imaginer des modes distanciels de contrôle de l’activité. Mais où s’arrête le pouvoir de contrôle de l’employeur, lorsque le salarié travaille depuis chez lui au moyen d’outils numériques ? Nicolas Mancret, avocat associé du cabinet Jeantet, fait le point sur les règles à respecter en matière de droit disciplinaire.

Loin des yeux, loin de la sanction ? Après une année chamboulée par les mesures sanitaires en entreprise, l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur sur des salariés en télétravail continue de susciter des questions. D’abord, parce que les procédures – convocation à un entretien préalable, assistance du salarié… – doivent être adaptées pour être mises en oeuvre à distance. Ensuite, parce que sanctionner à distance implique de pouvoir contrôler l’activité du salarié. Enfin, parce que prouver la faute du salarié revient à manier avec précaution les données personnelles collectées via les outils informatiques.

Autant de questions qui trouvent pourtant facilement leurs réponses… dans le droit du travail. Selon l’avocat Nicolas Mancret, associé au pôle social du cabinet Jeantet, les règles applicables en temps de Covid-19 ne sont finalement pas différentes de celles qui s’appliquaient déjà.  

Pas d’enregistrement à l’insu du salarié

Dans les échanges écrits, par email par exemple, le principe est posé clairement depuis les années 2000. “Dès lors que les échanges ont lieu sur un matériel professionnel – la messagerie professionnelle par exemple, ou un téléphone portable professionnel – ils sont présumés être de nature professionnelle. Si le salarié ne les a pas spécifiquement définis comme “personnels” ou “privés”, l’employeur peut en prendre connaissance, et potentiellement s’en servir comme base d’une sanction”. 

La règle est plus complexe s’agissant de la voix et de l’image. “Il est impossible d’enregistrer une conversation à l’insu des personnes. Cela signifie qu’une conversation via Teams ou Zoom ne peut pas être captée ou enregistrée à l’insu du salarié, et encore moins devenir un moyen de sanction. Seules certaines activités strictement réglementées l’autorisent, par exemple pour les traders dont les conversations téléphoniques sont enregistrées pour suivre les éventuelles erreurs. De telles exceptions doivent être mentionnées dans le contrat de travail et avoir fait l’objet d’une information-consultation du CSE.” 

Fixer les règles du jeu en amont

L’employeur a-t-il des moyens de contrôler à distance le temps de travail des salariés ? Là encore, la règle demeure : pas de contrôle sans information des salariés. “Il y a quelques années, on considérait les horaires de badgeage comme un moyen de preuve pertinent pour mesurer le temps de travail, indique Nicolas Mancret. Les juges de la Cour de cassation ont souhaité mettre fin à cette pratique. La jurisprudence indique désormais que l’employeur ne peut pas utiliser les données de connexion ou de badgeage pour contrôler le temps de travail s’il n’a pas averti les salariés que le système informatique pouvait être utilisé à cette fin. Si cette information n’a pas été donnée aux salariés, le mode de preuve sera irrecevable.” 

En bref, c’est la loyauté qui doit guider les mesures de contrôle. Tous les moyens de preuve sont recevables à condition de ne pas être déloyaux, et que salariés et CSE aient été informés et consultés préalablement.

Nicolas Mancret conseille aux entreprises d’agir dans la transparence. “Il faut fixer les règles du jeu en amont, notamment afin de contrôler la charge de travail des salariés. Système autodéclaratif, contrôle du temps de connexion, charte de déconnexion… Certaines entreprises mettent en oeuvre des mesures afin que les salariés ne puissent pas se connecter entre 21h et 7h par exemple.”

“La solution n’est pas l’opposition entre le salarié et l’employeur. Le débat doit être posé de manière collective, en associant élus et partenaires sociaux. Le contrôle de l’activité est et doit rester un sujet de management global, qui ne doit pas simplement être vu comme sous l’angle disciplinaire. Il peut notamment servir à prévenir la survenance de risques psychosociaux chez les salariés.” 

Laurie Mahé Desportes

Égalité professionnelle

“L’index de l’égalité F/H ne doit pas être le prétexte à ne rien changer”

25/03/2021

Pauline Derville

Juriste sociale, Pauline Derville intervient comme formatrice et consultante auprès des CSE. Elle constate que les élus ne disposent pas souvent du détail du calcul des indicateurs à l’origine de la note finale de l’index de l’égalité. Elle appelle les membres de CSE et les délégués syndicaux à privilégier une réflexion globale sur l’égalité professionnelle, comprenant les questions de l’égalité salariale mais aussi du sexisme et de l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle. Interview.

Pauline Derville, vous êtes juriste, formatrice et consultante indépendante auprès des CSE. Quels retours avez-vous de la part des élus du personnel sur l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ? 

De façon globale, ce sujet fait plutôt consensus dans les entreprises, il intéresse aussi bien les élus du personnel que les ressources humaines. J’observe que certaines RH font preuve d’innovation en présentant des mini-benchmarks pour comparer les notes obtenues par leur entreprise à celles de leurs concurrents du même secteur.

L’accès au détail de l’index reste limité 

Dans les structures de moins de 250 salariés, il y a parfois encore une méconnaissance de la loi et un manque de temps des RH pour s’approprier la mécanique de l’index. Maintenant, pour les élus que j’ai accompagnés dans le cadre de la politique sociale ou pour la formation de leur mandat, j’ai constaté que l’accès aux informations sur l’égalité professionnelle et sur le détail de l’index restait très limité. Au mieux, les élus ont un power point de 2 pages avec un tableau synthétique présentant la note pour chaque indicateur et la note globale.

Certains CSE ne bénéficient d’aucune info sur l’index !

Au pire, le CSE ne bénéficie d’aucune information consultation sur l’index, et pas davantage d’une mise à disposition de ces éléments dans la base de données économiques et sociales (BDES). Pourtant, avant même le dernier décret publié le 11 mars 2021 (lire notre article), la loi faisait déjà obligation à l’employeur de mettre à disposition du CSE tous les éléments nécessaires à la compréhension de l’index (1). Du fait de ce manque d’information, les élus ne peuvent pas exercer vraiment leur devoir de vigilance. Car si l’entreprise ne présente pas comment a été élaborée la note de chaque indicateur, les élus ne peuvent pas analyser dans le détail la méthodologie employée et vérifier si elle est conforme à la loi. 

Le CSE n’est donc pas assez associé en amont dans la définition des panels comparatifs et de la méthodologie de l’index ? 

Non, la loi n’oblige pas l’employeur à associer le CSE (2). L’entreprise peut choisir de prendre la cotation des postes qui existe au niveau de la branche, ou au niveau de l’entreprise (celle utilisée dans le bilan social), mais elle peut aussi choisir la classification de l’Insee, qui est assez large et qui ne recouvre pas forcément la réalité des métiers et des rémunérations dans l’entreprise.

L’indicateur sur les hautes rémunérations dérange ! 

A propos des rémunérations, l’indicateur sur la présence des femmes dans les 10 plus hauts salaires est un sujet qui dérange et qui est peu discuté. Parfois, cet indicateur n’est tout bonnement pas noté au prétexte qu’il permettrait d’avoir connaissance de la rémunération de la seule femme du comité de direction.  Bref, au lieu d’ouvrir un débat sur la division sociale et sexuée du travail dans l’entreprise, au lieu d’aborder la question du déroulement des carrières des femmes et du plafond de verre auquel elles peuvent se heurter, ce que devrait permettre cet indicateur, le sujet est purement et simplement évacué. 

Dans les résultats publiés par le ministère du Travail, ce sont les deux indicateurs ne faisant pas l’objet de pondération (les 10 plus hautes rémunérations et l’augmentation de retour de congé maternité) qui ont obtenu les plus mauvais scores. Autrement dit, sans pondération sur les autres indicateurs, les résultats seraient bien plus mauvais…

C’est possible ! L’absence de débat avec le CSE sur la méthodologie de calcul de l’indicateur constitue pour moi une forme de déni, alors même que les élus sont soumis à une obligation de confidentialité. Nous avons une loi censée remettre au coeur du dialogue social de l’entreprise l’égalité hommes femmes, et notamment l’égalité salariale, mais ce débat est occulté. Ce qui est préoccupant, c’est que lorsque la note à l’index est bonne, les élus perçoivent que ce résultat constitue une fin en soi pour l’entreprise, autrement dit un prétexte à statu quo en matière d’égalité professionnelle.

Les commission égalité F/H du CSE peuvent faire des contre-propositions 

Comme la situation est jugée, sur la foi de l’index, satisfaisante, il n’y a plus de réflexion globale en matière d’égalité hommes femmes. Il y a des commissions égalité F/H de CSE qui ne savent plus vraiment à quoi elles servent, sinon à préparer l’avis rendu en CSE, au lieu d’être une force de propositions pour le CSE. L’index n’est pas un outil magique, d’autant qu’il comporte, rappelons-le, une pondération dans la note globale puisque 75 points sur 100 sont jugés satisfaisants ! L’index ne doit pas occulter la complexité de l’égalité professionnelle, qui recouvre des thèmes comme les conditions de travail, la santé au travail, l’articulation entre la vie professionnelle et vie privée. Tous ces aspects parlent de la place et de la considération qu’on donne à la femme dans l’entreprise. 

La consultation annuelle sur la politique sociale ne permet-elle pas aux élus de disposer de davantage d’informations sur la situation de l’égalité F/H ?

Dans la BDES, en effet, doivent être mises à la disposition du CSE toutes les informations nécessaires à la négociation obligatoire en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. La négociation sur l’égalité professionnelle est, je me répète, plus large que la seule rémunération.

Cet index, créé pour accélérer le changement, crée une confusion 

C’est parce qu’on constatait qu’il n’y avait pas assez d’évolution sur la question de la rémunération que la loi est venue créer cet index. Le problème, c’est que cet index entraîne une confusion. Dans les petites structures, on a dû mal à comprendre la différence entre la négociation obligatoire sur l’égalité F/H (dont la rémunération fait partie) et le calcul de l’index. Ce sujet devrait pourtant être davantage fédérateur.  La place et le rôle des femmes dans l’entreprise concerne l’ensemble d’une structure : la direction par rapport à la politique RH qu’elle pilote, les élus par rapport à leur devoir de vigilance et de contre-propositions, les managers par rapport à la formation des salariés, à la détection et au recadrage éventuel, et les salariés au travers de la régulation que peut exercer le collectif de travail. 

Les élus vont-ils chercher dans la BDES des éléments pour vérifier l’index ?

Les élus les plus actifs vont chercher en effet ces informations dans la BDES pour s’assurer de la véracité des notes à l’index qu’on leur présente, ou demander des précisions sur le calcul des indicateurs.

Les élus peuvent s’appuyer sur les référents des Direccte 

Les élus peuvent aussi s’appuyer sur l’administration. Dans les Hauts-de-France, la Direccte a organisé des sessions pour expliquer comment se calcule l’index, afin que les élus puissent ensuite vérifier le mode de calcul de l’entreprise, l’administration présente la matrice excel de la direction générale du travail (DGT), qui est d’ailleurs à disposition sur le site du ministère du Travail (Ndlr : voir ici le tableur pour les sociétés de moins de 250 salariés et voir là le tableur pour les sociétés plus de 250 salariés). L’administration a également désigné des référents égalité professionnelle et index dans toute la France (Ndlr : voir la liste ici).

Que pensez-vous du dernier décret (3) sur l’index F/H ?

C’est dommage qu’il faille un décret supplémentaire pour imposer un peu de transparence, mais cela va plutôt dans le bon sens. C’est aussi aux élus de comprendre la méthodologie, d’aller se former pour que, placés face au détail du calcul des indicateurs ou par exemple aux regroupements de salariés opérés par la direction, ils soient en capacité d’engager le débat. Et de confronter la note obtenue à la réalité observée sur le terrain.

Le CSE a intérêt à rendre un avis motivé sur l’index 

Le CSE a intérêt à rendre un avis motivé lorsqu’il est consulté sur l’index, a fortiori lorsque les élus constatent des irrégularités comme une mauvaise application de la règle de proportionnalité. Le comité peut aussi alerter la Direccte. Parce que l’égalité entre les femmes et les hommes relève aussi d’une évolution des moeurs, je conseille aussi aux élus de se former au sujet du rôle du réfèrent élu en matière de harcèlement sexuel et agissements sexistes. Il est d’ailleurs dommage que les référents RH et élu ne soient pas formés ensemble, ni d’ailleurs que les salariés ne soient pas eux-mêmes sensibilisés à ces questions. Encore une fois, je crois que les sujets sont abordés de façon trop cloisonnés dans les entreprises, d’un côté la négociation égalité avec les délégués syndicaux, de l’autre l’index établi unilatéralement par l’entreprise, de l’autre encore les référents…

Sinon, qu’est-ce qui vous semble préoccuper le plus les élus en ce moment ?

Clairement, ce qui préoccupe les élus, c’est la situation économique des entreprises avec la perspective de la fin des aides économiques et du soutien à l’activité, mais aussi l’évolution des stratégies économiques présentées avant la crise de la Covid-19 et qui sont devenues caduques. Pour les formations que j’anime, je suis d’abord sollicitée sur le licenciement économique et le PSE (plan de sauvegarde de l’emploi).

(1) Précisons qu’il n’y a pas d’obligation formelle pour l’employeur d’informer le CSE lors d’une réunion spécifique. Légalement, l’information du CSE sur l’index se fait par la mise à disposition des informations via la BDES. Rien n’empêche cependant le secrétaire du CSE d’inscrire les résultats de l’index à l’ordre du jour d’une réunion du CSE.

(2) La consultation du CSE mentionnée au paragraphe 4.1. des annexes du décret du 8 janvier 2019, précise le ministère du Travail, est obligatoire si l’employeur choisit une catégorisation par niveau ou coefficient hiérarchique en application de la classification de branche, ou d’une autre méthode de cotation des postes. La consultation du CSE n’est en revanche pas obligatoire dans le cas d’une répartition des salariés par CSP (catégorie socioprofessionnelle : ouvrier, cadre, etc.) ou s’il choisit de regrouper entre elles une des 4 CSP existantes.

(3) Publié le 11 mars 2021, ce décret oblige l’entreprise à publier chaque indicateur de l’index sur l’égalité professionnelle, en sus de la note globale. Lorsque le résultat sera inférieur à 75 points, les structures bénéficiant des crédits du Plan de relance devront communiquer leurs objectifs de progression . 

Les indicateurs composant l’index de l’égalité F/H 
L’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes comporte 100 points. Il est calculé à partir de 4 à 5 indicateurs selon que l’entreprise compte moins ou plus de 250 personnes salariées : L’écart de rémunération femmes-hommes, sur 40 points (ndlr : sachant que l’entreprise peut appliquer un “seuil de pertinence” lui permettant de retrancher entre 2 à 5 points des écarts constatés). Un écart de 10 et 11 points permet quand même d’obtenir 25 points, il faut un écart supérieur à 20 points pour obtenir un zéro; L’écart de taux d’augmentations individuelles, sur 20 points (35 points pour les entreprises de 50 à 250 personnes salariées) : un écart entre 2 et 5 points donne 10 points, et un écart supérieur à 10 donne zéro; L’écart de taux de promotions (uniquement dans les entreprises de plus de 250 personnes salariées), sur 15 points (sachant que seuls les groupes comprenant au moins 10 femmes et 10 hommes peuvent être comparés) : un écart supérieur à 2 et inférieur à 5 donne 10 points, seul un écart supérieur à 10 donne zéro; Le pourcentage de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité, sur 15 points : il faut que 100% des femmes de congé maternité retour aient été augmentées pour que l’entreprise ait 15 points, sinon elle récolte zéro ; Le nombre de personnes salariées du sexe sous-représenté parmi les 10 plus hautes rémunérations, sur 10 points : zéro ou 1 femme parmi les 10 plus hauts salaires donne 0 point, 2 ou 3 femmes donnent 5 points, et 4 ou 5 femmes donnent 10 points. Il faut aussi savoir qu’existe une règle de proportionnalité. Si un ou plusieurs indicateurs sont incalculables mais que le maximum des autres indicateurs (calculables) permet d’atteindre 75/100 (soit l’égalité au sens de l’index), alors le nombre total de points obtenus est ramené sur 100 en appliquant une règle de 3 (donc on neutralise l’indicateur incalculable). Par contre, si le maximum des autres indicateurs (calculables) ne permet pas d’atteindre 75 points, alors l’Index ne sera tout simplement pas calculable pour l’année concernée. Si l’entreprise obtient moins de 75 points à l’index, elle doit mettre en place des mesures correctives pour atteindre ces 75 points dans un délai maximal de 3 ans. Ces mesures annuelles ou pluriannuelles sont définies dans le cadre de la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle ou, à défaut d’accord, par décision unilatérale de l’employeur et après consultation du CSE. Si l’entreprise ne publie pas son index, ou si elle ne prend pas de mesure corrective après une note inférieure à 75 points, ou si ces mesures ne donnent pas les résultats prévus au bout de 3 ans (si l’index reste inférieur à 75 points), l’entreprise s’expose à une sanction de pénalité financière jusqu’à 1 % de sa masse salariale annuelle.   ► voir les explications du ministère du Travail sur les indicateurs de l’index (ou ici pour avoir une vue globale) et ► le guide de l’index pour les entreprises de plus de 250 salariés https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/egalite-professionnelle-discrimination-et-harcelement/indexegapro

Santé, sécurité et conditions de travail

L’Assurance Maladie propose un accompagnement dans la lutte contre les TMS

19/03/2021

“La crise Covid-19 a bouleversé l’organisation des entreprises, augmentant les facteurs de risques de TMS (troubles musculo-squelettiques) que sont les affections psychiques liées au travail (facteur psychosocial) et la hausse des gestes répétitifs (facteur biomécanique). Certains secteurs sont plus fortement exposés que d’autres : bâtiment, grande distribution, propreté…”, alerte l’Assurance Maladie. 

Elle rappelle que les entreprises peuvent adhérer à la démarche TMS Pros, développée par l’Assurance Maladie – Risques professionnels depuis 2014 et renouvelée en mars 2021, afin de de réduire les risques.

Basée sur l’analyse des situations réelles de travail et l’élaboration d’un plan d’actions, cette démarche implique l’ensemble des collaborateurs (dirigeants et salariés).

Le mal de dos et les troubles musculosquelettiques coûtent cher aux entreprises : agir avec TMS Pros

11 mars 2021

Absentéisme, désorganisation, baisse de la productivité… Les troubles musculosquelettiques (TMS) et le mal de dos coûtent cher aux entreprises. C’est pourquoi l’Assurance Maladie – Risques professionnels renouvelle la démarche TMS Pros.

22 millions, c’est le nombre de journées de travail perdues chaque année à cause du mal de dos et des TMS. Ces dernières représentent 87 % des maladies professionnelles en France et entraînent des absences correspondant à 107 000 ETP par an. Les conséquences des lombalgies sont tout aussi alarmantes : les entreprises versent ainsi 1 milliard d’euros de cotisations par an contre le mal de dos.

Crise Covid-19 : un risque accru de TMS

La crise Covid-19 a par ailleurs bouleversé l’organisation des entreprises, augmentant les facteurs de risques de TMS que sont les affections psychiques liées au travail (facteur psychosocial) et la hausse des gestes répétitifs (facteur biomécanique). Certains secteurs sont plus fortement exposés que d’autres : bâtiment, grande distribution, propreté, etc.

Agir avec TMS Pros

La démarche TMS Pros (espace Entreprise), développée par l’Assurance Maladie – Risques professionnels depuis 2014 et renouvelée en mars 2021, permet de réduire les risques. Conçue en quatre étapes, elle propose des outils structurants et des solutions à mettre en place, expliquées « pas à pas ». Basée sur l’analyse des situations réelles de travail et l’élaboration d’un plan d’actions, elle implique l’ensemble des collaborateurs (dirigeants et salariés).

Aides financières et formations

L’Assurance Maladie – Risques professionnels soutient financièrement les entreprises, avec TMS Pros Diagnostic et TMS Pros Action (espace Entreprise). Par ailleurs, les caisses régionales proposent des formations à la prévention des troubles musculosquelettiques, en direction des dirigeants et des « personnes-ressources » en charge de la démarche TMS Pros au sein de l’entreprise.

Toutes les entreprises ont accès à la démarche TMS Pros. Certaines, dont la sinistralité est particulièrement élevée, peuvent bénéficier d’un accompagnement spécifique. Dans ce cas, elles sont directement contactées par leur caisse régionale (carsat, cramif, CGSS).

Télécharger la brochure PARCOURS TMS PROS :

https://www.ameli.fr/sites/default/files/Documents/678160/document/parcours_tms_pros.pdf

Crise sanitaire : un an après, les DRH au bord de la crise de nerfs

22/03/2021

Depuis le début du premier confinement, les DRH sont toujours à la manœuvre. Ils sont sur tous les fronts, sanitaire, juridique et social. Mais à quel prix ? Certains dépriment voire s’épuisent. A tel point qu’ils commencent, eux-mêmes, à tirer la sonnette d’alarme. Retour sur un an de gestion RH inédite.

C’est un faisceau d’indices plutôt inquiétants. Alors que la situation sanitaire s’aggrave dangereusement et qu’un nouveau reconfinement touche désormais 16 départements, la pandémie pourrait bien miner l’énergie des DRH qui se sont dépensés sans compter depuis un an. En février, l’ANDRH indiquait que les appels vers la ligne d’écoute et d’assistance mise en place pour ses adhérents, en 2016, en partenariat avec Eleas, un cabinet conseil spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux, avait bondi de 50 % en début d’année.

Quelques semaines plus tard, l’annonce des assassinats de deux DRH, en Ardèche et dans le Haut-Rhin, suscitait une vague d’émotions sans précédent. Les DRH sont-ils à bout de souffle ? Selon une enquête de Gereso, un organisme de formation spécialisée en RH, dévoilée fin janvier, 64 % des 361 professionnels RH sondés entre le 2 novembre et le 11 décembre 2020, estimaient que leur charge de travail s’était considérablement accrue au cours de la crise sanitaire. Au point où un sur deux était “épuisé”.

“Des journées sans fin”

Depuis les premières heures du confinement, en mars 2020, ils se retrouvent embarqués dans un tourbillon inédit. Ils sont sur tous les fronts, sanitaire, juridique et social. Avalanche de textes réglementaires, protocole sanitaire, cellules de crise, demande d’activité partielle auprès des Direccte, organisation du télétravail à grande échelle, négociations avec les organisations syndicales… Jamais les directions de ressources humaines n’ont été autant sollicitées. Jamais elles n’ont traité autant de dossiers.

“Une année folle, résume ce DRH qui préfère garder l’anonymat. Les journées sont sans fin. Nous avons été à pied d’œuvre de 7h à 23 heures. Tous les problèmes se sont retrouvés sur notre bureau. En 2020, je n’ai pris que trois semaines de congé et encore de manière discontinue”.

“Il y a eu beaucoup d’actualités sociales à digérer, expliquer et à appliquer, confie un autre professionnel RH, sondé par Gereso. Les journées se sont succédé dans le stress, toutes très éprouvantes”.

“Je suis épuisée physiquement et moralement”

Aux problématiques collectives se sont ajoutées les problématiques individuelles qui relèvent à la fois du plan professionnel et personnel : difficultés financières dûes au manque à gagner de certains salariés placés en activité partielle, tensions dans les collectifs de travail provoquées par le travail à distance sans préparation, angoisse des salariés face au virus… La charge de travail s’est ainsi doublée d’une charge émotionnelle très forte.

“J’ai été confrontée à des situations de collaborateurs en réelle souffrance durant cette crise. J’ai vu « l’envers » du décor, rapporte ce DRH. C’est une période extrêmement difficile. Je suis épuisée physiquement et moralement”. “Il faut également soutenir et rassurer les salariés”, témoigne cet autre DRH.

Sommés d’avoir réponse à tout, ils se sont aussi retrouvés pris dans des injonctions contradictoires, responsables de la santé des salariés et obligés d’assurer la poursuite de l’activité. “Une forte pression pèse sur eux, indique Natalène Levieil, directrice de projets, spécialisée dans les RPS au sein du cabinet conseil LHH. Une simple erreur de déclaration auprès de la Direccte sur l’activité partielle peut remettre en cause les financements attendus. Une mauvaise appréciation de l’état psychologique d’un collaborateur peut entraîner des conséquences humaines et judiciaires”.

“Perte de sens”

Mais vont-ils tenir ? “Le malaise des professionnels RH est perceptible, assure Adrien Chignard, psychologue du travail, fondateur du cabinet de conseil et d’accompagnement Sens et Cohérence. On sent une très grande fatigue, non pas une fatigue physique (comme après une journée de vélo, par exemple) mais compassionnelle. Déprimés par l’impossibilité de parvenir à des résultats satisfaisants, en pleine incertitude sur la situation sanitaire, sans repère sur le contexte économique, ils naviguent à vue. Avec l’impression de subir les événements, sans pouvoir anticiper, ni prévoir. Ils produisent des efforts sans en voir la rentabilité”. Cette fatigue psychique, de plus en plus fréquente, Adrien Chignard, l’attribue également à “la perte de sens qui peut conduire à remettre en cause la signification même de leur implication et de la valeur donnée à leur métier”.

Or, dans la grande majorité, les DRH ont choisi ce métier par vocation. L’intérêt du poste ? Faire du développement de compétences, de la gestion des carrières, du recrutement, apporter de la valeur ajoutée à une fonction difficile à évaluer. “Mais là, ils ont dû renoncer à toutes les activités motivantes, pointe Natalène Levieil. Ils n’ont plus le temps. Ils doivent se focaliser sur les dossiers prioritaires, c’est-à-dire ceux qui pourraient comporter un risque, financier et humain, pour l’entreprise. C’est douloureux et frustrant”.

C’est ce que constate, Christian L : “depuis un an on ne fait que le sale boulot, on est appelé pour être le pompier voire le psychologue de temps en temps. On est obligé de prendre de nouvelles casquettes. Mais nous n’avons pas forcément ces compétences”.

“Ce décalage entre aspirations et pratiques professionnelles entraîne chez les DRH, un engagement non plus affectif vis-à-vis de l’entreprise mais normatif, contractuel, analyse Adrien Chignard. Je le fais car c’est mon métier. Je l’exerce par devoirs et non par envie. Dans certains cas, cet engagement peut également prendre une autre forme, l’engagement de continuité”. D’où une “désimplication psychologique”.

Avec, à la clef, des risques aggravants, arrêts maladie en cascade, voire burn-out. “Trois de mes clients se sont retrouvés dans cette situation, atteste Natalène Leviel, deux en fin d’année, l’autre en début d’année”.

Des organisations sous-dimensionnées

Tous n’ont pas baissé les bras. Pour s’en sortir, certains se sont rapprochés de leurs pairs, ils sont allés été sur les réseaux sociaux (WhatsApp et Slack), ils ont participé à des groupes d’échanges, ou à des ateliers pour comparer leurs pratiques, prioriser les activités… “Ils ont endossé le rôle de capitaine de navire, ils ont tout fait pour tenir bon”, indique Hervé Rioche, qui a piloté l’enquête de Gereso.

Et s’ils ont apprécié majoritairement le soutien de leur direction pour traverser la crise, et même des salariés, 39 % déplorent le manque d’appui des institutions (Direccte, Etat) et 37 % des représentants du personnel.

Surtout “certaines organisations étaient sous-dimensionnées pour faire face à un tel choc”, remarque Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH. “Des gestionnaires de paie n’avaient pas le niveau pour calculer correctement les paies, l’activité partielle, les absences maladie, le calcul du versement employeur et des IJSS… Bref, l’enfer”, rapporte cet autre DRH. Un casse-tête sans fin.

Aussi, ils ont dû faire des choix, par exemple, supprimer les réunions de service pour “abattre” davantage de boulot. Pourtant, ils n’ont pas tous été épargnés par l’activité partielle. “Au nom de l’équité dans l’entreprise, ils ont dû s’aligner sur les journées de travail des autres salariés, reportant au week-end les tâches non accomplies”, relève Natalène Levieil.

Qui s’occupe des DRH ?

Mais qui s’occupe des DRH ? “Ces signes d’usure mentale sont à prendre au sérieux, alerte Xavier Alas Luquetas, associé fondateur d’Eleas. Sur le nombre, certains vont craquer : les directions générales d’entreprise devraient se focaliser sur ces personnes en première ligne qui apportent du soutien et de la régulation. Dans un contexte de crise comme celui-ci, qui sont les personnes les plus impactées ? Le phénomène est occulté aujourd’hui. Il y a un blanc. On passe ici à côté de quelque chose d’essentiel. Si les DRH craquent, c’est toute l’organisation qui risque d’être touchée”.

“Les artisans de la reprise”

L’urgence est réelle : “ce sont eux les artisans de la reprise, insiste le psychologue Adrien Chignard. Ils sont une condition sine qua non du retour à la normale”. Le tsunami est pourtant loin d’être fini. Alors que l’arrêt progressif des aides publiques se prépare, de nouvelles questions surgissent. Au premiers rangs desquelles se trouvent les restructurations. “On peut penser que cette fonction restera sur le pont pendant de long mois”, prédit Benoît Serre.

L’année 2021 ne devrait pas, en effet, produire de rupture dans leur charge de travail : selon Gereso, en fonction du niveau d’activité, l’attention sera portée sur la reprise des projets en stand by en 2020, ou, pire, sur les coupes dans la masse salariale et la gestion des départs.

Optimistes ou circonspects

Julia Lévy, responsable RH d’Epsor, une entreprise spécialisée dans l’épargne salariale et l’épargne retraite en ligne, se veut optimiste : “on a acquis des automatismes depuis mars dernier qui sont aujourd’hui très bénéfiques. Pendant la crise, on s’est débrouillé comme des chefs. Nous avons été hyper sollicités. J’ai pris davantage la parole au Comex, j’ai été plus écoutée. Depuis un an, je pense que la fonction RH a été revalorisée. Ma motivation est intacte”.

“L’année fut très compliquée mais en soi elle a été formatrice, abonde cet autre DRH, sondé par Gereso. Nous avons tous développé de nouvelles compétences professionnelles et personnelles”.

“La vision stratégique sera encore plus indispensable qu’avant, prévient Benoît Serre. Il faut faire en sorte que les DRH conservent le même niveau d’influence”. 

D’autres, en revanche, se montrent plus circonspects. “J’ai le sentiment que l’on sera une variable d’ajustements dans les futurs budgets, redoute ce professionnel. “Plusieurs personnes de mon équipe ont remis en question leur choix de carrière professionnelle”, observe cet autre responsable.

Entre ces deux positions, Christian L. a tranché : pas question de revivre la folle année de l’an dernier. Parmi ses résolutions 2021 ? “Prendre mes congés déjà tous posés pour éviter d’être à nouveau surmené”. 

Anne Bariet