Archives de catégorie : Newsletter N°12 – Actu sociale

Santé, sécurité et conditions de travail

Les 5 enjeux capitaux du télétravail

06/04/2021

Placé en tête de l’actualité par le gouvernement qui veut le maximiser, le télétravail correspondait au quotidien de 45 % des actifs en 2020. Mais quels sont ses effets à longue échéance ? Et surtout, quelles conséquences sur la société implique-t-il à long terme ? Les participants à la visioconférence des délégations du Sénat à la prospective et aux entreprises ont dégagé cinq enjeux sociétaux qui ébauchent le télétravail de demain.

Trois semaines de fermeture des écoles et voici le télétravail de nouveau sous le feu des projecteurs. Plébiscité par les salariés avant la crise du Covid, il montre aussi ses limites et effets pervers. Les juristes s’interrogent : modalité ordinaire d’exécution du contrat de travail ou solution ponctuelle ? Les employeurs réfléchissent : s’agit-il d’une opportunité pour réorganiser l’entreprise ? Les sociologues du travail restent songeurs : risque-t-il de casser le collectif et d’isoler les salariés ? Selon les spécialistes invités lors de la visioconférence du Sénat, jeudi 1er avril, le télétravail dissimule cinq enjeux sociétaux. Temps de travail, inégalités, flexibilité, relations humaines, écologie : de la gestion de ces enjeux découlera le modèle de télétravail qui prédominera dans quelques années.

Premier enjeu : la notion de temps de travail effectif

L’article L.3121-1 du code du travail définit le temps de travail effectif comme “le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles”. Une définition amenée à évoluer dans la mesure où le télétravailleur peut vaquer à ses occupations sans l’œil soupçonneux de sa hiérarchie et où le télétravail se conjugue aussi avec la garde des enfants. C’est pourquoi l’économiste du travail Gilbert Cette propose de “reconcevoir le travail effectif sous le prisme de la charge de travail”.

Pour André-Yves Portnoff, conseiller scientifique de Futuribles International, il existe en réalité trois temps de travail : la présence sur site, la disponibilité du salarié qui peut agir à distance et le temps où viennent les idées, ce dernier ne se mesurant pas en heures, “car c’est un temps qui vient lorsqu’on n’est pas sur site, quand on est enfin libéré de la pression de la production”.

Deuxième enjeu : les inégalités

Ni tout noir ni tout blanc : le télétravail présente ses avantages et ses inconvénients. On l’a vu lors du confinement de mars 2020 : le télétravail féminin ne laisse pas autant de libertés qu’aux hommes lorsque le partage des tâches reste lui-même inégalitaire. Le télétravail risque aussi de créer des inégalités envers ceux qui continuent de travailler sur site. C’est pourquoi il doit être accompagné selon Gilbert Cette, en privilégiant la négociation collective. “Eviter les normes, laisser les acteurs décider, à eux de trouver le juste équilibre car les réalités diffèrent d’un salarié à l’autre”. Une exhortation au dialogue social partagée par Pierre-Yves Portnoff. Rappelons que le dialogue en entreprise dépend aussi du climat social infusé par les directions, et plus largement de la place laissée en général aux corps intermédiaires, et en particulier aux syndicats dans la vie publique.

Troisième enjeu : la flexibilité

La flexibilité, “une vieille attente universelle”, selon Pierre-Yves Portnoff qui a compilé diverses études au niveau mondial d’où ressort le même constat : Espagnols, Japonais, Français ou Scandinaves, les salariés apprécient la souplesse du télétravail. “Au point que 85 % des travailleurs français considèrent aujourd’hui comme négative une offre de travail sans télétravail, et qu’un tiers des Italiens sont prêts à gagner moins pour télétravailler”. Seulement voilà, les employeurs restent méfiants et les supérieurs hiérarchiques parfois engoncés dans une vision verticale et présentielle du travail. Pierre-Yves Portnoff appelle donc à une révolution managériale : “Manager par le haut sera contre-productif car non motivant”.

Quatrième enjeu : la qualité des relations humaines

Selon une étude américaine, 80 % des travailleurs insatisfaits des relations humaines dans l’entreprise déclarent que leur productivité est réduite. A l’inverse, les deux tiers de ceux qui sont satisfaits font part d’une productivité améliorée. “Le climat dans l’entreprise incite à travailler ou pas, c’est un facteur majeur qui met en cause le style de management”. Pierre-Yves Protnoff insiste ainsi sur l’importance du droit à l’erreur qui permet la créativité et la prise d’initiative. De l’oxygène nécessaire à tout salarié, qu’il télétravaille ou pas.

Cinquième enjeu : l’écologie

Erwan Tison est directeur des études de l’institut Sapiens et vient de publier une étude sur l’avenir du télétravail. Il a constaté que les salariés qui télétravaillent approuvent aussi le gain écologique lié l’absence de déplacement. Un point de vue partagé par Daniel Salmon, sénateur de Bretagne et membre de la délégation aux entreprises : “Il faudra établir le bilan carbone du télétravail, examiner ses vertus sur l’utilisation des modes de transport, mais aussi la question du chauffage et de la qualité de l’air dans le domicile du salarié qui a été complètement escamotée jusqu’à présent”.

En conclusion, deux visions opposées du télétravail vont s’affronter dans les prochaines années. D’un côté une posture court-termiste, orientée vers la recherche d’économies financières liées au télétravail, avec un management hiérarchique, un télétravail inégalitaire car réservé aux cadres, agrémenté de logiciels de contrôle à distance des salariés. Cette vision engendrera de la démotivation, et les entreprises se verront incapables de mobiliser l’intelligence collective. Le télétravail sera utilisé pour réduire les salaires des travailleurs dans les pays développés. Pierre-Yves Portnoff devine un sombre scénario : “Si cette posture prédomine, l’économie européenne s’effondrera”. De l’autre côté tentera de percer une vision de long terme, un “capitalisme patient”, caractérisé par un management par l’écoute et la confiance, une motivation au résultat et non au temps de travail, des entreprises résilientes et plus agiles. Les territoires seront mieux occupés, les délocalisations d’emploi limitées. Dans le premier cas, un télétravail subi, dans le second un télétravail choisi. Son avenir dépendra de l’équilibre entre ces deux modèles.

Marie-Aude Grimont

DROIT

La jurisprudence sociale des derniers mois synthétisée par notre avocat 

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Harcèlement sexuel, sanction : l’employeur qui sanctionne le harcèlement sexuel reconnu pénalement par un simple avertissement sans éloigner l’auteur des faits de la victime ne remplit pas son obligation de sécurité (Cass. soc., 17 février 2021, n°19-18.149)

Harcèlement sexuel, résiliation judiciaire : la reconnaissance d’un harcèlement sexuel n’est pas subordonnée à l’exigence d’une différence de sexe entre l’auteur et la victime du harcèlement. L’employeur peut être condamné à indemniser la salariée harcelée sexuellement par sa supérieure hiérarchique mais la rupture du contrat de travail ne peut pas être prononcée à ses torts s’il a rapidement mis fin au harcèlement en licenciant pour faute grave la supérieure (Cass. soc. 3 mars 2021 n° 19-18.110)

Télétravail, remboursement de frais : Le salarié itinérant qui télétravaille sans l’accord de l’employeur ne peut pas obtenir le remboursement de frais (Cass. soc., 17 février 2021, n°19-13.783)

Télétravail, tickets restaurant : deux décisions récentes ont statué en sens contraire. Pour le Tribunal judiciaire de Nanterre, les salariés placés en télétravail à leur domicile ne peuvent prétendre à l’attribution de tickets restaurant en l’absence de surcoût lié à leur restauration hors de leur domicile. Ils ne sont pas dans une situation comparable à celle des salariés travaillant sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise (TJ Nanterre, 10 mars 2021, n° RG 20/09616, communiqué sur demande). Pour le Tribunal judiciaire de Paris, les salariés exerçant leur fonction en télétravail doivent bénéficier des titres restaurant, la société ne justifiant pas que les télétravailleurs se trouvent dans une situation distincte en raison notamment des conditions d’exercice de leurs fonctions de sorte que le refus de leur attribuer des titres restaurant ne repose sur aucune raison objective en rapport avec l’objet des titres restaurant. En effet, contrairement à ce qui est soutenu par la société, d’une part le fait que le salarié soit en télétravail n’implique pas qu’il se trouve à son domicile et dispose d’un espace personnel pour préparer son repas, d’autre part l’octroi de titres restaurant ne se fait pas sous condition que le salarié ne dispose pas d’un espace personnel pour préparer son repas (TJ Paris, 30 mars 2021 n° RG 20/09805, communiqués sur demande).

Forfait annuel en jours : l’absence de tenue de l’entretien prévu par l’accord sur le forfait annuel en jours permet d’obtenir le paiement d’heures supplémentaires, la convention de forfait en jour du salarié étant privée d’effet (Cass. soc. 17 mars 2021 n°19-15.215)

Astreinte : une période de garde sous régime d’astreinte durant laquelle un travailleur doit pouvoir rejoindre les limites de sa ville d’affectation dans un délai de 20 minutes avec sa tenue d’intervention et le véhicule de service mis à sa disposition par son employeur ne constitue dans son intégralité du « temps de travail » que s’il découle de l’ensemble des circonstances, notamment des conséquence d’un tel délai et de la fréquence moyenne d’intervention que les contraintes imposées pendant ladite période sont de nature à affecter objectivement et très significativement la faculté du travailleur de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts (CJUE, 9 mars 2021, n° C-580/19)

Période minimale de repos : lorsqu’un travailleur a conclu avec le même employeur plusieurs contrats de travail, la période minimale de repos journalier de 11 heures s’applique aux contrats pris dans leur ensemble, et non à chacun des contrats pris séparément. Les protections qui découlent de la directive 2003/88 sur le temps de travail s’appliquent dès lors par travailleur et non par contrat (CJUE, 17 mars 2021, n° C-585/19)

Sous-traitance, obligation de sécurité : si l’article R. 4532-11 al.2 du code du travail dispose que le coordinateur exerce sa mission sous la responsabilité du maitre d’ouvrage, il n’édicte pas d’obligation particulière de sécurité ou de prudence à la charge de ce dernier au sens de l’article 222 -20 du code pénal. Le maitre d’ouvrage n’a donc pas à vérifier que les règles de sécurité définies dans le plan général de coordination ont bien été transmises à la société sous-traitante (Cass. crim. 16 mars 2021 n°20-81.316)

Discrimination, preuve : un salarié qui s’estime victime de discrimination peut demander en référé la communication d’éléments détenus par l’employeur et permettant d’établir la différence de traitement. Une telle demande portant sur des informations non anonymes concernant d’autres salariés ne peut être écartée au seul motif que ces derniers n’y auraient pas donné leur accord, le juge devant rechercher si la communication des informations non anonymisées est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi (Cass. soc. 16 mars 2021, n°19-21.063)

Faute inexcusable : l’employeur commet une faute inexcusable s’il ne transmet pas à l’un de ses chauffeurs livreurs, victime d’un accident du travail lors d’une livraison chez un client, les consignes de sécurité prévue par ce dernier (Cass. soc., 18 février 2021, n° 19-23.871)

Maladie professionnelle, faute inexcusable : la saisine du Conseil de Prud’hommes de demandes liées à la réparation de la maladie professionnelle interrompt la prescription de la demande de reconnaissance en faute inexcusable (en dépit de l’incompétence matérielle) (CA Paris 12 mars 2021 n°19/03903, communiqué sur demande).

RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL (MOTIF PERSONNEL)

Licenciement pour faute grave : un salarié qui refuse sa rétrogradation disciplinaire peut être licencié, y compris pour faute grave. Le fait qu’on lui ait proposé un changement de poste n’implique pas nécessairement que son maintien dans l’entreprise soit possible (Cass. soc. 10 février 2021 n°19-20.918)

Licenciement pour harcèlement, preuve : les éléments de preuve issus d’une enquête effectuée à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral qui n’a pas été préalablement portée à la connaissance de l’auteur présumé des agissements peuvent être produits en justice à l’appui de son licenciement et ce, même si aucune audition de ce dernier n’a été réalisée à cette occasion (Cass. soc., 17 mars 2021, n°18-25.597)

Licenciement pour trouble objectif, délai de remplacement : en cas de licenciement pour trouble objectif d’un salarié en arrêt maladie,  le remplacement définitif du salarié doit intervenir à une date proche du licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci, délai apprécié souverainement par les juges du fond en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement. Un délai de 6 mois est raisonnable compte tenu des démarches immédiatement engagées par l’employeur en vue d’un recrutement et de l’importance du poste de directeur (Cass. soc. 24 mars 2021 n°19-13.188).

Licenciement pour faute lourde : la dissimulation par le salarié de son intérêt personnel dans la réalisation d’opérations financières mettant en cause le fonctionnement de la société, constitutive d’un manquement à l’obligation de loyauté, établit la volonté de l’intéressé de faire prévaloir son intérêt personnel sur celui de l’employeur et fait ressortir l’intention de nuire du salarié (Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-14.315).

Rupture conventionnelle, PSE : une rupture conventionnelle est valable si la salariée, bien qu’informée qu’un PSE est en cours, ne se rétracte pas. Le consentement n’est pas vicié dès lors que la salariée ne démontre ni l’insuffisance de cette information ni son impossibilité de recourir à des informations complémentaires (Cass. soc., 17 mars 2021, n°  19-25.313).

LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE

Recherche de reclassement : lorsqu’un employeur envisage un licenciement économique, les recherches de postes disponibles dans les autres sociétés du groupe auquel il appartient n’ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés. La transmission de la liste des emplois dont la suppression est envisagée avec la mention du niveau de classification et l’intitulé de chaque poste concerné suffit (Cass. soc. 17 mars 2021, n°19-11.114)

Motifs qui s’opposent au reclassement : l’employeur qui a proposé au salarié un emploi qu’il a refusé n’est pas tenu de lui faire connaitre par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement, obligation qui n’est prévue que lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de lui proposer un emploi (Cass. soc. 24 mars 2021, n°19-21.263)

Contrôle du PSE par l’administration : si, pour apprécier la suffisance du PSE, le DIRECCTE s’est fondé sur des mesures contenues dans un addendum du PSE dont la réalisation dépendait de l’autorisation par le tribunal de commerce du plan de cession partielle, il ne pouvait les qualifier de concrètes. Par la suite, l’administration ne pouvait écarter les mesures de cet addendum puis opérer elle-même le contrôle du contenu du plan, à partir du document de base, dès lors qu’il n’appartient pas au juge de l’excès de pouvoir d’opérer ce contrôle (CAA Paris, 8e ch., 15 février 2021 n°20PA04025, communiqué sur demande).

Contrôle « a posteriori » du licenciement : la jurisprudence de la Cour de cassation qui admet, dans le cadre d’un contrôle « a posteriori », qu’un licenciement économique puisse être dénué de cause réelle et sérieuse lorsque l’employeur a commis une faute à l’origine du motif économique invoqué, repose sur des critères suffisamment précis. Elle n’est pas de nature à faire obstacle au droit de l’employeur de licencier et, partant, à l’effet utile de la directive 98/59 du 20 juillet 1998. Dès lors, en l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation de ladite directive, il n’y a pas lieu de saisir la CJUE d’une question préjudicielle (Cass. soc. QPC 17 mars 2021 n° 19-12.025)


SALARIES PROTEGES

UES, licenciement d’un salarié protégé, compétence judiciaire : en l’absence de toute procédure de validation ou d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi, il appartient à la juridiction judiciaire d’apprécier l’incidence de la reconnaissance d’une UES quant à la validité des licenciements, dès lors qu’il est soutenu que les licenciements auraient été décidés au niveau de cette UES, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement d’un salarié protégé, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. (Cass. soc. 17 mars 2021 n° 18-16.947)

IRP, FONCTIONNEMENT, PERIMETRE

Dispense d’activité : si l’employeur n’a pas défini les heures de travail théoriques du salarié placé en situation de dispense d’activité avec maintien de la rémunération, le représentant du personnel peut prétendre au paiement d’heures de délégation qu’il considère prises en dehors du temps de travail (donc en sus de sa rémunération) (Cass. soc. 3 mars 2021, n°19-18.150)

Action en justice du CSE : le CSE peut agir en annulation d’une autorisation de prise de contrôle de l’Autorité de la concurrence. Aucune disposition du Code du travail ou du Code de commerce n’impose cependant à l’Autorité de la concurrence de s’assurer préalablement à sa décision que les dispositions d’information-consultation du CSE ont été respectées (CE, 9 mars 2021, n°433214)

Remboursement de frais professionnels : si un représentant du personnel ne peut être privé, du fait de l’exercice de ses mandats, du paiement d’une indemnité compensant une sujétion particulière de son emploi qui constitue un complément de salaire, il ne peut, en revanche, réclamer le paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels qu’il n’a pas exposés  (Cass. soc. 3 mars 2021, n° 19-20.176)

SYNDICATS

Communications syndicales : en cas de mise à disposition de salariés dans une entreprise extérieure, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires, en accord avec l’entreprise utilisatrice, pour que la diffusion des communications syndicales de l’entreprise soit assurée auprès de ces salariés sans qu’il soit nécessaire que le syndicat ait constitué une section syndicale dans l’entreprise utilisatrice (Cass. soc., 17 mars 2021, n°19-21.486)

Défenseur syndical : un salarié, défenseur syndical, partie à une instance prud’homale, ne peut pas assurer sa propre représentation en justice. Le défenseur syndical, qui exerce un mandat de représentation en justice, ne pouvant pas confondre en sa personne les qualités de mandant et de mandataire, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la déclaration d’appel, formée par une personne qui n’en avait pas le pouvoir, était nulle (Cass. soc. 17 mars 2021 n° 19-21.349)

Grève : le juge des référés peut mettre fin à des mesures de changement d’horaire appliquées de manière collective à des salariés identifiés comme grévistes, nonobstant leur conformité formelle aux accords collectifs applicables, si l’employeur ne démontre pas en quoi ces mesures sont de nature à favoriser la continuité de l’activité et si elles ont pour objet de limiter l’exercice de leur droit de grève par ces salariés et constituent en conséquence un trouble manifestement illicite (TJ Bobigny, ord. ref., n° RG 21/00416, communiqué sur demande).

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

PAP, bureau de vote : l’article L 17 du code électoral qui prévoit qu’une liste électorale est établie par bureau de vote n’est pas applicable en matière d’élections professionnelles. Un protocole d’accord préélectoral ne peut être annulé au motif qu’il ne prévoit ni le nombre de bureaux de vote, ni leur localisation et alors même que les salariés ont été informés dans leurs bulletins de paie du bureau de vote auquel ils étaient rattaché (Cass. soc. 3 mars 2021, n°19-22.944)

Recours contre la décision fixant les établissements distincts, section syndicale : n’ayant pas la personnalité juridique, une section syndicale n’est pas compétente pour former un recours administratif contre la décision de l’employeur ayant fixé le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place du CSE. Lorsque la décision administrative est annulée par le juge en raison de cette irrégularité, ce dernier ne peut plus statuer. Par conséquent, aucun recours n’ayant été régulièrement formé contre la décision de l’employeur, celle-ci est validée (Cass. soc. 3 mars 2021 n° 19-21.086)

Santé, sécurité, conditions de travail

Risques psychosociaux : c’est maintenant qu’il faut faire de la prévention, pas en sortie de crise

02/04/2021

La santé mentale des salariés s’est encore un peu plus dégradée ces derniers mois… La faute, notamment, à une prise en compte encore insuffisante des risques psychosociaux par les entreprises. Les politiques parfois cosmétiques de qualité de vie au travail ne peuvent plus suffire, pour le psychologue du travail Christophe Nguyen : il faut mettre l’accent sur la prévention.

Avec 24 % de salariés touchés par une dépression nécessitant un traitement, la santé mentale des travailleurs français n’était déjà pas au beau fixe il y a trois mois. Elle n’a pas cessé de se détériorer depuis : ils sont 36 % aujourd’hui, d’après le dernier baromètre du cabinet spécialiste en prévention des risques psychosociaux (RPS) et en qualité de vie au travail Empreinte humaine, présenté le 23 mars 2021 et réalisé avec Opinionway du 1er au 10 mars sur un panel représentatif d’environ 2000 salariés français.

Pourtant, 70 % des salariés interrogés disent arriver à se détacher psychologiquement du travail lorsque la journée se termine. La même proportion indique réussir à vivre des émotions positives, bien qu’il y ait moins de choses à faire, et moins de gens à voir. Plus de la moitié d’entre eux rapporte parvenir à faire l’expérience d’activités stimulantes. Conclusion : “le sujet n’est pas de savoir si les gens arrivent à récupérer hors temps de travail. On voit que c’est ce qu’il se passe pendant le temps de travail qui s’est dégradé”, analyse Christophe Nguyen, psychologue du travail.

Détresse psychologique

“Le fil rouge, c’est la question de la détresse psychologique”, résume le spécialiste. Elle varie un peu en fonction du niveau des mesures sanitaires (confinement / déconfinement), mais reste élevée (45%). Surtout, elle est de plus en plus visible : près de deux tiers des répondants disent l’observer autour d’eux. 40 % ont d’ailleurs constaté que des collègues avaient décroché – ils ne se connectent plus aux réunions “zoom”, et ne se manifestent plus dans leurs équipes.

Ces chiffres s’expliquent logiquement. La moitié des salariés dit travailler constamment “en mode crise”, et ils sont 40 % à trouver que leur travail est devenu plus monotone. D’autant que parce qu’elles se sont dégradées, les relations de travail ne permettent plus vraiment d’équilibrer la balance. Une hausse des tensions entre collègues est ressentie par un tiers des salariés. Un quart relève aussi une accentuation du harcèlement, qui se matérialise surtout par la pression et les deadlines imposées. Résultat, 20 % des répondants pensent à changer d’entreprise à cause du traitement subi. “Il y a fort à parier qu’il y aura du turn over en sortie de crise”, prédit d’ailleurs Christophe Nguyen.

L’inquiétant, c’est que cette détresse est “l’antichambre de troubles plus sévères” : lorsqu’elle s’inscrit dans la durée, des troubles anxieux ou la dépression apparaissent. Et ces trois derniers mois, force est de constater que ces troubles se sont largement développés. Le taux de dépression a bondi de 12 % à 36 %. Le nombre de dépressions sévères a doublé en un an, ajoute Christophe Nguyen.

Les répercussions au travail pourraient être désastreuses. 50 % des salariés indiquent ainsi avoir peur de l’état psychologique de leurs collègues à la sortie de la crise. Ils sont conscients des difficultés rencontrées, et redoutent que des drames humains se produisent : un répondant sur trois craint que des suicides se produisent dans son entreprise. “Un chiffre très fort, mais c’est une réalité que l’on entend dans nos interventions”, confie Christophe Nguyen. Un salarié sur 10 reconnaît aussi avoir peur qu’un collègue agresse physiquement d’autres personnes.

“Déficit de culture”

En France, “on a abordé la santé en mentale par le risque juridique, pénal”, rappelle Christophe Nguyen. Mais pour le psychologue du travail, “on n’a vu que la partie émergée de l’iceberg, les drames humains. En oubliant ce qui était moins visible mais concerne davantage de gens : le sens du travail, le soutien, etc.”“La crise agit comme un révélateur sur les attentes des salariés”, observe-t-il ainsi. Les chiffres semblent lui donner raison : 65 % n’accepteront plus de travailler dans des environnements de travail négatifs pour leur santé psychologique. Il y a 6 mois, ils étaient 50 % à le penser. Près des trois quarts disent attendre davantage de leur entreprise en matière de prévention. Un signal fort, qui doit faire réfléchir : “c’est maintenant qu’il faut faire de la prévention en matière de santé psychologique, pas en sortie de crise”, insiste Christophe Nguyen.

Certaines entreprises “s’en sortent mieux que d’autres” pendant cette crise, néanmoins. “Avec de bonnes pratiques, la détresse est moins élevée”. Problème : il y a un “déficit de culture sur ce que sont les RPS, le rôle des entreprises et les actions à mener”, regrette Christophe Nguyen. Les entreprises qui se sont contentées d’initiatives cosmétiques au titre de la qualité de vie au travail (QVT) “se sont trompées” et sont, finalement, “allées sur des choses périphériques”.

Faire du cas par cas

Autre élément à prendre en compte : les risques psychosociaux dépendent aussi beaucoup des conditions de vie personnelle – âge, situation familiale, superficie du logement, charge mentale, etc. – et professionnelle des salariés. Pourtant, le protocole sanitaire ne fait pas de distinction : la règle, pour ceux dont l’activité le permet, c’est le télétravail quatre jours sur cinq.

Christophe Nguyen est d’avis qu’il faudrait réfléchir “un peu plus au cas par cas”. Certains sujets de sécurité sanitaire peuvent s’opposer à la santé psychologique des travailleurs, selon lui. La solution ? “Mettre dans la boucle managers, médecins du travail et préventeurs” pour “décliner les protocoles sanitaires”. Il faudrait prioriser en fonction de la jauge possible dans les entreprises, et prendre véritablement en compte la question de la santé mentale des salariés.

Olivia Fuentes

Protection sociale

Le décret assurance chômage est publié au Journal Officiel

01/04/2021

Hormis quelques modifications à la marge, le décret publié au Journal officiel du 31 mars reprend les arbitrages figurant déjà dans le texte du projet que nous avions pu consulter. La réforme entrera en vigueur le 1er juillet 2021.

La réforme arrive enfin à quai. Après les corrections imposées par le Conseil d’Etat puis les négociations houleuses entre gouvernement et partenaires sociaux, le décret entrera en vigueur le 1er avril mais les mesures se concrétiseront le 1er juillet. Selon les dernières estimations de l’Unedic, elles contribueraient à réduire les revenus d’environ un million de demandeurs d’emploi.

Le pivot du 1er juillet

La réforme sera applicable aux revenus des demandeurs d’emploi dont la fin de contrat de travail interviendra à compter du 1er juillet 2021, sauf si la procédure de licenciement aboutissant à la fin de contrat a été engagée avant cette date. Les autres demandeurs d’emploi seront régis par la convention assurance chômage de 2017. Le point de départ du délai de 244 jours pour le calcul de la dégressivité des allocations est lui aussi acté au 1er juillet.

Cette date marquera également le début de la période de référence du bonus-malus pour les entreprises. C’est à partir de là que les taux de séparation seront observés, et ce jusqu’au 30 juin 2022. La modulation à la hausse (malus) ou à la baisse (bonus) des contributions chômage des employeurs seront appliquées sur cette base à compter du 1er septembre 2022.

Une précision sur le plafond de la durée d’indemnisation

Le 3° de l’article 2 du décret final indique que le plafond de 75 % des périodes d’inactivité est calculé sur la base des jours travaillés puis converti en jours calendaires en appliquant un coefficient de 1,4, qui correspond au quotient de 7 jours sur 5 (article 2, 3°). Egalement précisé, l’indicateur de retour à meilleure fortune basé sur le nombre de demandeurs en fin de mois.

Concernant le reste des dispositions, le texte est conforme au projet présenté aux partenaires sociaux et à la commission nationale de la négociation collective. Pour mémoire, cette réforme entérine une modification du calcul du salaire journalier de référence, servant lui-même au calcul de l’indemnité chômage. Le gouvernement introduit le nombre de jours non travaillés au dénominateur de la formule. Les allocations deviendront dégressives au bout du 8e mois pour les demandeurs d’emploi de moins de 57 ans qui percevaient une rémunération de plus de 4 500 € brut par mois. Elle s’appliquera ensuite au 6e mois lorsque la situation de l’emploi se sera améliorée. De même pour la durée de la période d’affiliation, abaissée à 4 mois, mais qui passera à 6 mois lorsque seront remplis les indicateurs de retour à meilleure fortune (lire notre article). Les périodes de confinement et de couvre-feu sont par ailleurs neutralisées.

Il reste à savoir si les syndicats vont saisir le Conseil d’Etat contre cette réforme. Sur Twitter, Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO chargé de l’emploi, a laissé entendre que la voie judiciaire restait ouverte. Dans un communiqué de presse (en pièce jointe), la CGT a déploré que “1,7 millions d’allocataires vont perdre totalement ou partiellement des droits”, et demandé le retrait de la réforme.

DROIT

[ 3 Q/R ] Intervention d’un expert pour constater un danger, vente de matériel par le CSE aux élus, procuration d’un élu qui ne peut assister à une réunion

26/03/2021

Stéphanie Menegakis-Lacherée

Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert examine trois des questions qui lui ont été soumises par des élus du personnel. Dans cet article, les réponses aux questions suivantes : “Un élu peut-il faire intervenir une personne extérieure dans les locaux de l’entreprise pour constater un danger ? Le CSE peut-il revendre du matériel informatique aux élus ? Un élu titulaire qui ne peut assister à une réunion du CSE peut-il donner procuration à une personne de son choix ?

Marie-Aude Grimont

Les précisions du ministère du Travail sur le report des congés et l’articulation de l’activité partielle avec les vacances scolaires

02/04/2021

Dans un communiqué de presse envoyé hier en fin d’après-midi, le ministère du Travail a apporté des précisions sur la possibilité pour les salariés de demander le report de leurs dates de congés payés à la suite de la fermeture des écoles et de la prolongation des vacances scolaires. 

Après en avoir discuté avec les partenaires sociaux, “les employeurs sont invités à faciliter la prise de congés de leurs salariés qui ont des enfants sur les nouvelles dates de vacances scolaires (du 10 au 26 avril 2021) lorsqu’ils avaient déjà prévu leurs congés à des dates ultérieures”. Cette solution, précise le ministère, doit “être mise en oeuvre dans le cadre du dialogue entre le salarié et l’employeur.”

Si en droit commun, la période de prévenance est habituellement d’un mois pour poser ses congés, le ministère indique “qu’en bonne entente entre le salarié et l’employeur, il peut être décidé de modifier les dates de congé initialement prévues dans un délai plus court. Dans certains cas, la possibilité pour l’employeur d’imposer au salarié la prise de jours de congés ou de RTT, prévue par l’ordonnance du 16 décembre 2020, pourra également être utilisée”.

Ainsi :

  • pour un parent de la zone B (initialement en vacances du 24 avril au 10 mai), le salarié pourra demander d’avancer ses congés de 15 jours ;
  • pour un parent de la zone C (initialement en vacances du 17 avril au 3 mai), le salarié pourra demander d’avancer sa semaine de congés si elle était prévue du 25 avril au 3 mai ;
  • pour un parent de la zone A (dates de congés maintenues du 10 au 26 avril), il partira en congé comme prévu.

Le ministère rappelle que, pour faciliter les modes de garde, les déplacements entre régions seront autorisés pour amener ou aller chercher un enfant ou plusieurs enfants chez un proche.

Enfin, le ministère du Travail souligne que si le salarié ne peut pas décaler ses congés, qu’il ne dispose pas de mode de garde et qu’il est dans l’incapacité de télétravailler alors, il peut être placé en activité partielle.