Archives de catégorie : Newsletter N°2 – Actu Sociale

Epuisement professionnel ou burnout

Quand l’investissement professionnel devient trop lourd à porter

Le syndrome d’épuisement professionnel, ou burnout, est un ensemble de réactions consécutives à des situations de stress professionnel chronique dans lesquelles la dimension de l’engagement est prédominante. Il se caractérise par 3 dimensions :

  • l’épuisement émotionnel : sentiment d’être vidé de ses ressources émotionnelles,
  • la dépersonnalisation ou le cynisme : insensibilité au monde environnant, déshumanisation de la relation à l’autre (les usagers, clients ou patients deviennent des objets), vision négative des autres et du travail,
  • le sentiment de non-accomplissement personnel au travail : sentiment de ne pas parvenir à répondre correctement aux attentes de l’entourage, dépréciation de ses résultats, sentiment de gâchis…
     

De nombreuses professions demandent un investissement personnel et affectif important. Les salariés exerçant ces métiers peuvent être concernés par le risque de burnout quand ils en arrivent à ressentir un écart trop important entre leurs attentes, la représentation qu’ils ont de leur métier (portée par des valeurs et des règles) et la réalité du travail. Cette situation, qui les épuise et les vide « émotionnellement », les conduit à remettre en cause leur investissement initial.

Exemples d’exposition aux risques

L’exposition au risque de burnout peut concerner les professions d’aide, de soins, de l’enseignement… des professions où la relation à l’autre est au centre de l’activité et constitue un enjeu, parfois vital, pour les bénéficiaires de cette relation (les usagers, les patients, les clients, …). Toutefois le burnout peut également concerner d’autres secteurs d’activité susceptibles de mobiliser et d’engager les personnes sur des valeurs professionnelles très prégnantes.

Cas d’une infirmière hospitalière

« Ma profession d’infirmière, je l’ai choisie, je l’ai voulue… Mais aujourd’hui, j’ai l’impression d’être vidée. Je dois aller d’un lit à l’autre. J’ai l’impression de n’avoir jamais le temps de faire correctement mon travail. Je supporte de moins en moins les plaintes, les angoisses des patients. Je me dis qu’être infirmière n’est pas aussi valorisant, gratifiant que cela… »

Cette infirmière ne sait plus où elle en est. Elle doute d’elle-même : pourquoi, elle, autrefois si investie dans son travail, ne croit-elle plus en son métier ? Les contraintes particulières de son métier de soin et d’aide, non compensées par « autre chose » ont eu raison de son investissement initial. Le stress de la profession devient trop lourd à porter, et elle développe un syndrome du burnout.

Facteurs de risque

L’épuisement professionnel étant une conséquence du stress au travail, on retrouve parmi les causes du burnout des facteurs de stress. Différentes études ont spécifiquement permis de souligner le rôle des facteurs suivants :

  • Surcharge de travail, pression temporelle,
  • Faible contrôle sur son travail,
  • Faibles récompenses,
  • Manque d’équité,
  • Conflits de valeur, demandes contradictoires,
  • Manque de clarté dans les objectifs, les moyens.
     

L’effet de ces facteurs de risque peut se combiner, pour certaines professions de relations d’aide (infirmières, médecins, travailleurs sociaux, enseignants,…), à la charge émotionnelle inhérente à ces professions.

Accidents et effets sur la santé

Les manifestations de l’épuisement professionnel, plus ou moins aigues, peuvent être d’ordre :

  • émotionnel (sentiment de vide, d’impuissance, perte de confiance en soi, irritabilité, pessimisme, attitude « bureaucratique »…),
  • cognitif (difficulté de concentration, indécision, difficultés à faire des opérations simples, altération de la qualité du travail…),
  • physique (fatigue généralisée, maux de tête, de dos, tensions musculaires, troubles du sommeil,…)
  • interpersonnel et comportemental (repli, isolement, agressivité, impulsivité, baisse de l’empathie, conduites addictives…)
  • motivationnel et attitudinal (attitude négative envers le travail et les autres, désengagement,…)

La symptomatologie du burnout est de fait assez complexe, peu spécifique et peut évoluer vers la dépression ou l’anxiété.

Prévention

Pour prévenir l’apparition du phénomène d’épuisement professionnel, il est recommandé de veiller à ce que l’organisation du travail et les contraintes qu’elle génère ne surchargent pas les salariés et ne les mettent pas en porte-à-faux vis-à-vis des règles et des valeurs de leur métier. Il convient également de permettre le travail en équipe ou encore de favoriser le soutien social. Et de manière plus générale, il est recommandé de mettre en place une démarche de prévention collective des RPS (voir dossier Risques psychosociaux).

Repérer les situations de burnout

Au niveau individuel, l’employeur, l’encadrement, les acteurs de la prévention au sein de l’entreprise, le service de santé au travail doivent être vigilants à un ensemble de signaux pouvant laisser penser qu’un salarié est peut-être en situation de burnout :

  • Le salarié se plaint-il de manquer d’énergie pour accomplir son travail ?
  • Fait-il part de problèmes de concentration, de manque de disponibilité mentale au travail ?
  • Est-il facilement irritable ?
  • Dévalorise-t-il le travail qu’il accomplit, sa propre efficacité et ses compétences ?
  • Manifeste-t-il des signes de désinvestissement professionnel ?
     

Un changement dans l’attitude du salarié, un repli sur soi, un désengagement inhabituel sont autant de signaux qui doivent interpeller l’entourage professionnel.
 

Au niveau collectif, les indicateurs de dépistage des risques psychosociaux pourront être examinés.
Le repérage du burnout peut également se faire par questionnaires (voir les fiches questionnaires FRPS).

Mettre en place des mesures de prévention collective

Des mesures de prévention adaptées doivent être recherchées et mises en place. Elles ont pour objectif de faire diminuer les exigences professionnelles qui pèsent sur les salariés et d’augmenter les ressources à leur disposition.
 

Exemples de mesures de prévention collective de l’épuisement professionnel :

  • Veiller à ne pas surcharger certains postes ou certains salariés,
  • Favoriser le soutien social et éviter l’isolement : mise en place de groupes d’échanges sur les pratiques professionnelles, renforcement du travail en équipe (temps de travail réservé aux relèves de postes, espaces de partage d’expérience et d’échanges),
  • Améliorer le retour sur l’efficacité du travail, la reconnaissance du travail accompli,
  • Etre vigilant au traitement équitable des salariés,
  • Eviter les conflits éthiques autour de la qualité du travail, en partageant les objectifs et les manières de faire pour les atteindre.

Prendre en charge les personnes atteintes du burnout

Quand une ou plusieurs personnes sont victimes d’épuisement, l’encadrement peut leur proposer un entretien permettant de faire le point sur leurs difficultés. Les raisons de leur état en lien avec le travail doivent être recherchées. Elles peuvent parallèlement contacter le médecin du travail. Celui-ci estimera la nécessité d’une orientation vers une prise en charge spécialisée et appréciera l’opportunité d’un aménagement de poste ou d’une redéfinition des objectifs et des moyens à leur disposition. Le service de santé au travail peut également aider l’entreprise à repérer les facteurs de risques professionnels en lien avec les cas de burnout portés à sa connaissance.

Téléchargez : Le syndrome d’épuisement professionnel ou burnout. Mieux comprendre pour mieux agir sur le site de l’Anact

Institutions représentatives du personnel : panorama de décisions récentes

Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois apportent des précisions ou rappellent des règles relatives aux élections professionnelles, au CSE ou encore à la protection des représentants du personnel.

La représentation du personnel est un sujet qui donne lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces décisions ne tranchent pas une incertitude ou n’élaborent un règle, mais rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes. Nous vous présentons sous forme de tableau une sélection de ces arrêts de ces derniers mois dans le domaine des élections professionnelles, du CSE et du statut protecteur.

ThèmeContexteSolution
Elections professionnelles
Contestation des listes électoralesLe délai de 3 jours prévu en cas de contestation portant sur l’électorat court à compter de la publication de la liste électorale (C. trav., art. R. 2314-24).Si la liste électorale a été modifiée et publiée, c’est la date de cette publication qui constitue le point de départ du délai de 3 jours (Cass. soc., 2 déc. 2020, n° 19-14.468).
Non-respect des règles de parité des listes de candidatsEn cas de non-respect des règles de représentation équilibrée femmes-hommes sur les listes de candidats, l’élection des élus du sexe surreprésenté est annulée (C. trav., art. L. 2314-32).L’annulation de l’élection de membres du CSE en application de l’article L. 2314-32 est sans incidence sur la représentativité des organisations syndicales (condition d’audience électorale), laquelle est fonction, en vertu de l’article L. 2122-1, du pourcentage des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires du comité (Cass. soc., 16 déc. 2020, n° 19-18.613). Il s’agit d’une confirmation de jurisprudence.
CSE
Action en justice du CSEEn tant que personne morale de droit privé, le CSE est en droit d’agir en justice à une double condition : avoir qualité pour agir en raison des missions qui lui sont légalement dévolues ; justifier d’un intérêt à agir en raison d’une atteinte du préjudice qu’il subit.Le comité n’a pas le pouvoir d’exercer une action en justice au nom des salariés ou de se joindre à leur action lorsque ses intérêts propres ne sont pas en cause (jurisprudence constante), ainsi : l’action du comité en contestation du transfert des contrats de travail de l’ensemble des salariées concernées et non parties à l’instance est irrecevable ; le comité pourrait intervenir au côté d’un salarié à l’occasion d’un litige portant sur l’applicabilité de l’article L. 1224-1 du code du travail s’il a un intérêt propre à faire valoir dans ce cadre (atteinte à son fonctionnement ou ses ressources) (Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 19-10.626).
Désignation d’un expert du CSELa décision de recourir à un expert est prise au cours d’une réunion ordinaire ou extraordinaire du CSE.La délibération décidant du recours à un expert (sur un projet important modifiant les conditions de travail) est valable alors même que la question n’est pas inscrite à l’ordre du jour, dès lors qu’elle était en lien avec des questions inscrites à l’ordre du jour du comité (la consultation sur le projet en question) et qu’elle avait été régulièrement votée par les membres du comité (Cass. soc., 18 nov. 2020, n° 19-20.778). Décision concernant un CHSCT, transposable au CSE.
Représentant syndical au CSESauf accord collectif plus favorable, une confédération syndicale et les organisations syndicales qui lui sont affiliées ne peuvent désigner ensemble un nombre de représentants syndicaux supérieur à celui prévu par la loi.Lorsque l’organisation syndicale désigne un RS surnuméraire, cette désignation ouvre, à compter de la dernière désignation litigieuse ou de la décision prise par l’organisation syndicale pour mettre fin à cette situation, un nouveau délai de contestation de l’ensemble des désignations en cause. D’autre part, il appartient alors aux syndicats de justifier des dispositions statutaires déterminant le syndicat ayant qualité pour procéder aux désignations des RS ou à leur remplacement, ou de la décision prise par l’organisation syndicale d’affiliation pour régler le conflit conformément aux dispositions statutaires prévues à cet effet. A défaut, par application de la règle chronologique, seule la désignation notifiée en premier lieu doit être validée (Cass. soc., 2 déc. 2020, n° 19-20.762). Cette décision transpose la solution adoptée pour les délégués syndicaux surnuméraires.
Salariés protégés
Mise à pied conservatoireLa mesure de mise à pied est annulée et privée d’effet lorsque le licenciement est refusé par l’inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, par le ministre (C. trav., art. L. 2421-1R. 2421-6R. 2421-14).Il en va de même en cas d’annulation de l’autorisation de licenciement par le juge administratif : la mesure de mise à pied est annulée et privée d’effet  (Cass. soc., 16 déc. 2020, n° 19-19.082).
InaptitudeLes règles protectrices se combinent avec les dispositions des articles L. 1226-2 et L. 1226-10  et du code du travail prévoyant le reclassement du salarié devenu inapte à son emploi. L’inspecteur du travail se doit de contrôler le caractère réel et sérieux des efforts de reclassement de l’employeur.Pour apprécier si l’employeur a procédé à des recherches réelles et sérieuses en vue du reclassement, l’autorité administrative ne peut se borner à relever que l’intéressé, postérieurement aux avis médicaux le déclarant définitivement inapte à son poste, avait reçu des affectations sur plusieurs emplois compatibles avec les préconisations du médecin du travail : l’administration doit aussi contrôler les raisons pour lesquelles le reclassement du salarié n’avait pas été possible sur les premiers postes auxquels il avait été affecté après avoir été déclaré inapte, et si d’autres postes de reclassement étaient encore susceptibles de lui être proposés (CE, 30 déc. 2020, n° 426216).
Licenciement pour fauteIllustrations de fautes contrôlées par l’inspecteur du travail et jugées insuffisantes pour justifier le licenciement du salarié protégé.Méconnaissance de la charte informatique annexée au règlement intérieur de l’entreprise (participation, pendant ses heures de travail, à la confection d’une fausse facture avec le matériel informatique de l’entreprise au profit d’un tiers) : salarié justifiant d’une ancienneté importante sans aucune autre sanction disciplinaire, faux document établi à partir d’un document détenu par le comité (et pas par l’employeur) et utilisé dans le cadre de la vie privée de l’intéressé sans en tirer un avantage financier personnel, plainte classée sans suite par le procureur de la République. Envoi de 15 courriels à des fins personnelles sur 3 ans depuis son ordinateur professionnel et pendant son temps de travail (CE, 30 déc. 2020, n° 427511).

Séverine Baudouin, Dictionnaire permanent Social

“Un million de personnes vont devoir changer de métier”

Pour éviter “le bain de sang “que risque de provoquer la Covid-19 dans le tissu économique, avec de nombreuses PME en danger en 2021 et de nouvelles délocalisations, les économistes Patrick Artus et Olivier Pastré prônent une politique ambitieuse, en matière de fonds propres et, surtout, d’investissement dans les compétences. Ils défendent aussi un financement public-privé plus important des syndicats afin de susciter un dialogue social à la hauteur des enjeux.

Du sang et des larmes : c’est, à peine exagérée, la perspective alarmiste dressée mercredi 13 janvier devant les membres de la commission économique du Sénat, par Patrick Artus et Olivier Pastré, deux économistes qui ont publié cet automne un livre sur l’économie post-Covid (1). Ces deux personnalités jugent urgent de mener non plus des “réformes” mais des “ruptures” visant le long terme afin de répondre à la crise économique et sociale provoquée par le Covid-19 dont les inconnues restent nombreuses, tant médicales que sociales et économiques.

La réponse doit être à la hauteur des effets de cette vaste pandémie, une “bombe à fragmentation” qui frappe tous les pays et tous les secteurs. Certes, la France n’est pas si mauvaise sur “le plan défensif”, admettent les deux économistes en estimant nécessaire de poursuivre le soutien de l’activité partielle non seulement en 2021 mais aussi en 2022. En 2021, la France pourrait même, selon Patrick Artus, parvenir à dégager 5% de croissance, mais à la condition que le Covid soit, grâce à la vaccination, derrière nous dès cet été, ce que personne ne peut garantir.

Un risque de défaillances de PME important pour 2021

Mais quid de la préparation de l’avenir ? Les défaillances d’entreprises vont se multiplier, et l’on peut s’attendre à un pic du chômage fin 2021, le taux de demandeurs d’emploi pouvant grimper jusqu’à 12% voire 13% en France. Les grandes entreprises, fût-ce au prix de “quelques licenciements”, a dit abruptement Olivier Pastré, vont traverser la crise sans trop de dommages, et restaurer très vite leurs profits. C’est la force d’un capitalisme devenu “agressif” et qui ne va guère hésiter à procéder à de nouvelles délocalisations, mais cette fois en Europe pour éviter une trop grande dispersion des chaînes de valeur, vers des pays à moindre coût salarial comme le Portugal, craint Patrick Artus.

Les entreprises de taille intermédiaires (ETI, entre 250 et 5 000 salariés) devraient également s’en sortir. Mais que va devenir tout le tissu des PME qui n’ont pas accès aux marchés financiers et dont les fonds propres doivent être reconstitués du fait de leur endettement ?  “Il va y avoir un bain de sang”, répond Patrick Artus qui ne partage guère la vision “optimiste” d’autres économistes, tel Philippe Aghion, pour lesquels cette période sera positive en entraînant la disparition des entreprises plus faibles et en générant de nouvelles activités porteuses. Que se passe-t-il en effet en Chine, pays qu’on peut estimer post-Covid ? “La Chine a vu sa consommation repartir, et les Chinois revoyagent normalement dans leur pays. Mais l’investissement et l’emploi n’ont pas retrouvé leur niveau antérieur”, souligne Patrick Artus. 

Pour sinon éviter du moins atténuer ces effets funestes, les deux économistes défendent un plan ambitieux, qui pourrait être mené par la Banque publique d’investissement, afin d’inciter tous les assureurs et les banques à aider les PME à trouver de nouveaux fonds propres, ce qui suppose l’arrivée d’investisseurs et le drainage de l’épargne des particuliers vers les entreprises –un véritable serpent de mer.  “Que font aujourd’hui les Américains de l’argent reçu par l’Etat ? Ils investissent dans des appartements”, se désole Patrick Artus, inquiet à l’idée de voir les valeurs de l’immobilier s’envoler au détriment de l’appareil productif.

Un besoin massif de formations de reconversion

Sur le plan social, le choc économique provoqué par la Covid va entraîner une redistribution générale des activités au profit, par exemple, du numérique, de la pharmacie, de la santé, de l’agroalimentaire, alors que d’autres secteurs seront à la peine : le transport aérien ne pourrait par exemple retrouver son activité de 2019 qu’en 2024. Cette redistribution va engendrer un besoin massif de reconversions, incomparablement plus important que lors de crises précédentes  : “Nous estimons qu’un million de Français vont devoir changer de métier “, calcule Patrick Artus.

Notre système de formation, à la fois initiale et continue, n’est pas adapté à la hauteur de l’enjeu, plaident les deux économistes. Du fait d’une pédagogie défaillante et donnant trop peu confiance en soi, les jeunes Français sont mauvais en sciences, et notre système de formation professionnelle “n’a pas la dimension pour assurer le brassage des populations” nécessaire, estime Olivier Pastré. “Il faut évaluer les formations, et former les formateurs”, dit-il encore. Entre les lignes, on comprend donc que les deux hommes jugent insuffisant le plan du gouvernement sur les transitions collectives. Cet investissement dans les compétences serait à leurs yeux de nature à relancer “l’ascenseur social” en France et à redonner de la confiance, alors que 800 000 jeunes vont entrer sur le marché du travail.

A court terme d’ailleurs, les deux économistes plaident en faveur d’un revenu universel pour les jeunes. Et Patrick Artus, qui enseigne à l’Ecole d’économie de Paris, de glisser au passage : “Les étudiants n’ont pas à travailler durant leurs soirées pour payer leurs études, car le lendemain, ils dorment dans les amphi”.

Inquiets de l’affaiblissement de secteurs français puissants (l’aéronautique, le tourisme) et d’un risque de polarisation et d’inégalités croissant entre les pays européens, les deux hommes estiment qu’il n’est pas trop tard pour impulser en France des changements d’ampleur visant le long terme, en utilisant la planification matinée de dialogue social. Les Français y sont prêts, assurent-ils, à condition “que ces changements soient justes, et qu’ils soient bien expliqués”.

Réforme des retraites et financement des syndicats

Les deux économistes listent huit propositions  : un revenu minimum pour les plus fragiles, une réforme profonde du système des retraites (retraite à 65 ans), un choc de compétences, la suspension de certaines règles de contrôle prudentiel type Bâle III qui empêchent selon eux banques et assureurs d’investir dans les entreprises, la mise en place de la taxe carbone permettant de financer l’arrêt des importations d’énergie fossile et leur remplacement par des énergies renouvelables, une nouvelle décentralisation.

La huitième proposition, “une provocation” selon le mot d’Olivier Pastré, concerne le monde syndical. Pour renouer un dialogue social qui serait devenu devenu quasiment “inexistant” en France selon lui, l’économiste suggère de financer bien plus qu’aujourd’hui les syndicats, afin d’avoir des acteurs puissants, représentatifs et responsables, pouvant se doter d’une expertise économique et ayant donc les moyens de négocier. “Je ne suis pas hostile à un financement public-privé, ouvrons le débat”, résume Olivier Pastré. Rappelons que ce financement public-privé existe déjà aujourd’hui (voir notre infographie). Comme ils l’ont précisé dans une tribune parue dans les Echos, les deux économistes visent un syndicalisme “éclairé et non pas simplement revendicatif”. 

Les deux hommes n’évoquent pas, en revanche, une gouvernance des sociétés davantage ouverte aux représentants des salariés. Cette réforme est pourtant défendue par d’autres économistes pour qui elle serait de nature à entraîner une autre gestion de l’entreprise et une meilleure prise en compte de la localisation des emplois (lire notre article).

(1) Patrick Artus et Olivier Pastré, “L’économie post-covid”, Fayard (128 pages, prix numérique : 9,90€, prix papier : 14€). Chef économiste de Natixis, Patrick Artus est professeur associé à l’École d’Économie de Paris. Olivier Pastré est professeur d’économie à l’université Paris-VIII et président d’IMB Bank (Tunis). Ils sont tous deux membres du Cercle des économistes. 

La valeur du patrimoine dopée par la crise
La dette Covid n’inquiète pas Patrick Artus. “Il n’y a pas de dette Covid. C’est une dette logée dans le bilan de la banque centrale européenne, donc c’est une dette perpétuelle gratuite”, soutient-il. En revanche, l’abondance de liquidités injectées pour financer les déficits publics entraîne, souligne-t-il, “une monnaie covid” qui est à l’origine d’une hausse des valeurs patrimoniales, qu’il s’agisse de la valeur de l’immobilier ou des entreprises, une hausse préjudiciable au financement de l’économie réelle et qui va poser un problème d’accroissement des inégalités, les détenteurs de patrimoine s’enrichissant par ce mécanisme.

Bernard Domergue