Archives de catégorie : Newsletter N°20 – Actu sociale

SANTÉ ET PROTECTION SOCIALE

Réforme de l’assurance chômage : un décret modifie le calcul du salaire journalier de référence pour revaloriser certaines périodes

10/06/2021

Paru mercredi 9 juin au Journal officiel, un décret (n° 2021-730) du 8 juin 2021 modifie le calcul du salaire journalier de référence (SJR) permettant de calculer les indemnités d’assurance chômage à partir du 1er juillet 2021, dans le cadre de la réforme voulue par l’exécutif et qui est contestée, devant le Conseil d’Etat, par plusieurs organisations syndicales. Aujourd’hui doit d’ailleurs avoir lieu une audience en référé devant la plus haute juridiction administrative, également saisie sur le fond.

Le gouvernement avait été alerté par les organisations syndicales et par l’Unedic sur les effets, préjudiciables quant à l’allocation d’assurance chômage, des nouvelles modalités de calcul du salaire journalier de référence (SJR), la refonte du calcul du SJR pénalisant les demandeurs d’emploi ayant connu des périodes d’inactivité, comme l’activité partielle, le congé maternité, l’arrêt maladie notamment.

Ce nouveau décret est donc censé corriger ces effets en revalorisant certaines périodes de suspension du contrat de travail ou certaines périodes au cours desquelles les salariés ne percevaient plus qu’une rémunération réduite : périodes de maladie, de maternité, de paternité, d’indemnisation par l’activité partielle, congé de fin de carrière, de cessation anticipée d’activité, congé de reclassement, réduction d’horaire de travail et de salaire, etc. Comment ? En créant une sorte de salaire fictif. En effet, comme dans le projet communiqué aux partenaires sociaux et à l’Unedic, le texte réglementaire prévoit “la reconstitution” d’un salaire normal (*) pour compenser l’inégalité liée aux périodes d’inactivité, un procédé pour lequel le gestionnaire de l’assurance chômage a pointé un risque juridique. A suivre…

(*) Le décret dit ceci : “Lorsqu’aucune rémunération n’a été perçue au titre du contrat de travail pendant l’exécution duquel l’une des périodes mentionnées au § 3bis ou au § 3ter du présent article est intervenue, le salaire journalier moyen est reconstitué sur la base de la dernière rémunération mensuelle prévue par les stipulations du contrat en vigueur au début de cette période, à l’exclusion des indemnités et primes dont le paiement est subordonné à l’accomplissement d’une tâche particulière ou à la présence du salarié à une date déterminée ainsi que des primes de bilan et gratifications”.

Les visites médicales prévues jusqu’au 2 août peuvent être reportées

10/06/2021

Un décret du 8 juin 2021, publié hier au Journal officiel, prolonge jusqu’en août les mesures de report des visites médicales dans le contexte de la crise sanitaire. Peuvent désormais faire l’objet d’un tel report les visites dont l’échéance intervient avant le 2 août 2021, au lieu du 17 avril comme le prévoyait jusqu’ici le texte. Sont concernés :

  • les visites médicales d’information et de prévention et leur renouvellement ;
  • les examens d’aptitude ;
  • les visites intermédiaires ;
  • les visites précédant les départs à la retraite.

Le report est possible dans la limite d’un an. Le médecin du travail peut toujours décider de maintenir les rendez-vous lorsqu’il l’estime indispensable, compte tenu notamment de l’état de santé du travailleur ou des caractéristiques de son poste de travail. 

La possibilité de déléguer certaines visites aux infirmiers de santé au travail (visite de préreprise, visite de reprise) est également prolongée, jusqu’au 1er août 2021 au lieu du 16 avril.

Retraites : les déclarations d’E. Macron et les réactions syndicales

08/06/2021

Les récentes déclarations d’Emmanuel Macron au sujet des retraites lors de son déplacement dans le Lot (lire ci-dessous) suscitent la méfiance voire l’hostilité des organisations syndicales, certaines y voyant la relance du thème de la réforme des retraites en vue de la présidentielle de 2022, d’autres n’écartant pas l’hypothèse de voir le gouvernement adopter à la fin de l’année un relèvement de la durée de cotisation.

Solidaires rejette ces projets. Si l’union syndicale insiste sur le fait que l’exécutif reconnaît que “sa tentative de réforme de 2019-2020” était trop “complexe”, l’union syndicale assure qu’elle combattra tout projet visant à augmenter le nombre de trimestres cotisés pour bénéficier d’un départ à la retraite ou à reporter l’âge de départ. “Une fois de plus, on veut nous faire croire qu’il n’y a pas d’alternative (..)  La justification ? L’équilibre des comptes, la dette. Cet aveuglement idéologique se construit sur le dos de millions d’entre nous. Il conduit au désespoir social et participe au renforcement de l’extrême-droite”, indique Solidaires. Pour ce syndicat, “il est urgent d’imposer une autre répartition des richesses et de partager le travail”, car “c’est la réduction du temps de travail qui pourra vaincre le chômage et la pauvreté tout en finançant la protection sociale”. 

Engager une réforme des retraites avant la présidentielle de 2022 serait “une folie”, a estimé hier auprès de l’AFP Laurent Berger, l’heure étant plutôt “à la reprise et à la réparation de l’épreuve qu’on a traversée, dont tout le monde ne sort pas indemne”. Le secrétaire général de la CFDT a ajouté : “On continue de dire ce qu’on dit depuis des mois, il n’y a pas de place pour un débat apaisé autour de la question des retraites avant la présidentielle. Quelle que soit l’option retenue, ça paraîtrait totalement inflammable”. 

Interrogé hier sur RMC, Philippe Martinez a jugé que “ce serait une erreur de la part du président de la République de remettre ça (Ndlr : la réforme des retraites) sur la table”. Pour le secrétaire général de la CGT, “il y a d’autres problématiques plus urgentes, les questions d’emploi, les questions de salaires, la question de la jeunesse et ça, il faudrait s’en occuper rapidement”.

“La priorité, ce n’est pas le problème des retraites, mais celui de l’emploi, le problème de l’accès à l’emploir pour les jeunes, le problème des contrats courts. Si cette réforme devait revenir, cela donnerait lieu à un conflit social. On n’en a pas besoin en ce moment”, a également réagi Yves Veyrier, le secrétaire général de FO, sur France 2.

Les propos d’Emmanuel Macron dans le Lot A la question “allez-vous faire la réformes des retraites”, le président de la République a répondu : “C’est une question que nous devons collectivement nous poser. Je ne pense pas que la réforme qui était initialement envisagée puisse être reprises en l’état (..) Elle était extremement ambitieuse, extêmement complexe, et porteuse, il faut bien le reconnaître d’inquiétudes (..)  Mais pouvons-nous ne rien faire sur la retraite dans les mois qui viennent ? Pour répondre, il faut voir deux choses. A-t-on réglé le préalable à tout, qui est le travail et la reprise d’activité ? Pour moi, c’est la mère des réformes !  La deuxième question, c’est de voir comment assurer la solidité de nos finances publiques pendant cette période. C’est trop tôt pour vous répondre (..) J’ai demandé aussi des rapports à des experts (Ndlr : Blanchard-Tyrole) et à la Cour des comptes, dont je vais bientôt avoir le rapport (..), et il y aura des consultations avec les forces politiques, syndicales et patronales”.  

Allègements temporaires de charges sociales : où en est-on ?

08/06/2021

Un décret précise que les employeurs, les travailleurs non salariés (TNS) et les mandataires sociaux de certains secteurs bénéficient (sous conditions) encore d’une baisse des charges sociales pour mars et avril 2021. Lorsque le lieu d’exercice n’a pas le droit de recevoir de public, l’allègement reste en vigueur tant que cette interdiction subsiste.

C’est un des dispositifs temporaires anti-crise. L’allègement des charges sociales, tel qu’issu de l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, bénéficie à certains employeurs, TNS et mandataires sociaux. Nous faisons le point après la publication ce vendredi d’un décret (décret n° 2021-709) qui précise le sort de certains pour les périodes d’emploi ou d’activité de mars et avril 2021.

1) Exonération de charges patronales pour certains employeurs

Le 1er dispositif d’allègement de charges pour les employeurs éligibles prend la forme d’une exonération totale des cotisations et contributions sociales mentionnées au I de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, à l’exception des cotisations affectées aux régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires. On peut décomposer les employeurs éligibles en trois catégories.

1ère catégorie : employeurs de moins de 250 salariés des secteurs S1 et S1 bis interdits d’accueillir du public

Cela concerne les employeurs exerçant dans un secteur d’activité de la catégorie S1 (tourisme, hôtellerie, restauration, etc.) ou S1 bis (secteur dont l’activité dépend de celle d’un secteur de la catégorie S1). Pour bénéficier de cette exonération, l’employeur doit avoir fait l’objet de mesures d’interdiction d’accueil du public (à l’exception des activités de livraison, de retrait de commande ou de vente à emporter) au cours du mois suivant celui au titre duquel l’exonération est applicable. Ce dispositif reste en vigueur pour les périodes d’emploi jusqu’au dernier jour du mois précédant celui de l’autorisation d’accueil du public (cf article 11 du décret n° 2021-75) ;

2ème cas : employeurs de moins de 250 salariés des secteurs S1 et S1 bis ayant perdu au moins 50 % de chiffre d’affaires mensuel

Cela concerne les employeurs exerçant dans un secteur d’activité de la catégorie S1 (tourisme, hôtellerie, restauration, etc.) ou S1 bis (secteur dont l’activité dépend de celle d’un secteur de la catégorie S1). Pour bénéficier de cette exonération, l’employeur doit avoir perdu au moins 50 % de chiffre d’affaires pour le mois éligible. Rappelons toutefois que cette condition de baisse de chiffre d’affaires mensuel est également considérée comme satisfaite lorsque la baisse représente au moins 15 % du chiffre d’affaires de l’année 2019 ou, pour les entreprises créées en 2019, du chiffre d’affaires de l’année 2019 ramené sur 12 mois. Pour ces employeurs, l’allègement de charges patronales est limitée dans le temps a priori. Le décret n° 2021-709 a prolongé les périodes d’emploi correspondantes. L’exonération de charges patronales est ainsi prolongé aux périodes d’emploi de mars et avril 2021 alors qu’auparavant cela devait s’interrompre au 28 février 2021.

  3ème cas : employeurs de moins de 50 salariés d’autres secteurs (dits S2) interdits d’accueillir du public

Cela concerne les employeurs exerçant dans un secteur d’activité autre (appelé aussi S2) que ceux des catégories S1 et S1bis et dont l’effectif est inférieur à 50 salariés. Pour bénéficier de cette exonération, l’employeur doit avoir fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public affectant de manière prépondérante la poursuite de son activité, à l’exception des activités de livraison, de retrait de commande ou de vente à emporter. Une instruction interministérielle du 5 mars 2021 considère que “le caractère prépondérant peut être apprécié au regard de la part du chiffre d’affaires dépendant de l’accueil du public : un employeur est ainsi éligible aux dispositifs dès lors qu’au moins 50 % de son chiffre d’affaires habituel est lié à une activité exercée dans des lieux ayant fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public”, précise-t-elle. Ce dispositif reste en vigueur pour les périodes d’emploi jusqu’au dernier jour du mois précédant celui de l’autorisation d’accueil du public (cf article 11 du décret n° 2021-75).

2) Aide au paiement des charges sociales pour ces mêmes employeurs

Les employeurs des 3 catégories mentionnées ci-dessus bénéficient d’une aide au paiement de leurs cotisations et contributions sociales, égale à 20 % du montant des rémunérations des salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. Les périodes d’emploi ouvrant droit à cette aide sont les mêmes que celles relatives à l’exonération de charges patronales.

3) Réduction de charges sociales pour certains travailleurs indépendants

Lorsqu’ils satisfont aux conditions d’activité principale, de lieu d’exercice de l’activité et de fermeture ou de baisse de chiffre d’affaires mentionnées pour les employeurs des 3 catégories ci-dessus (hormis donc la condition d’effectif), les travailleurs non salariés (TNS) au régime réel (une mesure d’allègement, que nous ne traitons pas dans cet article, est également prévue pour les micro-entreprises) bénéficient d’une réduction de charges sociales de 600 euros par mois. Cette réduction mensuelle est liée à la période d’activité touchée par la crise dans les mêmes conditions que celle mentionnée ci-dessus pour les employeurs éligibles à l’exonération de charges patronales (par exemple, la réduction de 600 euros par mois s’applique, pour un TNS d’un secteur S1 ou S1 bis interdit d’accueillir du public, jusqu’au dernier jour du mois précédent celui de l’autorisation d’accueillir de nouveau du public).

4) Réduction de charges sociales pour certains mandataires sociaux

Certains mandataires sociaux bénéficient aussi d’une réduction temporaire de charges sociales de 600 euros par mois dès lors que l’entreprise dont ils sont mandataires leur a versé une rémunération au titre du mois d’éligibilité. Pour être éligibles, ils doivent satisfaire aux conditions d’activité principale, de lieu d’exercice de l’activité et de fermeture ou de baisse de chiffre d’affaires mentionnées ci-dessus pour les employeurs des secteurs S1, S1 bis ou S2 ainsi qu’être mandataire social d’une entreprise dont l’effectif est le suivant :

► pour les mandataires sociaux des entreprises des secteurs S1 et S1 bis : effectif inférieur à 250 salariés

► pour les mandataires sociaux des entreprises des autres secteurs (S2) : effectif inférieur à 50 salariés

Les principaux mandataires sociaux éligibles sont les suivants :

► gérants minoritaires ou égalitaires de SARL et de Selarl (au sens du 11° de l’article L 311-3 du code de la sécurité sociale) ;

► présidents de conseil d’administration, directeurs généraux et directeurs généraux délégués des SA et des Selafa (au sens du 12° de l’article L 311-3 du code de la sécurité sociale) ;

► dirigeants de certaines associations (au sens du 22° de l’article L 311-3 du code de la sécurité sociale) ;

► présidents et dirigeants des SAS et des Selas (au sens du 23° de l’article L 311-3 du code de la sécurité sociale)

Cette réduction mensuelle s’applique dans le temps dans les mêmes conditions que pour les employeurs et les TNS éligibles à l’allègement temporaire de charges sociales.

Ludovic Arbelet

L’exonération fiscale et sociale de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat au menu du nouveau PLFR

08/06/2021

Le gouvernement a adopté mercredi 2 juin en Conseil des ministres le premier projet loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021. Le texte prévoit l’exonération sociale et fiscale de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat versée entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022. Il prolonge également l’aide au paiement des charges sociales et assure le financement de l’activité partielle pour les mois à venir.

Le premier projet de loi de finances rectificatif (PLFR) pour 2021 a été adopté mercredi 2 juin en Conseil des ministres. Il contient des mesures qui intéressent les entreprises et les salariés : prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, exonérations de cotisations sociales et activité partielle. 

Exonération sociale et fiscale de la exceptionnelle prime de pouvoir d’achat

Comme cela avait été annoncé, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat est reconduite. Le PLFR prévoit ainsi l’exonération fiscale et sociale de la prime versée entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022. Sont concernés les salariés dont la rémunération est inférieure à trois Smic et dans la limite de 1 000 euros par bénéficiaire. Cette limite peut être toutefois être portée à 2 000 euros si l’une de ces conditions est remplie :

  • l’employeur met en œuvre un accord d’intéressement à la date de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ou a conclu, avant cette même date, un accord prenant effet avant le 31 mars 2022 ;
  • l’entreprise est couverte par un accord de branche ou par un accord d’entreprise, lequel identifie les salariés qui, en raison de la nature de leurs tâches ont contribué directement à la continuité de l’activité économique et au maintien de la cohésion sociale, et dont l’activité s’est exercée, en 2020 ou 2021, uniquement ou majoritairement sur site pendant les périodes d’état d’urgence sanitaire, ou a engagé une négociation d’entreprise sur le sujet, ou dont l’activité principale relève d’une branche ayant engagé de telles négociations.

L’exonération portera sur l’impôt sur le revenu, les cotisations et contributions sociales d’origine légale ou conventionnelle ainsi que les participations, taxes et contributions prévues à l’article 235 bis du code général des impôts et à l’article L.6131-1 du code du travail. 

Aide au paiement de charges sociales jusque fin août

Le PLFR proroge également l’aide au paiement des charges sociales dont bénéficient certains employeurs. Sont visés ceux de moins de 250 salariés qui relèvent des secteurs S1 (tourismes, hôtellerie, restauration, etc.) ou S1 bis (employeurs mentionnés aux a et b du 1° du B du I de article 9 de la loi de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021). Ces employeurs devraient bénéficier d’une aide au paiement des charges sociales égale à 15 % des rémunérations dues au titre de périodes d’emploi définies par décret et pouvant courir jusqu’au 31 août 2021.

Le PLFR précise que “compte tenu des délais important laissés par la loi aux cotisants pour conclure des plans d’apurement des dettes de cotisations sociales avec les organismes de recouvrement, il est proposé par cohérence de reporter l’échéance à laquelle les organismes sont tenus de prendre des actes de recouvrement pour préserver leur créance”. 

Financement de l’activité partielle 

S’agissant de l’activité partielle, le PLFR permet d’assurer le financement de l’activité partielle, notamment son régime d’urgence,dont les taux majorés seront maintenus, dans certaines situations, jusqu’à fin août.  

Florence Mehrez

IRP

Où va le dialogue social en France ?

07/06/2021

Après les multiples réformes de ces dernières années, le dialogue social a dû s’adapter à une crise sanitaire sans précédent. En sortira-t-il indemne ? Quel équilibre entre l’employeur, les syndicats et les élus de CSE pourra s’instaurer à l’avenir ? Un webinaire de la direction générale du Trésor, organisé en ligne jeudi 3 juin 2021, a fait le point.

La fine fleur du droit du travail et des sciences économiques s’est réunie sur Internet, jeudi 3 juin, afin d’analyser les évolutions du dialogue social en temps de crise sanitaire. Gilbert Cette, professeur d’économie à l’université d’Aix-Marseille, rappelle en introduction cette évidence historique : le dialogue social en France s’est construit dans une logique de combat et de refus des syndicats, entraînant une culture de lutte des classes. Les négociations font donc systématiquement un gagnant et un perdant, loin de la logique “win-win” d’autres pays. Autre constat, la spécificité française qui présente un taux de syndicalisation extrêmement faible (8 %), et un taux de couverture conventionnel de 98 % des salariés. Les raisons du faible taux de syndicalisation sont connues : la peur des représailles de la part de l’employeur arrive en premier motif dans l’enquête 2015 de la Dares, suivie de près par une carence des syndicats à répondre aux attentes des salariés. Cette double défiance pénalise l’intervention des négociateurs et peine à imposer le dialogue social comme vecteur de solutions.

La France apparaît d’ailleurs à la 116e place dans le classement des pays présentant une bonne qualité de relations entre employeurs et salariés aux yeux des dirigeants des grandes entreprises internationales. De fait, conclut Gilbert Cette, “en France on amorce la rencontre avec le patronat par des arrêts collectifs de travail pour poser le rapport de force avant d’engager des discussions”. Pierre Habbart, Secrétaire général de la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE, et Laurence Pécaut-Rivolier, conseillère à la Cour de cassation, ont ensuite étudié le rôle du dialogue social dans l’organisation de l’entreprise.

Historique et tendances du dialogue social en France

Selon Laurence Pécaut-Rivolier, le syndicalisme de lutte explique la faible adhésion des salariés : seuls adhèrent ceux qui sont convaincus du combat syndical à mener. Les autres salariés n’y trouvent aucun intérêt personnel. L’autre conséquence majeure consiste dans notre système dual où coexistent d’un côté les syndicats qui détiennent le monopole de la négociation collective, et de l’autre les élus du CSE qui exercent des missions spécifiques, ces deux entités devant fonctionner ensemble. Troisième particularité française : l’effet “erga omnes” (à l’égard de tous, et pas seulement des signataires) des accords collectifs, leur conférant une dimension très lourde dans l’entreprise. Quatrième point soulevé par la conseillère à la Cour de cassation, le rôle de l’Etat resté très fort. “On appelle à un développement du dialogue social mais l’Etat garde une place fondamentale, y compris dans les négociations paritaires”, relève Laurence Pécaut-Rivolier.

Pierre Habbart, Secrétaire général de la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE, pointe “qu’on veut résoudre le dialogue social sans tenir compte du contexte plus large, à savoir la structure de l’économie, l’exposition à la compétition, et le travail de sape de la base industrielle”. Il note quatre grandes tendances dans le dialogue social : son érosion, liée à la lente individualisation des risques du marché de l’emploi, transférés de l’employeur vers le salarié. Ensuite, une baisse de la concentration syndicale dans tous les pays de l’OCDE, phénomène découlant du choix délibéré des gouvernements de saper peu à peu les institutions du dialogue social. La financiarisation de l’économie joue quant à elle sur le partage de la valeur ajoutée et donne la primauté aux actionnaires sur les salariés. Enfin, la numérisation de l’économie fragmente l’entreprise en multiples entités, ce qui nuit au dialogue social. Pourtant, selon  l’étude 2020 de la Dares Dialogue social et performance, un dialogue social formalisé, combiné à la consultation informelle des salariés, constitue un facteur de productivité des entreprises françaises.

Le dialogue social en mode “cellule de crise” 

Luc Bérard de Malavas, expert auprès des CSE du cabinet Secafi, rappelle que le dialogue social s’est adapté à l’électrochoc de la Covid-19. Avis rendu à postériori, courts délais de consultation, réunions à distance en mode dégradé, les élus de CSE ont fait face avec les directions, dans une dynamique “on est tous dans le même bateau”. Selon l’expert, “la cellule de crise a pris le pas sur un dialogue social structuré, certes actif mais très contraint”. Sans compter que les élus ne sont pas tous égaux face aux outils numériques, et que les réunions en vidéo ou au téléphone génèrent une fatigue inédite. De plus, Luc Bérard de Malavas voit la crise comme une occasion de tester la nouvelle instance unique du CSE : “Cela a eu un effet utile, car le dialogue social n’a pas été morcelé”. Il déplore en revanche les moyens limités des élus pour mener leurs missions et les ordres du jour à rallonge, faisant passer à la trappe des sujets non priorisés.

Côté contentieux, Laurence Pécaut-Rivolier fait part de son étonnement : “Nous nous attendions à une masse importante et nous avions créé un groupe d’intervention pour traiter le contentieux en urgence, mais ce n’est pas arrivé, au contraire”. Les conflits se sont donc centrés sur des différends préexistant avant la crise sanitaire, ou portés par des syndicats souhaitant voir émerger du juge de nouvelles solutions. En revanche, la conseillère à la Cour de cassation s’attend à du contentieux relatif à la loyauté de l’employeur dans la négociation collective. L’autre futur sujet des juridictions sera selon elle la consultation du CSE, conçue pour l’instant comme de pure forme face à des décisions de l’employeur prises en amont.

Quelles leçons pour le dialogue social d’après-crise ?

Selon Pierre Habbard, un consensus syndical international admet l’existence d’un décalage entre la hausse de la productivité des entreprises et la situation des salaires. “Il y a là une question de justice sociale, sans compter que le salaire est un moteur de la demande intérieure”. Par ailleurs, les syndicats des pays de l’OCDE s’entendent pour dire que réduire le champ des accords de branche n’équivaut pas à un élargissement du dialogue social : “Il faut sortir de ce jeu à somme nulle”, tranche le Secrétaire général de la Commission syndicale consultative. De même, “renverser la hiérarchie des normes ne renforce pas le dialogue social en entreprise. Il existe aussi un décalage entre la réalité juridique et le périmètre économique de l’entité, lorsqu’on voit par exemple que les murs d’un hôtel sont détenus par un fonds d’investissement, sa valeur portée uniquement par la marque, et le travail out-sourcé”.   

Dès lors, comment envisager le dialogue social d’après-crise sans lui apporter quelques améliorations ? Luc Bérard de Malavas, expert des CSE, fait assaut de propositions constructives : commencer par dresser un bilan des CSE dans chaque entreprise et renégocier un accord de dialogue social. Il s’agirait de capitaliser sur ce qui a fonctionné à un an du terme du mandat du CSE. Et bien-sûr, ne pas renoncer à améliorer ce qui peut l’être “car souvent les premiers accords ont été négociés a minima en suivant les règles légales supplétives”. L’expert pense notamment à renégocier les heures de délégation, dont on sait de longue date qu’elles sont insuffisantes, mais également rediscuter le nombre d’élus. Il s’interroge aussi sur le rôle des représentants de proximité et le sort des suppléants qui ne siègent plus en réunion. “Il faut aussi revaloriser les sujets de santé sécurité qui ne sont plus priorisés, baisser le seuil de représentation des salariés et renforcer leurs garanties dans les accords de performance collective”, insiste Luc Bérard de Malavas. Selon lui, les parlementaires devraient amender le projet de loi climat afin d’introduire une quatrième consultation récurrente du CSE dédiée à l’environnement. Enfin, et cette proposition n’est pas des moindres, opter pour un avis conforme du CSE afin d’éviter, comme c’est le cas en pratique, que les décisions soient prises par l’employeur en amont, et que l’avis du CSE reste lettre morte.

En conclusion, le professeur de droit Jean-Emmanuel Ray propose de quitter le formalisme qui prédomine ne France, où l’on considère qu’une absence d’accord est un échec. Non, selon lui, car la discussion reste une preuve de vie et de qualité du dialogue social. Il faut aussi repenser l’entreprise car jusqu’à présent, “le droit du travail court après le droit des sociétés”, et lui permettre d’englober la transition écologique et la révolution numérique. Le professeur ouvre aussi la boîte de Pandorre : “Le dialogue social je veux bien, mais avec qui ? Alors qu’émerge une société de l’individu et non du collectif, et qu’en plus l’effet ‘erga omnes’ des accords n’incite pas à se syndiquer !”. Jean-Emmanuel Ray termine sur une pointe de perplexité : “Maintenant que faire ? Nous sommes mal placés aujourd’hui pour le dire. Personne ne le sait, ni les syndicats, ni les entreprises”. Le dialogue social est comme le vent : personne ne semble savoir où il va.

L’accord sur le télétravail de HP : 15 jours de travail à distance par mois, 500€ de prime d’installation

10/06/2021

actuEL-CSE.fr

Signé par la CFTC, majoritaire dans l’entreprise, mais critiqué par les autres organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC et CGT), le nouvel accord sur le télétravail chez Hewlett-Packard (HP) prévoit que la plupart des salariés de l’entreprise puissent, s’ils le souhaitent, travailler 15 jours par mois à distance. L’accord prévoit une prime d’installation de 515€, une allocation de 37€ par mois, des tickets-restaurant. Un contentieux est par ailleurs en cours sur la non application en 2020 du précédent accord.

Coordinateur CFTC, promoteur d’un “syndicalisme de services” (et donc artisan d’un accord signé par sa seule organisation -la CFTC est largement majoritaire chez Hewlett-Packard-, Jean-Paul Vouiller vante les mérites d’un texte qui, dit-il, s’inspire largement de l’accord national interprofessionnel sur le télétravail de fin 2020, “ce qui permet de montrer aux autres comment on peut décliner cet accord”, dit-il (1). Cet accord est jugé, au contraire, de façon très critique par les autres organisations syndicales, qui contestent en justice la non application en 2020 de l’accord précédent de 2010 qui a été dénoncé par l’entreprise en décembre dernier (lire notre encadré).

Les salariés concernés

L’accord HP, à durée indéterminée, fixe un nombre maximum de 15 jours de télétravailleurs pour la plupart des salariés, et de 4 jours maximum pour les certains commerciaux, les managers rattachés au PDG et le personnel infirmier, le passage au télétravail se matérialisant par un avenant au contrat de travail d’une durée de 2 ans renouvelable.

“C’est vous qui déterminerez chaque mois et par semaine l’équilibre entre vos jours sur site et vos jours télétravaillés (dans la limite du plafond), explique Jean-Paul Vouiller sur le site de la CFTC destiné aux salariés de HP. Par exemple pour le plafond mensuel  hors congés de 15 jours télétravaillables, l’amplitude est de 0 à 15 jours de télétravail par mois (recommandation : 3 à 4 jours maximum par semaine. Pour l’avenant 4 jours, l’amplitude est de 0 à 4 jours par mois (recommandation 1 jour maximum par semaine). Selon votre convenance et la période, vous pouvez donc parfaitement choisir d’être beaucoup sur site et pas ou peu en télétravail”.

Le salarié comme l’employeur bénéficient d’une période d’adaptation de 3 mois “pendant laquelle chacune des parties peut mettre un terme à cette forme d’organisation du travail”. En outre, un salarié non éligible au télétravail régulier peut demander de manière occasionnelle, et dans la limite de 24 jours par année (pris de façon non consécutive), le bénéfice du télétravail “afin de répondre à des situations inhabituelles et temporaires liées à des contraintes personnelles exceptionnelles ou à des événements extérieurs”. 

Inversement, un manager pourra demander, “si possible un jour à l’avance”, une suspension provisoire d’une journée de télétravail mais cette demande, en cas de “besoin business avéré”, pourra durer jusqu’à un mois, sous réserve d’un délai de prévenance de 10 jours. Le salarié en désaccord pourra saisir la RH et le CSE. 

La charge de travail et l’action des IRP

Le texte rappelle que le salarié a le droit de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel en dehors de son temps de travail, qu’il n’est pas tenu de répondre aux éventuelles sollicitations en dehors de sa plage de travail habituelle. Le texte prévoit un entretien, organisé chaque année par le manager, portant sur les conditions d’activité et la charge du travail. 

Pour maintenir le lien social et prévenir l’isolement, l’accord rappelle aux managers “l’importance de communiquer de manière régulière (au moins une fois par mois) avec chaque membre de son équipe”, le texte rappelant la possibilité pour les salariés de saisir “le réseau sentinelle de managers volontaires, les infirmières, les commissions paritaires de prévention des risques psychosociaux, les membres des commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT)”, et d’utiliser la ligne d’écoute de soutien psychologique. Il est à noter, à propos des IRP, que le texte prévoit que les réunions du CSE, à l’exception de 3 réunions annuelles à distance, s’effectuent en présentiel, sauf accord de la délégation du personnel (Nldr : en cas de télétravail pour circonstances exceptionnelles, le texte précise que les modalités habituelles de consultation du CSE sont adaptées et qu’il est consulté dans les plus brefs délais sur la décision).

“A la demande du télétravailleur et en cas d’impossibilité technique de réaliser la visite du lieu de travail du salarié en télétravail par vidéo, la CSSCT pourra effectuer cette visite à domicile afin de vérifier ses conditions de travail”, indique l’accord. 

Le texte prévoit qu’une enquête sur la qualité de vie en télétravail soit conduite après un an d’application de l’accord.

Le lien social

Pour favoriser le lien social dans les agences de Saint-Herblain (Nantes),  Entzheim (Strasbourg), Labège (Toulouse), Lezennes (Lille) et les centres d’affaires d’Aix en Provence, Bordeaux et Rennes, “un budget de cohésion destiné à mettre en place des mesures de cohésion sociale sur les agences de province, est étudié chaque année dans le cadre des négociations annuelles obligatoires”, indique le texte qui prévoit également dans chaque site des “coffee talk/événement en présentiel pour permettre aux salariés sur site de retrouver du collectif”.

Les indemnités et frais prévus

Pour la prise en charge des frais, l’accord fait référence aux limites d’exonération Urssaf figurant au Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (BOSS) à la date de l’accord, le 2 juin 2021. Pour l’allocation forfaitaire mensuelle, le montant est de :

  • 10€ pour les salariés télétravaillant 4 jours par mois;
  • 37,5€ pour ceux télétravaillant 15 jours par mois;
  • 50€ pour ceux qui télétravaillent à temps plein, ce qui ne vaut que pour les salariés disposant pour cela d’une prescription médicale. 

NB : ces 50€ mensuels seront le montant de l’allocation des salariés en cas de passage imposé au télétravail à temps plein pour circonstances exceptionnelles.

A cela s’ajoute, au départ, une prime d’installation de 515€ versée en une seule fois aux salariés télétravaillant régulièrement. Enfin, “les salariés en télétravail régulier bénéficient d’un ticket restaurant pour chaque journée entière télétravaillée” énonce l’accord. Il s’agira d’une carte électronique.

Matériel

Outre l’ordinateur portable, HP prend en charge les “périphériques”, le texte citant “l’écran, le casque, la souris, le clavier, la docking station” (station d’accueil). Pas d’imprimante en revanche ni de cartouches à cet effet, sauf de façon exceptionnelle avec “accord préalable” du manager. 

La question de la disponibilité des bureaux

Cet accord, qui paraît généreux par rapport à de nombreux autres, soulève toutefois une question d’ampleur : quelle sera la disponibilité des bureaux pour le retour sur site des salariés, n’y-a-t-il pas un risque de voir des espaces immobiliers disparaître ? ” Nous pensons qu’il y aura, comme dans les autres pays actuellement, une tentative d’imposer le logiciel ioffice pour réserver si nécessaire un bureau sur site”, écrit la CFTC qui recommande aux salariés “de venir sur site autant que possible pour aider à leur préservation”. 

(1) L’accord s’applique au millier de salariés des deux entités juridiques de HP en France : HP France (plus de 700 salariés dans les fonctions commerciales) et HP CCF (environ 300 salariés dans le développement et l’international). 

La CFE-CGC, la CFDT et la CGT craignent des fermetures de bureaux et regrettent un accord moins favorable que le précédent de 2010
La CFE-CGC, la CFDT et la CGT contestent devant la justice (la première devant le tribunal judiciaire de Grenoble, les deux autres devant le tribunal de Nanterre) la non application en 2020 par HP de l’accord sur le télétravail de 2010, dénoncé par l’entreprise en décembre 2020. “Cet accord était beaucoup plus favorable que ce qui a été signé le 2 juin par la CFTC. Au lieu d’une allocation mensuelle de 37,5€ par mois, l’accord prévoyait entre 110 et 180€ par mois pour les salariés. Rien que pour l’indemnité ADSL, nous étions à 40€ par mois”, soutient Pablo Sanders, DSC CFE-CGC. “Nous demandons l’application de l’accord de 2010, que nous avions signé et qui avait été salué partout comme un excellent accord, car il prévoyait le cas de figure d’un télétravail imposé par l’employeur. Nous réclamons son application pour la période allant de mars 2020 à juillet 2021, dans la mesure où le nouvel accord ne s’applique qu’à partir du mois d’août, nous explique Christine Lechevalier, DS CFDT. Nous réclamons aussi un rattrapage sur cette période des frais de restauration pour les salariés”.  Aux yeux de Pablo Sanders, l’accord de juin 2021 n’est pas à la hauteur des moyens d’une entreprise “qui emploie 97% de cadres”, une entreprise qui a déjà bénéficié du télétravail en 2020 : “La commission économique du CSE évalue à au moins 6 millions d’euros par an les économies générées. Et on peut craindre pour l’avenir une très forte réduction des surfaces immobilières avec des fermetures de sites”. Une crainte partagée par la DS CFDT : “Notre direction française se veut rassurante mais l’objectif annoncé par HP au niveau mondial est de réduire de 50% les surfaces immobilières”.

Bernard Domergue

Les DRH souhaitent prolonger certaines mesures exceptionnelles comme la tenue à distance des réunions du CSE

10/06/2021

Selon une enquête dévoilée le mardi 8 juin par l’association nationale des directions des ressources humaines (ANDRH), une large majorité de DRH sont favorables à une réflexion sur la pérennité des mesures exceptionnelles mises en place pendant la crise sanitaire. Dans le détail, 59 % des 270 adhérents sondés se prononcent pour le maintien de l’activité partielle afin de permettre une reprise d’activité progressive ; 52 % pour les exonérations de charges, en fonction de la vitalité du secteur d’activité. L’APLD qui “n’a pas connu un succès phénoménal”, selon Benoît Serre, vice-président délégué de l’association, recueille 31 % des suffrages. Les réunions à distance du CSE sont, en revanche, plébiscitées, avec 78 % d’avis positifs.

S’agissant des réformes en cours, 43% estiment nécessaires de maintenir la réforme des retraites. Ils sont à peine plus nombreux (40 %) à penser qu’il faut poursuivre la réforme de la formation professionnelle. A noter : la réforme de l’assurance chômage, qui devrait en partie être effective, à partir du 1er juillet, recueille encore moins de consensus : seuls 38 % pensent qu’elle aidera à la reprise économique. Selon Benoît Serre, “cette réforme va impacter le dialogue social”. La principale crainte étant “de créer une tension sociale à la tension économique”.

A défaut d’accord, le personnel est réparti entre les collèges électoraux selon les fonctions réellement exercées

07/06/2021

Pour l’élection du CSE, à défaut d’accord entre l’employeur et les organisations syndicales dans le protocole préélectoral, le personnel est réparti dans les collèges électoraux selon les fonctions réellement exercées.

La répartition du personnel dans les collèges électoraux est un point important de la négociation du protocole préélectoral. Cette répartition fait l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de doublemajorité (C. trav., art. L. 2314-13). En l’absence d’accord : 

  • l’autorité administrative doit être saisie si au moins un syndicat a répondu à l’invitation à négocier de l’employeur ;
  • lorsqu’aucune organisation syndicale représentative dans l’entreprise n’a pris part à la négociation, l’employeur répartit le personnel et les sièges entre les différentscollèges électoraux (C. trav., art. L. 2314-14).

Mais selon quelles règles opérer cette répartition en l’absence d’accord ? La Cour decassation rappelle et illustre sa position en la matière : ce sont les fonctions réellement exercées qui comptent. 

Echec des négociations sur la répartition du personnel entre les collèges 

Dans cette affaire, un accord sur le dialogue social renvoie au modèle négocié de protocole préélectoral annexé, notamment s’agissant de la répartition du personnel entre les collèges électoraux. Selon ce modèle, le deuxième collège comprend les agents de maîtrise dont l’échelon est supérieur ou égal à 17 et inférieur ou égal à 25, quelle que soit la fonction occupée, ainsi que l’ensemble des cadres.
À la suite de l’échec de la négociation du protocole d’accord préélectoral en raison d’un désaccord sur la répartition des salariés relevant de la catégorie agent de maîtrise échelons 17 à 19, la société Renault Retail Group a saisi le Direccte, qui, par décision en date du 20 juin 2019, a réparti, dans le premier collège, les ouvriers et employés et agents de maîtrise de niveaux 17 à 19, exceptés les chefs de centre Renault Minute et les vendeurs automobile, et, dans le second collège, les agents de maîtrise, de niveaux 20 à 25, les cadres, les chefs de centre Renault minute et les vendeurs automobile. 

Un syndicat conteste cette décision devant le tribunal d’instance (tribunal judiciaire). Le tribunal fait droit à la demande, et décide que le premier collège doit comprendre les «ouvriers et employés » et le second collège les « ingénieurs, chefs de service,techniciens, agents de maîtrise et assimilés » et y compris les agents de maîtrise échelons 17 à 19.

Un autre syndicat conteste ce jugement et soutient la décision du Direccte qui, d’après lui a bien respecté le critère de répartition du personnel dans les collèges électoraux tenant aux fonctions effectivement exercées.

La Cour de cassation est d’accord et elle en profite pour rappeler la règle applicable et endonner une illustration intéressante.

Répartition du personnel entre les collèges en fonction des fonctions réellement exercées

Pour le tribunal judiciaire, « le Direccte a commis une erreur en basant sa décision d’abord sur la convention collective et sur la nature des fonctions exercées par les salariés sans s’interroger au préalable sur les accords existant » (…) « et que, avant d’imposer son interprétation, il devait rechercher l’interprétation et la volonté des parties, en tenant compte du fait que l’entreprise est désormais le lieu privilégié des négociations collectives » (…) « et que l’accord sur le dialogue social au sein de l’UES RRG France endate du 4 septembre 2018 est particulièrement clair sur la répartition du personnel dans les différents collèges électoraux notamment pour les agents de maîtrise de niveaux 17 à19 ».

Non, déclare la Cour de cassation. Elle explique qu’en vertu des articles L. 2314-11 et L. 2314-13, pour l’élection des membres du CSE, à défaut d’accord entre l’employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l’article L. 2314-6 du code du travail (conditions de double majorité du protocole préélectoral), le personnel est réparti dans les collèges électoraux selon les fonctions réellement exercées.
Cette règle est de jurisprudence constante et l’administration a également apporté des précisions sur la nature des indicateurs susceptibles d’être utilisés (Circ. DRT n° 93-12,17 mars 1993, Annexes Fiche 5 : BO Trav., n° 94-1). Pour cette affaire, la Cour de cassation applique ensuite le principe aux faits, offrant une illustration intéressante de cette règle, ainsi que des éléments sur lesquels fonder cettedécision.
Ainsi, « le Direccte s’est basé sur la convention collective et sur l’enquête d’une inspectrice du travail mettant en relief que les salariés bénéficiant d’une classification comprise entre les échelons 17 à 19 n’assurent pas de mission de coordination et d econtrôle du travail d’autres salariés à l’exception des responsables des services Renault Minute ». La répartition opérée par le Direccte était donc conforme aux fonctions réellement exercées.

Séverine Baudouin, Dictionnaire permanent social

EMPLOI

Travail sur site et télétravail : la situation va-t-elle changer dans les entreprises ?

09/06/2021

A partir du 9 juin, avec l’assouplissement des consignes de télétravail décidé par le gouvernement, les entreprises qui recouraient massivement au télétravail peuvent envisager une reprise du travail sur site. Le feront-elles ? Leur CSE sera-t-il consulté ? Réponses d’élus et de délégués syndicaux de sept entreprises de secteurs différents, de HP à Orange en passant par Michelin, IBM ou Renault.

Le protocole sanitaire destiné aux entreprises ne demande plus aux employeurs d’appliquer le télétravail dès que les tâches et les postes le permettent. Désormais, les entreprises peuvent fixer, “dans un dialogue social de proximité”, un nombre de jours télétravaillés par semaine. Cela signifie qu’un employeur peut permettre plus qu’une journée de présence sur site par semaine pour les salariés dont les tâches sont réalisables à distance, et ce même si le protocole continue d’expliquer que le télétravail constitue une bonne prévention comme la contamination à la Covid-19. Les entreprises vont-elles profiter de cet assouplissement pour faire revenir une partie de leurs salariés sur site, vont-elles nouer des discussions voire une négociation sur cette question ? Nous avons recueilli les réponses d’élus de CSE et de délégués syndicaux. 

 TÉLÉTRAVAIL ET PRÉSENCE SUR SITE
Après le 9 juin, la situation va-t-elle changer dans votre entreprise ? Le CSE a-t-il été consulté ? Des négociations ont-elles ou vont-elles avoir lieu ?  
HEWLETT-PACKARD (HP) Jean-Paul Vouiller, secrétaire du CSE et coordinateur CFTC“Nous sommes une filiale américaine et les Américains sont très stricts, ils ne veulent pas prendre le risque d’un cluster. Tous les sites français de HP sont fermés. Il est question d’une réouverture, mais seulement fin juin et à 20% des capacités, sur la base du volontariat, pour les plus gros sites, avec ensuite un passage à 50% et 100%. Mais aucune date précise n’est pour l’instant fixée”. “Nous n’avons pas eu de consultation du CSE car nous avions déjà rendu des avis sur des réouvertures. L’événement principal chez nous, c’est la signature la semaine dernière d’un accord de télétravail hybride qui concernera tous les salariés, et pour lequel nous nous sommes calqués sur l’accord national interprofessionnel de fin 2020. Plus de 96% du personnel d’HP pourra, s’il le souhaite, travailler 15 jours par mois en télétravail. Au niveau des frais, nous avons obtenu des tickets restaurant, une indemnité forfaitaire de 515€ bruts, la prise en charge de l’écran, casque, souris, clavier, etc.”
  PSA Christine Virassamy, déléguée syndicale centrale CFDT“Nous n’avons guère de visibilité, la direction ne nous ayant pas renseignés sur les recommandations gouvernementales. Mais tous les cadres occupent des postes télétravaillables à 100 %.”“Nous appliquons l’accord motivation bien-être qui prévoit la possibilité d’un télétravail à 70 % du temps. Nous n’avons donc pas prévu de négociations particulière pour l’instant. Nous sommes plus mobilisés sur les négociations de l’accords APLD qui vont commencer le 17 juin.”
ORANGE Laurent Bandelier, délégué syndical central CFDT“A partir du 9 juin, l’entreprise desserre un peu le robinet pour laisser davantage les salariés venir sur site. On va passer progressivement de 1 à 2 puis 3 jours par semaine. Mais certains, dont je fais partie, sont en télétravail depuis des mois, et les salariés sont partagés : certains sont ravis de revenir voir les collègues, d’autres n’ont pas envie de reprendre les transports. Comme il faut du temps pour relancer les restaurants d’entreprise, je pense que la reprise massive aura plutôt lieu en juillet et même surtout en septembre”. “Autant nous sommes, tous les syndicats d’Orange, fâchés avec la direction au sujet des NAO, autant il faut reconnaître que nous avons bien échangé au sujet de la Covid, et de façon régulière. Le CSE n’a pas été formellement consulté récemment mais nous n’en avions pas ressenti le besoin. Maintenant, il va nous falloir renégocier notre accord télétravail de 2013. Et la crise sanitaire a changé la donne : 56 000 personnes ont télétravaillé l’an dernier, donc des personnes ont découvert le télétravail, et l’entreprise a aussi pris conscience que certains métiers étaient aussi télétravaillables”. 
IBM Michael Hauff, délégué syndical central UNSA, élu du CSE, secrétaire de la CSSCT“Depuis mars 2020 nous sommes en télétravail d’office, et les critères de reprise sur site sont fixés au niveau mondial en fonction du taux d’incidence dans chaque pays. Aujourd’hui notre jauge est fixée à 14 % du personnel. De plus, 50 % des postes sont actuellement condamnés, les locaux ne peuvent pas accueillir plus de population pour l’instant”.“Notre accord sur le télétravail a été signé le 21 décembre 2021. Nous n’envisageons pas d’autres négociations pour l’instant”.
RENAULT LARDY (centre d’ingénierie, Essonne) Florent Grimaldi,  délégué syndical CGT“Pas de changement pour nous. Renault maintient la même jauge pour notre site, à savoir 40% de présence sur place. Les salariés qui devaient télétravailler pouvaient déjà, depuis quelque temps, revenir une fois par semaine”.“Le CSE n’a pas été consulté sur un retour des salariés plus massif sur le site. La nouveauté, c’est le projet d’accord sur le télétravail qui est mis à signature. Il prévoit de nouveau une indemnité pour les salariés (Ndlr : 10€ par mois et une enveloppe de 200€ pour l’équipement), mais il supprime la flexibilité qui bénéficiaient aux salariés, qui ne peuvent plus choisir de faire un seul jour de télétravail, ils doivent choisir entre 2 ou 3 jours de télétravail par semaine. En fait, Renault table sur 56 millions d’euros d’optimisation immobilière avec les bureaux partagés. Ajoutée à la logique des suppressions d’emplois sur nos sites (lire notre article sur les fonderies), cette optimisation ne nous rend pas très optimistes”. 
MICHELIN (Clermont-Ferrand) Patrick Bernard,  secrétaire (CFDT) du CSE“Pas de retour massif chez nous, le télétravail reste important. Les chefs de service vont inciter les salariés à revenir progressivement au travail, mais cela va se dérouler jusqu’à la rentrée. Cela nous convient car le télétravail a permis à la fois de prévenir l’épidémie, d’assurer la continuité de l’activité et le maintien des salaires (..) Le personnel de production n’a pas encore retrouvé les douches. Côté élus, nous renouons avec les réunions en présentiel, mais ce n’est pas systématique”.  “Nous n’avons pas eu de consultation du CSE sur un changement global à l’égard du télétravail. En revanche, des négociations sont programmées pour faire évoluer notre accord télétravail. L’expérience de la crise sanitaire a montré que certaines réticences du management sur le télétravail (refus du mercredi, supposé être la journée des enfants, par exemple) étaient infondées. Le télétravail a aussi permis de réaliser des gains de productivité dans certains services…”
CARREFOUR Edwige Bernier, secrétaire (CFDT) du CSE de Carrefour de Sallanches (Haute-Savoie) “Lors du premier confinement, seuls 3 de nos cadres ont télétravaillé : le directeur, le DRH et le responsable du pôle administratif. Le retour au présentiel va donc peu changer les choses, comme dans toute la grande distribution.”“A chaque changement gouvernemental, nous avons fait des réunions de CSE, au rythme de 4 à 5 par mois. Désormais le rythme va ralentir un peu, à 1 ou 2 par mois. Nous n’avons pas de négociation prévue.”

Bernard Domergue et Marie-Aude Grimont

F. Hommeril (CFE-CGC) suggère aux entreprises d’attendre septembre pour négocier sur le télétravail

10/06/2021

Dans une interview aux Echos, le président de la CFE-CGC, François Hommeril, interrogé sur les conséquences de l’assouplissement de la consigne de télétravail donné par le gouvernement,  plaide pour que les entreprises se donnent le temps de négocier l’après-Covid et la future organisation du travail  : “Certains employeurs ont déjà dénoncé leurs baux immobiliers et mettent la pression. Il serait plus prudent de prendre le temps, y compris d’un diagnostic approfondi, et d’attendre le 1er septembre, qu’on soit quasiment revenu à la normale, pour négocier. Le sujet est extrêmement complexe car il ne s’agit pas seulement de fixer des rythmes de télétravail. Il faut s’occuper de tous les salariés, et on voit bien que les demandes sont extrêmement variables. Il faut intégrer cette diversité sans perdre de vue la difficulté croissante à exercer le management dans des organisations éclatées. Il faut s’interroger aussi sur la nature du contrat de travail dont la localisation se dématérialise de plus en plus, avec en toile de fond l’enjeu du risque de délocalisation”.

Le président du syndicat des cadres estime par ailleurs inquiétantes les perspectives sur l’emploi : “La vague des licenciements est là. Non pas du fait de la crise, mais parce que malgré la crise, les entreprises veulent maintenir leur taux de rentabilité quoi qu’il en coûte aux salariés, quitte à baisser les investissements et à supprimer des postes. C’est ça la réalité. Le maintien des exigences sur la rentabilité va ralentir la capacité de rebond des entreprises, donc la reprise, et handicaper l’économie.déjà présente”. 

La Covid a provoqué une baisse de la masse salariale très variable selon les territoires

08/06/2021

Selon les éléments chiffrés présentés hier aux partenaires sociaux, la crise économique liée à la Covid-19 a provoqué en France une baisse de la masse salariale moyenne de 5,6% en moyenne entre mars 2020 et février 2021. Mais ce pourcentage atteint – 12,6% dans les zones d’emploi les plus affectées, les départements les plus touchés étant la Savoie, les Hautes-Alpes et Paris, comme on le voit ci-dessous : 

Dans les zones urbaines de Paris (qui enregistre une hausse de 30% de départs sur un an), Lyon et Marseille, la baisse de la masse salariale observée sur un an semble recouper, observe la mission conduite par le député Jean-Noël Barrot, un début d’exode de certains urbains vers des territoires autour des grandes villes, comme on le voit sur les deux graphiques ci-dessous :

Connaît-on vraiment l’état de santé des entreprises françaises ?

10/06/2021

Aucune étude publique ne permet de savoir combien d’entreprises se trouvaient en difficultés financières fin 2020. Toutefois, une analyse de l’Ordre des experts-comptables fournit quelques repères issus des données réelles de 265 000 PME.

Combien d’entreprises françaises se trouvaient en difficulté financière fin 2020 ? A notre connaissance, aucune réponse — qui nécessite bien évidemment de définir ce qu’on entend par difficulté financière — publique satisfaisante n’existe aujourd’hui. La seule indication du nombre d’ouvertures de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire au cours de l’année dernière ne peut suffire. D’autant plus que ce nombre est paradoxalement en baisse par rapport à 2019, de l’ordre de 40 %, selon la Banque de France. Nous sommes au début du mois de juin 2021 mais aucune étude basée sur des données réelles ne révèle le nombre d’entités économiques qui étaient, au 31 décembre 2020, par exemple illiquides, insolvables ou présentant des capitaux propres négatifs.

Où est passé le Big data ?

Pourtant, nous sommes en pleine crise, ne serait-ce qu’en termes de chute du PIB en 2020 que l’Insee estime désormais à 7,9 % en euros constants. Pourtant, nous sommes dans un pays souvent salué par la qualité de ses statistiques notamment économiques. Pourtant, on évoque fréquemment les formidables espoirs du Big data, une technologie censée traiter en temps réel des volumes importants de données. Sur ce sujet, c’est plutôt l’écran noir que le nouvel or noir.

Hausse de 2 % du bénéfice des PME en 2020

La publication, jeudi 3 juin,  d’une étude de l’Ordre des experts-comptables illustre les espoirs et les désespoirs du Big data. D’un côté, elle montre que les entreprises de l’échantillon ont généré en 2020 une hausse moyenne de 2 % de leur bénéfice net alors que leur chiffre d’affaires a diminué de 6,6 %. Ce diagnostic est le fruit de l’analyse des déclarations de TVA et des liasses fiscales des exercices clos en 2020. C’est donc une étude précieuse car elle est, à notre connaissance, la seule basée sur des données réelles de 2020 qui porte sur un échantillon important, celui de 265 000 entreprises ayant réalisé un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros.

De l’autre côté, cette étude montre aussi les limites actuelles des données disponibles. Car cet échantillon ne reflète au mieux que la situation des PME. Et elle exclut celles en liquidation judiciaire comme celles nouvelles (créations d’entreprises). Enfin, elle ne permet pas de savoir, ne serait-ce que parmi cet échantillon, combien d’entreprises sont vraiment en difficulté. L’indication de la hausse de l’endettement, par exemple, n’est pas accompagnée de l’éventuelle évolution de la trésorerie.

Situation financière des entreprises en 2018

Du côté de l’Insee,  l’étude empirique la plus récente sur ce sujet traite de la situation financière des entreprises en 2018 — les dernières données sur 2020 sont à ce jour insuffisantes pour se faire une idée précise des entreprises en difficulté. Et son échantillon porte “seulement” sur 1,22 million de très petites sociétés alors qu’il y avait cette année-là 3,05 millions de micro-entreprises (au sens de la loi de modernisation de l’économie) dans les secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers. Principal enseignement dégagé par l’Insee : près d’une TPE (très petite entreprise) sur cinq présentait un ratio de fonds propres négatif ou nul et une proportion légèrement plus élevée déclarait avoir dans leur bilan des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social.

Cette étude vient d’ailleurs d’être reprise largement par l’observatoire du financement des entreprises. Ce dernier y apporte toutefois quelques données empiriques plus récentes qui sont intéressantes. On y apprend par exemple que la dette brute des sociétés non financières a augmenté de 217 milliards d’euros en 2020 — un montant qui n’intègre toutefois que les dettes financières sous la forme de crédits bancaires ou d’émissions de titres de créances — mais que leur trésorerie a augmenté de 200 milliards d’euros. Bref, l’endettement financier net a augmenté “seulement” de 17 milliards d’euros, “ce qui constitue une progression limitée, bien inférieure, par exemple, à la hausse de la dette nette en 2019 (51 milliards d’euros)”, relève l’observatoire qui ajoute que “toutefois, ce constat global peut recouvrir des situations différenciées”. Alors, combien d’entreprises sont en difficultés financières ? Mystère.

Augmentation de la proportion d’entreprises insolvables ?

Du côté de la direction générale du Trésor, on a fait tourner les simulateurs pour se faire une idée de la situation financière fin 2020 de 2 milions d’entreprises. Deux indicateurs clés ont été scrutés, la proportion d’entreprises devenant illiquides — “c’est à dire qui ne peuvent pas couvrir leurs dépenses à court terme sans apport de financement extérieur” — et la proportion d’entreprises devenant insolvables — “c’est-à-dire que leur endettement global dépasse la valeur de leurs actifs”.

Absence de modélisation spécifique des PGE

Résultat : “la part d’entreprises devenant illiquides aurait été plus élevée de 8,4 points de pourcentage en 2020 que lors d’une année sans crise. Le nombre d’entreprises devenant insolvables aurait été 3,0 points plus élevé”, résument les auteurs Benjamin Hadjibeyli, Guillaume Roulleau et Arthur Bauer. Outre le fait qu’elle s’appuie sur une simulation, et non sur des données réelles, et qu’elle n’analyse “que” 2 millions d’entreprises, cette étude souffre d’une autre limite, celle de ne pas prendre en compte tous les dispositifs publics mis en place pour répondre à la crise. “Les prêts garantis par l’État (PGE) ne sont pas spécifiquement modélisés, mais ils sont à l’origine de l’absence de contrainte de crédit qui est supposée dans la simulation, ni les reports et exonérations d’impôts”, précisent les auteurs.

A la recherche de données réelles détaillées

“Ces exercices, qui consistent à simuler la situation financière des entreprises à partir de leur situation observée avant crise, d’une mesure de leur choc économique subi et de leur recours aux mesures de soutien, restent fragiles car elles reposent sur un grand nombre d’hypothèses, et ne sauraient évidemment remplacer l’analyse des données réelles, sur la situation financière des entreprises, en fonction de leur recours aux dispositifs, pointe le comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19. Et celui-ci d’ajouter : “la situation financière nette des entreprises fin 2020 reste inconnue au niveau microéconomique du fait notamment de l’absence de données détaillées sur leur encours de trésorerie”. On attend toujours ces données 5 mois après la fin de l’année 2020.

Ludovic Arbelet

Plus de mille PSE initiés depuis mars 2020, selon la Dares

07/06/2021

1 041 PSE initiés depuis mars 2020, pour 112 669 ruptures de contrat de travail envisagées. Tels sont les chiffres publiés par la direction statistique du ministère du Travail, jeudi 3 juin. La Dares précise que le nombre de ruptures est en léger recul pour les trois premières semaines de mai 2021, à hauteur de 900 par semaine, contre 1 300 en avril et 1 600 en mars. L’industrie manufacturière subit à elle seule environ 30 % des ruptures, suivie par le commerce, la réparation automobile, le transport et l’entreposage.

DROIT

[3 Q / R] CSE du donneur d’ordre et entreprise sous-traitante, expertise comptable sur les comptes annuels, remboursement des abonnements numériques sportifs

08/06/2021

Florian Erard

Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert examine trois des questions qui lui ont été soumises par des élus du personnel. Dans cet article, les réponses aux questions suivantes : “Un CSE d’un donneur d’ordre peut-il rencontrer les salariés d’une entreprise sous-traitante ? Le CSE peut-il faire appel à un expert-comptable avant même la disposition des comptes dans la BDES ? Le CSE peut-il prendre en charge les abonnements des salariés à des applications de sport sur smartphone ?”

Dans le cadre du service de renseignement juridique par téléphone du groupe Lefebvre Sarrut (le groupe dont font partie Les Éditions Législatives qui éditent actuEL-CSE.fr), les juristes de l’Appel Expert sont souvent sollicités par des élus du personnel. Nous avons eu l’idée de leur demander de choisir trois questions qui leur ont été soumises et d’y répondre. Voici leur sélection pour ce mois d’avril 2021. ce mois-ci nous avons également rénové la présentation de ces trois questions-réponse, sous la forme d’une infographie. Bonne lecture ! 

Marie-Aude Grimont

Les informations résultant d’enquêtes et d’audits constituent des éléments de preuve recevables

07/06/2021

Lorsque des enquêtes internes et audits réalisés à la suite du signalement d’anomalies de facturation et portant notamment sur des documents comptables de l’entreprise n’ont pas pour objet de contrôler spécifiquement l’activité d’un salarié, les éléments en résultant permettant d’envisager le licenciement pour faute grave du salarié sont des éléments de preuve recevables. Ce mode de preuve est licite même en l’absence d’accord préalable du salarié.
C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans un arrêt du 27 mai 2021. 

Dans cette affaire, la protestation d’un nouveau client sur un bon de commande et le signalement d’anomalies de facturation par deux salariés avait conduit une société à initier une enquête interne afin de déterminer si ces anomalies présentaient ou non un caractère frauduleux. L’enquête diligentée par un organisme extérieur à l’entreprise avait révélé qu’un commercial complétait les bons de commande validés par les clients avec des mentions erronées ou factices visant à surévaluer le montant réellement commandé par le client ou à étendre les durées de garanties et d’entretien des produits commandés. Ces falsifications lui permettaient d’atteindre plus facilement ses objectifs de vente et ainsi d’accroître indûment sa rémunération variable.