Archives de catégorie : Newsletter N°23 – Actu sociale

EMPLOI

Grandes manœuvres dans le conseil RH

15/10/2021

Le groupe Lee Hecht Harrison (70M€ de chiffres d’affaires prévisionnel pour 2021), une division du groupe Adecco, vient de confirmer le rachat de BPI Group (40M€ de chiffres d’affaires) pour constituer une “force de frappe” de plus de 800 collaborateurs en France. “Ce rapprochement permet de renforcer l’offre de service de LHH France, notamment pour le conseil RH et le talent development et de développer de manière unique des activités RH, organisation, transformation et accompagnement au plus près des territoires, partout en France, pour les entreprises de toutes les tailles et de tous les secteurs”, indique un communiqué du nouveau groupe. Selon Aurélie Feld, présidente LHH France, ce rapprochement “trouvera pleinement toutes ses dimensions au premier trimestre 2022”. La nouvelle entité bénéficiera également “d’une présence régionale renforcée et de liens encore plus étroits avec l’écosystème de l’emploi et des compétences”.

actuEL CSE

SANTÉ, SÉCURITÉ, CONDITIONS DE TRAVAIL

Passe sanitaire, activité partielle majorée : le projet de loi de vigilance sanitaire permet de prolonger ces dispositifs jusqu’au 31 juillet 2022

14/10/2021

Le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, présenté hier en Conseil des ministres, laisse au gouvernement la possibilité de recourir au passe sanitaire jusqu’à l’été prochain. Il prolonge la possibilité de moduler les taux d’activité partielle et l’activité partielle pour garde d’enfant et personnes vulnérables.

Face à “un contexte encore très incertain”, le gouvernement souhaite garder des outils à sa disposition pour pouvoir réagir “rapidement à toute nouvelle dégradation de la situation sanitaire”. C’est le sens du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, présenté hier en Conseil des ministres par Jean Castex qui vise à prolonger jusqu’au 31 juillet 2022, la période transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire et la possibilité de recourir au passe sanitaire. Cette période transitoire devait s’achever le 15 novembre prochain.

Une clause de revoyure est toutefois prévue, “trois mois après la publication de la loi et au plus tard le 28 février 2022” afin de redonner au Parlement le pouvoir de se prononcer sur l’opportunité d’une nouvelle prolongation. Dans son avis du 7 octobre 2021 (en pièce jointe), le Conseil d‘Etat recommandait, en effet, au gouvernement d’intégrer un point d’étape, présenté sous forme de “rapport”, sur les mesures prises ainsi que les perspectives d’évolution de la situation sanitaire.

Les différents partis politiques, de gauche comme de droite, avaient, au préalable, manifesté leur opposition à une mesure prorogée au-delà de l’élection présidentielle. Gérard Larcher, président du Sénat avait d’ailleurs, lui-même, assuré, au micro de France Info, le 12 octobre, qu’il ne souhaitait pas “donner un blanc-seing jusqu’au 31 juillet 2022”, demandant que cette prorogation intervienne “sous le contrôle du Parlement”.

Le texte sera débattu à l’Assemblée nationale à compter du 19 octobre.

Prorogation du passe sanitaire

Le projet de loi permet au gouvernement de proroger la nécessité de détenir un passe sanitaire pour les lieux et activités visés par la loi du 5 août 2021 jusqu’au 31 juillet 2022. Un décret sera nécessaire pour le prolonger au-delà du 15 novembre 2021.

En matière de relations du travail, cela signifie que l’obligation de présenter un passe sanitaire valide pour venir travailler (un schéma vaccinal complet, le résultat négatif d’un test PCR ou antigénique de moins de 72 heures, le résultat d’un test positif attestant du rétablissement du Covid-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de six mois) pourra être maintenu pour tous les salariés des secteurs d’activité accueillant du public tels que les bars, les restaurants, ou encore les cinémas et les musées jusqu’au 31 juillet prochain au plus tard, sauf contre-indication médicale reconnue.

Prolongation de la faculté de moduler les taux d’indemnisation de l’activité partielle

Autre mesure phare du projet de loi : le gouvernement souhaite conserver jusqu’au 31 juillet 2022, la faculté de moduler le taux d’indemnisation en matière d’activité partielle en fonction des secteurs d’activité. L’article 5 du texte prévoit, en effet, d’adapter jusqu’à cette date le taux horaire de l’allocation et de l’indemnité d’activité partielle en fonction des secteurs d’activité et des caractéristiques des entreprises. Ces dispositions mises en place par ordonnance arrivent à échéance le 31 décembre 2021. “Des taux de prise en charge différenciés pourront ainsi réactivés afin de tenir compte, le cas échéant, des mesures de restriction sanitaires qui pourraient être mises en place selon les secteurs d’activité et les types d’entreprise”, indique l’étude d’impact du projet de loi.

Actuellement et jusqu’au 31 octobre 2021, pour les entreprises fermées administrativement, soumises à des restrictions territoriales ou subissant une baisse de chiffre d’affaires de 80 %, l’allocation versée à l’employeur s’élève à 70 % de la rémunération horaire brute de référence dans la limite de 4,5 Smic. Le salarié touche également une indemnité équivalente à 70 % de son salaire brut.

En outre, l’article 6 du texte autorise le gouvernement à procéder par ordonnance pour adapter l’APLD.

Cas des personnes vulnérables ou devant garder leurs enfants

De même, l’article 5 prolonge jusqu’au 31 juillet 2022 la possibilité de bénéficier d’un taux horaire d’activité partielle majoré pour les employeurs dont les salariés sont dans l’impossibilité de continuer à travailler. Soit parce qu’ils sont considérés comme une personne vulnérable, soit parce qu’ils sont parents d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction oui de maintien à domicile. “La prolongation de cette mesure pourrait notamment permettre de faire face à de nouvelles restrictions sanitaires de fermetures d’écoles si l’évolution de l’épidémie rendait nécessaire la réactivation d’une telle mesure”.

De telles prolongations devront être fixées par voie réglementaire.

Par ailleurs, le texte durcit les sanctions en cas de fraude au passe sanitaire, prévoyant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Enfin, il proroge également jusqu’au 31 décembre 2021 l’état d’urgence sanitaire applicable en Guyane “compte tenu d’un niveau d’incidence particulièrement élevé aujourd’hui”.

Anne Bariet

Covid : les tests payants ne donnent pas lieu à une prise en charge au titre des frais professionnels

14/10/2021

Dans le questions-réponses sur l’obligation vaccinale ou la détention d’un passe sanitaire pour certaines professions, remis à jour hier par le gouvernement, le ministère du Travail précise que “le coût des tests virologique ne constitue pas un frais professionnel” et que “l’’employeur n’est pas tenu de le prendre en charge”.

Le ministère anticipe ainsi la fin de la gratuité des tests à compter du 15 octobre 2021 (le décret est toujours en attente de la publication au 13/10/2021).

Les tests de dépistage du Covid-19 deviendront ainsi payants sauf pour les personnes ayant un schéma vaccinal complet ou une contre-indication à la vaccination, les mineurs, les personnes identifiées dans le cadre du contact-tracing fait par l’Assurance maladie, les personnes concernées par des campagnes de dépistage collectif, organisées par les Agences régionales de santé ou au sein des établissements de l’éducation nationale, les personnes présentant une prescription médicale et celles ayant un certificat de rétablissement de moins de six mois. 

Les personnes majeures non vaccinées et sans ordonnance devront débourser la somme minimale de 44€ pour un test PCR et de 22€ pour un test antigénique. Il faudra donc verser cette somme pour effectuer un test de dépistage utilisé pour obtenir un passe sanitaire valide (à noter que les auto-tests réalisés sous la supervision d’un professionnel ne seront plus admis).

actuEL CSE

Loi santé au travail : les premiers décrets porteront sur la prévention de la désinsertion professionnelle

15/10/2021

Sauf exceptions pour certaines mesures, la loi Santé au travail du 2 août dernier entrera en vigueur le 31 mars 2022 mais son application reste subordonnée à la publication de décrets sur de nombreux points.

Lors d’une rencontre organisée hier par le réseau Présance, organisme représentatif des services de santé au travail interentreprises (SSTI), futurs services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI), le secrétaire d’Etat chargé des retraites et de la santé au travail, Laurent Pietraszewski, a fait état du travail de ses services sur la rédaction des textes réglementaires qui porteront, selon lui, sur 47 domaines. 

La priorité étant le “maintien dans l’emploi”, les premiers décrets qui devraient être publiés “avant la fin de l’année 2021” porteront sur la prévention de la désinsertion professionnelle. Ensuite devraient suivre les décrets sur les visites médicales (mi-carrière, reprise, pré-reprise et rendez-vous de liaison), avant fin mars 2022.

actuEL CSE

PROTECTION SOCIALE

Régime frais de santé : vers un mécanisme de tiers payant plus opérationnel ?

15/10/2021

Les employeurs bénéficient d’une exonération plafonnée pour les contributions qui financent la mise en place de contrats collectifs frais de santé répondant aux exigences du contrat responsable. Le cahier des charges de ce contrat responsable évolue au gré des choix gouvernementaux pour maîtriser les dépenses de santé.

Ainsi, la loi “Santé” du 26 janvier 2016 a ajouté un critère au cahier des charges du contrat responsable : les contrats doivent permettre à l’assuré social de bénéficier du mécanisme de tiers payant sur les prestations faisant l’objet des garanties destinées au remboursement ou l’indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, au moins à hauteur des tarifs de responsabilité de la sécurité sociale. Une conséquence logique de la généralisation du tiers payant. Le respect de ce critère est exigé depuis le 1er janvier 2017.

Les contrats de frais de santé souscrits ou renouvelés à compter du 1er janvier 2022 devront étendre le mécanisme du tiers payant aux garanties couvertes par le dispositif “100 % santé” (verres et montures, soins dentaires prothétiques et aides auditives appartenant à la classe à “prise en charge renforcée”).

Mais force est de constater qu’un certain nombre de professionnels de santé n’accepte pas le tiers payant (sauf pour les femmes enceintes et les assurés en ALD pour qui le dispositif est de droit), compte tenu des retards parfois importants dans le règlement des sommes dues par les organismes assureurs.

Aussi, pour assurer la pleine effectivité de cette nouvelle obligation, un décret viendrait préciser les modalités d’application du mécanisme en imposant et encadrant les services numériques devant être mis à disposition des professionnels de santé par les organismes assureurs. Ces outils numériques garantiraient notamment le règlement des sommes dues aux professionnels de santé par les organismes assureurs dans des délais raisonnables.

C’est en tout cas le sens d’un amendement additionnel au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, adopté par la commission aux affaires sociales le 14 octobre dernier (en pièce jointe).

La mesure devrait entrer en vigueur au plus tard le 1er juillet 2022. Reste à savoir si cet amendement sera validé en séance plénière.

actuEL CSE

NÉGOCIATIONS COLLECTIVES

4 conseils pratiques pour négocier les salaires

15/10/2021

“Négocier est un art, il vous faut une stratégie, ne partez pas la fleur au fusil”. Voici les conseils dispensés lors du salon CSE de Paris par Abdel Benchabbi, expert-comptable au service des CSE. Des indications précieuses dans un contexte économique perturbé par l’inflation, où la question des salaires revient sur le devant de la scène.

Négocier, ça se prépare, en particulier quand les discussions des négociations annuelles obligatoires (NAO) portent sur le sujet épineux des salaires. C’est le message qu’a voulu faire passer Abdel Benchabbi, expert-comptable au service des élus de CSE du cabinet CE Consultant, lors de sa conférence organisée au salon CSE de Paris le 28 septembre dernier. De nombreux participants sont venus écouter ses conseils pratiques, comme utiliser le contexte économique, préparer ses arguments, avoir ses chiffres en tête, connaître ses revendications.

Utiliser le droit d’information du CSE sur les aides publiques

Abdel Benchabbi a rappelé dès le début de sa conférence que la crise sanitaire a donné lieu à un soutien inédit des entreprises par l’État, “mais les salariés n’ont bénéficié d’aucune avancée”. L’expert-comptable incite donc les élus à rafraîchir les mémoires des directions : “L’État s’est substitué à l’entreprise pour payer les salaires, et il a remboursé les employeurs sous 10 jours alors qu’il est traditionnellement un mauvais payeur”. Ainsi, les diverses aides publiques pourront être rappelées rapidement en introduction de négociation selon ce que l’entreprise aura perçu :

  • remboursement des salaires par l’activité partielle ;
  • compensation de 20 % des pertes de chiffre d’affaires par le fonds de solidarité ;
  • facilités de paiement des dettes fiscales et sociales accordées par le fisc et l’Urssaf ;
  • annulations d’impôts au cas par cas ;
  • exonérations de 15 à 21 % des cotisations sociales des entreprises de moins de 250 salariés ;
  • aide au paiement des charges fixes pour les entreprises des secteurs les plus frappés par la crise (hôtellerie, restauration, tourisme, etc.) ;
  • prêts bancaires garantis par l’État ;
  • franchises de loyers et crédits d’impôts de 50 % pour les loyers abandonnés.

“N’hésitez pas par ailleurs à venir en réunion de négociation avec des articles de presse contenant les déclarations politiques des uns et des autres, comme par exemple celui publié par Le Parisien le 4 septembre, où la ministre du Travail dit que les rémunérations ne sont pas à la hauteur”, a insisté Abdel Benchabbi qui considère que les employeurs ayant beaucoup reçu pendant le Covid, il est temps qu’ils restituent une partie des aides sous forme de salaires. Et si la direction rechigne à communiquer les aides reçues, les élus peuvent rappeler que le CSE dispose d’un droit d’information sur la nature des aides publiques, ainsi que leur montant, leur objet, leur mode de versement et les conditions d’emploi éventuelles. Ces éléments sont en effets requis dans la base de données économiques et sociales (BDES) qui contiendra bientôt également des données environnementales, (article R.2312-8 du code du travail).

Connaître le contexte de l’entreprise 

Comment se sont déroulées les dernières négociations ? Les actionnaires de l’entreprise ont-ils été réticents à investir ces dernières années ? Comment ont évolué les salaires dernièrement ? Autant de questions dont les élus et délégués syndicaux doivent connaître les réponses avant de se lancer dans la négociation. “On ne peut venir en négociation en étant tétanisé, il faut tenir compte de la crédibilité de ses interlocuteurs par rapport à ce qui s’est produit dans le passé”, conseille Abdel Benchabbi.

Ce dernier précise que si des augmentations de salaires ont déjà eu lieu les années précédentes, il faut se renseigner sur leur réalité car elles peuvent pâtir de “l’effet déport” et de “l’effet report”. L’effet report résulte de la date à laquelle l’augmentation est consentie. S’il s’agit de 1,5 % au 31 juillet de l’année, le lissage sur 12 mois réduit ce taux à 0,7 %. La réalité de l’augmentation apparaît donc moindre. L’effet déport dépend, quant à lui, de l’effectif des salariés. L’augmentation salariale est à mettre en rapport avec les départs, car ces derniers font réaliser à l’employeur des économies sur les hausses de salaires. Les élus ont également tout intérêt à connaître le niveau de rémunération dans les entreprises concurrentes, les évolutions de salaires dans la localité et la région. Ils peuvent aussi sonder l’état d’esprit des salariés et leur capacité à se mobiliser sur la question des salaires.

Préparer en amont les revendications

“Négocier est un art”, a professé Abdel Benchabbi, et la préparation en fait partie. L’expert-comptable conseille donc aux élus d’identifier les points qu’ils jugent négociables et ceux sur lesquels il est hors de question de revenir. Comme le dit Abdel Benchabbi, “ce n’est pas à la direction de chiffrer vos demandes !”, et venir en réunion de négociation avec des éléments précis et chiffrés renforcera la cohérence de la négociation. Il faut aussi préparer des contre-arguments aux idées avancées par la direction pour refuser l’augmentation, afin de ne pas être pris au dépourvu. Enfin, prévoir des concessions et des contreparties nourrit la négociation, comme par exemple une hausse de la productivité et de la motivation des salariés ou un recul de l’absentéisme. Ces éléments permettront aussi d’assurer ce que Abdel Benchabbi appelle “le service après-vente” de la négociation auprès des salariés : “Si c’est un mauvais accord, qui implique trop de concessions, ne le signez pas car il faudra ensuite le justifier auprès des salariés”.

Exploiter les ressorts psychologiques

Tel dirigeant fait “du bluff”, tel autre ne se positionne que dans le rapport de force, tel autre préfère la conciliation, untel fonctionne à l’orgueil, l’autre à l’affectif. Selon Abdel Benchabbi, “il faut cerner les attentes et le mode de fonctionnement de ses interlocuteurs, vous ne pouvez pas faire l’impasse sur la psychologie des gens avec qui vous négociez”. Et cela vaut pour tous les thèmes de négociation…

Marie-Aude Grimont

IRP

La CGT fait campagne pour les 32 heures de travail par semaine et pour un droit de veto octroyé au CSE

15/10/2021

Lors d’une conférence de presse hier à Montreuil, la CGT a lancé une campagne en faveur d’une réduction à 32 heures hebdomadaires du temps de travail (► lire en pièce jointe les propositions du syndicat). Pour la confédération, la réduction du temps de travail, qui permettrait au passage de mieux lutter contre le réchauffement climatique et de favoriser un meilleur équilibre vie privée vie professionnelle, n’est en rien une lubie française : “En Allemagne, le président du syndicat IG Metall s’est prononcé en 2020 pour les 32 heures. C’est également en Allemagne qu’en 2013 un appel de plus de 100 économistes et acteurs du mouvement social s’est positionné en faveur de la semaine de 30 heures, au titre notamment de la lutte contre le chômage. En Grande-Bretagne, le leader du Parti travailliste a pris position en 2019 pour le passage à la semaine de 4 jours et aux 32 heures, sans perte de salaire. En Espagne, en mars 2021, le gouvernement a décidé d’engager une expérimentation de la semaine de 4 jours, à 32 heures avec maintien des salaires. Cette expérience doit porter sur 200 entreprises et plusieurs milliers de salariés. Le mouvement “4dayweek” mène campagne pour la réduction du temps de travail en Nouvelle-Zélande, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Irlande. En octobre 2020, le comité exécutif de la Confédération européenne des syndicats (CES) s’est exprimé en ce sens : « La CES demande un agenda afin de coordonner les négociations pour une réduction de la semaine de travail sans réduction de salaire et des dispositions pour un contrôle du temps de travail, de la qualité de la vie professionnelle et de la sécurité des revenus en cas de maladie. »

La CGT demande, pour accompagner cette réduction du temps de travail, “une augmentation des droits et moyens des élus et mandatés du personnel” avec “un droit des IRP au recours suspensif en cas de non-respect des règles et procédures” et notamment “un droit de veto du CSE sur l’utilisation des aides publiques par l’entreprise”, la création “de comités interentreprises donneurs d’ordres/sous-traitants”, ainsi que des “droits de réunion collective renforcés”. 

actuEL CSE

Le délégué syndical peut être désigné dans un périmètre plus restreint que celui du CSE d’établissement

19/10/2021

Le découpage de l’entreprise retenu pour la mise en place des CSE d’établissement ne peut pas empêcher la désignation d’un délégué syndical à un niveau inférieur constituant un établissement distinct au sens du droit syndical.

En principe, le périmètre de désignation des délégués syndicaux est le même que celui retenu pour les dernières élections destinées à mettre en place le CSE d’entreprise ou d’établissement (par exemple, Cass. soc., 26 oct. 2011, n° 11-11.409). Ainsi, dans une entreprise possédant plusieurs CSE d’établissement, les délégués syndicaux seront désignés dans chacun des établissements dotés d’un CSE d’établissement.

En parallèle, le code du travail prévoit qu’il est possible de désigner un délégué syndical sur un périmètre plus restreint au sein d’un peut intervenir au sein “établissement regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l’employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques” (article L. 2143-3).

Comme le rappelle un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 29 septembre 2021, cette disposition est d’ordre public. En conséquence, en présence d’une communauté de travail et d’un représentant de l’employeur, il est possible de désigner un délégué syndical indépendamment du découpage de l’entreprise en établissements distincts pour la mise en place des CSE.

Les faits

Décembre 2019, le syndicat FO de l’Ugecam Nord-Est désigne une déléguée syndicale au sein de l’Institut médico-éducatif de Brottes (l’IME). N’ayant pu obtenir du tribunal judiciaire l’annulation de cette désignation, Ugecam Nord-Est décide de porter l’affaire en cassation.

Pour l’employeur, lorsque les partenaires sociaux ont décidé par accord collectif de regrouper plusieurs établissements au sein d’un établissement distinct unique pour la mise en place d’un CSE d’établissement, la désignation d’un délégué syndical ne peut intervenir, “dans un souci de concordance entre le niveau de négociation et le niveau de consultation” qu’au niveau de ce nouveau périmètre et non à celui de l’un de ces établissements. Du fait de son regroupement avec d’autres sites au sein de l’établissement de Chaumont, l’Institut médico-éducatif de Brottes avait perdu toute individualité en tant qu’établissement éventuellement distinct. FO ne pouvait donc pas y désigner une déléguée syndicale.

Aussi logique qu’elle puisse paraître, l’argumentation de l’Ugecam Nord-Est est rejetée.

Le code du travail prévoit en effet que “la désignation d’un délégué syndical peut intervenir au sein de l’établissement regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l’employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques” (article L. 2143-3).

Des dispositions d’ordre public

Or, comme le rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 29 septembre 2021, “ces dispositions, même si elles n’ouvrent qu’une faculté aux organisations syndicales représentatives, sont d’ordre public quant au périmètre de désignation des délégués syndicaux”. En conséquence, ni un accord collectif de droit commun, ni l’accord d’entreprise destiné à déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts pour l’élection des CSE d’établissement (article L. 2313-2) ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d’un établissement au sens de l’article L. 2143-3 du code du travail.

Dans cette affaire, il avait été constaté que l’accord de mise en place du CSE à l’Ugecam ne prévoyait rien “en matière de désignation des délégués syndicaux”, que le directeur de l’IME de Brottes avait la qualité de représentant de l’employeur et, enfin, que l’employeur n’apportait aucun élément concret pour contester l’existence d’une communauté de travail.

Conclusion : la désignation d’une déléguée syndicale au sein de l’Institut médico-éducatif de Brottes était valable.

Frédéric Aouate, rédacteur en chef du GuideCSE

Environnement : les actions concrètes des syndicats pour les militants et élus de CSE

19/10/2021

Les lois Pacte (2018), mobilités (2019) et climat (2021) ont peu à peu inscrit l’environnement dans l’entreprise et dans les missions du CSE. Mais comment les syndicats s’approprient-ils ces mesures, et surtout quelles sont leurs actions concrètes pour former leurs militants et aider les élus de CSE ? Une conférence du cabinet spécialisé en environnement Gate17 a invité la CGT, la CFDT, la CFE-CGC et l’UNSA autour de ces sujets.

Les syndicats sont-ils frileux ou entreprenants sur l’environnement ? Ont-ils pris la mesure de l’urgence climatique et du rôle des représentants du personnel en la matière ? Depuis la loi climat du 22 août 2021, le CSE dispose de nouvelles prérogatives environnementales, notamment au travers de ses informations consultations élargies aux conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise. Les élus ne se sont cependant vu octroyer aucun moyen supplémentaire en formation ou en heures de délégation pour s’approprier les sujets environnementaux. Comment les syndicats peuvent-ils leur apporter leur soutien ? Les secrétaires généraux ou nationaux chargés du développement durable Véronique Martin (CGT), Madeleine Gilbert (CFE-CGC), Philippe Portier (CFDT) et Guillaume Trichard (UNSA) ont répondu à cette question de Mathilde Despax, présidente du cabinet Gate17, spécialiste de l’accompagnement des CSE sur l’environnement.

L’essentiel travail de sensibilisation

Philippe Portier, secrétaire national développement durable de la CFDT, plante le décor : “Certaines équipes syndicales n’ont pas attendu la loi climat pour travailler sur l’environnement, mais pour d’autres, la priorité reste les salaires et les conditions de travail”. Les syndicats se sont donc donnés pour objectif de sensibiliser les militants et délégués syndicaux à l’environnement. Côté CFDT, l’ARC assume cette mission. ARC pour Accompagnement, Ressources, Conseils. Cet espace intranet comporte des informations, des indications sur les pratiques syndicales à mettre en place, des conseils d’experts, des décryptages de documents. 

Côté UNSA, la plateforme dénommée UNSA Please est dédiée aux équipes de terrain et inclut un volet environnemental. Un centre de formation agréé propose également des ateliers de sensibilisation. Mais Guillaume Trichard va plus loin : “A l’appui des CSE, on trouve les cabinets d’experts, notamment d’experts-comptables. Ils doivent eux aussi le virage vert”.

Les élus doivent savoir ce qu’est un bilan carbone 

Le secrétaire général adjoint de l’UNSA se met même à la place des élus de CSE et considère qu’il faut muscler leur formation : “Si on reste dans les dogmes, les a prioris et les à-peu-près, les directions pourront dire n’importe quoi aux élus qui n’auront pas les armes pour répondre. Si les élus ne savent pas ce qu’est un bilan carbone, ou une mission ISR (investissement socialement responsable) on leur vendra des ‘fakenews’, et ils vont passer à côté des sujets”.

Selon le syndicaliste UNSA, de nombreuses entreprises ont déjà commencé leur “green washing” avec leur rapport RSE (*), une fausse politique verte qui risque de se perpétuer. Autre sujet soulevé par Guillaume Trichard : le verdissement des ASC, les activités sociales et culturelles du CSE. Allez critiquer les directions sur l’impact environnemental, c’est mieux quand on est vertueux soi-même. La transformation écologique doit être systémique, y compris quand on est aux manettes d’un CSE qui emploie lui-même des salariés”.

Un livret thématique pour les CSE 

La CGT a créé un collectif de travail dédié à l’environnement, fournit des documentations et anime des journées d’études. Son manifeste intitulé “Pas d’emplois sur une planète morte” (en pièce jointe), édité avec le collectif Plus jamais ça (dont font partie la FSU et Solidaires) propose par exemple un droit de veto des CSE sur les projets portant atteinte à l’environnement, la santé ou l’emploi. Un livret environnement (en pièce jointe) est également spécialement dédié aux CSE. Selon Véronique Martin, secrétaire nationale de la CGT, “le but de ce document est que les militants et les élus appréhendent les prérogatives des CSE sous l’angle des risques, principalement celui que les dégradations environnementales font peser sur la santé des salariés”. Le livret rappelle aussi aux élus de CSE leurs principaux droits comme l’expertise ou le droit d’alerte, et aborde les ASC et la commission environnement.

Nous avons formé 400 militants en 4 ans 

Enfin, la CFE-CGC avance avoir formé au développement durable 400 militants en 4 ans. Le syndicat des cadres fait partie de Global Compact France, une initiative des Nations Unies qui regroupe entreprises et organisations à but non lucratif pour inciter les sociétés à adopter une attitude socialement responsable. “Nous allons bientôt publier un mémo sur les enjeux du dialogue environnemental d’entreprise”, ajoute Madeleine Gilbert, secrétaire nationale RSE et développement durable de la CFE-CGC, “ainsi qu’un livret destiné aux administrateurs salariés, intitulé Gouvernance et RSE”.

Quand les syndicats eux-mêmes se mettent au vert

Difficile de stimuler élus et délégués syndicaux sans être exemplaire. Les syndicats se mettent donc eux aussi sur la voie d’un fonctionnement plus respectueux du climat et de l’environnement. L’UNSA a développé depuis 2016 un partenariat avec la fédération d’association France Nature Environnement et réalise ses propres bilans carbones. La CGT a cessé les vols aériens sur de courtes distances et a revu son parc de véhicules. La CFE-CGC s’occupe de remettre ses locaux aux normes environnementales et tente de réduire son utilisation de plastique.

(*) Le rapport RSE (responsabilité sociale de l’entreprise) est un document annuel qui recense les actions en matière de développement durable, instauré par la loi Nouvelles régulations économiques de 2001.

Marie-Aude Grimont

Un tract syndical peut-il donner la grille des salaires de l’entreprise

20/10/2021

Nous revenons sur la décision du tribunal judiciaire de Paris, en date du 6 août 2021, au sujet d’un tract syndicat, car cette affaire nous donne l’occasion de rappeler certains principes et de pointer des questions qui restent en suspens. Ici, le juge a débouté une entreprise de sa demande de retrait et d’interdiction d’un tract syndical auquel était annexée la grille des salaires de la société, l’employeur dénonçant la violation par son délégué syndical de son obligation de confidentialité.

À l’issue de la négociation annuelle obligatoire (NAO) sur les salaires, un délégué syndical diffuse un tract intitulé « Rémunération 2021 – Chacun pour soi et la CFDT pour tous », auquel est annexé un tableau sur lequel figurent les rémunérations minimales, moyennes, médianes et maximales par coefficient.  L’entreprise assigne en référé d’heures à heures (1) la fédération CFDT Communication Conseil Culture au visa de l’article 835 du Code de procédure civile en faisant valoir que la diffusion du tract constitue un trouble manifestement illicite. Elle demande notamment au tribunal :

  • de juger que le tract comporte des informations confidentielles dont la divulgation porte atteinte à l’intérêt de la société et que l’organisation syndicale, par l’intermédiaire de son délégué, a violé son obligation de discrétion et de confidentialité ;
  • d’ordonner, sous astreinte, le retrait du tract sur supports papier et numérique, l’interdiction de le diffuser sur ces supports et le versement d’une provision en réparation du préjudice causé par la diffusion.

L’entreprise est déboutée de toutes ses demandes par le tribunal judiciaire. Rendue dans un domaine où les décisions sont rares, cette ordonnance fournit l’occasion de rappeler certains principes et de signaler des questions en suspens.

► Outre la violation du code du travail et de la jurisprudence, l’employeur invoquait aussi la violation par le syndicat et son délégué de l’accord d’entreprise sur le droit syndical, au motif que le tract avait été diffusé non pas concomitamment à sa transmission à la direction, mais avant, contrairement aux stipulations de cet accord. Il est également débouté, le juge ayant considéré qu’il n’établissait pas l’antériorité de la diffusion. Bien plus, le syndicat ayant prouvé que l’entreprise avait tardé à adresser aux salariés un mail contenant un lien vers les communications syndicales du mois passé en dépassant ainsi le délai prévu par l’accord, il a été condamné à réparer le préjudice subi par le syndicat.

Pas d’obligation de discrétion pour le DS, exception faite de la BDES

À l’appui de ses demandes, la société faisait valoir que le délégué syndical est tenu, comme les membres du CSE, à un devoir de discrétion à l’égard des informations confidentielles présentées comme telles par l’employeur, dans la mesure où leur divulgation est de nature à porter atteinte à l’intérêt de l’entreprise.

Elle se fondait sur les articles L. 2315-3 et L. 2312-36 du code du travail, le premier disposant que les membres de la délégation du personnel du CSE et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur, et le second, relatif à la BDES (base de données économiques et sociales), prévoyant à son dernier alinéa que les membres de cette délégation et les délégués syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations contenues dans la base de données revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur.

Ses arguments sont rejetés par le tribunal.

Celui-ci rappelle d’abord que la liberté de communication des syndicats est garantie par de nombreux droits et libertés fondamentaux : liberté d’action syndicale et participation des travailleurs (préambule de la Constitution de 1946, al. 6 et 8), liberté d’expression (déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 art. 11 et convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales art. 10) et principe d’égalité des syndicats (déclaration des droits de l’Homme et du citoyen art. 6).
Le tribunal rappelle aussi l’article L. 2142-5 du Code du travail sur le contenu des affiches, publications et tracts, lequel est librement déterminé par l’organisation syndicale, sous réserve de l’application des dispositions relatives à la presse.

Pour le tribunal, aucune des dispositions invoquées par l’employeur n’est applicable au litige.

L’obligation de discrétion visée à l’article L. 2315-3 (plutôt que L 2312-36) concerne les membres du CSE, pas les délégués syndicaux.
Le tableau litigieux n’a pas été communiqué par l’intermédiaire de la BDES, puisqu’il a été transmis dans le cadre d’une réunion de négociation annuelle des salaires et ne figure pas dans la BDES de l’entreprise.
S’il est exact que, selon l’article L 2312-36, les informations communiquées par l’intermédiaire de la BDES peuvent être considérées comme confidentielles lorsqu’elles sont identifiées comme telles par la direction, y compris pour les délégués syndicaux, la BDES a pour vocation le fonctionnement du CSE et non l’exercice des mandats syndicaux.

Dès lors, lorsque des documents sont transmis aux délégués syndicaux dans le cadre du fonctionnement du CSE, alors ils sont soumis à la même obligation de confidentialité que les autres membres de l’instance. À l’inverse, lorsqu’ils se voient communiquer des informations en leur stricte qualité de délégué syndical et en dehors de tout fonctionnement du CSE, ce sont les dispositions de l’article L 2142-5 qui ont vocation à s’appliquer et les seules limites fixées à la liberté d’expression du délégué syndical sont celles prévues par la loi relative à la liberté de la presse.

A notre avis Les arguments textuels du tribunal nous semblent solides : l’obligation de confidentialité est prévue à plusieurs reprises par le Code du travail, dans les articles L. 2315-3 et L. 2312-36 mentionnés ci-dessus et dans d’autres plus spécifiques, par exemple dans le cadre du droit d’alerte économique (C. trav. art. L. 2312-67), ou relatifs aux documents de gestion comptable prévisionnelle (C. trav. art. L. 2312-25) ou en cas d’offre de reprise d’un site menacé de fermeture (C. trav. art. L.1233-57-15). Elle peut s’imposer au comité, mais aussi à des personnes qui n’en font pas partie, experts assistant le comité (C. trav. art. L. 2315-84) et experts et techniciens des commissions (C. trav. art. L. 2315-45). On peut en déduire que, lorsqu’elle n’est pas imposée, notamment dans le cadre de la négociation obligatoire sur les salaires, cette obligation n’existe pas. La doctrine va dans ce sens : voir, par exemple, Grégoire Loiseau, Pascal Lokiec, Laurence Pécaut-Rivolier, Pierre-Yves Verkindt, Droit de la représentation du personnel, Dalloz Action 12/2018 n° 523.202. D’aucuns déploreront ce qu’ils considéreront comme une lacune des textes, en reprenant l’argument de l’entreprise, resté d’ailleurs sans réponse, selon lequel « la loyauté commande notamment à l’employeur de fournir aux représentants syndicaux une information complète et sincère qui a pour corollaire l’obligation pour les représentants syndicaux de respecter le devoir de discrétion et de confidentialité attaché aux informations confidentielles ». Et penseront que la situation n’est pas de nature à inciter les entreprises à la générosité en matière d’information. Reste qu’il n’appartient pas au juge de se substituer au législateur. Un remède possible en la matière, qui ménagerait les deux parties, serait de conclure, en application des articles L. 2242-10 s. du code du travail, un accord d’adaptation sur les négociations obligatoires – ou, s’agissant des autres négociations, un accord de méthode en application de l’article L. 2222-3-1 du même code – prévoyant la possibilité pour l’entreprise de signaler certaines informations comme confidentielles et l’obligation pour les négociateurs syndicaux de respecter ce caractère. Autre solution possible : comme le permet l’article L. 2312-21 du code du travail, conclure un accord d’entreprise sur la BDES et y intégrer les informations nécessaires aux négociations obligatoires avec les délégués syndicaux. Qui seraient alors tenus à une obligation de confidentialité pour les informations confidentielles et présentées comme telles par l’employeur.

Mais un syndicat ne doit pas divulguer d’informations sensibles hors de l’entreprise, ou les déformer

La société fondait aussi son action sur un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation ayant admis, dans le cas d’une information écrite donnée à un représentant du personnel, que l’indication du caractère confidentiel peut résulter de la mention « confidentiel » et interdisant sa diffusion externe apposée sur la note en cause (Cass. soc. 6-3-2012 n° 10-24.367 F-D : RJS 5/12 n° 408). Le tribunal judiciaire estime que cette décision ne pouvait pas, non plus, être utilement invoquée : outre le fait que les informations, dans cette espèce, avaient été transmises à un membre du comité d’entreprise en cette qualité, l’intéressé les avait divulguées à la presse et déformées.

Or, dans l’affaire soumise au tribunal, les informations litigieuses étaient annexées à un tract adressé aux salariés de l’entreprise, dont celle-ci ne démontrait pas que le délégué l’ait distribué à des personnes extérieures, le fait qu’il soit diffusé sous format numérique par la voie de l’intranet de l’entreprise ne permettant pas d’établir une diffusion en dehors de celle-ci. Et le tableau n’avait pas été modifié par l’intéressé.

A notre avis Est-ce à dire que, s’il avait pu démontrer que le tract avait été diffusé à l’extérieur de l’entreprise, l’employeur aurait pu en obtenir le retrait et l’interdiction, en dépit de la liberté d’expression des syndicats ? La réponse semble affirmative. En d’autres termes, le tribunal semble admettre que, même si un délégué syndical n’est pas tenu, en principe et en tant que tel, à une obligation de confidentialité, le droit du syndicat de divulguer des informations relatives à l’entreprise en dehors de celle-ci n’est pas sans limites.
On pense immédiatement à un arrêt de la Cour de cassation, selon lequel il résulte des articles 10, § 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et 1er de la loi 2004-575 du 21 juin 2004 que, si un syndicat a le droit de communiquer librement des informations au public sur un site internet, cette liberté peut être limitée dans la mesure de ce qui est nécessaire pour éviter que la divulgation d’informations confidentielles porte atteinte aux droits des tiers (Cass. soc. 5-3-2008 n° 06-18.907 PBRI : RJS 5/08 n° 563). Et qui conclut qu’une cour d’appel ne pouvait pas rejeter la demande d’une société tendant à faire retirer du site internet d’un syndicat certaines informations la concernant et dont elle jugeait la diffusion contraire à ses intérêts et aux règles de confidentialité, sans rechercher si les informations litigieuses avaient un caractère confidentiel et si ce caractère était de nature à justifier l’interdiction de leur divulgation au regard des intérêts légitimes de l’entreprise.
Restent plusieurs questions en suspens, parmi lesquelles : pour obtenir le retrait d’un tract portant atteinte à ses intérêts légitimes, l’employeur doit-il établir qu’il a été diffusé volontairement à l’extérieur de l’entreprise ou suffit-il qu’il prouve que le tract a simplement « fuité » ? Est-il exclu que, dans certains cas, la diffusion d’informations aux seuls salariés de l’entreprise puisse porter atteinte aux intérêts légitimes de l’entreprise ? En effet, ceux-ci ne sont soumis, par principe, à aucune obligation de discrétion (Laurence Pécaut-Rivolier, « La confidentialité : droit ou obligation du représentant du personnel ? », Dr. soc. 2012 p. 46).

Il ne suffit pas, pour qu’un document soit confidentiel, qu’il soit signalé comme tel par l’employeur 

L’entreprise soutenait enfin que la divulgation du tract était de nature à porter atteinte à l’intérêt de l’entreprise, le contenu de la grille des salaires dans l’entreprise étant « particulièrement sensible puisqu’il dévoile la rémunération effective de tous les collaborateurs en fonction de leur coefficient conventionnel ».

Elle faisait notamment valoir :

  • qu’elle avait transmis le tableau dans le cadre confidentiel et spécifique de la négociation annuelle obligatoire en prenant soin d’indiquer spécifiquement « A l’attention des délégués syndicaux uniquement » – « Confidentiel – Ne pas diffuser sans autorisation – Ce document et les informations qu’il contient sont propriété de […]. Il ne doit pas être utilisé à d’autres fins que celles pour lesquels (sic) il a été remis. Copyright […] – Tous droits réservés. Confidentiel – Ne pas diffuser sans autorisation »;
  • que la diffusion aux salariés de ces informations portait atteinte aux droits des salariés au respect de leur vie privée et à la confidentialité de leur rémunération ; que la diffusion du tract dans les locaux le rendait accessible à toutes les personnes présentes sur le site, clients et prestataires compris, ce qui était d’autant plus préjudiciable qu’elle était une entreprise de services dont le chiffre d’affaires était essentiellement basé sur la valorisation des heures de travail dans le cadre des projets remportés.

Ces arguments sont également rejetés par les juges. Ceux-ci se réfèrent à un arrêt de la Cour de cassation, aux termes duquel, pour satisfaire aux conditions de l’article L 2325-5 du Code du travail (dont le contenu, qui concernait le comité d’entreprise, a été transposé au CSE par l’article L 2315-3 précité), l’information donnée aux membres du comité d’entreprise doit non seulement être déclarée confidentielle par l’employeur, mais encore être de nature confidentielle au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, ce qu’il appartient à l’employeur d’établir (Cass. soc. 5-11-2014 n° 13-17.270 FS-PB : RJS 1/15 n° 44). Aux termes de cet arrêt, en plaçant sous le sceau de la confidentialité l’ensemble des documents adressés au comité sans justifier de la nécessité d’assurer la protection de l’ensemble des données contenues dans ces documents, l’employeur avait porté une atteinte illicite aux prérogatives des membres du comité dans la préparation des réunions.

Puis le tribunal constate, d’une part, que la direction avait communiqué un document de 22 pages et contenant 5 annexes, dont l’intégralité des contenus, sans distinction, était identifiée comme étant confidentielle et, d’autre part, que l’entreprise ne démontrait pas en quoi la diffusion de la grille des salaires portait atteinte à son intérêt ou à celui des salariés. En effet, pour les juges, le tableau faisant figurer les rémunérations minimales, moyennes, médianes et maximales ne concernait aucun coefficient réunissant moins de 5 salariés. Dès lors, les informations communiquées ne permettaient pas d’identifier les rémunérations individuelles des salariés, ni même leurs postes puisque les coefficients regroupent plusieurs postes différents.

Extrait de la décision
Il n’y a pas lieu d’ordonner le retrait d’un tract auquel est annexé un tableau contenant la grille des salaires de l’entreprise remis à un délégué syndical lors de la négociation annuelle sur les salaires et présenté comme confidentiel, dès lors que : lorsque des documents sont transmis aux délégués syndicaux dans le cadre de la base de données économiques et sociales, ils sont soumis à la même obligation de confidentialité que les autres membres de l’instance ; à l’inverse, lorsqu’ils se voient communiquer des informations en leur stricte qualité de délégué syndical et en dehors de tout fonctionnement du CSE, ce sont les dispositions de l’article L 2142-5, relatif aux affiches, publications et tracts, qui ont vocation à s’appliquer, et les seules limites fixées à la liberté d’expression du délégué syndical sont celles prévues par la loi relative à la liberté de la presse ; l’employeur n’a pas pu établir la diffusion du tableau à l’extérieur de l’entreprise et le délégué n’a pas déformé son contenu ; d’une part, la direction avait communiqué un document de 22 pages et contenant 5 annexes, dont l’intégralité des contenus, sans distinction, était identifiée comme étant confidentielle et, d’autre part, l’entreprise ne démontrait pas en quoi la diffusion de la grille des salaires portait atteinte à son intérêt ou à celui des salariés ; en effet, le tableau faisant figurer les rémunérations minimales, moyennes, médianes et maximales ne concernait aucun coefficient réunissant moins de 5 salariés ; dès lors, les informations communiquées ne permettaient pas d’identifier les rémunérations individuelles des salariés, ni même leurs postes puisque les coefficients regroupent plusieurs postes différents.

(1) : Le référé d’heures à heures (article 485 du code de procédure civile) permet d’obtenir une ordonnance de référé dans un délai particulièrement rapide.

La rédaction sociale des EFL

Les mesures d’un PSE s’apprécient au regard des moyens du groupe

18/10/2021

Pour savoir si les mesures adoptées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) sont “suffisantes”, l’autorité de contrôle administrative (Drieets, ex-Direccte) doit tenir compte des moyens dont dispose l’entreprise ou le groupe, rappelle, dans deux décisions du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Melun. L’affaire concerne deux PSE homologués par l’administration, l’un touchant un établissement (Mitry Mory Transport, contrôlé à 100% par le groupe Kuehne), l’autre l’entreprise Acna (filiale du groupe Servair). En l’occurence, le juge administratif, saisi par les organisations syndicales de ces entreprises, estime que l’administration, en limitant l’appréciation du périmètre des moyens du groupe à Servair d’un côté et aux entreprises françaises du groupe Kuehne de l’autre, n’a pas exercé le contrôle qui devait être le sien et qu’elle a donc commis une erreur de droit. Le tribunal administratif annule donc les décisions d’homologation du PSE de la Drieets des 21 mai et 2 juin 2021. 

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