“Les cas de burn-out explosent, les entreprises doivent passer à la prévention tertiaire”
09/11/2021
Adrien Chignard, psychologue du travail, fondateur du cabinet de conseil et d’accompagnement Sens et Cohérence, insiste sur la nécessité d’une prise en charge collective plutôt qu’individuelle quand survient un burn-out en entreprise. Pour lui, les entreprises doivent protéger les équipes en mettant en place des actions le plus rapidement possible.
Vous alertez sur la multiplication des cas de burn-out. Pourquoi ?
Plusieurs études, notamment celles d’Opinionway, montrent une augmentation de situations d’épuisement professionnel. Si le phénomène est difficile à quantifier, il est vrai que les multiples confinements et le télétravail à marche forcée ont aggravé les facteurs de risque : la charge de travail s’est accrue. Certains salariés ont dû faire face à des problèmes informatiques, de communication avec la distance. D’autres ont souffert d’un manque de reconnaissance malgré leur implication. Sans soutien du collectif, les protections ont diminué. C’est un peu comme si on partait à la guerre avec une plus petite armure.
Or, on a une lecture erronée du burn-out. On tend à individualiser la souffrance au travail alors qu’il faudrait chercher à l’expliquer par des facteurs organisationnels. Si l’expression du mal-être est personnelle, les causes sont avant tout à rechercher du côté de l’organisation du travail. Il est donc capital de ne pas négliger ceux qui vivent l’impact émotionnel par personne interposée : les collègues qui assistent à ce départ brutal et violent. Ils sont exposés aux mêmes facteurs organisationnels que celui qui vit le burn-out. D’autant que leur charge de travail s’est accrue. Il est donc important de protéger ceux qui sont restés debout.
Comment ? Quelles démarches les entreprises peuvent-elles mettre en œuvre ?
Il faut soigner le travail, préserver la santé physique et mentale des équipes sur place. Il s’agit d’ailleurs d’une responsabilité de l’employeur. Cet accompagnement passe, tout d’abord, par l’identification des facteurs organisationnels qui ont provoqué l’épuisement professionnel de leur collègue : l’évaluation de la charge de travail, l’ambiance de travail, le repérage des iniquités potentielles au sein de l’équipe ou encore des conflits éthiques qui provoquent beaucoup de dégâts chez les salariés, lorsque les tâches à accomplir sont contraires à leurs règles de métier ou à leurs valeurs.
Cette démarche, s’il elle est menée à son terme, a plusieurs vertus : outre le traitement des symptômes, elle génère une motivation considérable au sein de l’équipe. De plus, elle permet de déculpabiliser la personne en arrêt. La restauration d’un environnement de travail plus sain lui permettra de revenir dans de meilleures conditions. On vise ici des mesures qui vont aider la personne à reprendre son travail mais aussi ceux qui sont présents pour éviter qu’ils soient à leur tour confrontés à ce type de risque.
Quel bilan dressez-vous des accords de QVT ? Les garde-fous restent-ils insuffisants ?
Ils comportent beaucoup de bonnes intentions mais peu de solutions. La plupart se contentent de diagnostiquer les symptômes sur le stress, les RPS. Mais cette démarche n’est pas suffisante pour stopper la maladie. Les entreprises sont dans le culte de la mesure, des indicateurs. Il s’agit d’agir concrètement. Pour ce faire, il faut mettre en place des actions plutôt que de s’arrêter sur les risques qui permettent d’identifier les conditions potentielles à leur développement. L’une des solutions est de passer de la prévention primaire, longue, fastidieuse et générant peu d’efficacité, à une prévention tertiaire, dans une perspective curative. Il est grand temps de changer de braquet pour une politique de prévention plus efficace, en aidant à réparer les individus fortement affectés par une situation ou un événement brutal. Les entreprises perdent trop de temps à identifier ces risques. Elles doivent protéger les équipes en mettant des actions ad hoc le plus rapidement possible, comme par exemple aller sur site et rencontrer les salariés en difficulté.
Quels sont les risques liés au développement d’une organisation hybride du travail ?
Avec les nouveaux modes de travail, les risques évoluent. Les employeurs doivent commencer à partager un peu leur pouvoir d’organisation. Il faudrait s’engager dans un dialogue social plus équilibré, construire des solutions avec les salariés. Pour le télétravail, par exemple, il serait intéressant de laisser plus de latitude aux managers pour permettre aux équipes de s‘organiser, en fonction des projets et de la fluctuation de l’activité plutôt que d’instaurer une règle immuable, commune à l’ensemble de salariés. Ce qui suppose au préalable l’aval des directions. Problème : la résistance au changement est aujourd’hui plus forte dans les strates dirigeantes qui peinent à lâcher du lest. Pourtant cette démarche semble inéluctable à l’heure où les pénuries de main-d’œuvre font rage…
Réforme des retraites : les syndicats rappellent leurs lignes rouges
15/11/2021
“Je mets en garde : nous ne lâcherons pas là-dessus”, a réagi mercredi matin Yves Veyrier sur la radio Franceinfo. Le Secrétaire général de Force Ouvrière s’est vivement opposé aux propos d’Emmanuel Macron sur une future réforme des retraites en 2022 comprenant un report de l’âge légal de départ et une suppression des régimes spéciaux. Pour Yves Veyrier, “dans un contexte où un salarié sur deux n’est plus en emploi au moment de faire valoir ses droits à la retraite, reculer l’âge de départ conduira à faire baisser le niveau des pensions de ceux qui n’auront pas atteint l’âge requis, il y aura une décote”.
Par ailleurs, le syndicaliste ne se réjouit pas que les retraites aient été placées dans le débat des prochaines élections présidentielles. Selon lui, cela conduira à une surenchère sur un sujet qui depuis les origines est géré par les organisations syndicales, patronales et le pouvoir public : “On va poser la question à qui ? A ceux qui sont déjà à la retraite ? A ceux qui ne sont pas concernés parce qu’ils ont une rente, les moyens, ou autre dispositif de retraite ? Au final qui va être pénalisé ? Les salariés pour qui la retraite ne dépend que de leur emploi”. Yves Veyrier a ainsi appelé à des réformes portant non sur les retraites mais sur l’emploi, de manière à ce que chacun “bénéficie d’un emploi pérenne, à temps plein et rémunéré”.
François Hommeril, leader de la CFE-CGC s’en est pris à une vision “déconnectée de la réalité” et a affirmé qu'”il n’y a pas de problème systémique dans la retraite”. Il a repris les analyses du Conseil d’Orientation des retraites, selon lesquelles les effets du vieillissement de la population sont freinés par l’augmentation de l’âge de départ dans les précédentes réformes. François Hommeril est également revenu sur l’argument de l’espérance de vie, indiquant que selon l’Institut national d’études démographiques, l’espérance de vie des plus de 65 ans n’augmente plus depuis 2014. Le Président du syndicat des cadres estime que cela devient “une obsession de faire peur aux Français et de les stresser” avec une réforme des retraites.
Le syndicat Solidaires s’est exprimé par la voix de son co-délégué Simon Duteil. Son communiqué de presse (en pièce jointe) juge la vision d’Emmanuel Macron “technophile, sécuritaire et nucléocrate héritière de l’Etat des années 1960”. Il juge que “pendant que les les actionnaires et les capitalistes profitent (…) nous allons devoir travailler plus, et plus longtemps”. Solidaires réclame au contraire une augmentation de 400 € par mois des minima sociaux, et des écarts de salaires limités de 1 à 5.
La CGT a préféré axer sa communication sur une augmentation générale des salaires (communiqué en pièce jointe), tout en relevant que “la sécurité sociale, socle de notre protection sociale, est malmenée particulièrement par une politique gouvernementale d’exonérations croissantes de cotisations sociales C’est inefficace en matière de création d’emplois et cela affaiblit les ressources notamment de notre système de santé, de retraite ou d’assurance chômage”.
Les PME face au défi du travail hybride : “Il faut penser l’organisation du travail dans son ensemble”
15/11/2021
Lors d’un webinaire, Maroussia Krawek, chargée de mission à l’Aract Ile-deFrance, a récemment soutenu que les PME n’étaient pas si réticentes au télétravail qu’on le dit, en revanche que les discussions entre les directions et les élus du personnel n’abordaient pas en tant que telle la question pourtant cruciale de l’organisation du travail hybride, cette alternance de présentiel et de télétravail. Cela nous a donné envie d’en savoir plus. Interview.
Pour commencer, pouvez-vous vous présenter et nous rappeler le rôle de l’Aract et de l’Anact ?
Je suis chargée de mission à l’Aract Ile-de-France, l’Aract étant l’Association régionale pour l’amélioration des conditions de travail, qui fait partie du réseau de l’Anact, la structure nationale. J’interviens donc auprès des entreprises franciliennes. Lors du webinaire du 8 novembre, j’ai restitué les retours d’expériences de PME d’Ile-de-France que nous avons accompagnées dans le cadre du dispositif “Objectif reprise, objectif télétravail”, un objectif décliné au niveau national par l’Anact. L’Association nationale pour l’amélioration des conditions de travail existe depuis plus de 40 ans, c’est une structure dont le siège est à Lyon mais qui dispose d’un réseau d’associations régionales. Notre mission est de promouvoir et d’améliorer les conditions de travail des salariés en agissant sur l’organisation du travail, les relations professionnelles, notre ambition étant de concilier la qualité de vie au travail des salariés et la performance de l’organisation.
Notre réseau est paritaire, nous travaillons avec les directions et avec les DS et les CSE
La spécificité de ce réseau ? Il est paritaire. Paritaire à la fois dans son administration (les associations régionales sont administrées par des représentants d’organisations d’employeurs et d’organisations syndicales représentatives) et dans ses modalités d’intervention. En effet, lorsque nous accompagnons des entreprises, quel que soit le sujet ou le projet, nous le faisons dans un cadre paritaire. Selon les situations, nous travaillons avec les représentants de la direction et les représentants syndicaux ou, en l’absence de délégués syndicaux, avec le comité social et économique (CSE). En l’absence d’élus du personnel, nous créons des comités de pilotage pour que les salariés soient représentés. Nous sommes toujours vigilants pour que nos interventions s’effectuent dans un cadre paritaire ou a minima avec une participation active des salariés.
Vous intervenez donc à la demande des entreprises…
Nous intervenons soit dans le cadre de projets institutionnels, de demandes du ministère du Travail en lien avec les Drieets (1), soit en réponse à la demande des entreprises qui nous sollicitent.
Ce peut être aussi à la demande du CSE ?
Oui , mais il faut que la demande soit formulée par la direction de l’entreprise, sachant que nous ferons intervenir ensuite le CSE. Mais il faut savoir que nous ne sommes pas forcément en capacité de répondre à toutes les sollicitations. Dans ce cas, nous pouvons aussi orienter l’entreprise vers des cabinets conseils qui ont signé une charte déontologique et qui travaillent selon nos méthodes, et qui pourront accompagner l’entreprise si cela est nécessaire.
Les PME qui vous sollicitent le font-elles parce qu’elles sont confrontées au refus de salariés de reprendre un travail en présentiel ?
Dans les cas extrêmes, oui, nous avons été sollicités par des entreprises dont les salariés refusaient de revenir sur site. Mais la plupart du temps, il s’agit plutôt d’entreprises dont les salariés vivent difficilement leur retour sur site. Les signes de ces difficultés peuvent être divers et ténus. Ils s’observent par exemple dans une baisse de la motivation, une augmentation des arrêts de travail et des arrêts maladie. Vous avez aussi des salariés qui ont déménagé durant la crise sanitaire. Nous sommes confrontés à des cas de figure hétérogènes.
Des salariés vivent difficilement le retour sur site
Nous voyons aussi des entreprises dont les salariés sont divisés, certains n’ayant qu’une envie, celle de retravailler sur site, quand d’autres sont plus réticents, ce qui peut rendre plus difficile le fonctionnement du collectif du travail. J’ai en tête l’exemple d’une PME de 99 salariés travaillant dans le tourisme. Globalement, la direction a réussi à faire revenir leurs salariés mais elle a observé des retards plus fréquents, des arrêts maladie, davantage de conflits et de tensions, bref un retour sur site compliqué et difficile à gérer. Ce retour a également été ressenti comme une déception par certains salariés, notamment ceux qui avaient très mal vécu le confinement et le télétravail permanent. Eux étaient très en attente d’une reprise sur site mais n’y ont pas trouvé leur compte.
Pourquoi ces salariés ont-ils été déçus par leur retour sur site ?
Parce qu’ils n’y ont pas retrouvé la situation qui existait avant la crise sanitaire. En effet, les collectifs de travail ont été dégradés par la crise sanitaire, par l’éloignement les uns des autres des salariés, par l’isolement, par les tensions entre salariés alimentées parfois par les différences de situation (par exemple entre ceux qui ont été arrêtés pour garde d’enfant et les autres).
Parce que le collectif de travail n’est plus le même qu’avant la crise sanitaire
Il faut bien voir aussi que le collectif de travail n’est plus le même : du fait du télétravail et des rotations, le collectif n’est pas complet au travail, donc les salariés ne retrouvent pas ce qui existait avant. C’est tout l’enjeu de ce qu’on appelle le travail hybride, cette alternance de travail sur site et de télétravail. Les entreprises ont eu jusqu’à présent une logique de jauge pour organiser le travail sur site mais elles s’interrogent désormais sur la possibilité de mettre en place certains jours durant lesquels tout l’effectif peut être présent, afin de retrouver un collectif complet.
Pour autant, dites-vous, les négociations ne traitent pas vraiment cette question du travail hybride…
Nous avons étudié les accords 2020 sur le télétravail, et nous examinerons à la fin de l’année ceux de 2021 en espérant que cela aura changé. En effet, l’une des grandes limites des accords de 2020 est d’avoir pensé le télétravail comme une organisation totalement isolée et indépendante de l’organisation du travail sur site. Du coup, ces accords manquent de caractère opérationnel.
L’enjeu est d’articuler le télétravail et le travail sur site
Si bien qu’aujourd’hui, des entreprises nous sollicitent même quand elles ont un accord ou une charte sur le télétravail. Car elles ne savent pas comment se débrouiller pour bien articuler télétravail et travail sur site. L’enjeu pour demain est d’arriver à négocier des accords sur le travail hybride. A partir du moment où le télétravail est important et régulier, il faut penser l’organisation du travail dans son ensemble.
Pourquoi la négociation collective n’a-t-elle pas encore abordé cette question essentielle ?
Pour les accords 2020, cela s’explique sans doute parce que nous étions encore en plein dans la crise sanitaire. Il fallait négocier le télétravail qui apparaissait comme une nouvelle façon de travailler indispensable. Cela a permis des avancées. Ces accords se tournent vers l’avenir puisqu’ils dissocient le télétravail exceptionnel (en cas de grève des transports, d’intempéries, etc.) du télétravail régulier lequel fait l’objet de la grande partie du texte (2 jours par semaine par exemple). Mais l’organisation ainsi pensée n’a pas été expérimentée au moment de la signature de l’accord et n’a donc pas vécu l’épreuve des faits.
Que recommandez-vous ?
Nous rappelons les points fondamentaux à avoir en tête lors d’une négociation sur le télétravail dans les 10 recommandations sur le télétravail (Ndlr : définir un cadre ajustable, proposer des alternatives au travail à domicile, soutenir le management à distance, voir le détail de ces conseils ici). Ce qui nous paraît essentiel pour les PME, c’est de rechercher la bonne articulation entre un télétravail et un travail sur site, et de façon la plus opérationnelle possible.
Prenez le temps d’analyser les activités et les situations de travail
Cela suppose de prendre le temps d’analyser les activités et les situations de travail pour identifier celles des activités qui sont à réaliser sur place et celles qui peuvent être télétravaillées, cela suppose aussi de s’interroger sur l’impact du télétravail sur les activités réalisées individuellement mais aussi sur le collectif et sur les réalisations collectives. Il faut aussi aborder, et cela manque cruellement dans les accords, la question du management de ce travail hybride. Comment manage-t-on un collectif en présentiel et en télétravail ? Toutes ces questions sont difficiles à résoudre.
Nous conseillons une logique d’expérimentation
Notre conseil est donc de s’inscrire dans une logique d’expérimentation. Sur ce point, il est encourageant de voir qu’un tiers des accords télétravail dans les PME comprenaient une expérimentation, et donc étaient ajustables. Encore faut-il être capable, une fois établi un accord sur une expérimentation, de mettre en œuvre un retour d’expérience. Il faut interroger les télétravailleurs sur la façon dont ils vivent le travail, sur leurs ressources, leurs obstacles, de façon à ajuster l’accord suivant. Les personnes concernées doivent être impliquées dans l’élaboration de l’accord et dans sa phase expérimentale.
Dans les PME, qui négocie ?
Dans les entreprises de moins de 250 salariés, notamment parce qu’il n’y a souvent pas de délégués syndicaux, on voit de plus en plus de négociations avec le CSE. On peut donc s’attendre à une augmentation des accords avec les CSE dans les mois à venir. Mais il reste de nombreuses PME pour lesquelles aller jusqu’à un accord formalisé semble trop complexe.
Il y a parfois une véritable co-construction au sujet du télétravail mais sans que cela ne débouche sur un accord formalisé
Ce nous observons dans certaines de ces entreprises, c’est une véritable co-construction avec le CSE de dispositions sur le télétravail, et la charte au final ressemble très fortement à un accord, mais pour autant ce n’est pas formalisé pour être un accord collectif. L’idée de faire valider un texte par le CSE ou d’organiser une consultation des salariés pour ratifier un accord leur semble trop complexe. Sans doute est-ce par peur du formalisme juridique ou par ignorance (2). Mais j’ai vu aussi des textes, dans des entreprises de moins de 11 salariés, signés par tous les salariés. Ce n’est bien sûr pas juridiquement valable, car ces dispositions auraient dû être approuvées par les deux-tiers du personnel lors d’une consultation, mais c’est significatif d’un dialogue réel avec les salariés.
L’autre grande question liée au mélange télétravail-présentiel, c’est le suivi de la charge de travail. Que dites-vous à ce sujet ?
Nous avons vu des entreprises mettre en place pendant la crise sanitaire des outils de reporting si complexes que cela renforçait très fortement la charge de travail. Il est donc important de se montrer vigilant sur tout ce qui peut entraîner, en situation de télétravail, une surconnexion ou un surreporting. Là encore, il faut s’inscrire dans l’expérience des utilisateurs.
Pour une même tâche, la charge de travail n’est pas forcément la même à distance ou sur site
Il faut prendre le temps de discuter entre salariés et managers autour de la charge de travail prescrite, la charge de travail réelle et la charge de travail ressentie par le salarié, pour créer un dialogue social et professionnel sur cette question. Cela vaut encore plus pour les primo-télétravailleurs, dont la charge de travail est accrue par tous les ajustements qu’ils doivent opérer, comme la prise en main des nouveaux outils de travail de travail à distance tels que la visio. Pour le même travail à effectuer qu’en présentiel (animer une réunion, rédiger un projet avec plusieurs collègues, par exemple), le travail à distance représente une charge de travail plus importante dès lorsque que cela nécessite la maîtrise de nouveaux outils de travail.
Pour finir, vous contestez l’idée que les PME seraient hostiles au télétravail…
De nombreux médias ont relayé l’affirmation d’un baromètre selon lequel 77% des dirigeants des PME étaient défavorables au télétravail (3). Il aurait fallu rappeler qu’il s’agissait de 77% d’un panel de 435 dirigeants et que cela ne concerne que les dirigeants de PME de moins de 100 salariés. Dans cette même enquête, les dirigeants de PME de 100 à 250 sont eux favorables à la pérennisation du télétravail. Cela relativise beaucoup ce genre d’affirmations.
De nombreux dirigeants ont pris conscience avec la crise sanitaire de l’intérêt du télétravail pour leurs collaborateurs
D’autre part, cela ne correspond pas du tout à ce qui ressort des entretiens que nous avons avec des dirigeants de PME. En Ile-de-France, j’entends beaucoup de dirigeants de PME qui étaient défavorables au télétravail avant la crise sanitaire reconnaître aujourd’hui avoir pris conscience de l’impact énorme que le télétravail pouvait avoir sur la qualité de vie au travail de leurs collaborateurs (En Ile-de-France notamment, l’économie en temps de trajet domicile-travail est énorme), et qui se déclarent prêts à le mettre en place par exemple 2 jours par semaine. Beaucoup se rendent compte que le télétravail n’est pas si mal que ça, puisqu’il fait gagner du temps de transport, par exemple, aux salariés. De plus, il devient aussi nécessaire pour fidéliser les salariés et en recruter d’autres, car les salariés le plébiscitent : après plus d’un an de crise sanitaire, et malgré ses limites, 96% des salariés souhaitent poursuivre le télétravail…
(1) Les Drieets (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) ont succédé aux Direccte.
(2) Le télétravail peut être mis en place dans le cadre d’un accord de branche ou d’entreprise, signé dans ce dernier cas par des syndicats représentant plus de 50% aux élections professionnelles. En l’absence de délégué syndical, l’employeur peut utiliser les techniques subsidiaires de négociation (négociation avec un salarié mandaté, avec le CSE…) mais la loi ne l’y oblige pas. Il peut en effet opter directement pour une charte, après avis du CSE, ou bien encore, en l’absence d’accord collectif ou de charte, par un accord entre le salarié et l’employeur, formalisé par tout moyen comme un avenant au contrat de travail (voir l’article L.1222-9 du code du travail).
(3) Troisième édition du Baromètre des dirigeants, publié en avril 2021 et établi sur un échantillon de 435 dirigeants d’entreprises de 20 salariés et plus. Selon ce baromètre, 51% des dirigeants de 100 à 249 salariés souhaiteraient pérenniser le télétravail.
Ce qui manque dans les accords des PME sur le télétravail
Dans les accords télétravail concernant des PME en 2020 (près de 40 accords épluchés), l’Aract a constaté les points suivants : • La question des organisations hybrides n’est jamais évoquée en tant que telle; • Le management de collectifs en présentiel/distanciel n’est pas posé; • La question de l’équité de traitement n’apparaît pas (postes non télétravaillables, exigences liées aux conditions de télétravail à domicile, etc.); • Certaines populations sont exclues d’emblée, et de façon injustifiée (temps partiels, apprentis, alternants, salariés récemment intégrés, etc.), • Seuls 2 accords évoquent la possibilité de mobiliser des tiers lieux autres que le domicile pour télétravailler. Enfin, l’impact du télétravail sur les conditions de travail et parcours des femmes et des hommes n’est pas abordé.
Bernard Domergue
“La politique salariale est de plus en plus individualisée”
16/11/2021
Alors que le débat sur les salaires refait surface à l’approche de la présidentielle, le rapport publié par la Dares sur le dialogue social en entreprise souligne le peu de marge de manoeuvre dont disposent les entreprises et les représentants du personnel en matière de négociations salariales. Entretien avec Camille Signoretto et Baptiste Giraud, les coordonnateurs du rapport.
La Dares a publié en septembre un rapport d’études intitulé “Reconfigurations des usages et des pratiques du dialogue social en entreprise dans un contexte de changement socio-productif et institutionnel” (en pièce jointe). Les chercheurs ont travaillé à partir de la dernière enquête Réponse de 2017 du ministère du Rravail qui est réalisée tous les six ans. Les auteurs du rapport ont choisi comme angle d’entrée quatre modèles socio-productifs, configurations-types d’entreprise qui vont au-delà de la taille et du secteur. Entretien avec les coordonnateurs du rapport, Baptiste Giraud (LEST) (*) et Camille Signoretto (Ladyss, LEST, CEET).
Des petites entreprises paternalistes souvent dénuées de représentants du personnel
Le premier modèle identifié est celui des petites entreprises paternalistes “où les négociations collectives comme les conflits collectifs restent rares et l’absence d’IRP demeure la règle”, note Baptiste Giraud. “Les IRP y sont très contrôlées par les employeurs et davantage sélectionnées par la direction de l’entreprise que par les salariés, poursuit le chercheur. Comme il n’existe souvent pas de service RH, les représentants du personnel, lorsqu’ils sont présents, y sont souvent un substitut. Et dans ce cas, il est improbable que les représentants du personnel portent des revendications salariales”. “Leur marge de manoeuvre est assez faible”, renchérit Camille Signoretto. “Dans ce cadre, les IRP ne servent guère à faire émerger la parole des salariés, ni à engager des négociations ou des discussions collectives informelles, mais uniquement, dans de rares cas, à ratifier sous la forme d’accords collectifs des décisions unilatérales imposées par l’employeur”, note le rapport.
Dans ce modèle, l’absence de négociations salariales n’est pas que le fait de la faiblesse ou de l’absence d’IRP ; la direction elle-même subit des contraintes. “Bien souvent, les entreprises sont en situation de sous-traitance, avec une faible valeur ajoutée. Le contexte de dépendance économique entraîne une pression sur les salaires via les donneurs d’ordre”, observe Baptiste Giraud.
Des PME innovantes et dynamiques où la négociation salariale est individualisée
Deuxième catégorie d’entreprises, les PME innovantes et dynamiques. “Il s’agit d’entreprises en croissance qui vont bien, qui ont une bonne place sur le marché économique, elles sont l’objet de peu de conflits, observe Camille Signoretto. Il peut s’agir de start-up ou d’entreprises qui sont sur des marchés de niche avec des produits à haute valeur ajoutée. Dans ces entreprises, les salariés ont plus d’autonomie, la main d’oeuvre est plus qualifiée. Leur autonomie est tout de même contrôlée par des objectifs de résultat. Les représentants du personnel disposent de plus de ressources personnelles”.
Baptiste Giraud y observe “une forte individualisation des politiques salariales avec beaucoup de primes”. Par ailleurs, “les représentants du personnel, en grande majorité, ne sont pas syndiqués. Les élus sont souvent diplômés et jouent rarement un rôle de médiateur en matière de salaires car les salaires sont plus élevés et le pouvoir de négociation individuelle est aussi plus élevé”.
Ce que résume ainsi le rapport : “Si les négociations collectives ne sont pas absentes, elles se concentrent en revanche plus souvent qu’ailleurs uniquement sur le thème de l’organisation du travail et l’épargne salariale, l’enjeu des salaires étant le plus souvent renvoyé à des discussions informelles avec les représentants du personnel. La représentation du personnel continue donc de ne jouer secondaire dans la régulation des relations de travail”.
Des entreprises néo-tayloriennes de service contraintes par des subventions publiques
Troisième modèle, les entreprises néo-tayloriennes de service “dont la gestion se caractérise en premier lieu par des contraintes budgétaires et la faible autonomie en matière d’emploi ou de salaires, du fait que ces établissements sont situés sur des marchés réglementés par l’administration et dépendantes de financements publics, ou qu’ils sont plus souvent filiales de grands groupes d’entreprises”, explique le rapport. “On observe une organisation de travail très rigide avec de nouveaux modes de contrôle, indique Camille Signoretto. Il y a une surreprésentation de ces entreprises dans le secteur sanitaire et social. La syndicalisation y est plus forte même au niveau des salariés ; il y a plus de conflits et de tensions. Ces entreprises sont pressurisées par le contexte économique car, soit elles sont en difficulté, soit elles sont soumises à des contraintes liées au versement de subventions publiques avec des budgets serrés, ne disposant ainsi que de peu de marge de manoeuvre”. “Le fait d’être sur des marchés réglementés par les collectivités territoriales ou l’Etat crée des contraintes extérieures sur la politique salariale. Elles sont par ailleurs dans un marché concurrentiel qui suppose de s’aligner sur les salaires (souvent bas) des associations sauf pour le personnel qualifié”, complète Baptiste Giraud.
Des entreprises néo-fordistes en tension soumises à la financiarisation de leur capital
Dernier modèle identifié : les entreprises néo-fordistes en tension. “Ce sont souvent de grands groupes industriels ou bien encore des groupes de la grande distribution”, observe Camille Signoretto. “La présence syndicale est quasiment systématique, note Baptiste Giraud. Les syndicats sont ancrés de longue date, il y a une transmission militante. Si les salaires sont un enjeu ritualisé dans les pratiques de négociation, ces entreprises subissent une forte contrainte liée à la financiarisation de leur capital, sans compter que certaines sont en difficultés avec une pression sur les salaires et les emplois dans le cadre de restructurations”.
Ces entreprises sont donc “davantage symptomatiques du développement d’un capitalisme financiarisé, qui limite autant l’autonomie des directions dans leur décision que les salariés dans leur travail, constate le rapport. Les enquêtes de terrain mettent également en évidence la manière dont la domination actionnariale et la centralisation des décisions au niveau du groupe peut vider de sa substance les négociations qui se déploient à l’échelle des établissements”.
Une réalité qui contraste avec la volonté de développer la négociation salariale d’entreprise
Le rapport met en lumière les obstacles que rencontrent – de fait – bon nombre d’entreprises dans leur capacité de négociation salariale. Et ce, alors même que dans le cadre du débat actuel sur le pouvoir d’achat, certains ministres comme Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, appellent les entreprises à augmenter les salaires. “Il existe des idées reçues sur les entreprises de la part des politiques qui disent qu’il faut négocier au sein des entreprises, constate Camille Signoretto. Ils oublient que la négociation n’aboutit pas nécessairement à un accord, que cela peut donner lieu à une décision unilatérale de l’employeur, à un désaccord voire même conflit pour faire avancer la négociation. Les politiques nient la relation de subordination entre les salariés et leur entreprise”.
“C’est un point qu’on a voulu mettre en avant : même dans des modèles où il n’y a pas de mobilisation collective par rapport à la négociation collective, pour autant, il existe des points de tension, une conflictualité souterraine sur les conditions de travail et les salaires qui sont objets de micro-conflits et de tensions, explique Baptiste Giraud. Ces sujets n’émergent pas comme un objet de mobilisation collective car la structure du personnel ne permet pas la mise en commun de ces attentes, notamment dans les PME et que, par ailleurs, le modèle d’organisation dans ce type de marchés réduit les marges de manoeuvre. Même dans les TPE paternalistes, il est difficile de perpétuer ce modèle qui passait par des meilleurs salaires. La pression des donneurs d’ordre attise les conflits dans ces entreprises. L’insatisfaction se traduit alors par des salariés qui partent quand l’économie va mieux, quand le marché du travail est plus en tension”.
Baptiste Giraud observe même un effet inverse sur les salaires à l’issue des dernières réformes sur la décentralisation de la négociation collective. “Les ordonnances Macron ont renvoyé à la négociation d’entreprise la majoration des heures complémentaires, donnant ainsi la possibilité aux entreprises de baisser le taux de majoration de ces heures. Or, dans certaines entreprises, c’est le seul levier pour avoir une rémunération décente”. Dès lors poursuit-il, “pour toute une série d’entreprises, on ne peut imaginer une hausse des salaires qu’au niveau de la branche ou de la loi par le levier du Smic. Même dans les très grandes entreprises avec des militants aguerris, les salariés peuvent être soumis au chantage permanent à la restructuration, à l’emploi”. La position des DRH n’est pas non plus aisée. “Dans ces grandes entreprises, la seule marge de manoeuvre du DRH est bien souvent de savoir où placer le curseur entre augmentation générale et augmentations individuelles”, souligne le chercheur. “La politique salariale est de plus en plus individualisée. Les entreprises versent plus de primes individuelles, d’intéressement et moins d’augmentations générales”, complète Camille Signoretto.
Autant dire que le rapport bat en brèche l’idée d’une décentralisation aisée de la négociation collective en matière de rémunérations.
Un premier bilan mitigé de la mise en place du CSE
Le rapport s’interroge aussi sur les premiers effets de la mise en oeuvre du comité social et économique. “Nous manquons de recul et il y a eu la crise sanitaire, prévient Baptiste Giraud. Toutefois, on observe que dans toute une série d’entreprises, la mise en place du CSE a constitué un non-événement. Là où les IRP fonctionnent peu ou mal, la mise en place du CSE n’a rien changé”. Le chercheur note également que “les entreprises s’y sont prises au dernier moment et se sont contentées de transposer les textes. Globalement, là où le gouvernement avait annoncé des négociations sur les modalités de fonctionnement du CSE, on a assisté à une mise en place a minima du CSE, à une érosion significative des moyens institutionnels et à une baisse du nombre de mandats”. “La difficulté est que cela risque de renforcer le rôle des délégués centraux avec le risque qu’ils soient déconnectés du terrain, met en garde Baptiste Giraud. D’autant plus que les représentants de proximité se mettent en place de manière erratique. Les DRH vont peut-être se rendre compte qu’ils sont nécessaires pour recueillir des remontées du terrain”.
(*) Baptiste Giraud a participé à deux ouvrages sur le syndicalisme : “Sociologie politique du syndicalisme”, de Baptiste Giraud, Karel Yon et Sophie Béroud aux éditions Armand Colin, et “Le travail syndical en actes. Faire adhérer, mobiliser, représenter”, sous la direction de Baptiste Giraud et Yolaine Gassier aux Presses universitaires du Septentrion.
Florence Mehrez
Retraite complémentaire : deux avenants de l’ANI du 17 novembre sont étendus
17/11/2021
Un arrêté du 2 novembre 2021, paru au Journal officiel hier, étend et élargit les avenants n°10 et n°11 du 15 décembre 2020 à l’accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 instituant le régime Agirc-Arrco de retraite complémentaire. Le premier porte sur la modification du champ de l’exonération des cotisations salariales des apprentis. Le second apporte des modifications rédactionnelles à l’article 42 de l’accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017, portant sur la règle de calcul de l’indemnité due par l’entreprise en cas de démission.
Salarié protégé : rappel des règles en matière de résiliation judiciaire après une autorisation de licenciement annulée
18/11/2021
La juridiction prud’homale ne peut se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire d’un salarié protégé licencié sur autorisation, même si cette saisine est antérieure à la rupture. Il en va de même si l’autorisation de licenciement a été annulée, dès lors que le salarié n’a pas demandé sa réintégration.
La demande de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur introduite par un salarié protégé (1) ne fait pas bon ménage avec l’autorisation de licenciement. Même si la demande est introduite avant l’autorisation de licenciement, la résiliation judiciaire ne peut être prononcée par le juge judiciaire. Et c’est logique : l’autorisation de licenciement a permis la rupture du contrat de travail, il est donc impossible de le rompre à nouveau, et ce, même si cette autorisation a ensuite été annulée dès lors que le salarié n’a pas demandé sa réintégration. Dans un arrêt du 10 novembre 2021, la Cour de cassation revient sur les règles applicables en matière de résiliation judiciaire, en cas d’annulation de l’autorisation de licenciement.
Demande de résiliation judiciaire et autorisation de licenciement
Dans cette affaire, un salarié protégé saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire aux torts de son employeur en janvier 2010. En avril 2010, il est licencié pour faute par son employeur après obtention d’une autorisation administrative. Cette autorisation est annulée par le tribunal administratif, décision confirmée par la cour administrative d’appel et le Conseil d’État. C’est alors que le salarié demande à la juridiction prud’homale, toujours saisie de sa demande de résiliation judiciaire, de se prononcer à ce sujet.
La cour d’appel fait droit à sa demande et lui octroie l’indemnisation qui va de pair avec cette décision. La résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur d’un salarié protégé produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur. Le salarié protégé a droit aux dommages-intérêts pour licenciement nul (80 000€ dans cette affaire) et aux dommages-intérêts pour violation du statut protecteur (234 726€ ici).
Mais, l’employeur n’est pas d’accord, et la Cour de cassation non plus.
Rupture du contrat sur le fondement d’une autorisation administrative ensuite annulée
En effet, « le contrat de travail du salarié protégé, licencié sur le fondement d’une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l’effet du licenciement ». Dans ce cas, « lorsque l’annulation est devenue définitive, le salarié a droit, d’une part, en application de l’article L. 2422-4 du code du travail, au paiement d’une indemnité égale à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d’annulation, d’autre part, au paiement des indemnités de rupture, s’il n’en a pas bénéficié au moment du licenciement et s’il remplit les conditions pour y prétendre, et de l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail, s’il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse ».
Pas de résiliation judiciaire, même en cas de saisine antérieure à l’autorisation
Il n’y a pas de violation du statut protecteur puisque le licenciement était autorisé. Et en l’absence de demande de réintégration, le contrat est rompu et le salarié ne peut prétendre qu’à l’indemnisation du préjudice subi (pour la période écoulée entre son licenciement et 2 mois suivant la notification de la décision d’annulation, sous déduction des sommes que le salarié a perçues pendant la période litigieuse), et non à l’indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur.
Et la Cour de cassation d’en déduire que « ces dispositions font obstacle à ce que la juridiction prud’homale se prononce sur la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé, même si sa saisine est antérieure à la rupture », le salarié n’ayant pas demandé sa réintégration à la suite de l’annulation de l’autorisation de licenciement. En effet, n’ayant pas demandé sa réintégration, insiste la Cour de cassation, le contrat est bien rompu et ne peut donc l’être une seconde fois au titre de la résiliation judiciaire.
► NDLR : à noter que dans le cas du transfert d’un salarié protégé, l’existence d’une autorisation administrative de transfert ne prive pas le juge judiciaire du pouvoir de se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé antérieurement à cette autorisation (Cass. soc., 24 janv. 2018, n° 16-12.733). Dans ce cas, le contrat de travail n’est pas rompu.
Demande de réintégration
Il résulte de cette décision, que si le salarié protégé avait demandé sa réintégration, le contrat n’aurait alors « plus » été rompu, mais rétabli, continué. Le salarié aurait alors pu demander la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, et obtenir l’indemnisation ad hoc.
► Remarque : il semble que dans ce cas, le salarié pourrait obtenir d’une part l’indemnisation suite à réintégration pour annulation de l’autorisation de licenciement (de la date d’éviction, jusqu’à la réintégration sous déduction des sommes perçues pendant la période litigieuse), et l’indemnisation pour violation du statut protecteur suite à la résiliation judiciaire le cas échéant (indemnité forfaitaire égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre la date d’effet de la résiliation et jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande). Il n’y a pas que dans ce cas de cumul prohibé d’indemnisation, le préjudice et la période couverte par l’indemnisation étant différentes.
(1) Qu’est-ce que la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur ? Le salarié qui reproche à son employeur des manquements graves à ses obligations contractuelles peut demander au conseil des prud’hommes (CPH) de résilier son contrat de travail. En cas de résiliation, la rupture est considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou comme un licenciement nul si le salarié était représentant du personnel, au jour de la demande.
Compte personnel de formation : des contrôles qualité plus ciblés
08/11/2021
A l’occasion d’un colloque consacré aux deux ans du lancement de l’application dédiée au compte personnel de formation (CPF), Elisabeth Borne a indiqué qu’elle souhaitait s’atteler à “la qualité du catalogue de formations proposées”. 500 à 600 certifications figurant au Répertoire spécifique ne devraient pas passer le cap de la sélection.
Vigilance toute ! Alors que tous les organismes de formation devront disposer de la certification Qualiopi pour bénéficier des fonds publics ou mutualisés des financeurs de la formation professionnelle dont les opérateurs de compétences (Opco), à compter du 1er janvier 2022, le ministère du Travail compte bien se saisir de cette opportunité pour renforcer la qualité des stages proposés dans le cadre du compte personnel de formation par les prestataires. “Le renouvellement ou non des certifications permettra d’avoir une offre de formation de meilleure qualité et en adéquation avec les besoins en compétences du marché du travail”, a ainsi déclaré Elisabeth Borne, le 28 octobre, lors d’un colloque consacré aux deux ans du lancement de l’application Mon compte formation.
Une trentaine d’organismes sont actuellement habilités à délivrés ce précieux sésame, déterminé à partir de 7 critères (objectifs des prestations, modalités d’accueil des stagiaires, évaluation des publics bénéficiaires, qualification des formateurs…) et de 32 indicateurs d’appréciation. Lesquels peuvent être communs à toutes les actions de formation ou spécifiques, dépendant de la prestation fournie (développement des compétences, apprentissage, bilan de compétences, validation des acquis de l’expérience).
Contrôler les certificateurs
La loi Avenir professionnel prévoyait uniquement un audit simplifié pour les organismes détenteurs, avant la réforme de 2018, d’une certification ou d’un label qualité référencés par l’ex Cnefop (Conseil national pour l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles). Or, tous les prestataires ne décrocheront pas la nouvelle certification Qualiopi. Y compris ceux qui détenaient, avant la loi Avenir professionnel, une certification ou un label qualité.
De plus, la ministre du Travail a indiqué que France compétences et la Caisse des dépôts vont intensifier les contrôles sur les certifications en 2022. Notamment vis-à-vis des certificateurs.
Répertoire spécifique
La ministre compte aussi s’atteler aux formations figurant au sein du Répertoire spécifique des certifications et des habilitations (ex-Inventaire) qui recense des qualifications transversales à un métier, comme par exemple, les habilitations électriques, CléA (socle de connaissances et de compétences), les certifications informatiques ou encore linguistiques. Celles figurant dans l’ancien Inventaire ont été enregistrées automatiquement dans le Repertoire spécifique jusqu’au 31 décembre 2021. Mais toutes ne passeront pas le cap du nouvel enregistrement.
Les nouvelles exigences qualité de ces certifications vont être scrutées de près. Sans remettre en cause certains cours de langues ou le permis de conduire finançables via le CPF, comme plusieurs organisations syndicales le souhaitent, elle prévoit de mener une sélection drastique. “Alors que 1 300 des 1 500 certifications du Répertoire arrivent à échéance, plus de la moitié des dossiers instruits ne présentent pas, en l’état, de garantie de qualité suffisante permettant leur renouvellement”, a prévenu Stéphane Lardy, le directeur général de France compétences, en charge du système de certification. Soit 500 à 600 certifications.
PLFR 2021 : une rallonge budgétaire pour faire face au succès du CPF
Le succès du compte personnel de formation se confirme. Selon une étude de la Dares (lire en pièce jointe) publiée le 28 octobre, quelques 984 000 formations ont été suivies dans ce cadre, en 2020, contre 517 000 en 2019. Porté par le permis de conduire et le certificat d’aptitude à la conduite en sécurité (Caces), le domaine des transports est en tête et représente plus d’un quart des formations suivies. Viennent ensuite les langues (17 %), le développement des capacités d’orientation, d’insertion, de réinsertion sociales et professionnelles (15,2 %) ou encore l’informatique (10,3 %). Cette hausse des formations suivies s’explique pour la Dares, par le passage au “parcours achat direct” (PAD), qui permet aux personnes de mobiliser leurs droits via l’application Mon compte formation, sans passer par un intermédiaire pour acheter une formation. Ce PAD est particulièrement favorable aux femmes, aux moins de 30 ans et aux plus de 60 ans ainsi qu’aux demandeurs d’emploi et aux salariés non-cadres. “Le choix s’est en outre porté davantage sur des formations courtes, mais ce point doit être relativisé car la possibilité de bénéficier de financements supplémentaires de Pôle emploi, de l’Etat, des employeurs et des conseils régionaux n’a été ouverte que progressivement à partir de l’été 2020”, précise la Dares. La co-construction doit, en effet, progresser : 8 000 entreprises ont abondé le CPF, quatre régions (Occitanie, Hauts-de-France, Pays de la Loire, Bourgogne) et quelques branches professionnelles (finance-conseil, agro-alimentaire, cohésion sociale) pour un total de 100 millions d’euros. Mais la montée en puissance du CPF a aussi grevé les comptes de France compétences, l’instance de gouvernance nationale qui répartit les fonds de la formation et de l’apprentissage. Fin 2021, elle devrait accuser un déficit de plus de trois milliards d’euros. Pour limiter cette dégradation, l’exécutif a prévu une rallonge budgétaire qui doit figurer dans la loi de finances rectificatives (PLFR 2021), présentée aujourd’hui en conseil des ministres. Son montant n’a toutefois pas été précisé.
Anne Bariet
“Mon compte formation” valorise le conseil en évolution professionnelle
09/11/2021
La plateforme “Mon compte formation” s’offre une nouvelle page d’accueil. Le conseil en évolution professionnelle (CEP) est valorisé. Dès leur arrivée sur la plateforme, les internautes sont informés de l’existence du service. Et en quelques clics, ils peuvent obtenir la liste des opérateurs les plus proches de chez eux. Cette valorisation du CEP répond à un souhait de la ministre du Travail : “que chacun sache qu’il peut bénéficier d’un accompagnement par un conseiller pour faire le point sur sa situation, réfléchir à une évolution professionnelle, une reconversion, et en conséquence choisir une formation adaptée”.
Le site a également été repensé afin de permettre aux usagers de trouver plus facilement les informations dont ils ont besoin : créer son compte personnel de formation ; consulter ses droits ; trouver sa formation et son accompagnement etc. “Cela permettra de rendre l’accès à la formation encore plus simple et rapide, pour tous les publics”, selon le communiqué du ministère.
actuEL CE
CPF : attention, les escroqueries continuent !
16/11/2021
Les escroqueries visant à vider les comptes personnels de formation (CPF) de leur crédit continuent. L’arnaque démarre généralement par un appel téléphonique, l’envoi d’un mail ou d’un SMS, d’une personne prétendant appartenir à la plateforme “Mon Compte Formation” ou à un autre organisme.
La Caisse des dépôts et consignations (CDC) appelle régulièrement à la vigilance. Rappel de la marche à suivre en cas d’arnaque.
Ne jamais communiquer son numéro de sécurité sociale ou son mot de passe
En général, l’escroc demande au titulaire d’un CPF son numéro de sécurité sociale et son mot de passe pour accéder au compte. Il peut également créer directement un compte par téléphone.
Une fois la connexion effectuée, il peut inscrire le titulaire du compte, avec ou sans son consentement, à une formation factice ou frauduleuse.
Dans certains cas, l’escroc connaît déjà les nom, prénom et numéro de sécurité sociale. Le titulaire du compte découvre alors l’inscription à une formation en se connectant à son compte.
Signaler toute escroquerie à la Caisse des dépôts et consignations
Toute personne ayant été victime d’une escroquerie doit remplir un formulaire spécifique et l’envoyer à la CDC via Mon Compte Formation.
La Caisse des dépôts donne cinq conseils à suivre en cas d’arnaque :
changer immédiatement de mot de passe ;
consulter les informations disponibles sur son CPF ;
conserver les preuves ;
contacter la plateforme Infos Escroqueries pour être conseillé ;