11/02/2021
L’article 16 du projet de loi climat a été présenté hier avec l’ensemble du texte au conseil des ministres (documents en pièces jointes). Si l’exposé des motifs est inchangé, la rédaction de l’article est modifiée à la marge, sans que cela impacte le fond des principes :
- la réponse aux enjeux de la transition écologique est ajoutée aux négociations de branche et accords professionnelles de gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) (art. L.2241-12 et L.2242-20) ;
- le CSE est informé et consulté sur les conséquences environnementales des questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise (art. L. 2312-8) ;
- le CSE est informé sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise lors des consultations sur les orientations stratégiques de l’entreprise, la situation économique et financière de l’entreprise, la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi (art. L. 2312-17 et L. 2312-22).
Le gouvernement a par ailleurs rendu public l’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi. La juridiction estime que “l’étude d’impact comporte des insuffisances notables sur certaines mesures”. Il ne s’agit cependant pas de l’article sur les CSE. S’agissant des autres mesures sociales, le Conseil d’Etat “estime qu’aucun principe juridique ne fait obstacle à l’adoption de ces dispositions”. Il “rappelle, toutefois, que la GPEC couvre un champ de négociation collective portant sur des questions plus générales que la seule adaptation aux enjeux de la transition écologique. Il considère ensuite que les termes « d’acteurs de la transition écologique sur le territoire » ne définissent pas de manière suffisamment précise les personnes susceptibles d’être désignées au sein du Crefop et privilégie ceux de « personnes qualifiées dans le domaine de la transition écologique ». Il ne retient pas, enfin, la disposition fixant leur nombre et leurs modalités de désignation au sein du CREFOP, la fixation de ce nombre et de ces modalités relevant du pouvoir réglementaire dès lors que la loi a fixé le principe d’une telle représentation”.
Comment intégrer l’environnement aux missions du CSE ? Deux élues témoignent de leur politique de petits pas
09/02/2021
Le réseau inter-CSE Cezam des Pays-de-Loire a organisé, vendredi 5 février, une visioconférence en présence de represente.org et Gate17, deux structures qui accompagnent les CSE dans leur démarche écologique. Deux élues, Christine Stephan et Victoire, ont expliqué leur parcours et donné des conseils de réalisations concrètes.
Selon la Commission européene, l’inaction contre le réchauffement climatique coûterait 7 points de PIB à l’horizon 2050. En introduction de cette visioconférence, Agnès Rivière, co-fondatrice de represente.org (lire notre article) et elle-même ancienne élue du personnel, rappelle que quelques degrés de hausse des températures au niveau global produisent des conséquences gigantesques. Les experts du climat relèvent un risque d’emballement du phénomène si les 2 degrés de réchauffement sont dépassés. Il est donc inquiétant de constater que si l’accord de Paris prévoit de réduire les émissions de carbone à 2 tonnes par an et par habitant, selon les chiffres de janvier 2020, l’empreinte carbone des Français reste stable, à 11 tonnes par an et par habitant…
Par ailleurs, selon l’étude du cabinet Carbone 4 en juin 2019, les efforts à fournir pour réduire le réchauffement climatique reposent pour un quart sur les particulier et trois quarts sur les Etats et les entreprises. Or, les CSE se trouvent à la croisée des chemins entre ces deux publics : ils peuvent accompagner les individus au travers de leurs missions sociales mais disposent aussi d’un impact collectif grâce à leur rôle primordial dans le dialogue au sein des entreprises.
Mathilde Despax, cofondatrice et présidente de Gate17 (pour Groupe Action Travail Environnement), retrace pour les participants les dernières étapes d’évolutions législatives en faveur du climat. Le 12 décembre 2015, l’accord de Paris était signé via la COP21 par 196 parties, avec pour objectif de limiter le réchauffement climatique à moins de 2 degrés.
Où en est-on presque six ans après ? Entre temps, la taxe carbone a été abandonnée, le mouvement des gilets jaunes s’étant en partie contruit en opposition à ce projet. La loi Pacte du 22 mai 2019 a ensuite introduit une modification de l’article 1833 du code civil, intégrant que “la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité”. Fin 2019 – début 2020, après le grand débat national promis par Emmanuel Macron a émergé la convention citoyenne pour le climat, avec pour conséquence l’article 16 du projet de loi du même nom qui décerne aux CSE une nouvelle attribution : la prise en compte des conséquences environnementales dans les informations consultations (lire notre brève). Le texte final du projet de loi devrait être examiné au mois de juillet par l’Assemblée Nationale.
Les CSE disposent de la légitimité nécessaire
Pour Vincent Leprince, formateur CSE, membre du réseau Cezam Pays-de-Loire et animateur de cette visioconférence, la légitimité des CSE en matière d’environnement est en train de pointer : “Les CSE disposent de la légitimité historique nécessaire”. Elle ne fait que suivre sa légitimité historique sur les sujets des générations précédentes. Aujourd’hui, selon l’enquête menée par represente.org (lire notre article), 80 % des élus et des salariés pensent que le CSE a un rôle à jouer dans la transition écologique, 9 salariés sur 10 aimeraient bénéficier d’ASC éco-responsables, mais seulement 5 % des budgets de CSE y sont consacrés. La prise en compte des enjeux environnementaux ne reflète donc qu’une évolution du rôle des CSE pour s’adapter aux nouveaux besoins de la société et des salariés, adaptation que les comités d’entreprise ont réalisée tout au long de leur histoire : des besoins vitaux et notamment alimentaires après-guerre (les fameux “comités patates”), les CE ont ensuite participé à l’essor des besoins culturels lors des décennies suivantes, notamment au travers des ASC et de l’essor des bibliothèques et médiathèques.
Aujourd’hui, selon Vincent Leprince, “les besoins sont en partie centrés sur la restauration de pouvoir d’achat, il est question d’aider les salariés à moins dépenser, à faire des économies d’énergie, à adopter de bons gestes”. Une fenêtre d’opportunité s’ouvre donc pour les élus qui sont ouverts à intégrer l’environnement dans leurs missions. Les témoignages des deux élues de CSE présentes à la visioconférence le confirment et donnent des exemples d’actions concrètes à mettre en oeuvre.
Christine Stephan : “Adopter une politique des petits pas”
Chez Liebherr Aerospace, à Toulouse, les élus du CSE ont créé une commission développement durable depuis quatre ans, adoptée via l’accord de fonctionnement de l’instance. Le budget du comité varie entre 4 000 et 6 000 €. “Notre idée de départ était d’essaimer des activités environnementales sur les activités sociales et culturelles, raconte Christine Stephan, secrétaire du CSE. Avec la commission, nous avons commencé par de petites choses, une politique de petits pas, comme les gobelets à café et de la vaisselle réutilisables, le tri des déchets dans notre restauration collective, la distribution du pain non consommé affin qu’il ne soit pas gaspillé”. Le CSE a ensuite mis en place deux semaines d’animations par an sur des thèmes écologiques, comme la toxicité des produits ménagers, les collectes solidaires ou encore un jardin pédagogique. Selon Christine Stephan, “cela a permis de sensibiliser les salariés. Nous n’y sommes pas allés avec de gros sabots, nous avons réalisé de petites actions du quotidien”. Le CSE a également édité un guide des achats responsables à destination des élus eux-mêmes, afin que tout achat intègre la dimension écologique et les élus disposent de lignes auxquelles se référer avant d’engager des dépenses.
“Ensuite, nous avons eu l’idée de déterminer des objectifs de développement durable dans nos actions. Nous avons ainsi établi une charte dédiée pour nos ASC. Et nous avons constaté l’adhésion des salariés, tous profils confondus, y compris les cadres”, constate Christine Stephan. Pour l’élue, tout est parti d’une enquête de satisfaction réalisée auprès des salariés sur les réalisations des commissions du CSE. Les élus ont alors découvert que la commission développement durable était la plus sollicitée… Il demeure que créer une telle commission nécessite l’accord de l’employeur.
Victoire Martinet : “Flêcher 100 % du budget ASC vers des avantages éco-responsables”
Victoire est élue du CSE de Job Teaser, qui ne dispose pas de commission dédiée à l’environnement ou au développement durable. Le jeune CSE existe depuis seulement trois ans. L’organisation d’événements étant particulièrement difficile en 2020 en raison de la crise de la Covid-19, le CSE s’est penché sur les résultats d’une enquête auprès des salariés qui a généré de très nombreux retours, plus de 80 % des employés ayant répondu, notamment en faveur d’une action de gestion des déchets.
“Par la suite, nous avons flêché 100 % du budget ASC vers des avantages éco-responsables. Cette année, nous avons proposé un calendrier de l’avent avec uniquement des entreprises engagées dans une démarche éthique, et nous avons eu beaucoup de retombées positives des salariés”, témoigne Christine Martinet. Fort de ce succès, les élus du CSE ont ensuite adopté les chèques cadeaux éthiques puis organisé un atelier avec La Fresque du climat, association créée fin 2018 qui propose des ateliers collaboratifs basés sur les travaux du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Et le CSE ne s’est pas arrêté là ! Il a financé une partie du bilan carbone individualisé des salariés et promu le challenge Ma petite planète, un jeu par équipes proposant des défis écologiques. “Les loisirs, c’est compliqué en ce moment avec la crise sanitaire, donc nous en profitons pour fédérer les salariés au travers de ce genre d’événement”, explique Victoire Martinet.
En conclusion de la visioconférence, Vincent Leprince remarque que l’environnement constitue finalement un levier de dialogue social.Le formateur CSE conseille également aux élus de penser aux blocs de mission du CSE et de les aborder un à un sous la perspective verte. Il faut ensuite aller au-delà des ASC et solliciter les directions sur la prise en compte des conséquences environnementale dans les enjeux stratégiques de l’entreprise. Une autre pierre, et non des moindres, à ajouter à l’édifice… Un élément récent à utiliser pour faire bouger les directions peut être de leur rappeler la décision du tribunal administratif de Paris, qui a condamné l’Etat pour son inaction dans la lutte contre le réchauffement climatique (lire notre brève).
► La visioconférence peut être regardée en replay en suivant ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=FRWoX0OCOGw&feature=youtu.be
Marie-Aude Grimont