Archives de catégorie : Newsletter N°7 – Actu Sociale

Emploi : près de 900 PSE engagés depuis mars 2020

26/02/2021

Selon les derniers chiffres communiqués, hier, par la Dares, 884 procédures de PSE (plans de sauvegarde de l’emploi) ont été initiés entre le 1er mars 2020 et le 21 février 2021, entraînant 103 392 ruptures de contrat de travail. C’est “près de trois fois plus que sur la même période l’année précédente” où ce chiffre était de 36 247 car 498 PSE avaient été initiés du 1er mars 2019 au 21 février 2020. Par secteur, l’industrie manufacturière concentre 32 % des ruptures ; le commerce et la réparation automobile,19 % et le transport et l’entreposage, 15 %.

Par ailleurs, près de 6 900 procédures de licenciement collectif pour motif économique hors PSE ont été notifiées auprès des Direccte. Elles concernent dans plus de neuf cas sur dix des licenciements de moins de 10 salariés. Les secteurs les plus touchés sont le commerce et la réparation d’automobile (19 %), l’industrie manufacturière (17 %), la construction (15 %) et l’hébergement-restauration (13 %)

Covid-19 : pour le nettoyage ou la désinfection, quel protocole de traitement des surfaces l’entreprise doit-elle adopter ?

01/03/2021

Au quotidien, le nettoyage est la meilleure arme pour maintenir un faible risque de contamination par les surfaces. La désinfection, elle, est à réserver aux opérations ponctuelles, pour faire descendre le niveau de micro-organismes présents sur les surfaces à haut risque à un niveau acceptable ou lorsqu’un cas Covid s’est déclaré dans les locaux.

Les locaux doivent-ils être nettoyés ? Désinfectés ? Les deux ? Bonne nouvelle : pour lutter contre la transmission du Sars-CoV-2, l’option la plus simple, soit le nettoyage, est celle qui doit être effectuée au quotidien. La désinfection, elle, doit être réservée pour des utilisations plus ponctuelles, en fonction du risque de contamination d’une surface.

Ce risque s’évalue en fonction de l’usage de la surface et de l’affluence dans la pièce : plus l’affluence est importante, plus le risque de contamination par des postillons est élevé, explique Christine David, chercheuse à l’INRS (institut national de recherche et de sécurité). De la même façon, plus les surfaces sont touchées, plus le risque de contamination par des mains contaminées est important – d’où, par ailleurs, l’intérêt de respecter les autres mesures barrières, qui permettent de limiter les surfaces à haut risques -.

Le nettoyage quotidien, suffisant pour les surfaces à faible risque

Pour les surfaces à faible risque de contamination comme pour les surfaces à plus haut risque, le nettoyage ne doit jamais être négligé : c’est une étape incontournable, qui s’effectue quotidiennement. Le protocole de nettoyage se fait avec un tensioactif, présent dans les savons, dégraissants, détergents ou détachants. Le tensioactif va solubiliser les lipides de l’enveloppe du Sars-CoV-2, rendant le virus inactif.  

Le nettoyage suffit ainsi à entretenir les surfaces à faible risque de contamination, mais peut également se montrer très utile pour les surfaces à haut risque, comme les poignées de porte ou les rampes. Il permet en effet d’avoir à désinfecter : un nettoyage régulier, avec plusieurs passages dans la journée, permet de ne pas atteindre une concentration de virus sur ces surfaces qui serait trop importante et nécessiterait donc de lancer un processus de désinfection. Bref, ne pas hésiter, donc, à augmenter la fréquence des opérations de nettoyage, suggère Christine David.

À effectuer ponctuellement : la désinfection chimique ou vapeur

La désinfection, de son côté, permet de réduire le nombre de micro-organismes présents sur la surface à un niveau jugé approprié : elle peut se révéler utile de façon ponctuelle pour des surfaces à fort risque de contamination lorsqu’il n’a pas été possible d’effectuer des routines de nettoyage régulières, ou si le risque était imprévisible, c’est-à-dire lorsqu’un cas Covid s’est déclaré. Bon à savoir : si un cas Covid s’est déclaré dans un bureau individuel, il n’est pas forcément nécessaire d’opter pour la désinfection. Le bureau peut être condamné le temps que le virus meure naturellement, avant d’être nettoyé.

Pour la désinfection chimique (manuelle ou par voie aérienne) comme pour la désinfection par la vapeur, l’important est de veiller à ce que la charge virale soit réduite d’au moins 4 log (soit à 99,99 %) et que le temps d’action soit le plus réduit possible. La désinfection est inutile si le temps d’action du procédé se compte en heures : la survie du virus étant limitée sur une surface sèche, il vaut mieux attendre sa diminution naturelle.

 La désinfection chimique manuelle

La désinfection chimique est à réserver pour les opérations coup de poing, à effet immédiat. Elle se fait impérativement après nettoyage, pour que la surface désinfectante se fixe sur les micro-organismes, avec l’un des produits ou substances suivants :

– un produit commercial répondant à la norme virucide NF EN 14 476 ;

– de l’hypochlorite de sodium (eau de Javel), virucide à 0,1 % chlore actif ;

– du peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée) à 0,5 % ;

– de l’éthanol à 70 % ;

– de l’isopropanol (ou butan 2-ol) à 70 %.

Pour limiter la formation d’aérosols, l’utilisation d’un balai humide ou de lingettes pré-imbibées ou à imbiber est recommandée. Prudence toutefois : mal employée, la désinfection peut augmenter la résistance des micro-organismes et générer des risques pour les opérateurs.

► La DSVA (désinfection des surfaces par voie aérienne)

La DSVA est effectuée par un automate adapté au volume de la salle, qui pulvérise des gouttelettes sur les surfaces. Elle ne désinfecte pas l’air, mais utilise l’air pour propulser le produit. Attention : ce procédé doit se faire sans présence humaine. Le protocole est lourd, puisqu’il exige de :

– ranger la pièce ;

– nettoyer au préalable ;

– rendre les locaux parfaitement étanches (ruban adhésif, coupure de la ventilation) ;

– respecter le temps de contact ;

– remettre la ventilation en marche pour évacuer le produit avant l’entrée du personnel.

La DSVA choisie doit répondre à l’une des deux normes existantes : une norme européenne (NF EN 17 272) et une norme française (NF T 72-281). La norme française, en passe d’être abandonnée au profit de la norme européenne, plus récente, reste néanmoins valide et implique des tests sur le couple générateur d’aérosol / produit ainsi que sur des procédés physiques (les UV, par exemple). La norme européenne, en revanche, ne prévoit pas de tests sur des procédés physiques.

Les deux normes peuvent couvrir tout le spectre d’activité de la désinfection : bactéricide, virucide, fongicide, sporicide. Le fabricant doit préciser l’activité couverte.

 La DDV (désinfection par la vapeur)

Contrairement à la désinfection chimique, la DDV repose simplement sur la vapeur et ne fait pas intervenir de substance ou produit chimiques. Il n’y a pas de danger pour les cellules humaines, ce qui signifie il n’est pas nécessaire que la pièce soit vide au moment de la désinfection. Seul risque : la température de la vapeur. Attention, donc, à ne pas placer placer d’individu dans la source de chaleur.

Les dispositifs de désinfection par la vapeur reposent sur la norme NF T 72-110, qui, il faut le noter, couvre tous les domaines d’activité (médical, vétérinaire, etc.) et décrit des tests pour tous les spectres d’activité. Il est donc important de vérifier que le fabricant a bien effectué les tests pour la virucidie, et de connaître les virus sur lesquels les tests ont été effectués.

La DDV répond à plusieurs conditions minimales d’utilisation qui, là encore, doivent être précisées par le fabricant : 

– la température et pression de la chaudière ;

– la vitesse de passage ;

– l’effet mécanique avec contact ;

– la distance avec la surface.

Faut-il craindre un déplacement des micro-organismes, comme avec les jets d’eau haute pression par exemple ? Pas d’inquiétude : les appareils qui répondent à la norme sont censés ne pas déplacer les micro-organismes. Autrement dit, le jet de vapeur ne risque pas de décoller les micro-organismes et les remettre en suspension dans l’air.

Et les revêtements biocides ?
Plusieurs fabricants proposent des solutions – membranes, film adhésif, vernis à appliquer, etc – qui présenteraient une action désinfectante de longue durée vis-à-vis de différents micro-organismes, dont les coronavirus. Est-ce réellement efficace ? Pas franchement, selon l’INRS. “Une telle action suppose à minima que le biocide contenu dans le revêtement ait un effet sur le micro-organisme ciblé (Sars-CoV-2) et que cet effet soit rapide“, prévient l’institut, rappelant que ce sont des dispositifs qui ont avant tout du sens dans des secteurs bien spécifiques, pour des surfaces dites à haut risque, lorsqu’il faut atteindre un niveau de présence de micro-organismes très faible. Pour certaines surfaces, touchées par de nombreuses personnes – le bouton de l’ascenseur, par exemple –, le revêtement biocide devra de toute façon être nettoyé très souvent pour garder son efficacité. Or dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, un produit de nettoyage classique suffit, quelle que soit la surface, à détruire le Sars-Cov-2.

Olivia Fuentes

Le ministère du Travail publie un questions-réponses sur la vaccination en entreprise

01/03/2021

Suite à la publication du protocole de vaccination en entreprise à destination des services de santé au travail, le ministère du Travail a publié la semaine dernière un nouveau questions-réponses. Il revient sur les questions fréquentes que pourraient se poser employeurs et salariés au sujet de la vaccination Covid-19 dans le cadre du travail.

La note rappelle que le rendez-vous vaccinal n’engendre aucune charge financière supplémentaire pour l’employeur. Le texte indique que si le salarié souhaitant se faire vacciner est concerné par l’une des pathologies listées par le protocole, il est souhaitable qu’il amène au médecin du travail les documents justifiant de sa pathologie.

Le document souligne que lorsqu’il est possible pour les salariés d’être vaccinés par le service de santé au travail, l’employeur doit en informer l’ensemble des salariés quel que soit leur âge, tout en faisant mention du ciblage de la stratégie nationale (personnes de 50 à 64 ans inclus atteintes de comorbidités à ce stade de la campagne). Enfin, le questions-réponses rappelle la confidentialité de la vaccination des salariés vis-à-vis de l’employeur ainsi que la nécessité de recueillir le consentement du salarié à la vaccination. 

L’Anact lance un appel à projets pour soutenir l’emploi des seniors

26/02/2021

Le Fonds d’aide pour l’amélioration des conditions de travail (Fact), piloté par l’Anact (agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail), lance un appel à projets destiné à soutenir des démarches “innovantes” pour soutenir le maintien dans l’emploi des seniors et prévenir la désinsertion professionnelle. Il pourra s’agir de démarches menées au niveau d’une ou plusieurs entreprises, d’un secteur d’activité ou d’un territoire. Dans le détail, les projets retenus pourront porter sur des actions de sensibilisation, de création d’outils ou encore d’expérimentation de démarches de prévention de l’usure professionnelle et de maintien en emploi des salariés vieillissants.

Date limite de dépôt des dossiers :  9 avril 2021

Le travail syndical pendant la crise sanitaire

26/02/2021

La crise sanitaire conduit les responsables syndicaux, dans les confédérations, les fédérations ou unions territoriales, à jongler avec les emplois du temps, à multiplier les réunions d’instance en visio tout en maintenant quelques déplacements. Une certaine lassitude se fait jour chez les militants, voire une frustration due au sentiment de ne pas exercer ses mandats dans de bonnes conditions, tandis qu’est réaffirmée la revendication de pouvoir adresser des messages syndicaux aux salariés via leur mail professionnel.

Comme les entreprises, les organisations syndicales sont confrontées aux contraintes d’une crise sanitaire qui va bientôt fêter son premier anniversaire sous la menace de nouvelles contraintes pour une vingtaine de départements, à l’instar des confinements décidés à Nice et Dunkerque (lire notre brève dans cette même édition). Comment continuer à assurer un service et un appui aux adhérents, aux mandatés et aux salariés ? Comment garder une forme de travail collectif et de délibération, deux éléments qui constituent l’essence du syndicalisme, alors que les gestes barrières freinent les contacts et que le télétravail est censé être la règle dès lors que c’est possible ? La problématique touche toutes les structures syndicales, qu’il s’agisse des confédérations, des unions locales, départementales ou régionales, des fédérations ou des sections d’entreprise (voir à ce sujet notre vidéo récente avec les témoignages d’élus des CSE).

La situation à la CGT

Faut-il garder les locaux syndicaux ouverts, les fermer, suspendre les permanences, pratiquer l’alternance ? Pas de consigne nationale à la CGT, nous explique Angeline Barth, secrétaire confédérale. La confédération de Montreuil (Seine-Saint-Denis) dispose d’un accord sur le télétravail, pour ses “conseillers”, accord qu’elle met à disposition des différentes structures, mais elle ne délivre pas de directives, car chaque structure est autonome et libre de s’organiser comme elle l’entend à la CGT. “A la confédération, les locaux restent ouverts, les conseillers ne venant que sur la base du volontariat. Chaque équipe essaie d’organiser une permanence”, nous explique-t-elle. Il n’y a pour autant pas de grande réunion à la confédération, précaution sanitaire oblige.

 Mener campagne pour l’élection TPE est difficile

Les réunions des instances de la CGT, en dépit des difficultés que cela représente au vu du nombre de participants, ont lieu en effet par visio, y compris pour le comité confédéral national (une centaine de votants), ce qui se fait, par la force des choses, au détriment de la fluidité et des échanges informels.

Sur le terrain, la situation dépend des choix et des possibilités qui s’offrent aux militants. “Les permanences des unions tenues bénévolement par des retraités ont du mal à fonctionner car les personnes âgées sont vulnérables à la Covid-19”, dit encore Angeline Barth. A l’union locale CGT de Dunkerque (Nord) par exemple, les administratifs sont en télétravail et sont très sollicités au téléphone, la situation sanitaire locale inquiétant les salariés. Les administratifs peuvent donner des rendez-vous physiques à l’union, les militants venant alors leur prêter main forte pour informer et conseiller les travailleurs, nous explique-t-on par téléphone. Angeline Barth souligne par ailleurs la difficulté, compte-tenu de la crise sanitaire, à mener réellement campagne pour les élections dans les très petites entreprises (TPE) prévues en mars prochain (lire notre article) : “Mener une campagne sur le terrain est difficile, car comment toucher les salariés en télétravail ou en activité partielle ?”

Le paradoxe vécu par les militants CFDT de la métallurgie

Secrétaire de l’union départementale CFDT Drôme-Ardèche mais aussi secrétaire de l’union régionale CFDT Auvergne-Rhône-Alpes, Armelle Bertrand alterne le télétravail et la présence au bureau. Ses syndicats font de même. “Certains continuent d’assurer une présence en acceptant des rendez-vous dans leurs locaux, d’autres ne prennent que des rendez-vous en visio et se sont organisés pour cela”, nous décrit-elle.

Dans les fédérations, tout dépend des activités professionnelles et de leur caractère télétravaillable ou non, mais le syndicat applique les consignes gouvernementales. A la FGMM (fédération métallurgie de la CFDT), le télétravail est de rigueur alors que, dans les entreprises, la production continue et donc le travail en présentiel. Un paradoxe pas toujours bien vécu par les militants. “Nous passons de temps en temps à la fédération mais depuis septembre, nous avons fait toutes nos réunions d’instance en visio”, explique le secrétaire général, Stéphane Destugues, qui vient de Dax (Landes).

 Il y a un “spleen” chez les militants. Ceux qui travaillent en production comprennent mal de ne pas pouvoir organiser de réunions physiques

Ce dernier observe que ce mode de travail et d’échanges, qui “passait” relativement bien jusqu’alors, est vécu plus difficilement depuis le début février, alors que les équipes sont toujours sollicitées par la crise économique et sociale. Le syndicaliste emploie même le mot de “spleen” pour décrire l’état d’esprit des salariés et militants.  “C’est compliqué pour des militants qui travaillent sur site en production de devoir faire des réunions CSE en visio -car beaucoup de CSE centraux ne se font pas en présentiel- mais aussi des réunions syndicales avec la fédération en visio. Certains ne comprennent pas pourquoi ils ne participeraient pas à des réunions physiques”, témoigne Stéphane Destugues.

 Nous avons pu faire une réunion à Belfort, mais à 30 dans une très grande salle, il a fallu parler fort

Certains tentent bien sûr dans leur entreprise d’organiser des réunions syndicales, mais la distanciation nécessaire et le manque de grandes salles freinent les choses. “Hier j’étais à Belfort, nous avons pu débattre à 30, mais nous étions dans une grande salle, et il fallait parler fort”, dit le secrétaire général de la FGMM.

A ses yeux, ce sont les nouveaux embauchés qui pâtissent le plus de cette situation car ils n’ont pas pu se familiariser avec un collectif de travail dans leur entreprise du fait soit des règles sanitaires, soit du télétravail. Ce que change la crise sanitaire au travail syndical ? Tout devient plus intense, nous répond-il : “Fini les temps de transport ou les pauses, il faut passer sans répit d’une réunion à l’autre, répondre aux sollicitations de Bercy. C’est usant”. Seule exception : le chantier de la remise en plat conventionnelle de la branche, avec le patronat, se fait lors de réunions de négociation en présentiel, car ce serait trop compliqué sinon…

Du côté de la CFTC

Cyril Chabanier, le président de la CFTC, jongle lui-aussi avec son emploi du temps. Lui qui vit près d’Avignon (Vaucluse) vient du lundi au mercredi à Paris et il travaille le mardi à la confédération, dans le 15e arrondissement. “Les syndicats se sont souvent battus pour obtenir du télétravail de la part d’entreprises parfois réticences. Mais aujourd’hui, certains salariés, et cela vaut aussi pour notre confédération, en ont marre et veulent revenir au bureau de temps en temps. Nous ouvrons donc la confédération tous les mardi pour permettre à ceux qui en éprouvent le besoin d’y venir, mais nous prenons soin de respecter les consignes sanitaires”, nous explique le président de la CFTC.

 Les réunions de nos instances, mais aussi les congrès, se font en visio. On s’en tient à l’ordre du jour pour éviter des réunions trop longues

Ce dernier explique que la consigne, pour toutes les structures du syndicat, reste le télétravail autant que possible. Les congrès eux-mêmes se déroulent en visio, ce qui nécessite un process particulier pour assurer le vote secret, idem pour les réunions des instances comme la commission exécutive confédérale du lundi, le bureau mensuel ou le conseil confédéral qui rassemble, une fois par trimestre, une cinquantaine de personnes. Que change la pratique de la visio pour ces réunions ? On s’en tient davantage à l’ordre du jour, on va à l’essentiel pour éviter les réunions à rallonge, nous répond Cyril Chabanier, “mais il manque les échanges d’expériences, les discussions lors des pauses, et il y a moins de questions et de participations”. En outre, sourit-il, il n’est pas toujours simple de maintenir l’attention, surtout lorsque l’animateur voit, en cours de réunion, les participants désactiver à tour de rôle leur caméras ! “Pas facile pour celui qui anime la réunion, car il ignore si on l’écoute”, plaisante le président de la CFTC.

Ne pas pouvoir assurer son mandat dans de bonnes conditions frustre les représentants du personnel et les représentants syndicaux 

Dans les entreprises, quel est le ressenti des équipes syndicales ? “Plus que de la lassitude, j’entends de la frustration. Les élus du personnel et les représentants syndicaux déplorent de ne pas pouvoir exercer leurs mandats dans de meilleurs conditions”, rapporte le président de la CFTC.

Les accords de droit syndical permettant d’utiliser les mails professionnels des salariés sont trop peu nombreux, et, même quand ils existent, les barrières de sécurité informatique déployées pour le télétravail, sont des obstacles à cette communication, car le salarié doit cliquer plusieurs fois pour accepter de recevoir les communications syndicales.

 Nous réclamons toujours le droit de pouvoir envoyer des communications sur les mails professionnels des salariés

“Nous demandons toujours au ministère du Travail un accès légal aux mails des salariés”, rappelle Cyril Chabanier qui ajoute que la ministre du Travail a concédé que les réunions du CSE pouvaient se dérouler en présentiel pour des enjeux très importants comme l’APLD, un PSE ou un accord de ruptures conventionnelles.

Mais là encore, le travail syndical est délicat : “Les équipes qui négocient doivent pouvoir rendre compte aux salariés, et écouter leurs retours. Et là, pas moyen d’organiser des réunions ou des assemblées générales”. Quant à la campagne TPE, le syndicalise redoute l’abstention : “Nous tentons de faire campagne en allant voir les salariés sur leur lieu de travail ou même chez eux, mais le couvre-feu rend ces déplacements compliqués”. 

Locaux ouverts à l’UNSA, mais peu occupés

Laurent Escure, le secrétaire général de l’UNSA, “passe” lui 3 jours par semaine en moyenne aux locaux du siège, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Il observe depuis janvier 2021 une volonté de certains salariés de revenir travailler régulièrement passer quelques heures au bureau, “sans doute par besoin d’avoir des relations”, car une forme de lassitude s’est fait jour avec cette crise sanitaire sans fin qui plombe le moral des salariés comme des militants, observe-t-il. Les locaux sont donc ouverts, mais restent peu occupés, car les consignes sanitaires sont dans toutes les têtes.

“En septembre, nous avions pu faire notre conseil national en présentiel, même si c’était en mode dégradé, en demandant à nos délégations de réduire le nombre total de participants de 200 à 120. Mais depuis, nous ne faisons plus que des visios”, nous explique le syndicaliste.

Les réunions en visio sont plus efficaces 

Ce mode de travail à distance a le mérite, ajoute-t-il, “d’être plus efficace” que des réunions physiques, même si on y perd en échanges informels et en créativité, admet-il. Il faut dire que Laurent Escure a plaidé depuis des années à l’Unsa pour une approche assez souple du télétravail, “pour ne plus être dans le culte du présentéisme”. Il assure avoir plutôt bien anticipé le premier confinement de 2020, les locaux de Bagnolet mais aussi des autres structures étant alors fermés, ce premier confinement s’étant alors correctement déroulé. Aujourd’hui, le manque de visibilité pèse davantage.

Je n’ai pas observé de baisse de participation dans les élections CSE 

Quant au scrutin TPE, qui avait été marqué en 2017 par les bons résultats de l’Unsa, Laurent Escure se montre serein : “Nous menons une campagne physique et numérique aussi active qu’il y a 4 ans”. L’union syndicale autonome compte sur le maillage de ses militants, avec 1 500 “z’aideurs” qui peuvent répondre aux questions que se posent les salariés des petites entreprises, pour conforter son audience, avec un credo réaffirmé en 2021 : “Le syndicalisme est en difficulté car il protège d’abord des gens bénéficiant déjà de protections. Nous devons nous adresser aux plus précaires”. Un élément positif important à ses yeux : Laurent Escure n’observe pas de baisse de participation dans les procès verbaux des élections CSE qui lui remontent. Comme un signe d’espoir…

Au sujet du travail syndical pendant la crise sanitaire, lire également notre interview de François Hommeril, le président de la CFE-CGC, et notre interview d’Yves Veyrier, le secrétaire général de FO. 

François Hommeril (CFE-CGC) : “Certaines consignes liées au télétravail sont totalement inadaptées”

06/01/2021

François Hommeril, président de la CFE-CGC

actuEL-CSE.fr

Dans la nouvelle version que le gouvernement doit publier ce mercredi, le protocole sanitaire recommande toujours le maintien du télétravail pour les postes qui s’y prêtent, mais suggère de permettre aux salariés de revenir au moins un jour par semaine dans l’entreprise. Des consignes nationales qui n’ont, pour François Hommeril, président de la CFE-CGC, pas grand sens hors des grandes métropoles. Interview.

La ministre du Travail a réuni lundi soir les partenaires sociaux. Que pensez-vous de l’évolution du protocole qui vous a été présenté ? 

Elisabeth Borne a repris ce que faisait Muriel Pénicaud pendant le premier confinement, à savoir des échanges réguliers en visioconférence avec les partenaires sociaux, et c’est d’ailleurs une très bonne chose. Lundi, jour de la rentrée, la ministre du Travail a abordé pas moins de 9 sujets : le plan jeunes, les transitions collectives, le protocole sanitaire et le télétravail, etc. Au sujet du protocole et du télétravail, le message qui nous a été donné, c’est, en substance : on va desserrer un peu l’étau, donc à partir du 7 janvier, on reste en télétravail autant que possible mais en donnant la possibilité aux salariés volontaires de revenir un jour par semaine dans les locaux de l’entreprise. A mon avis, c’est une consigne inopérante.

Inopérante ?

Bien sûr ! D’abord parce que les protocoles sanitaires sont déjà adaptés par les entreprises qui les mettent en oeuvre. D’autre part, parce qu’il me paraît contestable d’imposer le télétravail à toutes les entreprises.

Imposer de façon générale le télétravail me semble inadapté 

Je pense par exemple aux entreprises qui ne sont pas dans les grandes métropoles urbaines, des entreprises où les salariés se rendent en voiture, pas en transport en commun. Dans ces cas, nous ne sommes pas sur une problématique sanitaire lié au transport, mais “simplement” sur la problématique du respect des gestes barrières en milieu professionnel. Et sur ce dernier sujet, nous savons que les entreprises ont pris leurs responsabilités de façon très efficace. Imposer à ces entreprises le télétravail, quasiment par solidarité avec ceux qui travaillent en région parisienne, pour lesquels on peut comprendre que cette obligation de télétravail soit justifiée sur le plan sanitaire, cela me semble totalement inadapté.

 On a toujours l’impression d’être pris pour des enfants

Le télétravail est une organisation qui n’est pas sans conséquence sur les individus, on ne l’impose pas par simple solidarité avec ceux qui ne peuvent pas faire autrement, cela n’a pas de sens. Ce qui me déplaît dans cette approche et dans ces consignes, c’est qu’on a toujours l’impression d’être pris pour des enfants, d’être face à un maitre d’école qui nous dit : “Vous avez été sévèrement punis mais les résultats ne sont pas si mauvais, alors je fais une concession, j’ouvre une journée supplémentaire au travail sur site”. Mais pour la majorité des entreprises, cette évolution des consignes ne va pas changer grand chose. 

Pourquoi estimez-vous que cette évolution du protocole n’aura que peu d’effets ?

Parce que le protocole sanitaire n’a pas de caractère contraignant, et que les entreprises l’ont déjà adapté en responsabilité. A la confédération CFE-CGC, nous sommes nous-mêmes une entreprise de 70 salariés, et nous avons adapté ce protocole. En décembre, nous avons ouvert la confédération trois jours par semaine, pour permettre aux salariés de venir y travailler, sur la base du volontariat. Nous avons des salariés qui sont des jeunes diplômés de master de droit de moins de 30 ans. Et bien, ils deviennent un peu dingos à force de tourner en rond dans leur petit appartement. Venir de temps en temps à la confédération leur permet de sortir, de voir du monde, etc. 

Mais un lieu collectif fermé expose aussi aux contaminations, comme l’a montré une étude de l’institut Pasteur qui pointait les cantines et les bureaux partagés…

A la confédération, toutes les contaminations que nous avons enregistrées sont des contaminations qui ont été faites à l’extérieur de l’entreprise, et pour lesquelles nous avons mis en place les mesures de confinement des cas contacts. Concernant l’étude dont vous parlez, on a observé en effet des comportements contradictoires avec des personnes se réunissant masquées à 4 dans un grand bureau, prenant donc toutes les précautions nécessaires dans les locaux de travail, mais qui, à peine la réunion terminée, se retrouvent en tête à tête sans masque au resto à rigoler !

Il n’était pas nécessaire d’édicter une règle générale de télétravail 

Dans le contexte que nous vivons, beaucoup de choses échappent à la logique, notamment parce que le gouvernement prend trop de dispositions verticales car il ne fait pas assez confiance aux acteurs. Pour moi, il n’était pas nécessaire d’édicter une règle générale en matière de télétravail, l’entreprise doit prendre ses responsabilités en s’accordant avec les représentants des salariés. L’accord national interprofessionnel signé en décembre sur le télétravail prévoit justement la mise en place du télétravail en cas d’urgence sanitaire. 

Le risque de rebond de l’épidémie n’impose-t-il pas la prudence ?

Honnêtement, il me paraît très difficile d’établir des liens de corrélation entre les mesures prises et leur impact sur l’évolution de l’épidémie. Le Portugal, qui a connu un très faible impact au printemps, a appliqué les mêmes mesures cet automne mais se retrouve avec une deuxième vague très forte.

Que pensez-vous du couvre-feu imposé dans l’Est dès 18h ? 

Je n’ai pas encore de retours des équipes syndicales mais cela complique les déplacements, même si l’on bénéficie de dérogation quand on travaille. Sur cette mesure, je reste dubitatif. D’autant qu’Elisabeth Borne nous a parlé lundi de l’ouverture des magasins le dimanche et donc du travail dominical dans ces départements, comme s’il fallait rattraper le dimanche les heures perdues en semaine avec l’avancée du couvre-feu. Comme l’a indiqué FO, le chiffre d’affaires n’est pas extensible à l’infini…

Vous avez échangé avec la ministre sur les transitions collectives, l’idée étant de favoriser la reconversion des salariés par la formation…

Je soutiens cette initiative de transitions collectives (lire notre article dans cette même édition). Il faut reprendre, au niveau collectif, le principe qui existait, à l’état individuel, avec le CIF, le congé individuel de formation, qui a été supprimé.

 Le CIF ayant été supprimé, il faut remettre en place un dispositif

Aujourd’hui, il est quand même drôle de constater que c’est le Medef qui demande de revenir à ce principe ! Mais tout cela est difficile à mettre en place. D’une part parce que la réforme de la formation a fait disparaître des dispositifs et structures qui permettaient ce type d’action, ensuite parce qu’aujourd’hui, ce sont les grandes entreprises qui sont en mesure de mettre en place ces dispositions, alors que cela est beaucoup plus difficile pour les PME.  

Comment voyez-vous les prochains mois ? Redoutez-vous une avalanche de PSE du fait de la baisse programmée du soutien à l’activité partielle ? 

De très nombreux PSE ont déjà été lancés cet automne et cet hiver, j’en ai plusieurs centaines sur mon bureau ! Non seulement des PSE, mais aussi des ruptures conventionnelles collectives. Et pour beaucoup de ces plans, la justification économique liée à la crise me paraît douteuse.

A la fin de l’hiver, les défaillances des entreprises vont se multiplier 

Par ailleurs, nous vivons un paradoxe avec des défaillances d’entreprises moins nombreuses en 2019 que l’année précédente. Ce paradoxe va se résoudre cette année : nous allons connaître à la fin de l’hiver une avalanche de cessations d’activité, notamment dans les PME. Elles vont se retrouver au pied du mur malgré l’activité partielle et les prêts garantis par l’Etat, je pense aux hôtels cafés restaurants, au secteur de la culture, etc.

2021 est l’année de tous les dangers 

Au passage, c’est une grande injustice. Les grandes entreprises, qui ont les moyens d’affronter la crise du fait de leurs structures internes et de leurs fonds propres, ne se gênent pas pour autant pour pomper de l’argent public et mettre des gens sur le marché de l’emploi ! 2021 est l’année de tous les dangers, comme après une inondation : on voit le niveau monter, et ça déborde partout. On peut craindre un million de chômeurs supplémentaires, et on va se retrouver aussi face au mur de la dette. 

Comment les élus de CSE et les délégués syndicaux pourront-ils agir efficacement en 2021 ?

Partout où se pratique un télétravail massif, l’éloignement du lieu du travail pose problème car une section syndicale, c’est un lieu de travail. Il faut réagir très rapidement pour constituer, comme le dit chez nous Jean-François Foucard, “un local syndical virtuel”, un endroit où les salariés peuvent prendre contact avec leur syndicat et délégués, s’informer, un endroit où des échanges puissent avoir lieu.

Un représentant du personnel a le droit d’aller voir un salarié sur son poste de travail. En télétravail, pourquoi ne pourrait-il pas communiquer avec lui par mail ? 

Mais pour reconstituer cette activité syndicale de façon dématérialisée, encore faut-il disposer de moyens, et à cet égard, tout le monde ne joue pas le jeu. Dans de nombreuses entreprises, par exemple, les représentants syndicaux n’ont pas accès aux mails professionnels des salariés. En temps normal, si l’on peut dire, le code du travail interdit d’empêcher un représentant du personnel d’accéder à un lieu de travail pour avoir un échange avec un salarié, dès lors que cela ne perturbe pas le travail. Pourquoi en irait-il différemment avec le télétravail ? Par simple parallélisme des formes et du droit, un représentant syndical devrait donc accéder à la liste des mails professionnels des salariés de façon à pouvoir communiquer avec eux.

Pensez-vous que l’exécutif veuille faire voter sa réforme des retraites avant la prochaine présidentielle ?

Cela demeure pour moi une réforme inutile, injustifiée et imposée par un agenda politique extérieur à la France. Ce projet est soi-disant porteur d’un système plus juste et plus solidaire mais ce n’est pas le cas. Que va-t-il maintenant se passer ? Je vois mal l’exécutif pouvoir se prévaloir, au titre de son bilan politique, d’une telle réforme si elle était votée définitivement. Pourquoi ? Parce que contrairement aux réformes Balladur et Juppé où l’on nous disait “ce sont des réformes douloureuses mais il faut les faire” ce qui peut s’entendre dans l’opinion, ici l’exécutif n’a pas tenu ce discours de vérité.

Compte tenu de l’hostilité de l’opinion, je ne crois pas à la possibilité de poursuivre cette réforme 

Il n’a pas dit, comme c’est pourtant le cas, que cette réforme des retraites vise à diminuer la masse des retraites et qu’il s’agit d’une réforme dictée par l’Union européenne qui l’a intégrée dans le plan des réformes que les États doivent suivre (1). Je ne crois donc pas du tout à la possibilité de faire cette réforme compte tenu de l’hostilité de l’opinion. Je suis d’ailleurs très fier d’avoir participé au mouvement d’éducation populaire qui a permis d’informer le plus grand nombre sur le caractère nocif de cette réforme.

Concernant la réforme de l’assurance chômage, que pensez-vous des dernières décisions ?  

Le gouvernement, quoi qu’il en dise, abandonne le bonus malus (2). Même si je crois à la nécessité de dispositifs qui régulent la précarité et les contrats courts, le bonus malus me semblait être une usine à gaz inopérante. Ils l’abandonnent, soit. Mais pourquoi dès lors maintenir la dégressivité des allocations qui sera imposée aux cadres ? C’est une honte ! Quel est le sens aujourd’hui d’une telle dégressivité alors que l’Apec, l’association pour l’emploi des cadres, enregistre une hausse du chômage des cadres, et qu’il faut entre 350 et 400 jours à un cadre pour retrouver un travail ? On voit pourtant bien que les cadres vont être touchés par les PSE, comme le montre le dernier PSE engagé par Danone, les 400 à 500 suppressions de postes concernant surtout des cadres.

(1) Sur “le programme national de réforme” ou “programme de stabilité” transmis régulièrement par la France à la commission européenne, voir par exemple ce document du gouvernement.

(2) Le bonus-malus, mécanisme faisant varier le taux de cotisations des entreprises selon la proportion des contrats précaires qu’elles utilisent, ne fait en effet pas partie des dispositions du dernier décret pris par le gouvernement sur l’assurance chômage, texte qui a décalé au 1er avril l’entrée en vigueur de certaines dispositions de la réforme comme le calcul du salaire de référence ou la dégressivité (lire notre article). La ministre du Travail a indiqué mardi 5 janvier sur France Info que le bonus malus, censuré par le Conseil constitutionnel, n’était pour autant pas abandonné, Elisabeth Borne précisant que le bonus malus, le mode de calcul de l’indemnisation et “les périodes d’ouverture des droits” faisaient partie des sujets discutés avec les partenaires sociaux “durant la deuxième quinzaine de janvier”.

Yves Veyrier (FO) : “Le gouvernement doit abandonner sa réforme de l’assurance chômage”

26/01/2021

Y. Veyrier, secrétaire général de FO

actuEL-CSE.fr

La ministère du Travail a reçu hier les responsables des organisations syndicales et patronales pour discuter de la réforme de l’assurance chômage, dont l’application a été décalée. Cette réforme doit être abandonnée, estime Yves Veyrier, le secrétaire général de FO. Ce dernier, qui juge par ailleurs le dialogue social “dégradé” dans les entreprises et la fonction publique, réclame une revalorisation des salaires des travailleurs de la deuxième ligne. Interview.

Comme les autres organisations syndicales et patronales, FO a été reçue hier au ministère du Travail pour parler de la réforme de l’assurance chômage (lire notre encadré). Le gouvernement a décalé cette réforme mais il souhaite toujours la maintenir. Quel scénario vous a-t-il été présenté et qu’en pensez-vous ? 

Le gouvernement essaie de réformer la réforme, voilà ce que nous avons compris. On nous présente toujours des esquisses de ce qui avait été annoncé en novembre dernier : le gouvernement envisage un dispositif d’assurance chômage évolutif en fonction d’indicateurs macro-économiques. Au sujet du bonus-malus, le gouvernement nous dit que cela fait toujours partie de “l’équilibre” de cette réforme mais il semble qu’il ne veuille pas prendre l’année 2020 comme référence et que cela lui semble aussi compliqué maintenant de prendre 2021. Autrement dit, ce mécanisme ne commencerait à s’appliquer qu’en 2023, soit après la présidentielle, avec 2022 pour année de référence. Vous avez compris : le bonus-malus est mal parti…alors pourquoi vouloir appliquer le reste de la réforme dès 2021 ?

Quid du droit des demandeurs d’emploi ? 

Nous avions prévenu le gouvernement bien avant cette crise sanitaire que cette réforme de l’assurance chômage produirait des effets néfastes voire “saignants” pour les demandeurs d’emploi et les salariés précaires. Je pense à la difficulté, voire à l’impossibilité, de recharger les droits pour certaines personnes, je pense au problème du cumul allocation et emploi, etc. La crise sanitaire a révélé de façon très nette que nous ne nous étions pas trompés.

La crise a conduit le gouvernement à suspendre lui-même sa réforme. Pourquoi vouloir la maintenir ? 

D’ailleurs, le gouvernement a été dans l’obligation de suspendre lui-même l’application de sa réforme, notamment au sujet du calcul du salaire journalier de référence (SJR). Au moment de l’arrivée de M. Castex à Matignon, nous avions convaincu le gouvernement qu’il valait mieux revenir aux dispositions de la convention négociée par les organisations syndicales et patronales en 2017. Il est d’ailleurs regrettable que les représentants des employeurs qui ont signé cette convention ne la défendent pas davantage aujourd’hui…Donc, en juillet nous avons obtenu le report de la réforme jusqu’au 1er septembre 2020, puis jusqu’au 1er décembre et maintenant jusqu’au 1er avril 2021. Hier, j’ai dit à la ministre du Travail : “Mais vous n’allez pas revenir avec cette réforme au 1er avril prochain ! La situation de crise que nous connaissons, nous n’en serons pas sortis”.  

Que suggérez vous ?

Qu’aurions-nous fait, partenaires sociaux gestionnaires de l’assurance chômage, s’il n’y avait pas eu cette réforme décidée par le gouvernement ? Nous aurions très probablement décidé, au vu de la situation, de proroger d’une année, en 2021, la convention qui venait à échéance en 2020 pour se donner le temps de voir comment on se sortait de la crise sanitaire et comment on pouvait négocier une nouvelle convention. Toutes organisations syndicales confondues, nous demandons toujours l’abandon de cette réforme. Que l’on reparte d’une feuille blanche, et qu’on se donne l’année 2021 pour négocier une nouvelle convention. Mais le cadre lui-même des discussions pose problème. 

Que voulez-vous dire ? 

Quand nous discutons avec le gouvernement de l’assurance-chômage, nous ne sommes plus dans une négociation entre partenaires sociaux gestionnaires d’un régime. La cotisation sociale qui finançait le régime (avec la cotisation patronale, qui demeure) a été transformée de façon unilatérale en CSG par le gouvernement, ce qui enlève une part des recettes au régime mais ce qui touche aussi à l’essence du paritarisme. Le paritarisme repose en effet, avec les cotisations salariales et patronales, sur la négociation d’une part de la richesse produite par l’activité des entreprises afin de la consacrer à l’assurance chômage. Les modalités des droits à l’assurance chômage relèvent d’une décision paritaire, prise entre organisations syndicales et patronales.

C’est une erreur politique que de vouloir tout centraliser au niveau de l’Etat 

Aujourd’hui, nous nous retrouvons à dire au gouvernement ce qui nous plaît et ce qui ne nous plaît pas dans ses projets mais nous ne pouvons que prendre acte de ses choix et décisions. Je maintiens que c’est une erreur politique mais aussi économique pour l’Etat de vouloir centraliser, comme entendait le faire le gouvernement avec son projet sur les retraites, la gestion intégrale de l’assistance sociale. Si l’on nous dit : “Vous les syndicats, vous n’avez rien à faire au niveau national et interprofessionnel”, alors, je préviens : “Nous, partenaires sociaux, nous ne ferons plus que de la politique, en commentant les décisions du pouvoir politique”. Je pense qu’il est sain que tout ceci soit clarifié et que l’on redonne un champ au paritarisme, un champ de négociation entre les employeurs et les organisations syndicales.

Notre système économique ne produit pas assez d’emplois de qualité 

Sur le fond, ce n’est pas le système de l’assurance chômage qui est déficient, c’est notre système économique qui ne produit pas assez d’emplois de qualité, à la fois pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail et pour les salariés tout au long de la vie active. Cela m’horripile d’entendre le représentant des employeurs qualifier notre système d’assurance chômage de “généreux” et dire que ce système “favorise” l’alternance entre le travail et l’allocation chômage. Ce n’est pas le système d’assurance chômage qui est la cause de cela, mais bien l’abus des contrats courts ! D’ailleurs, le patronat ne veut surtout pas entendre parler d’un dispositif capable de sanctionner les contrats courts et d’inciter les entreprises à adopter des comportements vertueux. 

Vous serez également reçu demain mercredi pour évoquer une évolution du protocole sanitaire dans les entreprises et peut-être un reconfinement. Quelle est la position de FO sur ces sujets ? 

Nous aurons un échange sur le protocole, en effet. Chez FO, nous avons toujours considéré que nous ne sommes pas qualifiés ni légitimes pour dire ce que doivent être les prescriptions sanitaire d’ordre public. Si on nous dit que les masques artisanaux, compte-tenu de l’évolution de l’épidémie, ne sont pas efficaces, bien sûr qu’il ne faut plus les utiliser.

Les masques représentent un coût 

Mais si les masques chirurgicaux doivent être généralisés, qui va les fournir ? Ils ont un coût non négligeable, n’oublions que le salaire médian en France c’est 1 800€ nets par mois, donc la moitié des Français gagnent moins que cela. Quant au reconfinement éventuel, si on nous dit qu’il faut arrêter l’activité pour des raisons de santé publique, je ne vais pas dire : “Tant pis, on s’en fiche !”. Par contre,  nous serions dans ce cas attentif à ce que l’Etat prenne les moyens de compenser les conséquences économiques et sociales de ces décisions. Cela repose la question des dispositifs d’aide publique aux entreprises, et donc du contrôle de la bonne utilisation de ces aides, avec des sanctions.

Comment, syndicalement, envisagez-vous cette année qui s’ouvre dans un contexte sanitaire mais aussi économique et social plutôt tendu, avec des mobilisations dans certains secteurs (médico social, énergie, etc.) ?  

J’observe une tension sociale forte. Il y a les dossiers dont on parle au plan national : Bridgestone, Smart, Nokia, Carrefour, Danone, Auchan, Sanofi, etc. Mais il y aussi la situation des sous-traitants dont on parle moins. Par exemple, j’étais il y a quelques jours dans l’Hérault. Dans ce département, les 80 salariés d’un établissement Schneider Electric sont en grève contre la fermeture de leur site. L’établissement fonctionne bien mais il y a comme un effet d’aubaine, la crise sert à accélérer les restructurations.

Il y a comme un effet d’aubaine. Des entreprises utilisent la crise pour accélérer leur restructuration 

Des situations comme cela, j’en vois beaucoup et je suis amené à intervenir souvent auprès du ministère de l’Industrie. Ensuite, il y a des mouvements de grève nationaux lancés par exemple dans l’éducation nationale, aujourd’hui, contre une baisse des moyens; il y a aussi des tensions dans la fonction publique avec des réformes qui se poursuivent comme la suppression des trésoreries, ou la remise en cause du réseau territorial de la Banque de France.

 Pourquoi poursuivre dans notre situation des réformes aussi contestées ?

Dans le secteur public de l’énergie, il y a le projet Hercule (Ndlr : découpage en plusieurs entités des activités d’EDF) qui suscite l’opposition des personnels et de l’ensemble des organisations syndicales, etc. En résumé, il y a une profonde incompréhension à voir le gouvernement poursuivre dans la situation actuelle des réformes controversées, contestées, et pour lesquelles le dialogue social ne fonctionne pas : ni les représentants du personnel ni les organisations syndicales ne semblent en mesure de faire valoir leur point de vue.  

Justement, comment les membres des CSE et les délégués syndicaux peuvent-ils agir pour assister les salariés dans cette période compliquée ? 

Nous avons obtenu que lors du couvre-feu soit préservée la liberté de circulation des représentants du personnel et des délégués syndicaux, dans le cadre de l’exercice de leurs mandats. Mais les représentants des salariés affrontent les problèmes que chacun connaît : il est impossible de se réunir entre élus dès qu’on atteint un certain nombre, ou de réunir les salariés collectivement pour les informer d’une situation ou de les alerter sur les conséquences de telle ou telle décision. La situation est donc très dégradée sur le plan du dialogue social.

Il faut une augmentation du Smic significative pour les travailleurs de deuxième ligne 

C’est pourquoi, me semble-t-il, l’on devrait être beaucoup plus strict sur le contrôle des aides publiques aux entreprises pour éviter des suppressions d’emplois tant que la négociation collective n’est pas conduite correctement. Il y a aussi la question de la revalorisation salariale des métiers de deuxième ligne : les caissières, les salariés du transport, les éboueurs, etc. Il est légitime de faire un “Ségur” pour ces salariés. Beaucoup de ces emplois sont au Smic et à temps partiel. Il faut une augmentation significative du Smic pour ces travailleurs mais il faut aussi rendre ces métiers attractifs, avec une reconsidération, une requalification et des perspectives de carrière.

Comment voyez-vous la fin de ce quinquennat ? On reparle de la réforme des retraites… 

J’ai déjà du mal à voir la fin de la semaine, alors la fin du quinquennat ! Une chose est sûre : il serait très malvenu de remettre à l’ordre du jour, d’ici la présidentielle, le sujet des retraites. Je mets en garde le gouvernement : il n’est pas question de faire payer aux salariés le coût de la crise sanitaire. Il faut une solidarité interprofessionnelle et le moment venu, si c’était nécessaire, nous n’hésiterions pas à appeler à une mobilisation interprofessionnelle. Mais il faut qu’elle soit efficace de façon à ce que nous soyons entendus. J’observe que le nouveau président des Etats Unis vient de déclarer que l’économie doit servir les travailleurs avant les marchés. A tout le moins, cela devrait inspirer nos politiques en France… 

Jusqu’où le gouvernement va-t-il accepter de modifier sa réforme de l’assurance chômage  ? 
Du fait de la crise sanitaire et de ses conséquences sur l’emploi, le gouvernement a jusqu’à présent décalé certains éléments de sa réforme de l’assurance chômage, qui prévoit un certain durcissement des conditions d’accès à l’indemnisation, d’autant que le Conseil d’Etat a jugé en novembre 2020 que le bonus-malus était entaché d’une irrégularité de forme (lire notre article).  Ainsi, un décret du 28 décembre 2020 reporte au 1er avril 2021 la date d’application du mécanisme de dégressivité de l’allocation pour certains allocataires. Il prolonge jusqu’au 31 mars 2021 la fixation temporaire à 4 mois de la durée minimale d’affiliation requise pour l’ouverture ou le rechargement d’un droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi. Il maintient également jusqu’à la même date l’application des dispositions de la convention d’assurance chômage du 14 avril 2017 relatives au calcul du salaire journalier de référence (SJR) servant de base à la détermination du montant d’allocation d’aide au retour à l’emploi et à la durée d’indemnisation (sur les règles temporaires, voir notre article). Le ministère du Travail a par ailleurs prolongé les droits à indemnisation venus à échéance (lire notre article). La concertation en cours avec les partenaires sociaux se poursuit donc : après les rendez-vous de ce lundi 25 janvier au ministère du Travail ou en visio, une nouvelle multilatérale est  prévue mi-février. Le ministère du Travail explique vouloir discuter du calcul du SJR, le salaire journalier de référence (qui détermine le montant des allocations et dont les syndicats estiment que l’application du nouveau calcul entraînerait une forte baisse des allocations), de la dégressivité à partir d’un certain niveau de rémunération (dénoncée par tous les syndicats et singulièrement par la CFE-CGC), du bonus-malus (qui fait varier les contributions des employeurs selon le taux d’emplois précaires) et des conditions d’accès aux droits. Seraient sur la table : pour le SJR, la définition d’une allocation journalière minimale; pour le seuil d’éligibilité aux droits d’assurance chômage, une éligibilité à 6 mois pour tous et un seuil de rechargement des droits abaissé à 4 mois pour les moins de 26 ans et 6 mois pour les autres; pour la dégressivité, une évolution de la durée avant abattement et de l’âge pivot; pour le bonus-malus, que le gouvernement affirme vouloir maintenir, la question de la prise en compte ou non des années 2020 et 2021, jugées très atypique. 

Bernard Domergue