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Santé et Sécurité

Covid-19 : le salarié peut s’absenter de droit pour se faire vacciner par son service de santé au travail

16/03/2021

Le ministère du Travail a mis à jour hier son questions-réponses sur la vaccination contre la Covid-19 en entreprise. Il apporte des précisions sur la possibilité pour le salarié de s’absenter de son travail pour aller se faire vacciner. 

Le questions-réponses distingue plusieurs situations. 

Si le salarié choisit de passer par son service de santé au travail, il est autorisé à s’absenter sur ses heures de travail. Aucun arrêt de travail n’est nécessaire et l’employeur ne peut en aucun cas s’opposer à son absence. Le salarié doit toutefois informer son employeur de son absence pour visite médicale sans avoir à en préciser le motif.

Les salariés en situation d’affection de longue durée exonérante bénéficient d’une autorisation d’absence de droit pour cette vaccination rendue nécessaire par leur état de santé, précise le questions-réponses. L’employeur ne peut s’y opposer.

Dans tous les autres cas, il n’existe pas d’autorisation d’absence de droit. Le ministère du Travail recommande toutefois aux employeurs de “faciliter l’accès des salariés à la vaccination. Le salarié est invité à se rapprocher de son employeur afin de déterminer par le dialogue la meilleure manière de s’organiser”.

Le questions-réponses apporte aussi de nouvelles informations sur la réparation d’éventuels effets indésirables de la vaccination contre la Covid-19. Ainsi, est-il précisé que la réparation intégrale des accidents médicaux imputables à des activités de soins réalisées à l’occasion de la campagne vaccinale anti-Covid 19 est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Les éventuels effets indésirables provoqués par la vaccination seront donc pris en charge dans ce cadre et le salarié doit adresser directement sa demande à l’Oniam. 

Vaccination par les services de santé au travail

Dans quelles conditions s’effectue la vaccination auprès des services de santé au travail ? Quel public est concerné par cette campagne de vaccination ? Quelle est la position de l’employeur vis-à-vis de la vaccination ?

Dans le cadre de leurs missions, les services de santé au travail participent à la lutte contre la propagation de la Covid-19, notamment par la participation aux actions de dépistage et de vaccination définies par l’État (ordonnance n° 2020-1502 du 2 décembre 2020 et ordonnance n° 2021-135 du 10 février 2021).
Les modalités de participation des services de santé au travail à la stratégie vaccinale sont définies par le Protocole pour la vaccination par les médecins du travail au moyen du vaccin AstraZeneca (AZ)

– Les services de santé au travail peuvent-ils vacciner ?

Oui. Conformément aux recommandations du 2 février 2021 de la Haute autorité de santé, à compter du 25 février 2021, le vaccin AstraZeneca est utilisé pour la vaccination des personnes de 50 à 64 ans inclus atteintes de comorbidités. Consulter la liste des comorbidités sur le site du Ministère de la santé
À l’instar des médecins de ville, les médecins du travail ont désormais la possibilité de vacciner des salariés volontaires des entreprises adhérentes qui font partie de ce public. Ils se procureront le vaccin AstraZeneca auprès d’une officine référente de leur choix.
Les médecins du travail s’intègrent ainsi dans la campagne vaccinale nationale organisée par les autorités sanitaires. Ils doivent donc respecter la priorisation des publics cibles ainsi que les règles déontologiques s’appliquant à tout acte de vaccination (respect du consentement de la personne, du secret médical, etc.).

– Qui prend en charge les coûts de vaccination ?

La cotisation versée annuellement au service de santé au travail interentreprises couvre l’ensemble des visites nécessaires. Par conséquent, le rendez-vous vaccinal n’engendre aucune charge financière supplémentaire pour l’employeur.
Les vaccins sont fournis gratuitement par l’État. Les services de santé au travail mettent à la disposition de la campagne vaccinale leurs ressources en termes de professionnels de santé et de logistique.

Quand le salarié contacte le service de santé au travail pour être vacciné, doit-il justifier de sa pathologie lors de sa visite vaccinale avec son dossier médical ou un justificatif du médecin qui le suit ou un autre moyen ?

Le salarié souhaitant bénéficier d’une vaccination en priorité doit répondre aux conditions de la stratégie nationale : personnes de 50 à 64 ans inclus, atteintes de comorbidités à ce stade de la campagne. En règle générale, le médecin du travail connait l’état de santé du salarié. Si ce n’est pas le cas, il est effectivement souhaitable que le salarié amène les documents justifiant de sa pathologie. Le médecin du travail doit vérifier l’éligibilité du salarié à la vaccination.

– Le médecin du travail a-t-il le droit d’informer l’employeur des salariés vaccinés ?

Non. Tout est mis en œuvre pour le respect de la confidentialité des vaccinations vis-à-vis des employeurs. Les dispositions relatives au secret médical s’appliquent aux services de santé au travail (L. 1110-4, R. 4127-4 et R. 4127-95 du code de la santé publique). Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris.
Le fait pour un médecin d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à une administration, une collectivité ou tout autre organisme public ou privé n’enlève rien à ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance de ses décisions.

– Le médecin du travail peut-il contacter les salariés qu’il a identifiés comme souffrant d’une pathologie ciblée à l’occasion d’une précédente visite pour leur proposer la vaccination ?

La vaccination doit être proposée aux salariés de manière à leur laisser le choix absolu du recours ou du non-recours à la vaccination et, le cas échéant, du médecin auquel ils s’adressent. Les salariés peuvent par exemple tout à fait choisir d’être vaccinés par leur médecin traitant.
Si le médecin a identifié les patients qui seraient susceptibles d’être concernés, il est envisageable que le service de santé au travail les contacte directement pour les informer de cette possibilité.

– Quelles sont les modalités d’information des salariés de la possibilité d’être vaccinés par le service de santé au travail de leur entreprise ?

Les employeurs sont encouragés à diffuser l’information à leurs salariés de la possibilité d’être vaccinés par le service de santé au travail de l’entreprise lorsque cette possibilité existe. Cette information doit être diffusée à l’ensemble des salariés quel que soit leur âge, tout en faisant mention du ciblage de la stratégie nationale (personnes de 50 à 64 ans inclus atteintes de comorbidités à ce stade de la campagne).
Une information peut également être diffusée par le service de santé au travail qui peut cibler les salariés susceptibles d’être concernés (cf question précédente).
En tout état de cause, cette information doit indiquer de manière explicite que cette vaccination repose sur le principe du volontariat et s’inscrit dans la campagne de vaccination définie par les pouvoirs publics.

– Le salarié peut-il refuser d’être vacciné ?

Oui. Le salarié peut toujours refuser et ce refus ne doit emporter aucune conséquence. Le caractère obligatoire ou simplement recommandé d’une vaccination professionnelle est défini par le ministère de la santé après avis de la Haute autorité de santé, conformément à l’article L. 3111-4 du code de la santé publique. S’agissant de la Covid-19, le caractère obligatoire n’a pas été retenu. Dès lors, le médecin du travail doit, comme le médecin traitant, obtenir le consentement éclairé du salarié avant de pratiquer l’acte vaccinal notamment par le biais d’un entretien médical avec celui-ci, avant la première injection (articles R. 4127-35 et 36 du code de la santé publique).
L’employeur ne peut donc exiger d’un salarié qu’il soit couvert par une vaccination recommandée. L’employeur ne peut être destinataire d’aucune information sur le statut vaccinal du salarié, ni sur son acceptation ou son refus de la vaccination.
Aucune conséquence ne peut être tirée par l’employeur du seul refus du vaccin par le salarié. À fortiori, aucune sanction ne peut être appliquée. L’employeur ne peut davantage écarter le salarié de son poste, motif pris de ce seul refus, y compris en maintenant son salaire. Aucune décision d’inaptitude ne peut être ainsi tirée du seul refus du salarié de se faire vacciner.

– Un salarié de plus de 50 ans atteint de comorbidités peut-il être vacciné par son médecin traitant ?

Un salarié de plus de 50 ans atteint de comorbidités peut tout à fait choisir d’être vacciné par son médecin traitant.

– Un infirmier des services de santé au travail peut-il vacciner ?

Les textes en vigueur permettent aux infirmiers en santé au travail de réaliser la vaccination contre la Covid-19 dès lors que le vaccin a été prescrit par un médecin. L’infirmier peut ainsi procéder à la vaccination à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment.

Des éléments complémentaires sont disponibles dans les fiches et les Q/R du site du ministère des Solidarités et de la Santé .

– Le salarié concerné par la vaccination a-t-il le droit de s’absenter pour aller se faire vacciner en service de santé au travail, en centre de vaccination ou auprès d’un professionnel de santé sur ses heures de travail ?

Si le salarié choisit de passer par son service de santé au travail, il est autorisé à s’absenter sur ses heures de travail. Aucun arrêt de travail n’est nécessaire et l’employeur ne peut en aucun cas s’opposer à son absence. Le salarié informe son employeur de son absence pour visite médicale sans avoir à en préciser le motif.

Par ailleurs, les salariés en situation d’affection de longue durée exonérante bénéficient d’une autorisation d’absence de droit pour cette vaccination rendue nécessaire par leur état de santé. L’employeur ne peut s’y opposer.

Dans tous les autres cas, il n’existe pas d’autorisation d’absence de droit. Les employeurs sont toutefois incités à faciliter l’accès des salariés à la vaccination. Le salarié est invité à se rapprocher de son employeur afin de déterminer par le dialogue la meilleure manière de s’organiser.

Selon quelles modalités s’effectue la réparation d’éventuels effets indésirables de la vaccination contre la COVID ?

La réparation intégrale des accidents médicaux imputables à des activités de soins réalisées à l’occasion de la campagne vaccinale anti-Covid 19 est assurée par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) au titre de la solidarité nationale comme le précise le ministère des Solidarités et de la Santé

Les éventuels effets indésirables provoqués par la vaccination seront donc pris en charge dans ce cadre et le salarié doit adresser directement sa demande à l’ONIAM. 

Comment sont gérées les doses de vaccins surnuméraires

Les doses de vaccins excédentaires sont gérées dans le cadre de la stratégie vaccinale et selon les modalités suivantes :
– En premier lieu, chaque semaine une liste de salariés volontaires pour la vaccination et répondant aux critères définis par les autorités sanitaires doit être établie (à ce stade il s’agit des personnes de 50 à 64 ans présentant des comorbidités).
Une fois cette liste déterminée, ces personnes sont réparties sur des plages de rendez-vous définies.
– En fonction du nombre précis et identifié de salariés à vacciner, le strict nombre de doses nécessaires pour vacciner doit être commandé.

Il convient d’arrondir à la dizaine inférieure cette commande, quitte à reporter quelques personnes à vacciner à la semaine suivante afin d’utiliser pleinement un flacon et toutes ses doses.
– S’il reste des doses injectables à l’issue d’une plage de vaccination, une liste d’attente comprenant les seuls salariés prioritaires, volontaires et ciblés par la stratégie vaccinale actuelle, pourra être mobilisée.
– En tout dernier recours, et sous réserve de pouvoir le justifier lors de contrôles ultérieurs, le reliquat de doses pourrait alors être utilisé, pour éviter tout gaspillage, pour des sujets n’étant pas prioritaires.

Ministère du travail de l’emploi et de l’insertion

IRP

Les entretiens en lien avec le mandat : les droits des représentants du personnel, les obligations de l’employeur

Les entretiens de début et de fin de mandat font partie des dispositifs visant à prendre en compte et à valoriser le parcours professionnel des représentants du personnel. S’ils sont encore peu connus, ils sont pourtant prévus par le code du travail et sont d’ordre public. Panorama du droit applicable à ces entretiens.

Le représentant du personnel ou le représentant syndical est avant tout un salarié. L’exercice de son mandat peut avoir des conséquences sur sa carrière professionnelle, mais il lui permet aussi d’apprendre et d’acquérir de nouvelles compétences. En outre, la fusion des mandats au sein du CSE (comité social et économique) et la limitation du nombre de mandats successifs introduites par l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au CSE implique, d’autant plus, une gestion d’adaptation de l’emploi anticipée. Dans ce cadre, le législateur a prévu plusieurs dispositifs afin d’intégrer ce mandat dans la vie professionnelle présente et future du salarié, et notamment des entretiens de début et de fin de mandat (1).

Entretien de début de mandat

A la demande des représentants du personnel et des titulaires d’un mandat syndical

Au début de son mandat, le représentant du personnel titulaire, le délégué syndical ou le titulaire d’un mandat syndical bénéficie, à sa demande, d’un entretien individuel avec son employeur portant sur les modalités pratiques d’exercice de son mandat au sein de l’entreprise au regard de son emploi (C. trav., art. L. 2141-5, al. 3).

Il s’agit bien d’un entretien à la demande du salarié, or le code du travail ne prévoit aucune obligation d’information des représentants du personnel par l’employeur de l’existence de ce droit.

Sont concernés par ce droit à entretien :

  • le représentant du personnel titulaire : il s’agit du membre du CSE titulaire bien sûr, mais aussi d’après nous du représentant de proximité. Il semble également que les membres du comité de groupe ou du comité d’entreprise européen pourraient également être visés : lorsqu’il s’agit d’un membre titulaire du CSE, il sera déjà concerné au titre de ce mandat, mais il peut également s’agir d’un membre suppléant désigné comme titulaire à l’un de ces mandats, cela n’étant pas interdit par le code du travail ;
  • le délégué syndical (le délégué syndical central devrait également être concerné) ;
  • le titulaire d’un mandat syndical : il s’agit du représentant de la section syndicale et du représentant syndical au CSE ou au CSE central d’entreprise. On peut également penser que, notamment, les conseillers prud’hommes, les administrateurs syndicaux de caisses de sécurité sociale et les membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) sont également visés.

Attention, les suppléants au CSE ne sont pas visés. Cependant, rien n’interdit de le prévoir pour eux également, en particulier lorsque l’accord de mise en place ou de fonctionnement du CSE octroie des droits aux suppléants et par exemple lui permet de participer aux réunions. En outre, il semble que le suppléant devenu définitivement titulaire doit pouvoir y avoir droit.

Distinction entre l’entretien professionnel et l’entretien de début de mandat

L’entretien de début de mandat ne se substitue pas à l’entretien professionnel mentionné à l’article L. 6315-1 (C. trav., art. L. 2141-5, al. 3).

Rappelons que l’entretien professionnel a été instauré par la loi du 5 mars 2014. Il doit avoir lieu tous les 2 ans. Il est consacré aux perspectives d’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualifications et d’emploi et ne doit pas porter sur l’évaluation du travail du salarié.  L’objet de l’entretien de début de mandat est de discuter et mettre en place les modalités pratiques d’exercice du mandat au sein de l’entreprise au regard de l’emploi du salarié.

Il ne semble cependant pas interdit, si le début du mandat et l’entretien professionnel coïncident chronologiquement, de procéder à ces deux entretiens corrélativement. Ils doivent cependant se distinguer, leur nature étant différente.

Assistance possible d’un membre du personnel

Le salarié peut se faire accompagner par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise lors de son entretien de début de mandat (C. trav., art. L. 2141-5, al. 3).

Entretien de fin de mandat

De droit pour les titulaires de mandats importants

Au terme d’un mandat « important » de représentant du personnel titulaire ou d’un mandat syndical, celui-ci bénéficie d’un entretien permettant de procéder au recensement des compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation de l’expérience acquise (C. trav., art. L. 2141-5, al. 4).

Remarque : les précisions apportées ci-dessus sur les mandats concernés par l’entretien de début de mandat s’appliquent également ici. A noter que le délégué syndical n’est pas ici visé expressément contrairement à l’entretien de début de mandat, mais il est bien sûr concerné, en tant que titulaire d’un mandat syndical.

Il n’est pas précisé ici que le salarié doit en faire la demande, mais seulement que l’entretien professionnel « permet de procéder au recensement des compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation de l’expérience acquise ». Il nous semble donc que l’employeur se doit d’au moins le proposer aux salariés concernés.

Remarque : à noter que l’entretien de fin de mandat est, le cas échéant, un élément du dossier à fournir en cas de demande de valorisation des compétences acquises résultant de l’article L. 6112-4.

Notion de mandat « important »

Depuis le 1er janvier 2020, sont visés par l’entretien de fin de mandat :

  • dans les entreprises d’au moins 2 000 salariés : tous les représentants du personnel titulaires et les titulaires de mandat syndical, pour les mandats prenant effet après le 31 décembre 2019 ;
  • dans les entreprises de moins de 2000 salariés (et pour toutes les entreprises pour les mandats ayant pris effet avant le 31 décembre 2019) : les représentants du personnel et les titulaires de mandat syndical disposant d’heures de délégation sur l’année représentant au moins 30 % de la durée de travail fixée dans son contrat de travail ou, à défaut, de la durée applicable dans l’établissement.

Ainsi, pour un salarié à temps complet, c’est-à-dire à 1 607 heures annuelles, l’entretien de fin de mandat est ouvert aux titulaires de mandat disposant de 1607×30/100 = 482 heures, soit 40 heures mensuelles de délégation (sauf dans les entreprises d’au moins 2 000 salariés, dans lesquelles tous les représentants du personnel titulaires et tous les titulaires de mandat syndical sont concernés, quel que soit leur crédit d’heures, pour les mandats prenant effet après le 31 décembre 2019).

Remarque : il s’agit bien des heures de délégation dont disposent les représentants. Il ne faut donc pas prendre en compte les heures effectivement prises (ou partagées ou reportées), mais bien les heures auxquelles il a droit. Il faut bien sûr cumuler les heures de délégation si le salarié est titulaire de plusieurs mandats.

Articulation entre l’entretien professionnel et l’entretien de fin de mandat

L’objet de l’entretien de fin de mandat est de procéder au recensement des compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation de l’expérience acquise. Il s’agit donc bien de discuter des perspectives d’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualifications et d’emploi, ce qui est également l’objet de l’entretien professionnel. Il apparaît donc que l’entretien de fin de mandat constitue une version approfondie de l’entretien professionnel, en d’autres termes ils se complètent.

Remarque : il n’est bien sûr pas interdit de procéder à ce recensement des compétences et discuter de leur valorisation éventuelle avec un titulaire de mandat qui n’en réunit pas les conditions lors de l’entretien professionnel, mais ce n’est pas obligatoire, et le salarié ne peut l’exiger.

La rédaction de l’article L. 2141-5, alinéa 4 confirme cette analyse. En effet, il est prévu que c’est « lorsque l’entretien professionnel est réalisé au terme du mandat » que « l’entretien permet de procéder au recensement des compétences acquises au cours du mandat et de préciser les modalités de valorisation de l’expérience acquise ».

La rédaction de l’article pourrait laisser à penser que si l’entretien professionnel, biennal, et la fin du mandat ne coïncident pas, l’entretien de fin de mandat n’est plus obligatoire. Il nous semble cependant que la rédaction de cet article cherche surtout à lier ces deux entretiens. Le texte n’imposant aucun délai pour tenir l’entretien de fin de mandat, on peut penser que l’employeur peut attendre la date de l’entretien professionnel pour y procéder. Si cette date est trop éloignée de celle prévue pour l’entretien professionnel, il semblerait toutefois judicieux de raisonnablement les avancer.

Des dispositions d’ordre public

Les dispositions de l’article L. 2141-5 relatives aux entretiens de début et de fin de mandat sont d’ordre public. Toute mesure prise par l’employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts (C. trav., art. L. 2141-8).

Ainsi, s’il est bien sûr possible de traiter ces sujets dans des accords, non seulement un tel accord ne pourrait pas écarter ces dispositions, ou exclure certains salariés originellement visés, mais en outre l’employeur ne pourrait pas refuser l’entretien, ou encore l’assistance d’un membre du personnel pour l’entretien de début de mandat, par exemple.

Il est en revanche possible de prévoir des dispositions plus favorables, comme le bénéfice de ces entretiens à des salariés qui n’y aurait normalement pas droit, ou bien prévoyant des délais, ou encore instituant des entretiens en cours de mandat. On retrouve de telles dispositions dans des accords de mise en place du CSE, de droit syndical ou encore dans les accords sur la conciliation vie professionnelle, personnelle et fonctions représentatives prévus également à l’article L. 2141-5 (voir encadré ci-dessous).

(1) A lire dans notre édition de demain, une enquête sur les entretiens d’évaluation et les salariés protégés avec les témoignages de nombreux représentants du personnel. 

La lecture faite par la Cour de cassation sur l’accord sur la conciliation entre la vie professionnelle, la vie personnelle et les fonctions représentatives 
L’article L. 2141-5, al. 2 du code du travail prévoit prévoit qu’un accord détermine les mesures à mettre en œuvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives, en veillant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes. Cet accord prend en compte l’expérience acquise par les représentants du personnel par le biais de leur mandat dans leur évolution professionnelle. Mais comment prendre en compte cette expérience ?  Comment évaluer l’expérience acquise ? Un arrêt important rendu par la Cour de cassation le 9 octobre 2019 propose une grille de lecture et des critères précis. Dans cette affaire, un accord de groupe sur le parcours professionnel des représentants du personnel prévoit un entretien d’appréciation des compétences et d’évaluation professionnelle. Les organisations syndicales ont contesté cet accord en justice, considérant qu’une telle évaluation pouvait conduire à une discrimination syndicale et porter atteinte à la liberté syndicale. La Cour de cassation juge ce dispositif valide après vérification de plusieurs points, au cœur desquels la collaboration entre employeur et organisations syndicales à toutes les étapes, de la négociation à la mise en œuvre (Cass. soc., 9 oct. 2019, n° 18-13.529). Ainsi, la Cour de cassation explique que pour la prise en compte dans son évolution professionnelle de l’expérience acquise par le salarié dans l’exercice de ses mandats représentatifs ou syndicaux, un accord collectif peut prévoir un dispositif : facultatif pour l’intéressé ; permettant une appréciation par l’employeur, en association avec l’organisation syndicale, des compétences mises en œuvre dans l’exercice du mandat ; susceptible de donner lieu à une offre de formation ; et dont l’analyse est destinée à être intégrée dans l’évolution de carrière du salarié. Puis, la Cour de cassation valide, en appuyant sur la collaboration avec les organisations syndicales et le respect du principe de non-discrimination : aussi bien l’élaboration par l’employeur du référentiel dont l’objet est d’identifier et d’évaluer les compétences mises en œuvre par le salarié dans l’exercice de ses mandats ; que la méthodologie d’élaboration du dispositif, comme reposant sur des éléments précis et objectifs, excluant toute discrimination ou atteinte à la liberté syndicale.

Evaluation des salariés protégés : des entretiens à…réévaluer !

09/03/2021

Vu les nombreuses priorités du moment, les entretiens d’évaluation des salariés protégés ne sont pas au centre des préoccupations dans les entreprises. Pour autant, cette question paraît cruciale au regard d’une politique effective de non discrimination des élus et d’un dialogue social de qualité. Nous avons cherché à savoir comment se déroulent en 2021 ces entretiens pour les élus du personnel et les représentants syndicaux : ont-ils lieu en face à face ou en visio ? Les objectifs sont-ils aménagés pour tenir compte de la charge de travail lié aux mandats ? Retour d’expériences.

Après notre éclairage juridique, hier, sur les entretiens en lien avec le mandat (lire notre article), nous vous proposons une enquête sur les entretiens d’évaluation pour les élus du personnel tenus dans les entreprises. Spéciale la cuvée 2021 de ces entretiens ? Pas pour Denis Pauget. Cet élu CFE-CGC, secrétaire du CSE d’une PME qui gère les flux de transports, à Saint Priest (Rhône), n’a rien observé de différent par rapport aux autres années : “Nous travaillons à distance mais les entretiens ont eu lieu en présentiel, comme d’habitude. Tout se passe bien, mais notre activité a été peu touchée par la crise sanitaire. Nous n’y avons consacré que deux réunions de CSE en 2020”. 

L’essor de la visio

En revanche, à la Matmut, la plupart des entretiens ont eu lieu en visio, sauf dans certaines agences. Elisabeth Perez, déléguée syndicale centrale (DSC) FO de cette mutuelle, ne signale elle-aussi rien d’extraordinaire. Elle est plus attentive aux entretiens qu’elle-même doit faire passer à la trentaine d’élus FO du CSE, afin d’évaluer l’évolution de leurs compétences afin de favoriser leur évolution professionnelle : “Notre accord de CSE prévoit des entretiens en début, en cours et en fin de mandat”, nous précise-t-elle, avec une grille de questions et d’évaluation précise à la clé. Les entretiens de début de mandat ayant eu lieu début 2020, ceux du milieu de mandat auront donc lieu en 2022.

Tout dépend du manager 

Un dispositif analogue était aussi prévu chez Generali (6 000 salariés en France) mais la crise sanitaire et l’urgence économique ont rendu ce dossier secondaire par rapport aux urgences, constate Dominique Tabarié, DSC UNSA. Chez cet assureur, les entretiens d’évaluation n’ont d’ailleurs pas encore été bouclés. “Nous sommes en plein dedans”, dit la syndicaliste. Ces entretiens se déroulent en visio et la question des mandats ne peut bien sûr pas y être évoquée. En revanche, l’entreprise prend soin de tenir compte des heures passées en délégation, en transport et en réunion, pour adapter les objectifs des salariés ayant un mandat. Sur ce sujet, Dominique Tabarié n’a pas reçu de retour particulier pour l’instant. Mais elle observe en revanche que la règle, posée par accord, selon laquelle tout salarié doit bénéficier d’un plan d’action ou d’une augmentation significative pour les 5 ans, n’est pas toujours respectée dès lors qu’il s’agit d’un élu du personnel, “car tout dépend du manager” et de son attitude face à la distribution d’enveloppes d’augmentation plutôt faibles. 

La question des objectifs adaptés ou non avec la crise

Chez Michelin, Jérôme Lorton, DSC SUD, n’a pas de vision globale sur la situation des élus concernant les entretiens d’évaluation. Il faut dire que le syndicaliste, “qui n’a jamais autant travaillé en 20 ans de mandats syndicaux” du fait de la crise sanitaire et de ses conséquences, a d’autres priorités, comme la négociation en cours d’un accord de ruptures conventionnelles collective, l’entreprise visant un objectif de 2 300 départs sur 3 ans. Cela étant, Jérôme Lorton nous indique que Michelin a revu l’an dernier les objectifs fixés au personnel pour tenir compte de la crise, car la réalisation de ces objectifs conditionne la rémunération variable. Ce correctif aurait permis de sauver la moitié des bonus. 

“Chez nous, la campagne d’entretiens annuels est en train de s’achever. Tout se fait en visio car nous sommes à 100% en télétravail”, nous répond Nawel Hadjadj, DS CGT de la société ADP Gis France, une société spécialisée dans les logiciels de paie qui emploie 2 000 salariés sur 9 sites en France. Son entretien à elle s’est bien déroulé, car la salariée maîtrise son temps : elle travaille sur des projets et peut consacrer la moitié de son emploi du temps à ses mandats. Mais son syndicat reste vigilant quant à la situation des élus du personnel.

Nous avons alerté la direction sur la nécessité d’aménager les objectifs des salariés qui sont élus du personnel 

Il y a 5 ans, la CGT avait alerté la direction sur la nécessité d’aménager les objectifs des élus afin de leur permettre d’accomplir leur mandat sans se pénaliser professionnellement.  “Cela a été fait, mais cela reste un combat permanent, nous dit Nawel Hadjadj. La charge de travail des élus du CSE est très forte s’ils veulent exercer pleinement leur mandat. Cela a des effets sur l’équipe de travail dont la charge de travail n’est pas toujours diminuée, car tout dépend des managers et certains craignent d’être mal perçus par leur hiérarchie”. Mais le souci du moment pour la déléguée syndicale, c’est la baisse de moral des salariés. Le refus de l’entreprise de les laisser revenir de temps à autre au bureau, ne serait-ce qu’un jour par semaine, suscite l’incompréhension du personnel. “Nous avons fait une réunion extraordinaire du CSE en décembre pour alerter la direction. Certains salariés n’en peuvent plus de travailler à domicile. Une véritable souffrance s’exprime”, rapporte-t-elle. Sans que cela ait, pour l’instant, conduit l’entreprise à modifier sa consigne de télétravail permanent.

Pas de sentiment de crise aigüe en revanche du côté de Gallimard (500 salariés), selon le délégué syndical CGT Eric Froment, mais il faut dire que la maison d’édition a connu une très bonne année 2020 sur le plan économique, la vente des livres ayant été dopée par les confinements et le télétravail. Cela n’empêche pas les élus du CSE et les délégués syndicaux d’être encore très sollicités en 2021, après un cru 2020 déjà chargé. “Je sors de trois réunions”, nous dit Eric Froment quand nous l’appelons. L’une concerne la négociation d’un protocole préélectoral dans une filiale, l’autre un problème de management qui va donner lieu à une mission d’expertise et de conseil, et la dernière a trait à la dénonciation d’un contrat par lequel Gallimard fournit une revue à une entreprise à difficulté, et qui pourrait entraîner des reclassements voire des départs.  “Depuis les ordonnances Macron et la création du CSE, le travail des élus n’a cessé de s’alourdir”, dénonce au passage le DS CGT. 

Nous avons négocié en GPEC le déroulement des entretiens et la possibilité d’en référer aux RH 

Concernant les entretiens d’évaluation, dont Eric Froment est loin d’être un fan (“c’est un peu infantilisant pour le salarié qui ne peut pas parler librement face à son manager, surtout s’il ne s’entend pas avec lui”, soutient-il), ce dernier estime que son entreprise les pratique de façon correcte, la campagne devant se terminer en juin chez Gallimard (1).  “Dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), nous avions négocié le déroulement de ces entretiens, avec la possibilité pour le salarié d’en référer aux RH en cas de problème”, nous explique-t-il. En revanche, les syndicats n’ont pas obtenu ce qu’ils réclamaient, à savoir qu’un service dans lequel un salarié est élu soit crédité d’un nombre d’heures de travail correspondant à la charge liée au mandat. 

Des formulaires pas toujours adaptés à la réalité des métiers

Ces critiques sur les entretiens d’évaluation individuels, Franck Daout, DSC CFDT de Renault, les partage, du moins pour le contenu des formulaires. Le syndicaliste a découvert en janvier les nouveaux documents mis au point par les services RH, qu’il juge non adaptés : “D’un côté, on nous vante sans arrêt l’autonomie des managers et là, on leur impose des formulaires détaillés qui multiplient les points sur les comportements des salariés. Rien qui permette vraiment la valorisation des métiers réels, des équipes et de la performance collective”, juge-t-il.

En théorie, les représentants du personnel occupés à 80% par leur mandat ont droit à un entretien croisé. Mais en pratique… 

Chez Renault, les élus dont les mandats représentent au moins 80% du temps de travail doivent normalement bénéficier d’un entretien d’évaluation croisé en présence de leur responsable métier et d’un correspondant RH. Mais en pratique, c’est rarement usité, déplore Franck Daout. Pour prévenir tout problème et toute discrimination, ce dernier passe donc en revue avec les RH tous les élus mandatés par son syndicat afin de vérifier que leur situation en matière d’augmentation de salaire et d’évolution professionnelle. “Globalement, c’est correct, mais nous avons quand même quelques dossiers problématiques qui risquent de se finir aux prud’hommes”, constate le délégué syndical en évoquant des non augmentations ou des non passages du statut de technicien au statut cadre.

Les inégalités salariales entre femmes et hommes sont-elles évoquées à l’occasion des entretiens annuels ? Franck Daout ne le pense pas, mais il observe que la situation des femmes militantes semble davantage prise en compte par la direction que celle des hommes militants. Un effet collatéral de l’index F/H ? Quoi qu’il en soit, cette question de l’évaluation et d’une appréciation objective et non discriminatoire du travail des salariés ayant un mandat est pour le délégué syndical le signe évident de la qualité du dialogue social dans l’entreprise. Une entreprise qui pour l’heure reste sujette aux à-coups de la relance d’après crise. “Nous sommes touchés par la pénurie de composants électroniques, et certaines usines font déjà plusieurs jours de chômage partiel par semaine”, rapporte Franck Daout. Le DS n’est pas étonné, mais énervé par la situation : “Nous avions prévenu la direction, c’était prévisible qu’au sortir de la crise, il y aurait cette pénurie et que les sous-traitantes favoriseraient les donneurs d’ordre qui les traitent correctement…” 

Chez Conforama, on gère encore le PSE, nous n’avons plus d’entretiens individuels depuis 2 ans 

Enfin, dans notre tour d’horizon, nous avons eu certains retours ne signalant pas de problèmes (“Rien ne m’a été remonté. PSA nous laisse le temps nécessaire pour l’exercice de nos mandats syndicaux”, nous a dit ainsi N’Guyen Anh Quan, DSC CFE-CGC ). Mais nous avons eu aussi eu des cas d’entreprises ayant carrément cessé de pratiquer les entretiens individuels d’évaluation. Comme Conforama. “L’entreprise ne les fait plus depuis deux ans, car la priorité est de boucler le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui touche 2 000 personnes, nous précise Mouloud Hammour, élu FO et secrétaire du CCE de l’enseigne. Deux magasins doivent encore fermer et il nous faut toujours travailler sur les reclassements”. L’agenda social des négos dans l’entreprise est également gelé, dans l’attente des décisions du nouveau PDG, Conforama ayant été repris par Mobilux, la maison mère de But.

(1) Rappelons qu’un salarié ne peut pas se dispenser de se rendre à un entretien d’évaluation, sauf à risquer une sanction pouvant aller, pour un refus réitéré, jusqu’au licenciement pour faute grave. De par son pouvoir de direction, l’employeur a en effet le droit d’évaluer le travail des salariés. A la condition, a précisé la Cour de cassation dans un arrêt du 10 juillet 2002, que le dispositif d’évaluation ait été auparavant porté à la connaissance des salariés. En effet, selon l’article L. 2312-38 du code du travail, le comité social et économique doit être “informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés”.

Chez Airbus Helicopters, les objectifs 2020 ont été recalés a posteriori pour tenir compte des efforts et des initiatives des salariés
Les entretiens d’évaluation des opérationnels sont en cours de clôture chez Airbus Helicopters, qui emploie 11 500 personnes à Marignane (Bouches-du-Rhône). Ils se sont bien déroulés pour les élus du personnel, estime Claude Bocoviz. Le délégué syndical central CFE-CGC explique avoir négocié avec la DRH la prise en compte des efforts des salariés durant cette année si particulière : “Si Airbus Elicopter ne s’est arrêté que 3 jours l’an dernier, et si l’année a été correcte, c’est bien grâce aux initiatives des cadres et des salariés”. Qu’il s’agisse d’adapter la production, de mettre en place les gestes barrières, ce sont les initiatives des salariés qui ont permis à l’entreprise de passer le cap. Il aurait donc été paradoxal de voir ces salariés, et notamment les cadres, sanctionnés sur leur part variable pour n’avoir pas atteints des objectifs fixés en 2019 mais devenus obsolètes avec la crise sanitaire.  Je fais moi-même un entretien annuel avec mes mandatés !   Cela concerne donc les élus qui partagent leur temps entre les mandats (le CSE de l’établissement compte 36 élus mais il y a aussi dans l’entreprise des RVS, des représentants de vie sociale, qui sont des représentants de proximité) et le travail opérationnel. A cet égard, le DSC estime que l’entreprise joue le jeu et laisse aux membres du CSE le temps nécessaire à l’accomplissement de leur mandat. Les élus et représentants syndicaux sont d’ailleurs suivis de près par Claude Bocoviz : “Je fais moi-même un entretien avec mes mandatés pour évaluer l’évolution de leurs compétences syndicales. Je ne peux certes pas les rétribuer davantage, mais je peux proposer des formations ou des évolutions de mandat et de responsabilités syndicales”.  Un suivi particulier est fait pour les personnes détachées sur un mandat syndical    Pour les salariés détachés à temps complet pour leur mandat syndical, comme c’est son cas, Claude Bocoviz rappelle qu’un système d’entretien annuel de suivi a été mis en place, via un accord de droit syndical, afin de s’assurer que ces salariés gardent leur employabilité et puissent retourner sans problème le jour venu à l’opérationnel. Cela porte-t-il ses fruits ? “L’accord est récent et les CSE ne sont mis en place que depuis fin 2019, deux mois avant la crise sanitaire. C’est donc encore trop tôt pour tirer un bilan de ce dispositif. Mais c’est très important car les salariés ne s’engageront pas dans un mandat syndical s’ils craignent que cela nuise à leur emploi ou à leur carrière “, répond le DSC. 

La jurisprudence sociale des derniers mois synthétisée par notre avocat

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Astreinte : dès lors que le salarié est tenu d’être disponible un certain nombre de jours par mois pour pouvoir être joint et répondre à une éventuelle demande d’intervention immédiate au service de l’entreprise, il est contractuellement soumis à des astreintes, peu important qu’il ait la possibilité de choisir, modifier voire annuler ses jours de disponibilité (Cass. soc., 20 janvier 2021, n° 19-10.956). 

CDD de remplacement : le CDD de remplacement qui ne comporte pas le nom et la qualification du salarié remplacé est réputé à durée indéterminée, la seule mention de la catégorie professionnelle dont relève le salarié remplacé ne suffisant pas quand elle comporte plusieurs qualifications (Cass. soc., 20 janvier 2021, n° 19-21.535). 

Période probatoire, accord collectif : si l’accord d’entreprise prévoit que l’affectation à un poste de responsabilité supérieure est assortie d’une période probatoire et que le salarié ne donnant pas satisfaction devra être réintégré dans le même emploi ou dans un emploi similaire à celui antérieurement occupé, le salarié qui n’a pas fait l’objet d’une telle réintégration à l’expiration de la période probatoire est promu définitivement dans son nouveau poste (Cass. soc., 20 janvier 2021, n° 19-10.962). 

Altercation provoquée, dépression, accident du travail : un syndrome dépressif déclenché par une altercation avec un supérieur doit être pris en charge en tant qu’accident du travail, peu important que le salarié victime soit à l’origine du différend, à défaut d’établir que l’accident litigieux, survenu au temps et au lieu du travail du salarié, avait une cause totalement étrangère au travail (Cass. 2e civ., 28 janvier 2021, n° 19-25.722). 

Cadre dirigeant, autonomie : un cadre dirigeant doit jouir d’une réelle autonomie de son emploi du temps, ce qui n’est pas le cas d’une salariée qui était tenue d’être présente au siège de l’association aux heures de présence des autres salariés (Cass. soc., 3 février 2021, n° 18-20.812). 

Inaptitude et poste de reclassement : est abusif le refus d’un poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail, qui avait été interrogé avant et après la proposition de poste, la société ayant renouvelé au salarié inapte à la suite de cette consultation sa proposition, en précisant la réponse du médecin du travail (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-21.658).

Travail de nuit : il appartient à celui qui le conteste de démontrer que le travail de nuit est étranger à toute nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale. Or, l’ouverture de nuit d’un établissement de vente au détail mettant à disposition de sa clientèle des biens et services ne s’analyse pas en un service d’utilité sociale et l’ouverture des magasins Monoprix hors Zones Touristiques Internationales jusqu’à 22h30 n’est pas indispensable à l’activité économique de l’entreprise. L’accord relatif au travail de nuit est annulé et il est interdit aux sociétés de l’UES Monoprix d’employeur des salariés après 21h au sein des magasins hors ZTI (Tribunal judiciaire de Nanterre, 9 février 2021, n° 20/01810, communiqué sur demande). 

Grève, compétence du juge judiciaire sur la voie publique : le juge des référés judiciaire ne peut accueillir la demande de l’employeur tendant à interdire aux salariés grévistes et à toute personne agissant de concert avec eux d’utiliser des instruments sonores sur la voie publique, en-deçà d’un périmètre de 200 mètres autour de l’hôtel, et à être autorisé à défaut à faire appel à la force publique, puisque le juge judiciaire n’a pas compétence pour faire respecter l’ordre sur la voie publique et prévoir dans ce cadre des mesures d’interdiction ou le recours à la force publique (Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-14.021). 

Harcèlement sexuel, sanction, obligation de sécurité : l’employeur doit prendre des mesures pour éloigner l’auteur de harcèlement sexuel du poste occupé par la salariée victime ; en se contentant de prononcer un avertissement à l’égard de l’auteur, l’employeur commet un manquement à son obligation de sécurité qui est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et en justifier la résiliation judiciaire (Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-18.149). 

Temps partiel modulé, requalification, avenant : en cas d’avenant ou de nouveau contrat à temps partiel modulé, il appartient au salarié qui demande, en raison de ses conditions d’exécution, la requalification de ce contrat de travail à temps partiel modulé en contrat de travail à temps complet, de démontrer qu’il devait travailler selon des horaires dont il n’avait pas eu préalablement connaissance, de sorte qu’il était placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il se trouvait dans l’obligation de se tenir constamment à la disposition de l’employeur. Aussi, si les conditions de la requalification sont réunies à une certaine date, la conclusion d’un avenant postérieur doit obliger les juges du fond à vérifier qu’elles sont également remplies après la conclusion de cet avenant (Cass. soc., 17 février 2021, n° 18-26.545). 

Temps partiel modulé, requalification, durée du travail : ni le dépassement de la durée contractuelle de travail sur l’année, ni le non-respect de la limite du tiers de la durée du travail fixée par la convention collective et l’accord d’entreprise ne justifient en eux-mêmes la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet, dès lors que la durée du travail du salarié n’a pas été portée à un niveau égal ou supérieur à la durée légale hebdomadaire ou à la durée fixée conventionnellement (Cass. soc., 17 février 2021, n° 18-16.298).

Retraite progressive, convention de forfait en jours : le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnelles les dispositions de l’article 351-15 du Code de la sécurité sociale dont il ressortait qu’étaient exclus du bénéfice de la retraite progressive les salariés ayant conclu avec leur employeur une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, même lorsque cette convention prévoyait un nombre de jours travaillés inférieur au plafond légal ou conventionnel. En effet, priver ces salariés de toute possibilité d’accès à la retraite progressive, quel que soit le nombre de jours travaillés dans l’année, constitue une différence de traitement qui est sans rapport avec l’objet de la loi (Conseil constitutionnel, décision n° 2020-885 QPC du 26 février 2021). 

Rémunération variable, fixation tardive des objectifs : la Cour de cassation confirme qu’en l’absence de fixation des objectifs par l’employeur en début d’exercice, et notamment en cas de fixation tardive des objectifs, le salarié peut prétendre au versement de l’intégralité de sa rémunération variable, en l’espèce à hauteur du bonus cible maximum (Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-17.246).

Télétravail, frais professionnels : l’Urssaf a complété sa fiche relative aux frais professionnels liés au télétravail qui indique désormais qu’une allocation forfaitaire prévue par une convention collective de branche, un accord professionnel ou interprofessionnel, ou un accord de groupe, est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de charges sociales dans la limite des montants prévus par accord collectif, dès lors que l’allocation est attribuée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés. Si le montant versé par l’employeur dépasse ces limites, l’exonération pourra être admise, mais à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié. En l’absence d’accord, l’allocation forfaitaire globale allouée à un salarié en situation de télétravail est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations dans la limite globale de 10 euros par mois pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine ; cette limite augmente proportionnellement en fonction du nombre de journées hebdomadaires télétravaillées : 20 euros par mois pour 2 jours, etc. (Fiche URSSAF, mise à jour le 29 janvier 2021, communiquée sur demande).

Heures supplémentaires, versement de primes : le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d’heures supplémentaires qui ne donnent pas lieu uniquement à un salaire majoré mais, d’une part, doivent s’exécuter dans le cadre d’un contingent annuel et, d’autre part, ouvrent droit à un repos compensateur (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-12.193). 

Maladie, visite de reprise, paiement du salaire : la visite de reprise à l’issue de laquelle le salarié a été déclaré apte à reprendre le travail avec aménagement à temps partiel thérapeutique met fin à la période de suspension du contrat de travail provoquée par la maladie, et l’employeur est tenu de reprendre le paiement des rémunérations au salarié qui se tient à sa disposition, peu important le recours exercé devant l’inspecteur du travail contre la décision du médecin du travail (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-24.102). 

Travail dominical : la contrepartie accordée aux salariés travaillant le dimanche, prévue par une convention collective ou par la loi, n’est pas applicable à un salarié travaillant le dimanche en infraction aux dispositions légales et réglementaires sur le repos dominical ; ce salarié ne peut donc solliciter que la réparation du préjudice subi à raison du travail illégal le dimanche (Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-21.897). 

RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL (MOTIF PERSONNEL)

Licenciement, clause de mobilité, refus de changement d’affectation : est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d’un agent de service dont le contrat comportait une clause de mobilité géographique dès lors que, même si le changement d’affectation était conforme à celle-ci, la modification imposée au salarié ne reposait sur aucune nécessité établie de l’entreprise, laquelle a fait un usage abusif de la clause de mobilité contractuelle (Cour d’appel de Paris, 3 novembre 2020, n° 18/11579, arrêt communiqué sur demande). 

Résiliation judiciaire, nullité du licenciement : lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la nullité de son licenciement au cours d’une même instance, le juge, qui constate la nullité du licenciement, ne peut faire droit à la demande de réintégration (Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 19-21.200). 

Nullité du licenciement, réintégration impossible : le fait pour le salarié d’être entré au service d’un autre employeur n’est pas de nature à le priver de son droit à réintégration si son licenciement est jugé nul dès lors que l’ancien employeur ne prouve pas que sa réintégration était matériellement impossible (Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-20.397). 

Suspension du contrat de travail, faute grave : la Cour de cassation rappelle que, pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut seulement, dans le cas d’une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté (Cass. soc., 3 février 2021, n° 18-25.129). 

Transaction et clause de non-concurrence : la transaction dans laquelle les parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relativement à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail, comprend les obligations liées à la clause de non-concurrence. Postérieurement à cette transaction, le salarié concerné ne pourra donc pas demander le paiement de la contrepartie financière à cette clause (Cass. soc., 17 février 2021, n° 19-20.635). 

LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE

CSP, délai de contestation : le délai de contestation de la rupture ou de son motif est de 12 mois et court à compter de l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, peu important que la rupture du contrat de travail intervienne postérieurement à cette adhésion (Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-16.564). 

PSE insuffisant, préjudice, responsabilité extracontractuelle d’un tiers : si les salariés licenciés pour motif économique ont bénéficié d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’insuffisance du PSE et du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, cette indemnité répare également les préjudices allégués par les salariés résultant de la perte de leur emploi et de la perte d’une chance d’un retour à l’emploi optimisé en l’absence de moyens adéquats alloués au PSE. Les salariés ne peuvent donc pas à ce titre engager la responsabilité extracontractuelle de la banque ayant accordé des crédits ruineux à l’employeur (Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 18-23.535).

Transaction, indemnité, engagement unilatéral : l’employeur s’engageant par un accord atypique ou un engagement unilatéral à verser une indemnité transactionnelle dont les montants avaient été fixés selon un barème ne peut subordonner le versement de cette indemnité à la conclusion par chaque salarié d’une transaction individuelle (Cass. soc., 3 février 2021, n° 19-19.076). 

SALARIES PROTEGES

Grève, liberté de circulation des représentants du personnel : la liberté de circulation des représentants du personnel et des représentants syndicaux au sein de l’entreprise est un principe d’ordre public, qui ne peut donner lieu à restriction qu’au regard d’impératifs de santé, d’hygiène ou de sécurité ou en cas d’abus, et qui s’exerce de la même façon en cas de mouvement de grève. En l’espèce, les représentants participant au mouvement de grève ont adopté des comportements apportant une gêne anormale au travail des salariés et à la clientèle de l’hôtel (usage de mégaphone et montée dans les étages de l’hôtel pour interpeller et intimider les salariés non-grévistes, distribution de tracts aux clients, cris et usage de sifflets ; entrée de force dans une chambre de l’hôtel). Ces comportements étaient abusifs et constituaient par conséquent un trouble manifestement illicite, donc les restrictions provisoires imposées par l’employeur, consistant dans un premier temps dans l’interdiction d’accès à l’hôtel, puis dans un conditionnement de l’accès (entrée sans sifflets, ni mégaphone, ni chasubles ; contact à distance par un membre de la direction ou de la sécurité, interdiction d’entrée dans les chambres d’hôtel sans autorisation), étaient justifiées et proportionnées aux abus constatés (Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-14.021).

IRP, FONCTIONNEMENT, PERIMETRE

Consultation du CSE, OPA : dans le cadre de l’annonce par Veolia de son intention de déposer une OPA volontaire portant sur le solde des actions de Suez suite à son acquisition d’actions, le Tribunal judiciaire a jugé que les CSE de Suez n’avaient pas à être consultés à ce stade. En effet, même si l’auteur du projet objet de la consultation du CSE peut être un tiers, mais les questions objet de la consultation doivent être reliées au pouvoir de décision d’un organe dirigeant qui oblige l’entreprise. Ainsi, l’article L. 2312-15 du Code du travail prévoyant que le CSE peut adresser des propositions pour amender un projet impose à l’employeur d’y apporter un réponse motivée, ce dont il déduit que l’employeur, seul débiteur de l’obligation de consultation, doit disposer du pouvoir d’amender le projet soumis à la consultation. Or, Suez ne dispose au jour du jugement pas de cette prérogative puisque le projet n’émane pas des organes dirigeants actuels de Suez qui sont d’ailleurs opposés au projet présenté par Veolia (Tribunal judiciaire de Nanterre, 3 février 2021, n° 20/09953, communiqué sur demande).

Réduction des mandats, mise en place du CSE : un accord qui prévoit la mise en place d’un CSE à une certaine date a nécessairement pour conséquence la réduction des mandats en cours des membres des anciens CE qui prennent fin au jour de la mise en place du CSE (Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-14.021). 

SYNDICATS

Licenciement nul, discrimination syndicale, intérêt à agir du syndicat : le licenciement discriminatoire d’un salarié, fondé sur son appartenance syndicale ou son activité syndicale, est de nature à porter un préjudice à l’intérêt collectif de la profession et donc à constituer l’intérêt à agir d’un syndicat, que le salarié licencié soit un salarié protégé ou non (Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-17.182). 

Accord collectif, intérêt à agir du syndicat : la violation des dispositions d’un accord de branche cause un préjudice à l’intérêt collectif de la profession, qu’il appartient au juge d’évaluer (Cass. soc., 20 janvier 2021, n° 19-16.283). 

Désignation du RSS : le critère de transparence financière est rempli si les formalités d’approbation et de publicité des comptes sont en cours d’accomplissement (Cass. soc., 10 février 2021, n° 19-18.040).  

STATUT COLLECTIF

Terminologie dans les accords collectifs : l’accord collectif ayant institué un comité de groupe avant la mise en place du CSE peut continuer à recevoir application, en substituant les termes de « comité social et économique » aux mentions relatives aux anciennes institutions représentatives du personnel (Cass. soc., 27 janvier 2021, n° 19-24.400). 

Modulation dans le temps des effets de l’annulation de la clause d’un accord : depuis les ordonnances Macron de 2017, le juge peut décider de moduler dans le temps les effets de sa décision d’annulation de tout ou partie d’un accord collectif. La Cour de cassation confirme à cet égard la décision des juges du fond de maintenir pendant 18 mois une clause annulée d’un accord collectif, afin d’éviter un travail considérable et particulièrement compliqué, voire inefficace, de remise en l’état pour des salaires versés pendant une dizaine d’années. En effet, ce report de l’annulation de la clause permettait la sauvegarde de l’intérêt général puisque ni les salariés ni les employeurs n’étaient lésés par cette décision (Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-13.977

LBBa SCP d’avocats inscrite aux barreaux de Paris et de Rennes

Emploi

34 700 ruptures conventionnelles homologuées en janvier 2021

10/03/2021

En janvier 2021, 34 700 ruptures conventionnelles (relatives à des salariés non protégés) ont été homologuées, contre 36 500 en décembre 2020. Leur nombre diminue de 3,7 % en un mois et de 7,4 % sur un an.

Sur les trois derniers mois, le nombre d’homologations diminue (−11,9 % en moyenne sur les mois de novembre, décembre 2020 et janvier 2021 relativement aux trois mois précédents). 

4,4 % des demandes de ruptures conventionnelles reçues par l’inspection du travail n’ont pas été validées ce mois-ci. 1,6 % des demandes reçues ont été jugées irrecevables car le dossier était incomplet. Parmi les demandes recevables, 2,9 % ont été refusées par l’administration en raison d’un manquement aux prescriptions légales (tenue d’au moins un entretien, indemnité supérieure ou égale au minimum légal, respect du délai de rétractation de 15 jours calendaires, etc.).

Conférence du dialogue social : la prime Macron reprend du service

16/03/2021

© AFP

A l’issue de la conférence du dialogue social, Jean Castex a annoncé hier la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat de 1 000€ pour tous les salariés. Les aides à l’apprentissage sont prolongées jusqu’à fin 2021. En revanche, la prime à l’embauche des jeunes s’arrête le 31 mai.

C’est dans une cadre très resserré que s’est déroulée la troisième conférence du dialogue social, organisée hier par Jean Castex. Crise sanitaire oblige, les discussions avec les partenaires sociaux se sont déroulées en visioconférence. Seul Bruno Le Maire était présent à Matignon. Elisabeth Borne, s’est, elle aussi, exprimée à distance, ayant été testée positive au virus. Plusieurs mesures de soutien ont été annoncées par le chef du gouvernement à l’issue de ce sommet.

Le retour de la prime Macron

Primo, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) ou prime Macron reprend du service. Les entreprises pourront à nouveau verser en 2021 une prime défiscalisée et exonérée de cotisations sociales de 1 000€ pour “tous les salariés”.  Il sera possible d’en augmenter le montant jusque 2 000€ pour les entreprises et les branches qui auront soit conclu un accord d’intéressement (vraisemblablement d’ici le 30 juin), soit ouvert une négociation sur la valorisation des métiers” dits de “deuxième ligne”, qui devront être les “bénéficiaires privilégiés” de cette prime, a ajouté le Premier ministre. Les conditions d’attribution seront détaillées dans un prochain projet de loi de finances rectificative (PLFR) ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022. En 2019, 4,8 millions de salariés en avaient bénéficié pour un montant moyen de 401€. En 2020, ce sont 6,2 millions de personnes qui avaient perçu ce coup de pouce (460€ en moyenne).

Le Premier ministre a affirmé sur Twitter que c’était “la juste reconnaissance de leur engagement pour assurer la continuité économique du pays”.

“Je souhaite que le maximum de branches s’engage dans cette démarche, notamment celles qui ne se sont pas emparées de ce sujet l’année dernière. C’est un enjeu d’attractivité de ces métiers”, a-t-il complété.

Les aides à l’apprentissage maintenues

Secundo, les aides à l’apprentissage sont prolongées à l’identique jusqu’à la fin 2021. Cette mesure représente un effort budgétaire de 2,4 milliards d’euros, a précisé le ministère du travail.

Tertio, la prime à l’embauche des jeunes de moins de 26 ans, lancée en août dernier, sera recentrée, à partir du mois d’avril, sur les salaires inférieurs à 1,6 Smic (contre deux Smic actuellement). Et ce, jusqu’à fin mai. Passé ce délai, le dispositif s’arrêtera. Pour la rue de Grenelle, cette différence de traitement n’est pas paradoxale : “On continue un investissement très fort sur l’apprentissage car ce [mode de formation] est en train de changer d’échelle”. En revanche, l’aide temporaire à l’embauche des jeunes n’est plus justifiée, “ce coup de pouce ayant surtout permis d’accélérer les décisions d’embauche”. Au total, 346 000 demandes d’aide ont été formulées.

Un calendrier de sortie de crise

Au-delà, le gouvernement propose un calendrier de concertations sur la sortie de crise. “Cela peut sembler paradoxal d’engager une réflexion sur la sortie de crise quand la situation sanitaire du moment reste à ce point tendue et incertaine. Mais c’est une nécessité de nous y préparer”, a-t-il indiqué. Les travaux se dérouleront en trois étapes.

Tout d’abord, des discussions seront lancées, ce mois-ci, pour établir “les différents scénarios de levée des restrictions sanitaires”. Puis en avril-mai, elles devront porter sur les accompagnements de sortie de crise “au fur et à mesure du retour à la normale et en prenant en compte la situation particulière des différents secteurs économiques”. Selon le gouvernement, il s’agit de “désarmer progressivement” les aides et prévoir, éventuellement de nouvelles mesures d’accompagnement dans le plan de relance. Enfin, il s’agira d’analyser, entre juin et septembre, “les changements durables induits par la crise”, pour dégager les “tendances de fond” qui se dessinent, à la fois sur les modes de travail, les conditions de travail, mais aussi les lieux de travail et les compétences.

Les réactions des partenaires sociaux
“Il n’y a pas eu de grande annonce”, ont réagi presque unanimement les syndicats à la sortie de cette troisième conférence de dialogue social. “La nouveauté c’était l’augmentation de 1 000€ de la prime pour les travailleurs de seconde ligne en cas d’accord d’intéressement ou d’accord de méthode sur la revalorisation du métier au niveau de la branche”, a cependant noté Michel Beaugas (FO) qui craint que la réticence des entreprises à verser cette prime ne crée des déceptions chez les salariés. Quant au calendrier de sortie de crise, le secrétaire confédéral chargé de l’emploi concède “ne pas avoir de problème pour aller discuter de ces thèmes avec les ministres du travail et de l’économie : au moins, on pourra donner notre avis”. Michel Beaugas a par ailleurs regretté que le rôle des CSE et leurs élus ne soient pas évoqués par le gouvernement dans la gestion de la crise. Il déplore également que le gouvernement poursuive son projet de réforme de l’assurance chômage. Enfin, FO était d’accord avec les mesures concernant les jeunes, “car c’est en effet à 1,6 Smic que les jeunes peinent à trouver du travail”. Sur twitter, la CFDT a réagi à l’annonce de la prime à destination des travailleurs de deuxième ligne en indiquant : “La balle est dans le camp du patronat”. Côté CFE-CGC, François Hommeril a trouvé “pour le moins ambitieux” de la part du gouvernement de fixer pour fin mars des perspectives de sortie de crise. Concernant les négociations, il note que certaines ont bien avancé, comme les transitions collectives tandis que “l’assurance chômage reste le caillou dans la chaussure”. Au sujet des mesures annoncées lors de la conférence du dialogue social, le président du syndicat des cadres note : “Quand le patron donne une prime, en général c’est parce qu’il ne veut pas donner d’augmentation. La prime crée donc un effet de report négatif sur la rémunération et il est rare de constater un effet positif sur la revalorisation salariale”. François Hommeril s’est dit en revanche “tout à fait favorable aux mesures qui touchent les jeunes, notamment pour les alternants”. Il craint cependant que la prime à l’embauche hors alternance ne crée un effet d’aubaine, “et quand on l’élargit aux CDD de six mois, c’est un emploi qui ne coûte rien à l’employeur”. Il demande également à ce que le gouvernement étudie à compter de 2022 les impacts des mesures l’apprentissage sur le taux d’insertion dans l’emploi des apprentis. Enfin, s’il refuse de commenter les mesures sanitaires, il s’indigne que l’hôpital reste dans une perspective de gestion comme une entreprise privée. Cyril Chabanier, président de la CFTC, n’a pas trouvé la conférence “concluante” mais a salué les propositions concrètes. Il partage la position du gouvernement sur la prolongation des aides aux jeunes, qu’il qualifie de “bonne décision”. Il est en revanche plus réservé sur les aides à l’embauche “car elles créent des effets d’aubaine. Mais il ne faut pas débrancher ces aides de manière brutale”, a-t-il relevé. Quant à la prime promise aux travailleurs de deuxième ligne, les plafonds de rémunération devraient selon lui être précisés prochainement. Il indique cependant ne pas être optimiste, “les employeurs ont dit que les entreprises se trouvaient dans des situations compliquées. C’est un peu fort car celles de deuxième ligne ont pu continuer à fonctionner et donc ne se portent pas si mal”. Cyril Chabanier se montre également favorable au calendrier de sortie de crise : “Il faut envoyer des messages positifs, à condition que l’on parle aussi des aspirations des salariés qui ont profondément changé depuis cette crise”. La CPME s’est réjouie dans un communiqué “d’avoir été entendue sur le maintien, jusqu’à la fin de l’année 2021, du dispositif de soutien à l’alternance dont l’efficacité en faveur de la jeunesse est avérée. Quant aux aides à l’embauche des jeunes de moins de 26 ans, même plafonnées, leur prolongation jusqu’à mai 2021 reste une bonne nouvelle. La CPME réclamera néanmoins leur maintien jusqu’à la fin de l’année”. Solidaires, qui n’avait pas été invitée à la conférence du dialogue social, a qualifié cette dernière de “cache misère”, renvoyant au “bon vouloir des patrons d’octroyer une nouvelle prime non pérenne”. Pour l’union syndicale, seules des mesures fortes pourront faire la différence dans la gestion de la crise, comme la hausse des minimas sociaux, la création massive d’emplois dans les services publics, la baisse du temps de travail à 32 heures par semaine ou encore le conditionnement social et écologique des aides publiques aux entreprises.

Anne Bariet et Marie-Aude Grimont

Égalité Professionnelle

Index égalité professionnelle : les entreprises vont devoir publier les sous-indicateurs le 1er juin

09/03/2021

Le ministère du travail a présenté hier la troisième édition de l’Index de l’égalité professionnelle. La note moyenne passe de 84 à 85 points sur 100, soit 10 points au-dessus du minimum requis. Mais des points faibles demeurent. A commencer par l’absence de réévaluation salariale au retour d’un congé maternité et le manque de parité dans les instances dirigeantes.

Créé en septembre 2018, par la loi Avenir professionnel, l’Index égalité professionnelle progresse : cette année, 70 % des entreprises de plus de 50 salariés ont publié leur note au 1er mars 2021, contre 59 % l’année dernière, selon le bilan communiqué hier par le ministère du travail. La note moyenne, toutes catégories confondues, augmente, elle, d’un point, passant de 84 à 85 sur 100, soit dix points au-dessus du minimum requis.

Cette note comprend cinq critères : l’écart de rémunération femmes-hommes (40 points), l’écart dans les augmentations annuelles (20 points), l’écart dans les promotions (15 points), les augmentations au retour de congé maternité (15 points) et enfin la présence de femmes parmi les plus hauts salaires de l’entreprise (10 points).

2 % des entreprises obtiennent la note maximale de 100

En dépit de la crise, “les entreprises sont au rendez-vous de l’Index, signe que la démarche est rentrée dans les mœurs”, s’est félicité le ministère du travail. Y compris pour les entreprises de 50 à 250 salariés, soumises à cette obligation depuis mars 2020 (contre 2019 pour les autres), Elles affichent une note moyenne de 84,7 points sur 100, contre 85 pour celles de 250 à 999 et de 88 pour celles de plus de 1 000, selon le bilan du ministère du travail communiqué hier.

Mais seules 2 % des entreprises obtiennent la note maximale de 100, parmi lesquelles “Brioche Dorée, la Française des Jeux et Nicolas”. Elisabeth Borne interviewée hier sur RTL constate qu'”a contrario 98 % des entreprises ont des marges de progrès”. A l’autre extrémité, une cinquantaine d’entreprises sont “dans la zone rouge”, avec une note inférieure à 60 points. Parmi les entreprises mal notées, on retrouve “Mr Bricolage, Havas Voyages et Foncia” qui ont obtenu respectivement 72, 63 et 55 points.

La loi laisse trois ans aux sociétés de plus de 1 000 salariés pour prendre des mesures correctives, sous peine sinon d’une sanction pouvant aller jusqu’à 1 % de leur masse salariale (1er mars 2022). Les structures de 250 à 999 salariés et celles de 50 jusqu’à 249 ont plus de temps pour rectifier le tir, respectivement jusqu’au 1er septembre 2022 et au 1er mars 2023.

“On a dû faire 17 500 interventions en entreprise de la part des services du ministère du travail pour leur dire où elles pouvaient progresser. Il y a eu 300 mises en demeure et 11 pénalités financières sur des entreprises qui n’avaient pas déclaré leur Index ou qui n’avaient pas élaboré de plan d’action”, a détaillé Élisabeth Borne. Ces pénalités oscillent entre 0,3 % et 1 % de la masse salariale.

Indicateurs à la traîne

Deux indicateurs sont en fait à la traîne : 3 000 entreprises n’ont pas respecté, tout d’abord, les réévaluations salariales dues aux salariées de retour de congé maternité, quand les augmentations, générales ou individuelles, ont eu lieu durant leur absence. Cette obligation, qui date pourtant de 2006, n’est pas honorée dans 13 % des cas. Le ministère a identifié 177 entreprises de plus de 250 salariés ayant obtenu systématiquement la note minimale (0) à cet indicateur depuis trois ans.

Par ailleurs, seules un quart des entreprises ont une quasi-parité parmi les dix plus hautes rémunérations de l’entreprise. Et 43 % des entreprises de plus de 1 000 salariés ont même moins de deux femmes dans ces dix plus hauts salaires. Elles étaient 37 % dans ce cas l’année dernière.

Une proposition de loi pour avancer sur la parité

Pourtant, à ce stade, l’Index ne devrait pas évoluer. Malgré les critiques de plusieurs acteurs, notamment des organisations syndicales ou des cercles de réflexion comme Terra Nova qui pointent l’absence de prise en compte des temps partiels ou encore des bas salaires parmi les indicateurs, le ministère n’estime pas “pertinent” d’étoffer l’Index par de nouveaux critères.

Seule modification prévue : un décret, à paraître “prochainement” devrait obliger les entreprises à rendre plus “visible” la note sur leur site internet à partir du mois de mai 2021. Le texte devrait également prévoir la publication, à partir du 1er juin, des sous-composantes de leur note, et pas seulement leur note globale.

Cette obligation vaut actuellement pour les entreprises de 50 salariés et plus, qui bénéficient directement des crédits ouverts du Plan de relance, conformément à la loi de finances pour 2021.

Le gouvernement compte sur les parlementaires pour faire bouger les lignes. Une proposition de loi, portée par Marie-Pierre Rixain, députée LREM et présidente de la Délégation des droits des femmes à l’Assemblée nationale, devrait être déposée dans les prochains jours, afin d’instaurer d’un quota de 40 % de femmes à atteindre en six ans dans les comités exécutifs et les comités de direction, sur le modèle de la loi Copé-Zimmermann. 22 % de femmes siègent au sein des Comex, contre 46 % dans les conseils d’administration des groupes du Cac 40.

Anne Bariet

L’index égalité professionnelles s’étoffe de nouvelles obligations

12/03/2021

Les entreprises vont devoir publier chaque indicateur de l’index sur l’égalité professionnelle, en sus de la note globale. Lorsque le résultat sera inférieur à 75 points, les structures bénéficiant des crédits du Plan de relance devront communiquer leurs objectifs de progression, selon le décret paru hier au Journal officiel. Avec, à la clef, un calendrier progressif d’application.

Sitôt annoncé, sitôt publié : le décret du 10 mars 2021, paru hier au Journal officiel, portant sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, grave dans le marbre les annonces d’Elisabeth Borne, détaillées lors de la présentation de la troisième édition de l’Index de l’égalité professionnelle, lundi dernier. Concrètement, l’index s’enrichit de nouvelles obligations pour les employeurs.

Une communication “visible et lisible”

Primo, les entreprises doivent désormais publier, outre le résultat global, la note obtenue à chaque indicateur. La publication se fait toujours annuellement au plus tard le 1er mars de l’année en cours au titre de l’année précédente. Mais désormais elle doit se faire de “manière visible et lisible” sur le site internet de l’entreprise. En l’absence de site, les scores obtenus doivent être “portés à la connaissance des salariés par tout moyen”.

Autre nouveauté : les résultats doivent rester consultables sur le site jusqu’à la publication des nouveaux résultats. Le texte laisse toutefois un délai aux entreprises pour s’organiser :

  • Elles ont jusqu’au 1er mai 2021 pour communiquer sur le résultat global de “manière visible et lisible” ;
  • Elles ont jusqu’au 1er juin 2021 pour faire connaître les sous-composantes de leur note.

Afficher les mesures correctrices

Secundo, les entreprises de 50 salariés et plus, qui bénéficient directement des crédits ouverts du Plan de relance, conformément à la loi de finances pour 2021 (article 244) doivent également afficher les objectifs de progression ainsi que les mesures de correction et de rattrapage fixés pour chaque indicateur pour lequel la note est insuffisante, dès lors que le résultat global est inférieur à 75 points. Ces mesures correctrices doivent, de la même manière, être partagées sur le site internet de l’entreprise, “sur la même page que le niveau de résultat et les résultats”. Elles doivent rester visibles jusqu’à ce que l’entreprise obtienne le minimum requis pour l’Index, c’est-à-dire 75 sur 100 points.

Lorsque le niveau de résultat est inférieur à ce score, l’entreprise dispose de 3 ans pour corriger ces écarts de salaire, sous peine sinon d’une sanction pouvant aller jusqu’à 1 % de sa masse salariale. Pour y parvenir, l’entreprise et les partenaires sociaux doivent se saisir du sujet lors de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle. A défaut d’accord, l’employeur doit déterminer, après consultation du CSE, par décision unilatérale, les mesures correctrices. Lesquelles doivent être déposées sur la plateforme de téléprocédure du ministère du travail.

Cette obligation s’applique à partir de l’année prochaine. En effet, les entreprises ont jusqu’au 1er mai 2022 pour fixer et publier des objectifs de progression, au vu des résultats obtenus sur la période de référence de 12 mois consécutifs s’achevant au plus tard le 31 décembre 2021. La note globale ainsi que les sous-indicateurs devant, eux, être publiés au plus tard le 1er mars 2022.

Calendrier récapitulatif

1er mai 2021Publication du résultat global de “manière visible et lisible”
1er juin 2021Publication des sous-indicateurs de la note
1er mai 2022Publication des mesures de correctrices pour les entreprises de 50 salariés et plus, qui bénéficient des crédits du Plan de relance.

Anne Bariet