DROIT

Que prévoit le texte définitif du projet de loi vigilance sanitaire ?

08/11/2021

Le texte controversé a terminé vendredi 5 novembre son parcours parlementaire, marqué par une forte opposition du Sénat et des adoptions de justesse en Assemblée. Que prévoit sa dernière version ? Voici son contenu sous la forme de questions-réponses.

Opposition au passe sanitaire, accusations d'”enjamber” les élections présidentielles, soupçons de violation du secret médical… Le projet de loi vigilance sanitaire a créé des remous entre les parlementaires et le gouvernement depuis sa présentation en Conseil des ministres le 13 octobre. En première lecture, une poignée de voix seulement a permis son adoption devant l’Assemblée. Le Sénat a ensuite préféré une version très modifiée, notamment en limitant les prérogatives sanitaires du gouvernement jusqu’au 28 février au lieu du 31 juillet 2022. La Commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs n’a pas réussi à se mettre d’accord. Il restait de nombreux points de discorde entre les deux chambres, et dans ce cas, le gouvernement envoie le texte en lecture définitive devant l’Assemblée. Après une motion de rejet du Sénat, l’Assemblée a voté directement son texte de 2ème lecture. Attention cependant, les choses pourraient encore évoluer car le Conseil constitutionnel a été saisi. Voici l’essentiel en questions-réponses.

Régime de sortie de crise, état d’urgence, où en est-on ?

Le projet de loi prévoit de maintenir les dispositions du code de la santé publique qui régissent l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022 au lieu du 31 décembre 2021 (article 1). Rappelons que la France métropolitaine ne se trouve plus en état d’urgence sanitaire depuis le 1er juin 2021 (loi du 15 février 2021) mais en période transitoire de sortie de crise sanitaire. Ce régime permet au Premier ministre de limiter les déplacements, d’exiger l’application du passe sanitaire et le port du masque, de réglementer les rassemblements et les transports collectifs, ou encore décider de fermer des établissements recevant du public. Le projet de loi prolonge ce régime transitoire du 15 novembre 2021 au 31 juillet 2022 (article 2). L’état d’urgence est en revanche activé actuellement dans certains territoires d’outre-mer (Guyanne, Martinique, Guadeloupe notamment, loi du 11 septembre 2021).

Jusqu’à quand peut durer le passe sanitaire ?

Le projet de loi proroge le régime de sortie de crise et donc le passe sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022. Le texte précise que les contraintes sanitaires sont imposées par le Premier ministre aux seules fins de lutter contre l’épidémie. Il faut de plus que la situation sanitaire le justifie, c’est-à-dire que le virus circule ou qu’il fasse craindre des conséquences sur le système de santé. Les mesures doivent tenir compte du taux de vaccination, du taux de positivité des tests de dépistage, du taux d’incidence ou du taux de saturation des services de réanimation (article 2). Petite nouveauté par rapport au texte initial du projet : le passe sanitaire ne sera plus exigé des personnes non soignantes travaillant dans des crèches, des établissements de soutien à la parentalité et des services de protection de l’enfance (article 5).

Que risque-t-on si on ne respecte pas le passe sanitaire ?

135 € d’amende si on utilise le passe de quelqu’un d’autre ou si on ne présente pas de passe là où il est exigé. Cette somme passe à 1 500 € en cas de récidive dans les 15 jours, et à 3 750 € en cas de récidive plus de 3 fois en 30 jours. Sont passibles des mêmes sanctions ceux qui transmettent leur passe à une tierce personne en vue de leur utilisation frauduleuse, et ceux qui ne respectent pas l’obligation vaccinale à laquelle ils sont soumis (soignants, pompiers par exemple).

Fournir un faux passe est beaucoup plus lourdement sanctionné : 5 ans de prison et 75 000 € d’amende. Sont punis des mêmes peines l’utilisation, la procuration ou la proposition de procuration d’un faux passe (article 2).

Rappel : dans les entreprises où le passe sanitaire est exigé pour travailler, les salariés sans passe risquent une suspension de leur contrat de travail.

Le régime de l’activité partielle est-il modifié ?

Non, le régime de l’activité partielle n’est pas modifié en tant que tel. Le projet de loi prévoit seulement que le gouvernement pourra le cas échéant moduler les taux horaires d’allocation de l’activité partielle de droit commun (côté employeur comme côté salarié) jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard le 31 juillet 2022. Est également prorogé à cette date le placement en activité partielle du salarié vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection, et du salarié parent d’un enfant de moins de seize ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile (article 10).

Le régime de l’activité partielle de longue durée (APLD) n’est pas modifié non plus, mais le projet de loi autorise le gouvernement à adapter l’APLD par ordonnance jusqu’au 31 juillet 2022 (article 14).

Quelles sont les autres mesures relatives au travail ?

Le projet de loi proroge jusqu’au 31 juillet 2022 les missions afférentes à la lutte contre la pandémie des services de santé au travail, à savoir la diffusion de messages de prévention, l’appui aux entreprises dans la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention, la participation aux actions de dépistage et de vaccination définies par l’État (article 10).

Par ailleurs, le projet de loi proroge jusqu’au 31 juillet 2022 les mesures d’adaptation de l’indemnité complémentaire à l’allocation journalière (art. L. 1226-1 du code du travail) versée à tout salarié ayant une année d’ancienneté dans l’entreprise, en cas d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident. De plus, jusqu’au 31 juillet 2022, le gouvernement pourra prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi visant à rétablir, adapter ou compléter l’article L. 1226-1-1 qui prévoit des dérogations aux conditions de versement de l’indemnité. Chaque ordonnance pourra prévoir l’application rétroactive des dispositions qu’elle contient dans la limite d’un mois avant sa publication (article 13). 

Les directeurs d’établissements scolaires auront-ils accès au statut virologique des élèves ?

Oui, cette mesure figure dans le texte définitif. Elle ne concerne que les directeurs des établissements d’enseignement scolaire des premiers et seconds degrés et les personnes qu’ils habilitent spécialement à cet effet. Elle ne s’applique que jusqu’à la fin de l’année scolaire 2021-2022 au plus tard (article 9).

Le gouvernement devra-t-il rendre compte des mesures adoptées ?

Dans les trois mois de la promulgation de la loi, le gouvernement devra remettre deux rapports au Parlement, au plus tard le 15 février 2022 et le 15 mai 2022. Ces rapports devront présenter les indicateurs sanitaires, les mesures prises depuis l’entrée en vigueur de la loi, les raisons du maintien des mesures sur tout ou partie du territoire et l’orientation de l’action gouvernementale pour lutter contre l’épidémie. Un rapport d’étape devra également être publié chaque mois (article 2) Une évaluation mensuelle de l’impact économique du passe sanitaire devra être remis au Parlement jusqu’au 31 juillet 2022 (article 3).

D’autres mesures à signaler ?

On peut noter :

  • une prorogation au 31 octobre 2022 des mesures d’adaptation de l’organisation des examens et concours (article 11);
  • de nouvelles garanties de protection des données (articles 6 et 7);
  • des précisions sur le contrôle de l’obligation vaccinale (soignants, pompiers, pilotes et personnels navigants de la sécurité civile, etc.) (article 4);
  • une autorisation du gouvernement à adapter le droit des copropriétés des immeubles bâtis pour tenir compte des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires, et ce dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi (article 14) ;
  • une prorogation au 31 juillet 2022 du dispositif d’aide aux titulaires de droit d’auteurs et droits voisins (article 10) ;
  • une mesure relative au mandat des conseillers des Français de l’étranger (article 12).

► Le texte définitif adopté à l’Assemblée nationale 

Marie-Aude Grimont

Salaires : +0,3% au 3e trimestre 2021, +1,5% sur un an

08/11/2021

Selon les derniers chiffres de la Dares (direction de la statistique du ministère du Travail), l’indice du salaire mensuel de base (SMB), comme d’ailleurs l’indice du salaire horaire de base des ouvriers et des employés (SHBOE), augmente de 0,3 % au 3e trimestre 2021 et de 1,5 % sur un an dans les sociétés de 10 salariés ou plus de l’ensemble du secteur privé (hors agriculture, particuliers employeurs et activités extraterritoriales).

Ces évolutions ne compensent pas la hausse de l’inflation. Les prix à la consommation, pour l’ensemble des ménages mais compte non tenu du tabac, augmentent de 0,5 % entre juin 2021 et septembre 2021 et de 2,1 % sur un an au troisième trimestre. Sur le même champ, la durée hebdomadaire collective moyenne du travail est stable à 35,7 heures au 30 septembre 2021.

actuEL CE

Le congé de présence parentale pour enfant malade est doublé

08/11/2021

Le Sénat a adopté, à l’unanimité, le 4 novembre, une proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu. Portée par le député Paul Christophe (Agir), ce texte double la durée du congé pour les parents d’enfants gravement malades. Il permet ainsi le renouvellement de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) sur une nouvelle période de 310 jours, pendant trois ans, à l’expiration des 310 premiers jours, pour la même maladie, le même handicap ou le même accident dont l’enfant a été victime. Et ce, “avant même la fin du terme fixé”.

Cette possibilité suppose que soit délivré un nouveau certificat médical établi par le médecin qui suit l’enfant et attestant le caractère indispensable, au regard du traitement de la pathologie ou du besoin d’accompagnement de l’enfant, de la poursuite des soins contraignants, et d’une présence soutenue est confirmé par un accord explicite du service du contrôle médical ou du régime spécial de sécurité sociale.  

Le texte ayant été voté dans les mêmes termes par les deux assemblées, il pourrait donc être promulgué dans les prochaines semaines, après parution au Journal officiel.

actuEL CE

Forfait-jours : attention au suivi de la charge de travail des salariés

10/11/2021

Une convention individuelle de forfait en jours est nulle lorsque l’accord collectif qui la met en place ne prévoit pas de suivi effectif et régulier de la charge de travail du salarié, précise la Cour de cassation dans un arrêt du 13 octobre 2021.

La Cour de cassation est régulièrement interrogée sur la validité d’accords collectifs de branche prévoyant la mise en place de convention de forfait en jours. Elle poursuit, dans cet arrêt, son examen visant à s’assurer que les stipulations de ces accords sont de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié (voir par exemple dans le même sens dans le secteur du bricolage, arrêt du 24 mars 2021).

Dispositions conventionnelles protectrices

Un salarié a signé une convention de forfait en jours soumise à l’annexe 2 à la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987 issue de l’accord sur le temps de travail au Crédit agricole du 13 janvier 2000.

Il a par la suite démissionné puis saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir notamment le prononcé de la nullité de sa convention de forfait en jours en raison de l’insuffisance des stipulations de l’accord collectif garantissant son droit à repos.

La cour d’appel déboute le salarié de sa demande et retient que ces dispositions sont suffisamment protectrices. Celles-ci prévoient que :

  • la signature d’une convention de forfait en jours est réservée aux cadres ayant un certain niveau d’autonomie et de responsabilité ;
  • la durée quotidienne de travail doit rester en moyenne inférieure à la durée maximale prévue pour les personnes dont le décompte du temps de travail s’effectue en heures (soit 10 heures) ;
  • un point doit être fait avec la hiérarchie, en cas de situation durable d’amplitude journalière forte de travail, pour y remédier ;
  • le salarié bénéficie de 56 jours de congés dans l’année en plus des 2 jours de repos hebdomadaires consécutifs.

Contrôle de la charge de travail

A tort selon la Cour de cassation qui souligne que ces dispositions ne sont pas suffisantes à protéger le droit à la santé et au repos du salarié garanti par la Constitution.
Elle constate que l’accord collectif instituant le forfait jours fixe bien un nombre maximal de jours travaillés, un bilan annuel de contrôle des jours travaillés et un suivi hebdomadaire du respect des règles légales et conventionnelles de durée du travail. Il n’institue pas toutefois de dispositions “de suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable”.Selon la Cour, les mesures prévues ne sont pas de nature “à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé”.

L’employeur peut désormais pallier l’absence de telles dispositions dans un accord collectif antérieur à l’entrée en vigueur de la loi Travail du 8 août 2016 en établissant un document de contrôle de la durée du travail, en s’assurant que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires et en organisant un entretien annuel avec le salarié pour évoquer notamment sa charge de travail (article L.3121-65 du code du travail).

La Cour de cassation en déduit donc que la convention de forfait en jours du salarié qui a été conclue en application de cet accord est nulle.

Le salarié peut donc demander le paiement d’heures supplémentaires dont le juge devra vérifier l’existence et le nombre (voir notamment arrêt du 4 février 2015). L’employeur pourra, de son côté, réclamer le remboursement des jours de repos octroyés au salarié en application de la convention nulle (voir notamment arrêt du 4 décembre 2019).

Ouriel Atlan, Dictionnaire permanent Social

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : Covid-19, harcèlement, jeunes, représentativité syndicale

10/11/2021

Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du vendredi 5 novembre au mardi 9 novembre inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branches que vous retrouvez une fois par mois dans nos colonnes.

Annonces légales

  • Un décret du 4 novembre 2021 porte modification du décret n° 2019-1216 du 21 novembre 2019 relatif aux annonces judiciaires et légales.

Covid-19

  • Un arrêté du 8 novembre 2021 modifie l’arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire (prise en charge des tests Covid-19 par l’Assurance maladie, lire notre brève).

Droits des salariés

  • Une loi du 8 novembre 2021 autorise la ratification de la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du Travail relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. 

Jeunes

  • Un décret du 6 novembre 2021 précise l’extension du « pass Culture » aux jeunes en âge d’être scolarisés au collège et au lycée.

Nominations / Mouvements

  • Un arrêté du 2 novembre 2021 porte nomination de M. Nicolas PROUST conseiller au cabinet de la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
  • Un arrêté du 22 octobre 2021 modifie l’arrêté du 4 octobre 2019 portant nomination des membres des comités techniques nationaux de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles des salariés agricoles.
  • Un décret du 8 novembre 2021 porte admission à la retraite du vice-président du Conseil d’État M. Bruno LASSERRE. 

Protection des données

  • Un décret du 4 novembre 2021 modifie le décret n° 2019-969 du 18 septembre 2019 modifié relatif à des traitements de données à caractère personnel portant sur les ressources des assurés sociaux.

Représentativité des syndicats (voir notre infographie)

  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités (n° 1266).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale de la restauration rapide (n° 1501).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale métropolitaine des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiments, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes, dite « S. D. L. M. » (n° 1404).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des détaillants, détaillants-fabricants et artisans de la confiserie, chocolaterie, biscuiterie (n° 1286).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des vins, cidres, jus de fruits, sirops, spiritueux et liqueurs de France (n° 0493).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la branche de la couture parisienne (IDCC n° 0303), de la fourrure (IDCC n° 0673), de la chemiserie sur mesure (IDCC n° 0418) et des tailleurs sur mesure de la région parisienne (IDCC n° 0780).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des activités de marchés financiers (n° 2931).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale de l’industrie des tuiles et briques (n° 1170).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixant la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des entreprises d’installation sans fabrication, y compris entretien, réparation, dépannage de matériel aéraulique, thermique, frigorifique et connexes (n° 1412).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des cabinets ou entreprises d’expertises en automobile (n° 1951).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective de la banque (n° 2120).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale de la charcuterie de détail (n° 0953).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale de la distribution des papiers-cartons commerce de gros (IDCC n° 3224).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des prothésistes dentaires et des personnels des laboratoires de prothèse dentaire (n° 0993).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale du commerce de détail de l’horlogerie-bijouterie (n° 1487).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des détaillants en chaussures (n° 0733).
  • Un arrêté  du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale de l’enseignement privé hors contrat (n° 2691).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la branche du personnel des industries du cartonnage (IDCC n° 0489) et des instruments à écrire et des industries connexes (IDCC n° 0715).
  • Un arrêté du 6 octobre 2021 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans la branche de la fabrication de l’ameublement (IDCC n° 1411) et de l’industrie des panneaux à base de bois (IDCC n° 2089).

Santé sécurité

  • Un décret du 6 novembre 2021 précise les conditions de réalisation de la vaccination antigrippale par les infirmiers ou infirmières.

Titres professionnels

actuEL CE

La ratification de la convention OIT sur le harcèlement est autorisée

10/11/2021

La loi autorisant la France à ratifier la convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les l’élimination de la violence et du harcèlement au travail est parue au Journal officiel. Explications.

La loi 2021-1458 du 8 novembre 2021 autorisant la ratification par la France de la convention n° 190 de l’OIT (organisation internationale du travail) relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail est parue au Journal officiel du 9 novembre. La loi comporte un article unique autorisant la ratification de la Convention adoptée à Genève le 21 juin 2019, dont le texte sera publié ultérieurement au Journal officiel.

La France serait ainsi le 10e État au monde à ratifier ce texte après, notamment, la Grèce, l’Italie, l’Argentine et la Somalie. La Convention entre en vigueur pour un pays membre 12 mois après l’enregistrement de la ratification, et ne peut être dénoncée qu’après une période de 10 ans après cette date.

Une définition “universelle” du harcèlement

La Convention n°190 de l’OIT est la première norme internationale qui vise à mettre un terme à la violence et au harcèlement dans le monde du travail, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Elle est accompagnée par la Recommandation n° 206 sur la violence et le harcèlement, texte non juridiquement contraignant qui précise les modalités de sa mise en œuvre.

Le principal apport de la Convention est de donner une définition “universelle” aux notions de “violence et harcèlement” qui s’exercent dans le monde du travail.

Selon son article 1, il s’agit “d’un ensemble de comportements et de pratiques inacceptables, ou de menaces de tels comportements et pratiques, qu’ils se produisent à une seule occasion ou de manière répétée, qui ont pour but de causer, causent ou sont susceptibles de causer un dommage d’ordre physique, psychologique, sexuel ou économique, et comprend la violence et le harcèlement fondés sur le genre”.

► Cette définition, volontairement large, permet, selon le rapport du Sénat, de couvrir l’ensemble des cas de violences et de harcèlement et de répondre aux définitions que chaque État membre de l’OIT peut en donner.

Une protection au champs d’application étendu

L’article 2 de la convention protège contre le harcèlement “les travailleurs et autres personnes dans le monde du travail”, y compris les salariés, les personnes qui travaillent quel que soit leur statut contractuel, les personnes en formation (dont les stagiaires et les apprentis), les bénévoles et les demandeurs d’emploi.

► Le code du travail limite sa protection aux salariés et aux personnes en formation ou en stage (articles L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail).

La convention s’applique, de plus, “à tous les secteurs, public ou privé, dans l’économie formelle ou informelle, en zone urbaine ou rurale”.

À ce champ personnel et sectoriel étendu s’ajoute un périmètre géographique de protection lui aussi très large. La notion de “monde du travail” retenue par la convention dépasse le lieu de travail physique. L’article 3 de la convention vise en effet la violence qui s’exerce “à l’occasion, en lien avec ou du fait du travail”, ce qui permet d’inclure le lieu de travail, les lieux de repos, les déplacements, les trajets entre le domicile et le travail, les formations, les communications liées au travail et le logement fourni par l’employeur.

La Convention reconnaît enfin “le droit de toute personne à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement” et rappelle aux membres de l’OIT “l’importante responsabilité de promouvoir un environnement général de tolérance zéro à l’égard de la violence et du harcèlement”. Le texte impose aux Etats d’adopter une approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre afin de prévenir et d’éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Les Etats doivent également prendre des mesures visant à garantir des moyens de recours et de réparation. Les employeurs ont également un rôle important à jouer en matière de prévention de la violence et du harcèlement.

Pas de modification du droit interne

D’après l’étude d’impact de l’Assemblée nationale, la législation française, issue de la combinaison des différentes sources de droit, droit civil, droit pénal ou droit du travail, est déjà conforme aux dispositions de la Convention n° 190 de l’OIT. Le droit du travail interne ne nécessite donc aucune modification afin de se mettre en accord avec la convention.

► Les organisations syndicales et les ONG contestent cette interprétation juridique et appellent à faire évoluer le droit français sur plusieurs points, notamment pour faire renforcer les prérogatives des référents harcèlement et les moyens qui leur sont alloués ou pour faire prendre en compte les violences domestiques dans la sphère professionnelle.

Il convient de souligner que la France devra adresser à l’OIT, deux ans après la ratification, un rapport sur l’application de la convention sur le territoire qui sera examiné par un comité d’experts indépendants.

Ouriel Atlan avec Fanny Doumayrou

Prime “inflation” : un questions-réponses apporte de nouvelles précisions

10/11/2021

Le 21 octobre dernier, le Premier ministre annonçait la distribution d’une aide exceptionnelle et individuelle de 100 euros à la charge de l’Etat, destinée à limiter les effets de la hausse du carburant et des prix sur certains produits sur le pouvoir d’achat de près de 38 millions de Français : l’indemnité “inflation” (également dénommée prime “inflation”).

Ce dispositif est prévu dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021, présenté mercredi 3 novembre en Conseil des ministres et déposé le même jour sur le bureau de l’Assemblée nationale. La prime sera versée aux salariés y ouvrant droit par leur employeur dès décembre prochain et fera l’objet d’une compensation par l’Etat.

Dès à présent, le gouvernement met un “questions-réponses” à la disposition de tous ceux (employeurs et salariés notamment) souhaitant en savoir plus sur cette indemnité (conditions d’éligibilité, appréciation du plafond de rémunération, modalités de versement et de remboursement par l’Etat…). Le réseau des Urssaf apporte également quelques précisions dans une actualité publiée sur son site hier.

En substance, ce “questions-réponses” reprend les différentes informations contenues dans notre article du  4 novembre 2021. Relevons toutefois quelques précisions complémentaires :

  • la mesure s’appliquera bien en Guyane, en Guadeloupe, à la Martinique, à Mayotte, à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon mais ne s’appliquera ni en Nouvelle-Calédonie, ni en Polynésie Française, ni à Wallis-et-Futuna ;
  • l’indemnité “inflation” sera versée aux personnes bénéficiaires d’une préretraite amiante (allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, Acaata) si le niveau de pension versée est inférieur à 2 000 euros nets par mois ainsi qu’aux personnes bénéficiaires de dispositifs de cessation anticipée d’activité (congé de fin d’activité, notamment) par leur employeur, sous réserve de respecter les conditions de revenus ;
  • les salariés intérimaires bénéficieront d’un versement de l’indemnité par l’entreprise de travail temporaire ;
  • les salariés à domicile employés directement par des particuliers bénéficieront de cette prime par un versement direct de l’Urssaf, sans intervention de la part des particuliers employeurs : afin de bénéficier du versement automatique, les salariés ne l’ayant pas encore fait sont invités par l’Urssaf à renseigner leurs coordonnées bancaires sur leur compte en ligne (à la rubrique “Cesu +” de leur tableau de bord pour les salariés Cesu ou à la rubrique “Gérer mes coordonnées bancaires” pour les salariés Pajemploi) ;

► A noter : les salariés des particuliers déclarés en DSN ou par un mandataire sont également concernés par l’indemnité. Elle leur sera versée par l’Urssaf à compter du mois de février, dans des conditions en cours de définition, précise le réseau des Urssaf.

  • les artistes-auteurs ainsi que les marins sont également éligibles au versement de l’indemnité selon des modalités précisées ultérieurement ;
  • si, en principe, le remboursement de la prime par l’Etat aux employeurs prendra la forme d’une déduction des cotisations sociales dues au titre de l’échéance suivant immédiatement le versement de l’indemnité, l’Urssaf procèdera à un remboursement en cas de montant d’indemnité excédant le montant des cotisations dues : le code type de personnel à utiliser pour déclarer l’indemnité sur la DSN sera le CTP 390 à 0 %.

S’agissant des travailleurs frontaliers, compte tenu du fait que l’activité est exercée à l’étranger, le versement de l’indemnité “inflation” sera réalisé selon des modalités appropriées en s’appuyant sur l’administration fiscale (DGFIP).

actuEL CE

La loi vigilance sanitaire est promulguée

15/11/2021

Jeudi 11 novembre est parue au Journal officiel la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, amputée donc des points censurés par le Conseil Constitutionnel.

Rappelons que les points qui ne font pas partie de la loi concernent :

  • l’accès des établissements scolaires aux informations médicales;
  • l’autorisation à prendre par ordonnance des mesures permettant d’adapter le régime des indemnités complémentaires et d’adapter l’activité réduite pour le maintien en emploi (APLD);
  • la disposition sur les assemblées générales de copropriétaires (lire notre article sur la décision du Conseil constitutionnel).

Le gouvernement a donc la possibilité d’imposer le passe sanitaire (et autres mesures restrictives sur liberté de circulation et d’accès aux établissements) jusqu’au 31 juillet 2022 (lire notre article sur le texte définitif voté par les députés).

actuEL CE

Contentieux prud’homal entre Thales et une lanceuse d’alerte : “Les forces en présence ne sont pas les mêmes”

15/11/2021

Me Alibert / Me Frédéric Benoist

Les conseils de l’ex-salariée de Thales, une lanceuse d’alerte qui poursuit le groupe devant les prud’hommes, ont décidé de se pourvoir en cassation. Ils souhaitent faire reconnaître une compétence spécifique du juge des référés lorsqu’il traite d’une alerte interne. Frédéric Benoist, avocat de la lanceuse d’alerte, et Juliette Alibert, qui représente la Maison des Lanceurs d’Alerte, nous expliquent les motifs de leur pourvoi.

Début octobre, le Parquet national financier a confirmé avoir ouvert à l’encontre du groupe Thales une enquête pour des soupçons de corruption et de trafic d’influence. Cette affaire a été révélée en interne par une ancienne salariée du groupe ayant été licenciée après avoir lancé plusieurs alertes auprès de ses supérieurs hiérarchiques puis du comité éthique du groupe. La salariée a contesté le bien-fondé de son licenciement mais elle a vu son recours rejeté, tant par le conseil des prud’hommes de Nanterre que par la Cour d’appel de Versailles. Dans une décision du 16 septembre dernier, la juridiction d’appel a refusé de reconnaître le « trouble manifestement illicite » né du licenciement et a renvoyé l’appréciation de la nullité du licenciement aux juges de fond. Retour sur cette décision avec Frédéric Benoist, avocat de la lanceuse d’alerte et Juliette Alibert, conseil représentant la Maison des lanceurs d’alerte.

Pouvez-vous revenir sur les éléments clés de cette affaire ?

Frédéric Benoist : La salariée a été engagée par Thales Global Services dans un premier temps en 2014. Il n’y avait alors eu aucune difficulté, elle donnait entière satisfaction. Elle a ensuite rejoint, en 2017, la société concernée par l’action, Thales Six GTS France. Immédiatement après sa prise de fonctions, elle a été amenée à constater une situation concernant l’un de ses collaborateurs directs qui lui est apparue très surprenante de prime abord et parfaitement irrégulière, après avoir creusé davantage, au regard de la législation sur la corruption active et le trafic d’influence. Elle en a immédiatement alerté sa hiérarchie directe qui en avait connaissance et s’est montrée assez courroucée par sa réaction. Elle a cependant demandé à ce que la situation cesse et des assurances lui ont été données en ce Non, elle s’est rapidement aperçue que les irrégularités ont continué et en a saisi le comité éthique de Thales lequel, dans un premier temps, lui a reconnu expressément le statut de lanceuse d’alerte et par conséquent la protection attachée à ce statut qui implique notamment l’impossibilité de mener quelque action en représailles à son encontre. Pourtant, et avant même d’avoir saisi ce comité, elle avait été l’objet de nombreuses actions de représailles : mises à l’écart, dévalorisations fonctionnelles… Elle s’est même vue sanctionnée financièrement puisqu’au moment de sa prise de fonctions en 2017, il était prévu qu’elle doive bénéficier d’une progression de salaire importante qu’elle n’a jamais eue. La saisine du comité d’éthique a cependant été un élément multiplicateur des mesures discriminatoires organisées par sa hiérarchie directe qui ont eu une répercussion sur l’état de santé de la salariée. Elle a informé à plusieurs reprises le comité d’éthique sur cette situation sans que ne lui soit fait aucun retour.

Juste avant la procédure de licenciement, le comité a rendu une décision en deux temps :

  • D’une part, il a considéré que les représailles dont la salariée s’était plainte ne pouvaient être considérées comme telles puisqu’elles étaient antérieures aux alertes lancées ainsi qu’à la saisine du comité d’éthique. En réalité, les représailles ont commencé dès après que la salariée a contesté auprès de sa hiérarchie la situation irrégulière qu’elle avait constatée, et ce sont ces premières alertes qui ont suscité l’hostilité de sa hiérarchie qui a refusé de mettre un terme à une situation pourtant gravement irrégulière. Les représailles ont ensuite bel et bien continué après la saisine du Comité éthique.
  • Deuxième chose : il y a bien eu une situation qui n’était pas conforme aux règles éthiques du groupe et un certain nombre de collaborateurs ont été « rappelés à l’ordre ». A ce jour, on ne sait toujours pas ce qu’il y avait dans ces courriers de rappels à l’ordre, Thales étant restée très discrète sur ce point…

Quelques jours après cette prise de position duale par le comité d’éthique, la procédure de licenciement de la salariée est engagée pour aboutir, le 27 mai 2020, à une mesure de licenciement fondée sur des prétendues et soudaines problématiques relationnelles et managériales.

Il doit être précisé, car c’est assez stupéfiant, que l’entretien préalable a été organisé par deux des personnes visées par l’alerte : son supérieur hiérarchique direct et le DRH.

Aujourd’hui, les faits dénoncés par la salariée ont été soumis, par les magistrats détachés auprès de l’Agence Française Anticorruption, au Parquet national financier qui a donc ouvert une enquête pour corruption active et trafic d’influence. L’enquête est donc en cours.

Que s’est-il passé ensuite ?

FB : Sur le plan prud’homal, s’est posée la question de savoir quelle était la voie de contestation pour la salariée : le référé ou une saisine au fond. Nous avons décidé de nous engager dans la voie du référé parce que la salariée espérait un prompt règlement de ce litige et que le législateur en 2016 a expressément conféré aux lanceurs d’alerte la possibilité de saisir le juge des référés en lui donnant une compétence spécifique selon nous.

La cour d’appel de Versailles n’a pas reconnu de trouble manifestement illicite né du licenciement. Pourquoi ?

FB : Il faut tout d’abord indiquer que la juridiction prud’homale est actuellement saisie au fond. Le dossier est donc pendant, au principal, devant le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye.

Sur la procédure de référé, la problématique majeure vient de ce que les magistrats d’appel n’ont pas fait droit à notre demande qui découlait à mon sens fort logiquement des dispositions de la loi Sapin II. La cour a estimé qu’il n’y avait pas un lien manifeste – au sens du trouble manifestement illicite – entre le licenciement et les alertes lancées par la salariée. Elle a, en revanche, parfaitement reconnu le statut de lanceur d’alerte dont la salariée devait bénéficier.

C’est ce refus de tirer toutes les conséquences de la loi Sapin II que déplore la salariée ?

FB : Le juge des référés, sur le fondement de l’article R 1455-6 du code du travail, peut toujours prendre des mesures conservatoires ou de remise en état pour faire cesser un trouble manifestement illicite. C’est une de ses compétences de droit commun. Malheureusement, la cour d’appel de Versailles n’a pas cru devoir sortir de ce champ de compétences alors pourtant que le législateur de 2016 l’y invitait. L’article 12 de la loi Sapin II donne compétence en référé au conseil de prud’hommes pour, le cas échéant, ordonner la réintégration du salarié. C’est une compétence « de lege ». Elle est exceptionnelle et dérogatoire au droit commun de la compétence prud’homale en matière de référé. Quel aurait été l’intérêt pour le législateur en 2016 de dire que le juge prud’homal de référé était compétent pour « se prononcer sur la rupture du contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte » si ce n’était que pour renvoyer aux dispositions de l’article R 1455-6 du code du travail ? Pour nous, la loi a donné une compétence spécifique qui répond à une exigence de nécessité de protection supplémentaire des lanceurs d’alerte. Il nous semble que lorsque le juge des référés est saisi d’un licenciement consécutif à un signalement d’une alerte, il ne doit pas simplement rechercher s’il y a un lien manifeste entre le licenciement et l’alerte, constitutif d’un trouble manifestement illicite, mais qu’il doit se prononcer sur le fond du licenciement, comme le ferait un juge du principal. Et s’il considère que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de facto, il doit prononcer la nullité du licenciement.

Juliette Alibert : L’association a souhaité déposer une intervention volontaire auprès de la chambre sociale de la Cour d’appel de Versailles pour soutenir l’intéressée. Le dossier avait préalablement fait l’objet d’une lourde instruction au sein de la permanence juridique de l’association qui a souhaité se porter à la cause et défendre le dossier aux côtés de la Défenseure des Droits, qui est également intervenue en présentant ses observations, et du syndicat UNSA.

Pour compléter les propos de mon confrère, en matière de protection des lanceurs d’alerte il est délégué au juge des référés le pouvoir d’aller presque jusqu’au fond du dossier. Il y a alors presque une erreur de droit à considérer qu’il faut s’en remettre exclusivement à l’appréciation des juges du fond sur les cas de lanceurs d’alerte lorsqu’est en cause la question du trouble manifeste né du licenciement. En effet, si on veut pouvoir réellement appliquer la loi Sapin II, et apprécier la question de la réintégration d’une salariée lanceuse d’alerte, il faut nécessairement aller au-delà d’un simple contrôle très limité du trouble manifeste en appréciant l’ensemble des éléments en présence. Le contrôle relève presque d’un contrôle au fond tout en s’attachant à préserver l’aménagement favorable de la charge de la preuve, comme en matière de discrimination.

Dans ce dossier, la cour a une argumentation étonnante car elle reprend l’ensemble des éléments faisant valoir qu’effectivement les représailles seraient déconnectées de l’alerte par la déclinaison d’une série d’arguments sur les comportements de la salariée. Mais, a contrario, il n’a pas été fait état de façon exhaustive de l’ensemble des éléments apportés par la lanceuse d’alerte et justifiant tant par la chronologie que par les manœuvres instituées qu’il y a une corrélation claire et directe entre l’alerte et les représailles. C’est d’ailleurs en ce sens que la Défenseure des droits a estimé que la société Thales n’apportait aucun élément objectif et circonstancié pour justifier que le licenciement serait décorrélé de l’alerte. Et cela, après une instruction contradictoire du dossier, après avoir demandé directement auprès de la société des éléments objectifs qui pourraient permettre de faire valoir qu’il n’y a pas de lien de causalité entre l’alerte et le licenciement.

J’aimerais rappeler que le législateur a fait le choix d’ouvrir cette procédure d’urgence (le référé) aux lanceurs d’alerte parce que justement les procédures au fond interviennent trop tardivement. On est alors sur une logique réparative, quand elle arrive… Il est important de donner toute sa place au référé prud’homal lorsqu’une situation concerne un lanceur d’alerte car même une procédure d’urgence prend un certain temps, comme on le voit en l’espèce.

Peut-on espérer des évolutions du droit avec la transposition de la directive européenne relative aux lanceurs d’alerte de 2016 ?

JA : La proposition de loi précise que les procédures d’urgence, type référé prud’homal, soient ouvertes aux agents de la fonction publique par la voie du référé-liberté. Ainsi, les lanceurs d’alerte du secteur privé et du secteur public seraient mis sur un pied d’égalité. Cela montre bien que si on veut donner tout son sens à cette mesure – qui permet d’avoir une décision dans un délai restreint et de faire droit à des mesures provisoires pour empêcher des représailles qui sont graves, pouvant aller jusqu’à un licenciement – seul ce type de mesures et une appréciation qui va presque jusqu’au fond, peuvent protéger les lanceurs d’alerte.

La Maison des Lanceurs d’Alerte pousse également, dans le cadre de la transposition, à la création d’un statut protecteur qui viendrait les protéger « a priori ». Il pourrait être calqué sur le modèle du salarié protégé. Avec une limitation dans le temps et sous réserve de remplir certaines conditions préalables qui seraient validées par une autorité, comme le Défenseur des Droits. L’action serait alors préventive et non pas simplement réparative.  

Par ailleurs, ce qu’il faut rappeler pour aller plus loin c’est qu’il est dans l’intérêt des entreprises de régulariser les difficultés en amont en traitant les alertes, avant que cela ne puisse potentiellement leur porter préjudice dans le cadre de procédures réglementaires devant différentes autorités.

Vous avez décidé de former un pourvoi en cassation. Qu’espérez-vous obtenir ?

FB : Nous soutenons deux motifs. Tout d’abord cette problématique d’approche frileuse des pouvoirs du juge des référés en matière d’alerte. Nous attendons que la Cour de cassation précise que la loi Sapin II permet au juge du référé d’aller au fond du licenciement. Deuxièmement, l’arrêt n’a pas exhaustivement repris les explications de la salariée. C’est même plus que cela. L’arrêt reprend exclusivement ce qui a été invoqué par Thales et est taisant sur les nombreux éléments versés aux débats par la salariée.

Or ce sont ces éléments qui avaient notamment convaincu la Défenseure des Droits qui a pris une première décision devant le conseil de prud’hommes de Nanterre, puis une seconde devant la cour d’appel constatant que les droits de la salariée avaient été violés et que le licenciement était bien un licenciement représailles qui devait être annulé. La Défenseure des droits prendra une troisième décision, toujours au soutien et au constat d’une violation du statut de lanceur d’alerte de la salariée, devant la Cour de cassation.

La reconnaissance de cette compétence spécifique du juge des référés s’impose notamment en raison des longueurs des procédures et de la nécessité de permettre aux lanceurs d’alerte de bénéficier d’une protection dans un délai raisonnable. Déjà, si la cour d’appel avait prononcé la réintégration de la salariée, nous aurions été à 16/17 mois de procédure après le licenciement… Là, le juge du fond se prononcera, si on met de côté la cassation, que 4 ans, 5 ans après ? Ça n’a pas de sens…

Y’a-t-il eu un renversement de la charge de la preuve ?

FB : Devant le conseil des prud’hommes de Nanterre, le renversement de la charge de la preuve était stupéfiant. Le Conseil a considéré que la salariée ne rapportait pas la preuve du lien entre le licenciement et les alertes. Or, c’est tout l’inverse qui doit s’appliquer. A partir du moment où un salarié bénéficie du statut et qu’il fait l’objet de représailles ou d’un licenciement, c’est à l’employeur de rapporter la preuve que ces représailles n’en sont pas ou que le licenciement est parfaitement fondé.

L’essentiel des reproches formulés à l’encontre de la salariée repose sur de prétendus problèmes de mésentente, de comportements, de refus d’effectuer un certain nombre de tâches, reproches qui venaient exclusivement de sa hiérarchie directe. Celle-là même qui était en cause dans l’alerte. De fait, dès après que les alertes ont été formulées, la hiérarchie est restée aux manettes, a organisé les représailles, et formalisé elle-même le licenciement. Donc évidemment qu’il y avait des soucis et des tensions. Lorsque la salariée met en cause son N + 1, sa N + 2 sur des faits aussi graves que de la corruption active et du trafic d’influence, cela met une certaine ambiance dans la relation de travail. Forcément, il s’en suit des tensions. De toute évidence, la lettre de licenciement qui ne repose que sur ces tensions, noie les représailles et tout ce qui était lié aux alertes.

Est-ce qu’il y a un renversement de la charge de la preuve ? Il appartiendra à la Cour de cassation d’en décider. Prioritairement, c’est à elle de fixer une fois pour toutes et de manière parfaitement claire, le seuil de compétence du juge des référés dans le cadre d’un licenciement consécutif à une alerte.

JA : Cet aménagement favorable de la charge de la preuve au bénéfice du lanceur d’alerte est intégré par le législateur dans le cadre de la loi Sapin II. Cela institue une sorte de présomption de lien de causalité entre l’alerte et les représailles, dès lors qu’on est en présence d’une alerte. Par conséquent c’est à l’employeur d’apporter les éléments contraires. Cette charge de la preuve est appliquée et appréciée souverainement par les juges. Dans l’arrêt de la cour d’appel, on part des propos de la société Thales qui énonce des éléments extérieurs à l’alerte pour renverser le lien de causalité. Or, les choses sont beaucoup plus complexes que cela. Les responsables hiérarchiques mis en cause par l’alerte sont ceux qui ont pris la décision d’écarter la salariée. A l’évidence, dans un dossier aussi complexe, on ne peut pas présenter une situation de façon exhaustive sans rappeler initialement ces faits et toute une série d’éléments matériels que le lanceur d’alerte a exposés dans le cadre de ses écritures ou de ce qui a pu être dit lors de l’audience. L’arrêt de la cour d’appel est critiquable en ce qu’il n’a pas rappelé ces éléments.

Or, les forces en présence ne sont pas les mêmes. Nous sommes dans un cas similaire à David contre Goliath. Nous avons une personne morale, ici une société, et à côté un individu. Si on ne prend pas en considération la situation presque d’un point de vue sociologique, en considérant le déséquilibre dans lequel sont placées les deux parties, on ne peut pas réellement protéger les lanceurs d’alerte. Il faut avoir cette analyse en tête, qui ressort particulièrement de l’esprit de la loi Sapin II, laquelle a prévu plusieurs garanties pour protéger le lanceur d’alerte.

FB : Précisément toutes les imputations ayant été faites à l’endroit de cette salariée qui pendant les années avant l’alerte était une salariée modèle, toutes ces imputations ont été d’une violence inouïe. C’est très classique : que ce soit sur des situations de lanceurs d’alerte, de harcèlement moral ou sexuel, on a vite fait de dire que le plaignant a des problèmes comportementaux. C’est quelque chose que l’on retrouve systématiquement. Vous imaginez à quel point ce type d’argument et les sanctions qui s’en suivent sont difficiles pour le mis en cause.

Propos recueillis par Anne-Laure Pasquet et Sophie Bridier

Le Parlement européen oeuvre pour un salaire minimum généralisé

17/11/2021

Lors d’un vote jeudi 11 novembre au Parlement européen, les députés de la commission de l’emploi et des affaires sociales ont soutenu la mise en place d’exigences minimales pour protéger les salaires dans l’Union européenne, soit en établissant un salaire minimum légal, soit en permettant aux travailleurs de négocier leur salaire avec leurs employeurs. 

Selon le projet législatif, les États membres doivent évaluer et communiquer si le salaire minimum légal est suffisant en utilisant des critères pour créer des conditions de vie et de travail décentes ainsi qu’inclure des éléments tels que le pouvoir d‘achat et le taux de pauvreté. Les États membres dans lesquels le salaire minimum est protégé exclusivement par des accords collectifs ne seront pas contraints d’introduire un salaire minimum légal ou de rendre ces accords d’application générale.

Les États membres dans lesquels la couverture des négociations collectives est inférieure à 80 % des travailleurs devraient prendre des mesures, de manière active, pour promouvoir cette négociation collective. 
Le projet de mandat de négociation a été adopté par 37 voix pour, 10 contre et 7 abstentions. Il devrait être approuvé par le Parlement dans son ensemble lors de la session plénière des 22 au 25 novembre avant que les pourparlers avec le Conseil sur la forme finale de la législation puissent débuter.

actuEL CE

Une proposition de loi pour créer un titre-télétravail de 600€

18/11/2021

Plusieurs députés de La République En Marche ont déposé hier à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à créér un titre-télétravail. D’un montant de 600 € par an et par salarié, et facultatif pour l’employeur, il permettrait de couvrir tout ou partie des frais générés par l’exercice du travail des salariés (sur le modèle du titre‑mobilité et du forfait mobilité) y compris dans les espaces de coworking et les tiers-lieux de travail (“télécentres”). Selon la députée Frédérique Lardet, que nous avons pu contacter, “ce montant de 600 € résulte de l’indemnité de 2,50 € déjà prévue par le droit commun, multipliée par le nombre de jours pouvant être télétravaillés. Nous voulons surtout apporter de l’équité entre ceux qui ont de bonnes conditions de télétravail à domicile, et ceux dont les logements de permettant pas de télétravailler confortablement. L’indemnité serait donc étendue au télétravail en télécentres.”

Le montant, les modalités et les critères d’attribution de la prise en charge des frais seraient déterminés par accord d’entreprise ou par accord interentreprises, et à défaut par accord de branche. À défaut d’accord, la prise en charge de ces frais serait mise en œuvre par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du CSE, s’il existe. Selon Frédérique Lardet, les syndicats locaux auxquels elle a soumis cette idée de proposition de loi dans sa circonscription (Haute-Savoie) ont été unanimement favorables. Le titre serait prépayé et dématérialisé, ainsi qu’exonéré de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu.

actuEL CE

La jurisprudence sociale des derniers mois synthétisée par notre avocat 

CONTRAT DE TRAVAIL – EXECUTION 

Clause de non-concurrence, nature : la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ayant la nature d’une indemnité compensatrice de salaire stipulée en conséquence de l’engagement du salarié de ne pas exercer, après la cessation du contrat de travail, d’activité concurrente à celle de son ancien employeur, elle ne constitue pas une indemnité forfaitaire prévue en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle et n’est donc pas une clause pénale (Cass. Soc., 13 octobre 2021, n°20-12059).

Clause de non-concurrence, renonciation, contrepartie financière, application dans le temps. Rappel : l’employeur qui renonce à une clause de non-concurrence postérieurement au licenciement, alors qu’il n’avait ni levé la clause, ni versé aucune contrepartie financière lors de la rupture du contrat, peut être condamné à verser au salarié la totalité de la contrepartie convenue si le salarié l’a respectée (Cass. soc. 13 octobre 2021, n°20-10.718).

Indemnité compensatrice de congés payés, congés non pris, charge la preuve : il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les démarches qui lui incombent légalement. La cour d’appel qui reproche au salarié de ne pas avoir produit de preuves suffisantes d’un travail pendant la période litigieuse, inverse donc la charge de la preuve (Cass. Soc., 29 septembre 2021, n°19-19223).

Motif de recours au CDD, réorganisation du service, requalification en CDI (oui) : le CDD conclu pour une « réorganisation du service » ne repose pas sur un motif précis de recours au CDD. Par conséquent, le salarié est fondé à solliciter la requalification de son CDD en CDI (Cass.soc., 15 septembre 2021, n°19-23.909).

Motif de recours au CDD, accroissement temporaire de l’activité, réorganisation du service, requalification en CDI (non) : si la seule réorganisation d’un service ne caractérise pas un motif précis de recours au CDD, il en va autrement lorsque cette réorganisation emporte un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise. L’employeur a procédé au recrutement d’un collaborateur spécialisé ayant des compétences dont l’employeur ne disposait pas, afin de répondre à la commande d’un prototype d’un client entraînant la réorganisation du service. Ce projet n’emportait pas d’affectation ou de commande définitive de la part dudit client.  Par conséquent, la demande à l’origine du CDD constituait une tâche occasionnelle, précise et non durable répondant aux exigences légales en matière de recours en CDD. Le salarié recruté en CDD en vue d’un « accroissement d’activité lié à la réorganisation du service » n’est donc pas fondé à solliciter la requalification de son CDD en CDI (Cass.soc., 8 septembre 2021, n°20-16.324).

CDD d’usage, requalification, emploi temporaire. Rappel : la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au CDD d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par le salarié par des CDD successifs (Cass. soc. 13 octobre 2021, n°19-14.067 à 19-14.070).

Sanction disciplinaire, avertissement, courriel  : un courriel du Président d’une société adressant à un salarié des reproches détaillés dénonçant son attitude ne traduit pas la volonté du Président de sanctionner par lui-même le salarié. Par conséquent, le licenciement disciplinaire ultérieur fondé sur les faits reprochés au salarié dans ledit courriel ne saurait être considéré comme sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de la règle « non bis in idem » qui interdit de prononcer deux sanctions disciplinaires distinctes pour des mêmes faits (Cass.soc., 29 septembre 2021, n°20-13.384).

Sanction disciplinaire, avertissement, garanties conventionnelles : si en principe l’employeur n’est pas tenu de convoquer le salarié à un entretien préalable avant de prononcer un avertissement disciplinaire, il en va autrement lorsque la convention collective subordonne le licenciement disciplinaire d’un salarié à l’existence de deux sanctions antérieures, ces sanctions pouvant notamment prendre la forme d’avertissements. Dans ce cas, l’avertissement est susceptible d’avoir une incidence immédiate ou non sur la présence du salarié dans l’entreprise et, pour être régulier, doit être précédé d’une convocation à un entretien disciplinaire. (Cass.soc.,22 septembre 2021, n°18-22.204).

Rémunération forfaitaire, indemnité de congés payés : le contrat de travail d’un salarié peut prévoir que sa rémunération mensuelle forfaitaire comprend l’ensemble des sommes qui lui sont dues, indemnité compensatrice de congés payés comprise à condition (i) que des conditions particulières le justifient, (ii) que le salarié ne perçoive pas une indemnité de congés payés inférieure à celle qu’il aurait perçue en application des dispositions légales et (iii) que cela résulte d’une clause transparente et compréhensible pour le salarié qui distingue la part de rémunération qui correspond au travail, de celle qui correspond aux congés. Or, la Cour de cassation considère que clause qui prévoit que la « rémunération variable s’entend congés payés inclus » n’est ni transparente ni compréhensible, et ne peut donc être opposée à un salarié (Cass. soc., 13 octobre 2021 , 19-19.407).

Prime de résultat, versement postérieur à la période travaillée, illicéité de la condition de présence : la part variable de la rémunération s’acquiert au prorata du temps de présence dans l’entreprise. Le versement d’une prime de résultat ne peut donc pas être soumis à une condition de présence à une date ultérieure à la période prise en référence pour le calcul de la prime (Cass. soc., 29 septembre 2021, n° 13-25.549).

Accord collectif de branche, salaires minima hiérarchiques : le Conseil d’État a jugé qu’en matière de salaire minima hiérarchique, les accords de branche peuvent non seulement fixer le montant mais également en définir la structure (qui peut inclure certains compléments de salaire, comme des primes). Le CE rappelle que depuis l’ordonnance du 22/09/2017, la convention de branche peut définir les garanties applicables en matière de salaires minima hiérarchiques, auxquelles un accord d’entreprise ne peut déroger que s’il prévoit des garanties au moins équivalentes.

Est donc entaché d’erreur de droit l’arrêté d’extension qui exclut du champ de cette extension certaines stipulations de l’avenant, au motif que les salaires minima hiérarchiques doivent uniquement se rapporter à un salaire de base, sans les compléments de salaire (CE, 7 octobre 2021, n°433053 et autres).

Forfait-jour, validité, Crédit agricole : les dispositions de l’annexe 2 à Ia convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, issue de l’accord sur le temps de travail au Crédit agricole du 13 janvier 2000, qui se bornent à prévoir que le nombre de jours travaillés dans l’année est au plus de 205 jours, compte tenu d’un droit à congé payé complet, que le contrôle des jours travaillés et des jours de repos est effectué dans le cadre d’un bilan annuel et qu’un suivi hebdomadaire vérifie le respect des règles légales et conventionnelles les concernant en matière de temps de travail, notamment les 11 heures de repos quotidien, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, ce qui entraine la nullité de la convention de forfait conclue en application de cet accord (Cass. soc. 13 octobre 2021, n°19-20.561).

Obligation de sécurité, préjudice d’anxiété, amiante : pour prétendre à une indemnisation de son préjudice d’anxiété, le salarié qui a été exposé à l’amiante ou à une autre substance toxique ou nocive doit non seulement démontrer cette exposition, mais aussi le préjudice qu’il a personnellement subi du fait du risque élevé de développer une pathologie grave (Cass. soc. 13 octobre 2021, n°20-16.585)

Exposition à une substance toxique, préjudice d’anxiété. La seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique ne suffit pas pour caractériser un préjudice d’anxiété. Il faut également démontrer que la connaissance du risque élevé de développer une maladie grave  en raison de cette exposition a engendré des « troubles psychologiques » chez le salarié (Cass. soc., 13 octobre 2021, n°20-16.583).

Contrôle de l’activité des salariés et système de vidéosurveillance : l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail. Néanmoins, il ne peut utiliser les enregistrements d’un système de vidéosurveillance permettant le contrôle de l’activité des salariés comme mode de preuve que si les salariés ont été préalablement informés de l’existence d’un tel système. En revanche, si les enregistrements vidéo ayant servi à justifier un licenciement pour faute d’un salarié résultent d’un dispositif ayant été installé pour assurer la sécurité du magasin et non pour contrôler l’activité des salariés, le salarié ne peut invoquer les dispositions du code du travail relatives aux conditions de mise en œuvre des moyens et techniques de contrôle de l’activité des salariés et notamment l’obligation pour l’employeur d’informer préalablement les salariés de la mise en place d’un tel dispositif(Cass. soc., 22 septembre 2021 n°20-10.843).

RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Lanceur d’alerte, nullité du licenciement : doit être jugé nul le licenciement d’un salarié fondé sur le fait qu’il a, de bonne foi, signalé auprès des salariés de l’association dans laquelle il est employé, des malversations commises par le directeur général. En l’occurrence, le salarié avait au préalable saisi le bureau de l’association de ces faits, qui avait décidé, sans attendre la fin de l’enquête, de maintenir le directeur général à son poste (Cass. soc., 29 septembre 2021, n° 19-25.989).

Délégation du pouvoir de licencier, personne étrangère à l’entreprise, groupe :  la finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement. En conséquence, la directrice des ressources humaines d’une société tierce, filiale du groupe, ne peut pas recevoir délégation de pouvoir pour procéder au licenciement dès lors qu’il n’est pas démontré que la gestion des ressources humaines de la société employeur relevait de ses fonctions, ni qu’elle exerçait un pouvoir sur la direction de la société employeur (Cass. soc., 20 octobre 2021, n° 20-11.485).

Accord collectif portant rupture conventionnelle collective, fermeture de site : a méconnu les dispositions de l’article L. 1237-19 du Code du travail, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi en validant un accord collectif de rupture conventionnelle collective, dès lors que la société avait déjà décidé la fermeture du site. Ce faisant, l’ensemble du personnel sous CDI du site ne pouvait être regardé comme ayant été en mesure de faire un réel choix entre le départ volontaire et le maintien dans leur emploi (Cour d’appel de Versailles, 4ème Chambre, 20 octobre 2021, n°21VE02220, communiqué sur demande).

Retraite, rétraction de demande de départ à la retraite et refus de l’employeur : dès lors que le salarié a notifié à son employeur sa décision claire et non équivoque de faire valoir ses droits à la retraite, le refus de l’employeur de prendre en compte la rétractation tardive du salarié, lequel ne l’avait pas informé de son état de santé, ne constitue pas un élément laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’état de santé ou des activités syndicales du salarié (Cass. soc., 22 septembre 2021, n°20-11.045).

LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE

Licenciement économique, détournement du pouvoir de direction, contournement des règles du PSE : le changement d’affectation d’un salarié, qui travaillait depuis trente-neuf ans au sein du même établissement dont les quarante postes étaient supprimés dans le cadre d’une restructuration, procède d’un détournement par l’employeur de son pouvoir de direction n’ayant pour objectif que d’éluder le versement des indemnités prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi en préparation (Cass. Soc., 29 septembre 2021, n°20-14.629).

PSE, suffisance des mesures, moyens du groupe : le caractère suffisant des mesures contenues dans un PSE doit s’apprécier par rapport aux moyens du groupe auquel l’entreprise appartient. Les moyens du groupe s’entendent des moyens, notamment financiers, dont dispose l’ensemble des entreprises placées sous le contrôle d’une même entreprise dominante dans les conditions définies par le code de commerce, ainsi que de ceux dont dispose cette entreprise dominante, quel que soit le lieu d’implantation du siège de ces entreprises. Doit donc être annulée la décision d’homologation d’un PSE dès lors que la DRIEETS (ex-DIRECCTE) n’a pas contrôlé le caractère suffisant desdites mesures par rapport aux moyens internationaux du groupe mais a cantonné son appréciation par rapport aux moyens du sous-groupe français (Tribunal administratif de Melun, 14 octobre 2021, n°2106963).

Obligation de recherche d’un repreneur, compétence du juge administratif, séparation des pouvoirs, abus de droit : le respect du principe de la séparation des pouvoirs s’oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l’employeur de son obligation de recherche d’un repreneur, laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative, en application de l’article L. 1233-57-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017, y compris lorsqu’est allégué un abus de droit (Cass. Soc., 29 septembre 2021, n°19-23.248).

TRANSFERT, CESSION 

Transfert du contrat de travail, maintien des avantages, différence de traitement : l’obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en cas de transfert d’une entité économique par application de plein droit de l’article L. 1224-1 du Code du travail ou en cas de reprise du contrat de travail du salarié d’une entreprise par application volontaire de ce même texte, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits et avantages qui leur étaient reconnus au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés.

Sur le fondement de ce principe, une cour d’appel peut rejeter la demande de paiement de certaines primes sur le fondement du principe d’égalité de traitement après avoir constaté, d’une part, que le versement de ces primes aux salariés de certaines cliniques de l’entreprise résultait du maintien par cette dernière des droits qu’ils tenaient de leur ancien employeur et, d’autre part que la salariée n’apportait pas la preuve de son parcours professionnel de sorte qu’elle ne mettait pas la cour d’appel en mesure d’effectuer une comparaison et d’apprécier la similitude ou l’identité de sa situation avec les salariés auxquels elle se compare (Cass. soc., 20 octobre 2021, n° 19-25.443).

Ayant constaté que le contrat de travail de l’intéressé avait été transféré successivement à plusieurs sociétés et que, lors du dernier transfert répondant aux conditions de l’article L 1224-1 précité, le salarié percevait depuis 1996 une prime mensuelle fixe dite exceptionnelle, la cour d’appel en a exactement déduit que la différence de traitement, résultant de l’obligation légale pour le nouvel employeur de maintenir au bénéfice du salarié un droit qui lui était reconnu au jour du transfert légal de son contrat de travail, était objectivement justifiée (Cass. soc., 20 octobre 2021, n° 19-24.083).

ELECTIONS

Nombre et périmètre d’établissements distincts, décision unilatérale de l’employeur, contestation par des salariés : ne sont pas recevables des salariés à demander la suspension d’une décision unilatérale de l’employeur fixant le nombre et le périmètre d’établissements distincts pour l’élection des CSE, ni à demander l’organisation d’élections sur un périmètre n’étant plus reconnu comme constituant un établissement distinct du fait de cette décision unilatérale de l’employeur. La contestation de la décision unilatérale de l’employeur décidant de la perte de qualité d’établissement distinct n’est ouverte que devant la DIRECCTE (devenue DREETS) et qu’aux seules organisations syndicales représentatives ou ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise, en application des articles L. 2313-1 et suivants du Code du travail (Cass. Soc., 20 octobre 2021, n°20-60258).

Contestation de la régularité des élections, intérêt à agir : une organisation syndicale qui a vocation à participer au processus électoral a nécessairement intérêt à agir en contestation de la régularité des élections, quand bien même elle n’a présenté aucun candidat aux élections du second collège électoral des agents de maîtrise et cadres de l’entreprise aux premier et deuxième tour des élections (Cass. Soc., 29 septembre 2021, n°20-60.247).

Elections professionnelles, proportion femmes/hommes, contrôle de la DRIEETS : La proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral doit figurer dans le protocole préélectoral ou, à défaut, être fixée par l’employeur. Elle n’a pas à être contrôlée par la DRIEETS (Cass. soc., 29 septembre 2021, n° 20-60.246).

Elections professionnelles, parité et liste de candidats : lorsque plusieurs sièges sont à pourvoir, les organisations syndicales sont tenues de présenter une liste en respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré, cette liste devant comporter au moins un candidat au titre du sexe sous-représenté. Lorsque l’application des règles de proportionnalité et de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 conduit, au regard du nombre de sièges à pourvoir, à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté, sans que les organisations syndicales y soient tenues. Il s’agit d’une règle d’ordre public absolu à laquelle le protocole préélectoral ne peut y déroger.
En revanche, lorsque l’organisation syndicale choisit de présenter une liste comprenant un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir, l’application de la règle de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 ne peut conduire à éliminer toute représentation du sexe sous-représenté qui aurait été représenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges.  Dans ce cas, le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats (Cass. soc, 22 septembre 2021, n°20-16.556).

SYNDICATS :

Désignation d’un délégué syndical au niveau d’un établissement, communauté de travail ayant des intérêts propres, ordre public : ni un accord collectif de droit commun, ni l’accord d’entreprise prévu par l’article L. 2313-2 du Code du travail concernant la mise en place du comité social et économique et des comités sociaux et économiques d’établissement ne peuvent priver un syndicat du droit de désigner un délégué syndical au niveau d’un établissement, dès lors qu’il existe au sein de l’établissement considéré une communauté de travail ayant des intérêts propres (Cass. Soc., 29 septembre 2021, n°20-15.870).

Désignation d’un représentant de section syndicale : un syndicat non représentatif peut désigner un représentant de section syndicale, soit au niveau des établissements distincts, soit au niveau de l’entreprise mais aucune disposition légale n’institue un représentant de section syndicale centrale. Ainsi, un syndicat qui a désigné un délégué syndical dans plusieurs établissements distincts dans lesquels il est représentatif ne peut désigner, au niveau de l’entreprise où il n’est pas représentatif, un représentant de section syndicale (Cass. soc., 22 septembre 2021 n°20-16.981).

Action de substitution des organisations syndicales représentatives et périmètre géographique : selon l’article L. 1247-1 du Code du travail, les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise peuvent exercer en justice toutes les actions, en matière de contrats de travail à durée déterminée, en faveur d’un salarié sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé. Il en résulte que cette action est personnelle au syndicat, lequel a, conformément à l’article L. 2131-1 du Code du travail, exclusivement pour objet la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans ses statuts. Est ainsi dépourvu de la capacité pour agir en substitution d’un salarié un syndicat dont le périmètre géographique d’intervention ne couvre pas l’établissement dans lequel le salarié est employé (Cass. soc., 20 octobre 2021, n° 20-13.948).

SALARIES PROTEGES

Salarié protégé, inspection du travail, indemnisation : le refus illégal de se prononcer sur une demande d’autorisation de licenciement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat à l’égard du salarié protégé, pour autant qu’il en soit résulté pour lui un préjudice direct et certain. Pour apprécier le préjudice, le juge doit établir si l’inspecteur du travail aurait dû autoriser ou refuser le licenciement (CE, 7 octobre 2021, n°430899)

Référé, rupture illicite du contrat de travail d’un salarié protégé : la rupture du contrat de travail d’un salarié protégé en méconnaissance des garanties attachées à son statut constitue un trouble manifestement illicite justifiant la compétence de la juridiction de référé (Cass. soc., 20 octobre 2021, n° 20-11.860).

Prise d’acte de la rupture du contrat de travail, manquement suffisamment grave, violation du statut protecteur : le fait, pour l’employeur ; de ne pas rétablir dans ses fonctions le salarié protégé mis à pied à titre conservatoire et dont l’autorisation de licenciement a été refusée constitue une violation du statut protecteur et une inexécution des obligations contractuelles, justifiant la prise d’acte de la rupture laquelle produit les effets d’un licenciement nul (Cass. Soc., 29 septembre 2021, n°19-16.889)

Détournement de fonds du CSE dans le cadre des fonctions de trésorier, licenciement pour faute grave (oui) : un trésorier de CSE reconnaît avoir détourné des fonds du comité à des fins personnelles. Compte tenu de ses fonctions de contrôleur de gestion qui impliquaient l’analyse, le suivi et le contrôle financier des projets mis en œuvre par la société, et au regard des faits reprochés, de leur gravité et de leur caractère répétitif, l’inspecteur du travail a pu légalement considérer que le maintien de l’intéressé dans l’entreprise était impossible, alors que les circonstances alléguées quant au remboursement des sommes détournées ou à l’absence de mise en place par la société d’une procédure de validation et de présentation des comptes du comité d’entreprise par un expert-comptable sont sans incidence sur la gravité du comportement reproché (CAA Lyon, 28.10.2021, LY02763).

LBBa

SCP d’avocats inscrite aux barreaux de Paris et de Rennes