DROIT

Le CAE préconise que Pôle emploi fasse appel à des services privés pour faciliter les recrutements dans les PME

Dans une note publiée hier, le Conseil d’analyse économique (CAE) propose que Pôle emploi renforce ses services à destination des entreprises pour faciliter les recrutements. Parmi les pistes, inciter financièrement les PME à recourir à des cabinets privés et systématiser les tests de compétences certifiés pour les demandeurs d’emploi

Des prestataires privés à la rescousse de Pôle emploi pour aider les PME à recruter ? C’est ce que préconise le Conseil d’analyse économique, un cercle de réflexion placé auprès de Matignon, dans une note publiée hier et intitulée “Le marché du travail français
 à l’épreuve de la crise sanitaire”. Ses deux auteurs, François Fontaine et Roland Rathelot, proposent de sous-traiter une partie des recrutements effectués par le service public de l’emploi à des opérateurs privés afin de pourvoir les postes vacants. Certes, la crise n’a pas forcément accru les problèmes d’adéquation entre offre et demande. Lesquels sont restés “stables depuis 10 ans”. Mais ils estiment que “les recrutements sont longs et coûteux”. D’autant que “toutes les entreprises ne disposent pas d’un service de ressource humaines ou de personnes ayant les compétences nécessaires pour faire une sélection efficace des candidats”.

D’où l’idée de développer les services d’aides au recrutement à destination des entreprises. En concentrant en premier lieu “l’effort public supplémentaire sur les PME pour lesquelles ces coûts fixes sont les plus importants”.

Concurrence entre des prestataires choisis par Pôle emploi

Pôle emploi, qui a développé ces dernières années ses services d’aide au recrutement avec “efficacité”, notamment sur le sourcing et la vérification des profils de candidats, peut aller plus loin “en renforçant ses moyens”, estiment les auteurs. L’idée est d’organiser “la concurrence entre des prestataires choisis par le service public pour l’emploi”.

“Les entreprises choisiraient sur la base d’indicateurs de performance rendus publics et de leurs propres besoins”, avancent les auteurs. Serait-ce un service payant ou pris en charge par l’opérateur public ? Les modalités de cette proposition ne sont pas définies mais les auteurs suggèrent la piste d’un “chèque accompagnement” pour subventionner l’appel à un prestataire privé.

Déjà en 2005…

Ce ne serait pas la première fois que Pôle emploi recourt à des prestataires privés. En 2005, l’opérateur public avait lancé le premier appel d’offres pour sous-traiter le reclassement de demandeurs d’emploi licenciés économiques ou vulnérables, qui risquaient de s’installer un chômage de longue durée. Des prestataires étrangers, comme l’australien Ingéus avait répondu à l’appel, mais aussi des groupes d’intérim, de reclassement, ou encore des cabinets conseil en ressources humaines, à l’instar de Sodie, filiale du groupe Alpha, de Randstad, d’Adecco, de Manpower. Ces appels d’offres avaient ensuite été renouvelés sur plusieurs années, notamment jusqu’en 2014.

Pour Roland Rathelot, il est difficile de dresser un bilan de ces initiatives “très expérimentales”, ne concernant qu’un nombre très limité d’acteurs, la plupart “étrangers ou venant du monde associatif”. A l’époque toutefois, les résultats avaient été controversés. L’un des bilans établis par le ministère du travail, en 2012, indiquait que Pôle emploi faisait mieux que le privé : 43 % des chômeurs accompagnés par l’opérateur public avaient retrouvé un travail après huit mois de suivi, contre 38 % des personnes accompagnées par les opérateurs privés.

Tests certifiés pour les candidats à l’emploi

Autre proposition : le CAE préconise que Pôle emploi prenne en charge des tests certifiés afin d’évaluer les aptitudes des candidats face à une offre d’emploi, notamment “lorsque les candidats n’ont pas de diplôme ou de qualifications certifiées et peu d’expérience”. Pour l’heure, les deux auteurs jugent qu’il est “socialement inefficace que plusieurs entreprises évaluent le même candidat”. D’autant que ces “tests peuvent apparaître coûteux” pour des sociétés n’ayant pas l’habitude de recruter. Leurs résultats, certifiés par Pôle emploi ou un partenaire privé, pourraient être présentés aux employeurs lorsque le demandeur d’emploi candidate à un poste. Le test serait alors la propriété du demandeur d’emploi.

Enfin, le CAE recommande de concentrer la formation professionnelle sur les publics moins qualifiés et plus éloignés de l’emploi plutôt que “d’en accroître le volume”.

Un système de bonus-malus pour l’activité partielle ?
Au-delà de ces pistes pour faciliter les recrutements, la note du CAE s’interroge sur les résultats des politiques de l’emploi menées pendant la crise sanitaire. En premier lieu, “la hausse de l’endettement des entreprises, facilitée notamment par les prêts garantis par l’État, ne semble pas être un facteur d’inquiétude pour l’avenir”. Ensuite, si l’activité partielle semble avoir protégé efficacement ses bénéficiaires, “il est nécessaire de faire attention aux effets d’aubaine et à la concentration du dispositif sur des entreprises peu efficaces”. Pour ce faire, “elle pourrait être incorporée à l’avenir au système de bonus-malus qui devra par ailleurs être élargi à l’ensemble des secteurs et des entreprises”. S’agissant des politiques de baisse de charge, elles ont des effets sur l’emploi mais le CAE estime qu’il est “nécessaire de les concentrer en période de crise sur des publics spécifiques, aux faibles niveaux de salaires et de manière limitée dans le temps”.

Anne Bariet

Le Conseil constitutionnel valide les lois sur la protection des lanceurs d’alerte

Par deux décisions du 17 mars 2022 (en pièces jointes), le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et la loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte.

Les deux textes transposant la directive européenne de 2019 passent sans difficulté l’épreuve de la constitutionnalité. Seul l’article 11 de la loi ordinaire, modifiant l’article 392-1 du code de procédure pénale, a été censuré en tant que cavalier législatif, n’ayant aucun lien avec les dispositions qui figuraient dans la proposition de loi initiale. Quant à la loi organique, elle a été jugée conforme à la Constitution dans son ensemble, exception faite de son article 2 déclaré conforme sous réserve.

actuEL CE

Projet de transition professionnelle : accès facilité pour les salariés malades ou accidentés

Pour bénéficier d’un projet de transition professionnelle, le salarié doit justifier (article D. 6323-9 du code du travail) : 

  • soit d’une ancienneté d’au moins 24 mois, consécutifs ou non, en qualité de salarié, dont 12 mois dans l’entreprise, quelle qu’ait été la nature des contrats de travail successifs ;
  • soit d’une ancienneté d’au moins 24 moins consécutifs ou non en qualité de salarié qu’elle qu’ait été la nature des contrats successifs au cours des 5 dernières années dont 4 mois, consécutifs ou non, en contrat de travail à durée déterminée au cours des 12 derniers mois.

A compter du 31 mars 2022, ces conditions d’ancienneté ne s’appliquent pas pour un salarié ayant connu, quelle qu’ait été la nature de son contrat de travail et dans les 24 mois ayant précédé sa demande de projet de transition professionnelle, une absence au travail résultant d’une maladie professionnelle ou une absence au travail d’au moins 6 mois, consécutifs ou non, résultant d’un accident du travail, d’une maladie ou d’un accident non professionnel.

Cette nouveauté est issue d’un décret du 16 mars 2022 pris en application de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.

actuEL CE

De nouveaux organismes autorisés à créer une entreprise adaptée de travail temporaire

Un arrêté du 10 mars 2022 complète la liste des des organismes habilités à créer une entreprise adaptée de travail temporaire. Rappelons que c’est la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 qui a décidé d’expérimenter la création d’entreprises de travail de temporaire adaptées afin de favoriser l’accompagnement des personnes en situation de handicap vers des employeurs publics ou privés. 

actuEL CE

Le délai de prévenance d’un mois s’applique à la cinquième semaine et aux jours de congés conventionnels

L’employeur ne peut pas imposer ou modifier la date de prise de congés sans respecter le délai de prévenance légal d’un mois, qu’il s’agisse du congé principal de quatre semaines, de la cinquième semaine ou de congés conventionnels, sauf disposition conventionnelle différente ou circonstances exceptionnelles.

Les dispositions du code du travail définissant les modalités d’information des salariés de l’ordre et des dates des départs à l’intérieur de la période de prise des congés payés concernent-elles uniquement le congé principal de 4 semaines ou bien tous les congés ? La chambre sociale de la Cour de cassation adopte une lecture extensive et pragmatique de ces dispositions en décidant que le texte n’opère pas de distinction entre le congé principal et la cinquième semaine et s’applique également, sauf disposition contraire, aux congés d’origine conventionnelle, y compris les jours de RTT employeur.

L’employeur organise les départs en congés en respectant des délais de prévenance

Selon l’article L.3141-16 du code du travail, si la période de prise des congés et l’ordre des départs pendant cette période ne sont pas définis par un accord d’entreprise ou de branche conclu en application de l’article L. 3141-15 du même code, il revient à l’employeur de les fixer après avis du comité social et économique. La période de prise des congés doit englober obligatoirement la période du 1er mai au 31 octobre (article L.3141-13 du code du travail). À l’intérieur de la période ainsi définie, l’employeur doit organiser les départs en congés payés par roulement, mais il peut également décider de fermer l’entreprise. Il doit toutefois respecter des délais de prévenance en informant les salariés :

  • de la période de prise des congés au moins 2 mois avant son ouverture (article D.3141-5 du code du travail) ;
  • de l’ordre des départs en congés au moins un mois avant, chaque salarié étant informé individuellement de ses dates de vacances (article D.3141-6 du code du travail).

L’ordre et les dates de départ en congés ne peuvent plus être modifiés moins d’un mois avant la date de départ prévue, sauf circonstances exceptionnelles (article L.3141-16 du code du travail) et sous réserve d’un délai différent défini par l’accord d’entreprise ou de branche définissant la période et l’ordre des départs en congés (article L.3141-15 du code du travail).

Le délai de prévenance d’un mois est applicable à la cinquième semaine…

En l’espèce, un employeur est confronté à un mouvement de grève de plusieurs semaines entre décembre et mi-janvier désorganisant l’activité de l’établissement où sont occupés plus de 3 000 salariés. Afin d’éviter le recours à l’activité partielle, il impose aux salariés non-grévistes de prendre des congés au cours des deux premières semaines de janvier en les prévenant au dernier moment. Les salariés se voient contraints de prendre des jours de congés payés, mais également des jours de RTT. Estimant que l’employeur aurait dû respecter le délai de prévenance légal d’un mois, les organisations syndicales saisissent le tribunal de grande instance de Nanterre. Le tribunal puis la cour d’appel de Versailles leur donne raison.

Pour juger illicite la fixation par l’employeur de congés imposés sans le respect du délai de prévenance d’un mois, la cour d’appel retient qu’aucune distinction entre les congés dits “principaux” d’origine légale correspondant à quatre semaines de congés payés et les congés au-delà n’a vocation à s’appliquer, les textes ne le prévoyant pas (cour d’appel de Versailles, 12 novembre 2020, en pièce jointe). L’employeur forme un pourvoi en cassation en faisant valoir que les dispositions légales encadrant la fixation des dates de congés ne sont pas applicables à la cinquième semaine. Il rappelle que la cinquième semaine de congés ne bénéficie pas des règles protectrices issues de la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 et suit un régime différent. Son fractionnement, c’est-à-dire sa prise en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, ne donne pas lieu à octroi de jours de congés supplémentaires (article L.3141-23 du code du travail), les jours correspondant peuvent être placés sur un compte épargne-temps (article L.3151-2 du code du travail) ou sur un Perco (article L.3334-8 du code du travail) ou encore donnés à un collègue sans contrepartie (article L.1225-65-1 du code du travail).

La Cour de cassation approuve la cour d’appel. Elle rappelle que selon l’article L.3141-16 du code du travail, à défaut de stipulation dans la convention ou l’accord, l’employeur ne peut pas, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue. Dans la mesure où le texte n’opère aucune distinction entre les quatre premières semaines et la cinquième semaine de congés, elle en déduit que l’employeur ne peut pas imposer la prise de congés, à l’intérieur comme en dehors de la période estivale, sans respecter le délai de prévenance d’un mois, sauf si un accord d’entreprise ou de branche autorise l’employeur à modifier l’ordre et les dates de départ dans un délai inférieur.

La solution devrait sappliquer aux jours supplémentaires accordés par l’article L.3141-23 du code du travail en contrepartie du fractionnement du congé principal.

… et aux jours de congés d’origine conventionnelle, sauf dispositions contraires…

L’employeur soutenait que les dispositions légales encadrant la prise des congés payés ne sont pas applicables, sauf disposition conventionnelle contraire, aux congés supplémentaires conventionnels et aux jours de repos – RTT employeur, qui constituent la contrepartie des heures de travail accomplies au-delà de la durée légale du travail, de sorte qu’il pouvait, dans le cadre de son pouvoir de direction, imposer la prise de tels jours.

Cet argument est rejeté par la chambre sociale. Selon elle, l’article L.3141-16 du code du travail a une portée générale et s’applique également aux congés d’origine conventionnelle, sauf disposition conventionnelle contraire.

L’employeur n’avait produit en l’espèce aucun accord d’entreprise, d’établissement ou de branche l’autorisant à fixer les dates des jours de RTT employeur dans un délai inférieur à un mois de sorte qu’il ne pouvait imposer la prise des jours de repos sans informer les salariés au moins un mois avant.

Eu égard à la portée générale de la décision dégagée par la chambre sociale, il est recommandé, en l’absence de disposition conventionnelle, de respecter le délai de prévenance légal d’un mois avant d’imposer la prise de jours de congés conventionnels, quelle que soit leur origine. Peuvent ainsi être concernés, outre les jours de repos RTT, les jours d’ancienneté ou les jours supplémentaires de congés instaurés par accord d’entreprise ou convention collective.

Cette solution, qui n’avait à notre connaissance jamais été exposée clairement par la Cour de cassation, s’inscrit dans la logique de la jurisprudence récente de la chambre sociale tendant à uniformiser le traitement des congés payés annuels légaux et conventionnels. Elle a jugé, au visa de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, que les droits à congés reportés ont la même nature que les droits acquis, de sorte que les règles de fixation de l’ordre des départs en congé annuel s’appliquent aux congés annuels reportés et que l’employeur ne peut pas imposer à un salarié de prendre ses congés à l’issue de son arrêt de travail sans respect du délai de prévenance (arrêt du 8 juillet 2020).

Elle a également unifié les règles de preuve de prise des congés payés garantis issues de la jurisprudence européenne en appliquant ce régime à la 5e semaine (arrêt du 26 janvier 2017) puis aux congés d’origine conventionnelle (arrêt du 21 septembre 2017) et dernièrement aux employeurs relevant d’une caisse de congés payés (arrêt du 22 septembre 2021). 

… ou circonstances exceptionnelles

Des circonstances exceptionnelles permettent à l’employeur de modifier les dates de congés déjà fixées moins d’un mois avant la date fixée (article L.3141-16 du code du travail). En l’espèce, la cour d’appel a retenu, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, que le mouvement de grève décrit par les parties ne constituait pas une circonstance de nature exceptionnelle.

Cécile Horreard

Les positions du Boss sont contestables

Peut-on former un recours contre les commentaires publiés par l’administration au Bulletin officiel de la sécurité sociale ? Une décision du Conseil d’Etat datée du 14 mars 2022 l’admet implicitement avant de rejeter ce recours sur le fond.

Le recours en excès de pouvoir est un recours contentieux en annulation formé devant le tribunal administratif, ouvert même sans texte contre tout acte administratif et qui a pour effet, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la légalité (interne ou externe).

Ainsi, tout document de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, telles que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peut donner lieu à ce recours lorsqu’il est susceptible d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés de les mettre en œuvre (décision du Conseil d’Etat du 12 juin 2020).

Les commentaires publiés par la direction de la sécurité sociale dans le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) répondent-ils à la définition donnée par le Conseil d’Etat dans la décision précitée et, à ce titre, peuvent-ils faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir devant les juridictions administratives ?

Dans une décision du 14 mars 2022, le Conseil d’Etat répond par l’affirmative à cette question, certes implicitement.

Demande d’annulation de paragraphes du Boss

En effet, en répondant au recours qui lui était présenté sur le fond, il reconnaît que la contestation portée, en l’espèce, par l’Alliance de la presse d’information générale, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine et la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée à l’encontre des commentaires publiés le 31 mars 2021 au Boss relatifs au bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels (DFS), était recevable.

Les organisations professionnelles précitées contestaient devant les juridictions administratives la subordination de l’application de la DFS par l’employeur à la production de justificatifs démontrant que le salarié supporte effectivement des frais professionnels (Boss-FP-2140, notamment).

Rappelons que, jusqu’au 31 mars 2021, la seule appartenance à la liste des professions concernées suffisait à appliquer la DFS. Mais aujourd’hui, faire partie de la liste des professions ouvrant droit à la DFS ne suffit plus. Le salarié doit également supporter effectivement des frais lors de son activité professionnelle et pour appliquer cette déduction, l’employeur doit disposer des justificatifs démontrant que le salarié bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels. Cette nouvelle condition, qui durcit considérablement l’application de la DFS, s’applique en principe depuis le 1er avril 2021. Toutefois, en cas de contrôle relatif à des périodes courant jusqu’au 31 décembre 2022, l’Urssaf procédera uniquement à une demande de mise en conformité pour l’avenir.

A l’appui de leur demande en annulation des paragraphes 2120 à 2250 (chapitre 9 du BOSS), elles soutenaient entre autres que :

  • les commentaires litigieux méconnaissaient le sens et la portée de l’arrêté du 20 décembre 2002 en ajoutant que, pour appliquer la DFS, l’employeur doit démonter, justificatifs à l’appui, que le salarié bénéficiaire supporte effectivement des frais professionnels ;
  • l’abattement fiscal octroyé aux journalistes faisait présumer l’utilisation des frais professionnels de ces professions conforme à leur destination, présomption faisant obstacle à ce que des justificatifs du caractère effectif de l’exposition de tels frais soient requis pour la détermination des cotisations sociales dues ;
  • justifier du caractère effectif des frais professionnels est susceptible de porter atteinte à la liberté de la presse ou au secret des sources.

Le Conseil d’Etat rejette toutes les conclusions présentées par les organisations professionnelles et considère la demande d’annulation des dispositions attaquées infondée.

Geraldine Anstett

Les lanceurs d’alerte bientôt mieux protégés

La loi du 21 mars 2022 améliore la protection des lanceurs d’alerte à compter du 1er septembre 2022. Champ des bénéficiaires, étendue de la protection, procédure d’alerte : zoom sur ce qui change.

La loi du 21 mars 2022 améliore la protection des lanceurs d’alerte. Elle entrera en vigueur le 1er septembre 2022. Nous revenons ici sur les mesures les plus significatives de ce texte.

Champ des bénéficiaires

Selon la nouvelle définition du lanceur d’alerte figurant à l’article 6 de la loi “Sapin 2” du 9 décembre 2016 et modifiée par la loi du 21 mars 2022, un lanceur d’alerte “est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du Droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement”. 

Dans la définition actuelle, l’alerte doit être faite “de manière désintéressée”. Désormais, elle devra être faite “sans contrepartie financière”. Par ailleurs, la “condition de gravité” des menaces ou préjudices pour l’intérêt général, des violations d’engagements internationaux, de la loi ou du règlement, est supprimée et sont ajoutés à la liste des actes pouvant être dénoncés les violations du droit de l’Union européenne et les tentatives de dissimulation des violations listées dans cet article.

Autre nouveauté : aujourd’hui, le lanceur d’alerte doit avoir personnellement connaissance des faits faisant l’objet de l’alerte. Cette condition sera bientôt réservée au cas où les informations n’auraient pas été obtenues dans le cadre de l’activité professionnelle.

Protection de l’entourage

Le statut protecteur du lanceur d’alerte contre des éventuelles mesures de rétorsion sera étendu à un certain nombre de personnes :

  • les facilitateurs, c’est-à-dire les personnes physiques de droit privé à but non-lucratif (associations et organisations syndicales notamment) qui aident le lanceur d’alerte dans le signalement et la divulgation des informations relatives aux faits répréhensibles ;
  • les personnes physiques en lien avec un lanceur d’alerte et risquant de faire l’objet de représailles dans le cadre professionnel (collèges et proches) ;
  • les entités juridiques contrôlées par le lanceur d’alerte, pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel.

Procédure d’alerte

Assouplissement de la procédure

Aujourd’hui :

  • le lanceur d’alerte doit d’abord porter le signalement en interne à la connaissance du supérieur hiérarchique direct ou indirect de l’employeur ou d’un référent désigné par ce dernier ;
  • ensuite, si ce supérieur hiérarchique ou référent n’a pas vérifié la recevabilité du signalement dans un délai raisonnable, le lanceur d’alerte peut informer l’autorité judiciaire ou administrative ou l’ordre professionnel ;
  • enfin, à défaut de traitement de l’alerte par ces autorités dans les trois mois, le lanceur d’alerte peut rendre l’alerte publique.

Il est néanmoins possible en cas de danger grave et imminent ou en cas de risque de dommages irréversibles de porter directement le signalement devant les autorités précitées et de rendre l’alerte publique.

A compter du 1er septembre prochain, le lanceur d’alerte pourra choisir de saisir, au choix, le supérieur hiérarchique (ou le référent) ou directement l’une des autorités susvisées.

Cette nouveauté résulte de la transposition de la directive européenne n° 2019-1937 du 23 octobre 2019.

Signalement interne

Si elles estiment qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles, les personnes suivantes pourront opter pour un signalement en interne :

  • salariés, anciens salariés et candidats à l’embauche ;
  • actionnaires, associés et titulaires de droits de vote au sein de l’assemblée générale ;
  • membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance ;
  • collaborateurs extérieurs ou occasionnels ;
  • cocontractants de l’entreprise, sous-traitants ou leurs membres du personnel ou de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous-traitants.

Signalement externe

La loi liste les autorités auprès desquelles le lanceur d’alerte pourra adresser un signalement. Le texte sera complété par un décret qui déterminera notamment les garanties d’indépendance et d’impartialité de la procédure, les délais de retour d’information, les modalités de clôture des signalements, etc.

Alerte directement rendue publique

Aujourd’hui, procéder à une alerte publique sans être passé par un signalement interne et externe n’est possible qu’en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment en cas de situation d’urgence ou de risque de préjudice irréversible. Bientôt, cette alerte sera possible :

  • en cas de danger grave et imminent ;
  • en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment s’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible (si les informations ont été obtenues dans le cadre d’activités professionnelles) ;
  • si la saisine de l’autorité compétente fait courir un risque de représailles au lanceur d’alerte ou qu’elle risque de ne pas mettre fin efficacement à la violation (suspicion de conflit d’intérêt, collusion, etc.).

Une alerte ne pourra pas être immédiatement rendue publique si elle porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale.

Régime protecteur renforcé

Les entreprises d’au moins 50 salariés devront compléter leur règlement intérieur pour y inscrire l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte mis en place (article L.1321-2 modifié du code du travail).

Le texte dresse également une liste plus complète des représailles interdites à l’encontre du lanceur d’alerte.

L’aménagement de la charge de la preuve du salarié lanceur d’alerte qui s’estime victime de représailles est maintenu.

La loi précise que les lanceurs d’alerte ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou divulgation publique s’ils avaient des motifs raisonnables de croire que cela était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause. Ils (tout comme leurs complices) ne seront pas plus pénalement responsables lorsqu’ils soustrairont, détourneront ou recèleront les documents ou tout autre support contenant les informations dont ils auront eu connaissance de manière licite et qu’ils signaleront ou divulgueront dans les conditions prévues par la loi (article 122-9, alinéas 2 et 3 nouveaux du code pénal).

En cas de rupture de contrat, le lanceur d’alerte peut déjà saisir le conseil de prud’hommes en référé. Le CPH (saisi en référé ou non) pourra aussi, en plus de toute autre sanction, condamner l’employeur à abonder le CPF du salarié jusqu’à 8 000 euros, selon des modalités à fixer par décret. 

Sur le plan pénal, tout obstacle à la transmission d’un signalement interne ou externe est passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. La loi y ajoute une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision pénale. 

Les amendes civiles encourues par toute personne, physique ou morale, qui agira de manière dilatoire ou abusive contre un lanceur d’alerte s’élèveront à 60 000 euros (contre 30 000 euros aujourd’hui) et s’ajouteront aux dommages et intérêts que peut obtenir le lanceur d’alerte victime de ces agissements.

Enfin, la loi complète la liste des motifs de discrimination interdits. L’employeur ne pourra pas prendre à l’égard de son salarié une mesure ou une décision discriminatoire fondée sur sa qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte, sous peine de nullité de la mesure (articles L.1132-1 et L.1132-4 du code du travail ; article 225-1 du code pénal).

Le rôle accru du Défenseur des droits
Depuis 2016, le Défenseur des droits est chargé d’orienter les lanceurs d’alerte vers les autorités compétentes et de veiller à leurs droits et libertés. La loi organique du 21 mars 2022 renforce son intervention dans l’accompagnement et la protection des lanceurs d’alerte et des personnes bénéficiant d’une protection au titre de la procédure d’alerte. Elle crée tout d’abord un adjoint, bénévole, chargé d’assurer les nouvelles prérogatives confiées au Défenseur des droits. Elle donne également la possibilité à tout lanceur d’alerte d’adresser directement un signalement au Défenseur des droits. Si ce signalement relève de sa compétence, le Défenseur des droits le recueille, le traite et fournit au lanceur d’alerte un retour d’informations. Un décret précisera les délais et garanties de confidentialité applicables à cette procédure. Si le signalement relève d’une autre autorité mentionnée dans la loi Sapin 2, le Défenseur oriente le lanceur d’alerte vers celle-ci. Si le signalement ne relève de la compétence d’aucune autorité ou relève de la compétence de plusieurs d’être elles, il oriente l’intéressé vers l’autorité, l’administration ou l’organisme la/le mieux placé(e). Cette loi permet enfin à toute personne de solliciter l’avis du Défenseur des droits quant à sa qualité de lanceur d’alerte.

Plus de protection pour les personnes dénonçant un harcèlement

La loi réécrit les articles L.1152-2 et L.1153-2 du code du travail. Il y sera précisé que toute personne ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel ou ayant, “de bonne foi”, relaté ou témoigné de tels agissements ne peut faire l’objet des mesures de représailles mentionnées au nouvel article L.1121-2 du code du travail. Ces mesures de rétorsion sont listées à l’article 10-1 de la loi Sapin du 9 décembre 2016 (préjudices, y compris atteintes à la réputation, ou pertes financières, y compris la perte d’activité ou de revenu ; résiliation anticipée ou annulation d’un contrat pour des biens ou des services ; annulation d’une licence ou d’un permis ; orientation abusive vers un traitement psychiatrique ou médical).

Il est à noter que ces articles ne listeront plus les publics visés par cette protection (salariés, personnes en formation, candidats à un recrutement, etc.). Cette énumération est remplacée par l’item “toute personne”.

Le texte précise qu’en matière de harcèlement sexuel, les propos ou comportements à connotation sexuelle n’ont pas à être répétés pour que la protection s’applique.

Désormais, les victimes bénéficieront également des protections suivantes :

  • absence de responsabilité civile des dommages causés du fait du signalement des faits de harcèlement si elles avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu’elles y ont procédé, que le signalement de l’intégralité des informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause, voire irresponsabilité pénale ;
  • régime de la preuve favorable à la personne dénonçant les faits ;
  • possibilité de contraindre l’employeur à abonder le compte personnel de formation du salarié ayant dénoncé les faits ;
  • amende civile et peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée en cas d’action judiciaire lancée contre la personne dénonçant des faits de harcèlement.
L’alerte en matière d’environnement ou de santé publique
Le législateur ouvre la possibilité aux salariés et aux représentants du personnel qui estiment, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement font peser un risque grave pour la santé publique ou l’environnement, de recourir au dispositif de signalement ou de divulgation publique (articles L.4133-1 et L.4133-2 modifiés du code du travail). Il prévoit également la protection des travailleurs ayant donné l’alerte en application de l’article L.4133-1 en leur octroyant notamment – mais pas seulement – une protection contre les mesures discriminatoires prévues au nouvel article L.1121-2 du même code.

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[Veille JO] Les textes parus cette semaine : Apprentissage, droits des salariés, handicap, négociation collective, protection sociale, prud’hommes

Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du vendredi 18 mars au jeudi 24 mars inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branches que vous retrouvez une fois par mois dans nos colonnes.

Apprentissage

  • Un décret du 17 mars 2022 précise la contribution exceptionnelle mentionnée à l’article 127 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances 2022.
  • Un décret du 17 mars 2022 porte création du traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Service dématérialisé de l’apprentissage dans le secteur privé et le secteur public industriel et commercial ».

Droits des salariés

  • Une loi du 21 mars 2022 vise à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.
  • Une loi organique du 21 mars 2022 vise à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte.
  • Un arrêté du 10 mars 2022 précise l’aide de l’État prévue par l’article D. 6325-23 du code du travail concernant l’accompagnement personnalisé délivré par les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification à leurs salariés en insertion.

Fonction publique

  • Un arrêté du 22 mars 2022 fixe le nombre de postes offerts aux concours pour le recrutement d’inspecteurs du travail ouverts au titre de l’année 2022.

Handicap

  • Un arrêté du 10 mars 2022 fixe la liste des organismes habilités à créer une entreprise adaptée de travail temporaire.
  • Un arrêté du 10 mars 2022 fixe la liste des entreprises adaptées retenues pour mener l’expérimentation d’un accompagnement des transitions professionnelles en recourant au contrat à durée déterminée conclu en application de l’article L. 1242-3 du code du travail.

Industrie

Négociation collective

  • Un décret du 18 mars 2022 précise la durée du mandat et la représentativité des membres de la Commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières.

Protection sociale

  • Un décret du 17 mars 2022 précise le fonctionnement des mutuelles et unions et aux institutions de prévoyance.
  • Un décret du 18 mars 2022 modifie le décret n° 2021-1405 du 29 octobre 2021 instituant une aide financière exceptionnelle en faveur de certains demandeurs d’emploi.

Prud’hommes

  • Un arrêté du 9 mars 2022 fixe le calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud’homme pour le mandat prud’homal 2023-2025.
  • Un arrêté du 14 mars 2022 porte attribution des sièges de conseillers prud’hommes pour le mandat prud’homal 2023-2025.
  • Un arrêté du 9 mars 2022 fixe le calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud’homme pour le mandat prud’homal 2023-2025 (rectificatif).

Santé au travail

  • Un décret du 18 mars 2022 précise le régime du document unique d’évaluation des risques professionnels et les modalités de prise en charge des formations en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail par les opérateurs de compétences.
  • Un arrêté du 14 mars 2022 modifie l’arrêté du 24 décembre 2021 relatif à la tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles pour l’année 2022.

Titres professionnels

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