DROIT

En France, le risque d’un “grand désengagement” plutôt que d’une “grande démission”

Le cabinet de conseil en ressources humaines LHH organisait hier un webinar sur les nouveaux enjeux du dialogue social. L’occasion de se pencher sur les mutations du travail et, surtout, sur les attentes des jeunes générations, entre montée des individualités et nouvelles valeurs. Une “grande démission” en France est-elle possible ?

Pas de “signaux faibles” de “grande démission”

“La situation en France et aux Etats-Unis n’est pas comparable, et notamment grâce au dialogue social et à notre droit du travail, estime Sylvie Peretti, membre du comité exécutif en charge des relations humaines et de l’organisation chez Generali. “En France, on porte une attention particulière à la gestion du capital humain, aux politiques RH innovantes et aux dynamiques collectives. Nos politiques de formation professionnelle sont très intensives et adaptées, nous travaillons sur l’employabilité de nos collaborateurs et nous portons une attention managériale. Le management de proximité a d’ailleurs été très présent pendant la crise, ce qui n’est pas le cas forcément aux Etats-Unis où la relation contractuelle est beaucoup plus distanciée”. Selon elle, “il n’y a [donc] pas de signaux faibles de grande démission. Les enjeux [en France] sont différents : il faut gérer plusieurs générations avec des attentes différentes auxquelles il faut répondre car il y a une pénurie de compétences, une guerre des talents. C’est un enjeu pour les entreprises et le dialogue social”.

Le “grand désengagement” et le “grand questionnement” 

Pour Benoît Serre, vice-président délégué de l’ANDRH, “la grande démission en France prend une forme de grand désengagement car le marché du travail français est beaucoup moins fluide que le marché du travail américain. Depuis des années, les entreprises courent après la QVT, l’équilibre vie professionnelle/vie privée ; or, c’est un combat d’avant. Les jeunes disent qu’ils ne demandent pas qu’on se mêle de leur vie mais qu’on leur permette de définir leur propre équilibre”. D’ailleurs, souligne-t-il, “les jeunes ne se sentent parfois pas représentés par les représentants du personnel car leurs combats ne sont pas les leurs”.

Pour Jean-Dominique Simonpoli, fondateur de l’Association Dialogues et senior advisor LHH, “c’est le grand questionnement plutôt que la grande démission. Nous sommes face à une génération qui a un grand questionnement sur l’intérêt porté au travail, sur son sens, sur le sens même de l’activité de l’entreprise elle-même, notamment si elle fait mal à la planète. Le sens du travail est d’ailleurs l’un des aspects de la négociation collective. Il reste beaucoup de progrès à faire pour construire des collectifs qui tiennent compte de l’ensemble de ces réalités et mieux articuler les dimensions collectives et les dimensions individuelles”. *La question selon lui est avant tout de savoir “comment récréer du collectif à partir de la montée des individualités”. 

D’un dialogue social à un dialogue sociétal

“L’individualisme, les cultures et attentes portées individuellement sont une dimension importante pour le dialogue social, insiste pour sa part Marie Bouny, co-directrice de l’activité stratégie & performance sociale chez LHH. Il faut passer d’un dialogue social à un dialogue sociétal [selon les termes de Jean-Emmanuel Ray]. Un des leviers est de faire du dialogue social l’affaire de tous. La boite noire que constitue le dialogue social entre les partenaires sociaux devient de plus en plus complexe à porter”.

Elle s’interroge également sur la nécessité de “prévoir des avantages à la carte. Il y a cependant plusieurs écueils : “le risque de fragiliser le collectif, de fragiliser le modèle social et la nécessité d’avoir des outils de gestion très forts ; or, toutes les entreprises n’ont pas les outils pour individualiser leurs modèles sociaux”, constate-t-elle. 

Florence Mehrez

Frais professionnels : mieux vaut respecter la modalité d’indemnisation prévue au contrat de travail

Lorsque le contrat de travail d’un salarié prévoit une modalité d’indemnisation forfaitaire des frais professionnels conforme à la jurisprudence, l’employeur ne peut pas rembourser ces frais par des primes.

Un arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2022 offre l’occasion de rappeler quelques principes fondamentaux relatifs à la prise en charge des frais professionnels par l’employeur.

Principes jurisprudentiels de prise en charge des frais professionnels

Lorsque le montant du remboursement forfaitaire des frais professionnels est fixé par une convention ou un contrat, l’employeur doit se référer aux clauses concernées afin de mesurer l’étendue de son obligation. Dans un tel cas de figure, le salarié qui a exposé ces frais peut prétendre à l’indemnisation forfaitaire sans avoir à justifier des frais réellement exposés (arrêt du 19 mai 1988).

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve que, nonobstant son caractère forfaitaire, une indemnité est venue, le cas échéant, compenser des frais supplémentaires réellement exposés par le salarié (arrêt du 2 mars 1989 ; arrêt du 26 mai 2004).

L’employeur peut s’acquitter de son obligation de prise en charge des frais professionnels engagés par le salarié moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire, lorsque les conditions ci-dessous sont réunies (arrêt du 20 juin 2013 arrêt du 8 juillet 2020)  :

  • une clause du contrat fait la distinction entre la rémunération proprement dite et la somme forfaitaire destinée à compenser les frais professionnels ;
  • la rémunération nette de frais du salarié reste chaque mois au moins égale au Smic, ou, s’il est plus favorable, au salaire minimum conventionnel ;
  • le montant de l’indemnité forfaitaire ne doit pas être manifestement disproportionné par rapport aux montants des frais engagés.

Des principes illustrés par une nouvelle décision de la Cour de cassation.

Nouvelle illustration jurisprudentielle

Dans cette affaire, une salariée, embauchée le 5 octobre 2014 en qualité de VRP exclusif, est transférée dans une autre société le 1er novembre 2015. En 2017, elle demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail, avant d’être licenciée le 30 août 2017. Elle réclame alors en justice le remboursement de frais professionnels. La cour d’appel de Rennes ne fait pas droit à sa demande, la salariée ne démontrant pas que des frais professionnels lui resteraient dus. 

Pour les juges du fond, le courriel produit par la requérante n’était pas suffisant pour justifier sa demande à l’encontre de la contestation formulée par l’employeur faisant valoir que ses frais de déplacement avaient été couverts par les “primes logistiques” mentionnées sur les bulletins de paie “en application du principe d’indemnisation forfaitaire prévu au contrat de travail”. Le document intitulé “Attestation kilométrique 2015”, produit par elle, n’apportait pas davantage de précisions, l’employeur soutenant que cette attestation aurait été dictée par la salariée et faisant observer qu’elle visait pour la plus grande part une période durant laquelle celle-ci était salariée d’une autre société.

La salariée se pourvoit en cassation et la chambre sociale lui donne raison en cassant l’arrêt d’appel.

La Cour motive sa décision en rappelant que :

  • les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due ; 
  • il peut être contractuellement prévu que l’employeur en conserve la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire, sous réserve que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au Smic.

En déboutant la salariée de sa demande de remboursement alors qu’elle constatait le non-respect de la modalité d’indemnisation forfaitaire prévue par le contrat de travail par l’employeur, la cour d’appel a violé ces principes. L’affaire devra être rejugée.

Géraldine Anstett

Faute lourde : exemple de faits fautifs caractérisant l’intention de nuire à l’employeur

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur. Elle ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

Dans une affaire jugée par la Cour de cassation le 21 avril dernier, l’employeur, après la démission d’un responsable des ventes, obtient l’autorisation par le tribunal judiciaire de récupérer des fichiers professionnels conservés par le salarié après son départ de l’entreprise.

La cour d’appel reconnaît la faute lourde du salarié et le condamne à de lourds dommages et intérêts (1 314 550 euros) au titre des commissions dont la société a été privée dans le cadre des commandes détournées par l’intéressé.

Elle est approuvée par la Cour de cassation, le salarié ayant démarché des clients et fournisseurs travaillant avec l’employeur, détourné des affaires en cours à son profit avec la complicité de fournisseurs et détourné des commissions dues à l’employeur en instaurant un système de commissionnement occulte à son profit.

actuEL CE

Une clause de médiation préalable n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal

La Cour de cassation a été saisie pour avis de cette question : “La convention instituant un préliminaire obligatoire de médiation s’impose-t-elle au juge du fond dès lors que les parties l’invoquent et doit-elle en conséquence entraîner l’irrecevabilité d’une demande formée sans que la procédure de médiation ait été mise en œuvre ?”.

Dans un avis rendu le 14 juin 2022, la Cour de cassation décide “qu’en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend”.

En effet, argumente-t-elle, “aux termes de l’article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti. Il en résulte qu’en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend”.

actuEL CE

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : CESE, Covid-19, Prud’hommes, nominations, représentants du personnel, plateformes

Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du vendredi 10 juin au jeudi 16 juin inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branches.

CESE

  • Un décret du 14 juin 2022 porte application de l’article 4-1 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental (pétitions)
  • Un décret du 14 juin 2022 précise les modalités de prise en compte des indemnités des personnes participant aux travaux du Conseil économique, social et environnemental pour le droit à certaines prestations sociales

Covid-19

  • Un arrêté du 10 juin 2022 prescrit des mesures nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire (infirmiers et d’aides-soignants)

Justice

  • Un arrêté du 10 juin 2022 modifie l’arrêté du 14 mars 2022 fixant le calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud’homme pour le mandat prud’homal 2023-2025

Nominations

  • Un arrêté du 7 juin 2022 porte nomination au cabinet du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion (Bénédicte LEGRAND-JUNG, directrice adjointe du cabinet)
  • Un arrêté du 8 juin 2022 porte nomination au cabinet du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion (Paul-Antoine GEORGES, conseiller auprès du ministre chargé du pouvoir d’achat et des mutations économiques et sociales, à compter du 22 mai 2022 ; Charles MAHY, conseiller, chef de pôle travail et retraites, à compter du 30 mai 2022 ; Philippe ZAMORA, conseiller chargé du marché du travail et de l’assurance chômage, à compter du 30 mai 2022)
  • Un arrêté du 7 juin 2022 porte nomination au conseil d’administration de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail
  • Un arrêté du 13 juin 2022 porte nomination au cabinet du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion
  • Un arrêté du 13 juin 2022 porte nomination au cabinet du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion

Représentants du personnel

  • Un arrêté du 1er juin 2022 modifie l’arrêté du 19 janvier 2022 portant renouvellement de la certification relative aux compétences acquises dans l’exercice d’un mandat de représentant du personnel ou d’un mandat syndical

Travailleurs des plateformes

  • Un décret du 13 juin 2022 précise l’appréciation de la représentativité des organisations professionnelles de plateformes

actuEL CE

La lettre de notre avocat

Newsletter LBBA mai 2022.

CONTRAT DE TRAVAIL – EXECUTION

Harcèlement moral, élément intentionnel : pour retenir le délit de harcèlement, les juges du fond doivent caractériser la conscience de l’auteur d’entraîner une dégradation des conditions de travail du salarié victime (Cass. crim. 22 février 2022, n° 21-82.266).

Télétravail, remboursement de frais professionnels, cotisations sociales : les dépenses engagées par un salarié en télétravail pour convenance personnelle – ici, des frais de trajet domicile travail – ne peuvent pas être qualifiées de frais professionnels. Les remboursements effectués par la société au salarié au titre de ces trajets doivent donc être réintégrés dans l’assiette des cotisations sociales (CA Rennes, 9 mars 2022, n°19/05544, communiqué sur demande).

Demande de congé, accord exprès exigé : l’organisation des congés payés incombe à l’employeur. Ne commet pas une faute le salarié qui prend une journée de congé en ayant demandé au préalable l’autorisation de s’absenter à l’employeur qui n’a pas répondu, mais n’a pas expressément formulé de refus (Cass. soc. 6 avril 2022, n° 20-22.055).

Requalification de CDD en CDI, prescription, périodes d’inactivité : le délai de prescription d’une action en requalification d’une succession de CDD de mission en CDI à l’égard de l’entreprise utilisatrice, a pour point de départ le terme du dernier contrat. Les périodes d’inactivité entre les contrats successifs n’ont pas d’effet sur le point de départ du délai de prescription (Cass. soc. 11 mai 2022, n° 20-12.271).

Ancienneté, date sur le bulletin de paie : la date d’ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d’ancienneté sauf si l’employeur rapporte la preuve contraire (Cass. soc. 11 mai 2022, n° 20-21.362).

Recherche de reclassement, date de l’inaptitude : l’obligation qui pèse sur l’employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail  (Cass. soc. 11 mai 2022, n° 20-20.717).

Cumul avantages contractuels et conventionnels : en cas de conflit de normes conventionnelles et contractuelles, « les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent se cumuler ». Seul le plus favorable s’applique. (Cass. soc., 11 mai 2022, n° 21-11.240).

Accident du travail, présomption d’imputabilité, continuité des symptômes : la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d’accident du travail est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime. L’absence de continuité des symptômes ne permet pas d’écarter cette présomption (Cass. 2e civ. 12 mai 2022, n°20-20.655).

Mise à pied conservatoire, reprise du travail, sanction disciplinaire : la mise à pied prononcée par l’employeur dans l’attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée dans le même temps a un caractère conservatoire. Le fait pour l’employeur de renoncer à la mise à pied conservatoire, en demandant au salarié de reprendre le travail, n’a pas pour effet de requalifier la mesure en mise à pied disciplinaire (Cass. soc. 18 mai 2022, n°20-18.717).

Heures supplémentaire, irrecevabilité de la demande en appel : est irrecevable la demande du salarié au titre du paiement des heures supplémentaires formulée pour la première fois en appel, et qui n’est pas l’accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire des demandes initiales (limitées à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail) (Cass. soc. 25 mai 2022, n° 21-11.478).

RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Licenciement nul, action en justice contre l’employeur, pas de déduction des revenus de remplacement : le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur est nul, car portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie. Dès lors, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période (Cass. soc. 21 avril 2022, n° 20-14.280).

Pluralité de motifs de licenciement : l’employeur peut invoquer dans la lettre de licenciement plusieurs motifs de rupture inhérents à la personne du salarié dès lors qu’ils procèdent de faits distincts et à condition de respecter les règles de procédure applicables à chaque cause de licenciement (Cass. soc. 21 avril 2022, n° 20-14.408).

Conformité du Barème Macron à la convention n°158 de l’OIT, absence de contrôle de conventionnalité in concreto :  par deux arrêts rendus le 11 mai, la chambre sociale de la Cour de cassation conforte le barème dit Macron et tranche en faveur de sa conformité à la convention n°158 de l’OIT et ferme la porte à toute remise en cause du plafonnement des indemnités, fondée sur une appréciation in concreto (Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-15.247 ; Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-14.490).

Indemnité de rupture conventionnelle, décès du salarié avant la date de rupture prévue par la convention : en cas de décès du salarié intervenu après l’homologation de la rupture conventionnelle, mais avant la date de rupture du contrat de travail, l’employeur doit verser l’indemnité de rupture aux ayants droit du salarié (Cass. soc. 11 mai 2022, n°20-21.103).

Interdiction pour l’employeur d’exercer une activité, absence de force majeure : ne constitue pas un cas de force majeure l’interdiction d’exercer une activité privée de sécurité pendant 5 ans, prononcée à l’encontre de la société. L’employeur ne peut donc pas s’exonérer du paiement du salaire dû au salarié (Cass. soc. 11 mai 2022, n° 20-18.372).

LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE

Obligation de reclassement, possibilité de proposition du même poste à plusieurs salariés : l’employeur a l’obligation de proposer aux salariés concernés par le licenciement tous les postes disponibles susceptibles de répondre aux conditions légales, quand bien même cela le conduirait à proposer le même poste à plusieurs salariés (Cass. soc. 11 mai 2022, n°21-15.249 ; Cass. soc. 11 mai 2022, n°21-15.250).

PSE, demande d’homologation, information du CSE et de l’expert : doit être annulée la décision d’homologation d’un document unilatéral de l’employeur portant sur un PSE, la procédure de consultation du CSE étant irrégulière, dès lors que l’expert n’avait pas été en mesure de lui remettre son rapport dans le délai imparti et ainsi de disposer des éléments permettant de se prononcer en toute connaissance de cause (CAA Versailles, 4e Chambre, 17 mai 2022, n°22VE00604).

Motif économique, baisse du chiffre d’affaires :  doit être censuré l’arrêt qui, pour dire bien fondé un licenciement pour motif économique, se fonde sur la baisse significative du chiffre d’affaires, alors qu’il résultait de ses constatations que, pour une entreprise de plus de trois cents salariés, la durée de cette baisse, en comparaison avec la même période de l’année précédente, n’égalait pas quatre trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail (Cass. soc. 1er juin 2022, n° 20-19.957).

Autorisation du PSE , liquidation judiciaire, recherche de reclassement tardive dans le groupe : dans une entreprise en liquidation judiciaire, la seule circonstance que le liquidateur, alors qu’il a tardivement saisi les autres entreprises du groupe en vue d’une recherche des postes de reclassement disponibles sur le territoire national, n’a pas obtenu les réponses de tout ou partie d’entre elles, ne fait pas obstacle à ce que le plan de reclassement du PSE soit regardé par l’administration comme suffisant eu égard aux moyens de l’entreprise (CE, 1er juin 2022, n° 434225).

ELECTIONS

Contentieux préélectoral, annulation des élections : le jugement rendu en matière préélectorale n’a pas autorité de chose jugée dans le litige tendant à l’annulation des élections. Il est donc possible de demander, dans le cadre d’un contentieux préélectoral, l’annulation d’une liste de candidats pour non-respect des règles de mixité, puis l’annulation de l’élection du candidat du sexe surreprésenté de cette liste sur le même fondement (Cass. soc. 6 avril 2022, n°20-18.198).

Obligation de neutralité, charge de la preuve : le syndicat qui demande l’annulation des élections professionnelles en se fondant sur une violation par l’employeur de son obligation de neutralité doit en rapporter la preuve (Cass. soc. 18 mai 2022, n° 20-21.529). 

Modalités du scrutin, absence de réserve du syndicat : en l’absence de saisine du juge au stade préélectoral, un syndicat qui a présenté des candidats sans avoir émis aucune réserve ne peut plus demander, après le scrutin, l’annulation des élections professionnelles en se fondant sur l’irrégularité des modalités d’organisation et de déroulement des opérations de vote fixées unilatéralement par l’employeur après l’échec des négociations sur le protocole préélectoral (Cass. soc. 18 mai 2022, n° 21-11.737).

Vote électronique, absence d’ordinateur disponible pour certains salariés, annulation des élections : L’entreprise doit s’assurer que l’ensemble des salariés a accès à un matériel permettant de voter. Porte atteinte au principe général d’égalité face à l’exercice du droit de vote, l’entreprise qui interdit, pour des raisons de confidentialité, toute utilisation des ordinateurs de la société par les salariés ou d’un ordinateur personnel au sein de l’entreprise, alors que certains salariés ne disposaient d’aucun bureau ni poste de travail dans les locaux de la société (Cass. soc. 1er juin 2022, n° 20-22.860).

SALARIÉS PROTÉGÉS

Absence d’autorisation, départ à la retraite, indemnité pour licenciement illicite : le salarié protégé licencié sans autorisation administrative préalable et qui n’est pas réintégré dans l’entreprise peut notamment réclamer une indemnité en réparation du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement. Peu importe, que le salarié ait lui-même rendu impossible sa réintégration, en faisant valoir ses droits à la retraite en cours d’instance (Cass. soc. 18 mai 2022, n° 21-10.118).

IRP, FONCTIONNEMENT, PERIMETRE

Règles de suppléance : l’ordre de suppléance prévu par l’article L. 2314-37 du Code du travail est impératif et seul applicable. S’il est impossible de trouver un remplaçant de la même organisation syndicale, le remplacement est assuré par le suppléant élu n’appartenant pas à la liste syndicale du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix (Cass. soc. 18 mai 2022, n° 21-11.347).

Heures de délégation, retenue sur salaire : le refus de l’employeur de payer les heures de délégation d’un représentant du personnel à l’échéance normale constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés peut faire cesser, même en cas de contestation sérieuse. Mais ce refus ne justifie pas, à lui seul, le versement de dommages-intérêts au salarié (Cass. soc. 1er juin 2022, n° 20-16.836).

Désignation d’un expert, risque « grave, identifié et actuel » : c’est au CSE qu’il incombe de démontrer l’existence d’un risque « grave, identifié et actuel » (Cass. soc. 18 mai 2022, n° 20-23.556).

Consultation politique sociale, accès de l’expert-comptable aux informations, BDESE : l’expert-comptable a accès aux informations individualisées et anonymisées dont l’existence n’est pas contestée, peu important qu’elles ne figurent pas dans la BDESE (Cass. soc. 18 mai 2022, n° 20-21.444).

Consultation recours à APLD, contestation : une entreprise consultant son CSE en vue du recours à l’activité partielle de longue durée ne peut se contenter d’adresser au comité les éléments transmis à l’administration justifiant le recours à ce dispositif. Le CSE doit être consulté sur les points “intéressant, de façon plus globale, l’impact de l’activité partielle sur l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise”. La demande indemnitaire des syndicats est rejetée, à défaut de justification d’un préjudice (CA Versailles, 12 mai 2022, n° 21/00337).

NEGOCIATION, CCORDS COLLECTIFS

Accord de branche, CDD, dérogation aux délais de carence : un accord de branche étendu ne peut pas prévoir une exclusion générale de tout délai de carence en cas de CDD successifs (CE 27 avril 2022 n° 440521).

Avis interprétatif : l’avis d’une commission d’interprétation instituée par un accord collectif ne s’impose au juge que si l’accord lui donne la valeur d’un avenant. Un avenant ne peut être considéré comme interprétatif que s’il se borne à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu’une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse (Cass. soc. 11 mai 2022, n° 20-15.797).

Accord d’intéressement, date de dépôt, exonération : lorsqu’il est déposé hors délai (15 jours suivant la date limite de conclusion), l’accord d’intéressement n’ouvre droit aux exonérations que pour les périodes de calcul ouvertes postérieurement à son dépôt (Cass. 2e civ. 12 mai 2022, n° 20-22.367).

SYNDICATS

Intérêt à agir, non-respect d’un accord collectif : la violation des dispositions d’un accord de branche cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession, qu’il appartient aux juges du fond d’évaluer (Cass. soc. 20 janv. 2021, n° 19-16.283).

Intérêt à agir des organisations syndicales, obligation d’une action du CSE : si les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent, notamment en cas de défaut de réunion, d’information ou de consultation des institutions représentatives du personnel lorsqu’elles sont légalement obligatoires, ils n’ont pas qualité à agir aux lieu et place de ces institutions au titre d’un défaut de consultation qu’elles n’invoquent pas. En l’absence d’action engagée par le CSE à laquelle le syndicat pourrait s’associer, les demandes du syndicat sont irrecevables, peu important qu’il invoque les stipulations d’un accord collectif au soutien de cette action (Cass. soc. 18 mai 2022, n° 20-23.321).

ACTION EN JUSTICE, PRESCRIPTION

Requalification en contrat de travail, délai de prescription : l’action tendant à voir qualifier une relation contractuelle en contrat de travail relève de la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil. Son point de départ est la date à laquelle cette relation contractuelle a cessé (Cass. soc. 11 mai 2022, n° 20-14.421).

Faute inexcusable, action contre l’employeur et la caisse de sécurité sociale : l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, formée par la victime ou ses ayants droit, doit nécessairement être dirigée contre l’employeur de celle-ci, en présence de la caisse de sécurité sociale. Dès lors, le pourvoi principal formé par la victime, qui est seulement dirigé contre l’employeur mais non contre la caisse, n’est pas recevable (Cass. 2e civ. 12 mai 2022, n° 20-22.606).

SCP d’avocats inscrite aux barreaux de Paris et de Rennes