DROIT

“Nous avons besoin d’un Observatoire pour quantifier les discriminations”

En 2011, la Défenseure des droits a reçu 114 898 réclamations, soit une augmentation de 18,6% par rapport à 2020, “un niveau jamais atteint”. Refus d’embauche en raison d’un patronyme étranger, non renouvellement de contrat de femmes enceintes ou mise à l’écart de salariés seniors, etc. : les discriminations restent nombreuses sur le terrain du travail.

Alors qu’Elisabeth Borne doit prononcer son discours de politique générale cet après-midi, Claire Hédon, la Défenseure des droits, a mis en garde le gouvernement sur les “difficultés et entraves” qui s’accumulent sur “le chemin du droit”, à l’occasion de la présentation, hier, du rapport annuel de 2021. Elle précise que “ce sont les personnes les plus en difficulté qui en font les frais”. Une fracture qui met à mal “la cohésion de la société”.

114 898 réclamations ont été déposées l’an dernier, soit une augmentation de 18,6 % par rapport à 2020. “Un niveau jamais atteint”, a souligné l’ancienne journaliste. Dans le détail, les réclamations ont porté sur la protection et la sécurité sociale (22,1 %), le droit des étrangers (17,1 %), la justice (8,5 %) mais aussi le droit privé (3,2 %). Avec le Covid, de nombreuses sollicitations ont aussi concerné la suspension “de plusieurs dizaines” d’agents non vaccinés.

Des discriminations liées à l’origine, à l’âge mais aussi… la grossesse

Sur le terrain des discriminations au travail, l’institution, qui souffle ses dix bougies, a alerté sur le refus d’embauche lié à l’origine, en citant le cas d’un candidat dont la candidature à un poste de chargé de clientèle au sein d’une entreprise a été rejetée en raison de son patronyme. Elle révèle également l’importance des licenciements discriminatoires dus à l’état de grossesse, le contrat d’agentes n’ayant pas été signé ou pas renouvelé parce qu’elles étaient enceintes.

La réinsertion professionnelle peut également virer au cauchemar pour les salariés plus âgés. “Si l’Etat encourage l’embauche des seniors, leur âge est bien souvent un obstacle à leur recrutement”, constate Claire Hédon qui précise que seuls 56,2 % des 55-64 ans étaient en emploi au troisième trimestre 2021, en se référant aux chiffres de la Dares.

Elle rappelle également que les jeunes sont particulièrement exposés à des situations de discrimination ou de harcèlement discriminatoire dans le cadre de leur recherche d’emploi ou de leur carrière. Les critères les plus souvent cités étant le sexe, l’âge, l’apparence physique ou l’origine. Au point où 60 % d’entre eux déclarent avoir été confrontés à ces micro-agressions, “générant une perte de confiance dans l’avenir professionnel et des comportements d’autocensure lors de la recherche d’emploi”.

Plusieurs leviers d’action

Plusieurs leviers ont toutefois été mis en place pour inverser la tendance. Une plateforme dédiée à la lutte contre les discriminations a vu le jour en 2021 (avec un numéro d’appel, le 3928). Elle permet d’informer la victime de ses droits, de la réorienter vers les services de l’Etat compétents (police, gendarmerie et différentes plateformes) ainsi que vers des associations partenaires sur tout le territoire. Elle aide également à préparer une saisine du défenseur des droits qui pourra conduire à une médiation, un traitement civil ou une poursuite pénale. En décembre 2021, la plateforme comptabilisait 14 000 sollicitations. Et a permis, selon le rapport, une augmentation de 22 % des saisines sur cette thématique.

Mais Claire Hédon veut aller plus loin. Elle plaide aujourd’hui pour la création d’un Observatoire, chargé de quantifier les discriminations. Avec l’objectif d’obtenir une meilleure traçabilité. Plusieurs avancées ont été effectuées dans ce domaine, comme la création d‘un groupe de travail et un rapprochement avec les services statistiques de l’Etat. Elle souligne, à ce titre, que la France a été pointée du doigt par l’Organisation des nations unies en matière de handicap ; les politiques françaises consistant à “donner une béquille” plutôt qu’à favoriser “un environnement inclusif”.

La Défenseure des droits rappelle également que l’institution a renforcé son rôle en matière de protection des lanceurs d’alerte, en se dotant d’une adjointe, experte de ces sujets, Cécile Barrois de Sarigny. L’objectif étant de les orienter vers les autorités compétentes pour recevoir leur signalement, les protéger en cas de représailles et pour veiller à leurs droits et leurs libertés. A ce titre, l’institution avait présenté en 2021, deux avis devant le Parlement européen appelant au renforcement des dispositifs de lanceurs d’alerte et à une transposition ambitieuse de la directive européenne du 23 octobre 2019.

Anne Bariet

Covid, pouvoir d’achat, budget rectificatif : le calendrier d’examen des projets de loi

Au Journal officiel d’hier est paru l’agenda prévisionnel des séances plénières de l’Assemblée nationale pour la session extraordinaire de juillet :

  • à partir du lundi 11 juillet commencera l’examen du projet de loi  “maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19”, projet qui a été présenté lundi 4 juillet en conseil des ministres
  • à partir du 18 juillet aura lieu l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat;
  • à partir du 20 juillet débutera l’examen du projet de loi de finances rectificative. Ce texte pourrait comporter de nouvelles mesures annoncées par Bercy ces derniers jours : suppression de la redevance (138€) finançant l’audiovisuel public (voir les protestations des CSE de Radio France et de France Télévisions), indemnité inflation de 100€ par foyer et 50€ par enfant pour les ménages modestes, modération à 3,5% de la hausse des loyers, prolongation de la remise carburant de 18 centimes et éventuel dispositif “pour les gros rouleurs”, etc.

Les projets de loi sur le pouvoir d’achat et sur le budget rectificatif seront présentés ce jeudi 7 juillet en conseil des ministres.

actuEL CE

Projet de loi “pouvoir d’achat” : les outils mis à la disposition des employeurs pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés

Présenté en Conseil des ministres hier à 16 heures, le projet de loi “portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat” laisse la part belle aux employeurs pour améliorer le sort de leurs salariés. Reste à savoir si les entreprises voudront, ou pourront, les mettre en œuvre.

Pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés, le projet de loi prévoit la pérennisation de la prime pouvoir d’achat (rebaptisée prime de partage de la valeur), tente de simplifier la mise en œuvre du dispositif d’intéressement et “incite” fortement les branches à négocier et conclure régulièrement sur les salaires en les menaçant d’une fusion (voir le document complet en pièce jointe). A noter que la promesse d’Emmanuel Macron d’un prime dividende ne figure pas dans les projets de loi présentés hier en conseil des ministres. L’exécutif a promis aux partenaires sociaux de “co-construire” le dispositif avec eux, ce qui ne permet pas d’inclure une telle mesure dans un texte examiné en juillet.

 Remarque : le gouvernement projetait de modifier le régime fiscal de la prime transport Cette mesure devait être intégrée dans le projet de loi de finances rectificative. Interrogé par la rédaction, le cabinet du Premier ministre estime que cette mesure doit encore faire l’objet de discussions notamment avec les entreprises, l’objectif étant de simplifier le mécanisme autant que faire ce peut. Cette mesure pourrait donc faire l’objet d’un amendement gouvernemental lors des prochains débats parlementaires.

Le projet, qui, selon l’exécutif, intègre déjà un certain nombre de propositions des partis d’opposition, est susceptible d’être largement amendé. Les amendements relatifs à l’adaptation des régimes fiscal et social applicables aux heures supplémentaires seraient, par exemple, examinés avec la plus grande attention.

La prime de pouvoir d’achat serait pérennisée et renforcée mais pas complètement (article 1er)

Pour répondre à la contestation de la rue démarrée fin 2018 contre la baisse du pouvoir d’achat (mouvement dit des “gilets jaunes”), la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales avait permis aux entreprises, sous certaines conditions, de verser exceptionnellement une prime à leurs salariés (ou à certains d’entre eux) non imposable et exclue de l’assiette des cotisations et contributions sociales dans certaines limites. Fort du succès de cette prime, le dispositif avait été exceptionnellement reconduit en 2020 et 2021, mais pas complètement à l’identique.

Aujourd’hui, le gouvernement propose de le pérenniser, exception faite de sa défiscalisation qui resterait, elle, temporaire.

 Remarque : le projet de loi fait état d’une date de versement possible à partir du 1er août 2022. Toutefois, pour plus de sécurité juridique et financière, mieux vaut pour les entreprises attendre la publication de la loi au Journal officiel avant de verser la prime.

Employeurs et bénéficiaires resteraient les mêmes

Ouvriraient toujours droit au bénéfice de la prime (rebaptisée prime de partage de valeur) :

  • les salariés titulaires d’un contrat de travail à la date de versement de la prime, du dépôt de l’accord ou de la signature de la décision unilatérale de l’employeur (DUE) actant le versement de cette prime ;
  • les agents publics relevant de l’établissement (EPA ou EPIC) à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de la signature de la DUE ;
  • les intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice (à la date de versement de la prime, du dépôt de l’accord ou de la signature de la DUE) attribuant la prime à ses salariés : dans ce cas, l’entreprise utilisatrice devrait en informer l’ETT dont relèvent les intérimaires et c’est cette dernière qui la leur verserait dans les conditions et selon les modalités fixées par l’accord ou la DUE ;
  • les travailleurs handicapés bénéficiaires d’un contrat de soutien et d’aide à l’emploi à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de la signature de la DUE et relevant des ESAT.

L’employeur pourrait toujours :

  • verser la prime  à une partie de son personnel seulement, par exclusion d’une partie des salariés dont la rémunération serait supérieure à un plafond déterminé par l’accord ou la DUE instituant la prime ;
  • fixer librement son montant qui pourrait donc être inférieur aux montants maxima exonérés (à savoir 3 000 € ou 6 000 € – voir ci-après) ou supérieur à ces montants ;
  • appliquer des critères de modulation de la prime : ces critères de modulation resteraient les mêmes (rémunération, niveau de classification, durée de présence effective pendant l’année écoulée, durée de travail prévue au contrat de travail).

L’interdiction de substituer la prime à un élément de rémunération du salarié demeurerait.

Les modalités de mise en place aussi

Pour mettre en place ce dispositif, l’employeur pourrait toujours :

  • conclure un accord, négocié au niveau de l’entreprise ou du groupe, selon les modalités prévues pour les accords d’intéressement (accord collectif de travail négocié avec le délégué syndical ou accord négocié avec le CSE notamment) ;
  • opter pour la décision unilatérale : dans ce cas, il devrait en informer préalablement le CSE (s’il en existe un).

Les plafonds d’exonération seraient triplés et les conditions attachées au plafond majoré plus circonscrites

Les plafonds d’exonération fixés initialement à 1000 € et 2000 € seraient triplés.

Concrètement, la prime serait exonérée de cotisations sociales et, temporairement, de CSG/CRDS et d’Impôt sur le revenu (IR), à hauteur de 3000 € par bénéficiaire et par année civile.

Ce plafond d’exonération serait porté à 6000 € par bénéficiaire et par année civile lorsque :

  • l’entreprise est dotée d’un accord d’intéressement à la date de versement de la prime ou conclut un accord d’intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime ;
  • l’entreprise n’est pas tenue de mettre en place un accord de participation mais en est tout de même dotée ou conclut un accord de participation au titre du même exercice que celui du versement de la prime ;
  • l’employeur est une association ou une fondation reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général et habilitée à ce titre à recevoir des dons ouvrant droit à réduction d’impôt ;
  • l’employeur est un ESAT.

 Remarque : pouvaient également bénéficier du plafond majoré de la prime de pouvoir d’achat 2021 les entreprises de moins de 50 salariés et celles engagées dans une démarche de valorisation des “travailleurs de 2e ligne”. Ce ne sera vraisemblablement plus le cas pour la nouvelle prime de partage de valeur.

Une prime exonérée de cotisations sociales sans plafond de rémunération mais fiscalisée et soumise à CSG/CRDS à compter du 1er janvier 2024

Pour ouvrir droit à l’exonération sociale et fiscale applicable à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat 2021, la rémunération perçue par le salarié au cours des 12 mois précédant le versement de la prime devait être inférieure à trois fois la valeur annuelle du Smic.

Une condition figurant dans l’avant-projet de loi “pouvoir d’achat” mais qui a été supprimée dans le projet de loi. En tout cas pour le bénéfice de l’exonération de cotisations sociales.

Ainsi, toutes les primes de partage de valeur versées aux salariés, quelle que soit leur rémunération, ouvriraient droit à exonération sociale, dans la limite des plafonds de 3000 € ou 6000 € précités.

 Remarque : les cotisations sociales visées sont toutes celles d’origine légale ou conventionnelle à la charge du salarié et de l’employeur mais aussi la participation patronale à l’effort de construction et la contribution unique à la formation professionnelle.

Attention ! si le plafond de rémunération est supprimé pour l’exonération sociale de la prime, il ne le serait pas pour l’exonération fiscale et celle de la CSG/CRDS. Seules les primes versées aux salariés ayant perçu, au cours des 12 derniers mois précédant leur versement, une rémunération inférieure à 3 fois la valeur annuelle de Smic, le seraient.

En outre, le bénéfice de cette exonération fiscale/CSG/CRDS ne serait octroyé qu’aux primes versées entre le 1er août 2022 et le 31 décembre 2023.

A compter du 1er janvier 2024, les primes de partage de valeur seraient intégralement soumises à l’IR et à la CSG/CRDS.

 Remarque : à terme, le régime social et fiscal serait donc aligné sur celui des sommes perçues au titre de la participation et des primes d’intéressement perçues immédiatement par le salarié. Selon l’exécutif, deux raisons militent pour le caractère temporaire de l’exonération fiscale : un dispositif plus généreux sur une durée plus courte serait plus incitatif ; le Conseil d’Etat s’inquièterait d’un risque de substitution avec les salaires.

La prime serait assujettie au forfait social dans les mêmes conditions que l’intéressement

La prime de partage de valeur serait assimilée, pour l’assujettissement au forfait social, aux sommes versées au titre de l’intéressement.

Ainsi, l’entreprise de 250 salariés et plus serait redevable du forfait social lors de l’attribution des primes de partage de valeur, au taux de 20 %, le forfait social étant dû sur la fraction des sommes exonérée de cotisations de sécurité sociale.

 Remarque : la fraction de ces sommes excédant les limites d’exonération serait réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales et, par conséquent, ne serait pas soumise au forfait social.

La mise en œuvre de l’intéressement serait simplifiée (article 3)

Le projet de loi assouplit plusieurs dispositions relatives à l’épargne salariale, à commencer par l’intéressement. Ces mesures seraient applicables aux accords d’intéressement, de participation et aux règlements de plan d’épargne salariale déposés à compter du 1er janvier 2023.

Concrètement, pour permettre aux entreprises d’adopter une projection sur un plus long terme, la durée de l’accord d’intéressement serait allongée de 3 à 5 ans.

Deuxième mesure de simplification, lorsqu’aucun accord d’intéressement de branche agréé ne la couvre pas, une entreprise pourrait mettre en place un régime d’intéressement par décision unilatérale dans deux situations :

  • elle occupe moins de 50 salariés et est dépourvue de délégué syndical ou d’un CSE : dans ce cas, elle devrait en informer son personnel par tous moyens ;
  • elle occupe moins de 50 salariés et compte au moins un délégué syndical ou est dotée d’un CSE : dans ce cas, elle devrait d’abord tenter de négocier l’accord avec le DS ou le CSE et ce ne serait qu’en cas d’échec des négociations que la mise place du dispositif par décision unilatérale serait permise.

Arrivé à échéance, le dispositif d’intéressement mis en place unilatéralement pourrait être renouvelé unilatéralement (aujourd’hui, le renouvellement unilatéral est interdit).

La création d’une procédure dématérialisée de rédaction de l’accord d’intéressement est prévue par le projet. Elle permettrait de sécuriser les exonérations dès le dépôt de l’accord.

Enfin, les délais du contrôle de légalité applicable à tout dispositif d’épargne salariale (intéressement, participation, PEE) seraient raccourcis d’un mois. Le contrôle de forme opéré par le DDETS (direction régionale du travail) serait en effet supprimé. Ne resterait plus que le contrôle de fond opéré par les Urssaf ne pouvant excéder 3 mois pour les accords de participation et les plans d’épargne salariale, ou 5 mois pour les accords d’intéressement.

Les branches invitées à renégocier les minima salariaux inférieurs au Smic, sous peine de fusion (article 4)

Compte tenu des multiples revalorisations exceptionnelles du Smic intervenues en 2021 et 2022, de nombreuses conventions collectives de branche prévoient des salaires minima hiérarchiques inférieurs au Smic.

 Remarque : la plupart d’entre elles avaient pourtant fait un travail de revalorisation notable avant ces revalorisations.

Pour inciter les branches à mettre leurs grilles de salaire à jour de la valeur du Smic, la faiblesse du nombre d’accord garantissant des minima conventionnels au moins au niveau du Smic deviendrait un élément caractérisant la faiblesse de la vie conventionnelle d’une branche, et donc un critère de restructuration administrative (C. trav., art. L. 2261-32).

 Remarque :  pour rappel, afin de répondre aux difficultés posées par l’éclatement du champ conventionnel, et donc, de réduire le nombre de branches, la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 sur la formation et la démocratie sociale a habilité le ministre du travail à prendre différentes mesures pour restructurer les branches professionnelles. Le ministre peut notamment engager une procédure de fusion du champ d’application des conventions collectives d’une branche avec celui d’une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues dans certaines situations : lorsque la branche a une activité conventionnelle caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociation couverts, par exemple.

Cette mesure devrait entrer en vigueur à la publication de la loi. Le gouvernement indique toutefois que cet outil sera appliqué avec discernement et ne concernera que les branches dont les minima sont inférieurs au Smic sur une longue durée, supérieure à un an.

 L’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale devrait commencer le 18 juillet prochain. L’exécutif espère voir le texte adopter fin juillet, début août pour une entrée en vigueur de la plupart des mesures à la rentrée. Mais le texte étant source de controverses, il y a fort à parier qu’il fera l’objet de longs débats dans le nouvel hémicycle.

Géraldine Anstett

Le pouvoir d’achat pèse sur la santé mentale des salariés français

Après la Covid et son télétravail forcé, le pouvoir d’achat et les incertitudes économiques pèsent à leur tour sur la santé mentale des salariés. Selon le baromètre d’Empreinte Humaine, un tiers d’entre eux estime que le pouvoir d’achat a un impact négatif sur leur santé mentale. La détresse psychologique n’épargne pas non plus les élus du personnel.

Le cabinet de conseil spécialisé en risques psychosociaux (RPS) enquête régulièrement sur la santé mentale des salariés. Son dernier baromètre publié hier résulte d’une enquête réalisée en juin 2022 sur un échantillon représentatif de 2016 salariés. Le taux de détresse psychologique reste stable mais important, à hauteur de 41 %. Parmi ces salariés, 14 % sont en taux de détresse élevée, soit un point de plus qu’en mars 2022.

Les “burn out” atteignent trois fois leur niveau d’avant la Covid

Plus de 2,5 millions de salariés souffrent de burn out sévère (13 %). Cela représente un triplement de la population qui “pète les plombs” par rapport aux niveaux d’avant la crise sanitaire. Un taux qui pourrait augmenter encore dans les prochains mois selon Christophe Nguyen, psychologue du travail et président du cabinet Empreinte Humaine. La situation perdure malgré les deux ans d’expérience du télétravail : un tiers des salariés estime que leur poste de travail est mal installé à domicile, et parmi eux, 51 % sont en détresse psychologique.

Les managers, les femmes, les jeunes et … les élus du personnel

Un tiers des managers indique que le télétravail les empêche de bien manager. Et parmi la moitié de managers qui dit que ne pas voir le travail se faire est une difficulté, 67 % sont en détresse psychologique. Sans surprise, les jeunes de moins de 29 ans (59 %) et les femmes (46 %) présentent aussi de hauts signaux de détresse.

Le sentiment d’impuissance des élus 

Mais les élus du CSE ne sont pas en reste. Christophe Nguyen ne dispose pas de chiffre précis à leur égard, mais selon lui, “les élus présentent une spécificité liée à leur sentiment d’impuissance par rapport à l’ampleur des souffrances qu’ils constatent sur le terrain. Ils peinent aussi à poser des limites à leur accompagnement. Les confidences des salariés créent une charge émotionnelle difficile à gérer. Donc les élus sont protégés, mais pas de la détresse psychologique !”.

Pas de grande démission mais un grand absentéisme

37 % des salariés interrogés souhaitent quitter leur entreprise, une hausse de 5 points par rapport au précédent baromètre. Empreinte Humaine fait le lien avec l’état de santé mentale : parmi ceux qui veulent démissionner, 58 % sont en état de détresse psychologique. Le baromètre va plus loin : le fait de vouloir partir et de ne pas pouvoir le faire est négatif pour la santé mentale. Parmi les 57 % à vouloir démissionner, 67 % sont en détresse psychologique. Conséquence directe de cette situation : l’absentéisme avant le risque de démissions massives. “On lit beaucoup de chose sur le ‘big quit’, c’est-à-dire la grande démission aux Etats-Unis, en se demandant si la même chose se passe en France. Mais on va plutôt vers un big absentéisme”, analyse Christophe Nguyen.

L’ombre du pouvoir d’achat sur les salariés

Parmi les raisons qui poussent les salariés au départ se trouve en premier lieu la rémunération et donc la question du pouvoir d’achat. Viennent ensuite la reconnaissance l’évolution professionnelle, l’ambiance de travail et le management. Il demeure que 22 % des répondants craignent de tomber dans la pauvreté, 29 % affirment avoir des difficultés à finir leurs fins de mois et 7 sur 10 ne sont pas satisfaits de leur salaire au regard du coût de la vie. Parmi eux, 45 % sont en détresse psychologique.

Le travail non déclaré pour boucler les fins de mois 

20 % des salariés interrogés se disent endettés, et ils sont 13 % à réaliser des travaux non déclarés à l’Urssaf pour boucler leurs fins de mois. Le prix de l’essence pèse sur la moitié des répondants, et ils sont aussi 50 % à déclarer ne pas pouvoir faire face à une dépense imprévue de 500 €. Voilà qui pourrait donner du grain à moudre dans les négociations salariales de branche…

Guerre en Ukraine, départ en retraite, climat social

L’étude pointe également la question de la soutenabilité d’un report du départ en retraite pour les salariés. Le président de la République a d’ailleurs plusieurs fois été interpellé lors de ses déplacements par des salariés refusant cette réforme. 7 répondants sur 10 ont indiqué à Empreinte Humaine qu’un report de l’âge de départ leur fait craindre “de ne pas pouvoir tenir jusque-là”.

Pour un tiers des salariés, la guerre en Ukraine crée de l’incertitude dans leur travail et de la détresse psychologique (52 %). L’étude note par ailleurs une détérioration du climat social depuis la crise sanitaire. 43 % des répondants disent que leurs collègues sont plus individualistes, qu’il y a davantage de conflits (35 %), que les clients, patients ou usagers sont plus agressifs (55 %), que leur charge de travail est en augmentation (59 %).

“Proposer des smoothies ne suffit pas” : le rôle des élus du personnel

Seulement 28 % des répondants estiment que la direction de leur entreprise est impliquée dans la prévention de la détresse psychologique, et 34 % qu’elle se rend compte de l’ampleur des phénomènes. Ils sont en conséquence 75 % à réclamer des bilans sur l’état de santé et le bien-être des salariés. Mais la réponse des entreprises est-elle à la hauteur ? Non répondent les salariés. Selon Christophe Nguyen, “l’action des entreprises est souvent en décalage. Proposer des smoothies ne suffit pas”. Les salariés attendent des changements dans les conditions de travail : deux tiers pensent qu’elles ont des conséquences sur leur santé mentale, et ils sont 6 sur 10 à considérer qu’elles doivent s’améliorer.

 Rester factuels, demander des diagnostics

Nous avons demandé à Christophe Nguyen ses conseils pour les élus du personnel face à une telle dégradation de la santé mentale des salariés. “Ils doivent à mon avis rester factuels dans les remontées de terrain à la direction, puis demander des actions, des diagnostics. Faire le point autour de la table avec la direction et proposer de la prévention et des dispositifs d’accompagnement des salariés. Il leur faut rester dans la vigilance sans toutefois rien imposer car cela conduit à des postures défensives”, nous a-t-il répondu. Élus de CSE, à vos réunions !

Marie-Aude Grimont

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : avocats, aides aux entreprises, nominations, travailleurs détachés

Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du vendredi 1er juillet au jeudi 7 juillet inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branches que vous retrouvez une fois par mois dans nos colonnes.

Aides aux entreprises

  • Un décret du 1er juillet 2022 institue une aide visant à compenser la hausse des coûts d’approvisionnement de gaz naturel et d’électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine

Emploi

  • Un arrêté du 28 juin 2022 habilite des territoires pour mener l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » : Joinville en Champagne (Haute-Marne) et Bléré Val de Cher (Indre-et-Loire)

Fonction publique

  • Un arrêté du 4 juillet 2022 est pris pour l’application du décret n° 2022-984 du 4 juillet 2022 portant création de certains comités sociaux d’administration de la police nationale
  • Un décret du 4 juillet 2022 porte création de comités sociaux d’administration de la police nationale
  • Un décret du 4 juillet 2022 porte création du comité social d’administration du personnel civil de la gendarmerie nationale
  • Un arrêté du 20 juin 2022 précise les modalités d’organisation du vote électronique par internet des représentants du personnel au conseil d’administration et aux commissions territoriales de la Masse des douanes pour les élections fixées du 1er au 8 décembre 2022 (direction générale des douanes et droits indirects)

Gouvernement

  • Ordre du jour de l’Assemblée nationale (fixant à mercredi 5 juillet la déclaration du gouvernement en séance publique)
  • Un décret du 4 juillet 2022 précise la composition du Gouvernement
  • Agenda de l’Assemblée nationale jusqu’au mercredi 27 juillet

Justice

  • Un décret du 30 juin 2022 modifie le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat

Nominations

  • Un arrêté du 29 juin 2022 porte nomination au cabinet de la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances
  • Un arrêté du 30 juin 2022 porte cessation de fonctions et nomination à la présidence de la République
  • Un arrêté du 27 juin 2022 porte nomination au cabinet du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées
  • Un décret du 2 juillet 2022 précise la composition et au fonctionnement du Conseil national de l’inspection du travail
  • Un arrêté du 1er juillet 2022 précise la composition du cabinet de la Première ministre (Mme Alexandra ROULET nommée conseillère technique macroéconomie et politiques publiques)
  • Un arrêté du 29 juin 2022 porte nomination au comité d’évaluation des textes encadrant l’accès au marché du travail des personnes atteintes de maladies chroniques
  • Un arrêté du 27 juin 2022 porte nomination à la sous-commission de la protection sociale complémentaire de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (Mme Charlotte WALSH de SERRANT, en qualité de représentante des employeurs)
  • Un arrêté du 5 juillet 2022 précise la composition du cabinet de la Première ministre (Mme Clara KOENIG est nommée conseillère communication)
  • Un arrêté du 5 juillet 2022 précise la composition du cabinet de la Première ministre (M. Emmanuel BOSSIERE est nommé conseiller technique transport)
  • Un arrêté du 5 juillet 2022 précise la composition du cabinet de la Première ministre (M. Christophe LEININGER est nommé conseiller technique énergie)

Protection sociale

  • Un décret du 2 juillet 2022 précise la mise en œuvre de la cinquième branche du régime général de la sécurité sociale relative à l’autonomie

Représentation du personnel

  • Un arrêté du 24 juin 2022 fixe les modalités des élections des représentants du personnel au conseil d’administration du Conseil national des activités privées de sécurité
  • Un arrêté du 25 mai 2022 fixe le nombre de représentants par collège en vue des élections des représentants du personnel au comité d’établissement et des conditions de travail de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris dans le cadre du renouvellement général des instances dans la fonction publique en 2022

Travailleurs détachés

  • Un arrêté du 16 juin 2022 modifie l’arrêté du 1er juin 2014 fixant le modèle de formulaire « Questionnaire pour le maintien au régime français de sécurité sociale d’un travailleur salarié détaché hors du territoire français »

actuEL CE

Le gouvernement promet 20 milliards pour le pouvoir d’achat

Selon le gouvernement, les mesures pouvoir d’achat de son projet de loi de finances rectificative (PLFR, voir le document en pièce jointe) et son projet de loi de pouvoir d’achat, présentés hier en conseil des ministres, vont engendrer un coût de 20 milliards d’euros, ce qui représenterait 3 points de pouvoir d’achat sauvés selon l’exécutif, qui communique beaucoup sur son action contre l’inflation (lire dans cette édition notre article sur le projet de loi pouvoir d’achat et l’évolution de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat). 

Pour l’essentiel, ce coût provient :

  • des dispositions pour maîtriser le coût de l’énergie (gaz et électricité) et des loyers (coût de 4,8 milliards). La hausse des loyers sera plafonnée à 3,5% et la remise des prix des carburants à la pompe sera reconduite jusqu’en septembre (18 centimes par litre), puis progressivement diminuée (12 centimes en octobre, 6 centimes en novembre et rien en décembre). En outre sera créée une nouvelle indemnité carburant pour les travailleurs “gros rouleurs” (+ de 12 000 km/an). Ce dispositif représentera de 100 à 300€ par véhicule et par actif (cela dépendra du revenu fiscal). Selon le gouvernement, 11 millions de foyers seraient éligibles à cette indemnité ;
  • de la revalorisation, au 1er juillet, de 4% de la prime d’activité qui bénéfice à 4,5 millions de foyers (coût de 300 millions d’€) et de la revalorisation de 3,5% du point d’indice des fonctionnaires (3,7 milliards);
  • de la revalorisation anticipée (au 1er juillet) des retraites, des prestations sociales, des bourses scolaires et étudiantes, du ticket resto universitaire à 1€, et de l’aide exceptionnelle de rentrée pour les ménages modeste. Cette aide sera d’un montant de 100€ avec 50€ supplémentaire par enfant à charge, une aide versée automatiquement aux allocataires des minima sociaux. Cette aide vise à atténuer l’envolée des prix alimentaires (coût de 3,2 milliards);
  • de la suppression de la redevance finançant l’audiovisuel public (138€ par ménage, soit 3,2 milliards).

Notons qu’une disposition permettrait à partir de début 2023 aux consommateurs de résilier plus facilement en ligne un abonnement souscrit par voie électronique, pour des services comme les abonnements au gaz et à l’électricité, à la téléphonie et l’internet, et aux magazines.

Par ailleurs, face au manque de financement de France Compétences, victime du succès des aides à l’apprentissage notamment pour les formations après le bac, le gouvernement prévoit près de 2 milliards d’euros de subvention exceptionnelle à cet organisme.

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Véhicules peu polluants : le bonus écologique est prolongé jusqu’à fin 2022

Un décret prolonge, jusqu’au 31 décembre 2022 inclus, le barème actuel du bonus écologique pour l’achat ou la location de véhicules électriques et hybrides rechargeables. Le dispositif devait prendre fin le 30 juin 2022. Le montant maximum de l’aide pour l’acquisition d’un véhicule électrique neuf (dont le coût est inférieur à 45 000 euros TTC), par exemple, est maintenu à 6 000 euros pour une personne physique, et à 4 000 euros pour une personne morale.

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