“La VAE est le seul sujet social consensuel”
Alors que l’exécutif envisage de réformer la validation des acquis de l’expérience, David Rivoire, co-auteur du rapport ad hoc et consultant expert en formation (*), revient sur le projet de loi Marché du travail et la concertation qui devrait être lancée à la rentrée sur ce dispositif.
Le projet de loi Marché du travail ouvre la VAE aux salariés aidants pour remédier aux difficultés de recrutement du secteur du grand âge? Est-ce une bonne chose ? Combien de personnes pourraient être potentiellement concernées ?
Il s’agit d’une excellente initiative qui pourrait viser quelques milliers de personnes. Cette expérience aux côtés d’un proche peut effectivement susciter des vocations pour devenir aide-soignant. Toute situation de vie est potentiellement une situation d‘apprentissage. L’objectif est de faire reconnaître l’expérience non professionnelle et de valoriser ainsi des compétences acquises en dehors du milieu du travail.
Or, jusqu’ici ces bénévoles n’avaient pas de statut, ils ne pouvaient apporter la preuve matérielle, administrative (certificat de travail, attestations de l’employeur…) de leurs compétences.
D’ores et déjà, notre rapport, remis à la ministre du travail le 15 mars dernier, préconisait de faire évoluer le dispositif en intégrant toutes les formes d’expérience et toutes les modalités de formation, notamment les actions de formation en situation de travail (Afest).
On admet ici que le travail (et non uniquement l’expérience) puisse lui aussi être une voie de certification
L’expérimentation lancée par le ministère du travail, à l’issue de notre rapport, devrait d’ailleurs confirmer le bien-fondé de cette approche. 3 000 personnes sont actuellement accompagnées vers le diplôme d’aidant-soignant.
La ministre déléguée à la formation professionnelle, Carole Grandjean, voudrait faire passer de 42 000 à 100 000 parcours de VAE d’ici à cinq ans, selon les Echos. Est-ce un objectif réaliste ?
C’est un objectif atteignable mais guère ambitieux. La France compte 40 % d’autodidactes et 20 % d’une classe d’âge qui n’atteint pas le niveau bac chaque année. Par conséquent, la marge de progression est immense. Pour y parvenir, il serait judicieux de développer une nouvelle forme de VAE via les actions de formations en situation de travail. En clair, de proposer aux “décrocheurs” ou aux demandeurs d’emploi de longue durée d’intégrer un emploi dont l’un des objectifs serait de générer une expérience diplômable. On admet ici que le travail (et non uniquement l’expérience) puisse lui aussi être une voie de certification. Il s’agit dans ce cas d’une VAE inversée, c’est-à-dire par anticipation.
Cette approche, connectée au terrain, est complémentaire des formations classiques ou par alternance. C’est actuellement une case qui manque pour que l’on puisse s’adresser à tout le monde. C’est aussi une condition pour parvenir au plein emploi faute de quoi vous n’arriverez pas à toucher les chômeurs très éloignés du marché du travail.
A condition toutefois que les entreprises jouent le jeu et encadrent ces jeunes pour que la VAE fasse dès le début partie de leur apprentissage professionnel via une logique de parcours, dans une logique de véritable “entreprise apprenante”.
Dans votre rapport, vous dénoncez le principe d’une VAE sanction, peu adaptée aux enjeux du dispositif. Que préconisez-vous ?
Actuellement, la VAE répond à un principe “sanctionnant” : elle délivre le diplôme ou ne le délivre pas. Elle ne permet pas d’anticiper les validations partielles pour orienter le candidat vers une validation totale.
Nous proposons de passer à une VAE de parcours, en accompagnant le candidat dès le départ
Elle le place dans une binarité : son expérience de vie contre le référentiel d’un diplôme. Résultat : le nombre de VAE réalisées stagne, le processus se déprécie et génère plus de 30 % de validations partielles (et près de 10 % de validations nulles), très souvent vécues comme des échecs, des dévalorisations de soi autant psychologiques que professionnelles.
Nous proposons donc de passer à une VAE de parcours, en accompagnant le candidat dès le départ (identification du projet, orientation vers le bon diplôme, part des compétences à développer par le biais d’actions en situation de travail…). Avec l’idée de passer à une reconnaissance des compétences acquises tout au long de la vie.
D’où la nécessité de créer un passeport de compétences numérique ?
Effectivement, celui-ci viserait à recenser les diplômes et savoir-faire obtenus au fil des années. Le ministère du travail planche actuellement sur le sujet, sur le modèle du réseau social Linkedin, mais gratuit et ouvert à tous.
Qu’attendez-vous de la concertation qui va s’ouvrir à l’automne avec les partenaires sociaux ? Comment les organisations patronales et syndicales se positionnent-elles ?
Pour la rédaction du rapport, nous avons auditionné de nombreuses personnes, notamment des organisations patronales et syndicales. Et une chose est sûre : la VAE est un sujet consensuel. Je pense même qu’il s’agit du seul sujet social consensuel. La concertation est donc placée sous de bons augures.
Comment est vécue cette VAE par les candidats qui décrochent un diplôme ?
C’est un bouleversement très positif. La VAE – qui permet d’acquérir un véritable diplôme, pas une copie – apporte une reconnaissance personnelle et sociale inestimée.
La VAE apporte une reconnaissance personnelle et sociale inestimée
Au-delà, la VAE permet, en raison de l’exigence de la démarche, de développer une appétence à apprendre par soi-même, d’analyser son expérience. A l’image de ce responsable comptable qui me disait : “avant j’allais voir mon manager quand je butais sur un problème, aujourd’hui je cherche la solution donc j’apprends”.
Et pour les recruteurs ?
En 20 ans, date de création du dispositif, les choses ont évolué. Les entreprises, actuellement, confrontées à des pénuries de main-d’œuvre doivent s’adapter à cette nouvelle donne. D’autant que dans de nombreux métiers, les candidats sont en position de force, c’est eux qui vont choisir leur entreprise. Même si nous restons dans un pays souffrant de diplômite aigüe…
- David Rivoire a créé VAE 2 Rives en 2002, société spécialisée en accompagnement VAE.
Anne Bariet
Les axes de travail du gouvernement pour aller vers le plein emploi
Dans une circulaire datée du 19 septembre 2022 (lire le document en pièce jointe), la Première ministre, Elisabeth Borne, précise les priorités du gouvernement à l’issue du séminaire gouvernemental qui s’est tenu le 31 août dernier.
Parmi ces priorités figure “Aller vers une société de plein emploi” qui se décline en plusieurs axes :
- mettre en place France travail ;
- améliorer le taux d’emploi des jeunes et des seniors ;
- réduire les tensions des recrutements ;
- mieux vivre de son travail ;
- mieux répondre aux besoins de compétences et préparer aux métiers d’avenir ;
- renouveler et former une génération d’agricultrices et d’agriculteurs.
Une autres des priorités est de “Garantir l’égalité des chances et favoriser l’excellence”. Parmi les axes qui ont partie liée avec l’emploi :
- faire des lycées professionnels une voie de réussite et d’accès à l’emploi ;
- former aux savoirs et aux métiers d’avenir ;
- porter la grande cause nationale du quinquennat, l’égalité entre les femmes et les hommes, dans tous les champs ministériels ;
- lutter contre l’ensemble des discriminations.
actuEL CE
Action logement : les partenaires sociaux protestent contre la ponction de l’Etat
Dans son projet de loi de finances (PLF) pour 2023, présenté hier en conseil des ministres, le gouvernement a prévu de ponctionner Action Logement de 300 M€. “Les partenaires sociaux, responsables paritairement de cet organisme qui gère l’ancien « 1% logement » au profit du logement des salariés, ne peuvent accepter un tel prélèvement”, réagissent, dans un communiqué commun, les organisations patronales et syndicales (Medef, CPME, CFDT, FO, CFTC, CGT, CFE-CGC).
Cette ponction entraînerait, selon syndicats et patronat, “un affaiblissement notable de la capacité d’Action Logement à accompagner les salariés dans leur parcours résidentiel en lien avec l’emploi, alors que cette mission d’utilité sociale est devenue cruciale dans le contexte actuel”. Le montant concerné, 300 millions, représenterait ainsi “26 000 logements abordables en moins à proposer aux salariés, si ce projet de PLF était validé en l’état à la fin de son parcours parlementaire”.
Les organisations syndicales et patronales demandent à être reçues rapidement…
actuEL CE
Licenciements : le barème Macron viole la charte sociale européenne
Comme le juriste Julien Icard l’avait révélé en juin, le Comité européen des droits sociaux (CEDS), sais par FO et la CGT, estime que le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, plafonnement prévu par le barème Macron créé par les ordonnances de 2017, constitue “une violation” de la Charte sociale européenne.
Dans sa décision, adoptée à l’unanimité des membres du comité et rendue publique hier, le Comité écrit notamment :
“Le Comité considère que les plafonds prévus par l’article L.1235-3 du Code du travail ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l’employeur. En outre le juge ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite dans l’examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés. Pour cette raison, le préjudice réel subi par le salarié en question lié aux circonstances individuelles de l’affaire peut être négligé et, par conséquent, ne pas être réparé. En outre, les autres voies de droit sont limitées à certains cas. Le Comité considère donc, à la lumière de tous les éléments ci-dessus, que le droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée au sens de l’article 24.b de la Charte n’est pas garanti. Par conséquent, le Comité dit qu’il y a violation de l’article 24.b de la Charte”.
actuEL CE
Les propositions du Conseil d’Etat pour l’utilisation des réseaux sociaux au sein des entreprises
Dans son étude annuelle qui porte sur les réseaux sociaux publiée hier, le Conseil d’Etat propose, pour réguler l’usage des réseaux sociaux, “d’adopter des lignes directrices sur l’usage des réseaux sociaux dans la vie professionnelle afin d’offrir aux administrations et aux entreprises ainsi qu’aux utilisateurs qui y travaillent un guide des pratiques relatives notamment à l’articulation vie privée-vie professionnelle”. Il s’agira également de “réaliser au niveau national une compilation des textes européens et nationaux applicables aux plateformes afin de rendre le droit des plateformes plus accessible et d’améliorer la qualité des futures normes”. “A terme, le Conseil d’Etat recommande “au niveau européen, engager un travail de compilation puis de codification de ces textes. Au niveau national.
Le Conseil d’Etat se penche également sur les réseaux sociaux d’entreprises. Dès 2015, 58% des grandes entreprises françaises avaient ainsi créé leur propre réseau social, pour un coût moyen de cinq euros par salarié”, note le Conseil d’Etat. “L’objectif premier est de faciliter la circulation de l’information, d’encourager les échanges ouverts et collaboratifs et de rompre le cloisonnement des tâches. Ils permettent aussi de renforcer l’engagement des salariés, en améliorant les processus de gestion de projet (accès en temps réel et transparence des informations). Les collaborateurs peuvent s’investir davantage sur les projets et valoriser leurs compétences, ce qui facilite la détection des talents et crée un levier de reconnaissance et de motivation individuelle. L’entreprise peut également utiliser le RSE pour diffuser sa culture d’entreprise (transparence des informations, feedback…). Outils mis au service de la transformation des entreprises, ils tendent à remplacer des outils de communication interne classique comme l’intranet, qui traduit une approche “topdown” (descendante) de l’information, au profit d’une approche plus collaborative de celle-ci”.
Toutefois, constate le Conseil d’Etat, leur usage reste limité. “La persistance d’une logique pyramidale difficilement compatible avec l’essor de la « culture 2.0 » au sein de l’entreprise expliquerait pourquoi l’usage des réseaux sociaux internes demeure limité. Ainsi, selon une étude réalisée en 2017 dans le secteur privé, seuls 17% des salariés et 25% des dirigeants utiliseraient le réseau social de leur entreprise, même s’il y a des exemples de réussite”.
Le Conseil d’Etat estime que le développement du télétravail en raison de la crise sanitaire pourrait répondre à la double “nécessité de développer de nouveaux outils de travail adaptés, tout en répondant aux nouvelles attentes des salariés (davantage de transparence, d’échanges”. Il note que cette nouvelle donne “pourrait faciliter le développement et l’usage de ces réseaux sociaux professionnels”.
actuEL CE
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : Energies, santé, plateformes
Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du vendredi 23 septembre au jeudi 29 septembre inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branches que vous retrouvez une fois par mois dans nos colonnes.
Énergies
- Un décret du 23 septembre 2022 modifie le décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022 instituant une aide visant à compenser la hausse des coûts d’approvisionnement de gaz naturel et d’électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine
Justice
- Un décret du 26 septembre 2022 précise la formation des juristes assistants et modifiant diverses dispositions relatives à l’organisation judiciaire
Nominations
- Un arrêté du 28 septembre 2022 porte nomination au cabinet de la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées (Antoine Danel est nommé directeur adjoint)
Santé
- Un arrêté du 16 septembre 2022 abroge l’arrêté du 28 février 1995 pris en application de l’article D. 461-25 du code de la sécurité sociale fixant le modèle type d’attestation d’exposition et les modalités d’examen dans le cadre du suivi post-professionnel des salariés ayant été exposés à des agents ou procédés cancérogènes
- Un décret du 27 septembre 2022 modifie le décret n° 2022-1099 du 30 juillet 2022 instituant un comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires
Travailleurs de plateformes
- Un décret du 21 septembre 2022 précise l’organisation du dialogue social de secteur pour les travailleurs indépendants des plateformes de mobilité
- Un décret du 21 septembre 2022 précise le recours à l’expertise et à la médiation dans le secteur des plateformes de la mobilité ainsi qu’à l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi
actuEL CE
Comment la crise sanitaire a affecté les projets de reconversion professionnelle
La crise sanitaire est venue interférer avec les projets de reconversion de certaines personnes. Le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) a identifié quatre situations-type face quant aux effets de la crise sur le processus de reconversion.
1. Un frein au processus
Le processus de reconversion est ébranlé ; les personnes émettent des doutes ou renoncent à leur projet. La priorité est donnée à la sécurité de l’emploi.
2. Un report du projet
La poursuite du processus est alors différée à une période plus propice (levée des contraintes) ou seulement mis en pause du fait du contexte instable.
3. Une opportunité de se lancer
La disponibilité liée à la mise en activité partielle a pu constituer une opportunité pour dynamiser le processus de reconversion ou a facilité l’accès à une formation.
4. Un maintien du cap
Enfin, parmi les personnes ayant un projet de reconversion, il y a celles qui ont poursuivi pendant la crise une bifurcation déjà engagée auparavant.
Le Céreq tire plusieurs enseignements généraux des entretiens qu’il a menés. “D’une part le contexte économique et les difficultés propres à certains secteurs d’activité se sont répercutés sur la nature même du projet (…) D’autre part, le contexte de crise a pu complexifier la mise en œuvre du projet, c’est-à-dire le processus de sa réalisation et la mobilisation des ressources nécessaires, notamment à la formation”. A cet égard, le Céreq note que “aucun des 20 salariés interrogés n’a déclaré avoir bénéficié des dispositifs FNE-formation ni en avoir été informé”.
actuEL CE