Terra Nova plaide pour un droit opposable au télétravail
Dans une nouvelle note publiée le 7 octobre, le think tank Terra Nova milite pour un droit opposable au télétravail, assorti de contreparties pour l’employeur. En l’occurrence, l’ajout d’une clause dans les contrats de travail qui permettrait de limiter les temps de trajet travail-domicile des salariés.
Faut-il instaurer un droit opposable au télétravail ? C’est en tout cas ce que suggère la note de Terra Nova, publiée vendredi 7 octobre et intitulée “Comment les nouvelles organisations du travail transforment l’entreprise : pour un travail hybride socialement responsable” (1). Son auteur, Martin Richer, consultant en RSE (responsabilité sociale et environnementale), responsable du pôle Entreprises, travail, emploi au sein du think tank, souligne, en effet, la nécessité pour les employeurs d’adopter une attitude plus volontariste vis-à-vis du télétravail, quel que soit le contexte sanitaire. “Cette disposition s’inscrirait dans une forme d’ordre public social en matière numérique qui s’imposerait à l’ordre conventionnel et à l’ordre contractuel”.
Selon Martin Richer, la création d’un tel droit viendrait compléter les réformes amorcées ces dernières années. D’une part, des ordonnances Travail de 2017 qui prévoient qu’un employeur doit motiver sa réponse lorsqu’il refuse d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié qui occupe un poste éligible dans les conditions prévues par accord collectif ou, à défaut, par la charte. D’autre part, des recommandations de la Convention citoyenne sur le climat de 2019. Laquelle propose d’instaurer un plancher d’une journée de télétravail par semaine si le poste est jugé éligible. Ces dispositions “préfigurent un droit au télétravail opposable”, qui serait inhérent à tout contrat de travail.
Forfait annuel de jours de télétravail
En pratique, Terra Nova préconise “l’instauration d’un forfait annuel de jours de télétravail que les salariés pourraient utiliser à leur initiative”. A charge pour les partenaires sociaux, de déterminer, via un accord national interprofessionnel, un socle annuel minimum de jours et les conditions d’exercice de ce forfait (notamment le délai de prévenance).
Terra Nova suggère quelques pistes de réflexion. Les partenaires sociaux pourraient, par exemple, s’inspirer de l’Allemagne qui a fixé de socle à 24 jours. Ils pourraient prévoir la possibilité de rehausser ce socle, via un accord de suivi ou donner aux entreprises la possibilité de prévoir un régime plus favorable à leurs salariés (via un accord d’entreprise).
Amende administrative
Terra Nova durcit même le ton en proposant de sanctionner le non-respect de cette obligation, en cas de pandémie, à savoir le versement d’une amende administrative de 2 000 euros par salarié non placé en télétravail “afin de faire respecter le droit de ne pas être exposé à un agent pathogène dangereux quand cela est possible”.
Limiter le temps de trajet domicile-trajet à trois heures
Mais en contrepartie, le think tank fait un pas vers les employeurs, en constatant également “des abus”, côté salariés, en l’occurrence sur les déménagements (2).
Terra Nova préconise ainsi d’ajouter une clause dans les contrats de travail limitant les temps de trajets domicile-travail. “Dans le cadre du télétravail, le lieu d’exercice du travail au domicile du salarié ne peut se situer dans un lieu situé à plus de trois heures de temps de déplacement du lieu de travail sur site”. Une perspective inenvisageable jusqu’à présent. “La Cour de cassation a toujours défendu la liberté de choix de domicile du salarié, sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales”, constate la note.
C’est d’ailleurs le sens du jugement rendu le 5 juillet dernier par le tribunal judiciaire de Paris.
Toutefois, pour Terra Nova, une brèche semble être ouverte. “L’employeur est responsable de la santé et de la sécurité de ses équipes, ce qui comprend le trajet domicile-travail”, prévient Martin Richer, en se référant à un arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles du 10 mars 2022. Lequel a validé le licenciement d’un salarié, responsable de support technique dans une entreprise des Yvelines, pour faute grave, après un déménagement en Bretagne, à plus de 400 km de son lieu de travail, sans en avoir informé son employeur.
Reste désormais à attendre les décisions de la Cour de cassation…
(1) Le think tank est un groupe de réflexion privé. Terra Nova se définit comme un think tank “progressiste indépendant ayant pour but de produire et diffuser des solutions politiques innovantes en France et en Europe”.
(2) Dans sa note, Terra Nova préconise également la négociation d’accords sur le “travail hybride” plutôt que sur le télétravail, “afin de mieux tenir compte de la coexistence des différents environnements de travail”, et suggère d’instituer, pour les entreprises de plus de 50 salariés, “une commission de suivi sur le travail hybride, qui réunirait organisations syndicales, direction d’entreprise et cadres de l’entreprise, et qui aurait vocation à faire un bilan annuel des conditions d’exercice du travail hybride”.
Terra Nova favorable au “titre télétravail” |
Pour faciliter le télétravail, Terra Nova propose d’inciter les entreprises à faciliter l’accès de leurs salariés à des espaces de travail partagés à travers la généralisation d’un “titre télétravail”, comme le prévoyait la proposition de loi déposée le 16 novembre 2021 par l’ex députée Renaissance de Haute-Savoie, Frédérique Lardet. Ce “titre télétravail” qui prendrait la forme d’une allocation forfaitaire à la charge de l’entreprise et du CSE, permettrait de financer l’accès pour les salariés à un espace de coworking ou autre tiers-lieu de leur choix, dans le cadre duquel le travail à distance pourrait s’exercer. Frédérique Lardet fixait son montant à 600€ par an et par salarié. Terra Nova propose de moduler ce montant par accord d’entreprise. |
Anne Bariet
Ce que prévoit le PLFSS 2023 en matière d’indemnisation des arrêts de travail
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 (PLFSS) a été déposé à l’Assemblée nationale le 26 septembre dernier. Il sera discuté en séance publique à compter du 20 octobre. Plusieurs mesures concernent l’indemnisation des arrêts de travail pour cause de maladie (dont le Covid-19), maternité, paternité.
Afin de limiter les risques d’une rupture de trésorerie des salariés liée au délai trop long de versement des indemnités journalières (IJ) pour maternité ou paternité (31,5 jours en moyenne), l’article 37 du PLFSS prévoit que l’employeur payerait ces indemnités directement au salarié en lieu et place des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). Celles-ci lui rembourseraient ensuite les montants versés. Cette subrogation interviendrait en matière de congé d’adoption, maternité/paternité et accueil de l’enfant. Cette mesure entrerait en vigueur de manière échelonnée d’ici à 2025 en fonction de la taille des effectifs de l’entreprise.
L’article 16 (II et IV) du PLFSS prévoit une prolongation des règles dérogatoires d’indemnisation des arrêts de travail Covid-19 jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023. En effet depuis janvier 2020, pour s’adapter à la crise sanitaire, plusieurs mesures ont dérogé aux règles de prise en charge de droit commun de divers frais de santé ainsi qu’aux conditions de versement des prestations en espèces et des indemnités complémentaires de l’employeur attribuées en cas d’incapacité de travail. Ces dérogations ont permis de tenir compte des contraintes d’isolement ou de maintien à domicile imposées aux travailleurs positifs au Covid‑19, symptomatiques, cas contacts, contraints de garder leur enfant à domicile, assurés vulnérables. Cette prolongation des règles dérogatoires entrerait en vigueur au 1er janvier 2023.
Enfin, le projet d’article 43 prévoit de limiter l’indemnisation des arrêts de travail prescrits dans le cadre d’une téléconsultation aux cas où ils ont été délivrés par le médecin traitant ou par un médecin que le patient a déjà consulté lors de l’année précédente. La mesure entrerait en vigueur au 1er janvier 2023.
actuEL CE
Abandon de poste : une proposition de réforme qui soulève de nombreuses questions
Dans le cadre de la première lecture du projet de loi sur le marché du travail, les députés ont inséré dans le code du travail une procédure à suivre par les entreprises en cas d’abandon de poste de la part d’un de leurs salariés. Instituant une présomption simple de démission, le texte permet au salarié de renverser la présomption devant le juge. Les avocats en droit du travail se posent déjà de nombreuses questions sur la mise en application de cette mesure.
Voilà un sujet qui n’était pas au programme du projet de loi sur le marché du travail. Mais au détour du texte, qui porte notamment sur l’assurance chômage, des députés ont souhaité encadrer l’abandon de poste, une pratique qu’il n’est pas possible aujourd’hui de quantifier.
En commission des affaires sociales, les députés avaient attaqué le sujet sous l’angle de l’assurance chômage, proposant que l’abandon de poste ne constitue pas une privation involontaire d’emploi. L’amendement – retiré – a été réécrit pour la séance publique et adopté. Il est désormais prévu dans le projet de loi que le salarié qui a abandonné volontairement son poste et qui ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure par son employeur, est présumé démissionnaire. Le texte prévoit une voie de recours pour le salarié qui peut saisir le conseil de prud’hommes afin de contester la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption. L’affaire est alors directement portée devant le bureau de jugement qui doit se prononcer sur la nature de la rupture dans le délai d’un mois.
Si un décret doit apporter les précisions nécessaires, de nombreuses questions se posent déjà aux praticiens qui s’interrogent sur l’opportunité et l’applicabilité d’une telle réforme.
Du licenciement pour faute grave à la présomption de démission
Les avocats interrogés pointent la différence entre la première rédaction de l’amendement (retiré par la suite) et sa rédaction finale qui fait peser le risque sur l’employeur. “La première mouture de l’amendement écartait le droit à allocation chômage en cas d’abandon de poste, constate Florian Carriere, avocat associé au sein du cabinet Voxius Avocats. Avec la seconde version, on donne à l’employeur le choix entre un licenciement ou une présomption de démission. Par ailleurs, en cas de contentieux l’employeur pourrait se voir condamné à réparer les préjudices subis par le salarié, comme la privation de l’allocation de retour à l’emploi (ARE) jusqu’à ce que la décision soit rendue”.
Une responsabilité qui peut poser une question éthique aux employeurs, estime pour sa part Fadi Sfeir, avocat au sein du cabinet Capstan Avocats. “L’employeur devra choisir entre licencier le salarié ou respecter cette nouvelle procédure et priver ainsi le salarié de ses droits à l’assurance chômage”.
Reste à savoir si cette nouvelle procédure ne fermera pas complètement la porte du licenciement pour faute grave pour abandon de poste. C’est la question que se pose Loic Lewandowski, avocat associé au sein du cabinet Hogo Avocats. Et en cas de réponse affirmative, “cela signifiera-t-il qu’il faudra créer des sous-catégories de faute graves ou cela constituera-t-il une faute grave suis generis ?, s’interroge-t-il. Comment pourra-t-on concilier le fait que la faute grave soit depuis toujours une privation d’emploi ouvrant droit aux ARE avec ce nouveau régime ?”
La fin de la démission claire et non équivoque ?
Pour Loic Lewandowski, “on assiste à un bouleversement majeur de l’équilibre de tout le droit de la rupture unilatérale du code du travail. Jamais une présomption de démission n’a existé dans le droit du travail, souligne-t-il. La démission doit être claire et non-équivoque”.
Florian Carrière s’interroge sur la possibilité “d’un retour d’une jurisprudence de la Cour de cassation sur la démission qui admet que, dans certaines circonstances la démission peut résulter du comportement du salarié”. Dans un arrêt du 24 novembre 1999, la Cour de cassation a ainsi admis que l’abandon de poste constitue une démission s’agissant d’un salarié “qui, après avoir exprimé sa volonté de quitter l’entreprise, ne se présente plus au travail mais demande à être licencié pour percevoir les indemnités de chômage”. Dans un arrêt du 4 janvier 2000, la Cour de cassation a retenu la même solution à l’égard d’un salarié qui n’avait pas repris le travail après un congé maladie, malgré une mise en demeure de l’employeur, et qui s’était mis au service d’une entreprise concurrente. Une position également adoptée dans un arrêt du 13 juin 2001 s’agissant d’un salarié “ayant manifesté à plusieurs reprises mais en vain son souhait d’être licencié, adopte une attitude agressive allant jusqu’à frapper un autre salarié et ne se présente plus sur son lieu de travail malgré de nombreuses mises en demeure”.
Une procédure risquée pour l’employeur
Les avocats redoutent également que cette procédure présente des risques pour les entreprises. “En vertu du principe d’interprétation stricte de la loi qui évoque un abandon “volontaire”, l’intention du salarié devra être prouvée, ce qui représente un risque pour l’employeur”, insiste Fadi Sfeir. Il indique aussi que vont se poser “des problèmes de frontière avec d’autres situations comme par exemple le salarié qui refuse ce qu’il estime être une modification de son contrat de travail tandis que l’employeur y voit un simple changement dans les conditions de travail”.
Autre écueil, l’inapplication de cette procédure dans certains cas. “L’exposé des motifs nous dit que la présomption de démission n’est pas applicable en cas de manquements à la santé et à la sécurité. Le conseil de prud’hommes devra alors vérifier s’il existe des problématiques de santé et de sécurité permettant de requalifier la rupture en licenciement”, estime Florian Carrière.
Enfin, si l’employeur applique cette procédure articulée autour d’une présomption de démission, “il rompra le contrat mais ce sera au juge de prononcer la véritable nature de la rupture s’il est saisi par le salarié”, met en garde Fadi Sfeir. Et dans le cas où la démission est invalidée par le juge, l’employeur sera-t-il condamné pour licenciement injustifié ?
Une procédure aisément contournable
“L’abandon de poste suit son propre régime procédural. Il sera très simple de contourner le texte pour le salarié, assure Loic Lewandowski. Le salarié viendra par exemple le lendemain de la mise en demeure de l’employeur et il s’agira alors seulement d’une absence injustifiée et non d’un abandon de poste. Il pourra ne pas revenir le lendemain et ainsi de suite. Or, l’abandon de poste suppose une absence continue”.
Des garanties procédurales insuffisantes
Le projet de loi a prévu que cette présomption peut être renversée par le salarié directement devant le bureau du jugement qui disposera d’un mois pour statuer. Or, ce délai d’un mois est intenable, assurent en chœur tous les avocats interrogés qui ont déjà pu le constater en matière de prise d’acte. Cela signifie que “le salarié présumé démissionnaire ne percevra rien, du moins pendant les quatre premiers mois”, explique Fadi Sfeir. En effet, passé ce délai, le salarié démissionnaire pourra demander à Pôle emploi de réexaminer sa situation.
Fin de contrat
Enfin, comment gérer la fin de contrat dans une telle hypothèse ? “L’employeur devra-t-il envoyer un courrier au salarié ou seulement lui adresser les documents relatifs à la fin de contrat ? s’interroge Florian Carriere. Que deviendront les dispositions conventionnelles existantes ? “Par exemple, la convention collective nationale de l’immobilier exige que la démission soit écrite. Or, si la démission est présumée, il n’y aura pas d’écrit”.
Autre question délaissée, celle du sort de la prévoyance ? “Qu’en sera-t-il de la portabilité qui suppose plusieurs conditions dont celle d’être indemnisé par Pôle emploi ? se demande l’avocat. On priverait ainsi le salarié du bénéfice de la portabilité. Par ailleurs, si le salarié obtient gain de cause devant le conseil de prud’hommes, à partir de quand commencera le délai de 12 mois de maintien des garanties ? A compter de la décision de justice ? Et qui indemnisera les mois perdus ?”. Sans compter la question de l’exécution du préavis et de son indemnisation en cas de contentieux…
Autant de questions auxquelles répondront – peut-être – les sénateurs qui commenceront à examiner le texte à compter du 25 octobre.
Florence Mehrez
Grève des raffineries : le gouvernement annonce des réquisitions de personnel
Hier, lors de la séance de questions au gouvernement de l’Assemblée nationale, Élisabeth Borne a annoncé la réquisition par les préfets “des personnels indispensables au fonctionnement des dépôts” d’Esso-ExxonMobil. Il vise à contraindre les salariés à assurer un minimum de service dans les dépôts et raffineries concernés. La Première ministre a aussi renouvelé son appel aux syndicats et aux directions d’Esso et de Total à engager rapidement des négociations afin de sortir du conflit. La CGT a réagi en rappelant que la réquisition a été “dénoncée en 2011 par l’Organisation internationale du travail comme contraire au droit de grève”. Force Ouvrière a également fait connaître son opposition aux réquisitions, et exprimé son soutien à “tous les mouvements de grève engagés par les salariés mobilisés pour leurs salaires et l’amélioration de leurs conditions de travail” (communiqués de presse en pièce jointe). Un accord a été signé entre la direction d’Esso et les syndicats CFE-CGC et CFDT. Il prévoit 6,5 % d’augmentation de salaire et une prime de partage de la valeur de 3000 euros. Les syndicats FO et CGT d’Esso et de Total ont quant à eux reconduit les grèves.
actuEL CE
Index, durée d’indemnisation : les pistes d’Olivier Dussopt pour l’emploi des séniors
Le 9 octobre, dans les colonnes du Journal du Dimanche, le ministre du Travail a évoqué différentes pistes pour favoriser l’emploi des séniors. Cette communication intervient alors que se déroule cette semaine le premier cycle de concertation sur la réforme des retraites, justement autour des thèmes de l’emploi des séniors et de l’usure au travail. Il serait question notamment de réduire la durée d’indemnisation par l’assurance chômage de 36 mois qui bénéficie aux salariés de plus de 55 ans (au lieu de 24 mois pour les salariés plus jeunes). Olivier Dussopt a également abordé la création d’un index professionnel, calqué sur l’index d’égalité hommes-femmes, ainsi que des réductions de cotisations sociales pour l’employeur. Le ministre réfléchit par ailleurs à inciter les séniors à accepter des emplois moins rémunérés en contrepartie de la perception d’une part d’allocation chômage. Il souhaite enfin favoriser le cumul emploi-retraite et la retraite progressive. Selon la Dares, seuls 56% des 55-64 ans sont en emploi.
actuEL CE
Ce que prévoit le PLFSS 2023 en matière de travail illégal
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 (PLFSS) a été déposé à l’Assemblée nationale le 26 septembre dernier. Il sera discuté en séance publique à compter du 20 octobre. Il prévoit plusieurs mesures en matière de travail illégal.
L’article 6 (I, 6°) prévoit que les sanctions encourues par le donneur d’ordre manquant à son obligation de vigilance varient en fonction de la gravité des faits commis. Ainsi, pour un premier manquement, la pénalité encourue par le donneur d’ordre resterait plafonnée à 15 000 euros pour une personne physique et à 75 000 euros pour une personne morale. Ce montant ne pourrait pas dépasser, s’il s’avérait inférieur, le montant mis à sa charge au titre de la solidarité financière. En cas de réitération, ces plafonds ne s’appliqueraient plus, et la sanction serait strictement proportionnée au montant mis à sa charge au titre de la solidarité financière. La réitération serait caractérisée en cas de nouvelle annulation prononcée dans un délai de cinq ans, correspondant à la prescription en matière de travail dissimulé.
L’article 6 (I, 6°) prévoit que le donneur d’ordre bénéficie de la réduction de 10 points du taux des majorations de redressement en cas de règlement dans les 30 jours à compter de la notification de la mise en demeure ou de présentation d’un plan d’échelonnement des paiements dans ce même délai. Cette réduction ne serait pas applicable en cas de nouvelle constatation de travail dissimulé dans les cinq ans.
L’article 41 (I, 6°) prévoit que le droit de communication reconnu aux agents de l’Urssaf soit élargi afin de leur permettre d’obtenir des informations et documents, notamment auprès des établissements bancaires, sans qu’il soit opposé le secret professionnel, dans le but de recouvrer des créances relatives à une infraction de travail dissimulé.
Enfin, l’article 41 (I, 7° et II) prévoit que certains agents de contrôle Urssaf, de l’inspection du travail et de Pôle emploi se voient attribuer de nouvelles compétences de cyber-enquête pour la recherche du travail illégal sur internet : participer à des échanges électroniques, être en contact avec les personnes susceptibles d’être les auteurs des infractions, extraire, recueillir et conserver les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs des infractions.
Ces mesures entreraient en vigueur au 1er janvier 2023.
actuEL CE
Prime de partage de la valeur : les précisions de l’administration
La loi Pouvoir d’achat a créé un nouveau dispositif de prime exonérée de charges sociales sur le modèle de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat : la prime de partage de la valeur (PPV). Applicable aux primes versées à compter du 1er juillet dernier, ce dispositif vient d’être précisé par l’administration via une instruction diffusée dans le Bulletin officiel de la sécurité sociale.
Cette instruction, tant attendue par les employeurs et les praticiens du droit, intègre un grand nombre de précisions apportées par l’instruction DSS/5B/2021/187 du 19 août 2021 relative à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) millésime 2021/2022.
Attention ! L’instruction ne règle pas toutes les questions suscitées par l’application du nouveau dispositif, loin de là. De nombreuses questions sont laissées en suspens concernant la modulation du montant de la prime ou le versement fractionné de la prime. Aucune précision n’est donnée sur le principe de non-substitution à un élément de rémunération, pourtant source potentielle d’un abondant contentieux.
► En préliminaire, l’administration indique qu’“il est important que les questionnements qui ne trouveraient pas de réponses dans la présente instruction puissent [lui] être relayés rapidement”.
Exonération de la prime : un certain nombre de points sont clarifiés
Cotisations, contributions et taxes bénéficiant de l’exonération
L’exonération, sans limitation de durée, porte sur les cotisations et contributions suivantes (QR 1.1) :
- les cotisations salariales et patronales de sécurité sociale (cotisation complémentaire du régime local d’Alsace-Moselle comprise) ;
- les cotisations salariales et patronales aux régimes de retraite complémentaire (CET et Apec compris) ;
- les cotisations salariales et patronales aux régimes d’assurance chômage (AGS compris) ;
- la cotisation d’assurance maladie prévue à l’article L. 131-9 du code de la sécurité sociale ;
- la contribution solidarité autonomie ;
- la contribution au versement mobilité ;
- la contribution au dialogue social ;
- les contributions dues au Fnal ;
- la taxe d’apprentissage et la contribution supplémentaire à l’apprentissage, la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance, la contribution dédiée au financement du CPF pour les titulaires d’un CDD ;
- la participation des employeurs à l’effort de construction ;
- et, le cas échéant, les contributions résultant d’accords conventionnels de branche.
Contributions et taxes bénéficiant temporairement d’une exonération : à quelles conditions ?
La prime de partage de la valeur peut être exonérée d’impôt sur le revenu, de CSG/CRDS, de taxe sur les salaires et de forfait social (QR 1.1 et 7.2) lorsqu’elle satisfait à deux conditions cumulatives (QR 7.1) :
- elle est versée à compter du 1er juillet 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023 au plus tard : attention, la date du 31 décembre 2023 est impérative (sauf pour les intérimaires, voir ci-dessous), si le solde de la prime est versée après cette date, la prime ne sera pas éligible à l’exonération de CSG/CRDS, taxe sur les salaires et d’impôt sur le revenu (QR 7.5) ;
- elle est versée aux salariés percevant une rémunération brute inférieure à 3 Smic, cette limite s’appréciant, en cas de versement en plusieurs fois, à la date du premier versement : la rémunération à retenir est celle correspondant à l’assiette des cotisations de sécurité sociale définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. La limite de trois Smic est calculée selon les mêmes modalités que celles retenues pour la réduction des cotisations d’allocations familiales et d’assurance maladie qui se réfèrent aux règles applicables pour la réduction Fillon. Le Smic annuel à retenir est donc celui calculé en fonction du temps de travail prévu au contrat de travail et est proratisé en cas de temps partiel ou pour les salariés non employés toute l’année. La période de référence pour le versement de la prime correspondant à 12 mois glissants, il faut appliquer les dispositions susvisées à due proportion, pour vérifier la limite de trois Smic. Le plafond de rémunération ne peut faire l’objet d’aucune majoration à aucun titre que ce soit. Il ne peut donc donner lieu à une majoration au titre du nombre d’heures supplémentaires et complémentaires réalisées (QR 7.4).
► Comme pour la Pepa, retenir les 12 derniers mois précédant le versement de la prime oblige l’employeur à reconstituer un Smic annuel en additionnant, selon la date de versement de la prime, les Smic mensuels applicables durant ces 12 mois (QR 7.3).
Par tolérance, lorsque le franchissement du plafond de rémunération de 3 Smic annuels résulte du versement, postérieur à la décision d’attribution de la prime, d’éléments de rémunération dont le montant ne pouvait être pris en compte lors de cette décision d’attribution, le plafond sera considéré comme respecté.
Prélèvements dus
Sauf lorsqu’elle peut bénéficier de l’exonération d’IR, de CSG/CRDS, de taxes sur les salaires et forfait social dans les conditions susvisées, la prime de partage de la valeur est assujettie à (QR 1.2) :
- à la CSG après abattement de 1,75 % pour frais professionnels ;
- à la CRDS ;
- à l’impôt sur le revenu ;
- à la taxe sur les salaires : contrairement à ce qu’avait indiqué laconiquement le ministère du travail dans son FAQ du 17 août 2022, la prime est bien soumise à la taxe sur les salaires dans les conditions de droit commun ;
- et au forfait social au taux de 20 % : ce forfait n’est dû que dans les entreprises de 250 salariés et plus.
► Ainsi, ces contributions et taxes sont dues sur toutes les primes versées à compter du 1er janvier 2024 et sur les primes versées, entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023, à des salariés percevant une rémunération supérieure ou égale à 3 Smic annuels.
Plafond d’exonération majoré : les précisions administratives sur la mise en œuvre d’un accord d’intéressement ou de participation volontaire
Rappel des conditions requises pour en bénéficier
En principe d’un montant de 3 000 euros, le plafond d’exonération peut être porté à 6 000 euros par bénéficiaire et par année civile lorsque :
- l’employeur est un Esat (établissements ou services d’aide par le travail) : n’ayant pas la capacité juridique de conclure un accord d’intéressement ou de participation, ces employeurs peuvent bénéficier de l’exonération à hauteur de 6 000 euros sans être tenus de mettre en place un tel accord, sous réserve d’attribuer la prime à l’ensemble de leurs travailleurs handicapés sans exception liée à la rémunération (mais la prime peut être modulée en fonction des critères légaux) (QR 4.10) ;
- l’employeur est une association ou fondation reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général (ou une association cultuelle ou de bienfaisance), habilitée à ce titre à recevoir des dons ouvrant droit à réduction d’impôt (CGI, art. 200, 1 a et b et 238 bis, 1 a et b) : ces employeurs peuvent bénéficier de l’exonération à hauteur de 6 000 euros, sans être tenus de mettre en place un accord d’intéressement ou de participation (QR 4.10) ;
- dans les entreprises soumises à l’obligation de mettre en place un accord de participation, l’entreprise est dotée d’un accord d’intéressement à la date de versement de la prime ou conclut un accord d’intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime ;
- dans les entreprises non soumises à l’obligation de mettre en place un accord de participation, l’entreprise est dotée ou conclut un accord de participation ou un accord d’intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime.
L’administration consacre trois questions-réponses sur la mise en place obligatoire d’un régime de participation, sur la mise en place d’un accord de participation à titre volontaire et sur la faculté de mise en place d’un accord d’intéressement (QR 4.2, 4.3 et 4.4). Nous ne détaillerons pas ces points de droit.
En revanche, elle précise que, pour bénéficier de l’exonération, l’accord d’intéressement ou de participation volontaire doit produire ses effets au titre du même exercice que celui du versement de la prime, donc avoir été conclu avant le versement de la prime. Le dépôt de cet accord, qui doit intervenir dans les délais prévus par le code du travail pour bénéficier des exonérations attachées au dispositif d’intéressement ou de participation, peut être réalisé postérieurement au versement de la prime (QR 4.5).
► L’administration rappelle qu’il n’est pas nécessaire qu’une prime d’intéressement ou que des sommes issues de la participation volontaire ai(en)t été versée(s) aux salariés pour pouvoir attribuer la prime de partage de la valeur, les primes d’intéressement ou les sommes issues de la participation volontaire étant déclenchées par la réalisation de conditions aléatoires prévues dans l’accord (QR 4.6). Comme pour la Pepa, la remise en cause a posteriori de l’accord d’intéressement ou de participation volontaire par les autorités compétentes n’a pas d’impact sur l’exonération de la prime de partage de la valeur (QR 4.7).
Possibilité de neutralisation de la prime du calcul de l’intéressement uniquement
Comme pour la Pepa, l’administration confirme la possibilité de neutraliser les primes de partage de la valeur dans le calcul de l’intéressement, à certaines conditions (QR 4.8) :
- si l’accord d’intéressement ne prévoit pas initialement cette neutralisation du résultat opérationnel, l’employeur ne peut pas l’ajouter unilatéralement, au risque de voir requalifier la prime en rémunération de droit commun (soumise à charges sociales et à l’impôt) ;
- mais il peut négocier cette neutralisation par voie d’avenants ou dans un nouvel accord conclus à partir de 2022 dans les délais impartis par la loi (C. trav., art. L. 3314-4 : conclusion avant le premier jour de la 2e moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise effet).
Attention ! les accords ou avenants aux accords de participation ne peuvent pas neutraliser le versement de la prime, qu’il s’agisse d’une participation volontaire ou obligatoire ou que la formule de calcul soit légale ou dérogatoire.
Bénéficiaires
Précisions sur le sort des apprentis, stagiaires et mandataires sociaux
Le sort à réserver aux apprentis, stagiaires et mandataires sociaux est le même que celui qui leur était réservé pour la Pepa. Les apprentis (et salariés en contrat de professionnalisation) ont droit à la prime puisque titulaires d’un contrat de travail (QR 2.8), contrairement aux stagiaires (QR 2.9).
L’administration confirme très logiquement qu’un mandataire social titulaire d’un contrat de travail doit bénéficier de la prime dans les mêmes conditions que les salariés de l’entreprise et que ce versement ouvre droit à l’exonération dans les conditions de droit commun. S’il n’existe pas de contrat de travail, le versement de la prime n’est pas obligatoire et son éventuel versement n’ouvre pas droit à l’exonération prévue par la loi (QR 2.10).
Les intérimaires et salariés permanents d’une entreprise de travail temporaire
Les intérimaires en mission bénéficient de la prime de partage de la valeur dans les mêmes conditions que les salariés permanents de l’entreprise utilisatrice. A cette fin, l’entreprise utilisatrice doit communiquer sans délai à l’entreprise de travail temporaire (ETT) (QR 2.11) :
- la décision unilatérale ou l’accord instituant la prime ;
- l’identité des salariés intérimaires concernés ;
- le montant de la prime pour chacun d’eux ;
- et la date de versement de la prime retenue pour les salariés permanents (entendue comme la date figurant au bloc S21.G00.50.001 de la DSN).
L’ETT en informe sans délai son CSE (lorsqu’il existe) et verse la prime aux intérimaires concernés selon les conditions et les modalités fixées par l’accord ou la décision unilatérale de l’entreprise utilisatrice.
La prime ainsi versée bénéficie de l’exonération lorsque les conditions prévues pour en bénéficier sont remplies par l’entreprise utilisatrice. En effet, les conditions requises pour le bénéfice des exonérations s’apprécient au niveau de l’entreprise utilisatrice, tout comme la condition de présence définie par l’accord ou la DUE (date de versement de la prime, de dépôt de l’accord ou de signature de la DUE).
Pour d’évidentes raisons pratiques, l’administration admet toutefois que la prime puisse être versée de manière décalée par l’ETT par rapport à l’entreprise utilisatrice et ce, même après le 31 décembre 2023. Le versement doit cependant être effectué avant le 29 février 2024 pour ouvrir droit aux exonérations.
► L’administration indique que, si l’entreprise de travail temporaire verse la prime à ses salariés permanents, elle doit verser la prime à ses salariés intérimaires dans les mêmes conditions que pour ses salariés permanents (QR 2.13). L’administration ajoute que l’entreprise de travail temporaire dont une partie des intérimaires a bénéficié d’une PPV versée par les entreprises utilisatrices n’est pas tenue de verser cette prime à des salariés en mission dans d’autres entreprises utilisatrices (QR 2.12).
L’administration n’apporte aucune précision sur l’éligibilité des salariés de groupements d’employeurs ou d’associations intermédiaires. Dans le silence des textes, mieux vaut ne pas distribuer de PPV à ces salariés.
Mise en place de la prime par accord ou décision unilatérale de l’employeur (DUE)
Sans surprise, l’administration rappelle que la prime de partage de la valeur peut être mise en place par accord d’entreprise ou de groupe conclu selon les modalités prévues en matière d’intéressement (QR 5.1) ou par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du CSE (s’il en existe un).
► Cette consultation s’effectue, avant le versement de la prime, selon les règles de droit commun des articles L.2312-14 à L.2312-16 du code du travail. Les employeurs de moins de 11 salariés informent, par tout moyen, leurs salariés de leur décision de verser une prime (QR 5,5).
Si l’accord doit être déposé auprès de l’administration (plateforme de téléprocédure “téléaccords”), la DUE (décision unilatérale de l’employeur) n’a en revanche pas besoin d’être déposée auprès de l’administration (QR 5.4).
L’acte instituant la prime (accord ou DUE) doit préciser (QR 5.2) :
- le montant de la prime ;
- la date à laquelle est apprécié le critère de présence dans l’entreprise dans la limite des options prévues par la loi (date de versement de la prime, date de dépôt de l’accord ou date de signature de la DUE) ;
- le cas échéant, l’exclusion des salariés dont la rémunération est supérieure à un certain plafond et le niveau de ce plafond et les modalités de sa modulation selon les bénéficiaires dans le respect des conditions prévues par la loi (sur les critères de modulations, voir ci-après).
Le Boss oublie une clause importante : l’acte doit également préciser la date et les modalités de versement de la prime.
Compte tenu du caractère pérenne de la PPV, l’administration admet que l’accord ou la DUE puisse avoir une durée supérieure à un an ou un exercice (QR 5.3). Dans ce cas, et dans l’hypothèse où l’employeur bénéficie du plafond d’exonération majorée (6 000 euros) au titre de la mise en place d’un accord de participation volontaire ou d’un accord d’intéressement, la condition d’un accord d’intéressement et/ou de participation volontaire produisant ses effets doit être remplie pendant toute la durée de cet accord ou décision.
► Mieux vaut toutefois négocier un accord ou prendre une décision pour l’année civile, quitte à reconduire le dispositif l’année suivante en renouvelant l’accord ou en prenant une nouvelle décision à l’identique. En effet, il n’est pas toujours aisé de mesurer la capacité financière de l’entreprise nécessaire pour assurer la distribution de la prime sur plusieurs années sans la mettre en péril. Rappelons également que la prime sera intégralement imposable et soumise à CSG/CRDS à compter du 1er janvier 2024. Des exonérations temporaires qui militent pour un engagement annuel ou tout au moins n’allant pas au-delà de 2023.
Détermination du montant de la prime
Peu de nouveautés
Après avoir rappelé que seul le critère de rémunération peut être utilisé comme critère d’exclusion (QR 2.5), l’administration revient brièvement sur la possible modulation du montant de la prime selon des critères légalement circonscrits (critères autorisés : rémunération, niveau de classification, durée de travail prévue au contrat de travail, durée de présence effective durant l’année écoulée, ancienneté dans l’entreprise) qui, confirme-t-elle, peuvent être combiné (QR 3.5).
Comme pour la Pepa, les critères de modulation s’apprécient sur les 12 mois précédant le versement de la prime (QR 3.3), une précision ne figurant dans la loi que pour le critère de durée de présence effective, pas pour les autres critères.
► L’appréciation sur les 12 mois précédant le versement de la prime ne pose pas de difficultés majeures pour les quatre premiers critères légaux, il en va différemment du critère d’ancienneté dans l’entreprise.
S’agissant de la durée de présence effective durant l’année écoulée, l’administration précise qu’elle s’apprécie dans les mêmes conditions que celles prévues pour le calcul de la valeur du Smic prise en compte pour le calcul de la réduction Fillon, soit en proportion de la durée de travail et en retenant les mêmes règles pour la prise en compte des absences (exception faite des congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, des congés de présence parentale, des congés parentaux d’éducation, des jours d’absence pour enfant malade et des dons de jours de repos au titre d’un enfant décédé ou gravement malade qui sont assimilés expressément à une durée de présence effective) (QR 3.4).
► Ainsi, un salarié ne devrait vraisemblablement pas percevoir de prime s’il n’est effectivement pas présent dans l’entreprise durant les 12 mois précédant le versement de la prime, en dehors des absences pour congés parentaux. Une réponse plus claire de l’administration aurait été toutefois bienvenue sur ce point.
Beaucoup de questions laissées en suspens
Quid de l’ancienneté dans l’entreprise ? Comment la comptabiliser lorsqu’un accord de groupe institue la prime et qu’un salarié est transféré d’une entreprise à l’autre sans reprise de son ancienneté ? Ce critère s’apprécie-t-il aussi sur les 12 mois précédant le versement de la prime ? Dans l’affirmative, comment apprécier une ancienneté sur cette période ?
Quid de la rémunération ? Si la rémunération à retenir pour le plafond de rémunération requise pour bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu et de CSG/CRDS est définie par la loi (voir ci-avant), ce n’est pas le cas de la rémunération servant de base au critère de modulation du montant de la prime ? L’acte juridique instituant la prime (accord ou DUE) peut-elle la définir librement ? Que faire lorsque cet acte ne précise rien ? Si, au cours des 12 mois précédant le versement de la prime, le salarié n’a perçu aucune rémunération, la prime à verser sera-t-elle d’un montant nul ou faut-il prévoir un montant plancher dans un tel cas de figure ?
Plus largement, la prime de partage de la valeur peut-elle aboutir, pour certains salariés, à une prime égale à zéro ? L’employeur doit-il fixer un plancher minimal de versement, quel que soit le critère retenu ? Et pourquoi apprécier l’ensemble de ces critères sur les 12 mois précédant le versement de la prime alors que la loi le prévoit uniquement pour le critère de la durée de présence effective ?
Entreprise à établissements multiples : son sort est clarifié
Il est possible d’attribuer des montants de prime différents selon l’établissement dont relèvent les salariés et l’employeur n’est pas tenu d’attribuer la prime à tous les établissements de l’entreprise (il peut l’attribuer aux salariés relevant d’un ou plusieurs établissements seulement, sous réserve que l’accord ou la DUE le prévoit et liste les établissements concernés) (QR 3.6 et 3.7).
Versement de la prime
La prime de partage de la valeur peut faire l’objet d’avances (QR 6.1) et d’un versement fractionné dans la limite d’une fois par trimestre, au cours d’une même année civile, rappelle l’administration. Elle précise que, si la prime peut être versée en plusieurs fois, il s’agit de la même prime unique (QR 6.3). Dès lors, les critères d’attribution (et, à notre avis, de modulation) ne peuvent être différents pour chaque versement. Ces critères s’apprécient à la date du premier versement annuel de la prime.
► Ni la loi ni le Boss ne précisent s’il s’agit de trimestres civils ou non. Dans le silence des textes, un versement tous les trimestres civils semble possible, sans avoir besoin de respecter une durée de trois mois entre les versements.
L’administration indique également que lorsqu’un salarié éligible à la prime quitte l’entreprise avant le versement de toutes les fractions de prime, le reliquat de prime auquel il a droit doit être versé avec le solde de tout compte, l’employeur ayant la possibilité dans ce cas de figure de ne pas respecter la temporalité prévue par l’acte instituant la prime (QR 6.5).
Conséquences du non-respect des conditions d’attribution de la prime (QR 8.1)
Le bénéfice de l’exonération est conditionné pour l’employeur au respect de l’ensemble des conditions d’attribution.
Toutefois, en cas de contrôle ultérieur donnant lieu au constat de l’absence de respect de l’une ou de plusieurs de ces conditions, afin d’éviter la remise en cause de l’ensemble de l’exonération, les employeurs seront invités dans un premier temps à régulariser cette situation.
En outre, à défaut, le redressement pourra être opéré dans des conditions similaires à celles applicables pour le contrôle de l’application des règles liées au caractère obligatoire et collectif des systèmes de garanties de protection sociale complémentaire autorisant à réduire le redressement à proportion des seules erreurs commises (modulation du redressement Urssaf : article L.133-4-8 du code de la sécurité sociale).
► Ainsi, en pratique, le redressement sera réduit à hauteur des cotisations et contributions sociales dues sur les seules sommes faisant défaut ou excédant les conditions et limites prévues par la loi. Les sommes faisant défaut pourront être calculées en fonction du montant moyen de prime attribué et du nombre de salariés omis ou, lorsque la modulation n’était pas autorisée, en fonction de l’écart entre le montant des primes réduites à tort et le montant des primes non modulées défini par l’employeur. Les sommes en excédent correspondront notamment aux sommes exonérées versées à des salariés dont la rémunération excéderait le plafond défini dans l’entreprise ou attribués en substitution à d’autres éléments de rémunération.
Par ailleurs, en cas d’exonération par l’employeur des primes excédant le plafond de 3 000 euros ou 6 000 euros par salarié, seule la part excédant cette limite sera assujettie dans les conditions de droit commun. L’administration ajoute que “pour les entreprises, autres que celles mentionnées à la question 4.10 (entreprises bénéficiant du plafond d’exonération majoré au titre de la mise en œuvre d’un accord d’intéressement ou de participation volontaire), ayant versé une prime de plus de 3 000 euros sans remplir l’une des conditions …[requises pour bénéficier du plafond d’exonération majoré], seule la part de la prime excédant 3 000 euros sera réintégrée dans l’assiette des cotisations et des contributions sociales et, le cas échéant, à l’assiette de l’impôt sur le revenu”.
Géraldine Anstett
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : emploi, fonction publique, nominations, santé sécurité
Nous vous proposons un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, c’est-à-dire du vendredi 7 octobre au jeudi 13 octobre inclus, susceptibles de vous intéresser, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous ne parlons pas ici des très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, ce domaine étant couvert par notre baromètre des branches que vous retrouvez une fois par mois dans nos colonnes.
Emploi
- Un arrêté du 3 octobre 2022 habilite les territoires pour mener l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée »
Fonction publique
- Un arrêté du 4 octobre 2022 modifie l’arrêté du 7 juin 2022 portant institution et composition des comités sociaux d’administration relevant du ministre chargé de l’agriculture
- Un arrêté du 4 octobre 2022 modifie l’arrêté du 25 avril 2022 portant création des comités sociaux d’administration relevant du ministère de la justice
- Un arrêté du 6 octobre 2022 précise les modalités d’organisation du vote électronique par internet pour l’élection des représentants du personnel au sein des instances de représentation du ministère de l’intérieur et des outre-mer
- Un arrêté du 5 octobre 2022 précise les modalités d’organisation du vote électronique par internet des personnels relevant du ministère de la culture pour l’élection des représentants des personnels aux comités sociaux d’administration, aux commissions administratives paritaires et aux commissions consultatives paritaires pour les élections professionnelles fixées du 1er au 8 décembre 2022
Nominations
- Un décret du 5 octobre 2022 porte nomination au Conseil commun de la fonction publique (sur proposition de la CFDT Fonctions publiques : Laetitia Aresu et Christophe Bonnet)
- Un arrêté du 10 octobre 2022 porte nomination au cabinet du ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé des relations avec le Parlement
- Un arrêté du 3 octobre 2022 porte nomination au Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire
- Un arrêté du 6 octobre 2022 porte nomination à la commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières
Outre mer
- Un décret du 12 octobre 2022 étend et adapte à Mayotte les dispositions réglementaires du code de la sécurité sociale relatives à l’allocation journalière de présence parentale et l’allocation journalière du proche aidant
Santé sécurité
- Un arrêté du 16 septembre 2022 porte désignation temporaire d’organismes pouvant procéder aux contrôles et mesures en matière d’aération et d’assainissement des locaux de travail prescrits par l’agent de contrôle de l’inspection du travail
- Un arrêté du 25 juillet 2022 modifie divers arrêtés relatifs à la prévention des risques liés à l’amiante
actuEL CE
Lettre de notre Avocat septembre 2022
CONTRAT DE TRAVAIL – EXECUTION
Contrat, prime conventionnelle, absence de contractualisation : la référence dans le contrat de travail à une prime prévue par la convention d’entreprise, laquelle définit exclusivement ses conditions d’attribution, n’implique pas la contractualisation de ses dispositions (Cass. Soc., 06.07.2022, n°20-22.358).
Prime de 13ème mois, prime de vacances, CCN Syntec : une prime de 13ème mois, prévue par le contrat de travail, s’analyse comme un élément fixe de la rémunération annuelle d’un salarié et ne peut valoir prime de vacances au sens de l’article 31 de la CCN Syntec (Cass. Soc., 14.09.2022, n°21-14.943).
Dépassement d’un forfait en jours, renonciation aux jours de repos, indemnisation : le dépassement du forfait en jours peut caractériser un renoncement du salarié à ses jours de congés que l’employeur est tenu de rémunérer (Cass. Soc., 06.07.2022, n°20-15.656).
Forfait en jours, heures supplémentaires : selon l’article L. 3121-48 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire. Il en résulte qu’un salarié soumis à une convention de forfait en jours dont il ne conteste pas la validité ne peut réclamer le paiement d’heures supplémentaires (Cass. Soc., 21.09.2022, n°21-14.106).
Changement d’horaires : le changement des horaires de travail d’un salarié relève en principe du pouvoir de direction de l’employeur. Toutefois, l’accord du salarié est nécessaire pour un passage d’horaire de nuit à un horaire de jour, les horaires se trouvant radicalement inversés (Cass. Soc., 14.09.2022, n°21-13.015).
Heures supplémentaires, charge de la preuve : en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir effectuées afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant. Pour rappel, le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-13.496).
Egalité de traitement, diplôme : la seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s’il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée (Cass. Soc., 14.09.2022, n°21-12.175).
Remboursement des frais de transport en commun, éloignement géographique pour convenance personnelle : l’employeur ne peut pas alléguer l’éloignement géographique pour convenance personnelle du salarié afin de refuser le remboursement des frais de transports en commun, sous peine d’instaurer entre les salariés une différence de traitement qui ne serait pas justifiée par des raisons objectives et pertinentes (TJ de Paris, 05.07.2022, n°22/04735 : décision communiquée sur simple demande).
Contrat à temps partiel, formalisme, présomption de travail à temps complet : l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. L’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur (Cass. Soc., 14.09.2022, n°21-12.251).
Contrat à temps partiel, avenant de complément d’heures, durée maximale : un avenant de complément d’heures à un contrat de travail à temps partiel ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement (Cass. Soc., 21.09.2022, n°20-10.701
Harcèlement moral, charge de la preuve : le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement (Cass. Soc., 12.07.2022, n°20-23.367).
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Absence prolongée pour maladie, désorganisation d’un service, licenciement : la désorganisation d’un service ne suffit pas à justifier le licenciement d’un salarié en arrêt maladie prolongé, lorsque la désorganisation ne concerne pas l’ensemble de l’entreprise (Cass. Soc., 06.07.2022, n°21-10.261).
Comportement managérial encouragé par la hiérarchie, licenciement injustifié : le comportement d’un salarié embauché en qualité de directeur des systèmes d’information qui est le résultat d’une position managériale partagée et encouragée par l’ensemble de ses supérieurs hiérarchiques ne rend pas impossible son maintien dans l’entreprise et ne peut, dans ce cadre, constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. Soc., 12.07.2022, n°20-22.857).
Licenciement pour inaptitude, reclassement, recours au travail temporaire : il incombe à l’employeur qui envisage de licencier pour inaptitude un salarié bénéficiant d’une protection de procéder, préalablement à son licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d’être proposés pour pourvoir ces postes, et appropriés à ses capacités, en vue de chercher à le reclasser et à éviter autant que de possible son licenciement. Dans l’hypothèse où l’employeur recourt au travail temporaire dans des conditions telles qu’elles révèlent l’existence d’un ou plusieurs postes disponibles dans l’entreprise, peu important qu’ils soient susceptibles de faire l’objet de contrats à durée indéterminée ou déterminée, il lui appartient de proposer ces postes au salarié, pour autant qu’ils soient appropriés à ses capacités (CE, 19.07.2022, n°438076).
Droit d’agir en justice, liberté fondamentale, nullité du licenciement : est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur. Ici, la lettre de licenciement faisait référence aux bulletins de paie de collègues communiqués dans le cadre d’un contentieux prud’homal (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-11.101).
LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE
Absence de baisse du chiffre d’affaires ou des commandes, existence d’un motif économique: le juge ne peut écarter le motif économique d’un licenciement du seul fait que l’employeur n’apporte pas la preuve de la baisse du chiffre d’affaires et/ou des commandes. Dès lors que l’employeur invoque l’évolution significative d’au moins un des autres indicateurs économiques prévus par le code du travail, ou de tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés, le juge doit les prendre en compte (Cass. Soc., 21.09.2022, n°20-18.511).
PSE, appréciation de la conditions d’effectif, UES : les conditions de mise en œuvre d’un PSE (en termes d’effectif et du nombre des licenciements envisagés) s’apprécient au niveau de l’entreprise, ou dans le cadre d’une UES. Lorsque le jugement reconnaissant l’UES est frappé d’appel, et n’est donc pas définitif, les conditions de mise en œuvre d’un PSE s’apprécient au seul niveau de la société employeur (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-19.092).
Sauvegarde de la compétitivité, champ d’appréciation : lorsque la lettre de licenciement fait état d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, le juge doit rechercher si la décision de l’employeur était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle relève. Les juges du fond ne peuvent se déterminer par des motifs tirés de l’absence de justification par l’employeur de la situation de ses concurrents évoluant sur le même secteur d’activité, impropres à écarter l’existence d’une menace sur la compétitivité du secteur d’activité du groupe (Cass. Soc., 12.07.2022, n°21-12.984).
Modification du contrat de travail pour motif économique : lorsque l’employeur formule une proposition au salarié conformément à l’article L. 1222-6 du code du travail en invoquant des difficultés économiques, les juges du fond ne peuvent dénier l’existence de la modification du contrat de travail (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-13.058).
Séparation des pouvoirs, compétence de l’autorité administrative, PSE, prorogation des mandats : dans le cadre de son contrôle relatif au plan de sauvegarde de l’emploi, il n’appartient pas à l’autorité administrative, lorsque le mandat des membres des institutions représentatives du personnel dans l’entreprise a été prorogé par la voie d’un accord collectif conclu en application des dispositions transitoires de l’ordonnance du 22 septembre 2017, d’apprécier si ce mandat a été valablement prorogé par cet accord, à moins que l’autorité judiciaire dûment saisie à cet effet ait jugé que tel n’était pas le cas (CE, 19.07.2022, n°436401).
OBLIGATION DE SECURITE, CONDITIONS DE TRAVAIL
Mise en cause précipitée et humiliante d’une salariée, manquement à l’obligation de sécurité : une mise en cause précipitée et humiliante du mode de management d’une salariée, sans ménagement ni précautions suffisantes, peut constituer un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité (Cass. Soc., 06.07.2022, n°21-13.631).
Obligation de sécurité de l’employeur, formation du salarié intérimaire : l’employeur viole délibérément ses obligations légales de sécurité et doit supporter le risque de l’accident lorsque l’entreprise recrute un salarié en intérim sans lui délivrer une autorisation de conduite, sans faire de vérification particulière et sans lui assurer de formation (Cass. Crim., 06.09.2022, n°21-86.085).
Alerte, registre d’alerte en matière de risque grave : les alertes du salarié ou du représentant du personnel au comité social et économique en matière de risque grave pour la santé publique ou l’environnement sont consignées sur un registre spécial qui est tenu, sous la responsabilité de l’employeur, à la disposition des représentants du personnel au comité social et économique (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-16.993).
Liberté d’expression des salariés sur leurs conditions de travail : les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l’exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement (Cass, Soc., 21.09.2022, n°21-13.045).
TRANSFERT D’ACTIVITE
Perte d’un contrat de concession, absence de transfert d’activité : la perte d’un contrat de concession ne suffit pas à entrainer le transfert automatique des salariés vers un autre concessionnaire lorsqu’il n’existe aucun transfert d’activité chez le nouveau concessionnaire (Cass. Soc., 12.07.2022, n°17-24.129).
Transfert, égalité de traitement : l’obligation à laquelle est tenu le nouvel employeur, en cas de reprise du contrat de travail du salarié d’une entreprise par application volontaire de l’article L. 1224-1 du code du travail, de maintenir à son bénéfice les droits qui lui étaient reconnus chez son ancien employeur au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés (Cass. Soc., 28.09.2022, n°20-23.613).
Transfert, fraude, CSP : l’existence d’un concert frauduleux entre les employeurs successifs pour priver le salarié des droits qu’il tenait de l’article L. 1224-1 du code du travail prive d’effet le licenciement, chacun d’eux devant ainsi supporter les conséquences dommageables de la rupture du contrat de travail. De plus, en l’absence de motif économique, le CSP n’ayant pas de cause, la société cessionnaire doit reverser au salarié les sommes correspondant au préavis réglées à Pôle emploi (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-17.213).
SALARIÉS PROTÉGÉS
Liberté d’expression, représentant du personnel : sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression. Il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Par ailleurs, le représentant du personnel, sauf abus, ne peut être sanctionné en raison de l’exercice de son mandat pendant son temps de travail (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-14.814).
Salarié protégé, preuve des faits reprochés : le licenciement disciplinaire d’un salarié protégé pour des faits de harcèlement moral est subordonné à l’absence de doute quant à la matérialité des faits qui lui sont reprochés (CAA de Paris, 22.08.2022, n°21PA00008).
Licenciement pour inaptitude d’un salarié protégé, pouvoir du juge judiciaire : l’autorisation de licenciement d’un salarié protégé pour inaptitude ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant le juge judiciaire tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations. Le juge judiciaire est compétent pour ordonner à l’employeur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes intéressés (Cass. Soc., 15.06.2002, n°20-22.430).
Licenciement nul, droits à la retraite, indemnité compensatrice de congés-payés : lorsque le salarié protégé, dont le licenciement est nul en l’absence d’autorisation administrative de licenciement et qui a demandé sa réintégration, a fait valoir, ultérieurement, ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration dans l’entreprise, l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur ouvre droit au paiement, au titre des congés payés afférents, d’une indemnité compensatrice de congés payés. Dans l’hypothèse où le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de son départ à la retraite, il ne saurait toutefois prétendre, à l’égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi (Cass. Soc., 21.09.2022, n°21-13.552).
IRP, FONCTIONNEMENT, PERIMETRE
Participation du président du CSE au vote, élection du secrétaire : la participation du président au vote de désignation du secrétaire n’est pas une faute entravant le fonctionnement régulier de l’instance (Cass. Crim., 14.06.2022, n°21-82.443).
Modification de l’ordre du jour à l’unanimité : l’ordre du jour d’une réunion peut valablement être modifié à l’unanimité des membres présents en début de séance du comité (Cass. Crim., 13.09.2022, n°21-83.914).
Articulation des consultations du CSE, consultation ponctuelle, consultation récurrente : la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise (Cass. Soc., 21.09.2022, n°20-23.660).
NEGOCIATION, ACCORDS COLLECTIFS
Mise en cause de l’accord collectif, principe de loyauté : si, du fait de l’absence d’accord de substitution, un salarié peut conserver son statut de cadre et la rémunération résultant de la convention collective mise en cause par un transfert d’entreprise jusqu’à la fin du délai de survie de cette convention, il ne peut prétendre au maintien pour l’avenir de ce statut, qui ne résulte que des dispositions de la convention collective qui ne s’applique plus (Cass. Soc., 14.09.2022, n°21-13.309).
Action en nullité d’un accord collectif, modalités de publication : le délai de forclusion pour agir en nullité d’un accord de branche court à compter de la date à laquelle l’accord de branche a été rendu public par sa publication au bulletin officiel des conventions collectives qui, en conférant date certaine, répond à l’objectif de sécurité juridique. Le versement dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable, n’est qu’une mesure complémentaire répondant à l’objectif d’accessibilité de la norme de droit (Cass. Soc., 21.09.2022, n°20-23.500).
SYNDICATS
Union syndicale, statuts, désignation d’un DS ou d’un RSS : les statuts d’une union de syndicats peuvent limiter sa capacité à désigner un délégué syndical ou un représentant de section syndicale dans une entreprise, par exemple lorsqu’un syndicat adhérent de l’union a déjà procédé à une telle désignation (Cass. Soc., 06.07.2022, n°21-17.933).
Participation de l’employeur aux cotisations syndicales, indépendance des syndicats : un accord collectif peut prévoir la prise en charge par l’employeur d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles, dès lors que le dispositif conventionnel ne porte aucune atteinte à la liberté du salarié d’adhérer ou de ne pas adhérer au syndicat de son choix, ne permet pas à l’employeur de connaître l’identité des salariés adhérant aux organisations syndicales et bénéficie tant aux syndicats représentatifs qu’aux syndicats non représentatifs dans l’entreprise. Le montant de la participation de l’employeur ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par le salarié (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-10.785).
Désignation du délégué syndical, renonciation des élus et candidats : lorsque tous les élus ou tous les candidats qu’elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé à être désignés délégué syndical, l’organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l’un de ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement ou l’un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique (Cass. Soc., 28.09.2022, n°21-19.005).
Intérêt à agir du syndicat, contestation du règlement intérieur : si un syndicat est recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d’une entreprise en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel, en l’absence desquelles le règlement intérieur ne peut être appliqué, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente, le syndicat n’est, en revanche, pas recevable à demander au tribunal judiciaire la nullité de l’ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l’entreprise, en raison du défaut d’accomplissement par l’employeur de ces formalités (Cass. Soc., 21.09.2022, n°21-10.718).
PROCEDURE, PRESCRIPTION
Prescription en matière de harcèlement moral, point de départ du délai : le délai de prescription de cinq ans, dont dispose le salarié victime d’un harcèlement pour agir devant le conseil de prud’hommes, court à partir du dernier acte de harcèlement. Lorsque l’action exercée au titre du harcèlement moral n’est pas prescrite, le juge doit prendre en compte l’ensemble des faits invoqués permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral, quelle que soit la date de leur commission (Cass. Soc., 29.06.2022, n°21-15.684).
Bureau de conciliation et d’orientation, procès-verbal de conciliation, clause de non-concurrence : le BCO est compétent pour régler un différend né à l’occasion du contrat de travail. Lorsque les parties ont précisé dans le procès-verbal de conciliation que leur accord vaut renonciation à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail, elles ont reconnu que leurs concessions réciproques incluaient bien la clause de non-concurrence. Une action en paiement d’une contrepartie financière est, par nature, une réclamation relative à la rupture du contrat (CA Aix-en-Provence, 22.06.2022, n°21/00102 : décision communiquée sur simple demande).
Autorité de la chose jugée du pénal sur le civil, licéité de la preuve : une cour d’appel ayant constaté que le licenciement du salarié était motivé par des faits de violences volontaires pour lesquels il avait été condamné par le tribunal de police, c’est à bon droit qu’elle a décidé que l’autorité absolue de la chose jugée au pénal s’opposait à ce que l’intéressé soit admis à soutenir devant le juge prud’homal, l’illicéité du mode de preuve jugé probant par le juge pénal (Cass. Soc., 21.09.2022, n°20-16.841).
Clause de médiation préalable, procédure de conciliation préliminaire et obligatoire devant les prud’hommes : en raison de l’existence d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire en matière prud’homale, une clause du contrat de travail prévoyant une procédure de médiation préalable n’empêche pas les parties de saisir le juge prud’homal de leur différend (Cass. Soc., avis, 14.06.2022, n°15006).
Béatrice Bursztein
LBBA Avocat associée