Le Conseil constitutionnel valide la loi sur le marché du travail
Dans une décision rendue hier, le Conseil constitutionnel estime constitutionnelles les mesures essentielles de la loi sur le marché du travail : définition temporaire des règles d’assurance chômage par décret, encadrement de l’abandon de poste, conséquences sur l’indemnisation chômage du refus de deux CDI à l’issue d’un CDD ou d’un contrat de mission, extension de la VAE.
Le Conseil constitutionnel a rendu hier en fin d’après-midi sa décision sur la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Les Sages ont jugé constitutionnelles les dispositions qui lui avaient été soumises le 18 novembre dernier par les députés de la Nupes.
La détermination des règles d’assurance chômage par décret, l’encadrement de l’abandon de poste, les conséquences sur l’indemnisation chômage de deux refus d’un CDI après un CDD ou un contrat de mission et l’extension de la validation des acquis de l’expérience (VAE) ne sont pas contraires à la Constitution.
Assurance chômage
Les députés auteurs de la saisine formulaient trois reproches aux dispositions relatives à l’assurance chômage :
- en habilitant le gouvernement à fixer lui-même les règles relatives à l’assurance chômage sans limiter l’objet ou la portée des dispositions que pourrait contenir le décret, le législateur avait fait preuve d’incompétence négative et privé de garanties légales le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence, garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. ;
- en dérogeant aux règles de droit commun qui confient aux partenaires sociaux la compétence pour déterminer, par des accords paritaires, les mesures d’application du régime d’assurance chômage, la loi a méconnu le principe de participation, garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;
- enfin, en permettant au pouvoir réglementaire de moduler les droits à indemnisation des bénéficiaires de l’assurance chômage en fonction d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail, la loi a méconnu le principe d’égalité devant la loi, du “droit à ouverture de l’allocation d’assurance chômage garanti par le versement de cotisations d’assurance chômage” et du principe de fraternité.
Ces trois arguments sont écartés par les Sages.
Le Conseil constitutionnel souligne que “le législateur, dans le cadre des compétences qu’il tient de l’article 34 de la Constitution, peut tout à fait renvoyer au décret – pris après une concertation appropriée – ou de confier à la négociation collective le soin de préciser, en matière de détermination collective des conditions de travail, les modalités d’application des règles qu’il a fixées”. Or, l’article L. 5422-20 du code du travail prévoit que les mesures d’application des dispositions législatives relatives à l’assurance chômage font l’objet d’un accord conclu entre les organisations représentatives de salariés et d’employeurs qui doit être agréé par le Premier ministre, ou, en l’absence d’accord ou d’agrément, sont déterminées par un décret en Conseil d’Etat.
Le législateur a ainsi pu, sans méconnaître l’étendue de sa compétence, renvoyer à un décret la détermination des mesures d’application des dispositions législatives relatives au régime d’assurance chômage pour la période allant du 1er novembre 2022 au 31 décembre 2023 au plus tard. Le décret est par ailleurs bien adopté à la suite d’une concertation avec les organisations de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.
Refus de deux CDI
Les députés de la Nupes contestaient également les dispositions de la loi sur le marché du travail sanctionnant le refus de deux propositions de CDI après un CDD ou un contrat de mission par la suppression du droit de bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi (ARE). Selon eux, ces dispositions faisaient peser sur les demandeurs d’emploi une contrainte excessive en méconnaissance du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Ils estimaient également que ces dispositions créaient une différence de traitement injustifiée entre les demandeurs d’emploi selon qu’ils ont reçu ou non une proposition de CDI.
Le Conseil constitutionnel réfute cette analyse.
Il rappelle dans un premier temps les dispositions du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel “chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi…”, mais également le onzième alinéa qui suppose que le droit prévoit l’existence d’un régime d’indemnisation des travailleurs privés d’emploi.
Ces normes constitutionnelles sont bien respectées selon les Sages.
D’une part, parce que le législateur en adoptant cette disposition “entend inciter les travailleurs privés d’emploi à accepter des emplois à durée indéterminée afin notamment de lutter contre la précarité résultant de l’embauche dans le cadre de contrats à durée déterminée ou de mission d’intérim. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général”.
D’autre part, parce que la suppression du bénéficie des allocations chômage est strictement encadrée :
- le demandeur d’emploi peut être privé d’allocations chômage “uniquement lorsque, soit il a refusé à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l’issue d’un contrat à durée déterminée, une proposition de contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, soit il a refusé, à deux reprises au cours des douze derniers mois, à l’issue d’un contrat de mission, un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail. En outre, le bénéfice de l’allocation d’assurance chômage ne peut lui être refusé si, au cours de la même période de douze mois, il a été employé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée” ;
- en outre, il ne peut être privé de l’allocation d’assurance chômage “si la dernière proposition de contrat à durée indéterminée qui lui a été adressée n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi préalablement établi, lequel précise la nature et les caractéristiques de l’emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu, en tenant compte de la formation du demandeur d’emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local”.
Abandon de poste
Les députés auteurs de la saisine contestaient l’assimilation de l’abandon de poste à une démission, dont la conséquence était de priver du bénéfice du régime d’assurance chômage des personnes conduites à abandonner leur poste pour des motifs indépendants de leur volonté.
Ils reprochaient par ailleurs à ces dispositions d’instituer une différence de traitement, au regard du droit à indemnisation au titre de l’assurance chômage, entre les salariés en situation d’abandon de poste selon que leur employeur procède au licenciement ou se prévaut de la présomption de démission qu’elles instaurent.
Le Conseil constitutionnel n’est guère plus convaincu par ces arguments.
Il constate que ces dispositions sont circonscrites et ne s’appliquent que dans le cas où le salarié a volontairement abandonné son poste, écartant donc les situations où l’abandon de poste reposerait “sur un motif légitime, tel que des raisons médicales, l’exercice du droit de grève, l’exercice du droit de retrait, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à la réglementation ou encore son refus d’une modification unilatérale d’un élément essentiel du contrat de travail”.
Les Sages tiennent également compte du fait que “le salarié ne peut être réputé démissionnaire qu’après avoir été mis en demeure, par son employeur, de justifier d’un tel motif et de reprendre son poste dans un délai déterminé, qui ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’Etat”.
Enfin, ils soulignent le fait qu’il s’agit d’une présomption simple, “qui peut donc être renversée par le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail” et que “le conseil de prud’hommes saisi d’une telle contestation statue alors au fond, sans conciliation préalable, dans un délai d’un mois à compter de sa saisine”.
Validation des acquis de l’expérience
Les députés de la Nupes contestaient enfin certaines des dispositions relative à la validation des acquis de l’expérience (VAE). Ils soutenaient que la loi méconnait un principe fondamental reconnu par les lois de la République de “monopole de l’Etat pour la collation des grades et diplômes nationaux”.
Dans leur collimateur, l’abrogation des articles L.613-3 à L.613-6 du code de l’éducation organisant la délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur au titre de la VAE et l’insertion au sein du code du travail d’un nouvel article L.6412-3 relatif au jury en charge de cette validation.
Ils estimaient en outre qu’en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer la composition et les modalités de fonctionnement du jury chargé de prononcer la VAE, le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence.
Ils critiquaient également la mesure prévoyant, à titre expérimental, que les contrats de professionnalisation conclus par les employeurs de droit privé peuvent comporter des actions en vue de la VAE, afin de favoriser l’accès à la certification et à l’insertion professionnelles dans certains secteurs.
Ces derniers reproches sont également écartés par le Conseil constitutionnel.
D’une part, les Sages soutiennent que la règle invoquée ne peut être regardée, en elle-même, comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
D’autre part, qu’en prévoyant que la VAE est prononcée par un jury, “le législateur a entendu assurer que la délivrance d’un diplôme ou d’un titre dans ce cadre soit soumise à l’appréciation d’une instance collégiale composée de personnes choisies en raison de leurs qualifications, de leurs aptitudes ou de leurs compétences dans les disciplines, matières ou professions concernées”.
Ils en concluent qu’en “renvoyant à un décret la composition et les modalités de fonctionnement du jury en charge de la validation des acquis de l’expérience, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence”.
► La loi peut désormais être promulguée et publiée au Journal officiel. A noter que de nombreux décrets sont attendus pour une entrée en vigueur effective de ces dispositions.
Florence Mehrez
Le baromètre des branches de novembre 2022
Quelles ont été en novembre 2022 les nouvelles dispositions applicables dans les branches professionnelles ? Notre tableau fait le point.
Grâce au travail de veille de l’équipe du Dictionnaire Permanent Conventions collectives des Éditions Législatives (Lefebvre Dalloz), société éditrice d’actuEL-CSE.fr, nous vous proposons chaque mois un rendez-vous thématique consacré aux branches professionnelles. Il n’est pas question pour nous d’être exhaustif sur ce sujet, mais de vous signaler, au travers des arrêtés d’extension parus au Journal officiel qui rendent obligatoires des dispositions pour toutes les entreprises d’une branche, ainsi qu’au travers d’accords récents, quelques tendances dans l’activité conventionnelle.
Ce baromètre nous paraît d’autant plus intéressant que la loi Travail, puis les ordonnances Macron, ont redéfini les possibilités de négociation données aux branches par rapport aux niveaux de la loi et de la négociation d’entreprise. En outre, une vaste opération de fusion des branches existantes est en cours, le gouvernement souhaitant en réduire fortement le nombre.
Baromètre des branches de novembre 2022 | |
Volume des textes parus au Journal officiel relatifs aux branches professionnelles | 91 accords élargis/étendus, dont 52 au moins partiellement relatifs aux salaires, sont parus au Journal officiel du 1er au 30 novembre 2022. Une fois étendus ou élargis, les accords et avenants deviennent obligatoires pour tous les employeurs, généralement le lendemain de la date de la publication de l’arrêté au Journal officiel. Exemples d’accords ou avenants étendus ou agréés : – un texte relatif au capital de fin de carrière pour les salariés prenant une “retraite anticipée longue carrière” signé dans la branche de l’automobile (IDCC 1090, voir l’arrêté) ; – deux textes relatifs à la modification de diverses dispositions de convention collective nationale (CCN) signés dans la branche de l’industrie des ciments (IDCC 3233, voir l’arrêté) et dans la branche des industries et services nautiques (IDCC 3236, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à l’indemnité de départ à la retraite signé dans la branche des détaillants et détaillants-fabricants de confiserie, chocolaterie, biscuiterie (IDCC 1286, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à l’amélioration des congés exceptionnels pour événements familiaux signé dans la branche des expertises en automobile (IDCC 1951, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à la création d’un congé exceptionnel pour hospitalisation d’un enfant et congé de proche aidant signé dans la branche des commerces de gros d’habillement, mercerie, chaussure et jouet (IDCC 500, voir l’arrêté) ; -un texte relatif au préavis de démission des ouvriers et à la création d’un congé pour enfant hospitalisés signés dans la branche des transports routiers (IDCC 16, voir l’arrêté). |
Contrat de travail | Branche des prothésistes et laboratoires de prothèse dentaire : accord du 16 septembre 2022 applicable à la date de publication au Journal officiel de son arrêté d’extension. Les partenaires sociaux fixent à 3 mois la durée du préavis applicable en cas de démission ou de licenciement pour les salariés cadres ayant au moins 1 an d’ancienneté. Branche des mareyeurs-expéditeurs : accord du 17 juin 2022 applicable le jour de la publication au Journal officiel de son arrêté d’extension. Les partenaires sociaux prévoient la possibilité de conclure des contrats de travail intermittent. |
Congés exceptionnels | Branche des expertises en automobile : avenant n° 83 du 7 juin 2022, applicable à compter du 3 août 2022. Les partenaires sociaux allongent ou instituent plusieurs congés exceptionnels pour événements familiaux. |
Durée du travail | Branche de l’habitat et logement accompagnés : accord n° 22 du 20 septembre 2022 applicable à compter de son extension. Les partenaires sociaux prorogent les dispositions relatives au travail à temps partiel issues de l’accord n° 17 du 10 décembre 2018 étendu. Branche des télécommunications : accord du 21 octobre 2022 applicable à compter du 21 octobre 2022. Les partenaires sociaux fixent les règles encadrant le recours au télétravail régulier dans les entreprises de la branche (y compris celles comptant moins de 50 salariés). |
Prime de partage de la valeur | Branche des ports de plaisance : avenant du 14 septembre 2022. Les partenaires sociaux prévoient une prime de partage de la valeur d’un montant de 300 € bruts, versée au mois d’octobre 2022 à tous les salariés présents dans l’effectif au 31 octobre 2022 (et depuis le 1er mars 2022). |
Abrogation ou dénonciation de conventions collectives territoriales au profit d’une CCN unique | Branche de la métallurgie : les conventions collectives régionales, départementales ou territoriales suivantes sont abrogées : – Région de Dunkerque : avenant du 28 juin 2022 – Indre : lettre du 22 septembre 2022 – Lot-et-Garonne : lettre du 6 octobre 2022 Branche de la sidérurgie : avenant du 23 septembre 2022. A compter de l’entrée en vigueur de la convention collective nationale de la métallurgie, la convention collective nationale de la sidérurgie du 20 novembre 2001 non étendue, ses avenants et annexes, ainsi que l’ensemble des accords collectifs conclus dans son champ d’application, seront abrogés et les dispositions de la nouvelle convention collective nationale unique de la métallurgie s’appliqueront. |
Marie-Aude Grimont, avec l’équipe du Dictionnaire permanent Conventions collectives
Travailleur étranger : l’absence d’autorisation de travail ne justifie pas une mise à pied
Pour la Cour de cassation, l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger est une cause de rupture du contrat mais n’est pas constitutive en soi d’une faute grave.
Dans une décision du 23 novembre 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme que l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue une cause objective de rupture du contrat de travail, mais juge qu’elle n’est pas, en soi, constitutive d’une faute grave. L’employeur qui n’invoque pas de faute grave à l’appui du licenciement doit donc verser le salaire échu pour toute la période antérieure à la rupture du contrat de travail.
Mise à pied conservatoire pour défaut de titre de séjour
En l’espèce, un salarié étranger veilleur de nuit avait été mis à pied à titre conservatoire sans versement de salaire, puis licencié pour défaut de titre de séjour. Il saisit la juridiction prud’homale et réclame un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire, soulignant que son licenciement n’était pas fondé sur une faute grave mais reposait sur une cause objective tirée de sa situation irrégulière. L’employeur ne pouvait donc justifier une mise à pied non rémunérée.
► La mise à pied conservatoire prévue par l’article L. 1332-3 du code du travail est une mesure provisoire qui permet à l’employeur d’écarter le salarié de l’entreprise dans l’attente du prononcé de la sanction. Elle ne peut entraîner la perte du salaire correspondant que si la sanction prononcée est un licenciement pour faute grave ou lourde.
Les juges du fond rejettent sa demande en retenant qu’il ressort de la lettre de licenciement que la seule faute reprochée au salarié est de ne pas avoir produit, en dépit de mises en demeure, un titre de séjour valable l’autorisant à travailler et que cette absence d’autorisation n’est pas contestée par l’intéressé. Ils en concluent que “l’employeur n’avait d’autre choix que de procéder à son licenciement”.
L’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger n’est pas constitutive, en soi, d’une faute grave
La chambre sociale ne suit pas ce raisonnement et fonde sa décision aux visas des articles L.1332-3, L.8252-1 et L.8252-2 1° du code du travail, qui prévoient :
- pour l’article L.8252-1, que nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France ;
- pour l’article L.8252-2, 1° (qui garantit les droits financiers du salarié employé sans autorisation de travail), que le salarié étranger a droit au titre de la période d’emploi illicite, au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée.
Or, selon la Cour de cassation, il résulte de ces textes, que si l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l’application des dispositions relatives aux licenciements et de l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle n’est pas constitutive, en soi, d’une faute grave. L’employeur qui entend invoquer une faute grave distincte de la seule irrégularité de l’emploi doit en faire état dans la lettre de licenciement.
► La cour reprend ici l’argumentation développée dans sa décision du 4 juillet 2012 (arrêt du 4 juillet 2012). Elle avait alors reconnu pour la première fois la notion de “cause objective” justifiant la rupture du contrat de travail. Dans cette affaire, la chambre sociale précise que seule la faute grave peut justifier une mise à pied conservatoire et le non-paiement du salaire durant cette période. Or, en l’espèce, la seule faute reprochée au salarié était son absence d’autorisation de travail. Pour la Cour, les juges du fond ayant retenu que l’article L.8252-2 du code du travail était applicable et que l’employeur n’avait invoqué aucune faute grave à l’appui du licenciement, ils auraient dû en déduire que le salarié, en situation d’emploi illicite, avait droit au paiement du salaire pour la période antérieure à la rupture du contrat de travail.
Véronique Baudet-Caille
Les mesures RH de la loi de finances pour 2023
Nous récapitulons les mesures RH de la loi de finances pour 2023 définitivement adoptée le 17 décembre : titres-restaurant, jeunes entreprises innovantes, activité partielle, CDD tremplin, entreprises de travail temporaires adaptées, reste à charge CPF. Le Conseil constitutionnel a été saisi.
La loi de finances pour 2023 a été définitivement adoptée samedi 17 décembre 2022 après une nouvelle mise en œuvre de l’article 49.3 de la Constitution. La loi sera publiée avant la fin de l’année. Nous récapitulons les mesures qui intéressent les services RH et donc aussi les représentants du personnel et les salariés.
► Attention le texte peut encore évoluer, deux saisines (LR et Nupes) ayant été déposées hier devant le Conseil constitutionnel.
Revalorisation du plafond d’exonération des titres-restaurant (article 4)
La participation patronale au financement des titres-restaurant constitue un avantage consenti au salarié en contrepartie de son travail qui entre en principe dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale et contributions alignées, de la CSG et de la CRDS et de l’impôt sur le revenu.
Toutefois, sous réserve notamment du respect de certaines limites (voir ci-après), la part contributive de l’employeur au financement des titres-restaurant est exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.
En effet, pour bénéficier de ces exonérations, la participation patronale doit être comprise entre 50 et 60 % de la valeur libératoire du titre remis au salarié. En outre, cette participation patronale ne doit pas excéder un certain montant.
Pour les titres-restaurant attribués depuis le 1er janvier 2020, la limite d’exonération n’est plus la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu, mais la variation de l’indice des prix à la consommation hors tabac entre le 1er octobre de l’avant-dernière année et le 1er octobre de l’année précédant celle de l’acquisition des titres-restaurant.
Cette valeur maximum s’élevait, pour les titres émis entre le 1er janvier et le 31 août 2022, à 5,69 euros. Pour les titres émis du 1er septembre au 31 décembre 2022, la valeur a été revalorisée à 5,92 euros. Au 1er janvier 2023, elle s’élèvera à 6,50 euros, soit une revalorisation de 9,8 %.
Cette forte revalorisation a fait consensus au sein de l’hémicycle car favorisant la consommation intérieure et bénéfique pour le pouvoir d’achat des salariés. C’est une mesure de soutien jugée efficace dans le contexte de forte hausse des prix, en particulier pour les produits alimentaires (+ 12 % en décembre).
Ainsi, à compter du 1er janvier 2023, si la participation patronale est de 6,50 euros, elle sera totalement exonérée de charges sociales lorsque la valeur du titre-restaurant sera comprise entre 10,84 euros (soit une participation correspondant à 60 % de la valeur du titre) et 13 euros (soit une participation correspondant à 50 % de la valeur du titre).
Cette mesure vise à inciter les employeurs qui sont déjà “au plafond” à augmenter leur participation avant l’augmentation qui devrait avoir lieu le 1er janvier 2023. Il s’agit d’une possibilité, non d’une obligation.
Alignement de la condition d’âge requise pour la qualification de JEI sur la durée d’exonération sociale attachée au dispositif (article 33)
A compter du 1er janvier 2022, la condition d’âge permettant aux start-ups de bénéficier du statut de jeune entreprise innovante (JEI) a été rallongé de 7 à 10 ans.
La loi de finances pour 2022 a en effet ouvert le bénéfice des exonérations sociales et fiscales attachées à ce dispositif aux entreprises créées depuis moins de 11 ans (contre 8 ans auparavant).
la durée du bénéfice de ce statut était jugée trop courte au regard de la durée d’obtention des résultats des activités de R & D.
On aurait pu supposer que l’exonération sociale attaché au dispositif JEI soit alors applicable pendant 11 ans maximum et totale jusqu’à la 10e année qui suit la création de l’établissement. Mais l’article 131 de la loi de finances pour 2004 qui avait fixé cette durée d’exonération à 8 ans n’a pas été modifié par la loi de finances pour 2022.
Pour assurer a cohérence avec la durée retenue pour le volet social du dispositif, la loi de finances pour 2023 fait machine arrière et fixe à nouveau à 8 ans la condition relative à l’âge pour le volet fiscal des JEI.
CDD tremplin et entreprises de travail temporaire adaptées (article 210)
Le projet de loi de finances pour 2023 prolonge l’expérimentation relative au CDD tremplin jusqu’au 31 décembre 2023. L’expérimentation devait initialement s’arrêter le 31 décembre 2022 comme le prévoyait la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018,
Rappelons que le CDD tremplin a pour vocation de permettre à des personnes handicapées de bénéficier d’un parcours de remise à l’emploi, de qualification et de construction d’un parcours l’amenant à retrouver un emploi dans une entreprise autre qu’une entreprise adaptée.
La loi de finances pour 2023 prolonge également d’un an l’expérimentation relative aux entreprises de travail temporaire adaptées, jusqu’au 31 décembre 2023.
Activité partielle (article 211)
L‘ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 a ouvert le recours à l’activité partielle pour des entreprises qui en étaient exclues dans le droit commun, dont :
- les établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) et groupement d’intérêt public (pour les salariés de droit privé) si leurs ressources résultent en majorité de leur activité industrielle et commerciale ;
- les entreprises étrangères sans établissement en France, pour les salariés travaillant sur le territoire français.
La loi de finances pour 2022 du 30 décembre 2021, a prolongé cette mesure jusqu’au 31 décembre 2022. La loi de finances pour 2023 pérennise cette disposition en complétant l’article L.5122-1 du code du travail.
► Ces dispositions s’appliquent aux demandes d’autorisation adressées à l’autorité administrative par les employeurs à compter du 1er janvier 2023 et au titre des heures chômées à compter de la même date.
Un reste à charge CPF pour les actifs (article 212)
La loi de finances pour 2023 prévoit un reste à charge pour les salariés qui souhaitent mobiliser leur compte personnel de formation. Le texte enrichit ainsi l’article L.6323-4 du code du travail, en précisant que “le titulaire participe au financement de la formation”. Cette participation “peut être proportionnelle au coût de la formation dans la limite d’un plafond ou fixée à une somme forfaitaire”. Elle sera demandée à tous les salariés en vue de financer une action de formation, une validation des acquis de l’expérience (VAE) ou un bilan de compétences. Ce reste à charge ne concerne pas les demandeurs d’emploi. Ni même les salariés qui parviennent à co-construire un projet de formation avec leur entreprise soit par accord d’entreprise ou individuellement. Dans ce cas, ces derniers recevront un abondement de leur entreprise.
Les modalités de mise en œuvre seront précisées par décret en Conseil d’Etat, que ce soient pour le “taux de participation”, les “conditions de sa possible prise en charge par un tiers” ou encore le “niveau minimal d’abondement par l’employeur”.
► Les députés LR ont saisi le Conseil constitutionnel de cette mesure estimant qu’il s’agit d’un cavalier législatif. Selon les députés, l’article 212 “a été incorporé au dernier moment dans le texte du projet de loi de finances après l’ultime recours au 49 alinéa 3 de notre Constitution. Non seulement cet article n’a jamais été discuté et débattu mais il ne rentre manifestement pas dans le champ d’une loi de finances”.
Géraldine Anstett, Anne Bariet et Florence Mehrez
Jurisprudence : tous les arrêts importants du second semestre 2022
Petit retour en arrière sur les jurisprudences marquantes de 2022. Un millésime où l’on a retrouvé les problématiques habituelles de la représentation du personnel et des droits des salariés…
Fin juillet, nous vous présentions les arrêts phare du premier semestre. Voici la seconde partie de cette rétrospective 2022 avec la trentaine d’arrêts qui ont marqué la seconde partie de l’année, et quelques évocations d’arrêts de cour d’appel, de décisions administratives et de jugements qui ont retenu notre attention. Rendez-vous en 2023 pour de nouvelles jurisprudences commentées par nos soins, que ce soit sous forme d’articles écrits ou sous forme de vidéo, avec notre nouveau format “5 minutes d’arrêt” !
ÉLECTIONS PROFESSIONNELLES |
► Le vote électronique doit respecter le principe général d’égalité entre les électeurs
Le recours au vote électronique ne permet pas de déroger aux principes généraux du droit électoral, dont fait partie le principe d’égalité face à l’exercice du droit de vote, même pour des raisons de confidentialité et de sécurité, sous peine d’annulation des élections.
► Élection du CSE : on ne ferme pas à clé la salle de vote pour procéder au dépouillement du scrutin
Même si une baie vitrée permet d’assister au dépouillement des élections, le fait de fermer à clé la salle de vote pour dépouiller porte atteinte à la sincérité du scrutin et justifie l’annulation des élections.
Les élections partielles n’échappent pas à la règle de représentation proportionnée des femmes et des hommes
Les listes de candidats présentés par une organisation syndicale à l’occasion d’élections partielles du comité social et économique (CSE) doivent respecter la proportion de femmes et d’hommes du collège électoral.
FONCTIONNEMENT DU CSE |
► Le CSEC peut agir en justice si l’ordre du jour est modifié à la dernière minute pour l’y autoriser
La Cour de cassation admet que le comité central d’entreprise puisse donner mandat à son secrétaire en vue d’engager une action en justice pour délit d’entrave, alors que la question est sans lien avec celles figurant sur l’ordre du jour de la réunion adressé à ses membres, mais qu’ils l’ont ajoutée en début de séance.
► L’employeur ne vote pas pour désigner un mandataire du CSE pour agir en justice
La décision par laquelle le comité mandate un de ses membres pour le représenter en justice afin de garantir l’exécution de la décision du comité de recourir à un expert dans le cadre d’une consultation sur un projet important constitue une délibération sur laquelle seuls les membres élus doivent se prononcer, à l’exclusion du président du comité.
EXERCICE DU MANDAT |
► Les heures de délégation ne doivent servir qu’à l’exercice des fonctions représentatives du personnel
L’employeur est en droit d’obtenir le remboursement des heures de délégation prises par le représentant du personnel pour se rendre aux entraînements de football de son fils.
► Droit d’alerte en cas d’atteinte au droit des personnes : temps de travail ou heures de délégation ?
Pour la Cour de cassation, le temps passé par les membres du CSE à l’exercice de leur droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes s’impute sur leur crédit d’heures de délégation.
STATUT PROTECTEUR |
► Seul un abus commis dans le cadre de l’exercice du mandat syndical peut justifier une sanction disciplinaire
Le fait d’adresser à une autorité de tutelle un courrier pour faire remonter les interrogations des salariés quant aux projets de la direction ne constitue pas un abus dans la liberté d’expression et l’exercice du mandat.
► Violation du statut protecteur : précisions sur les droits à congés payés en cas de départ en retraite
En cas de licenciement en violation du statut protecteur, un salarié protégé demandant sa réintégration puis faisant valoir ses droits à la retraite a droit au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés, sauf pour la période d’exclusion pendant laquelle il a occupé un autre emploi.
► Salarié protégé : des propos racistes et sexistes récurrents justifient son licenciement pour faute
Les propos racistes et sexistes d’un salarié protégé visant systématiquement et de manière répétée des salariées, sous sa responsabilité, ayant pour point commun d’être des femmes supposément d’origine maghrébine et de confession musulmane, justifient son licenciement pour faute.
► Salarié protégé : le juge judiciaire est compétent pour apprécier la validité de la rétractation du licenciement
Le licenciement d’un salarié protégé ne peut être rétracté par l’employeur qu’avec l’accord du salarié. Le juge judiciaire est compétent pour apprécier la validité de cette rétractation, quand bien même son licenciement ultérieur a été autorisé par l’inspecteur du travail.
► Le transfert du contrat de travail d’un salarié protégé peut être contesté devant le juge judiciaire en cas de fraude
En cas de fraude, ne porte pas atteinte au principe de séparation des pouvoirs l’action du salarié protégé transféré devant le juge judiciaire afin d’obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
CONSULTATION DU CSE |
► Autonomie de la consultation du CSE sur un projet ponctuel de celle sur les orientations stratégiques
La consultation ponctuelle sur un projet de réorganisation n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le CSE sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
► Le CSE doit être consulté sur les projets qui déclinent les orientations stratégiques de l’entreprise
La consultation sur les orientations stratégiques ne dispense pas l’employeur de son obligation de consulter le CSE en cas de projet d’aménagement important résultant des nouvelles orientations stratégiques.
► Un syndicat peut faire suspendre le règlement intérieur de l’entreprise pour défaut de consultation du CSE
Au nom de la défense de l’intérêt collectif des salariés, un syndicat est recevable à demander en référé que soit provisoirement suspendu le règlement intérieur de l’entreprise en raison du défaut de consultation du CSE.
EXPERTISE DU CSE |
► La mesure d’expertise prise par l’employeur n’empêche pas une expertise du CSE pour risque grave
La décision de l’employeur de confier à un cabinet externe une mission d’analyse des risques psychosociaux n’empêche pas le CSE de voter une expertise pour risque grave.
► Le délai de contestation démarre de l’envoi d’un nouveau coût prévisionnel par l’expert du CSE
Lorsque l’expert du CSE a notifié à l’employeur un nouveau coût prévisionnel, le délai de contestation de 10 jours court à compter de cette seconde notification.
ACTIVITÉS SOCIALES ET CULTURELLES (ASC) |
► Comité des activités sociales et culturelles interentreprises (CASCI) : le contentieux est judiciaire
Il appartient à la juridiction judiciaire de connaître de la demande tendant à l’annulation de la décision administrative relative à la mise en place du comité des activités sociales et culturelles interentreprises (CASCI), celui-ci étant assimilé par la loi au CSE.
NÉGOCIATION COLLECTIVE |
► Le délai de deux mois pour demander la nullité d’un accord de branche court à compter de la publication au BOCC
Dans un arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation indique que le délai de deux mois pour intenter une action en nullité d’un accord collectif court à compter de la publication de l’accord dans le Bulletin officiel des conventions collectives (BOCC). Une interprétation conforme à la position de l’administration du travail et permettant d’assurer une plus grande sécurité juridique.
► Le CSE signataire d’un accord de participation peut-il invoquer l’illégalité d’une clause de cet accord ?
En signant l’accord de participation, le CSE a validé la notion de capitaux propres permettant de calculer le montant de la réserve spéciale de participation. Dès lors, il n’est pas recevable à invoquer, par voie d’exception, l’illégalité de cette clause.
DROIT SYNDICAL |
► Prise en charge des cotisations syndicales par l’employeur : les syndicats non représentatifs ne peuvent pas être exclus
Un accord collectif peut prévoir la prise en charge d’une partie des cotisations syndicales annuelles par l’employeur. Mais l’accord doit respecter certains principes rappelés par la Cour de cassation dans cet arrêt du 28 septembre 2022, comme par exemple le respect de la liberté de choix du salarié : un accord réservant cette prise en charge aux seuls syndicats représentatifs n’est donc pas licite.
DROIT ET DÉFENSE DES SALARIÉS |
► L’employeur validant les méthodes managériales d’un salarié ne peut pas invoquer une faute grave
Un employeur ne peut pas reprocher une faute grave à un salarié auquel des faits de harcèlement moral sont imputés, lorsque ses méthodes managériales étaient connues, menées en concertation avec la hiérarchie et encouragées.
► Le licenciement fondé partiellement sur un abus non avéré de la liberté d’expression est nul
L’employeur doit être vigilant avant de licencier un salarié au motif qu’il aurait abusé de sa liberté d’expression. S’il s’avère que le salarié n’a pas commis d’abus, son licenciement est nul, quels que soient les autres griefs invoqués.
Des décisions et jugements sur la crise sanitaire en 2022 ► Le Conseil constitutionnel “valide” le passe sanitaire ► La justice administrative limite la généralisation du port du masque ► La justice administrative reconnaît la carence fautive de l’Etat concernant la fourniture de masques ► Le conseil de prud’hommes de Paris a prononcé la réintégration d’une infirmière dont le contrat de travail avait été suspendu pour défaut de vaccination contre la Covid-19, jugeant que l’employeur n’avait pas suffisamment recherché les possibilités de maintenir le contrat de l’intéressée. |
► L’absence prolongée du salarié doit désorganiser l’entreprise, pas le seul service
Dans un arrêt du 6 juillet 2022, la Cour de cassation confirme qu’en cas d’absences prolongées ou répétées d’un salarié, l’employeur ne peut le licencier que si les absences perturbent le fonctionnement de l’entreprise, et non du seul service, obligeant l’employeur à remplacer définitivement le salarié.
► Précisions sur la mise à disposition du registre d’alerte santé publique et environnement
Dans une entreprise dotée d’un seul CSE, l’employeur n’a pas l’obligation de mettre en place un registre d’alerte en matière de risque grave pour la santé publique ou l’environnement dans chacun des magasins de la société. La tenue de ce registre au siège de l’entreprise suffit.
► La cour d’appel de Douai s’affranchit du barème Macron et répond à la Cour de cassation
En mai 2022, la Cour de cassation fixait sa position sur le barème de dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse : les juges ne peuvent pas écarter ce barème impératif, y compris au nom d’une réparation proportionnelle au préjudice subi. C’est pourtant ce que vient faire la cour d’appel de Douai dans un arrêt du 21 octobre 2021 dans lequel elle justifie son contrôle in concreto.
► Le droit à un environnement de travail sûr et sain placé au rang de principe fondamental
Quelles sont les conséquences pour les entreprises et salariés français de l’inscription du droit à un environnement de travail sûr et sain sur la liste des droits fondamentaux ?
► L’employeur doit justifier de l’impossibilité de reclasser en télétravail un salarié inapte
L’employeur qui conclut à l’impossibilité de mettre en place le télétravail préconisé par le médecin du travail pour le reclassement d’un salarié inapte doit être en mesure de justifier avoir sérieusement tenté de le mettre en place ou s’être trouvé dans l’impossibilité technique de le faire. A défaut, le licenciement du salarié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
► Forfait jours : les heures travaillées le dimanche ne sont pas des heures supplémentaires
Pour la première fois, la Cour de cassation juge qu’un salarié soumis à une convention de forfait en jours dont il ne conteste pas la validité ne peut pas réclamer que le temps de travail qu’il a effectué certains dimanches lui soit rémunéré en heures supplémentaires.
► La Cour de cassation clarifie les règles de travail dominical dans les magasins qui ont recours à des caisses automatiques
Dans deux arrêts du 26 octobre 2022, la Cour de cassation précise dans quels cas les salariés d’entreprises extérieures intervenant le dimanche dans les commerces alimentaires qui ont recours à des caisses automatiques peuvent déroger à la règle du repos dominical après 13 heures.
► Les heures supplémentaires réalisées avec l’accord au moins tacite de l’employeur doivent être payées
Le salarié qui présente des éléments suffisamment précis des heures supplémentaires qu’il a réalisées, même sans autorisation préalable, mais avec l’accord au moins tacite de son employeur, peut en réclamer le paiement. C’est ce que précise la Cour de cassation dans un arrêt du 28 septembre 2022.
► Une compagnie aérienne ne peut pas interdire à un steward de porter des tresses
La Cour de cassation décide qu’une compagnie aérienne ne pouvait pas interdire à l’un de ses stewards le port de tresses nouées en chignon. Une telle décision constitue une discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe.
► Calcul de l’indemnité de licenciement : les périodes d’absences pour maladie exclues de l’ancienneté
En l’absence de dispositions conventionnelles contraires, les absences pour maladie ne sont pas prises en compte dans le calcul de l’ancienneté propre à déterminer le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
► Les éléments de preuve provenant de l’agenda électronique personnel du salarié ne sont pas forcément irrecevables
Avant d’écarter des débats des éléments de preuve provenant de l’agenda électronique du salarié disponible sur son ordinateur professionnel, les juges du fond doivent vérifier que ces éléments sont identifiés comme étant personnels. C’est ce qui ressort d’une décision de la Cour de cassation du 9 novembre 2022.
► Transfert volontaire de contrat de travail : quelle incidence sur la règle de l’égalité de traitement ?
En cas de reprise du contrat de travail de salariés d’une entreprise par application volontaire de l’article L.1224-1 du code du travail, l’obligation à laquelle est tenu le nouvel employeur de maintenir au bénéfice des salariés repris, les droits et avantages qui leur étaient reconnus au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés.
► Le temps de trajet des salariés itinérants peut désormais être qualifié de temps de travail effectif
Après plusieurs années de résistance, la Cour de cassation a fini, dans un arrêt du 23 novembre 2022, par s’aligner sur la position de la CJUE (cour de justice de l’Union européenne) : le temps de déplacement d’un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premiers et derniers clients peut, sous conditions, être reconnu comme du temps de travail effectif. En conséquence, il peut entrer dans le décompte des heures supplémentaires.
► Transfert d’entreprise : prise en compte du savoir-faire particulier des salariés
La reprise d’un savoir-faire particulier d’une salariée indispensable à l’activité économique peut être un élément servant à caractériser une entité économique autonome.
► CET pour financer un congé sans solde : l’employeur n’a pas à rémunérer les jours fériés inclus dans la période de ce congé
Dans une décision du 23 novembre 2022, la Cour de cassation précise qu’un salarié ne peut prétendre à aucune rémunération au titre des jours fériés afférents à une période de congé sans solde financé par un compte épargne-temps, sauf dispositions conventionnelles contraires.
LICENCIEMENTS ÉCONOMIQUES |
► Reconnaissance non définitive d’une UES : quel impact sur la mise en œuvre d’un PSE ?
Lorsque le jugement reconnaissant l’UES (unité économique et sociale) n’est pas assorti de l’exécution provisoire et fait l’objet d’un appel toujours en cours lors de l’engagement de la procédure de licenciement, c’est au seul niveau de la société employeur que s’apprécient les conditions de mise en oeuvre du PSE.
► PSE : pas de réorganisation avant l’achèvement de la consultation du CSE
La procédure d’information-consultation du CSE doit être menée à son terme avant toute mise en œuvre d’une réorganisation. Le document unilatéral portant PSE ne peut pas être homologué si l’employeur a décidé d’une cessation d’activité ou d’une réorganisation avant l’achèvement de cette procédure… ce qu’il appartient au CSE d’établir, ce qui peut être malaisé.
Frédéric Aouate
Assises du travail : le ministère lance un appel aux contributions
Le ministère du Travail lance un appel à contributions sur son site internet. Toute personne peut y déposer ses propositions relatives aux Assises du travail en utilisant le formulaire. Le ministère rappelle que les Assises sont structurées en trois thèmes : rapport au travail, santé et qualité de vie au travail, démocratie au travail. Les assises se terminent en principe fin février 2023 mais les contributions peuvent être déposées même après cette échéance.
actuEL CE