Droit

La jurisprudence sociale des derniers mois synthétisée par notre avocat 

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

RTT imposés : l’employeur qui impose des RTT aux salariés en application du dispositif dérogatoire mis en place dans le cadre de la crise sanitaire doit justifier de difficultés économiques liées à la propagation du virus (CA Paris, 1er avril 2021, n° 20/12215, communiqué sur demande).

Congés payés, fractionnement : le salarié ne pouvant pas renoncer par avance au bénéfice d’un droit qu’il tient de dispositions d’ordre public avant que ce droit ne soit né, il ne peut renoncer dans le contrat de travail à ses droits en matière de fractionnement du congé principal (Cass. soc., 5 mai 2021, n° 20-14.390).

Contractualisation d’un bonus : le bonus dont le montant potentiel a été rappelé chaque année au salarié, qui n’est pas discrétionnaire mais fixé en application de critères définis par l’employeur et communiqués au salarié et qui a été versé chaque année pendant 12 ans a été contractualisé (Cass. soc., 10 mars 2021, n° 19-18.078).

Objectifs : si l’employeur peut modifier les objectifs annuels dans le cadre de son pouvoir de direction, il lui appartient cependant de le faire en début d’exercice, et non en cours d’exécution alors qu’il prend connaissance de leur niveau d’exécution (Cass. soc., 8 avril 2021, n° 19-15.432).

Discrimination, prescription : l’action en reconnaissance d’une discrimination commencée au début de la carrière d’une salariée, pendant la période couverte par la prescription, n’est pas prescrite si la discrimination s’est poursuivie pendant toute sa carrière, l’intéressée se fondant sur des faits qui n’ont pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-22.557).

Port du foulard islamique : si aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’est prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, l’interdiction faite à une salariée de porter un foulard islamique caractérise l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée. En outre, l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante justifiant une restriction de leur liberté religieuse. Dès lors, le licenciement de la salariée, prononcé au motif de son refus de retirer son foulard islamique lorsqu’elle était en contact avec la clientèle, est discriminatoire et doit être annulé (Cass. soc., 14 avril 2021, n° 19-24.079).

Indemnité d’occupation : en l’absence de local professionnel, le salarié peut prétendre à une indemnité d’occupation de son domicile à des fins professionnelles dont le montant dépend de l’importance de la sujétion imposée, du fait de l’immixtion dans sa vie privée du travail à accomplir pour l’employeur et de la nécessité de stocker des matériels professionnels à son domicile. Il n’y a pas lieu de procéder à une analyse du temps et de l’espace consacrés par le salarié à son activité professionnelle à son domicile (Cass. soc., 10 mars 2021, n° 19-16.237).

Clause d’exclusivité : si la nullité d’une clause d’exclusivité ne peut pas entraîner la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, elle permet l’octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de cette clause illicite au salarié qui le demande (Cass. soc., 24 mars 2021, n° 19-16.418)

Inaptitude : la circonstance que les mesures d’aménagement préconisées par le médecin du travail entraînent une modification du contrat de travail du salarié n’implique pas, en elle-même, la formulation d’un avis d’inaptitude. Le médecin déclare le salarié inapte uniquement lorsqu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible (Cass. soc., 24 mars 2021, n° 19-16.558).

Recours contre l’avis du médecin du travail : le recours exercé devant le conseil de prud’hommes contre les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail porte uniquement sur l’avis rendu par le médecin du travail. Le fait que le médecin du travail n’ait pas respecté la procédure prévue ne peut donc pas affecter à lui seul la validité de son avis médical. Si la procédure suivie par le médecin du travail est irrégulière, le juge prud’homal peut seulement substituer son avis à celui du médecin du travail, éclairé, le cas échéant, par les conclusions du médecin inspecteur du travail saisi d’une mission d’expertise. Il ne peut pas déclarer l’avis du médecin du travail inopposable à une partie. (Avis Cass. soc., 17 mars 2021, n° 21-70.002) 

Avantage en nature et préavis : l’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution de l’avantage en nature constitué par la mise à sa disposition d’un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel, conféré par l’avenant à son contrat de travail (Cass. soc., 24 mars 2021, n° 19-18.930).

Sanction disciplinaire, modification du contrat de travail : l’acceptation par le salarié de la modification de son contrat de travail proposée par l’employeur à titre de sanction n’emporte pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction (Cass. soc., 14 avril 2021, n° 19-12.180).

RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL (MOTIF PERSONNEL)

Démission : la démission ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail. N’a pas manifesté une telle volonté le salarié qui recherche un autre emploi après s’être vu notifier la suppression de son poste et une dispense d’activité (Cass. soc., 3 mars 2021, n° 18-13.909).

Faute grave : les carences graves du système de contrôle interne d’une banque, qui ont rendu possible le développement d’une fraude commise par l’un de ses traders, ne font pas perdre à la faute du salarié son degré de gravité (Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-12.586).

Cadeaux de clients : l’acceptation de cadeaux importants de la part d’un client de l’agence dont il assumait la direction peut constituer un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail et plus précisément au code de bonne de conduite en vigueur au sein de l’entreprise, et donc justifier un licenciement disciplinaire (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-23.144).

Barème Macron : la CA de Paris a écarté l’application du barème d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse estimant qu’il ne permettait pas d’assurer une réparation adéquate du préjudice subi par la salariée. La salariée pouvait prétendre en application de ce barème à une indemnité d’un montant compris entre 3 et 4 mois de salaire brut, soit une somme oscillant ici entre 13 211,25 et 17 615 €. Les juges ont tenu compte de la situation concrète et particulière de la salariée, de son âge (53 ans à la date de la rupture et 56 ans à la date du jugement), de son ancienneté (un peu moins de 4 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi au vu de sa formation et de son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard. Ils lui ont alloué une indemnité de 32 000 €, un peu plus de 7 mois de salaire. Elle correspond à peu près à la perte de revenus subie entre le licenciement et la date de l’appel, compte tenu de l’allocation de sécurisation professionnelle et des allocations de chômage perçues pendant cette période (Cour d’appel de Paris, 16 mars 2021, n° 19/08721, communiqué sur demande).

Licenciement pour inaptitude : si un salarié déclaré inapte par le médecin du travail refuse un autre poste approprié à ses capacités qui lui est proposé par l’employeur, ce dernier n’a pas à lui notifier, par écrit, les motifs s’opposant à son reclassement avant d’engager la procédure de licenciement (Cass. soc., 24 mars 2021, n° 19-21.263).

Mise à pied, licenciement pour les mêmes faits : la mise à pied notifiée sept jours avant l’engagement d’une procédure de licenciement pour les mêmes faits, sans que l’employeur ne s’explique sur ce délai d’attente, est une sanction disciplinaire. Aucun fait fautif ne pouvant donner lieu à une double sanction, le licenciement ultérieur est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass.Soc.14.04.2021, 20.12-920).

LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE

Contrôle du volet « santé sécurité » du PSE : l’existence d’un projet de cession dans le cadre d’un procédure collective n’est pas de nature à dispenser l’employeur de ses obligations d’identification, d’évaluation et de prévention des risques en termes de santé, sécurité et conditions de travail. L’homologation d’un document unilatéral qui prévoit seulement des mesures au moment de la cession et qui ne prévoit pas de diagnostic actuel des risques à l’aide du document unique d’évaluation des risques professionnels (au demeurant absent) ni de mesures de prévention sérieuses alors même qu’un expert les a préconisés doit être annulée (Tribunal administratif de Melun, 12 mars 2021, n° 2010410, communiqué sur demande).

Difficultés économiques et secteur d’activité : la spécialisation d’une entreprise dans le groupe ne suffit pas à exclure son rattachement à un même secteur d’activité, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques invoquées à l’appui d’un licenciement. Dès lors, les domaines d’activités dentaire et médical ayant été fusionnés en une seule division, placée sous la responsabilité d’une seule personne, afin de mettre en place une nouvelle orientation stratégique et de développer de nouveaux produits nécessitant une prospection ciblée du marché, une haute productivité et une organisation efficace, cette division constituait le secteur d’activité au niveau duquel devait s’apprécier la cause économique du licenciement. L’employeur limitant les informations produites à la situation du secteur de l’activité dentaire et ne démontrant pas la réalité des difficultés économiques au niveau du secteur d’activité à prendre en considération, le licenciement intervenu était dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-26.054).

Groupe de reclassement : si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement préalable au licenciement économique incombe à l’employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties. Ayant constaté qu’il n’était pas suffisamment établi que le périmètre de reclassement devait être limité à seulement 35 sociétés du groupe, comme retenu par l’employeur, la cour d’appel a pu en déduire que ce dernier ne justifiait pas du respect de son obligation de reclassement (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-17.300).

Lettres de recherche de reclassement : l’employeur qui recherche des postes disponibles au sein du groupe pour le reclassement des salariés menacés de licenciement économique n’est pas tenu d’indiquer, dans ses lettres de recherche, l’âge, la formation, l’expérience, la qualification ou l’ancienneté des salariés (Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-11.114).

Transfert de contrat, licenciement économique, PSE : si le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ne peut s’appliquer à un salarié dont le contrat de travail a été rompu avant son adoption, le salarié privé du bénéfice des dispositions du plan en raison des conditions de son licenciement est fondé à en demander réparation. Ainsi, dès lors que le transfert du contrat de travail du salarié était intervenu au moment où un PSE était en cours d’élaboration dans l’entreprise, le salarié était concerné par le projet de licenciement économique et a été privé du bénéfice d’une indemnité supra-conventionnelle de licenciement et d’une aide spécifique à la création d’entreprise prévue dans ledit plan, cette privation justifiant sa demande de dommages et intérêts (Cass. soc., 14 avril 2021, n° 19-19.050).

Catégories professionnelles artificielles : l’homologation d’un PSE est annulée par le tribunal administratif en raison de l’artificialité des découpages des catégories professionnelles, dès lors que l’employeur ne parvient pas à apporter les justifications nécessaires et s’est fondé sur des considérations tenant seulement à l’organisation de l’entreprise et n’étant pas propres à regrouper les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune (Tribunal administratif de Nantes, 23 avril 2021, n° 2101604, communiqué sur demande).

IRP, FONCTIONNEMENT, PERIMETRE

Expertise, égalité professionnelle : la désignation d’un expert en vue d’apporter toute analyse utile dans le cadre de la préparation de la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit intervenir en temps utile, ce même lorsque la négociation est engagée. Spécifiquement destinée à favoriser la négociation sur l’égalité professionnelle, cette faculté ne peut être étendue à d’autres champs de négociation (ici, négociation d’un accord sur la qualité de vie au travail) (Cass. soc., 14 avril 2021, n° 19-23.589).

Etablissements distincts, critères : pour fixer le nombre et le périmètre des établissements distincts, la loi n’exige pas la prise en compte de critères particuliers : les critères retenus pour déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts relèvent de la seule liberté des partenaires sociaux ou, à défaut, d’accord, du seul employeur à partir du critère économique lié à l’autonomie de gestion des chefs d’établissement (Cour d’appel de Paris, 18 février 2021, n° 19/14084, communiqué sur demande).

Avis, absence de quorum : aucun quorum n’est fixé pour l’adoption d’un avis du CSE. La délibération prise par les seuls membres restés présents lors d’une réunion quittée par la majorité des élus est régulière (TJ Nanterre, 7 mai 2021, n° 21-00826, communiqué sur demande).

Ordre du jour : la contestation, pour défaut d’ordre du jour conjoint, du déroulement d’une réunion du CSE au cours de laquelle est intervenu un vote de désignation relève du contentieux électoral selon la procédure aménagée par le Code du travail (saisine par requête et dans des délais courts du tribunal judiciaire qui statue dans les 10 jours de sa saisine). Elle ne relève pas de la compétence du juge des référés (Cour d’appel de Lyon, 30 mars 2021, n° 20-03011, communiqué sur demande).

SYNDICATS

Représentant syndical : seules peuvent désigner un représentant syndical les organisations syndicales qui ont recueilli, dans le périmètre du CSE d’entreprise ou d’établissement, au moins 10% des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. Il en résulte qu’un syndicat représentatif au niveau de l’entreprise ne peut pas désigner un représentant syndical au CSE d’un établissement dans lequel il n’est pas représentatif (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.003).

Nombre de délégués syndicaux : ni un usage de l’entreprise ni un engagement unilatéral de l’employeur ne peuvent modifier les dispositions légales relatives au nombre des délégués syndicaux. Il s’ensuit que l’employeur qui décide unilatéralement d’autoriser la désignation de délégués syndicaux, alors même que la condition d’effectif n’est pas remplie, peut unilatéralement décider de revenir à l’application des textes légaux en vigueur, sous réserve de ne pas méconnaître le principe d’égalité entre tous les syndicats concernés et, pour répondre à l’exigence de loyauté qui s’impose en la matière, de les en informer préalablement (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-60.253).

STATUT COLLECTIF

Accord RTT bricolage et forfait en jours : Les stipulations de l’accord RTT du secteur du bricolage sur les forfaits en jours sont invalidées car elles ne prévoient pas de suivi effectif et régulier du temps de travail permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. L’accord se limitait à prévoir que « le chef d’établissement veille à ce que la charge de travail des cadres concernés par la réduction du temps de travail soit compatible avec celle-ci » et à rappeler les dispositions légales sur les repos. Par conséquent, les conventions de forfait en jours conclues sur le fondement de l’accord RTT sont nulles (Cass. soc., 24 mars 2021, n° 19-12.208).

TRANSFERT D’ENTREPRISE

Maintien du statut collectif : si, à la suite d’un transfert d’entreprise, le cessionnaire peut décider de maintenir par engagement unilatéral le statut collectif de l’entreprise absorbée, seules les dispositions de ce statut plus favorables que celles prévues par l’accord en vigueur dans l’entreprise absorbante s’appliquent aux salariés (Cass. soc., 24 mars 2021, n° 19-15.920).

Règlement intérieur : dès lors que le règlement intérieur constitue un acte réglementaire de droit privé, dont les conditions d’élaboration sont encadrées par la loi, le règlement intérieur s’imposant à l’employeur et aux salariés avant le transfert de plein droit des contrats de travail de ces derniers en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail n’est pas transféré avec ces contrats de travail (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-12.289).

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

Établissements distincts : l’accord conclu entre les sociétés constituant l’UES et les organisations syndicales représentatives, après réouverture des négociations sur le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de l’UES en vue de la mise en place des CSE, entérinant la décision de la DIRECCTE a pour effet de rendre caduque cette décision administrative. En conséquence, le pourvoi formé à l’encontre du jugement confirmant cette décision est devenu sans objet (Cass. soc., 17 mars 2021, n°19-21.057)

Directeur de magasin : est assimilé à l’employeur le directeur de magasin qui le représente devant les représentants de proximité ainsi que vis-à-vis des salariés en exerçant ses attributions en matière d’embauche, de discipline ou de licenciement, même s’il doit faire valider ses choix avant une décision grave. Il ne peut donc ni voter ni être candidat aux élections du CSE (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233).

Cabinet LBBa