IRP

Salarié protégé : rappel des règles en matière de résiliation judiciaire après une autorisation de licenciement annulée

18/11/2021

La juridiction prud’homale ne peut se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire d’un salarié protégé licencié sur autorisation, même si cette saisine est antérieure à la rupture. Il en va de même si l’autorisation de licenciement a été annulée, dès lors que le salarié n’a pas demandé sa réintégration.

La demande de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur introduite par un salarié protégé (1) ne fait pas bon ménage avec l’autorisation de licenciement. Même si la demande est introduite avant l’autorisation de licenciement, la résiliation judiciaire ne peut être prononcée par le juge judiciaire. Et c’est logique : l’autorisation de licenciement a permis la rupture du contrat de travail, il est donc impossible de le rompre à nouveau, et ce, même si cette autorisation a ensuite été annulée dès lors que le salarié n’a pas demandé sa réintégration. Dans un arrêt du 10 novembre 2021, la Cour de cassation revient sur les règles applicables en matière de résiliation judiciaire, en cas d’annulation de l’autorisation de licenciement.

Demande de résiliation judiciaire et autorisation de licenciement

Dans cette affaire, un salarié protégé saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire aux torts de son employeur en janvier 2010. En avril 2010, il est licencié pour faute par son employeur après obtention d’une autorisation administrative. Cette autorisation est annulée par le tribunal administratif, décision confirmée par la cour administrative d’appel et le Conseil d’État. C’est alors que le salarié demande à la juridiction prud’homale, toujours saisie de sa demande de résiliation judiciaire, de se prononcer à ce sujet.

La cour d’appel fait droit à sa demande et lui octroie l’indemnisation qui va de pair avec cette décision. La résiliation judiciaire prononcée aux torts de l’employeur d’un salarié protégé produit les effets d’un licenciement nul pour violation du statut protecteur. Le salarié protégé a droit aux dommages-intérêts pour licenciement nul (80 000€ dans cette affaire) et aux dommages-intérêts pour violation du statut protecteur (234 726€ ici).

Mais, l’employeur n’est pas d’accord, et la Cour de cassation non plus.

Rupture du contrat sur le fondement d’une autorisation administrative ensuite annulée

En effet, « le contrat de travail du salarié protégé, licencié sur le fondement d’une autorisation administrative ensuite annulée, et qui ne demande pas sa réintégration, est rompu par l’effet du licenciement ». Dans ce cas, « lorsque l’annulation est devenue définitive, le salarié a droit, d’une part, en application de l’article L. 2422-4 du code du travail, au paiement d’une indemnité égale à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d’annulation, d’autre part, au paiement des indemnités de rupture, s’il n’en a pas bénéficié au moment du licenciement et s’il remplit les conditions pour y prétendre, et de l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail, s’il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse ».

Pas de résiliation judiciaire, même en cas de saisine antérieure à l’autorisation

Il n’y a pas de violation du statut protecteur puisque le licenciement était autorisé. Et en l’absence de demande de réintégration, le contrat est rompu et le salarié ne peut prétendre qu’à l’indemnisation du préjudice subi (pour la période écoulée entre son licenciement et 2 mois suivant la notification de la décision d’annulation, sous déduction des sommes que le salarié a perçues pendant la période litigieuse), et non à l’indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur.

Et la Cour de cassation d’en déduire que « ces dispositions font obstacle à ce que la juridiction prud’homale se prononce sur la demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé, même si sa saisine est antérieure à la rupture », le salarié n’ayant pas demandé sa réintégration à la suite de l’annulation de l’autorisation de licenciement. En effet, n’ayant pas demandé sa réintégration, insiste la Cour de cassation, le contrat est bien rompu et ne peut donc l’être une seconde fois au titre de la résiliation judiciaire.

Jurisprudence constante

Cette règle n’est pas nouvelle, elle a déjà été édictée maintes fois par la Cour de cassation. D’abord d’une façon générale (notamment, Cass. soc., 29 sept. 2010, n° 09-41.127), puis la solution a été étendue au cas où l’autorisation de licenciement était annulée (Cass. soc., 11 oct. 2017, no 16-14.529Cass. soc., 3 mars 2021, n° 19-16.644 et Cass. soc., 22 sept. 2021, no 20-13.961).

► NDLR : à noter que dans le cas du transfert d’un salarié protégé, l’existence d’une autorisation administrative de transfert ne prive pas le juge judiciaire du pouvoir de se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié protégé antérieurement à cette autorisation (Cass. soc., 24 janv. 2018, n° 16-12.733). Dans ce cas, le contrat de travail n’est pas rompu.

Demande de réintégration

Il résulte de cette décision, que si le salarié protégé avait demandé sa réintégration, le contrat n’aurait alors « plus » été rompu, mais rétabli, continué. Le salarié aurait alors pu demander la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, et obtenir l’indemnisation ad hoc.

Remarque : il semble que dans ce cas, le salarié pourrait obtenir d’une part l’indemnisation suite à réintégration pour annulation de l’autorisation de licenciement (de la date d’éviction, jusqu’à la réintégration sous déduction des sommes perçues pendant la période litigieuse), et l’indemnisation pour violation du statut protecteur suite à la résiliation judiciaire le cas échéant (indemnité forfaitaire égale à la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre la date d’effet de la résiliation et jusqu’à l’expiration de la période de protection en cours au jour de sa demande). Il n’y a pas que dans ce cas de cumul prohibé d’indemnisation, le préjudice et la période couverte par l’indemnisation étant différentes.

(1) Qu’est-ce que la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur ? Le salarié qui reproche à son employeur des manquements graves à ses obligations contractuelles peut demander au conseil des prud’hommes (CPH) de résilier son contrat de travail. En cas de résiliation, la rupture est considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou comme un licenciement nul si le salarié était représentant du personnel, au jour de la demande.

Séverine Baudouin, Dictionnaire permanent social