Moyens du CSE : la CFDT revendique une correction des ordonnances de 2017
La CFDT réclame au gouvernement de revoir à la hausse les moyens dont disposent les élus des comités sociaux et économiques (CSE). Le syndicat, qui sera reçu aujourd’hui avec les autres partenaires sociaux au ministère du travail, demande aussi un allongement des délais de consultation, une généralisation dès 50 salariés des CSSCT et des représentants de proximité.
A 17h, ce lundi 10 janvier, le ministère du Travail reçoit les partenaires sociaux. La ministre leur présente un plan d’accompagnement destiné aux élus des CSE et aux employeurs pour améliorer le fonctionnement de la nouvelle instance représentative du personnel mais aussi stimuler le dialogue social dans les entreprises. Ce plan et cette réunion font suite au dernier rapport du comité d’évaluation sur les ordonnances de 2017, ces ordonnances qui ont créé le CSE et chamboulé la négociation collective. Le rapport, assez critique, a pointé les nombreux dysfonctionnements de la nouvelle instance. “Ce n’est pas un accompagnement dont nous avons besoin mais de corrections au dispositif même des ordonnances”, avertit donc Laurent Berger.
Il faut une hausse du crédit d’heures
Lors d’une conférence de presse vendredi 8 janvier, le secrétaire général de la CFDT a présenté ses revendications. La principale consiste à demander une hausse (non chiffrée) du crédit d’heures de délégation dont bénéficient les élus. La confédération, première organisation syndicale dans le privé, réclame aussi une commission santé sécurité conditions de travail (CSSCT) obligatoire dès 50 salariés au lieu de 300, la création obligatoire de représentants de proximité avec une formation de 2 jours sur la santé au travail, l’allongement d’un mois des délais de consultation du CSE, ou encore le droit pour les élus d’utiliser la messagerie électronique de l’entreprise pour communiquer avec les salariés. Le syndicat veut aussi que soit donné au CSE un droit d’expertise sur les conséquences des ruptures conventionnelles collectives et que les conditions de négociation des accords de performance collective (les APC, en plein essor dans les PME) soient davantage transparentes (lire notre encadré en fin d’article).
Des remontées du terrain très négatives
Ces demandes sur le CSE s’appuient, dit Laurent Berger, sur les remontées de milliers d’équipes syndicales. Même dans les cas où cela s’est moins mal passé, selon la CFDT, le passage à l’instance unique n’a pas convaincu les élus : ordres du jour surchargés, réunions trop longues, délais de consultation trop serrés, relégation des questions santé sécurité et conditions de travail, absence de représentants de proximité (présents dans seulement 5% des entreprises).
“Les moyens que prévoit le code du travail de façon supplétive pour les élus du personnel ne permettent humainement pas de remplir toutes les missions qui incombent à l’élu de CSE”, résume Philippe Portier, chargé des instances représentatives du personnel à la CFDT. A ses yeux, la faute originelle des ordonnances de 2017 est de n’avoir pas prévu une obligation de négociation pour la mise en place du CSE : un dispositif supplétif maintenant les anciennes instances faute d’accord aurait contraint les employeurs à envisager autrement le comité social et économique, soutient Philippe Portier.
Mon entreprise considère le CSE comme un CE bis
Tout en soulignant faire partie des rares entreprises (environ 20%) qui ont pu négocier la mise en place des CSE et maintenir un volume important d’heures de délégation, le délégué syndical de Carrefour, Sylvain Macé, a l’impression que son employeur considère le CSE comme un CE bis, ce que les salariés, selon lui, ne sont pas loin de penser aussi.
“Les conditions de travail sont les grandes perdantes de la réforme des IRP, juge-t-il. Nous avons perdu les présentations devant les CHSCT qui assuraient des discussions locales sur les conditions de travail. Depuis 2018 et le lancement d’un grand plan de transformation chez Carrefour, les conséquences sur l’organisation du travail sont édulcorées et ne sont pas traitées comme il le faudrait dans les CSE”.
Et dans les magasins externalisés sous forme de location gérance, le bilan est bien pire : “Les directeurs ne sont pas au fait du code du travail. Plusieurs mois peuvent passer sans réunion de CSE ni présentation des résultats économiques”. D’où le risque, selon le syndicaliste, de voir des questions non traitées rejaillir sous forme de confrontations ou d’actions judiciaires.
Les recommandations des CSSCT ne sont pas toujours suivies par le CSE
Chez IBM, Hélène Bouix, déléguée syndicale CFDT, décrit la même problématique s’agissant des conditions de travail : “Les CSSCT sont beaucoup moins efficaces que les CSE, ce ne sont que des commissions consultatives. Les CSE ne reprennent pas toujours les recommandations des CSSCT, si bien que des actions ne sont pas lancées et que les problèmes continuent”.
Quant aux représentants de proximité (RP) créés chez IBM (24 mandats), “leur rôle n’est pas clair et ils ne sont pas très connus, ils ont du mal à trouver une place”. Si les réunions du CSE sont mieux organisées et planifiées qu’autrefois, concède la déléguée, elles sont trop chargées, “avec parfois 45 questions expédiées en une vingtaine de minutes”. IBM a connu certes une baisse très forte d’effectifs depuis 2018 (7 200 à moins de 4 000 salariés) mais la chute du nombre d’élus a été plus forte encore : “Les effectifs ont été divisés par 1,8 et le nombre de mandats par 3,5”, insiste Hélène Bouix. IBMP ne compte plus aujourd’hui que 122 mandats électifs (dont les 24 RP) avec 2 CSE, 1 CSE central et 6 CSSCT.
C’est très difficile de concilier un mandat d’élu CSE avec son métier
“Les mandats tendent à se professionnaliser et il devient très difficile de les concilier avec son métier. Quant aux dispositions prévues pour valoriser les parcours d’élus, elles ne sont pas appliquées. Si bien que les gens qui s’investissent dans le CSE sont plutôt ceux qui sont en fin de carrière”, alerte Hélène Bouix. Le faible nombre d’élus et leur manque de temps rendent en outre la proximité avec les salariés très compliquée : “Comment les 4 membres d’une CSSCT dont le périmètre va de Nantes à Grenoble en passant par Lyon et Poitiers peuvent-ils agir ?” interroge-t-elle.
Des élus débordés et en souffrance
C’est aussi ce qu’exprime Malika Poumba, DS chez Marionnaud (3 000 salariés et 420 magasins) : “Les élus du personnel sont en souffrance car ils ne peuvent pas bien accomplir leur mission. Nous n’avons que 25 élus pour tout le territoire !” La déléguée syndicale dit aussi ne pas pouvoir compter sur l’appui de l’inspection du travail : “L’inspection manque d’effectif pour assurer son rôle de contrôle”.
Et la perspective des prochains renouvellements de l’instance n’a rien de rassurante : “Nous avons du mal à garder les suppléants car ils ne sont pas associés aux travaux de l’instance, ils n’y siègent pas”, déplore Sylvain Macé. Sur ce problème, Philippe Portier demande au gouvernement de permettre aux suppléants de suivre les réunions du CSE par visio, ou a minima de leur permettre d’assister à 2 réunions plénières du CSE par an.
Nous soutenons nos équipes qui négocient les protocoles préélectoraux
Le renouvellement des CSE, dont Philippe Portier estime que la plus grosse partie arrivera au second semestre 2022, offre néanmoins l’occasion aux équipes syndicales de tenter de négocier un protocole préélectoral sur des bases plus favorables pour la représentation du personnel, qu’il s’agisse du périmètre de l’élection et donc du CSE, du nombre d’élus et de leurs moyens. “Nos équipes suivent et appuient ces négociations, nous les soutenons”, insiste Laurent Berger.
Quid de la possibilité de voir les ordonnances modifiées ?
Ces critiques sur les ordonnances sont désormais bien connues. Pour autant, et compte-tenu du calendrier politique, y a-t-il une fenêtre de tir pour des modifications législatives et réglementaires concernant le CSE et la négociation collective ? Cela paraît peu probable à court terme, et on ne peut pas dire que ce sujet mobilise les candidats déclarés à la présidentielle. Mais la CFDT veut y croire.
On se souvient que la faible réaction syndicale, et notamment de la part de la CFDT, sur ce chantier des ordonnances mené au pas de charge en 2017, avait suscité les critiques et l’incompréhension de certains élus et militants en 2017, lesquels parlaient d’une “catastrophe” à venir pour les IRP (lire notre article). Ce rappel fait réagir Laurent Berger : “Si nous n’avions pas discuté, nous et FO, avec le gouvernement durant l’été 2017, nous n’aurions plus eu de délégué syndical sous les 250 salariés et les crédits d’heures auraient été encore inférieurs ! » (2). A l’époque, trois mois après l’élection d’un président et d’une majorité dont le programme comprenait ces réformes, l’espace pour contester ces projets n’existait pas, estime Laurent Berger.
Les craintes d’hier sont devenues des faits objectifs
Existe-t-il aujourd’hui ? “Si nous appelions les salariés à se mobiliser sur ces thèmes, nous aurions, disons, un succès d’estime”, reconnaît le secrétaire général de la CFDT qui juge, en le regrettant, que le travail des représentants du personnel est trop rarement mis en avant en France. Mais la situation a néanmoins changé, enchaîne-t-il. D’une part, tout le monde reconnaît, selon lui, la part prise par les élus, “qui ont été très courageux et très actifs dans la crise sanitaire”, pour trouver des solutions dans les entreprises.
D’autre part, les craintes d’hier sur les ordonnances sont devenues des faits objectifs, étayés par plusieurs années de pratiques et d’analyses des expériences vécues. En sus du constat du comité d’évaluation des ordonnances, la CFDT cite une enquête menée auprès d’un millier d’élus CSE et délégués syndicaux montrant que 65% d’entre eux signalent des “difficultés accrues” dans l’exercice de leur mandat, 54% jugeant que la fusion des instances a nui au traitement des questions sur les conditions de travail (2). “Nous sommes donc fondés à exercer notre droit de suite en demandant la correction de ces ordonnances”, conclut Laurent Berger.
(1) Dans l’épisode 17 de notre podcast Le Micro Social, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO en 2017, a raconté les conciliabules avec le cabinet du ministère du Travail au sujet du futur nombre d’élus du CSE. A écouter ici.
(2) L’étude « En quête de dialogue social » est réalisée par le laboratoire Lise (Cnrs – Cnam) pour la CFDT, dans le cadre de l’agence d’objectifs de l’Ires. Plus de 1 000 réponses ont été recueillies en ligne de juillet à novembre 2021 (60% d’hommes, 40% de femmes). Voir la synthèse de la CFDT en pièce jointe.
Ordonnances de 2017 : les 10 demandes de la CFDT |
Augmenter le crédit d’heures de délégation Permettre aux suppléants de suivre les réunions plénières par visioconférence. À défaut, leur permettre de participer à deux plénières par an. Créer, dans les entreprises multisites, une obligation de mise en place de représentants de proximité chargés de recueillir les demandes individuelles et collectives, avec 2 jours de formation en santé, sécurité et conditions de Travail (CSSCT). Ouvrir le droit aux représentants des salariés de communiquer par courriel (boites mail professionnelles) auprès de l’ensemble des travailleuses et travailleurs. Rendre obligatoire la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) dès 50 salariés. Allonger d’un mois, à défaut d’accord, les délais de consultation de droit commun dans les cas suivants : • Consultation sur la politique sociale axée sur les conditions de travail, • Consultation sur les orientations stratégiques, • Projet ayant des effets importants sur les conditions de travail, • Expertise faisant suite à l’identification d’un risque grave. Faire de la valorisation et de la sécurisation des parcours professionnels des représentants du personnel un thème réservé de négociation (celui où l’accord de branche prime sur l’accord d’entreprise), avec une clause spécifique obligatoire pour les entreprises de moins de 50 salariés.Donner aux représentants du personnel des moyens supplémentaires (formation et heures de délégation) aux membres du CSE concernant les nouvelles prérogatives environnementales du CSE.Modifier les règles de négociation des accords de performance collective (APC) afin qu’ils soient “négociés en toute transparence et conclus pour une durée déterminée”.Rendre obligatoire la consultation du CSE sur les accords de rupture conventionnelle collective (RCC) afin que leur impact sur les conditions et l’organisation du travail soit pris en compte. La CFDT demande un recours à l’expertise payé à 100% par l’employeur. |
Bernard Domergue
Salaires : fortes tensions autour des négociations annuelles obligatoires
Mouvements de grève, débrayages, blocages d’entrepôts… Les négociations annuelles obligatoires qui se déroulent actuellement sont tendues. Avec le retour de l’inflation et le prix de l’énergie, les attentes des salariés sont fortes.
Débrayages dans une soixantaine de magasins et blocage de trois entrepôts, en Ile-de-France, à Valence et à Dourges dans le Nord… Leroy Merlin a connu des négociations salariales plus sereines. En novembre dernier, la proposition de la direction d’augmenter les salaires de 2 % pour les employés non-cadres n’a pas convaincu l’intersyndicale (CFDT, CFTC, CGT, FO). Et la réaction n’a pas tardé : la mobilisation d’une heure dans les magasins le week-end, pendant 14 jours, a été très suivie par les salariés, syndiqués ou non. “En 20 ans, cela n’était jamais arrivé”, confie Bernard Vigourous, délégué syndical central FO de l’enseigne de bricolage.
La direction a rouvert les négociations, en relevant les salaires à 3,9 % en moyenne au 1er janvier 2022 (avec une augmentation de 65€ pour les premiers niveaux de salaire, contre 40€ initialement prévus). Et a accepté de doubler la prime inflation, de 100 à 200€, qui sera versée fin janvier.
“La grève a payé”, constate Bernard Vigourous.
Une “première” chez Decathlon
Le cas de Leroy-Merlin n’est pas isolé. Carrefour a également entamé un mouvement de grèves pendant les fêtes de fin d’année. Chez Décathlon, aussi, une mobilisation de deux jours, en fin d’année, dans un quart des magasins, une première dans l’enseigne sportive, a permis de gonfler la feuille de paie : la direction a dû revoir ses propositions initiales à la hausse, avec in fine 3,1 % pour les employés, 2,8 % pour les agents de maîtrise et 50€ bruts pour les cadres, contre une revalorisation initiale de 2 %, selon Sébastien Chauvin, délégué central CFDT. S’y ajoute une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat de 400€ (250€ au départ) et la prime énergie.
La grogne a aussi gagné Sephora, Cora, Sanofi, EDF.
“Les salariés attendent un effet de rattrapage”
Dans un contexte de retour de l’inflation, les attentes des salariés sont fortes. D’autant que la revalorisation du Smic au 1er octobre a provoqué un écrasement de la grille salariale. Conséquence ? “Les trois premiers niveaux de la grille salariale se sont retrouvés en dessous du Smic, pointe Sylvain Macé, délégué syndical CFDT du groupe Carrefour France. En deuxième ligne pendant la pandémie, les salariés dits essentiels ont le sentiment que leurs salaires n’ont pas été revalorisés. Ce n’est pas très motivant”.
Si les négociations de fin d’année ont réussi à couvrir la perte de pouvoir d’achat en 2021 (avec une hausse de 1 % sur novembre et décembre) celles qui ont tout juste commencé s’annoncent tendues. Le syndicat revendique une hausse de 3 %.
Autre spécificité de l’année : “Les salariés ont fait le dos rond pendant la crise. En 2022, ils s’attendent à un effet de rattrapage et de reconnaissance des efforts consentis”, poursuit Bruno Rocquemont, directeur conseil gestion des talents et rémunération au sein de Mercer France.
“Récompenser l’engagement”
15 % des entreprises ont connu une année blanche en 2021 en termes d’augmentation de salaire, selon un sondage publié par LHH en septembre dernier. Chez Thalès, “les revalorisations, comprises entre 1 % et 1,5 % selon les différentes sociétés du groupe, n’ont eu lieu qu’en juillet. Ce qui signifie qu’elles n’ont porté que sur une demi-année puisque ces augmentations n’ont pas été rétroactives”, fulmine Grégory Lewandowski, délégué CGT du groupe Thales qui demande en compensation une augmentation de 5 % pour 2022.
Dans la galaxie Airbus, le budget était à zéro pour Airbus Commercial Aircraft sur la période de juin 2021 à juin 2022. “Cette année, l’objectif est au moins de couvrir l’inflation et de récompenser l’engagement des salariés, indique Edwin Liard, secrétaire fédéral FO métallurgie. Les salariés d’Airbus sont en attente d’un budget significatif cette année afin d’augmenter leur pouvoir d’achat”. Les prochaines discussions devraient commencer en mars prochain pour la période de juin 2022 à juin 2023.
Mais les NAO 2022 seront-elles à la hauteur des attentes ?
“Le thème du pouvoir d’achat est devenu un sujet de campagne présidentielle, poursuit Bruno Rocquemont. Sous la pression des politiques, les salariés s’attendent à des augmentations. D’autant que la croissance économique est extrêmement forte et que l’on assiste à des tensions sur certains métiers”.
Des augmentations comprises entre 2,3 % et 2,5 %
Selon les premiers calculs de Mercer, les coups de pouce pourraient être compris entre 2,3 % et 2,5 %, contre 2 % initialement prévus à la fin de l’été. “Malgré les incertitudes, notamment de l’épidémie Omicron et du risque de désorganisation des entreprises, les entreprises comprennent les attentes des collaborateurs”.
BNP Paribas, qui a ouvert le bal des négociations en novembre dernier, a octroyé 1,5 % de la masse salariale aux augmentations individuelles et 0,6 % aux augmentations collectives, pour les salariés percevant un salaire fixe annuel jusqu’à 80 000€, avec un plancher de 280€ bruts.
Chez Sanofi, le projet d’accord, soumis à signature depuis le 20 décembre, table sur une revalorisation de 2,35 % qui inclut une enveloppe d’augmentation collective (1 %) et une enveloppe dédiée à l’équité professionnelle (0,1 %). Quelle que soit la catégorie socio-professionnelle concernée, l’accord précise que l’augmentation collective ne pourra être inférieure à 400€ bruts annuels. FO et la CFE-CFC demandaient 5 %.
Dans l’aéronautique, Safran a accordé entre 2,7 % et 2,9 % ; Satys, 2,9 % dont 2,5 % en augmentation collective, Dassault 1,6 %.
Les métiers en tension
Les hausses de salaire pourraient être plus importantes dans les entreprises qui ont du mal à recruter.
Selon Robert Walters, c’est la fonction supply chain qui bénéficiera de la plus forte augmentation, avec une envolée de 11 % en moyenne. Certains postes très qualifiés se sont révélés stratégiques pendant la crise sanitaire. La finance connaît également un effet de rattrapage, avec des augmentations moyennes de 9 %. La fonction juridique devrait connaître une envolée de 8 % et celle de IT/digital de 7 %.
“Très fragilisée pendant la pandémie, l’aéronautique devrait à nouveau recruter en 2022, soutient Edwin Liard, en évoquant les prévisions du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) qui table sur 10 000 à 15 000 recrutements. Il faudra donc être attractif. 4 % des effectifs ont quitté le métier durant la crise”.
Les négociations de branche patinent
Mais il n’y a pas que les métiers en tension qui ont envie d’un coup de pouce. A l’autre extrémité, la déception guette, notamment dans les métiers dits essentiels.
“Toutes les entreprises ne peuvent pas s’appuyer sur le dialogue social pour trouver des compromis. Certains salariés se sentent lésés, avance Olivier Guivarch, secrétaire général de la fédération CFDT Services. Faute de syndicats dans leur entreprise, ils doivent s’appuyer sur les négociations de branches. Or, les organisations patronales jouent avec le feu, en attendant la fin des négociations dans les entreprises. On assiste aujourd’hui à une inversion de la logique de négociation. La branche doit donner le “la”. Mais elle traîne des pieds”.
La nouvelle grille salariale dans le commerce alimentaire a été étendue fin décembre “mais elle est déjà obsolète par rapport à la revalorisation du Smic. Une prochaine réunion doit avoir lieu le 12 janvier, mais à ce rythme-là, il faudra attendre le printemps pour parvenir à un accord, et septembre pour voir les avancées concrètes sur les fiches de paie, en comptant la procédure d’extension. Ce qui est insupportable pour les salariés”, poursuit Olivier Guivarch.
D’autant que de nombreux salariés passent sous les radars des accords d’entreprise. Chez Carrefour, par exemple, l’annonce de la cession d’une partie de son parc d’hypermarchés et de supermarchés (soit 43 magasins en location-gérance) entraînera le départ de 6 000 salariés en 2022. Avec à la clef, une perte importante de pouvoir d’achat et d’avantages sociaux ad hoc.
La question est suffisamment prise au sérieux pour que, côté gouvernement, on exhorte les branches à ouvrir des négociations pour revoir les grilles. Il y a beaucoup de discusions en cours. Mais pour l’heure, hormis l’hôtellerie-restauration, on constate peu d’avancées concrètes.
Anne Bariet
Le Parlement propose de rénover le comité d’entreprise européen
Rénover les règles de participation des travailleurs aux conseils d’administration et de surveillance des entreprises, réviser la directive sur les comités d’entreprises européens (CEE), remettre à plat les règles de la société européenne (SE)… Telles sont les propositions que le Parlement européen a transmises à la Commission dans une résolution adoptée le 16 décembre dernier (texte en pièce jointe). Les députés ont donc tenu compte des doléances de la confédération européenne des syndicats (lire sa résolution du 26 mars 2021) et invitent la Commission à introduire une nouvelle directive-cadre sur l’information, la consultation et la participation des travailleurs des entreprises européennes.
Il pourrait s’ensuivre une révision de la directive de 2009 sur le comité d’entreprise européen. Les députés regrettent également que les textes relatifs à la société européenne (SE) comportent des “failles” permettant aux dirigeants de contourner les règles de représentation des travailleurs. Par ricochet, les règles touchant aux restructurations et aux fusions transfrontalières pourraient être modifiées si un tel projet voyait le jour. Ces nouvelles règles viseraient les entreprises et groupes d’entreprises de dimension européenne, disposant de comités d’entreprises transnationaux et employant au moins 1 000 salariés dans l’Union européenne dont 150 dans au moins deux Etats membres.
La Commission n’est pas tenue de suivre ces recommandations. En revanche, elle devra motiver sa décision. Pour l’instant, la révision de la directive sur le CEE ne figure pas dans son programme de travail pour 2022.
actuEL CE
Entreprises adaptées : nouveaux montants des aides au poste
Deux arrêtés du 28 décembre 2021 fixent les nouveaux montants des aides au poste versées aux entreprises adaptées (EA) qui participent, ou non, à une expérimentation. Ces revalorisations font suite à l’augmentation du Smic au 1er octobre 2021 et s’appliquent donc, de façon rétroactive, à compter de cette date.
Hors expérimentation
Pour les entreprises hors expérimentation, le montant annuel de l’aide par poste de travail occupé à temps plein (hors Mayotte) est fixé à :
- 16 084 euros pour les travailleurs âgés de moins de 50 ans, contre 15 738 euros auparavant ;
- 16 293 euros pour les travailleurs âgés de 50 ans à 55 ans, au lieu de 15 942 euros ;
- 16 711 euros pour les travailleurs âgés de 56 ans et plus, contre 16 351 euros.
Mise à disposition
L’aide financière attribuée à l’EA en cas de mise à disposition d’un travailleur handicapé auprès d’un employeur autre qu’une EA est fixée à 4 282 euros par an et par poste de travail occupé à temps plein (4 190 euros auparavant). Cette enveloppe finance l’accompagnement professionnel individualisé, réalisé par l’entreprise adaptée, pour favoriser la réalisation du projet professionnel de l’intéressé.
CDD tremplin
Le montant socle de l’aide financière attribuée aux EA autorisées à mettre en œuvre l’expérimentation des CDD “Tremplin” est fixé à 10 987 euros (8 294 euros à Mayotte), contre 10 751 euros.
Entreprises adaptées de travail temporaire
Les entreprises adaptées de travail temporaire, expérimentées jusqu’au 31 décembre 2022, percevront, quant à elles, une aide d’un montant de 4 671 euros (3 526 euros à Mayotte), contre 4 570 euros antérieurement.
actuEL CE
Plan d’accompagnement des CSE : les actions envisagées, les critiques syndicales
Le ministère a présenté hier soir par visio aux partenaires sociaux un plan d’accompagnement visant les élus des CSE et les employeurs, plan qui passe par une meilleure communication sur les offres de formation et de possibilité de valorisation des mandats. Pas à la hauteur des problèmes rencontrés sur le terrain, estiment les syndicats. Un groupe de travail va se mettre en place.
Pour le ministère du Travail, “au regard de l’ampleur des réformes engagées” par les ordonnances Macron il y a 4 ans, ordonnances qui ont créé l’instance unique de représentation du personnel et réformé la négociation collective, un “délai d’appropriation” était inévitable.
Mais il est aujourd’hui nécessaire “de mobiliser les acteurs”. Aussi le ministère propose-t-il aux partenaires sociaux de constituer un groupe de travail associant administrations et organismes concernés (direction générale du travail, Anact, Intefp, etc) autour de propositions en vue d’un accompagnement des CSE et d’une relance du dialogue social. Pour le gouvernement, les outils existent, il faut aider les acteurs sociaux à s’en saisir. Lors d’une visioconférence hier soir, le ministère du Travail a échangé avec les partenaires sociaux sur le contenu de ce plan, qui fait suite au dernier rapport du comité d’évaluation des ordonnances de 2017.
Le contenu du plan envisagé
Le plan envisagé comporte trois points ne nécessitant a priori aucune modification législative ou réglementaire des ordonnances de 2017.
- 1/ Le renforcement de la formation des élus et la valorisation des parcours syndicaux.
Formation des élus : Il s’agit de donner plus de “visibilité” aux offres de formation régionales en les recensant. Mais aussi de développer de nouvelles offres de formation sur le dialogue social avec le ministère de l’Enseignement supérieur afin de développer le diplôme universitaire “dialogue social” et en produisant un MOOC sur le dialogue social (Ndlr: un MOOC est une formation en ligne). Enfin, il est aussi question de “valoriser les formations communes”, toujours peu développées, entre les représentants des employeurs et les représentants des salariés : une campagne de communication serait lancée pour mettre en avant “les démarches ayant rencontré le succès”.
Valorisation des parcours syndicaux : comment renforcer l’attractivité des mandats ? Le ministère propose de mettre en valeur les dispositions conventionnelles innovantes sur ce thème “grâce à l’analyse d’une série d’accords par une université” et en construisant sur cette base “un module pédagogique” d’aide à la négociation de ces dispositions. Le plan comporte aussi un renforcement de la communication sur la certification relative aux compétences acquises dans l’exercice d’un mandat (électif ou syndical), certification gérée par l’Afpa, ou encore d’élargir les concours de la fonction publique auxquels les anciens représentants du personnel peuvent accéder via le troisième concours.
On se souvient que ce thème n’avait guère été anticipé par le ministère, alors même que la réduction du nombre des mandats et la limitation de leur nombre rendaient ce problème incontournable à terme.
- 2/ L’accompagnement à la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) et l’appropriation des outils de réorganisation des systèmes de représentation dans l’entreprise..
Pour accompagner les petites entreprises dans la mise en place du CSE, le document évoque le développement de réseaux d’employeurs et d’élus CSE (comme le réseau des incubateurs CSE d’Occitanie), l’action ciblée des services de l’administration du travail vers les entreprises qui ont le plus besoin de conseils, et la mise en place d’ateliers pour “sensibiliser les petites entreprises à l’utilité des CSE”, sur le modèle des ateliers de l’Anact.
Concernant la santé, la sécurité et les conditions de travail, le plan évoque “un référentiel de compétences à destination des membres du CSE” sur ces thèmes, mais aussi des ateliers de “sensibilisation” sur ces sujets pour les sociétés de moins de 50 salariés, et “la mise en lumière” des accords innovants sur la santé au travail.
- 3/ La montée en puissance de la négociation collective, notamment dans les très petites entreprises (TPE),
Le gouvernement constate que la faculté offerte par la loi aux partenaires sociaux d’aménager le calendrier, le contenu et le rythme des négociations n’a guère été utilisée, la négociation se concentrant dans les TPE sur certains thèmes comme l’épargne salariale. Pour y remédier, le ministère souhaite une “montée en puissance” des Observatoires départementaux du dialogue social (ODDS), afin de “favoriser le partage des bonnes pratiques”. Cela passe par une meilleure formation des membres de ces observatoires (“élaboration des diagnostics, aide à la conduite de projets”, etc.).
L’idée est là aussi de mobiliser l’administration et “d’outiller davantage les négociateurs” grâce à l’Anact (“kits d’appui à la négociation” par ex), et de faire la publicité des accords innovants.
Sur le plan des branches, le ministère envisage un groupe de travail réunissant plusieurs secteurs “afin d’identifier les blocages structurels ou ponctuels rendant difficile pour les branches l’élaboration de stipulations spécifiques pour les TPE”.
Les critiques syndicales
Il semble que les organisations patronales ont accueilli plutôt favorablement le plan présenté dès lors qu’il ne s’agit pas de modifier la loi. Mais du côté des organisations syndicales (OS), comme l’avait déjà exprimé vendredi la CFDT (lire, le désaccord était manifeste. “Il y a eu une sorte de front commun des OS pour dire que le problème principal ne réside pas tant dans un défaut d’accompagnement que dans la réponse aux défauts évidents des ordonnances : charge de travail des élus trop importante, absence de proximité entre élus et salariés, mauvaise prise en compte des questions santé, sécurité et conditions de travail”, résume Philippe Portier, pour la CFDT.
“Ne proposer qu’un accompagnement à droit constant, c’est passer à côté des sujets soulevés par le rapport du comité d’évaluation des ordonnances. A la CFTC, nous avons formé nos élus et délégués aux ordonnances et à la négociation et pour autant, de nombreuses entreprises savaient qu’elles pouvaient ne pas négocier et se contenter du minimum applicable “, renchérit Pierre Jardon, pour la CFTC.
Ce plan est un habillage à la marge
Pour Fabrice Angéi, de la CGT, ce plan est “un habillage à la marge” : “Il y a un très gros décalage entre le plan présenté, qui n’apporte rien de très nouveau, et le constat sur le terrain. Mais le ministère veut agir à droit constant, donc on ne change rien”. Selon le responsable CGT, ce n’est pas le type d’accompagnement envisagé qui fera que les entreprises négocieront davantage la mise en place du CSE (discuté dans 20% des cas seulement) ou qui donnera de nouvelles attributions au commissions santé, sécurité et conditions de travail, la CGT réclamant le retour des CHSCT. Quant à l’affaiblissement de l’action des branches sur les TPE, il ne faut pas selon lui en chercher loin les raisons : “Les employeurs ont intérêt à opter pour le référendum entreprise par entreprise”, dit Fabrice Angéi.
Il ne s’agit pas de répondre aux problèmes, mais d’accompagner les ordonnances
“L’objet de ce groupe de travail ne semble pas être de mettre l’accent sur les lacunes de la loi en vue de les corriger mais bien d’accompagner la mise en oeuvre des ordonnances”, commente pour sa part FO qui entend “combattre” certaines propositions d’accompagnement telles que “la « négociation » dans les TPE (“le référendum d’entreprise dans les moins de 21 salariés n’est en aucun cas de la négociation, mais un texte unilatéral de l’employeur soumis au vote des salariés”), les formations communes, le recours à la dérogation en matière de NAO (négociation annuelle obligatoire) avec la possibilité de modifier le calendrier et les thèmes de négociation obligatoire…”
FO demande le rétablissement des CHSCT, un droit à la formation pour les élus CSE suppléants, le renforcement du nombre des délégués de proximité (dont la création, facultative, passe actuellement par un accord), des moyens et jours de formation supplémentaires pour les élus liés aux nouvelles prérogatives environnementales, ou encore la fin de la limitation à deux des mandats des élus du personnel. Enfin, Force ouvrière estime qu’il ne s’agit pas de convaincre de l’utilité d’un CSE les employeurs récalcitrants mais d’imposer le respect de la loi.
Un groupe de travail piloté par la DGT
Le ministère du Travail a indiqué hier soir en fin de réunion aux partenaires sociaux qu’il allait compléter ses propositions à la lumière des remarques syndicales, mais toujours à droit constant. Un groupe de travail réunissant les partenaires sociaux va donc se mettre en place d’ici trois semaines, piloté par la Direction générale du travail (DGT) avec sans doute une nouvelle réunion en janvier. “Il y a des points intéressants dans ce plan, et nous y travaillerons, mais c’est dommage”, lâche Pierre Jardon (CFTC). Gilles Lecuelle (CFE-CGC) abonde : “Revaloriser les parcours syndicaux ? Très bien, mais n’avons-nous pas déjà travaillé sur les certifications ? A la CFE-CGC, nous avons fait le boulot pour informer nos élus sur le diplôme universitaire de dialogue social et sur la valorisation des compétences”. Ambiance…
Bernard Domergue
Les partenaires sociaux réclament plus de moyens pour les prud’hommes
Des greffiers, des formations, des outils informatiques… Les propositions paritaires “pour une justice prud’homale renforcée” suggèrent de fournir plus de moyens aux conseillers prud’homaux afin d’améliorer l’efficacité de ces juridictions dédiées au travail. Le document a été validé par les sept organisations syndicales et patronales participant à l’agenda autonome des partenaires sociaux.
Des bonnes pratiques, des pistes de consolidation mais aussi des demandes de moyens. Tel est le contenu des propositions paritaires pour une justice prud’homale renforcée (document en pièce jointe). Adopté mi-novembre 2021, le document est désormais validé par les organisations syndicales et patronales qui participent à l’agenda autonome des partenaires sociaux (CPME, MEDEF, U2P pour le patronat, CFDT, CFTC, FO, CFE-CGC pour les syndicats de salariés, à l’exclusion de la CGT (1).
Les partenaires sociaux jugent les moyens de la justice prud’homale insuffisants
Constatant un sous-effectif des services de greffe, une grande “diversité” des conditions matérielles des conseils de prud’hommes et une faible indemnisation des conseillers, les partenaires sociaux réclament la création d’un fonds financier dédié à la justice prud’homale. Il faut également selon eux recruter des greffiers, leur nombre s’étant considérablement réduit ces dernières années (lire notre interview), des juristes et des assistants de justice. La question des locaux est également soulevée : favoriser leur accès, garantir de bonnes conditions d’audience (y compris foraines c’est-à-dire hors d’un bâtiment judiciaire officiel), rationaliser les implantations immobilières.
Sur le plan des moyens informatiques et numériques, les syndicats demandent l’accès aux bases de données et ressources juridiques en ligne, ainsi que des outils d’aide à la rédaction des jugements, comme des trames de jugements pré-rédigées.
Sur le plan de l’indemnisation des conseillers prud’homaux, ils proposent de réévaluer l’indemnité horaire afin de réduire les écarts entre celle des conseillers d’employeurs et celle des conseillers de salariés. Le temps de formation devrait selon eux être également indemnisé. Il faudrait aussi revaloriser les frais de déplacement, réviser les règles d’exonération fiscale des indemnités et garantir une indemnisation plus rapide.
Enfin, les partenaires sociaux abordent la question de la formation des conseillers et proposent de la rendre obligatoire pour trois sessions par an. Évaluer les formations initiales et actualiser le cadre réglementaire des formations prud’homales leur semble également indispensable.
Simplifier désignation et procédures
Les partenaires sociaux proposent d’adapter la désignation des conseillers prud’homaux en fonction des évolutions démographiques, économiques et contentieuses de la carte judiciaire. Il est ainsi question de réviser régulièrement les règles de répartition des siège afin d’ajuster le nombre de conseillers au nombre de dossiers. Autre mesure : assouplir les règles de parité hommes / femmes dans le cadre des désignations complémentaires “en autorisant un écart réduit d’un ou deux sièges afin de faciliter la recherche de candidats”.
Côté procédure, il est question notamment :
- de rétablir la comparution volontaire des parties, c’est-à-dire se présenter directement devant les conseils de prud’hommes pour faire valider un accord de conciliation ;
- de limiter le recours au juge départiteur notamment sur les mesures provisoires en bureau de conciliation et d’orientation ;
- d’éviter les annulations d’audience, soit par le remplacement des conseillers absents par des conseillers d’autres chambres ou sections soit directement par le traitement du dossier par une autre chambre ;
- de mesurer l’activité des conseils de prud’hommes : taux de conciliation, délai de traitement des affaires, taux de condamnation, taux de recours, résultat des recours ;
- d’évaluer la règle permettant un renvoi direct au bureau de jugement à cinq avec départiteur.
Enfin, les partenaires sociaux souhaitent renforcer la place des conseillers en renforçant leur dimension juridictionnelle, par exemple en les dotant de prérogatives de chefs de juridiction (pouvoir budgétaire et disciplinaire) ou en généralisant une conférence des présidents et vice-présidents pour délibérer sur des sujets d’intérêts communs et d’harmoniser les bonnes pratiques.
Ces propositions sont censées nourrir la réflexion du groupe de travail sur la justice économique et sociale, dirigé par Jean-Denis Combrexelle, dans le cadre des États généraux de la Justice, dont les conclusions sont d’ailleurs attendues en février 2022. Les prud’hommes demeurent une juridiction fragile, dont les délais s’allongent alors que le nombre d’affaires jugées apparaît en baisse depuis plusieurs années.
- La CGT n’a pas participé à la définition de l’agenda commun des part sociaux mais elle est présente à la négo sur le paritarisme.
Marie-Aude Grimont
Aides exceptionnelles aux entreprises : où en est-on ?
Activité partielle, aide aux coûts fixes, exonération de charges patronales, aide fermeture, prêts : le gouvernement prolonge, réactive et crée des mesures destinées à soutenir les entreprises affectées par la crise sanitaire. Le point sur les nouveaux textes et les annonces récentes.
En ce début d’année, il souffle un air de quoi qu’il en coûte. Avec la nouvelle vague de la Covid-19, des dispositifs d’aide sont prolongés. Certains sont mêmes réactivés. Et d’autres sont créés. Exemple : “les entreprises des secteurs impactés (S1/S1bis) pourront bénéficier, pour le mois de décembre [2021] et de janvier [2022], du dispositif «coûts fixes» dès lors qu’elles perdent 50% de leur chiffre d’affaires par rapport au même mois en 2019”, annonce le gouvernement (voir le communiqué de presse) rappelant au passage que “ce dispositif permet de compenser 90% (70% pour les entreprises de plus de 50 salariés) des pertes d’exploitation (EBE négatif)”. Pourtant, il avait
affirmé que cette mesure ne serait pas prolongée au-delà du mois d’octobre 2021.
L’exécutif veut même aller plus loin pour les discothèques. Ces dernières bénéficieraient d’une prise en charge intégrale de leurs pertes d’exploitation pour décembre 2021 et janvier 2022. Nous récapitulons dans le tableau ci-dessous l’actualité des aides telle qu’elle résulte soit d’un texte juridique soit d’une annonce du gouvernement.
Dispositif | Entreprises éligibles | Période d’éligibilité | Source d’information |
Aide aux coûts fixes | Entreprises des secteurs S1 et S1 bis perdant au moins 50 % de chiffre d’affaires. Elles bénéficient d’une subvention égale, selon la taille de l’entreprise, à 90 ou 70 % de leur perte d’exploitation. Pour les discothèques, la subvention couvrirait totalement la perte d’exploitation. | L’aide aux coûts fixes est réactivée pour décembre 2021 et janvier 2022 | |
Activité partielle | Entreprises fermées par décision administrative ; entreprises situées dans une circonscription territoriale soumise à des restrictions spécifiques des conditions d’exercice de l’activité économique et de circulation des personnes prises par l’autorité administrative lorsqu’elles subissent une forte baisse de chiffre d’affaires ; entreprises qui relèvent des secteurs S1 et S1 bis et qui continuent de subir une très forte baisse du chiffre d’affaires. | Le taux (70 %) majoré d’indemnité et d’allocation d’activité partielle est prolongé jusqu’au 31 janvier 2022. D’autres mesures ont été prises récemment en matière d’activité partielle. | Décret n° 2021-1816 et décret n° 2021-1817 |
Exonérations de charges patronales et aide au paiement de charges sociales pour les salles de danse | ► Les salles de danse (relevant du type P) bénéficient (sous condition) d’une exonération de charges patronales et d’une aide au paiement des charges sociales (égale à 20% du montant des rémunérations des salariés) pour les périodes d’emploi courant du 1er novembre au 31 décembre 2021. A noter que les employeurs qui exercent leur activité principale dans d’autres secteurs fragilisés par la crise et dont l’effectif est inférieur à 250 salariés (voire à 50 salariés pour certains secteurs) bénéficient – sous certaines conditions – de ce même dispositif d’exonération et d’aide sociales pour les périodes d’emploi courant au plus tard jusqu’au 31 décembre 2021, indique le décret. ► La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoit que les montants des aides Covid 2 et Covid 3 qui n’ont pas pu être imputées sur les cotisations et contributions dues au titre de l’année 2021 pourront l’être sur celles dues au titre de 2022. | Novembre et décembre 2021 | ► Décret n° 2021-1956 ► Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 |
Prêt garanti par l’Etat | La durée totale de remboursement des prêts garantis par l’Etat (PME) peut être portée de 6 à 10 ans pour certaines entreprises. D’après le gouvernement, cela concerne “les TPE en situation de grave tension de trésorerie. Après avoir pris contact avec leur banque, ces entreprises devront s’adresser à la Médiation du crédit de la Banque de France ou aux conseillers départementaux de sortie de crise”. | Pas de période particulière précisée | |
Aide fermeture | Une subvention mensuelle est accordée aux établissements fermés (intégralement ou non) qui dépassent le plafond de l’aide sur les coûts fixes et qui ont perdu au moins 80% de chiffre d’affaires. Elle est destinée à compenser 70 % des pertes brutes d’exploitation (“excédent” brut d’exploitation négatif). | Entre janvier et août 2021 | Décret n° 2021-1664 |
Aide renfort | Subvention destinée aux discothèques et aux bars/restaurants qui ont une salle de danse et dont le chiffre d’affaires a chuté d’au moins 50 % en décembre 2021. Elle couvre les charges des comptes des divisions 60, 61, 62, 63 et 64. | Décembre 2021 | Décret n° 2022-3 |
Ludovic Arbelet
Représentation des travailleurs des plateformes : les modalités d’organisation du scrutin sont fixées
Un décret du 23 décembre 2021 détermine les modalités d’organisation du scrutin destiné à mesurer l’audience des organisations de travailleurs des plateformes. Le décret précise les modalités de constitution de la liste électorale et les conditions nécessaires à une organisation syndicale ou professionnelle pour pouvoir être candidate. Il détermine enfin les conditions de mise en place du vote par la voie électronique.
L’ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021 a déterminé les règles relatives à la représentation des travailleurs de plateformes : pour chacun des deux secteurs d’activité définis (chauffeurs VTC, et livreurs à deux ou trois roues), scrutin national à tour unique, par vote électronique, sur sigle, sous la houlette de la nouvelle autorité administrative créée ad hoc, l’Arpe (autorité des relations sociales des plateformes d’emploi.
► Le projet de loi de ratification de l’ordonnance du 21 avril est toujours en discussion au Parlement. Le 5 janvier 2022, la commission mixte paritaire s’est mise d’accord sur un texte qui doit désormais être adopté formellement en séance publique à l’Assemblée nationale et au Sénat le 26 janvier 2022. Ce projet de loi, outre la ratification de l’ordonnance, a également pour objet une nouvelle habilitation à légiférer par ordonnance afin de compléter les règles organisant le dialogue social du secteur entre les plateformes et les travailleurs indépendants, et de compléter les missions de l’Arpe.
Un décret du 23 décembre 2021 détermine les modalités d’organisation de ce scrutin, en application de l’article L.7343-11 du code du travail. Plusieurs arrêtés sont attendus pour fixer la date des élections (avant le 31 décembre 2022), ou encore les modalités de dépôt des candidatures ou de la propagande électorale.
►A noter que l’article 116 de la loi de finances pour 2022, conformément à l’article L.7345-4 du code du travail, crée une taxe assise sur le chiffre d’affaires réalisé par les exploitants de plateformes numériques opérant dans le secteur du transport des passagers ou de livraison, à l’occasion de la mise en relation d’un travailleur indépendant avec un client afin de financer l’Arpe. Cette nouvelle taxe est codifiée aux articles 300 bis à 300 sexies du code général des impôts. Le taux de cette taxe est fixé annuellement par un arrêté conjoint des ministres chargés du budget, du transport et du travail dans la limite de 0,5 %. La taxe est applicable dès 2021 avec des modalités particulières pour cette première année (dans des conditions à fixer par arrêté, à paraître).
Électorat
Le vote est ouvert aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique des secteurs des VTC et de la livraison (article R.7343-1 du code du travail).
Un scrutin est organisé pour chacun des secteurs (VTC et livraison). Les travailleurs peuvent participer au scrutin de chacun des secteurs d’activité dans lequel ils exercent leur activité s’ils remplissent la condition d’ancienneté de trois mois prévus à l’article L. 7343-7 (article R.7343-2 du code du travail).
► Cette condition s’apprécie au premier jour du quatrième mois précédant l’organisation du scrutin en totalisant, au cours de la période constituée des six mois précédents, les mois pendant lesquels ces travailleurs ont effectué au moins cinq prestations pour une plateforme (article L.7343-7 du code du travail).
Information préalable à l’organisation du scrutin
L’Arpe informe les travailleurs concernés de l’organisation à venir du scrutin, au moins deux mois avant la tenue de celui-ci. A cette fin, elle procède à une publication sur le site internet dédié aux opérations de vote.
Sur demande de cette Autorité, les plateformes transmettent aux travailleurs, dans le même délai, à travers les applications numériques qu’elles utilisent dans leurs relations
commerciales avec ces derniers, l’information relative à l’organisation à venir du scrutin.
L’information diffusée précise, notamment, la date envisagée pour le tour unique de scrutin et le lien vers le site internet dédié aux opérations de vote (article R.7343-2-1 du code du travail).
Traitement des données à caractère personnel
L’Arpe est responsable du traitement automatisé des données à caractère personnel créé fin de préparer et permettre le vote électronique.
Le décret fixe le détail des catégories de données à caractère personnel traitées relatives à l’établissement de la liste électorale, au traitement des candidatures, à la communication aux électeurs des informations permettant le droit de vote et aux opérations électorales.
Un arrêté du ministre chargé du travail (à paraître) précise les caractéristiques de ce traitement automatisé (article R.7343-3 du code du travail).
Un arrêté du ministre chargé du travail (à paraître) fixera les modalités de mise en oeuvre du droit d’accès et de rectification des données enregistrées dans le traitement automatisé (article R.7343-5 du code du travail).
Il est en outre précisé que le système de vote électronique fait l’objet d’une expertise indépendante à la demande de l’Arpe préalablement à sa mise en place ou à toute
modification substantielle (article R.7343-4 du code du travail).
Les fichiers constitués à partir du traitement de ces données sont conservés par l’Arpe (article R.7343-6 du code du travail).
Liste électorale
Établissement de la liste électorale
La liste électorale est établie pour chaque secteur d’activité par le directeur général de l’Arpe, sur la base du traitement automatisé des données collectées auprès des
plateformes (identité des travailleurs et leur activité professionnelle) (articles R.7343-8 et R.7343-9 du code du travail).
► Pour l’établissement de la liste électorale, les plateformes transmettent à l’Arpe les données nécessaires à la constitution de la liste électorale et à la vérification de la condition d’ancienneté (article L.7343-8 du code du travail).
Mise à disposition et consultation de la liste électorale
Un extrait de la liste électorale, qui mentionne les noms, prénoms et numéro de Siren des électeurs, est établi par l’Arpe. Cet extrait peut être consulté sur le site internet dédié aux opérations de vote ou dans les locaux de l’Arpe.
Un arrêté du ministre chargé du travail (à paraître) déterminera la date à partir de laquelle l’extrait de cette liste peut être consulté et les modalités de cette consultation.
Enfin, l’Arpe envoie à chaque électeur, au plus tard 3 jours avant la date de mise à disposition de la liste, un document l’informant de son inscription sur cette liste, précisant les catégories de données à caractère personnel qui y figurent et lui indique les dates du scrutin ainsi que les modalités pour y participer (article R.7343-10 du code du travail).
Contestations des listes électorales
Préalablement à tout contentieux judiciaire, l’électeur (ou son représentant) saisit le directeur général de l’Arpe d’un recours relatif à l’inscription sur la liste électorale, dans un délai de sept jours à compter de la date à laquelle l’extrait de la liste électorale peut être consulté (article R.73 43-12 du code du travail). La décision du directeur général de l’Arpe est notifiée dans un délai de 10 jours à compter de la date de réception du recours. Le silence gardé vaut décision de rejet (article R.7343-14 du code du travail).
Un arrêté du ministre chargé du travail (à paraître) précisera les modalités de présentation de ce recours.
La contestation de la décision de l’Arpe est portée devant le tribunal judiciaire par requête remise ou adressée au greffe par LR AR. Elle est formée dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision ou de la naissance de la décision implicite de rejet.
Le tribunal judiciaire statue dans les 10 jours suivant la date du recours. La décision est susceptible de recours en cassation selon les modalités applicables en matière d’élections professionnelles, c’est-à-dire dans les formes et délais prévus par les articles 999 à 1008 du code de procédure civile (pourvoi dans les 10 jours à compter de la notification du jugement) (article R.7343-16 et suivants du code du travail).
Candidatures des organisations syndicales et des associations
Rappelons tout d’abord que l’élection a lieu sur sigle : les travailleurs des plateformes votent pour une organisation qui désigne ensuite ses représentants. Les organisations habilitées à se présenter sont les syndicats professionnels et leurs unions, mais aussi les associations, à condition qu’entre dans leur objet social : la défense des droits de ces travailleurs pour les syndicats ou la représentation de ces travailleurs et la négociation d’accords qui leur sont applicables pour les associations (article L.7343-2 du code du travail). Les organisations se déclarent candidates auprès de l’Arpe (article L.7343-6 du code du travail).
Les candidatures des organisations sont transmises par voie électronique. Si l’organisation se porte candidate dans les deux secteurs, elle doit établir deux candidatures. Quant aux associations et syndicats affiliés à une même organisation syndicale au niveau interprofessionnel, ils se déclarent candidats sous le seul nom de cette organisation (article R.7343-22 du code du travail).
Un arrêté du ministère du travail (à paraître) fixera les modalités et la période de dépôt des candidatures, ainsi que le modèle des documents requis pour le dépôt des candidatures.
L’article R.7343-24 détaille les pièces nécessaires au dépôt des candidatures. La validation de la candidature (ou son refus) est notifiée par l’Arpe par voie électronique (article R.7343-25 du code du travail).
Le directeur général de l’Arpe publie la liste des candidatures recevables sur le site internet dédié aux opérations de vote 15 jours après l’expiration de la période de dépôt fixée par arrêté. La contestation des décisions de l’Arpe concernant la validation des candidatures est formée par requête auprès du tribunal judiciaire dans un délai de sept jours à compter de la publication de la liste. Le tribunal judiciaire statue dans les 10 jours à compter de la date de saisine. Cette décision peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation, selon les modalités applicables en matière d’élections professionnelles, dans le délai de 10 jours suivant sa notification (articles R.7343-26 et suivants du code du travail).
Scrutin
Commission des opérations de vote
Une commission des opérations de vote est créée auprès du directeur général de l’Arpe. Elle est chargée de donner un avis sur la conformité des documents de propagande électorale, de s’assurer de l’envoi du matériel de vote électronique et d’assister au dépouillement. Elle est composée de deux représentants de l’Arpe et d’un mandataire de chaque organisation candidate (articles R.7343-31 et suivants du code du travail).
Propagande électorale
C’est donc l’Arpe, après consultation de la commission des opérations de vote qui examine les documents de propagande et décide de les valider ou les refuser dans un délai fixé par arrêté du ministre chargé du travail (à paraître). La contestation de ces décisions est formée par requête devant le tribunal judiciaire dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision de validation ou de refus de l’Arpe. Comme pour les contestations relatives aux candidatures : le tribunal judiciaire statue dans les 10 jours à compter de la date de saisine, cette décision pouvant faire l’objet d’un pourvoi en cassation, selon les modalités applicables en matière d’élections professionnelles, dans le délai de 10 jours suivant sa notification (articles R. 7343-35 et suivants du code du travail).
Vote électronique
Le vote a lieu par voie électronique au moyen d’un dispositif sécurisé, permettant aux électeurs d’exprimer leur vote dans le respect de l’anonymat, de la confidentialité et du
secret du vote. Les modalités d’accès au système de vote électronique et le fonctionnement général du scrutin font l’objet d’une communication aux électeurs sur le site internet dédié aux opérations de vote (articles R.7343-37 et suivants du code du travail).
Bureaux de vote
Les opérations de vote sont placées sous le contrôle d’un bureau de vote propre à chaque secteur d’activité (article R.7343-38 du code du travail). Le bureau de vote est présidé par un magistrat en activité ou honoraire de l’ordre judiciaire.
Le décret précise le reste de sa composition (article R.7343-39 du code du travail), il est en outre assisté d’un comité technique comprenant notamment l’expert indépendant (article R.7343-41 du code du travail). Il est chargé du contrôle de l’ensemble des opérations électorales, du dépouillement et de la proclamation des résultats. L’article R. 7343-40 détaille les missions précises du bureau de vote à chacune de ces étapes.
Pour chaque élection, le bureau de vote établit un procès-verbal, lequel mentionne tout évènement survenu pendant le scrutin, toute décision prise par lui et toute intervention effectuée sur le système de vote (article R.7343-42 du code du travail).
Chaque organisation candidate peut désigner 3 délégués habilités à contrôler l’ensemble des opérations de vote et à porter toute observation au PV. L’accès au bureau de vote est assuré à ces délégués, dans la limite de deux délégués à la fois par organisation (article R.7343-43 du code du travail).
Documents électoraux
L’identification des électeurs est assurée au moyen d’un identifiant et d’un mot de passe transmis suivant des modalités garantissant la confidentialité. Un protocole d’authentification reposant sur une question dont la réponse n’est connue que du votant (et du système de vote électronique) est mis en place. Ces informations, ainsi qu’une notice d’information détaillée sur le déroulement des opérations électorales, sont envoyées à chaque électeur au moins trois jours avant le premier tour du scrutin (article R.7343-44 du code du travail).
Les plateformes diffusent les informations nécessaires au bon déroulement du processus électoral et les liens sur les interfaces de propagande électorale et de vote électronique, via les interfaces ou applications numériques qu’elles utilisent dans leurs relations commerciales avec les travailleurs indépendants, sur la demande du directeur général de l’Arpe (article R.7343-45 du code du travail).
Opérations de vote
La période de vote est déterminée par un arrêté du ministre chargé du travail (à paraître) (article R.7343-46 du code du travail).
Les articles R.7343-47 et suivants détaillent le déroulement des opérations de vote (fichier des électeurs, urne électronique, listes d’émargement, bulletin de vote, validation, clôture du scrutin électronique, journal des opérations de vote).
Dépouillement
Après la clôture du scrutin, les membres du bureau de vote procèdent publiquement à l’ouverture de l’urne électronique. Le décompte des suffrages est réalisé par secteur
d’activité et porté au procès-verbal. Le PV est signé par tous les membres du bureau de vote et établi en deux exemplaires. Dès l’établissement du PV, les résultats sont proclamés par le président du bureau de vote puis transmis à la commission de vote pour affichage dans les locaux de l’Arpe. Les résultats sont également publiés sur le site internet dédié aux opérations de vote. Un exemplaire du PV est transmis au ministre chargé du travail. La publication des résultats a lieu le même jour que leur proclamation (articles R.7343-53 et suivants du code du travail).
Constatations des élections
La contestation relative à la régularité des opérations électorales est de la compétence du tribunal judiciaire (article L.7343-10 du code du travail). Elle est formée par requête dans un délai de 15 jours à compter de l’affichage des résultats, par tout électeur ou tout mandataire d’une organisation candidate relevant du secteur d’activité pour laquelle la contestation est formée. Le tribunal statue dans le délai d’un mois à compter de sa saisine. La décision du tribunal judiciaire peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans les conditions prévues en matière d’élections professionnelles (dans un délai de 10 jours à compter de la notification du jugement) (articles R.7343-55 et suivants du code du travail).
Recours contre l’arrêté de représentativité
La liste des organisations reconnues représentatives est arrêtée, au nom de l’État, par le directeur général de l’Arpe (article L.7343-4 du code du travail). Concernant le recours contre cet arrêté de représentativité, il est porté devant la cour administrative d’appel de Paris, compétente en premier et dernier ressort (article R.7343-60 du code du travail).
► La représentativité des organisations est déterminée d’après les critères cumulatifs identiques à ceux prévus par le code du travail pour les organisations syndicales (ils sont appréciés dans le cadre du secteur considéré) : respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, influence (caractérisée par l’activité des organisations concernées), effectif d’adhérents et cotisations suffisants. Ils doivent également disposer d’une ancienneté minimale de six mois (pour les
deux premières mesures d’audience) à compter de la date de dépôt légal des statuts conférant à l’organisation concernée une vocation à représenter ces travailleurs (article L.7343-3 du code du travail ; ordonnance n° 2021-484, 21 avril 2021, article 2, II). Pour être représentatives, les organisations doivent recueillir au moins 8 % des suffrages exprimés. A titre dérogatoire, ce seuil est fixé à 5 % pour le premier cycle électoral.
Severine Baudouin, Dictionnaire permanent Social
Présidence française de l’UE : les dossiers intéressant le monde des affaires
Numérique, commerce, environnement, social : tour d’horizon des principaux sujets que souhaite porter la France durant sa présidence du Conseil de l’UE.
Depuis le 1er janvier 2022, la France a officiellement pris la tête de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (UE). Pendant les six prochains mois, elle aura l’occasion de donner une impulsion à de nombreux chantiers et d’influer sur le calendrier législatif européen.
Le programme de la présidence, largement détaillé par Emmanuel Macron lors de la conférence de presse le 9 décembre dernier, s’articule autour de trois grands axes :
- une Europe souveraine (renforcement de l’espace Schengen, protection des frontières extérieures, maîtrise des migrations et une politique d’asile améliorée, relations avec les Balkans occidentaux et l’Afrique…) ;
- un nouveau modèle européen de croissance (production, création d’emplois, innovation, climat, numérique, social…) ;
- une Europe « à taille humaine » (état de droit, culture, science…).
C’est surtout le deuxième axe du programme – relatif à la croissance – qui couvre de nombreux sujets intéressant les entreprises et avocats d’affaires.
Numérique
Parmi ces thématiques, le numérique occupe le devant de la scène, avec en première ligne deux projets majeurs : le Digital Markets Act (DMA) qui vise à encadrer les activités des grandes plateformes en ligne et le Digital Services Act (DSA) qui porte sur la régulation des contenus. La France « fera avancer aussi loin que possible les négociations avec le Parlement européen » sur le DSA et « œuvrera à l’avancée des négociations » sur le DMA, précise le document du programme.
Autre enjeu de taille : « faire progresser un certain nombre de dossiers stratégiques au service de la souveraineté numérique européenne en matière de protection de données, de développement, de l’intelligence artificielle, de sécurité et de renforcement des réseaux et infrastructures pour une résilience accrue ». A ce titre, la présidence poursuivra l’examen du règlement sur l’intelligence artificielle et de celui relatif à la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques, dit « ePrivacy ». Elle continuera à se pencher sur la création d’une identité numérique européenne « afin de promouvoir des identités numériques fiables pour tous les Européens », sans oublier le développement d’infrastructures et de services cloud européens, avec le lancement du projet important d’intérêt européen commun sur le cloud.
Protection des consommateurs
Plusieurs chantiers relatifs à la protection des consommateurs sont inscrits à l’agenda de la présidence. Parmi ceux-ci :
- le renforcement de l’information des consommateurs sur les caractéristiques environnementales des produits, sur la base de la proposition législative qui sera présentée par la Commission ;
- la poursuite des discussions sur la modernisation de la directive sur la sécurité générale des produits et de la directive concernant les contrats de crédit aux consommateurs, dans le but d’adapter leurs dispositions aux défis que posent les nouvelles technologies et le développement du numérique ;
- le début des discussions sur la révision de la directive relative à la commercialisation à distance des services financiers auprès des consommateurs .
Propriété industrielle
Dans le domaine de la propriété industrielle, la présidence entend s’attaquer aux travaux sur la proposition de la Commission relative aux dessins et modèles (attendue pour le deuxième trimestre 2022), « afin de moderniser le système et d’améliorer son attractivité, notamment à l’égard des PME ». Elle souhaite aussi accompagner le lancement effectif de la Juridiction unifiée du brevet (JUB), une réforme très attendue par de nombreuses entreprises européennes.
Social
Autre thème fort de la présidence : le renforcement de l’Europe sociale (lire les 20 principes du socle européen des droits sociaux). Sur ce volet, la France espère aboutir à un consensus concernant la proposition de directive relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union. Au menu également, les discussions sur la proposition de directive relative à l’amélioration des conditions de travail des travailleurs de plateformes. Enfin, la présidence se fixe pour objectif de faire progresser les négociations dans le cadre des trilogues sur la proposition de directive visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’exécution afin de renforcer l’accès à l’information sur les salaires.
Environnement, finance durable, RSE
La présidence française sera bien évidemment l’occasion d’avancer sur la mise en œuvre du Pacte vert européen, et notamment de faire progresser le paquet énergie-climat (Fit for 55) qui doit permettre à l’Union de réduire ses émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030. Dans ce cadre, l’un des objectifs sera la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Les travaux porteront également sur l’économie circulaire, y compris la proposition relative à la déforestation importée ou encore le paquet sur les produits durables composé de plusieurs propositions législatives « visant à renforcer l’écoconception des biens et à protéger les consommateurs en s’assurant de la robustesse des allégations environnementales ».
Autre priorité : le développement de la finance durable, qui passe notamment par l’adoption du standard pour les obligations vertes. Une attention particulière sera par ailleurs accordée aux travaux sur la proposition de directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), pour laquelle la France espère « un calendrier de mise en œuvre ambitieux ». La future initiative sur le devoir de vigilance des entreprises dans leurs chaînes de valeur est également mentionnée dans le programme, sans plus de précisions.
Commerce
La France souhaite mettre en cohérence la politique commerciale avec les exigences environnementales et sociales, en poussant les « clauses miroir » dans les accords commerciaux avec des pays tiers pour que les produits importés soient soumis aux standards de production appliqués au sein de l’Union. Elle veut aussi poursuivre les négociations sur le règlement relatif aux marchés publics internationaux et le règlement sur la protection contre la coercition économique des pays tiers. Sans oublier la révision du règlement portant loi de blocage, afin de mieux protéger les opérateurs européens contre les effets de l’application extraterritoriale des sanctions par des pays tiers.
Fiscalité
Dans ce domaine, la priorité de la présidence est la transposition rapide au niveau européen de l’accord sur l’imposition minimale des multinationales, trouvé dans le cadre de l’OCDE le 8 décembre 2021. La proposition de la Commission a été présentée fin décembre 2021 et la réforme devrait se concrétiser dès le 1er janvier 2023. Au programme de la présidence figurent également les travaux sur la proposition de directive relative à la fiscalité de l’énergie et un premier bilan de la réforme du 1er juillet 2021 relative aux règles de la TVA en matière de commerce électronique.
Un programme riche, donc, avec, au total, près de 400 événements prévus en France et au sein de l’UE. Prochaine étape le 19 janvier, à Strasbourg, où Emmanuel Macron prendra la parole devant les eurodéputés pour exposer les objectifs du mandat français.
Veronika REBIER
Métiers en tension : le Cese préconise des avantages collectifs en faveur du pouvoir d’achat des salariés
Pour renforcer l’attractivité de métiers qui peinent à recruter, le Cese propose, parmi une vingtaine de recommandations, de mutualiser au niveau des branches professionnelles des avantages collectifs, par exemple via l’attribution de titres-restaurant, les chèques mobilité, logement et garde d’enfants. Avec à la clef, des exonérations sociales et fiscales.
Un “marronnier”, a averti d’entrée de jeu Sophie Thierry, la présidente de la commission emploi-travail du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et directrice de l’engagement sociétal chez Aésio (CFDT), qui présentait mercredi, un avis sur les métiers en tension. Si les difficultés de recrutement reviennent sur le devant de scène régulièrement, “à chaque retour de congé d’été”, cette fois la question prend une acuité particulière. D’une part, parce que le contexte de reprise économique, post-confinement, a accentué les pénuries de main d’œuvre. D’autre part, parce que la pandémie a fait naître de nouvelles attentes ; “le sens et la finalité du travail sont devenus cruciaux”, a complété Pierre-Olivier Ruchenstain, rapporteur de cet avis et par ailleurs directeur général de la Fédération des particuliers employeurs (Fepem).
Dans l’hôtellerie-restauration, 25 000 personnes ont quitté la profession
Résultat : les entreprises sont à la peine pour recruter des chauffeurs routiers, des ouvriers non-qualifiés de l’industrie, des serveurs, des aides à domicile, des travailleurs sociaux, des ingénieurs, des informaticiens… Dans l’hôtellerie-restauration, 25 000 personnes ont quitté la profession depuis le début de la crise, selon la Dares. Et au total, six métiers sur dix sont considérés en forte tension en 2019, contre un sur quatre en 2015.
Les causes sont multiples : déficit d’attractivité, conditions de travail difficiles, horaires atypiques, faible rémunération mais aussi inadéquation entre besoins de compétences et qualifications, déséquilibres régionaux… Quelle que soit leur origine, structurelles ou conjoncturelles, ces tensions sont toujours préjudiciables pour les entreprises.
20 préconisations
Dans ce contexte, le Cese, saisi par le Premier ministre fin septembre, à l’occasion de la présentation du plan destiné à lutter contre les pénuries de main-d’œuvre, a formulé 20 préconisations. Il donne tout d’abord un rôle clef aux branches professionnelles, en proposant, outre la négociation sur les minimas sociaux, “de mutualiser au niveau des branches, des avantages collectifs en faveur du pouvoir d’achat des salariés, par exemple via l’attribution de chèques déjeuner, mobilité, logement, garde d’enfant”. Lesquels pourraient être exonérés fiscalement et socialement, “sous réserve que la première rémunération conventionnelle soit au moins égale au Smic”.
La prospective des métiers est également mise en avant, à travers les observatoires de branche.
De même, la négociation d’accords-type de branche est recommandée pour garantir l’attractivité des métiers. Qui incluraient, par exemple, la réduction des horaires atypiques ; la limitation des contrats courts et des contrats à temps partiel subis ; les actions à mener pour aider les salariés à faire garder leur enfant ; la lutte contre les stéréotypes ou encore les conditions de transport et le coût.
Aide au logement
Pour éviter que le manque de logement soit un frein au recrutement, le Cese demande aussi à Action Logement d’étudier, dans le cadre de la convention quinquennale qui sera négociée avec l’État en 2022, des mesures permettant de favoriser “le parcours résidentiel” des salariés des secteurs les plus exposés aux difficultés de recrutement. En portant une attention “aux saisonniers, aux alternants et plus généralement, aux salariés en situation de précarité et dont le contenu des missions n’est pas éligible au télétravail”.
Autre piste : coordonner le service public de l’emploi et les Opco dans leurs efforts de conseil RH.
Un avis adopté par 137 voix contre 7
Mesures suffisantes ? Si l’avis du Cese a été adopté par 137 voix contre 7 et 28 abstentions, quelques membres du Cese ont fait entendre une voix discordante. Parmi les contestataires, Sylvie Veilt, de FO a critiqué le manque d’ambition de cet avis, qui traite le problème par le biais des grilles de salaires de branches. Mourad Rabhi (CGT) a lui aussi indiqué que les propositions retenues n’étaient “pas de nature à régler les problèmes de fond”. La mise en place d’avantages collectifs en faveur du pouvoir d’achat des salariés ne recueille pas leurs faveurs, préférant qu’”en cas d’échec des négociations salariales de branche (…), l’Etat procède sans attendre à l’indexation sur le Smic”.
De son côté Patrick Levy-Weitz, membre du groupe Agir autrement pour l’innovation sociale et environnementale, a souligné le manque de préconisations “utiles et concrètes”. “Si le Smic doit respecter les minimas sociaux de branche, quelle belle affaire”, a-t-il fulminé en précisant que cet avis était “en-dessous des propositions que nous défendons”.
Quant à Elisabeth Borne, la ministre du travail, elle a déclaré qu’elle allait “examiner avec attention [ces] préconisations visant à offrir de nouveaux avantages collectifs exonérés de cotisation sociales et d’impôts, à l’image de ce qui existe pour les tickets-restaurants”. Elle a également ajouté “retenir l’idée d’élaborer des accords-types à l’échelle des branches pour améliorer l’attractivité des métiers”.
Anne Bariet