[Présidentielle 2022] Jean-Louis Chivot, secrétaire de CSE : “Imposez le télétravail, arrêtez le dumping social”
Comment les élus des CSE voient-ils cette présidentielle et qu’en attendent-ils ? Quels sont les points dont ils aimeraient voir les candidats débattre ? Poursuite de notre série d’interview vidéo avec le secrétaire d’un des CSE de la SNCF. Jean-Louis Chivot est préoccupé par le dumping social et le manque d’investissement dans le secteur ferroviaire, par l’épuisement des élus CSE également, mais il attend aussi que les candidats tiennent compte de la nouvelle donne issue de la crise sanitaire en imposant le télétravail aux entreprises parfois réticentes.
Le parcours de Jean-Louis Chivot est inhabituel. Non parce qu’il est secrétaire d’un des CSE de la SNCF tout en étant délégué syndical UNSA (1). Ni davantage parce qu’il est particulièrement “fier” du TGV, “une belle réussite française” lancée…le jour de sa naissance. Mais parce qu’il est aujourd’hui titulaire d’un master en “management des ressources humaines, négociations et relations sociales” de l’université Paris Dauphine, lui qui est entré à la SNCF en 2001 avec un CAP-BEP en pâtisserie. Une formation de “gestionnaire” bien utile pour son mandat : être secrétaire de CSE dans un gros comité, c’est aussi se retrouver à la tête d’une PME employant 14 personnes.
Le monde du travail ne sera plus jamais le même qu’avant
Retrouve-t-il ses préoccupations de représentant du personnel dans la campagne présidentielle ? Jean-Louis Chivot estime que le monde du travail sort bouleversé de la période Covid-19, comme s’il avait subi un électrochoc, une réalité dont les candidats ne tiennent selon lui pas suffisamment compte : “J’attends des arguments véritables, pas des petites phrases”. Aussi préconise-t-il pour sa part une véritable “imposition” du télétravail aux entreprises dont les postes de travail s’y prêtent.
Les conséquences sur les collectifs du travail seront durables, estime-t-il, et il va falloir apprendre à organiser de façon durable un travail hybride (mi présentiel mi télétravail). Sur le plan de la représentation du personnel, cette période a selon lui montré l’importance du lien entre les élus et les salariés. “Il faudrait davantage de représentants de proximité et sans doute davantage de commissions santé, sécurité et conditions de travail”, juge-t-il en préconisant une évolution des ordonnances et des décrets sur ce point.
Pas assez d’investissements dans le secteur ferré
Le secrétaire du CSE se dit surtout soucieux des conditions économiques et sociales de son secteur d’activité. Le ferroviaire est de plus en plus ouvert à la concurrence. Quant au “contrat social” reliant les cheminots à la SNCF, il a été plus que malmené par les réformes successives. Ce statut offrait des avantages comme une retraite précoce, une évolution professionnelle possible grâce à la formation professionnelle, en échange d’un salaire bas au départ, explique l’élu qui vante les vertus du service public à la française.
Problème : aujourd’hui, les cheminots gardent leurs salaires inférieurs au privé tout en ayant perdu leurs avantages, selon Jean-Louis Chivot, ce qui explique selon lui la vague de démissions dans l’entreprise. “J’ai envie de dire aux candidats : arrêtez le dumping social ! La baisse de prix engendre une baisse des coûts mais inévitablement à terme une baisse des salaires”, lance-t-il. Â l’heure de la transition climatique, il faut investir dans le ferroviaire, insiste le secrétaire du CSE : “En Allemagne, le fer représente 20% du marché du fret contre seulement 10% en France. Si on veut se comparer à nos voisins, il faut se mettre à niveau”.
A ce sujet, Jean-Louis Chivot regrette, dans cette présidentielle, de ne pas entendre beaucoup parler d’écologie à propos du rail : “L’écologie n’a pas de parti, il faut sauver notre planète. Nous avons des objectifs de baisse des gaz à effet de serre mais je n’entends pas de la part des candidats un vrai discours sur l’écomobilité (..) Il faut imposer le ferroutage aux transporteurs étrangers”.
(1) Le CSE SNCF dont il est question ici représente 11 000 salariés des fonctions transverses aux différentes entités de la SNCF, une structure autrefois dénommée Epic et désormais SA SNCF, basée à Saint Denis (93).
Bernard Domergue
[Les CSE aujourd’hui] 39% des élus sont au CSE depuis moins de 5 ans
Réalisée par Officiel CSE, “l’enquête nationale des CSE” a été conduite par internet en juin et juillet 2021 auprès de 1072 élus de CSE, deux-tiers des sondés étant secrétaires et trésoriers, l’instance moyenne couvrant 180 salariés, l’industrie étant le secteur le plus surreprésenté (18,8% des sondés, devant les services aux entreprises avec 17%, l’éducation et la formation avec 14%, l’agroalimentaire avec 9,7%, etc.).
Elle offre une indication sur la nouvelle physionomie des instances représentatives du personnel suite aux ordonnances de 2017. Nous vous en proposerons régulièrement un aperçu sous la forme de données, chiffres ou infographies. Aujourd’hui : l’ancienneté des élus au sein du comité. Attention au titre ci-dessous : en fait, on observe un assez fort renouvellement puisque 39,4% des élus sont au CSE depuis moins de 5 ans, et ce pourcentage n’était que de 30% en 2019.
actuEL CE
L’expertise “Politique sociale” peut aussi être votée au niveau de l’établissement par le CSE d’établissement
Dès lors qu’il est consulté sur les mesures d’adaptation de la politique sociale de l’entreprise spécifiques à l’établissement, le comité social et économique d’établissement peut se faire assister par un expert-comptable.
Certains élus le savent bien, la présence au sein d’une même entreprise d’un comité social et économique central (CSEC) et de plusieurs CSE d’établissement a toujours posé un problème de répartition des compétences entre ces différents comités. Quel comité doit être consulté ? Qui peut se faire assister par un expert-comptable ou par un expert habilité en santé, sécurité et conditions de travail ? Un arrêt de la Cour de cassation du 16 février 2022 permet d’y voir plus clair à propos de l’assistance du CSE d’établissement par un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, l’emploi et les conditions de travail.
Par délibération du 25 mai 2020, le CSE de l’établissement de Fauverney de la société FM France, spécialisée dans l’entreposage et le stockage non frigorifique, vote une expertise portant sur la politique sociale de l’établissement.
► Remarque : sauf si un accord prévoit une périodicité différente, laquelle ne peut pas aller au-delà de 3 ans, le comité social et économique est consulté tous les ans sur la politique sociale de l’entreprise, l’emploi et les conditions de travail. A cette occasion, il peut se faire assister par un expert-comptable rémunéré par l’employeur (art L. 2315-91 du code du travail). Dans les entreprises dotées d’un CSE central et de CSE d’établissement, sauf accord différent, la consultation est conduite à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque sont prévues des mesures d’adaptation spécifiques à ces établissements (art. L. 2312-22).
La direction de FM France conteste et demande au tribunal judiciaire de Dijon d’annuler la délibération en question. Demande rejetée.
La consultation du CSE d’établissement
Pour les magistrats de la Cour de cassation, dès lors que le CSE d’établissement doit être consulté sur les mesures d’adaptation de la politique sociale de l’entreprise, il est en droit se faire assister par un expert-comptable (art. L. 2316-21). Or, comme c’est rappelé dans l’arrêt du 16 février 2022, “le comité social et économique d’établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d’entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement” et “est consulté sur les mesures d’adaptation des décisions arrêtées au niveau de l’entreprise spécifiques à l’établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement” (art. L. 2316-20).
En fait, on nous dit ici que droit à consultation et droit à expertise sont liés. Si consultation il y a, expertise il peut y avoir.
► Remarque : la consultation du CSE ne portant que sur les mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement, l’expertise ne devrait pas aller, en théorie, au-delà du périmètre de l’établissement et ne devrait porter que sur les mesures d’adaptation. C’est un peu une vue de l’esprit car l’expert aura inévitablement besoin des informations sur la politique sociale de l’entreprise. Ajoutons que même si le CSE central n’a pas jugé bon de se faire assister par un expert-comptable, le CSE d’établissement pourra, lors de la consultation sur les mesures d’adaptation, faire jouer son droit assistance par un expert-comptable.
Une consultation sur l’ordre des départs
Dans notre affaire, le tribunal judiciaire de Dijon avait relevé que le CSE de l’établissement de Fauverney “avait été consulté sur l’ordre des départs en congés pour l’année 2020, sur un plan de formation des salariés de l’établissement, que les délégués syndicaux de l’établissement avaient été conviés à la négociation d’un avenant relatif à l’intéressement propre à l’établissement … et qu’il avait été décidé de la constitution d’un groupe de travail sur une prime exceptionnelle au sein de l’établissement”.
La société FM France avait donc bien prévu des mesures d’adaptation de la politique sociale de l’entreprise spécifiques à l’établissement de Fauverney, “justifiant un droit à consultation et, dès lors, à expertise”.
► Remarque : dans le cadre des consultations récurrentes, le CSE doit également être consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise et sur sa situation économique et financière (article L. 2312-17). Sauf si l’employeur en décide autrement, ces deux consultations sont conduites au niveau de l’entreprise (art. L. 2312-22). En conséquence, seul le CSE central aura le droit de se faire assister par un expert-comptable.
Frédéric Aouate, rédacteur en chef du Guide CSE
La CGT et la CFDT dénoncent l’opacité financière d’Orpea
Orpea est d’abord préoccupée par ses propres enjeux immobiliers. C’est la conclusion d’une enquête réalisée par une organisation spécialiste des enjeux financiers, commandée par les deux fédérations santé sociaux de la CGT et de la CFDT. Les sociétés écrans sont nombreuses et la transparence n’est pas au rendez-vous.
Le scandale Orpea a parfois des effets imprévus. Notamment celui de favoriser l’unité syndicale. Après la conférence de presse commune le 3 février à la CGT, la CFDT et FO, au lendemain de la parution du livre de Victor Castanet, voilà que les deux premières organisations syndicales au plan national ont convoqué une nouvelle conférence le 24 février. Cette fois pour présenter les conclusions commandées par les deux fédérations bien avant la déflagration autour du livre sur Orpea.
Les deux syndicats ont choisi voici plusieurs mois de confier à une organisation internationale Cictar (Centre for international corporate tax accountability and research) (1) le soin de conduire une étude poussée sur le premier groupe européen de maisons de retraite. En effet, outre la France où elle se situe au second rang derrière Korian, Orpea est plus ou moins présente en Allemagne, Espagne, Italie, Belgique, Autriche, aux Pays-Bas, mais aussi en Pologne et en Suisse, etc.
« Le bien-être menacé »
Pour expliquer leur initiative, la CFDT et la CGT reviennent sur la mortalité plus forte enregistrée, selon eux, dans les Ehpad lucratifs lors de la crise sanitaire. « Les droits, le bien-être et la vie des personnes âgées sont menacés par la recherche de profit au détriment des personnes », écrivent-elles dans l’étude.
Les syndicats sont alertés par les stratégies très extrêmes de cette multinationale, qui n’avait pas hésité à infiltrer la CGT (second syndicat derrière Arc-en-ciel, syndicat maison), puis à proposer plus de 4 M€ à la centrale syndicale pour étouffer l’affaire.
7 milliards de portefeuille immobilier
Pour entrer dans le vif du sujet, quelques données économiques et financières. Le groupe exploite un gros millier d’établissements (dont des maisons de retraite) représentant plus de 110 000 lits. Le portefeuille d’actifs immobiliers d’Orpea est colossal, il est estimé à 7,4 Md€.
Cette logique d’accumulation s’est faite au prix d’un endettement massif qui aurait augmenté deux fois plus vite que la croissance du chiffre d’affaires. Cictar écrit : « Une part de plus en plus importante des sommes payées par les maisons de retraite Orpea sert à rembourser les dettes qui alimentent l’expansion de son parc immobilier. »
Cette stratégie ultra-financière est illustrée par un exemple allemand. En 2015, Orpea acquiert un petit groupe de 36 maisons de retraite Residenz Gruppe Bremen. Les acquisitions s’étant faites par le biais des contrats-bails, les maisons de retraite du groupe versent en tout 20 M€ de loyers, une enveloppe qui correspond à près de la moitié de la masse salariale.
Cictar a fait ses calculs : entre 2015 et 2019, Residenz Gruppe Bremen a perdu 10 % de ses salariés, alors même que le groupe a acquis deux nouveaux établissements.
Mais l’information la plus intéressante de ce rapport est celle-ci : à partir de 2015, période au cours de laquelle la stratégie d’acquisition d’Orpea s’est accélérée (depuis cette date, le groupe ouvrirait un lit chaque heure), l’opacité financière est devenue la règle. « Orpea a commencé à transférer la propriété de ses nouveaux biens immobiliers à des sociétés holding au Luxembourg, distinctes des sociétés exploitant des maisons de retraite », expose Cictar.
200 filiales dissimulées ?
La multinationale aurait donc multiplié la création de filiales et de holdings, profitant de la législation très laxiste du Luxembourg (notamment concernant l’identité des actionnaires), pour en dissimuler certaines. Il est très difficile d’identifier exactement toutes les organisations qui sont dans le giron d’Orpea. Depuis 2015, Cictar a fait le compte : près de 200 filiales faisant probablement partie du groupe ont disparu des radars. La police anti-corruption française s’est intéressée en 2021 à Orpea, en perquisitionnant ses bureaux à l’occasion de l’achat d’une maison de retraite indépendante par une société basée à l’étranger.
Tirant les conclusions de cette étude, la CFDT et la CGT ont demandé la plus grande transparence dans les comptes d’Orpea et la mise en place de réformes pour « garantir que tous les futurs financements publics bénéficient directement au personnel et aux services de soins. » À cette occasion, Ève Rescanières, secrétaire générale de la CFDT santé sociaux, a rappelé que lors de la discussion sur le Ségur de la santé, sa fédération avait demandé, en vain, que l’argent pour la revalorisation des salaires ne soit pas envoyé aux grands groupes. Les soupçons de fraude ne sont pas nouveaux…
(1) Centre de recherche sur les stratégies financières des grands groupes.
Grève le 8 mars chez Orpea |
Dans le cadre d’un appel à la grève plus large dans le secteur de la santé et des Ehpad, la CGT et FO appellent à un rassemblement le 8 mars devant le siège d’Orpea situé à Puteaux (92). Des syndicalistes allemands et belges devraient notamment être présents. À l’occasion de la conférence de presse, Mireille Stivala, responsable de la fédération CGT, a indiqué que cinq de ses syndicalistes étaient menacés de licenciement par Orpea. « La première mesure à prendre, a-t-elle indiqué en direction des pouvoirs publics, c’est de protéger les salariés et ceux qui libèrent la parole. » |
Noël Bouttier (Le Média Social)
Activité partielle : maintien des taux majorés jusqu’à fin mars mais réduction de la cible des bénéficiaires
Les taux majorés d’indemnité et d’allocation d’activité partielle encore applicables dans certains secteurs sont une nouvelle fois prorogés sur le mois de mars mais la cible des bénéficiaires est réduite puisque les entreprises les plus affectées des secteurs protégés et connexes n’en bénéficient plus à compter du 1er mars et rejoignent le droit commun.
Dans le cadre de la crise sanitaire, les secteurs les plus fragilisés bénéficient de taux majorés pour l’indemnité d’activité partielle versée au salarié et pour l’allocation d’activité partielle versée à l’employeur. Ce taux est, dans les deux cas, de 70 % de la rémunération horaire brute de référence dans la limite de 4,5 Smic (soit un reste à charge nul pour l’employeur).
Jusqu’au 28 février inclus, trois catégories d’employeurs bénéficient de taux majorés
L’application de ces taux dérogatoires par rapport au droit commun a été prolongée à de multiples reprises. Pour rappel, en bénéficient jusqu’au 28 février les employeurs :
- dont l’activité avait été interrompue sur décision administrative ;
- situés dans une circonscription territoriale soumise à des restrictions spécifiques des conditions d’exercice de l’activité économique et de circulation des personnes prises par l’autorité administrative lorsqu’ils subissent une forte baisse de chiffre d’affaires (au moins 60 %) ;
- relevant des secteurs les plus affectés la crise sanitaire et continuant de subir une très forte baisse de chiffre d’affaires (au moins 65 %).
Réduction de la liste des bénéficiaires à compter du 1er mars
A compter du 1er mars 2022, et jusqu’au 31 mars, seuls deux des trois secteurs mentionnés ci-dessus continueront à bénéficier de taux majorés :
- les employeurs dont l’activité est interrompue sur décision administrative ;
- les employeurs situés dans une circonscription territoriale soumise à des restrictions spécifiques des conditions d’exercice de l’activité économique et de circulation des personnes prises par l’autorité administrative lorsqu’ils subissent une forte baisse de chiffre d’affaires (au moins 60 %).
Au 1er mars, les entreprises relevant des secteurs les plus fragilisés par la crise sanitaire et subissant une baisse de CA d’au moins 65 % rejoindront donc le droit commun de l’activité partielle et relèveront des taux suivants :
- indemnité versée au salarié : 60% de la rémunération antérieure brute dans la limite de 4,5 Smic (avec un plancher de 8,37 €) ;
- allocation versée à l’employeur : 36 % de la rémunération antérieure brute dans la limite de 4,5 Smic (avec un plancher de 7,53 €).
A Mayotte, ces taux plancher sont de 7,27 € pour l’indemnité et de 6,54 € pour l’allocation.
Et après le 31 mars ?
Il est évidemment trop tôt pour savoir ce qu’il adviendra des taux majorés au 1er avril prochain ; rappelons simplement qu’en vertu de la loi Vigilance sanitaire du 10 novembre 2021, le gouvernement peut maintenir ce régime favorable jusqu’au 31 juillet 2022 si la situation le justifie.
Marie Excoffier, Guides RH
Crise sanitaire et voyages du CSE annulés : où en est-on ?
La crise sanitaire a entraîné l’annulation d’activités de loisirs et de voyages des CSE. Les comités ont-ils obtenu des prestations de remplacement ? Se sont-ils fait rembourser ces sommes ? Diego Parvex, avocat associé, et Camille Piat, avocate d’Atlantes, cabinet spécialisé auprès des salariés, des CSE et des syndicats, nous répondent. Ils abordent aussi, de façon plus globale, les contrats en matière d’activités sociales et culturelles et la bonne organisation du CSE en la matière.
Rappelez-nous tout d’abord ce qu’est Atlantes…
C’est un cabinet d’avocats. Nous fêtons nos 19 ans en 2022. Nous avons une équipe d’une trentaine de personnes sur Paris, mais aussi Marseille, Nantes et Lyon. Le cabinet, qui travaille en partenariat avec le groupe Alpha et les experts de Secafi, se consacre à la défense des salariés, individuellement (salariés du privé et agents du public) et collectivement (CSE et IRP, syndicats). Auprès des CSE, nos dossiers portent majoritairement sur les prérogatives économiques des CSE, mais nous assistons aussi les comités dans le domaine des activités sociales et culturelles (ASC), notamment concernant les aspects contractuels, dont les difficultés de relations entre le CSE et ses prestataires externes, comme par exemple les agences de voyage.
Justement, avez-vous été saisi par des CSE ayant des difficultés à se faire rembourser des dépenses de voyages et loisirs suite à l’annulation de ces activités avec la crise sanitaire ?
Sur ce sujet, nous avons été sollicités par quelques comités, mais finalement assez peu. Il s’agit de gros comités ayant engagé des sommes importantes pour envoyer, par exemple, 800 personnes à un spectacle qui a été annulé.
Dans les gros CSE, il y a eu des différends avec des prestataires
Toujours dans les grands CSE, il y a eu aussi des différends avec les prestataires au sujet des propositions de changement de dates de la prestation achetée. Les CSE plus modestes organisent rarement de telles opérations, ils font davantage de billetterie et, dans ce secteur, les remboursements ont été assez simples. Pourquoi avons-nous reçu peu de demandes d’assistance ? Sans doute des CSE ont-ils géré leurs éventuels problèmes seuls. Peut-être également les agences de voyages ont-elles été assez claires sur les dispositions appliquées pendant la crise sanitaire s’agissant de l’annulation des voyages.
Il y a eu un système d’avoir, en cas d’annulation d’une prestation, instauré lors de la crise sanitaire…
Au début de la crise sanitaire, le gouvernement a publié l’ordonnance 2020-315 du 25 mars 2020. Ce texte vise notamment à préserver la santé financière des agences de voyage. En effet, si elles avaient été contraintes de rembourser les voyages annulés, comme le prévoit d’ailleurs le code du tourisme, certaines agences auraient sûrement mis la clé sous la porte. Selon cette ordonnance, le consommateur ayant acheté un voyage dont l’annulation était comprise entre le 15 mars et le 15 septembre 2020 ne peut pas obtenir son remboursement immédiat.
La notion de prestation équivalente n’est pas très précise
L’agence de voyage doit alors, dans les 30 jours suivant l’annulation, proposer au consommateur un avoir couvrant l’intégralité des frais exposés. L’agence doit ensuite proposer, dans un délai de 3 mois, une nouvelle prestation de même coût et identique ou équivalente à la prestation annulée. Cette notion d’équivalence, qui n’a pas été tranchée à notre connaissance par la jurisprudence, a entraîné beaucoup de questions pratiques : si vous aviez acheté un voyage à Santorin et qu’on vous propose maintenant Lisbonne, est-ce une prestation équivalente ? Même chose quand vous deviez être au bord de la mer ou au départ d’un sentier de randonnée et qu’on vous envoie à 10 km de là même si l’hôtel est mieux classé ? Par ailleurs, si l’avoir n’a pas été utilisé dans un délai de 18 mois à compter de la date de la nouvelle proposition, alors seulement le remboursement peut être demandé et obtenu.
Est-ce le cas aujourd’hui ?
Ce que les élus doivent retenir, c’est que la fin de la période de dérogation au code du tourisme imposée par l’ordonnance de 2020 signifie que les agences de voyages doivent rembourser les prestations de voyage annulées (et n’ayant pas fait l’objet d’une prestation équivalente acceptée par les CSE) depuis le 15 février 2022. Aux CSE concernés d’en faire la demande. Cela n’exclut pas bien sûr des contentieux de la part de CSE estimant avoir été abusés par une prestation non équivalente à celle annulée. Une démarche délicate lorsque les CSE ont signé formellement un nouveau contrat pour cette activité de remplacement, mais cela n’a pas toujours été le cas. Il faut dire que le système prévu par l’ordonnance est assez complexe, et certaines agences de voyage l’ont mal maîtrisé. Elles ont proposé des voyages pas vraiment équivalents à la prestation annulée ou des voyages à un prix supérieur. Des CSE se sont donc retrouvés à attendre un délai important avant d’être remboursés, ce qui a parfois provoqué une insatisfaction des salariés.
Une insatisfaction des salariés, dites-vous, du fait de l’annulation d’une activité prévue ?
Oui, mais il faut dire que depuis une quinzaine d’année, la relation entre les ouvrant-droits et les CSE a beaucoup évolué dans le sens d’une relation de consommation, avec moins d’activités collectives type voyages culturels, au profit de davantage de remboursements de frais de vacances individuels (lire notre encadré). Bref, ce mécontentement, ajouté à l’enjeu financier que cela représentait pour certains CSE, a poussé des élus à réagir.
Pouvez-vous prendre un exemple ?
Nous avons appuyé un CSE auquel l’agence de voyage avait refusé de rembourser une prestation annulée. L’agence avait proposé au comité une prestation de remplacement, mais de façon assez floue, sans dates précises, et sans dire que sa proposition rentrait dans le cadre de l’ordonnance du 25 mars. Comme les choses n’avançaient pas, les élus se sont décidés, un peu tardivement, à venir nous voir.
Nous avons fait valoir à l’agence qu’elle n’avait pas respecté l’ordonnance
Nous avons écrit à l’agence pour lui signaler que sa proposition ne respectait pas les conditions posées par l’ordonnance. Notre argumentation consistait à dire : si nous devons aller au contentieux, nous soulignerons que vous n’avez pas respecté les conditions posées par l’ordonnance afin de protéger votre agence, nous dirons que le CSE n’a pas à en pâtir et qu’il demande l’application du droit commun, et le code du tourisme est particulièrement protecteur pour le client. Le code du tourisme dit clairement qu’une agence de voyage ne pouvant pas honorer une prestation doit procéder au remboursement immédiat de toutes les sommes versées.
Que s’est-il passé ?
Nous n’avons pas eu besoin d’aller au contentieux, l’agence a remboursé l’intégralité des sommes, soit environ 30 000€. C’est d’ailleurs un montrant qu’on retrouve en moyenne dans les dossiers des CSE qui nous ont saisi sur le sujet. De cette affaire, nous pouvons tirer deux leçons. La première, c’est que sur ce type de dossier, les CSE nous saisissent trop tardivement. Dans l’affaire dont nous vous parlions, le CSE n’avait plus qu’à attendre un mois de plus pour se retrouver en situation d’exiger son remboursement sans entamer de procédure, ils n’ont pas beaucoup gagné de temps par rapport à ce qu’ils auraient pu obtenir en agissant de façon précoce.
Les CSE ont intérêt à se faire assister en amont de la signature des contrats avec leurs prestataires
La deuxième leçon, c’est que le droit reste toujours assez abscons pour celui qui n’y est pas familiarisé. Je plaide bien sûr pour notre chapelle, mais il y a sûrement de notre part un message à faire passer aux élus sur l’intérêt qu’il y a pour eux à prévenir les risques sur toute la partie contractuelle de l’activité du CSE. Ceux des comités qui en ont les moyens ne doivent pas hésiter à se faire accompagner sur ce volet des relations contractuelles avec leurs prestataires, cela leur apportera de la sécurité et du temps gagné.
C’est valable, on l’a vu, pour les voyages, mais aussi pour d’autres activités sociales et culturelles ?
Bien sûr ! Un bon exemple, ce sont les machines à café proposées aux CSE. Les fournisseurs de ces équipements, qui font miroiter aux comités une part de bénéfices sur chaque café vendu, font signer aux CSE des contrats contenant de nombreuses obligations à la charge de l’instance : fournir un lieu pour installer une ou plusieurs machines, laisser le prestataire assurer la promotion de son café, etc.
Les contrats de machines à café contiennent peuvent contenir des clauses abusives
Sur le papier, cela paraît intéressant, jusqu’au jour où le café est moins bon, où la machine tombe en panne et n’est pas réparée, où la prestation laisse à désirer, etc. Les salariés ouvrants-droits du CSE vont alors commencer à se plaindre. Le problème, c’est que ces contrats peuvent souvent contenir des clauses abusives, avec un principe de tacite reconduction à échéance sans information préalable à la date anniversaire du contrat, si bien que les comités se retrouvent piégés et que les élus doivent consacrer beaucoup de temps à résoudre ces problèmes, car tous les CSE sont loin de pouvoir employer du personnel. C’est autant de temps non passé à exercer ses prérogatives en matière économique ou en matière de santé, sécurité et conditions de travail.
Mais pour les ASC, les élus des CSE ne sont-ils pas “condamnés” à travailler avec des prestataires s’ils veulent se dégager du temps pour leurs prérogatives économiques ou les conditions de travail ?
Peut-être, mais nous observons aussi une forme de renouveau chez certains prestataires des CSE, vers une approche plus respectueuse de l’environnement et du local. Ainsi, un CSE peut se donner les moyens d’aborder autrement le choix de ses activités et de ses prestataires pour les activités sociales et culturelles.
De nouveaux critères de sélection des prestataires émergent au sein des CSE
Comment ? Vous savez que pour les prestations de plus de 30 000€, les CSE importants doivent se doter d’une commission des marchés qui doit définir des critères de sélection des prestataires. On voit émerger des réflexions en vue de mettre des critères de sélection non plus seulement fondés sur le prix, le nombre de salariés couverts ou de services, mais aussi sur la qualité, la compensation carbone de la prestation, les aspects environnementaux. Certains CSE se disent : plutôt que faire trois voyages comme avant, ne faisons plus que trois week-ends en France ou en Europe mais en train. D’autres renoncent à choisir telle activité au motif que les conditions sociales offertes aux salariés de cette entreprise ne sont pas correctes.
Des critères de responsabilité sociale et environnementale, en somme ?
Exactement ! Certains CSE qui ne sont pas des grands comités prennent aussi ce type d’initiative, comme ces élus qui avaient voulu privilégier pour la restauration de l’approvisionnement local, un menu végétarien par semaine, etc. C’est plus rare, mais certains CSE stoppent la délégation à l’employeur pour reprendre en charge la gestion de la restauration afin de proposer une autre prestation aux salariés : c’est le choix fait, il y a quelques années, par le CSE Snecma à Gennevilliers.
Concernant la commission des marchés, le rapport d’évaluation des ordonnances jugeait que son rôle était devenu décisionnaire alors que ce n’était pas prévu…
C’est la pratique des élus, en effet. Mais le texte sur cette commission n’est pas si clair, en fait. La commission des marchés est bien chargée de définir les critères, mais est-elle censée les appliquer ? Ce n’est pas illogique mais le texte ne va pas jusque-là. Il nous semble qu’il faut prévoir pour cela une délégation du CSE vers cette commission. Les comités ont aussi intérêt à définir les circuits de transmission de l’information et de décisions. Pour les prestations ASC, qui doit décider ? Cela met en jeu le bureau du CSE, mais peut être aussi la commission des marchés, la commission voyages, la commission petite enfance, etc. Or ces circuits ne sont jamais définis dans les accords de mise en place des CSE. Pour les plus petits CSE, cette problématique existe aussi : le secrétaire du CSE peut-il décider seul avec le trésorier d’engager des dépenses ? Se pose ici la question d’une bonne définition de la délégation de pouvoir et de mandat.
Le renouvellement des CSE est-il l’occasion de redéfinir l’organisation des comités ?
C’est en effet le bon moment pour les CSE de se poser, de faire un audit, un bilan de ce qui fonctionne ou non. Au vu de ce bilan, que faut-il mettre dans l’accord sur le CSE, dans le règlement intérieur du comité ?
C’est le bon moment pour définir des circuits de décision au sein du CSE
Ces questions valent pour les activités sociales et culturelles mais aussi, bien sûr, pour les prérogatives et le fonctionnement de la CSSCT (commission santé, sécurité conditions de travail), des représentants de proximité éventuels, sans oublier l’articulation entre les établissements et l’échelon central, etc. Prenons l’exemple de l’envoi des documents pour une consultation du CSE sur les conditions de travail : sont-ils envoyés au seul CSE ou aussi à la CSSCT en parallèle ? Si le CSE doit saisir la CSSCT pour lui transmettre les documents, cela signifie attendre la première réunion et voir les délais courir…
Avec la crise sanitaire, observez-vous une évolution des ASC des CSE ?
Comme le télétravail se développe et que les salariés sont amenés à travailler de plus en plus seuls, moins en collectif, on peut s’attendre à une accentuation des tendances déjà à l’œuvre, comme une individualisation de plus en plus poussée et une exigeante croissance des salariés à l’égard des CSE, sur le thème : “C’est notre argent que vous gérez !” On voit ainsi de plus en plus des CSE soumis à une pression des salariés qui se placent sur le terrain de la discrimination liée aux ASC.
Il y a un risque d’individualisation toujours plus poussée mais peut-être que l’envie du collectif reprendra le dessus
Cela pousse à des activités de plus en plus individualisées. A moins que l’absence de relations avec les autres finisse par susciter une envie contraire : je vois de moins en moins les collègues au boulot, pourquoi ne pas les retrouver sur des activités de loisirs ? Ces activités communes pourraient être une des voies pour rétablir un lien, distendu par le télétravail, entre les salariés et entre les salariés et les élus. Quoi qu’il en soit, sur le plan juridique, nous sommes très attentifs à ce que le CSE soit toujours considéré comme un non-professionnel des ASC. Car si le comité se voyait imposer les obligations d’un professionnel du voyage, plus aucun élu n’organisera plus de voyages au regard des risques de voir les salariés ou un tiers se retourner vers le comité en cas de problème…
Voyages, séjours et sorties du CSE : en baisse de 20 points ! |
Plus de 40% des CSE comptent organiser un voyage, un séjour ou une sortie, que ce soit en groupe ou en individuel en 2021-2022, indique l’enquête d’Officiel CSE menée en juin et juillet 2021 auprès d’un millier d’élus. Ce chiffre était de l’ordre de 60% ces dernières années, avant la crise sanitaire. Autre évolution, les CSE qui comptent organiser ce type d’activités vont la subventionner davantage : 95% d’entre-eux l’envisagent, au lieu de 70% auparavant. |
Bernard Domergue
[Les CSE aujourd’hui] 63 % des élus de CSE sont syndiqués
Réalisée par Officiel CSE, “l’enquête nationale des CSE” a été conduite sur internet en juin et juillet 2021 auprès de 1072 élus de CSE. Deux tiers des sondés étaient secrétaires et trésoriers, l’instance moyenne couvrant 180 salariés, l’industrie étant le secteur le plus représenté (18,8% des sondés, devant les services aux entreprises avec 17%, l’éducation et la formation avec 14%, l’agroalimentaire avec 9,7%, etc).
Elle offre une indication sur la nouvelle physionomie des instances représentatives du personnel suite aux ordonnances de 2017. Nous vous en proposerons régulièrement un aperçu sous la forme de données, chiffres ou infographies.
Aujourd’hui, la syndicalisation des CSE. L’enquête fait apparaître ce chiffre : 63 % des CSE sont élus sur liste syndicale en 2021. Par ailleurs, “plus la taille de l’entreprise augmente, plus la présence syndicale est forte”, précise l’étude, puisque le chiffre monte à 85 % dans les entreprises de plus de 500 salariés. Enfin, la tendance à la syndicalisation serait en hausse ces 14 dernières années selon l’enquête.
actuEL CE
Représentation des travailleurs des plateformes : publication d’un arrêté relatif aux listes électorales
Un arrêté du 25 février 2022 détaille le calendrier et les modalités relatives aux listes électorales pour le scrutin destiné à mesurer l’audience des organisations de travailleurs de ces plateformes, lequel se tiendra du 9 au 16 mai 2022.
Pour rappel, l’ordonnance du 21 avril 2021 a déterminé les règles relatives à la représentation des travailleurs de plateformes : pour chacun des deux secteurs d’activité définis (chauffeurs VTC, et livreurs à deux ou trois roues), scrutin national à tour unique, par vote électronique, sur sigle, sous la houlette de la nouvelle autorité administrative créée ad hoc, l’Arpe.
Le décret du 23 décembre 2021 détermine les modalités d’organisation de ce scrutin. Plusieurs arrêtés étaient prévus pour compléter ces dispositions. Un arrêté du 25 février 2022 détaille le calendrier et les modalités relatives aux listes électorales.
Ainsi, pour l’établissement de la liste électorale, les plateformes transmettent à l’Arpe les données nécessaires à la constitution de la liste électorale et à la vérification de la condition d’ancienneté (C. trav., art. L. 7343-8). La liste électorale est établie pour chaque secteur d’activité par le directeur général de l’Arpe, sur la base du traitement automatisé des données collectées auprès des plateformes (identité des travailleurs et leur activité professionnelle) (C. trav., art. R. 7343-8 et R. 7343-9).
L’annexe I de l’arrêté présente un calendrier relatif à la liste électorale. Nous l’avons complété des modalités utiles précisées par l’arrêté.
Calendrier | Opération |
4 mars 2022 | Date limite d’envoi aux personnes inscrites sur les listes électorales des informations mentionnées au III de l’article R. 7343-10 du code du travail (envoi par l’Arpe à chaque électeur, au plus tard trois jours avant la date de mise à disposition de la liste, d’un document l’informant de son inscription sur cette liste, et précisant : la date du scrutin et les modalités pour y participer, les catégories de données à caractère personnel qui y figurent, la mention du droit de demander la rectification des données le concernant ou d’exercer son droit d’accès à celles-ci auprès du délégué à la protection des données de l’Arpe, la mention du droit de contester son inscription sur la liste en saisissant le DG de l’Arpe par voie postale). |
7 mars 2022 | Publication des listes électorales sur le site internet https ://arpe.neovote.com, dont un extrait est consultable sur ce même site, ainsi que dans les locaux de l’Arpe. |
du 7 au 14 mars 2022 | Période de recours gracieux relatif à l’inscription sur les listes électorales. Le recours est effectué sur le site (formulaire électronique à remplir en ligne dans la rubrique “VTC” ou “LIVREURS” selon le secteur d’activité du travailleur) ou par voie postale à l’adresse suivante : ARPE, 39-43, quai André-Citroën, 75015 Paris). Selon les modalités du recours gracieux, les articles 4 (inscription sur la liste électorale), 5 (radiation de la liste) et 6 (droit d’accès et de rectification des données personnelles) de l’arrêté précisent les informations à fournir. L’annexe II de l’arrêté fixe la liste des pièces justificatives à fournir selon l’objet de la demande (demande d’inscription sur la liste électorale, demande de rectification des données personnelles, exercice du droit d’accès aux données personnelles, demande de radiation de la liste électorale), et l’annexe III donne un modèle de mandat si le recours est exercé par un représentant. |
du 15 au 24 mars 2022 | Traitement des recours gracieux par le directeur général de l’Arpe. |
du 25 mars au 3 avril 2022 | Période de recours contentieux contre les listes électorales devant le tribunal judiciaire de Paris. |
du 4 au 13 avril 2022 | Traitement des recours contentieux par le tribunal judiciaire. |
du 14 au 16 avril 2022 | Notification de la décision du tribunal judiciaire |
du 9 au 16 mai 2022 | Période de vote |
actuEL CE
Précisions sur le droit à expertise pour projet important d’un CSE d’établissement
Le CSE d’établissement ne peut faire appel à un expert que lorsqu’il établit l’existence de mesures d’adaptations spécifiques à l’établissement, et que les conditions de l’expertise sont réunies. Illustration d’une expertise pour projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail dans le cadre d’un projet de mise en location-gérance d’un magasin.
Le CSE d’établissement a les mêmes attributions que le CSEC dans la limite des pouvoirs confiés au chef d’établissement, et est consulté sur les décisions arrêtées au niveau de l’entreprise, spécifiques à l’établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement (C. trav., art. L. 2316-20). En outre, l’article L. 2316-21 ajoute que le CSE d’établissement peut faire appel à un expert lorsqu’il est compétent selon ces dispositions.
La Cour de cassation rappelle ces règles et donne une illustration de leur application concernant une expertise pour « projet important » dans cet arrêt du 16 février 2022.
► Dans une décision du même jour, la Cour de cassation s’est également prononcée sur l’expertise votée par le CSE d’établissement sur la consultation récurrente relative à la politique sociale (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-20.373).
Projet de mise en location-gérance d’un magasin
Dans cette affaire, dans le cadre d’un projet d’actions visant à sauvegarder la compétitivité des hypermarchés, ainsi que celle du groupe, la société Carrefour a pris l’initiative d’une gestion différenciée d’un parc de magasins se traduisant pour certains magasins par le passage d’un mode de gestion intégré à un mode de gestion en location-gérance. Un accord de groupe définit la procédure et les mesures d’accompagnement qui devront être respectées dans ce cadre.
Le CSE de l’un des établissements concernés est informé de ce projet (et non consulté) lors d’une réunion, et il vote le recours à un expert agréé au titre de l’article L. 2315-94 du code du travail, pour projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
L’employeur demande au tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond de constater l’absence de projet important et d’annuler cette délibération.
Il obtient gain de cause devant le tribunal, lequel estime que le CSE d’établissement ne démontre pas que l’expertise décidée est relative à un domaine où il est compétent au regard des dispositions articulant les champs de compétence respectifs du CSE central et les CSE d’établissement, et que les changements des conditions de travail, de santé et de sécurité invoqués par le comité ne sont pas propres à l’établissement, mais impliquent des mesures d’adaptation communes à tous les magasins dans une situation comparable.
Nécessité de mesures d’adaptation spécifiques et de conditions de recours à l’expertise réunies
La Cour de cassation donne raison à l’employeur et au tribunal judiciaire.
Elle commence par rappeler les articles L. 2316-20 et L. 2316-21 octroyant droit à consultation au CSE d’établissement sur les mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement, et droit à expertise qui y est liée.
Elle explique qu’il « n’y a pas un droit général à l’expertise, laquelle ne peut être décidée que lorsque les conditions visées à l’article L. 2315-94 du code du travail sont réunies ». Elle rappelle ensuite « que le comité social et économique d’établissement ne peut faire appel à un expert que lorsqu’il établit l’existence de mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement ».
Puis elle applique ces règles à l’espèce : le CSE d’établissement « ne démontrait pas que le projet de mise en location-gérance du magasin (…) aurait des incidences sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail qui lui seraient propres et ainsi que l’expertise décidée était relative à un domaine pour lequel il était compétent » ne pouvait donc avoir recours à un expert habilité dans ce cadre.
Ainsi, la désignation d’un expert pour « projet important » par le CSE d’établissement est possible, dès lors qu’il existe des mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement, et que l’expertise est justifiée, c’est-à-dire que lesdites mesures d’adaptation spécifiques ont bien des incidences sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail dans l’établissement.
Expertise du CSE d’établissement possible mais limitée
Dans cette affaire, une expertise avait été effectuée au niveau du CSEC, consulté sur le projet de mise en location-gérance de certains magasins. En outre, la formulation de la solution dégagée par la Cour de cassation implique que, si l’expertise du CSE d’établissement est possible lorsque les conditions en sont réunies, celle-ci sera bien limitée à l’analyse des incidences sur la santé, la sécurité et les conditions de travail résultant des seules mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement concerné.
A cet égard, cette décision s’articule avec la solution adoptée par la Cour de cassation en 2020 précisant qu’une expertise ne peut être votée au niveau de l’établissement s’il n’y a pas eu d’expertise au niveau de l’entreprise (Cass. soc., 26 févr. 2020, n° 18-23.590). Ainsi, un CSE d’établissement ne peut se substituer au CSEC pour décider d’une expertise globale sur le projet, il ne peut que voter une expertise limitée aux conséquences des mesures d’adaptation spécifiques à son établissement, si les conditions en sont réunies. Il nous semble qu’il pourra le faire même s’il n’y a pas eu d’expertise votée au niveau de l’entreprise, dans cette limite, mais cela n’a pas été confirmé par la Cour de cassation.
► Précisons que la décision de 2020 concerne une ICCHSCT et un CHSCT. Rappelons que l’instance temporaire de coordination des CHSCT (ICCHSCT) pouvait être mise en place par l’employeur en cas de projet commun à plusieurs établissements. Son but était d’organiser une consultation centralisée au niveau de l’instance, ainsi que d’organiser le recours à une expertise unique le cas échéant. L’instance de coordination a disparu, mais ses attributions ont été peu ou prou récupérées par le CSE central d’entreprise. En effet, l’article L. 2316-1 du code du travail prévoit que le CSEC est seul consulté sur les mesures d’adaptation communes à plusieurs établissements d’un projet d’aménagement important modifiant les conditions de santé, de sécurité ou les conditions de travail, tandis que l’article L. 2316-3 précise que si la désignation d’un expert est envisagée dans le cadre d’un projet important concernant l’entreprise, c’est le CSEC qui le désigne. Ces dispositions reprennent celles de l’ancien article L 4616-1 relatif aux projets importants communs à plusieurs établissements et à l’ICCHSCT. Cette solution semble donc transposable au CSEC et aux comités d’établissement.
A noter, d’autre part, qu’un autre arrêt relatif à une ICCHSCT et un CHSCT a précisé que la désignation d’un expert commun par l’ICCHSCT dans le cadre d’un projet important de modification des conditions de santé, de sécurité et des conditions de travail n’exclut pas la désignation d’un expert risque grave par un CHSCT au niveau de l’établissement, sous réserve de prouver des circonstances spécifiques établissant un tel risque grave encouru par les salariés de cet établissement, indépendamment de l’expertise pour projet important (Cass. soc., 5 févr. 2020, n° 18-26.131 ; Cass. soc., 5 févr. 2020, n° 18-23.753 ; Cette décision nous semble également transposable au CSEC et aux CSE d’établissement.
Les expertises « risque grave » et « projet important » sont donc possibles au niveau des établissements dans le cadre d’un projet d’entreprise, mais elles restent limitées aux conséquences spécifiques à ces établissements, conformément à la répartition des compétences entre CSEC et CSE d’établissement prévue par les articles L. 2316-1 et L. 2316-20 du code du travail.
Séverine BAUDOUIN, Dictionnaire permanent Social
[Les CSE aujourd’hui] 55 % des réunions de CSE ont lieu en visioconférence
Réalisée par Officiel CSE, “l’enquête nationale des CSE” a été conduite sur internet en juin et juillet 2021 auprès de 1072 élus de CSE. Deux tiers des sondés étaient secrétaires et trésoriers, l’instance moyenne couvrant 180 salariés, l’industrie étant le secteur le plus représenté (18,8% des sondés, devant les services aux entreprises avec 17%, l’éducation et la formation avec 14%, l’agroalimentaire avec 9,7%, etc).
Elle offre une indication sur la nouvelle physionomie des instances représentatives du personnel suite aux ordonnances de 2017. Nous vous en proposerons régulièrement un aperçu sous la forme de données, chiffres ou infographies.
Aujourd’hui, les réunions de CSE. Selon l’enquête, 55 % des réunions de CSE ont lieu en visioconférence depuis la crise sanitaire. 39,7 % se tiennent en présentiel. Rappelons que pour permettre la poursuite du dialogue social et la gestion de la crise sanitaire dans les entreprises, le gouvernement avait adopté plusieurs textes afin de maintenir les réunions de CSE et d’organiser leur tenue à distance pendant les confinements. Aujourd’hui, hors période d’état d’urgence et en l’absence d’accord, le recours aux réunions à distance est limité à trois réunions par année civile.
actuEL CE