[Présidentielle 2022] Fabien Beteta, élu CSE : “Les préoccupations dans notre PME ? Les salaires et les problèmes de dos”
A Strasbourg, Fabien Beteta est élu titulaire du CSE des Ambulances de l’Orangerie, Vitale, Greiner et ATTE, une PME de moins de 150 personnes. Egalement délégué syndical CFDT, l’élu estime que le dialogue social s’est plutôt amélioré avec l’employeur depuis le CSE. S’il note la réduction du nombre de réunions, il se félicite que les débats soient plus ciblés, notamment sur la question importante de la santé au travail dans un secteur où, mal au dos aidant, le turn over est important.
Nous avons croisé Fabien Beteta lors du salon Eluceo au Stade de France, mercredi 9 mars. Cet élu CFDT, également délégué syndical dans son entreprise, juge d’un œil moins sévère que d’autres représentants du personnel (lire notre encadré) la nouvelle instance unique de représentation du personnel, le CSE, adoptée en 2019 dans son entreprise, une société d’ambulances de Strasbourg qui compte entre 140 et 150 personnes.
Nous avons perdu notre réunion mensuelle mais le dialogue social s’est amélioré
Certes, l’élu constate la diminution du nombre de réunions, limitées désormais à 6 par an : “Nous avons perdu notre réunion mensuelle”. Il souligne aussi que la disparition du CHSCT n’a pas été remplacée par une commission santé sécurité conditions de travail, la création de celle-ci ne s’imposant qu’à partir de 300 salariés. Mais c’est pour noter que cela pousse tous les élus à aborder la question de la santé au travail, avec des points davantage ciblés qu’avant, soutient-il. La santé, ou ce qu’il appelle “la qualité de vie au travail”, est en effet un domaine clé dans son secteur d’activité, où le transport des personnes entraîne des maladies chroniques, type mal au dos, maladies à l’origine selon l’élu d’un turn over important.
Mais l’autre grande préoccupation des salariés a selon lui trait aux salaires. Les NAO sont encore en cours dans son entreprise, mais les discussions ont déjà eu lieu dans la convention collective rattachée à la branche du transport routier, “une petite branche qui compte 8 000 entreprises”. Le projet d’accord prévoit notamment une revalorisation des premiers échelons de la grille, le niveau 1 passant de 10.73€ de l’heure à 11.03€ (Ndlr : le taux horaire du Smic est de 10.25€), et le niveau 2 de 11.03€ à 11.12€. “Ça avance doucement, mais c’est déjà ça”, dit l’élu.
Dans le même salon, nous avons échangé mercredi et jeudi derniers avec de nombreux élus de CSE. Ceux d’entreprises importantes, notamment multisites, sont très critiques à l’égard du fonctionnement de l’instance représentative : “Dans notre CSE national, nous avons des réunions avec 80 points à l’ordre du jour. C’est épuisant !” nous disent ces élus d’une multinationale qui déplorent une baisse de leurs moyens. Voir également nos précédents articles et vidéos de notre série : [Présidentielle 2022] “Les gens veulent être augmentés”, article du lundi 7 mars 2022; [Présidentielle 2022] “Imposez le télétravail, arrêtez le dumping social !”, article et vidéo du lundi 28 février 2022 [Présidentielle 2022] “Il faut parler des conditions de travail et des salaires”, article et vidéo du lundi 21 février 2022 |
Bernard Domergue
Baromètre Syndex : “Colère et déception” prédominent chez les élus du CSE
La cabinet Syndex a présenté jeudi 10 mars dernier les résultats de son 4ème baromètre du dialogue social. Réalisé avant la guerre en Ukraine, il fait déjà apparaître les inquiétudes des élus qui se disent “déçus et en colère”. Tour d’horizon des résultats avec Jérôme Fourquet (Ifop), Nicolas Weinstein et Claire Morel, de Syndex, ainsi que les témoignages de deux élus.
“Avec le CSE, c’est la direction qui a tiré ses marrons du feu” pour Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’Institut français d’opinion publique (Ifop). “On observe une dégradation du dialogue social, avec de la colère et de la déception”, selon Nicolas Weinstein, membre du comité directeur de Syndex. “Les élus sont pessimistes sur l’année à venir, et c’était avant l’Ukraine”, déplore Claire Morel, directrice chez Syndex.
En résumé, les résultats du 4ème baromètre du dialogue social élaboré par Syndex et l’Ifop laissent percevoir des élus découragés par leurs fonctions (voir les documents en pièces jointes). Ce sondage a été réalisé du 17 décembre 2021 au 22 janvier 2022, auprès d’un échantillon représentatif de 1 308 salariés du privé, travaillant dans des entreprises de plus de 50 salariés. Côté IRP, 1 127 élus du personnel ont été interrogés parmi la base de contacts du cabinet Syndex.
Une bonne situation économique mais un découragement des élus
Si 77 % des élus interrogés jugent bonne la situation économique de leur entreprise, 91 % d’entre eux présentent un état d’esprit plutôt négatif. Les sentiments prédominants sont la fatigue (65 %) et l’inquiétude (51 %). Mais deux tendances apparaissent en nette hausse par rapport au baromètre 2021 : la déception (41 %, en hausse de 5 points) et la colère (34 %, en hausse de 5 points). Ils ne sont que 25 % à se dire motivés, et 27 % se déclarent attentistes.
Côté salariés, ces derniers s’attribuent une note de 5,7 sur 10 quant à leur connaissance du CSE. “On note donc un désintérêt, un manque d’implication des salariés au sujet de leur CSE”, observe Jérôme Fourquet. Pour autant, 59 % d’entre eux disent avoir une bonne image de leur CSE. Un chiffre qui reste fragile, car ce pourcentage s’élevait à 66 % dans l’édition 2021 du baromètre Syndex.
Les chiffres de l’étude montrent aussi un hiatus entre salariés et élus dans la perception qualitative du dialogue social : les salariés attribuent une note de 5,9 sur 10, et les élus seulement 4,8 sur 10. Jérôme Fourquet commente ces chiffres : “La tendance est baissière, ce qui indique une forme de tension ressentie par ceux qui sont au charbon”. Les élus perçoivent aussi négativement leur direction : 52 % la qualifient de fermée (en hausse de 5 points par rapport à 2021) et 43 % la jugent attentiste (en hausse de 5 points).
Des moyens, toujours des moyens
Un nouvel item a par ailleurs fait son apparition dans ce baromètre 2022 au sujet des inquiétudes des élus : 42 % d’entre eux font apparaître un ordre du jour des réunions trop chargé comme principal inconvénient des CSE. Arrive en 2ème position l’affaiblissement des CSE par rapport aux directions (33 %) puis un accroissement du temps nécessaire pour les élus (32 %). Un sujet d’inquiétude confirmé par le fait que pour 59 % des élus répondant, le passage au CSE a eu pour conséquence personnelle une hausse du temps à consacrer aux missions d’élus. Cette tendance est à la hausse de 9 points par rapport à 2021. Conséquence : 75 % des élus ont l’intention de renégocier les moyens du CSE à l’occasion des prochaines élections professionnelles.
Les représentants de proximité, une coquille vide
La présence de représentants de proximité ne règle pas forcément la question des moyens. Dans les entreprises qui en sont dotées, les questions individuelles sont évacuées des réunions de CSE. En revanche, dans celles qui en sont dépourvues, ces questions polluent au contraire les réunions. Selon Sophie Lebrun, élue du CSE de l’association Les petits frères des pauvres, et déléguée syndicale centrale CFDT, les représentants de proximité restent une préoccupation. “C’est une coquille vide, chez nous, ils n’ont ni trouvé leur place, ni compris leur rôle. Il y a aussi une question d’articulation entre eux et les élus du CSE, il faut déterminer comment on échange nos informations. C’était plus facile d’interagir avec les délégués du personnel. De plus, les représentants de proximité ne sont pas assez formés”, témoigne-t-elle.
Le baromètre fait également remonter un manque de moyens d’information sur la nouvelle prérogative environnementale des CSE : 84 % des élus interrogés estiment qu’ils ne sont pas bien informés à ce sujet. Selon Nicolas Weinstein, du cabinet Syndex, “il y a donc un vrai sujet de dialogue social sur la transition écologique, et pourtant il apparaît nécessairement moins prioritaire pour les élus. Les nouvelles prérogatives datent de l’été dernier, le décret sur la base de données économique sociale et environnementale (BDESE) n’est toujours pas publié. Donc s’il n’y a pas d’effort dans l’entreprise à ce sujet, il ne se passera pas grand-chose”.
Bilan du passage au CSE : les directions gagnantes
Comme l’indique aussi l’enquête d’Officiel CSE, les directions apparaissent comme les grandes gagnantes du passage des trois anciennes instances au CSE pour 82 % des élus. Les dirigeants bénéficient d’une meilleure articulation des réunions, d’un “effet volume” avec moins de réunions à préparer et d’une baisse du nombre d’interlocuteurs. Côté représentants du personnel, on considère que les salariés sont les grands perdants de la réforme de 2017 (54 %), suivis par les élus (45 %) et les syndicats (45 %, en hausse de 12 points par rapport à 2021).
Face à ce constat, le bilan est sombre : 60 % des élus indiquent une dégradation du dialogue social, une conclusion également tirée par le comité d’évaluation des ordonnances Macron. En conséquence, les élus redoutent la perte du lien de proximité et un traitement plus superficiel des sujets. Ils pointent également un dialogue social déséquilibré qui s’emboîte avec une crise de vocation des élus, des suppléants pas assez formés et la limitation du nombre de mandats. Pour Claire Morel, directrice au cabinet Syndex, “les élus couvrent plus de territoire et plus de services. Comme ils ont la tête dans le guidon, il leur est compliqué de tout gérer”.
La concentration des fonctions d’élus crée une frustration
En revanche, les élus en CSE ont le sentiment gratifiant d’être au courant de tout ce qui se passe dans l’entreprise et que la direction ne peut pas “botter en touche”. Mais la frustration demeure, comme en témoigne Pascal Guiheneuf, élu du CSE et délégué syndical CFDT chez Nokia : “On a concentré les fonctions d’élus, donc nous portons plusieurs chapeaux, cela crée une vraie frustration. Sans compter les questions traitées en négociation. Nous avions un accord de télétravail signé en 2008, avec deux jours à domicile par semaine. Mais la direction ne pense plus que coworking et flex-office, avec une application pour réserver sa place. Moi je suis parti en province, je travaille depuis Quimper”…
Les salariés satisfaits de l’accompagnement des CSE pendant la crise sanitaire
61 % des salariés sont satisfaits de l’accompagnement fourni par les CSE pendant la crise sanitaire. De leur côté, les élus sont 63 % à juger bon le positionnement de leur direction pendant cette crise. Pour 64 % des élus, le CSE a été consulté en amont sur le plan de prévention anti-Covid, sur la reprise d’activité (52%), sur l’activité partielle (53 %) et sur la mise en place du télétravail (60 %).
45 % des salariés interrogés ont déclaré avoir télétravaillé depuis le début de la crise sanitaire. Parmi eux, si 85 % le vivent bien, ils sont 47 % à remarquer son impact négatif sur les liens sociaux et le collectif. Ce pourcentage passe à 75 % lorsque les élus répondent à la même question. Les conditions de travail (92 %), la santé et les risques psychosociaux (91 %) demeurent les sujets prioritaires à traiter en CSE pour les élus.
Quelles attentes pour le prochain quinquennat ?
Les élus ne manquent pas d’idées à l’égard des candidats à la présidentielle. 98 % souhaitent un renforcement du poids des avis émis par le CSE, notamment via la mise en place d’un avis conforme. 95 % appellent de leurs vœux un agenda social articulant consultations et négociations. Ils sont 94 % à réclamer un meilleur accès à la BDESE et 93 % à demander du temps de délégation et des moyens supplémentaires. En 5ème position arrive le recentrage des réunions de CSE sur les sujets importants (91 %), suivi d’un dialogue social plus proche du terrain (88 %), de la mise en place d’une cogestion à la française (87 %) et d’un développement du dialogue social sur la transition climatique (84 %).
58 % d’entre eux restent pessimistes sur les négociations salariales, dans un contexte global de tensions sur les prix et d’exigence pouvoir d’achat.
Marie-Aude Grimont
Un accord réservant les consultations récurrentes au seul CSE central exclut l’expertise votée au niveau du CSE d’établissement
Lorsque, en vertu d’un accord d’entreprise, les consultations récurrentes ressortent au seul CSE central, le CSE d’établissement ne peut procéder à la désignation d’un expert à cet égard.
La Cour de cassation, ces dernières semaines, s’attache à éclaircir les règles applicables en matière de répartition et d’articulation des consultations entre CSE central (CSEC) et CSE d’établissement (CSEE), ainsi que le droit à expertise y afférant. Après deux arrêts en date du 16 février précisant les règles applicables en matière de consultations récurrentes (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-20.373), et de consultation ponctuelle sur un projet (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-17.622), la Cour de cassation a précisé qu’un accord d’entreprise, conclu sous l’empire de la loi Rebsamen, relatif à la répartition des compétences entre CCE et comité d’établissement, peut réserver les consultations récurrentes au comité central, et par conséquent également le droit à expertise (Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-16.002).
L’arrêt du 9 mars 2022 continue cette construction et confirme qu’un accord d’entreprise réservant les consultations récurrentes au CSEC, exclut la possibilité de désigner un expert sur ces consultations par un CSEE.
Un accord réservant les consultations récurrentes au seul CSEC
Dans cette affaire, un accord sur le fonctionnement des CSE, signé le 28 novembre 2018, prévoit que :
- le CSEC est seul consulté sur les projets et consultations récurrentes décidés au niveau de l’entreprise lorsque leurs éventuelles mesures de mise en œuvre qui feront ultérieurement l’objet d’une consultation spécifique au niveau approprié ne sont pas encore définies ;
- les CSEE ont les mêmes attributions que le CSE central dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement mais « les procédures d’information et consultation récurrentes relatives à la politique sociale de l’entreprise, la situation économique de l’entreprise et les orientations stratégiques de l’entreprise relèvent exclusivement de la compétence du CSEC ».
Rien sur la désignation des experts, et notamment sur la faculté ou non pour le CSEE d’en désigner un. Dans ce contexte, un CSEE vote le recours à un expert dans le cadre de la consultation sur la politique sociale dans le périmètre de l’établissement. L’employeur conteste cette expertise devant le tribunal judiciaire, lequel refuse d’annuler la délibération du CSEE, au motif, justement, que l’accord ne prévoit rien à cet égard.
Pas d’expertise au niveau de l’établissement si la consultation est réservée au CSEC
Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord. Elle commence par rappeler :
- que l’article L. 2316-21 du code du travail prévoit que le CSEE peut faire appel à un expert lorsqu’il est compétent conformément aux dispositions du code du travail;
- que l’article L. 2312-19, 3° prévoit qu’un accord d’entreprise peut définir les niveaux auxquels les consultations sont conduites et, le cas échéant, leur articulation.
Puis la Cour renvoie aux termes de l’accord d’entreprise signé en 2018, précisant que “les procédures d’information et de consultation récurrentes relatives à la politique sociale de l’entreprise, la situation économique de l’entreprise et les orientations stratégiques de l’entreprise relèvent exclusivement de la compétence du comité social et économique central”.
Et la Cour d’en déduire “qu’en application de l’accord collectif du 28 novembre 2018, les consultations récurrentes ressortaient au seul comité social et économique central de la société de sorte que le comité social et économique de l’établissement ne pouvait procéder à la désignation d’un expert à cet égard”. Ainsi, même si l’accord est muet sur les expertises elles-mêmes, le CSEE ne dispose pas du droit de désigner un expert dès lors que les consultations récurrentes sont réservées au seul CSEC par accord. Le lien entre consultation et expertise est donc confirmé avec force.
Au sujet des consultations récurrentes…
La Cour de cassation emploie le terme de « consultations récurrentes » sans distinguer entre celles-ci. Il faut toutefois noter qu’à défaut d’accord sur les consultations récurrentes, l’article L. 2312-22 précise expressément que les consultations sur les orientations stratégiques et sur la situation économique et financière sont conduites au niveau de l’entreprise sauf si l’employeur en décide autrement : c’est alors le CSE central qui disposera du droit à expertise, à l’exclusion des CSEE. Cela n’exclut pas la possibilité de prévoir une autre répartition des compétences entre CSEC et CSEE pour ces consultations, et dans ce cas il faudra interpréter et appliquer les dispositions prévues dans l’accord. Mais à défaut d’accord, c’est seulement la consultation sur la politique sociale, qui « est conduite à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque sont prévues des mesures d’adaptation spécifiques à ces établissements ».
► Remarque : à cet égard, en l’absence d’accord, la Cour de cassation a confirmé que dès lors qu’il est consulté sur les mesures d’adaptation de la politique sociale de l’entreprise spécifiques à l’établissement, le CSE d’établissement peut se faire assister par un expert-comptable eu égard à ces mesures spécifiques (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-20.373). L’expertise est alors possible mais réduite aux seules conséquences résultant des mesures spécifiques d’adaptation.
Séverine Baudouin, Dictionnaire permanent social
[Présidentielle 2022] Devant la CFDT, les candidats exposent leur vision du syndicalisme et du dialogue social
Six des douze candidats à la présidentielle ont été invités à s’exprimer par la CFDT le jeudi 10 mars. Voici leurs positions sur le dialogue social, les instances représentatives du personnel et le syndicalisme.
Cet article rend compte des propositions et positions émises durant la matinée organisée par la CFDT, le jeudi 10 mars, par les candidats présents. Ceux-ci ont été invités à s’exprimer sur plusieurs thèmes (modèle social, économie et transition écologique, pouvoir d’achat, conditions de travail, Europe, etc.) mais nous ne retenons ici que les prises de position des candidats sur le syndicalisme, les instances représentatives du personnel (IRP) et la négociation collective (1).
La position d’Anne Hidalgo
La candidate socialiste Anne Hidalgo, qui a confié avoir adhéré à la CFDT au début de sa carrière comme inspectrice de travail en 1982, a soutenu l’importance de la négociation d’entreprise, l’employeur ne devant pas être à ses yeux le seul maître à bord dans l’entreprise. « Au moment des lois Auroux, certains employeurs accueillaient l’inspectrice que j’étais en disant : « Madame l’inspecteur, pendant que nous discutons, les Japonais, eux, produisent ! ».
50% d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration !
Commentaire de la candidate, qui veut rétablir le CHSCT pour donner aux élus la possibilité d’agir “sur les conditions de travail, le burn out, la charge mentale” : « Je ne crois pas que discuter dans une entreprise, dans une branche ou au niveau interprofessionnel soit du temps perdu. Rien ne peut se faire sans dialogue social. Je crois au rôle des représentants du personnel (..) A travers la codétermination, avec des représentants de salariés représentant 50% des administrateurs, je souhaite que les salariés reprennent leur place dans l’entreprise ». A propos du relèvement à 65 ans de l’âge de départ à la retraite, mesure envisagée par Valérie Pécresse (LR) et Emmanuel Macron, Anne Hidalgo promet de maintenir le départ à 62 ans. La candidate socialiste promet également “d’engager des négociations” de branche sur les salaires.
La position de Fabien Roussel
Fabien Roussel, le candidat communiste, a fustigé « 5 ans difficiles sur le dialogue social » avec un président « qui a fait le choix de passer au-dessus des syndicats ». Pour Fabien Roussel, il faut rétablir un vrai dialogue : « Si je suis élu, j’abrogerai ces lois (Ndlr : loi travail et ordonnances Macron) qui empêchent les salariés de se défendre ou de proposer d’autres solutions ».
Un droit de véto pour garantir la pérennité d’un site industriel
Le candidat promet de construire de nouveaux pouvoirs pour les représentants des salariés, via notamment un droit de veto « quand l’actionnaire majoritaire fait des choix pouvant mettre en cause la pérennité industrielle, ou porter atteinte à la dignité humaine et à l’environnement ». Fabien Roussel insiste sur l’intérêt de voir les comités d’établissements pouvoir défendre des solutions alternatives quant aux choix d’investissements. A propos de l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, le communiste n’hésite pas à promettre de nommer un administrateur judiciaire si, au bout d’un an, une entreprise n’a pas remédié aux inégalités salariales injustifiées entre les deux sexes.
La position de Richard Ferrand, pour Emmanuel Macron
On s’en doute : les propos de Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale qui représentait le candidat Emmanuel Macron, ne sont pas allés dans ce sens radical. « Plus les perspectives de victoire d’un candidat sont faibles, plus ses propositions sont généreuses », a-t-il d’ailleurs ironisé. Interrogé sur la place du syndicalisme en cas de réélection du président sortant, Richard Ferrand a réaffirmé que serait renouvelée la priorité donnée à la négociation collective, « au niveau de l’entreprise et dans les branches », ainsi que « l’association des partenaires sociaux aux politiques publiques pour surmonter les grands défis » comme la transition énergétique, l’impact du numérique, l’excellence des compétences.
Associer davantage le niveau territorial
« Nous avons encore beaucoup à travailler sur la bonne articulation entre la démocratie sociale et la démocratie politique », a-t-il jugé en souhaitant que soit davantage associé à la définition des politiques publiques « le niveau territorial ». Pour « redonner le goût de l’engagement », dans un contexte d’abstention croissante qui « touche aussi les élections professionnelles », Richard Ferrand a évoqué, de façon assez vague, un chantier « des modalités d’engagement et de la modernisation de l’expression du vote » afin de mieux associer et « faire participer différemment ». Et le porte-parole du candidat Macron de vanter la force du modèle social français face à la crise sanitaire « pour protéger les compétences et les emplois ».
La position de Yannick Jadot
L’écologiste Yannick Jadot a pour sa part insisté sur la « gravité » du choix du projet de société qui sera fait en avril avec la présidentielle. « Nous avons une crise de la démocratie (…) Moi je veux mettre de la démocratie partout, y compris dans les entreprises, car quand les syndicats disparaissent, c’est la démocratie qui disparaît », a lancé le candidat. Dans son projet, a-t-il enchaîné, cela se traduit par « la mise en place de la codétermination à l’allemande » avec 50% de représentants des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés de plus de 2 000 salariés, et un tiers sous ce seuil.
Un chèque syndical pour tous les salariés qui le souhaitent
Yannick Jadot promet aussi un chèque syndical « qui permettra à chaque salarié, s’il le désire, de choisir un syndicat », ce qui « renforcera la participation des syndicats à la vie de l’entreprise ».
Le candidat écologiste veut aussi associer plus largement les syndicats à l’action des pouvoirs publics, son objectif étant de « conditionner l’ensemble des outils de la politique publique à la question du climat, de la justice sociale et de l’égalité femmes hommes dans l’entreprise ». Et Yannick Jadot d’expliquer qu’il compte sur les représentants des salariés dans les entreprises pour contrôler le bon usage des aides aux entreprises, qui représentent un montant de 140 milliards, a-t-il souligné.
La position de Damien Abad, pour Valérie Pécresse
« La place que nous voulons donner aux corps intermédiaires est centrale, et renouvelée ». S’exprimant au nom de Valérie Pécresse (LR), Damien Abad, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, a critiqué la présidence « verticale » du quinquennat Macron. « Aujourd’hui, on a presque honte d’employer les mots « corps intermédiaire », comme si c’était un signe d’immobilisme, de paralysie de l’action (…). Mais ces corps intermédiaires sont utiles et indispensables. Si on les avait davantage écoutés, on n’aurait pas eu le même mouvement des gilets jaunes dans ce quinquennat ».
Nous regarderons d’éventuels ajustements aux ordonnances de 2017
Damien Abad affirme ensuite que le nouvel acte de décentralisation voulu par Valérie Pécresse aura un impact sur le syndicalisme : « Nous voulons un syndicalisme de proximité, territorial, enraciné, aussi bien dans l’entreprise que l’administration. Un syndicalisme qui participe à la mise en œuvre mais aussi à la phase d’élaboration des décisions avec la concertation, même si c’est aux politiques de prendre la décision ».
A propos des ordonnances de 2017, le porte-parole de Valérie Pécresse s’est dit ouvert « à regarder les ajustements à donner » à ces textes, par voie législative ou réglementaire, pour « redonner de la force et de la vitalité » au dialogue social en France.
La position d’Eric Coquerel, pour Jean-Luc Mélenchon
Le programme de Jean-Luc Mélenchon prévoit une VIe République « et il est évident qu’elle doit s’accompagner d’une démocratie sociale plus importante qu’aujourd’hui », a pour sa part indiqué le député Insoumis Eric Coquerel, qui représentait le candidat de l’Union populaire. « Il n’est pas admissible qu’au XXIe siècle, le droit de la plupart des citoyens s’arrête à la porte de l’entreprise », a enchaîné le député. Pour favoriser les droits des salariés et de leurs représentants, « il faut commencer par abroger les lois El Khomri et Pénicaud (Ndlr : ordonnances travail de 2017) ». Et Eric Coquerel d’ajouter : « Ce que nous reprochons à la loi Pénicaud, c’est un affaiblissement de la représentation syndicale. La fusion dans le CSE de toutes les instances représentatives du personnel, c’est 33% de moins d’élus syndicaux ». Et on a vu avec la crise du Covid « toute la stupidité » de la mesure de suppression du CHSCT : « Il aurait été bien utile de disposer de cette instance dans les entreprises pendant cette crise. Les salariés ne sont pas les plus mal placés pour savoir quoi faire pour prévenir une maladie au travail ».
Supprimer la possibilité d’accords sans syndicat
Jean-Luc Mélenchon souhaite aussi rétablir la hiérarchie des normes. « Nous ne sommes pas d’accord sur l’idée de faire prévaloir un accord d’entreprise sur un accord de branche voire sur une loi, souligne Eric Coquerel, car nous savons bien que le rapport de forces dans les entreprises n’est pas le plus favorable aux salariés ». La possibilité de signer des accords sans syndicats dans les petites entreprises sera également supprimée, annonce le député. Ce dernier promet également une loi d’amnistie « car nous avons vécu pendant le quinquennat une forme de criminalisation du mouvement syndical ».
Enfin, toujours à propos du rôle du syndicalisme, Eric Coquerel a évoqué un droit de préemption des salariés sur la reprise d’une entreprise en difficulté, un droit de veto suspensif des élus du personnel sur les plans de licenciements, un tiers de représentants des salariés dans toutes les instances dirigeantes des entreprises. Par ailleurs, le député Insoumis a indiqué, en cas de victoire de Jean-Luc Mélenchon, la tenue d’une conférence annuelle sur les salaires, qui serait axée à l’été 2022 « sur la revalorisation de métiers féminisés ».
La conclusion de Laurent Berger, de la CFDT
En conclusion, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a remercié les candidats et leurs représentants : « En démocratie, c’est important de savoir écouter, même si certains propos ont pu nous irriter ! » Il a indiqué que son syndicat publiera les réponses complémentaires des candidats aux 40 questions posées par la CFDT (voir ce document de 10 pages ici).
Les corps intermédiaires doivent être respectés
Si le dirigeant syndical précise que la CFDT, « hormis son opposition aux candidats d’extrême droite », ne donnera pas de consigne de vote, Laurent Berger ajoute que son organisation attend du prochain mandat qu’il laisse toute sa place à la démocratie sociale : « Les corps intermédiaires et la société civile doivent être considérés et respectés ».
(1) Tous les candidats n’avaient pas été invités par la CFDT, le syndicat refusant notamment, au nom de ses valeurs, de donner une tribune à l’extrême droite. Pour voir ce débat qui aborde aussi la question du pouvoir d’achat, de la transition écologique et de l’Europe (3 heures !), voici le lien d’accès
Les retraites s’invitent dans le débat |
La veille du débat organisé par la CFDT, Emmanuel Macron a dit vouloir repousser l’âge de départ à la retraite à 65 ans. La question a donc été abordée par son représentant, Richard Ferrand. Il faut travailler plus pour créer plus de richesses afin de protéger et garantir notre modèle social, et c’est pourquoi nous souhaitons relever à 65 ans l’âge de départ à la retraite, a expliqué le président de l’Assemblée, selon lequel cette réforme touchera les personnes nées à partir de 1969. “En contrepartie, a ajouté le fidèle d’Emmanuel Macron, nous voulons instaurer une retraite minimum de 1100€, des mesures d’âge évidemment pour tenir compte de la situation physique et psychique des travailleurs aux carrières longues qui ont eu des emplois usants : ces personnes pourront partir à 62 ans (…) Dans ma région, le Finistère intérieur, on connaît la rudesse des tâches, par exemple dans les abattoirs”. Si les régimes spéciaux, a dit encore Richard Ferrand, ont vocation à s’éteindre, il ne faut pas s’interdire d’envisager un régime universel pour les nouveaux entrants sur le marché du travail afin de faire converger les droits à la retraite “car nous gardons la conviction qu’un euro cotisé doit rapporter les mêmes droits à retraite pour tous”. Ce report à 65 ans fait aussi partie du programme de Valérie Pécresse, tandis que Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel plaident au contraire pour le retour de la retraite à 60 ans et Anne Hidalgo pour le maintien du départ à 62 ans. |
Bernard Domergue
D’ici à 2030, les besoins en recrutement fortement portés par les départs à la retraite
D’ici à 2030, 760 000 postes seront à pourvoir chaque année du fait de départs massifs à la retraite. C’est ce qu’avance un rapport publié le 10 mars par la Dares et France stratégie pour la période 2019-2030. Selon le document, ces besoins de recrutement seront à 89 % alimentés par les départs à la retraite et seulement à 11 % par les créations d’emplois, soit 86 000 par an.
Le rapport confirme une forte croissance dans l’informatique, les métiers liés aux soins et à l’aide aux personnes âgées, les métiers qualifiés du bâtiment, les cadres du privé (hors finance). Parmi les dix métiers comptant le plus de postes à pourvoir se trouvent ceux d’agent d’entretien (488 000), d’enseignant (328 000), d’infirmier et sage-femme (256 000) et d’ingénieur informatique (190 000).
Selon les prévisions de la Dares et de France Stratégie, le marché de l’emploi de demain avantagerait les plus qualifiés. “Les créations d’emploi continuent à être globalement favorables aux diplômés de l’enseignement supérieur, qui occuperaient près d’un emploi sur deux en 2030”, note l’étude. Ainsi, 1,8 million d’emplois à destination des diplômés du supérieur seraient créés entre 2019 et 2030, alors que les emplois exercés par ceux qui n’ont pas dépassé le baccalauréat diminueraient de près de 800 000. Même si l’étude prévoit aussi “des opportunités pour les travailleurs peu qualifiés au regard des personnes qui partiront à la retraite”.
actuEL CE
Négocier pour améliorer le fonctionnement du CSE : les points essentiels !
Le renouvellement de la nouvelle instance unique de représentation du personnel, qui commence dès 2022 dans certaines entreprises, est l’occasion pour le CSE de tenter, via les délégués syndicaux, de réviser ou de négocier un accord collectif sur le fonctionnement du CSE. Les conseils de JDS avocats.
Gilles Bombard et Wilfried Pennetier, respectivement juriste et expert chez JDS avocats, ont animé, jeudi 10 mars au salon Eluceo du Stade de France, près de Paris, une conférence instructive sur les possibilités contractuelles en vue d’améliorer le fonctionnement du CSE.
Pour les entreprises ayant plusieurs sites ou un effectif important et des activités diverses, il faut bien sûr d’abord s’interroger sur le périmètre des établissements, une question qui déterminera le nombre des CSE (Ndlr : voir l’article. L.2313-2 du code du travail). “En cas de désaccord avec l’employeur, c’est la Dreets (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, ex-Direccte) qui tranchera, et en cas de recours, le juge judiciaire”, prévient Gilles Bombard.
Mais outre le périmètre, se posent de multiples questions liées au fonctionnement du CSE : nombre d’élus, crédits d’heures, présence des suppléants aux réunions et commissions du CSE, représentants de proximité, nombre de réunions, budget et formation des élus, expertises, base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), moyens de communication du CSE, etc. Sur tous ces sujets, il existe certes une sorte de minimum légal. A défaut d’accord sur le CSE sur tous ces points, ce sont les règles dites “supplétives”, fixées dans le code du travail, qui s’appliquent.
L’enjeu d’un accord : faire mieux que le code du travail !
Problème : pour Gilles Bombard, ces dispositions sont peu avantageuses pour les élus au regard de l’enjeu de leurs missions. Les élus ont donc intérêt à vouloir chercher à obtenir de l’employeur de meilleures dispositions. Pour cela, il leur faut négocier un accord collectif. Plus exactement, il appartient aux délégués syndicaux de négocier avec l’employeur cet accord sur le CSE, l’idéal étant d’obtenir un accord avant les nouvelles élections. Ici ne s’applique pas, précise le juriste, la disposition valable sur d’autres thèmes, à savoir qu’un accord peut être, même minoritaire sur le plan syndical, validé par référendum si les salariés votent pour. L’accord majoritaire (ratifié par des syndicats représentant au moins 50% des salariés) est indispensable ici.
Dénoncer un accord pour le renégocier ? Risqué !
Si le CSE sortant ne fonctionnait pas sur la base d’un précédent accord, il appartient donc aux syndicats de demander l’ouverture d’une négociation sur le sujet. Si un accord existe, est-il à durée indéterminée ou déterminée ? A durée déterminée, il peut voir ces effets cesser pour le nouveau mandat, une négociation doit donc être demandée pour tenter de négocier un nouvel accord. Si l’accord est à durée indéterminée, que faire ? Tenter de convaincre l’employeur d’accepter de réviser l’accord. Sinon ? “Vous pouvez le dénoncer, à condition que les organisations syndicales signataires l’acceptent”, dit le juriste de JDS. Mais attention, c’est risqué : sans nouvel accord, ce sont les dispositions supplétives qui s’appliqueront, sans doute encore moins favorables que le précédent accord.
Multiples points à négocier
Admettons donc que la révision ou la négociation d’un accord sur le CSE s’engage avec l’employeur. Les thèmes ouverts à la négociation sont très nombreux, l’esprit de l’ordonnance de 2017 étant de favoriser la négociation collective sur ce sujet, ce qui n’a guère été fait pendant le premier cycle.
Gilles Bombard et Wilfried Pennetier ont ciblé certains points pour éclairer les enjeux de ces discussions. Les représentants de proximité (“RP”), par exemple. “Dans l’esprit de l’ordonnance de 2017, leur rôle est d’assurer une représentation du personnel de proximité pour faire le lien entre les salariés et les CSE”, rappelle Gilles Bombard.
Précisez l’articulation entre RP, CSSCT et CSE
Mais ces “RP” ne peuvent exister que si leur mandat est prévu par accord collectif : ils sont alors désignés par le CSE (voir l’article L. 2313-7 du code du travail). S’ils bénéficient d’un statut protecteur, rien n’est dit dans le code du travail sur leur mandat : “Il vous faut préciser leur rôle et bien définir l’articulation entre les RP, la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) et le CSE”.
Certains CSE, observe le juriste, ont pris le risque de créer ces représentants de proximité via le règlement intérieur du CSE. “Ce n’est pas le cadre légal prévu, ces mandats doivent être instaurés par accord et l’employeur pourrait faire annuler cette disposition du règlement intérieur”, prévient-il.
De la même façon, la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) est peu précisée dans les textes. “La commission a-t-elle un rapporteur ou un secrétaire ? Qui prévoit l’ordre du jour ? Qui rédige le compte rendu, qui en fait la restitution au CSE ? Tout cela est à prévoir”, dit Gilles Bombard.
Veillez à la qualité de la BDESE
Autres exemples de point à négocier : le nombre d’expertises, la périodicité des grandes consultations, la BDESE, la base de données économiques, sociales et environnementales, ou encore le mode de traitement des réclamations individuelles et collectives, domaine autrefois couvert par les délégués du personnel. L’expert Wilfried Pennetier appelle les élus à la vigilance pendant la négociation, certains employeurs ayant obtenu un espacement de la consultation sur les orientations stratégiques en échange d’avancées sur d’autres points. Par exemple, demandez des éléments précis sur certaines informations que l’employeur doit vous fournir : détails sur le plan de développement des compétences, flux financier pour les informations économiques et financières. Toujours pour la BDESE, l’expert insiste sur l’intérêt à obtenir un calendrier de l’actualisation de la base, pour s’assurer que vous aurez les bonnes données bien avant la consultation du comité, et que vous serez informés de leur mise à jour.
Réclamations : tentez de convaincre l’employeur de répondre par écrit
Enfin, le domaine des délégués du personnel (DP), à savoir les réclamations individuelles et collectives (“c’est-à-dire les demandes d’application du droit existant”) a été transféré au CSE par l’ordonnance de 2017. Mais le registre des DP, où l’employeur devait consigner ses réponses par écrits aux questions posées, a disparu. D’où des ordres du jour pléthoriques du CSE comprenant ces fameuses réclamations. Comment améliorer les choses ? Le cabinet JDS avocats suggère d’inscrire dans un accord le fait que l’employeur réponde par écrit dans les 6 jours aux réclamations posées par les élus, ce qui déchargerait le PV du CSE de nombreuses pages.
Bernard Domergue
Une RCC ne fait pas obstacle à un PSE ultérieur
Plusieurs décisions ont été rendues par le juge administratif concernant des recours au sujet de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE).
► La cour administrative d’appel de Paris a rejeté, dans un arrêt du 14 mars, le recours de l’Unsa contre la décision de l’administration d’homologuer le PSE de la société Aéroports de Paris (ADP). Le syndicat contestait la possibilité pour ADP, qui compte 6 400 salariés, de négocier un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) lié à un projet de réorganisation, alors même que venait d’être signé, le 9 décembre 2020, un accord de rupture conventionnelle collective (RCC).
Faute d’accord sur le PSE, l’entreprise avait fait homologuer par l’administration son PSE unilatéral. L’Unsa reprochait à ADP d’avoir été “déloyale” en menant en 2020 des négociations collectives conduisant à un accord de rupture conventionnelle collective et en adressant un mois après aux représentants du personnel un projet de modification des contrats de travail et un projet de plan de sauvegarde de l’emploi, et d’autre part en signant le 16 janvier 2019 un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour une durée de trois ans.
La cour d’appel écarte cet argument en notant que l’administration n’a pas à vérifier “les conditions dans lesquelles ont pu se dérouler des négociations distinctes du PSE”. D’autre part, elle affirme que la circonstance qu’un accord de rupture conventionnelle collective a été conclu dans une entreprise “ne fait pas obstacle par elle-même à ce que celle-ci établisse et mette en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi, dès lors que ce dernier respecte les stipulations qui lui sont applicables”.
► La cour administrative d’appel de Nantes a rejeté, dans un arrêt du 11 mars, le recours des salariés contre la décision d’homologation du PSE de l’entreprise CTI-ACPP, établi par l’administrateur judiciaire, visant le licenciement de 57 salariés. La cour estime que l’administration n’était pas tenue “de contrôler les diligences mises en œuvre par l’employeur en matière de droit à la portabilité des garanties de protection sociale collective”.
actuEL CE
Ukraine : les syndicats relaient l’appel aux dons
Les syndicats de salariés, qui avaient déjà condamné l’attaque de l’Ukraine par la Russie, se félicitent, à l’instar de Force ouvrière, de “l’activation de la directive de l’Union européenne de 2001 sur la protection temporaire des personnes fuyant le conflit”. FO réclame “un accueil digne et décent des réfugiés ainsi que l’exercice de leurs droits en matière de logement et d’hébergement, d’accès aux services publics ou encore d’insertion sur le marché du travail”.
Comme d’autres organisations, la CFDT, s’associe à l’appel aux dons lancé hier par la Confédération européenne des syndicats (CES) et la Confédération syndicale internationale (CSI).
actuEL CE
Plan de résilience : l’activité partielle de longue durée prolongée de 12 mois
Le Premier ministre Jean Castex a présenté hier le plan de résilience destiné à soutenir l’économie face aux hausses de prix de l’énergie liées notamment à la guerre en Ukraine. Parmi de nombreuses mesures de soutien aux entreprises, transporteurs, pêcheurs et agriculteurs, Jean Castex a indiqué utiliser les outils “qui ont fait leur preuve pendant la crise sanitaire” comme le prêt garanti par l’État et les reports de charges fiscales et sociales. De plus, le dispositif de l’activité partielle de longue durée (APLD) est prolongé de 12 mois pour les accords déjà signés. Les branches et les entreprises non couvertes à date peuvent cependant signer un accord jusqu’à la fin de l’année.
Par ailleurs, une aide de 15 centimes par litre de carburant (y compris pour le gaz et le GPL) est mise en place pour les particuliers et les professionnels, à compter du 1er avril et pour 4 mois.
actuEL CE
L’accord collectif majoritaire fixant le contenu du PSE peut être négocié au niveau de l’UES
A condition d’avoir été signé par chacune des entreprises constituant une unité économique sociale (UES), ou par l’une d’entre elles expressément mandatée par les autres, l’accord majoritaire portant plan de sauvegarde de l’emploi peut être conclu au niveau de l’UES.
Un accord majoritaire portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) peut-il être négocié au niveau d’une unité économique sociale (UES) ? Dans l’affirmative, qui a qualité pour représenter l’UES et signer un tel accord ? Le Conseil d’État répond à ces deux questions inédites dans une décision qui sera publiée aux tables du recueil Lebon.
L’accord peut être conclu au niveau de l’UES
Un accord majoritaire relatif au plan de sauvegarde de l’emploi au sein d’une UES est signé par des organisations syndicales représentatives au niveau de l’UES, ainsi que par « l’UES […] représentée par Mme X agissant en qualité de directrice générale adjointe en charge des ressources humaines et de l’éthique ». L’accord est validé par le Dreets (direction régionale du travail), mais la cour administrative d’appel de Bordeaux, saisie par plusieurs salariés, annule cette décision.
Le Conseil d’État, saisi du litige, devait d’abord se prononcer sur la question de savoir si l’accord collectif majoritaire portant PSE peut valablement être négocié et conclu au niveau de l’UES.
Il répond par l’affirmative. L’UES n’est pas dotée de la personnalité morale et ne se substitue donc pas aux entités juridiques qui la composent. Mais, comme le rappelle le juge administratif, son objet même est d’assurer la protection des droits des salariés appartenant à une même collectivité de travail, en raison de l’existence, en dépit d’entités juridiques distinctes, d’activités complémentaires ou similaires de celles-ci et d’une concentration du pouvoir de direction économique et d’une unité sociale, en permettant une représentation de leurs intérêts communs.
Notons que ce principe a déjà été énoncé, dans les mêmes termes, par la Cour de cassation (notamment : Cass. soc., 16 déc. 2008 n° 07-43.875). Le Conseil d’État en conclut, pour la première fois à notre connaissance, que l’accord majoritaire déterminant le contenu du PSE peut être conclu au niveau de l’UES.
Remarque : la décision ne surprend pas. Par principe, les conditions déterminant la consultation des instances représentatives du personnel et l’élaboration d’un PSE s’apprécient au niveau de l’entreprise ou de l’établissement concerné par les mesures de licenciement économique envisagées, au moment où la procédure de licenciement collectif est engagée, y compris en cas d’appartenance à une UES (Cass. soc., 16 janv. 2008 n° 06-46.313 ; Cass. soc., 28 janv. 2009 n° 07-45.481). Mais la Cour de cassation a déjà jugé que ce principe souffre une exception lorsque la décision de licencier est prise au niveau de l’UES (Cass. soc., 16 nov. 2010 n° 09-69.485 ; Cass. soc., 9 mars 2011 n° 10-11.581). Si l’employeur retient un niveau inférieur à l’UES dans le but d’échapper à l’obligation de mettre en œuvre un PSE, il commet d’ailleurs une fraude (Cass. soc., 30 nov. 2017, n° 15-40.303 ; Cass. soc., 8 janv. 2020, n° 18-16.945 ). La règle a, certes, été appliquée par le juge judiciaire dans des décisions antérieures à la loi de sécurisation de l’emploi ayant transféré le contentieux des PSE au juge administratif. Mais on voit mal pourquoi le Conseil d’État aurait retenu une position différente. Il a d’ailleurs déjà admis, implicitement, que le PSE pouvait être établi au niveau de l’UES (CE, 13 févr. 2019).
Qui signe l’accord côté patronal ?
L’autorité administrative saisie d’une demande de validation d’un accord collectif majoritaire portant PSE doit notamment s’assurer que l’accord a été conclu aux conditions de majorité requises et que les signataires avaient la qualité pour le faire (CE, 12 juin 2019 n° 420084). C’est précisément sur ce point qu’était interrogé, dans un second temps, le Conseil d’État.
Il résulte de l’article L 2231-1 du code du travail que l’accord est conclu entre, d’une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans l’UES et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d’employeurs, ou toute autre association d’employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement.
En l’espèce, l’accord majoritaire avait été signé par la directrice générale adjointe d’une des sociétés constituant l’UES, en charge des ressources humaines. Selon les salariés, l’intéressée ne disposait pas d’un mandat exprès donné par les entreprises de l’UES pour signer un tel accord et ne pouvait donc pas valablement la représenter.
Le juge administratif leur donne raison et rejette le pourvoi de l’employeur. L’administration ne pouvait pas valider l’accord majoritaire en raison du défaut de qualité du représentant de l’UES. En effet, selon le Conseil d’État, dans la mesure où l’UES n’est pas dotée de la personnalité morale, l’accord collectif doit être conclu :
– par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau de l’UES ;
– et soit par chacune des entreprises constituant l’UES, soit par l’une d’entre elles, sur mandat exprès préalable des entreprises membres de l’UES.
Ces conditions n’étant pas ici réunies, l’accord n’a pas été conclu aux conditions requises. L’administration, constatant que les critères fixés par l’article L.1233-24-1 du code du travail s’agissant du PSE n’étaient pas remplis, ne pouvait pas valider l’accord.
C’est la première fois, à notre connaissance, que le Conseil d’État se penche sur cette question, à laquelle le code du travail n’apporte aucune réponse directe. L’arrêt est notamment rendu au visa de l’article L 2313-8 du code du travail, relatif à la mise en place du comité social et économique au sein d’une UES, et qui fait référence à un accord conclu entre les représentants du personnel et « les entreprises regroupées au sein de l’unité économique et sociale », sans autre précision.
Laurence Mechin
Activité partielle et plan de résilience Ukraine : mode d’emploi
Dans l’attente des textes officiels, le ministère du Travail a mis en ligne hier un document de questions-réponses dédié à l’utilisation de l’activité partielle par les entreprises touchées par la guerre en Ukraine, à la suite des annonces de Jean Castex. Premier enseignement : les entreprises qui voient leur activité “ralentie ou temporairement arrêtée” peuvent utiliser tant l’activité partielle de droit commun que l’activité partielle de longue durée (APLD). Concernant l’activité partielle de droit commun, l’employeur devra adresser à la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DDETS) “tout document démontrant qu’il existe un lien, direct ou indirect, entre les conséquences de la guerre en Ukraine et la baisse d’activité de l’entreprise”. La hausse des prix du gaz ou du pétrole pourra être retenue comme un motif suffisant.
Le salarié percevra une indemnité au taux de droit commun, soit 60% de sa rémunération brute antérieure, dans la limite de 60% de 4,5 SMIC. L’employeur recevra une allocation d’activité partielle équivalente à 36% de la rémunération brute antérieure du salarié, dans la limite de 36% de 4,5 SMIC, avec un plancher de 7,53 euros.
Sont éligibles les salariés disposant d’un contrat de travail de droit français et employés par des entreprises russes, biélorusses ou ukrainiennes implantées en France. En revanche, pour les salariés français d’entreprises installées en Ukraine ou en Russie, l’entreprise d’envoi doit privilégier, avant le recours à l’activité partielle, le rapatriement de ses salariés expatriés ou détachés.
Seule l’APLD est autorisée en cas de fermeture volontaire d’un établissement par l’employeur. S’il n’est pas possible de rapatrier les salariés sous contrat de droit français mais installés en Russie ou en Ukraine sur d’autres sites en France en raison de la situation géopolitique, l’employeur peut être éligible au bénéfice de l’APLD pour ces salariés. Les partenaires sociaux vont être consultés sur des aménagements de l’APLD : allongement de 12 mois, signature d’un accord jusqu’au 31 décembre 2022 au lieu du 30 juin 2022, possibilité d’adapter les termes d’un accord ou d’un document unilatéral APLD. Par ailleurs, un accompagnement des branches non couvertes à date par l’APLD va être mis en place.
actuEL CE