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[Présidentielle 2022] Franck Ellie et Stéphane Leroy, élus CSE et DS : “Dans notre industrie, vous pensez qu’on peut travailler jusqu’à 65 ans ?”

Elus au CSE et au comité d’entreprise européen du groupe de verrerie Lowens Illinois, Franck Ellie et Stéphane Leroy portent un regard sévère sur le fonctionnement du comité social et économique. Employés dans un secteur -la verrerie industrielle- où la pénibilité est forte, les deux hommes, également délégués syndicaux CGT, critiquent les projets de certains candidats à la présidentielle sur le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite.

Quand nous l’appelons pour la première fois, le 24 février, dans l’usine de fabrication du verre dans le bordelais appartenant au groupe Lowens Illinois où il travaille au service qualité (*), nous demandons à Franck Ellie si les salariés du site parlent de la présidentielle. “J’échange beaucoup avec les élus. Franchement, personne n’en parle de la présidentielle. Tout le monde me paraît un peu désabusé sur le sujet. Ce matin, par contre, tout le monde parlait de la guerre en Ukraine”, répond celui qui fut longtemps le secrétaire du comité d’entreprise. Devenu représentant syndical CGT au CSE et membre du comité d’entreprise européen, il coache le nouveau secrétaire du CSE, en plus de son mandat de délégué syndical. 

En réunion, tout va trop vite, la direction escamote les débats 

Dans ce site de 255 salariés, le CSE compte 10 élus (dont 8 CGT), “trois fois moins que ce que nous avions avec les trois instances séparées CE, CHSCT et DP”. Franck Ellie mesure les effets du passage à une instance unique non seulement sur les débats lors des réunions du comité mais aussi en matière d’activités sociales et culturelles. Pour les réunions du CSE, qui mêlent donc les questions économiques et celles relatives aux conditions de travail, c’est simple, nous dit-il : “Tout va beaucoup plus vite. Pour traiter tous les points à l’ordre du jour, la direction escamote les débats. On passe tout en accéléré. Ce n’était pas le cas du temps du CE et du CHSCT, nous avions davantage de temps pour les débats”. Franck Ellie explique également que les élus doivent faire un résumé de la réunion, sans pouvoir détailler les réclamations et les réponses apportées à ces questions, alors qu’auparavant outre le registre des délégués du personnel, le PV du CE était un déroulé fidèle des propos tenus en réunion. 

Nous avons beaucoup de mal à tenir les permanences du CSE 

En outre, les remontées du terrain sont compliquées à obtenir avec moins d’élus au contact des salariés dont les cycles de travail (travail de nuit par exemple) ne favorisent pas le rassemblement et les échanges. Ce n’est pas mieux concernant la gestion des activités sociales et culturelles, un domaine jugé important par ce comité qui possède 5 appartements. “Nous avons dû mal à tenir les permanences du CSE. Nous avons une majorité d’élus qui travaillent en poste, avec des horaires pas évidents : impossible de faire une permanence après avoir travaillé la nuit. Chez nous, on travaille par exemple de 20h à 4h du matin”, nous dit le syndicaliste, préoccupé par la difficulté de l’équipe d’élus à rester au contact des salariés, non seulement pour les activités de loisirs, mais aussi pour échanger sur les conditions de travail, par exemple. “Faute de permanences, les salariés ne retrouvent pas le service qu’on leur proposait avant au niveau des œuvres sociales”, regrette Franck Ellie. 

Nous travaillons dans la chaleur, les vibrations, parfois la nuit 

Stéphane Leroy, membre du comité d’entreprise européen de Lowens Illinois et délégué syndical central CGT, s’inquiète pour sa part d’un relèvement de l’âge de départ à la retraite, les 65 ans ayant été évoqué par Valérie Pécresse (LR) comme par Emmanuel Macron : “Nos rythmes sont éprouvants, nos conditions de travail pénibles. Nous travaillons dans la chaleur, les vibrations, dans un environnement d’huiles volatiles. Avec la métallurgie, les verreries sont aujourd’hui l’un des secteurs industriels les plus difficiles.  A notre place, vous vous voyez travailler jusqu’à 65 ans ? Et je ne vois pas les candidats à la présidentielle beaucoup parler de pénibilité, ni des reconversions ou reclassements indispensables. Ce serait bien que les candidats regardent ces points en profondeur”. Le délégué ajoute, pour montrer qu’il ne demande pas la lune, qu’il faudrait conserver le système actuel (“départ à 60 ans voire 62 ans”) avec un système de carrière longue pour les salariés ayant travaillé sur des métiers pénibles. 

 Au fil des PSE, l’entreprise supprime des CDI et fait travailler de plus en plus d’intérimaires 

Interrogé sur les préoccupations des salariés, Stéphane Leroy met en avant le pouvoir d’achat mais aussi l’emploi et son évolution ces dernières années :  “J’ai 35 ans d’ancienneté. Je suis entré dans l’entreprise en 1987. A Vayre, nous étions 580. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que 250. Il y a eu de la modernisation, d’accord, mais nous avons surtout eu une progression de l’emploi précaire. La production n’emploie plus que 140 personnes, mais nous avons tous les mois environ 30 intérimaires. Nous subissons régulièrement des plans de licenciement, et les emplois permanents détruits soit ne sont pas sont remplacés, soit sont remplacés par de l’intérim”. Ce mode de gestion des ressources humaines a, selon le syndicaliste, dégradé la performance de l’usine du fait d’un manque de formation et de transmission des compétences. “L’entreprise n’a pas assez investi en France pendant 8 ans, et c’est un retard accumulé qu’il nous faut rattraper”, dit l’élu du comité d’entreprise européen. 

Ce dernier, qui observe avec inquiétude le désintérêt des jeunes élus de CSE pour la politique, craint une forte abstention à la présidentielle : “Avant, nous avions parfois des débats parfois houleux sur la politique, mais aujourd’hui, c’est comme si tout le monde était devenu plus réservé, plus prudent sur le sujet”. 

(*) Cela ne s’invente pas, cette verrerie industrielle est située à.. Vayres (33). Les interviews ont eu lieu par téléphone et en visio le 24 février et le 11 mars. 

Bernard Domergue

Le calendrier des candidatures prud’hommes et le nombre de sièges sont fixés pour 2023-2025

Deux textes sont parus ce week-end au Journal officiel au sujet des prud’hommes.

► Un arrêté du 9 mars 2022 fixe jusqu’au 15 juin 2022 la possibilité de déposer des candidatures à la fonction de conseiller prud’homme pour le mandat prud’homal 2023-2025 ;

► Un arrêté du 14 mars 2022 porte attribution des sièges de conseillers prud’hommes pour le mandat prud’homal 2023-2025, pour les organisations d’employeurs et les organisations syndicales, dans un tableau.

actuEL CE

Agirc-Arrco : la CGT demande un rattrapage des pensions

Après l’annonce d’un excédent de près de 2 milliards d’euros des régimes de retraites complémentaires du fait, notamment, d’une masse salariale en progression de près de 10% en 2021, la CGT demande “un rattrapage des pensions, en lien avec l’inflation, et la suppression de la sous-indexation”. Le syndicat rappelle avoir refusé l’accord de l’été dernier qui prévoyait “la sous-indexation des pensions de 0,5%”. La CGT demande l’ouverture d’une nouvelle négociation.

actuEL CE

Un CSE peut-il aider l’Ukraine ?

L’attaque de l’Ukraine par la Russie suscite en France une vague de dons et d’actions humanitaires vers Kiev. Au titre de ses activités sociales, le CSE peut-il agir ?

Parfois relayés par les organisations syndicales, les appels aux dons et à la solidarité vis-à-vis du peuple ukrainien visent bien sûr les personnes individuelles, pas les collectivités (*). Mais des actions se font jour ici ou là qui impliquent des syndicats d’entreprise et/ou des CSE. Près du Havre, la CGT de Renault Sandouville s’est associée à l’initiative du Secours populaire visant à acheminer des produits de première nécessité vers des ONG ukrainiennes, rapporte Paris Normandie.  Le syndicat a mobilisé plusieurs militants la semaine dernière devant les panneaux d’affichage extérieurs de l’usine pour réceptionner les dons faits par les salariés, le local syndical prenant le relais cette semaine. 

Dans l’Est, à la suite d’une initiative d’habitants de plusieurs villages autour d’Halstroff, en Moselle, le comité social et économique de Stellantis (ex-PSA) de Trémery, près de Metz, a ainsi prêté un utilitaire pour convoyer de l’aide vers l’Ukraine, comme l’explique Le Républicain Lorrain, Il s’agit ici d’un prêt (lire notre encadré). Mais les CSE peuvent-ils aller, s’ils en ont les moyens et s’ils le souhaitent, plus loin ? 

Dans quel cadre légal se situent ces actions ? 

On sait que les comités sociaux et économiques peuvent apporter un secours, c’est-à-dire une aide sociale exceptionnelle, individuelle et non renouvelable. Mais cette aide est réservée aux salariés de l’entreprise se trouvant en difficulté, soit en “état de gêne”, soit dans une “situation digne d’intérêt”. Dans son dernier guide, l’Urssaf explique que les secours exceptionnels sont exonérés de cotisations sociales. C’est le cas, par exemple, de la somme allouée par le CSE à l’’occasion du décès d’un membre de la famille du salarié : cette aide est assimilée à un secours exceptionnel, mais elle n’est exonérée que si elle est d’un montant inférieur ou égal à 5% du plafond mensuel de la Sécurité sociale (soit 171 € en 2022).

Un autre volet d’action sociale peut néanmoins viser l’international. Selon l’article L. 2312-84 du code du travail le CSE qui dispose d’un excédent annuel non utilisé peut décider, par délibération, de transférer une partie de son reliquat vers une association de son choix. Cette possibilité est plafonnée par l’art. R.2312-51 : le don ne peut pas représenter davantage que 10% de l’excédent du budget des activités sociales et culturelles (ASC). En outre, le CSE doit préciser, dans sa délibération, les destinataires des sommes et leur répartition, et il doit aussi inscrire ces montants et leurs modalités d’utilisation dans les comptes annuels du comité social et économique.

La réponse d’un juriste

C’est d’ailleurs la réponse apportée par Samuel Bencheikh, juriste chez Atlantes, à un CSE qui l’a sollicité il y a deux semaines sur le sujet. Un comité social et économique d’une entreprise pharmaceutique l’interrogeait pour savoir s’il était possible de donner directement des biens, en l’occurrence du matériel médical, aux Ukrainiens. “Je leur ai dit qu’ils ne pouvaient que faire un don aux associations, dans la limite de 10% de l’excédent annuel du budget des ASC”, rapporte Samuel Bencheikh, croisé hier au salon Solutions CSE de Paris. Et ce dernier d’ajouter : “Je pense que ma réponse les a déçus”. Pas sûr cependant qu’elle ait dissuadé le CSE d’agir…

(*) Voir par exemple cette initiative de la Confédération européenne des syndicats (CES) et de la Confédération syndicale internationale (CSI) ou ce site recensant toutes les aides possibles 

Le CSE de Stellantis à Trémery prête sa camionnette pour acheminer de l’aide aux Ukrainiens réfugiés en Pologne
Le CSE de Trémery, un site de Stellantis (PSA-Fiat-Chrysler) qui emploie 2 600 salariés, s’est impliqué dans une opération d’acheminement de biens (vêtements, produits d’hygiène, etc.) pour les familles ukrainiennes réfugiées en Pologne. “C’est un collaborateur de l’entreprise qui, dans son entourage, avait un ami très impliqué dans l’humanitaire, qui nous a mis en contact”, nous explique Richard Vella, secrétaire du CSE. Le comité, qui dispose d’une fourgonnette habituellement mise en location pour les salariés de l’entreprise, a mis son véhicule à la disposition des bénévoles qui ont formé un convoi de plusieurs camions pour aller en Pologne. “Nous avons également pris en charge les frais d’essence et d’assurance, et un de nos salariés était chauffeur”, nous précise le représentant du personnel, également responsable du syndicat SIA du site. 

Bernard Domergue

Recouvrement du solde de la taxe d’apprentissage : les modalités d’application du régime transitoire sont fixées

Les employeurs assujettis à la taxe d’apprentissage au titre de 2021 se sont acquittés du solde de la taxe sur la base d’une assiette constituée de la masse salariale 2020, en imputant sur celle-ci les dépenses libératoires effectuées avant le 1er juin 2021 directement auprès de certains établissements d’enseignement ou d’insertion professionnelle ou de centres de formation d’apprentis (CFA).

A la suite du transfert du recouvrement au 1er janvier 2022 de la taxe d’apprentissage aux Urssaf, le solde de cette taxe due au titre de 2022 (calculée sur la masse salariale 2022) ne sera recouvré via la DSN qu’au mois de mai 2023 avant d’être reversé aux organismes bénéficiaires par l’intermédiaire de la Caisse des dépôts et consignation.

La loi de finances pour 2022 a mis en place un régime transitoire afin de garantir le versement de ce solde en 2022. Elle a rétabli l’imposition à la taxe d’apprentissage à titre provisoire (sur la masse salariale 2021) dans les conditions antérieures au transfert du recouvrement aux Urssaf (loi du 30 décembre 2021). Le solde sera versé directement aux organismes bénéficiaires, les entreprises concernées pouvant imputer, alternativement ou cumulativement, sur celle-ci :

  • les dépenses réellement exposées avant le 1er juin 2022 afin de favoriser le développement des formations initiales technologiques et professionnelles (hors apprentissage) et l’insertion professionnelle, effectuées directement auprès des établissements énumérés à l’article L.6241-5 du code du travail ;
  • et les subventions versées à un CFA du 1er juin 2021 au 31 mai 2022 sous forme d’équipements et de matériels conformes aux besoins des formations dispensées.

Les modalités d’application de ce régime transitoire devaient être précisées par décret. C’est chose faite.

Le décret du 17 mars 2022 précise que seuls les établissements inscrits sur la liste nationale (article L.6241-5 du code du travail) ou sur les listes régionales (articles R.6241-21 et R.6241-22 du code du travail) pourront bénéficier des versements à des formations technologiques et professionnelles en 2022. Ces établissements doivent établir un reçu destiné à l’entreprise indiquant le montant perçu et sa date de versement.

Le décret prévoit également que lorsque le solde de la taxe d’apprentissage est versé pour 2022 sous forme de subventions en matériels et équipements à destination d’un CFA, ce dernier doit établir un reçu destiné à l’entreprise daté du jour de livraison des matériels et équipements et indiquant l’intérêt pédagogique de ces biens, ainsi que la valeur comptable justifiée par l’entreprise selon les modalités prévues par l’arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle mentionné à l’article R.6241-24 du code du travail.

actuEL CE

Présidentielle 2022 : pour la CGT, le monde du travail “doit s’emparer de ce moment démocratique”

A l’occasion de la présidentielle, la CGT a publié hier un communiqué (lire en pièce jointe). Le syndicat ne prend pas parti en faveur d’une candidature, mais il affirme vouloir “combattre sans relâche les idées racistes et xénophobes”. Pour la CGT, “l’extrême droite fascisante est dans le camp des ultras libéraux avec des prétendues solutions économiques et sociales inspirées par le MEDEF comme c’est le cas, entre autres, pour les retraites, les salaires, les libertés notamment syndicales, et plus globalement concernant la répartition des richesses”. Le syndicat soutient enfin qu’il est important que le monde du travail “s’empare de ce moment démocratique que sont les élections”, la CGT appelant “à amplifier ces mobilisations dans les entreprises et services car il n’y a pas de véritable démocratie politique sans démocratie sociale, sans intervention du monde du travail”.

Documents joints

Quelle place pour l’entreprise, quelle place pour les ouvriers ?

Deux livres très différents sur le monde du travail ont été primés hier par le jury du Toit citoyen. L’un développe une réflexion sur la place de l’entreprise dans notre démocratie moderne, l’autre relate le combat des ouvriers de l’usine GM-S de la Souterraine.

Eclectique, le dernier palmarès du prix du meilleur ouvrage sur le monde du travail ! Rappelons que ce prix est décerné par un jury composé d’élus de CSE et de personnalités (dont Pierre Ferracci, du groupe Alpha-Secafi et Jean Auroux, l’ancien ministre du Travail), jury piloté par Patrick Gobert, l’animateur du Toit citoyen. Cette association réunit des membres des comités sociaux et économiques en leur proposant des journées d’échanges et de découvertes. “Nous avons bien failli disparaître avec la crise sanitaire. Mais le fait que nous soyons une association nous a donné la force de continuer, et nous avons la chance de compter parmi nos soutiens des personnes comme Pierre Ferracci”, a confié, Patrick Gobert lors de la remise du prix, hier au salon SolutionsCSE de Paris, porte de Versailles.

Eclectique ce prix donc, puisqu’il récompense deux livres très différents. Le premier, primé au titre de la catégorie “expert”, a été co-écrit -ce n’est pas si courant- par une mère et son fils (*). Pas n’importe quelle mère du reste, puisqu’il s’agit de Dominique Schnapper. Agée de 80 ans, cette sociologue, fille de Raymond Aron s’il vous plaît, est membre honoraire du Conseil constitutionnel. Pas n’importe quel fils non plus, puisque Alain Schnapper, ingénieur des mines, a eu un parcours de cadre dirigeant pendant 30 ans dans les entreprises. Il fait aujourd’hui du conseil en gouvernance responsable, notamment en matière de raison d’être et participe aux recherches de la chaire “Théorie de l’entreprise, modèle de gouvernance et création collective” de Mines Paris Tech.

Un dialogue entre mère et fils

Mère et fils ont noué un dialogue intellectuel autour de la place de l’entreprise dans notre démocratie : “Mon fils s’est servi de mon grand appartement pour faire du co-working et c’est comme cela que nous avons commencé à échanger nos idées. J’ai confronté mes réflexions, conduites depuis des années, à l’expérience de mon fils”. “Il n’y a pas une ligne que nous ne partageons pas”, a renchéri Alain Schnapper. Pour les deux auteurs, la place et le rôle de l’entreprise dans notre société sont la grande question démocratique du XXIe siècle.

Ce livre a séduit en tout cas tout à la fois des spécialistes de l’économie des entreprises, comme le patron du groupe Alpha, qui plaide pour une meilleure représentation des salariés au sein des conseils d’administration, et des spécialistes de la santé au travail, comme Marie Pezé, connue pour son action contre la souffrance au travail : “Lire un livre aussi positif sur l’entreprise m’a fait du bien !” De quoi plaire également à Jean Auroux. “Moi qui ai plaidé pour le droit d’expression des salariés et pour la démocratie sociale en entreprise, une démocratie économique qui reste à construire, je veux dire aussi que nous avons un devoir d’écoute, notamment à l’égard des chercheurs qui réfléchissent au monde du travail”, a souligné l’ancien ministre du Travail, qui continue de déplorer la disparition du CHSCT et qui juge déplorable l’actuelle campagne présidentielle. 

Un livre sur le combat des ouvriers d’une usine menacée

Le deuxième livre récompensé, au titre de la catégorie “témoignage”, est donc d’un registre différent (**). Ecrit par Arno Bertina qui a recueilli des témoignages pendant 4 ans, le livre raconte et documente, de façon incisive et très vivante, la lutte acharnée contre les licenciements et la fermeture de leur usine menée par les ouvriers de GM-S, un sous-traitant automobile basé à la Souterraine, dans la Creuse. “Leur intelligence m’a aimanté”, dit l’auteur. Difficile de ne pas l’approuver quand on écoute un ancien ouvrier, qui a réussi à se reconvertir, raconter son histoire. Il est venu, en bleu de travail, apporter son témoignage. Il a évoqué les manifs à Paris et le combat devant les juges : “110 ouvriers sont en sursis. Mais beaucoup de camarades sont découragés d’aller aux prud’hommes”.

L’ouvrier a également parlé de l’écriture d’une proposition de loi sur la responsabilité des donneurs d’ordre, un texte que les salariés espèrent toujours voir débattu à l’Assemblée, et sa voix a chaviré d’émotion lorsqu’il a tenté de rendre hommage à une des figures de leur lutte, Yann Augras. L’ancien secrétaire du CSE et délégué syndical CGT a trouvé la mort dans un accident de la route. Pierre Ferracci a rapproché cette histoire de celle de la fonderie de Bretagne dont on devrait connaître bientôt le repreneur : il s’agit de deux sites sous-traitants des donneurs d’ordre de l’automobile (comme Renault), avec des activités très menacées par la transition climatique. “Les ouvriers n’ont pas disparu, même si certains les ont oubliés. Si nous ne préparons pas cette transition et ces mutations économiques avec les organisations patronales et syndicales, nous risquons de devoir faire face à de nouvelles révoltes sociales”, a mis en garde le patron de Secafi. 

Pour ne rien gâcher dans cette remise de prix qui évoquait un monde du travail réel bien éloigné de certaines représentations politiques, Patrick Gobert a vanté les mérites d’une librairie parisienne aux airs de caverne d’Ali Baba : “Au point du Jour, 55 rue Gai Lussac, c’est extraordinaire, un fonds de 10 000 livres et le libraire, Patrick Bobulesco, connaît tout !” 

(*) Dominique Schnapper et Alain Schnapper, “Puissante et fragile, l’entreprise en démocratie”, Editions Odile Jacob. 

(**) Arno Bertina, “Ceux qui top supportent”, Editions Verticales, Gallimard. 

Bernard Domergue

Les embauches ont progressé en février

En février 2022, le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim) progresse de 2,8 %, après les baisses de 1,5 % et 1,4 % respectivement aux mois de janvier 2022 et décembre 2021, portant à – 0,2 % l’évolution sur trois mois. L’évolution est de + 29,7 % sur un an et de + 8,6 % par rapport à février 2020, dernier point avant la crise.

La hausse des déclarations d’embauche enregistrée en février 2022 s’explique par la progression des embauches en CDD de plus d’un mois (+ 3,7 %) et de celles en CDI (+ 2,0 %). Sur trois mois, les premières sont en légère hausse de 0,4 %, tandis que les secondes diminuent de 0,8 %. Par rapport à février 2020, les évolutions sont respecti­vement de + 8,5 % et + 8,6 %.

actuEL CE

Les bases de la consultation du CSE pour les jeunes élus

Consultations récurrentes, ponctuelles, obligatoires, délais, documents… Pas facile de tout maîtriser quand on est jeune élu du CSE. Camille Piat, avocate du cabinet Atlantes, a présenté une conférence à ce sujet lors du salon Eluceo de Paris le 10 mars dernier. Petit tour d’horizon de la question, “step by step”.

Vous êtes jeune élu, c’est votre premier mandat, et vraiment, vous trouvez tout cela bien compliqué, que vous soyez suppléant ou déjà titulaire. Et vous avez raison. La consultation du CSE obéit à des règles que vous devez apprivoiser. Pour vous aider à y voir plus clair, voici une synthèse des règles de base à connaître, présentées par Camille Piat, avocate spécialisée en droit du CSE au cabinet Atlantes. 

Pourquoi être consulté ?

La réponse à cette question peut paraître évidente pour un élu expérimenté, mais elle ne l’est pas pour un jeune élu. “La consultation permet aux salariés de comprendre l’entreprise qui les emploie, dans tous ses enjeux : économiques, stratégiques etc.”, répond Camille Piat. L’avocate précise que la consultation leur permet aussi de faire remonter leurs interrogations, leurs idées ou leurs inquiétudes au travers des élus. Ainsi, ils peuvent influer sur les décisions et projets de l’entreprise.

“Mais encore faut-il que le CSE soit bien consulté !”, précise Camille Piat avec malice. C’est pourquoi, le code du travail organise des consultations obligatoires. Les consultations dites “récurrentes” doivent avoir lieu régulièrement, tous les ans (sauf si un accord prévoit une autre périodicité) dans trois domaines ;

  • les orientations stratégiques de l’entreprise ;
  • sa situation économique et financière ;
  • la politiques sociale, les conditions de travail et l’emploi.

A côté de ces consultations en principe annuelles, on trouve les consultations ponctuelles qui n’ont lieu que dans certaines situations, comme par exemple :

  • un licenciement collectif économique ;
  • une restructuration avec réduction des effectifs ;
  • une offre publique d’acquisition ;
  • une sauvegarde ou liquidation judiciaire.

On le voit, les consultations ponctuelles sont liées à des événements qui n’arrivent pas tous les jours dans la vie d’une entreprise en bonne santé. 

Une consultation au bon moment : 1, 2, 3, top délai !

Un nouvel élu doit savoir que la consultation restera sans effet si elle a lieu après la prise de décision. “En fait, elle ne doit être ni tardive ni prématurée. Le plus difficile à déterminer, c’est le moment de la mise en place du projet. Par exemple, dans un projet de cession, la consultation doit avoir lieu avant que la décision de l’employeur soit prise “, commente Camille Piat. Autrement dit, le projet doit être suffisamment avancé mais pas définitivement arrêté.

Dans une consultation, la remise des documents nécessaires au CSE par l’employeur via la base de données économiques sociales et environnementales (BDESE) est un élément fondamental. “Et méfiez-vous, ajoute Camille Piat, car si l’employeur ajoute des documents dans la BDESE mais ne vous le dit pas, cela fait quand même courir le délai” ! La durée du délai varie ensuite selon les cas :

  • 1 mois pour une consultation simple (sans recours à un expert) ;
  • mois en cas d’intervention d’un expert ;
  • 3 mois en cas d’intervention d’un ou plusieurs experts quand la consultation a lieu au niveau du CSE central et d’un ou plusieurs CSE d’établissements.

 La politique de la chaise vide ne sert à rien

“Cela va extrêmement vite, commente Camille Piat : le temps de réceptionner les documents, de les lire, d’en parler entre vous et de décider Pendant tout ce temps, l’horloge tourne”. Attention donc au respect des délais, car à leur expiration, le CSE est réputé avoir avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. Il en résulte une grande perte d’influence du CSE qui s’est alors privé de l’opportunité d’échanger avec la direction et de faire valoir les intérêts des salariés. De plus, comme le dit l’avocate, “ne pratiquez pas la politique de la chaise vide, cela ne sert strictement à rien ! Le projet continuera sans vous”.

Sans compter que les élus peuvent être induits en erreur. En bonne connaisseuse du terrain, Camille Piat pose un cas concret aux élus participant à sa conférence : “Si vous vous trouvez dans le cas du délai d’un mois, mais que l’employeur organise une deuxième réunion 2 mois après la première, quand devez-vous rendre votre avis ?”. Silence dans la salle, y compris chez les élus expérimentés. Réponse de l’avocate : “Vous devez le rendre sans attendre la deuxième réunion, sinon votre délai d’un mois sera expiré et vous serez considéré comme ayant rendu un avis négatif”.

Des informations précises et écrites, sinon on appelle le juge !

Avant la consultation, l’employeur doit communiquer au CSE des informations précises et écrites. Elles indiquent les raisons du projet ou de la prise de décision, elles détaillent la mesure, elles explicitent les personnes concernées et expliquent les répercussions sur le personnel. Elles peuvent être communiquées via la BDESE ou sous la forme d’un dossier spécifique en cas de projet important. Si cela concerne un projet économique, les informations devront contenir les motivations, la pertinence du projet en termes de marketing, de développement commercial, de gains prévus et de perspectives attendues. Sur un projet social, les élus doivent connaître l’influence de la mesure sur les conditions de travail, l’effectif, les contrats de travail, les mandats ou encore le budget du CSE.

“Et si l’employeur ne vous donne pas les infos, il doit les fournir à la prochaine réunion !”, insiste Camille Piat. Depuis le fond de la salle de conférence, un jeune élu lève alors la main avec timidité : “Mais si l’employeur ne nous donne rien et qu’il n’organise pas d’autre réunion ” ? Réplique immédiate de l’avocate : “Vous saisissez immédiatement le juge en référé, et tant que vous y êtes, vous lui demandez de suspendre le projet en cours. C’est ce qui s’est passé dans l’affaire Suez-Veolia”.

 Les employeurs ont parfois beaucoup d’imagination !

Nouvelle intervention du jeune élu en fond de salle : “Mais si l’employeur nous donne les infos trois jours avant la fin du délai « ? L’avocate jubile : “Voilà une excellente question ! Car les employeurs ont parfois beaucoup d’imagination ! Dans ce cas, demandez au juge la prorogation de votre délai de consultation”. Si des informations sont communiquées, mais que les élus les estiment insuffisantes, ils peuvent aussi saisir le tribunal judiciaire. Attention cependant, cela n’a pas pour effet de prolonger le délai de consultation du CSE. Les élus doivent de plus indiquer au juge les éléments qui manquent, sinon ils risquent de voir leur demande rejetée. Par ailleurs, la décision de recourir au juge devra faire l’objet d’un point à l’ordre du jour et d’une délibération en réunion plénière. Saisir le juge se fait également aux frais du CSE.

Marie-Aude Grimont

[Les CSE aujourd’hui] Les élus restent à distance des réseaux sociaux

Réalisée par Officiel CSE, “l’enquête nationale des CSE” a été conduite sur internet en juin et juillet 2021 auprès de 1072 élus de CSE. Deux tiers des sondés étaient secrétaires et trésoriers, l’instance moyenne couvrant 180 salariés, l’industrie étant le secteur le plus représenté (18,8% des sondés, devant les services aux entreprises avec 17%, l’éducation et la formation avec 14%, l’agroalimentaire avec 9,7%, etc).

Elle offre une indication sur la nouvelle physionomie des instances représentatives du personnel suite aux ordonnances de 2017. Nous vous en proposerons régulièrement un aperçu sous la forme de données, chiffres ou infographies.

Aujourd’hui, les élus du CSE utilisent-ils les réseaux sociaux ? Non, car 85 % d’entre eux disent ne jamais en faire usage, ou peu souvent. Cette tendance est cependant à relativiser, car les élus sont de moins en moins nombreux dans ce cas : ils sont passés de 78,06 % en 2015 à 68,30 % en 2019. On observe également une amélioration des scores chez ceux qui se servent des réseaux. 3,01 % des élus disaient les utiliser très souvent en 2015. Ils étaient 6,82 % en 2019. Leur proportion a donc plus que doublé, un signe encourageant si les élus veulent se faire connaître des jeunes salariés.

actuEL CE