IRP

Précisions sur le vote électronique

La Cour de cassation juge pour la première fois qu’après la clôture des opérations de vote, seul le juge saisi d’une contestation des élections peut accéder aux listes d’émargement et les contrôler. Elle précise aussi que dans le cadre d’un scrutin se déroulant sur plusieurs jours, les conditions d’ancienneté pour être électeur et éligible s’apprécient à la date du premier jour du scrutin.

L’ordonnance 2017-1386 du 22 septembre 2017 a autorisé le recours au vote électronique pour l’élection des représentants du personnel au comité social et économique (CSE). Un arrêt du 23 mars 2022 apporte des précisions inédites sur les personnes habilitées à accéder à la liste d’émargement, ainsi que sur la date d’appréciation de l’ancienneté des électeurs et des candidats aux élections du CSE en cas de vote électronique.

Après le scrutin, la liste d’émargement n’est accessible qu’au juge

Le décret 2017-1819 du 29 décembre 2017 et l’arrêté SOCT0751067A du 25 avril 2007 précisent les conditions de sécurité et de confidentialité dans lesquelles un vote électronique peut être valablement organisé. Un tel système de vote doit notamment pouvoir être scellé à l’ouverture et à la clôture du scrutin (C. trav. art. R 2314-8).

S’agissant plus particulièrement de la liste d’émargement, le Code du travail dispose qu’elle n’est accessible qu’aux membres du bureau de vote à des fins de contrôle de déroulement du scrutin (C. trav. art. R 2314-16) et qu’elle est conservée sous scellés par l’employeur ou le prestataire qu’il a retenu, jusqu’à l’expiration du délai de recours et, lorsqu’une action contentieuse a été engagée, jusqu’à la décision juridictionnelle devenue définitive (C. trav. art. R 2314-17). L’article 5 de l’arrêté du 25 avril 2007 ajoute qu’en cas de contestation des élections, les listes d’émargement sont tenues à la disposition du juge.

Après la clôture du scrutin, l’employeur peut refuser l’accès à la liste d’émargement

La Cour de cassation déduit de ces dispositions réglementaires, qui définissent strictement les conditions d’accès à la liste d’émargement en matière de vote électronique, que la liste d’émargement n’est accessible qu’aux membres du bureau de vote et, après la clôture du scrutin, qu’au juge saisi d’une éventuelle contestation des élections, à l’exclusion de toute autre personne, qu’il s’agisse d’électeurs, de candidats ou d’organisations syndicales ayant déposé des listes de candidats.

Elle approuve donc le tribunal judiciaire d’avoir rejeté la demande d’annulation des élections formée par le syndicat et le salarié requérants, qui reprochaient à l’employeur de ne pas leur avoir donné accès à la liste d’émargement après les opérations électorales et scellement des fichiers supports.

► Notons que, contrairement à ce que soutenaient les requérants, il n’existait pas de principe général du droit électoral conférant à tout électeur, candidat et organisation syndicale ayant déposé une liste de candidatures un droit d’accès à la liste d’émargement à la fin des opérations électorales.

Une partie intéressée peut toutefois demander au juge de la contrôler

Pour autant, la Cour de cassation ne prive pas les parties intéressées de tout recours en cas de doute sur le contenu d’une liste d’émargement et partant, sur la régularité des opérations électorales. En effet, elle déduit de l’arrêté du 25 avril 2007 et de l’article R. 2314-17 du Code du travail précités qu’elles peuvent, dans ce cas, demander l’intervention du juge après la clôture du scrutin. Elle juge en effet que, même si elles ne disposent pas d’un droit d’accès aux listes d’émargement, les parties intéressées peuvent, après la clôture du scrutin, contester judiciairement les élections et demander au juge que lesdites listes soient tenues à sa disposition afin qu’il procède à leur vérification.

Remarquons que la Cour de cassation ne reprend pas à son compte lobjection soulevée par le tribunal judiciaire qui, pour refuser aux requérants l’accès à la liste d’émargement, s’était notamment appuyé sur le fait qu’aucun élément ne permettait de douter de la régularité des opérations de vote. En effet, dans son attendu de principe, la Haute Juridiction n’impose pas aux parties intéressées de motiver leur demande.

L’ancienneté pour être électeur et éligible s’apprécie à la date du premier jour du scrutin

Le Code du travail ne précise pas à quelle date doivent s’apprécier les conditions d’électorat et d’éligibilité. La jurisprudence a donc posé le principe que les conditions d’électorat et d’éligibilité s’apprécient à la date du premier tour du scrutin (Cass. soc. 6-7-1983 n° 82-60.613 P ; Cass. soc. 25-10-2017 n° 16-17.740 F-D : RJS 1/18 n° 54). Il n’est pas possible de fixer une autre date, même par protocole préélectoral, car, pour la Cour de cassation, ce serait priver les salariés des droits électoraux qu’ils tiennent de la loi (Cass. soc. 1-12-2010 n° 10-60.163 F-PB : RJS 2/11 n° 161 Cass. soc. 25-10-2017 n° 16-17.740 F-D précité).

Mais qu’en est-il en cas de recours au vote électronique se déroulant sur plusieurs jours ? Les conditions d’électorat et d’éligibilité doivent-elles être réunies dès le premier jour du scrutin ou à la date de clôture du premier tour des élections ?

Un protocole préélectoral optant pour la date de clôture du premier tour

En l’espèce, la réponse à cette question revêtait une importance particulière car elle déterminait l’éligibilité d’une candidate aux élections du CSE (1). En effet, au premier jour du scrutin la salariée concernée ne disposait pas d’une ancienneté suffisante, alors qu’à la date de clôture du premier tour du scrutin elle remplissait cette condition.

► Pour rappel, est éligible aux fonctions de membres du CSE le salarié ayant travaillé dans l’entreprise depuis au moins un an (C. trav. art. L 2314-19). En revanche, pour être électeur, il suffit que le salarié ait travaillé depuis au moins 3 mois dans l’entreprise (C. trav. art. L 2314-18).

C’est cette dernière date que le protocole préélectoral avait retenue pour apprécier la condition d’ancienneté des candidats aux élections.  A tort, pour les requérants qui estimaient, au contraire, que la condition d’ancienneté devait être remplie par la salariée candidate dès le premier jour du scrutin, soit à une date à laquelle elle était susceptible de recueillir des voix sur son nom. Ils avaient donc sollicité du tribunal judiciaire l’annulation du premier tour du scrutin dans les collèges concernés en invoquant l’inéligibilité de la salariée élue, faute pour cette dernière de remplir la condition d’ancienneté requise au premier jour du scrutin.  

Mais leur demande est rejetée par le tribunal judiciaire, qui valide la date retenue par le protocole préélectoral. Pour le premier juge, en effet, l’appréciation de l’ancienneté peut être fixée par le protocole préélectoral le dernier jour du scrutin dès lors que cette date favorise le principe de participation des salariés à la détermination collective des conditions de travail inscrit au préambule de la Constitution de 1946.

Il ajoute que si les élections avaient été annulées, l’employeur aurait été contraint d’en organiser de nouvelles et la salariée aurait largement disposé de l’ancienneté requise pour être éligible.  

Son jugement est cassé, la Haute Juridiction considérant pour sa part qu’en cas de recours au vote électronique se déroulant sur plusieurs jours, les conditions d’ancienneté dans l’entreprise pour être électeur et éligible s’apprécient à la date du premier jour du scrutin. Elle indique que si un protocole préélectoral peut, par des dispositions plus favorables, déroger aux conditions d’ancienneté exigées par les articles L 2314-18 et L 2314-19 du Code du travail précités, il ne peut pas modifier la date d’appréciation de ces conditions.

► À notre avis. Ce faisant, la Cour de cassation ne semble plus privilégier l’intérêt du salarié, comme elle l’avait sous-entendu jusqu’à présent. En effet, dans les arrêts précités, elle avait refusé la prise en compte d’une autre date que celle du premier tour du scrutin pour éviter de « priver les salariés des droits électoraux qu’ils tiennent de la loi ». Or, en retenant que la condition d’ancienneté doit s’apprécier dès le premier jour du scrutin, elle prive de ces mêmes droits des salariés qui ne justifieraient pas d’une ancienneté suffisante à cette date. Bien que la Cour de cassation ait pris position sur la condition d’ancienneté, il nous semble que sa décision est transposable aux autres conditions d’électorat et d’éligibilité posées par les articles L 2314-18 et L 2314-19 du Code du travail.

(1) Cass. soc. 23-3-2022 n° 20-20.047 FS-B, Fédération communication conseil culture (F3C) CFDT c/ Sté Assystem Engineering and operation services (Aeos)

La décision en résumé
1.Après la clôture du scrutin, il appartient aux parties intéressées de demander au juge, en cas de contestation des élections, que les listes d’émargement soient tenues à sa disposition. Dès lors, un tribunal qui n’est saisi d’aucune demande de vérification des listes d’émargement doit rejeter la demande d’annulation des élections formée par un syndicat et un salarié requérant reprochant à l’employeur de leur avoir opposé un refus à leur demande d’accès à la liste d’émargement, un tel refus étant justifié au regard des conditions réglementées d’accès à cette liste en matière de vote électronique. 2. En cas de recours à un vote électronique se déroulant sur plusieurs jours, les conditions d’ancienneté dans l’entreprise pour être électeur et éligible s’apprécient à la date du premier jour du scrutin. Si un protocole préélectoral peut, par des dispositions plus favorables, déroger aux conditions d’ancienneté exigées par le Code du travail, il ne peut modifier la date d’appréciation de ces conditions.

Elodie Expert

La mise en œuvre d’une réorganisation peut débuter avant l’homologation du PSE qui l’accompagne

L’employeur peut mettre en œuvre une réorganisation alors que le PSE qui l’accompagne n’a pas encore été homologué, dès lors que le CSE a été saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs.

Dans un arrêt du 23 mars 2022, la Cour de cassation se prononce sur le “timing” à respecter par l’employeur qui met en œuvre une réorganisation accompagnée d’un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi). Elle précise que la mise en œuvre de la réorganisation n’est pas subordonnée à la décision de validation ou d’homologation du PSE. Autrement dit, les mesures ainsi appliquées ne sont pas irrégulières dès lors que le CSE a été saisi en temps utile du projet.

Une dispense d’activité consécutive au refus d’une mutation 

Une société envisage de se réorganiser en regroupant certaines de ces agences. Dans ce contexte, un salarié se voit proposer une mutation dans une autre agence. Suite à son refus, le 4 septembre 2015, l’employeur l’informe qu’il est mis à disposition de la société à son domicile, avec maintien de son salaire, à compter du 30 novembre 2015.

Entre la date de son refus de mutation et celle de son placement en dispense d’activité, l’employeur consulte, le 3 novembre 2015, le comité d’établissement (désormais CSE d’établissement) sur la procédure de licenciement collectif pour motif économique et élabore un PSE pour la vingtaine de salariés ayant refusé la modification de leur lieu de travail. Ce PSE est homologué par l’administration le 12 mai 2016.

Une dispense d’activité irrégulière 

Le 17 juin 2016, le salarié est licencié pour motif économique après avoir refusé toutes les propositions de reclassement. Il saisit le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il soutient que son placement en dispense d’activité rémunérée, dans le cadre de la réorganisation, est irrégulier car intervenue alors que le PSE n’a pas encore été homologué.

La cour d’appel lui donne gain de cause. Elle estime que la “Note technique sur le projet de réorganisation et plan de sauvegarde de l’emploi” dont la version finale date du 21 avril 2016, ne peut être mise en œuvre avant le 12 mai 2016, date de son homologation par l’administration.

Elle prononce, par conséquent, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et le condamne à payer au salarié la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel né de la rupture de son contrat de travail.

Possibilité de mettre en œuvre la réorganisation sans attendre

La Cour de cassation censure l’analyse du juge d’appel. Se fondant sur les articles L. 1233-25L. 1233-30 et L. 2323-31 (désormais art. L. 2312-39) du code du travail, elle considère que si le CSE doit être saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs, la réorganisation peut être mise en œuvre avant la date d’homologation du PSE par l’administration.

Les mesures ainsi prises ne sont pas irrégulières.

Karima Demri

Les employeurs en difficulté en raison du conflit en Ukraine peuvent reporter leurs cotisations

L’Urssaf propose un plan de résilience économique et sociale aux entreprises qui rencontrent des difficultés financières en raison du conflit en Ukraine.

Dans un communiqué diffusé sur son site le 1er avril 2022, l’Urssaf informe que les employeurs mis en difficultés par la hausse des prix de l’énergie ou la perte de débouchés à l’export, peuvent demander un délai de paiement de leurs cotisations sociales patronales pour les prochaines échéances.

A cet égard, les dispositifs déjà mis en place dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 sont renforcés par le gouvernement, il est prévu que :

  • les employeurs qui auraient reçu un plan d’apurement peuvent en demander le report ou la renégociation auprès de leur Urssaf ;
  • les employeurs qui bénéficient déjà d’un plan d’apurement ou ont reçu une proposition de plan d’apurement de la part de l’Urssaf, peuvent en renégocier les modalités, et demander un démarrage différé de leur échéancier.

L’Urssaf met à disposition un guide et un flyer afin d’orienter les employeurs qui souhaiteraient bénéficier de ces mesures.

actuEL CE

[Présidentielle 2022] Stéphanie Dos Santos, secrétaire adjointe de CSE : “Avec l’instance unique, nous avons beaucoup perdu”

Secrétaire adjointe du CSE de l’Institut Gustave Roussy, qui emploie 3 900 personnes à Villejuif, près de Paris, Stéphanie Dos Santos estime que le comité social et économique (CSE) ne permet pas de traiter correctement les problèmes liés aux conditions de travail. “Nous étions 45 élus. Avec le CSE, nous ne sommes plus que 25”, déplore-t-elle en souhaitant le retour du CE, CHSCT et DP.

C’est lors du salon Eluceo du stade de France, le 9 mars à Saint-Denis (93), que nous avons rencontré plusieurs élues du CSE de l’Institut Gustave Roussy (1) , dont l’imposante silhouette domine la bretelle autoroutière au sud de Paris, à Villejuif (94). Comme de nombreux autres élus du personnel ayant connu les anciennes instances (2), la secrétaire adjointe du comité, élue CGT, ne mâche pas ses mots contre le comité social et économique, désormais unique instance représentative du personnel : “Nous avons beaucoup perdu avec le CSE”, dit-elle.

Perdu quoi ? D’une part, une instance autonome en matière de santé au travail, le CHSCT. Le comité d’hygiène, sécurité et conditions de travail a été remplacé par une commission santé et sécurité dont les moyens et les prérogatives lui paraissent trop limités, ce qui ne permet pas selon l’élue d’être efficacement au service du personnel, alors que les salariés “sont en souffrance”, comme “tous les personnels qui travaillent dans les hôpitaux”. D’autre part, le passage au CSE a fait perdre à la représentation du personnel des élus : le CSE ne compte plus que 25 élus titulaires, contre 45 du temps du CE. Stéphanie Dos Santos souhaiterait donc voir rétablies les anciennes instances : le comité d’entreprise, le CHSCT, les délégués du personnel (sur ce sujet, voir les propositions du Cercle Maurice Cohen).

Quand nous l’interrogeons ensuite, à l’occasion de cette série sur la présidentielle, sur les préoccupations du personnel dont elle aimerait voir les candidats se saisir, l’élue CGT répond pouvoir d’achat, “avec des salaires trop faibles”, mais aussi conditions de travail, “la pression subie au travail poussant de nombreuses personnes à changer de métier .. 

(1) Etablissement de santé privé d’intérêt collectif (Espic) à but non lucratif, Gustave Roussy est le premier centre anti-cancer d’Europe. 

Bernard Domergue

Élections professionnelles : panorama des décisions récentes (septembre 2021-janvier 2022)

Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois apportent des précisions ou rappellent des règles relatives aux élections professionnelles. Notre tableau récapitulatif de jurisprudence.

Les élections professionnelles donnent lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces solutions ne tranchent pas une incertitude ou n’élaborent une règle, mais rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes. Nous vous présentons sous forme de tableau une sélection de ces arrêts du mois de septembre 2021 au mois de janvier 2022.

ThèmeContexteSolution
Parité des listes électorales
Application des
règles
de
représentation
équilibrée
F/H
Pour chaque collège électoral, les listes de candidats qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de
femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale (C.
trav., art. L. 2314-30
).
La liste syndicale présentant l’unique candidature d’un homme n’est pas conforme aux dispositions de l’article L. 2314-30 (Cass.
soc., 5 janv. 2022, n° 20-17.227
). ► Confirmation de jurisprudence     Les dispositions de l’article L. 2314-30, éclairées par les travaux parlementaires, s’appliquent aux organisations syndicales qui doivent, au 1er tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes. Elles ne s’appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles (Cass. soc., 10nov. 2021, n° 20-17.306). ► Confirmation de jurisprudence
Liste
incomplète
Une organisation syndicale est en droit de présenter une liste comportant moins de candidats que de sièges à pourvoir, dès lors que la liste respecte les prescriptions du
code du travail relatives à proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège électoral considéré.
  Lorsque la liste incomplète ne respecte pas la proportion respective des femmes et des hommes dans le collège considéré et rappelée dans le protocole préélectoral, cette irrégularité constatée entraîne l’annulation de l’élection du nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidat du sexe surreprésenté en surnombre, et ce même si la candidate dont l’élection est annulée est la seule élue de la liste, ou si la parité est respectée au vu des résultats obtenus lors du scrutin (Cass. soc.,
10 nov. 2021, n° 20-17.874
). ► Confirmation de jurisprudence
SanctionLa constatation par le juge, après l’élection, du non respect
par une liste de candidats de la proportion d’hommes et de femmes entraîne l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus
du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes
que celle-ci devait respecter.
Le juge annule l’élection des
derniers élus du sexe surreprésenté en suivant
l’ordre inverse de la liste des
candidats (C. trav., art. L. 2314-32).
La sanction s’applique, peu important que la liste n’ait obtenu qu’un seul élu : l’élection de ce candidat du sexe surreprésenté doit être annulée (Cass. soc., 5 janv. 2022, n° 20-20.946). ► Confirmation de jurisprudence Les conflits existant au sein de l’entreprise qui auraient empêché les femmes de se présenter sur les listes d’un syndicat ne peuvent justifier le non-respect des règles de représentation équilibrée (Cass. soc., 22 sept. 2021, n° 20-16.556). Précision
Intérêt à agirUne organisation syndicale
qui a vocation à participer au
processus électoral a nécessairement intérêt à agir
en contestation de la régularité des élections (jurisprudence).
Une organisation syndicale qui a vocation à participer au processus électoral, a nécessairement intérêt à agir en contestation de la régularité de l’élection de membres élus du CSE, au regard des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes instituées par les dispositions d’ordre public absolu de l’article L. 2314-30 du code du travail. Peu important qu’il n’y ait aucune conséquence sur la mise en place du CSE, le syndicat requérant étant majoritaire au sein de cette instance suite aux élections contestées  (Cass. soc., 10 nov. 2021, n° 20-60.265).

Précision
Vote électronique
Envoi des éléments de
vote
Pour se connecter sur place
ou à distance au système de
vote, l’électeur doit se faire
connaître par le moyen
d’authentification qui lui aura
été transmis, selon des
modalités garantissant sa
confidentialité (Arr. 25 avr.
2007, NOR : SOCT0751067A,
art. 6 : JO, 27 avr.
).    
Le léger retard dans l’envoi des éléments de vote n’avait eu aucune incidence sur le résultat de l’élection, faisant ainsi ressortir que les
irrégularités relevées n’étaient pas
déterminantes de la qualité représentative de la fédération dans l’établissement. Dans cette affaire, les courriers contenant les codes
confidentiels et les professions de foi destinés aux salariés de l’entreprise avaient été postés le 13 novembre au lieu du 7 novembre précédent. Or, le tribunal a constaté d’une part
que ces courriers étaient parvenus aux
électeurs le 14 novembre, jour de l’ouverture du scrutin, ou le lendemain au plus tard, en sorte que le premier tour s’étant déroulé jusqu’au 21 novembre 2019, tous les salariés avaient été en mesure de voter, d’autre part que, le jour de l’ouverture du scrutin, des courriels avaient été adressés aux salariés leur permettant de récupérer leurs codes secrets (Cass. soc., 5 janv. 2022, n° 20-17.883). ► Illustration
AuthentificationDes précautions suffisantes ont été prises lorsque la procédure de secours, détaillée dans le protocole préélectoral, précisait que l’électeur pouvait demander une réédition de
son identifiant ou une régénération de son mot de passe en appelant un numéro vert ou via un formulaire en ligne, dont il fallait donner son
nom, prénom et date de naissance mais aussi son lieu de naissance (donnée secrète) pour l’obtenir, et qu’en outre, la régénération d’un mot de passe avait automatiquement pour effet de rendre inutilisable le mot de passe précédent et qu’elle était enregistrée au sein du système de vote, avec mention du nom de l’électeur, de la date et de l’heure de l’envoi 
(Cass. soc., 24 nov. 2021, n° 20-17.073).
► Illustration
 

Séverine Baudouin

Paritarisme, syndicalisme, représentativité : les propositions CFE-CGC à la veille de l’élection présidentielle

Le document de 200 pages fait figure de profession de foi à quatre jours du scrutin. Intitulé « Restaurer la confiance », ce vaste programme couvre aussi bien la protection sociale, l’écologie et l’Europe que la réindustrialisation. Mais lors de sa conférence de presse, le président de la CFE-CGC François Hommeril a surtout évoqué les syndicats, le paritarisme et la représentation des salariés. Focus sur ses propositions en la matière.

“Le document a été envoyé aux candidats à la présidentielle, mais seule Nathalie Arthaud a répondu”, indique le président de la CFE-CGC. Il y a pourtant matière à réflexion dans l’épais volume donné à l’entrée de la conférence de presse de François Hommeril hier, mardi 5 avril, à Paris (synthèse en pièce jointe). Le chantier pharaonique de restaurer la confiance concerne en effet toutes les institutions sans excepter syndicats et représentants du personnel. A ce titre, une mesure phare du syndicat des cadres est remise sur la table : réserver aux seuls adhérents syndicaux les effets des accords collectifs.

Revoir l’effet “erga omnes” des accords collectifs

François Hommeril relève un paradoxe : “Aujourd’hui, se syndiquer est vu par l’employeur comme un acte hostile, mais signer un accord est positif. Sauf que pour cela, il faut des syndicats et des adhérents”. La CFE-CGC propose donc de réserver les effets des accords aux seuls adhérents syndicaux. Au contraire, dans le système actuel, les organisations syndicales et patronales négocient pour l’ensemble des salariés de la branche. Les conventions collectives s’appliquent à tous les salariés et employeurs entrant dans son champ d’application (une fois publié l’arrêté d’extension), et non aux seuls membres des syndicats signataires. C’est l’effet « erga omnes » des accords collectifs (en français “à l’égard de tous”), par opposition à l’effet “inter partes” qui ne s’applique qu’aux parties à l’accord.

Pour le syndicat des cadres, ce système “désincite les salariés à se syndiquer”. Réserver les effets des accords aux seuls adhérents permettrait donc de revitaliser les syndicats, d’élargir leur base d’adhérents et de renouveler les équipes. Une forme de lutte aussi contre la discrimination quand les salariés craignent les foudres de l’employeur. En 2019, le 12ème baromètre du Défenseur des droits a en effet établi que la peur des représailles de la part de la direction est le facteur qui dissuade le plus les salariés de s’engager dans une activité syndicale.

Quant à la question de la constitutionnalité d’une telle mesure, François Hommeril affirme : “Ce n’est pas mon problème. On me dit depuis cinquante mille ans que les syndicats n’ont pas beaucoup d’adhérents. C’est vrai, mais on a quand même un problème avec la discrimination syndicale. Si on veut une représentativité impliquant la capacité des acteurs à s’engager dans la négociation, il faut aller jusqu’au bout et réserver l’effet des accords aux adhérents. Que les gens fassent leurs choix !”. Et comme toutes les propositions “s’emboîtent comme des poupées”, cette mesure est à relier à la revalorisation des parcours syndicaux.

Sauver le soldat paritarisme

“Le paritarisme constitue une voie de régulation autonome entre le ‘tout Etat’ et le ‘tout marché’, indique la CFE-CGC en introduction de la partie consacrée à la confiance dans le paritarisme. « Le dispositif a fait ses preuves, ajoute François Hommeril, et nous sommes prêts à nous y engager”. Mais le président relève qu’il faut une représentation concrète du terrain. La pique vise le Medef “qui décide de tout alors qu’il ne représente pas l’ensemble de l’économie. Ses positions sont guidées par les multinationales, un champ qui n’est pas appelé à se développer et qui met sous pression toute la chaîne de valeurs”. Et le président de la CFE-CGC d’appeler à un rééquilibrage du système de représentativité patronale. Celui-ci n’a fait l’objet d’aucune étude universitaire, indique le document de propositions. C’est même “un angle mort” des travaux sur la négociation collective, “un entre-soi gangréné par des guerres intestines”. Le ton est donné. Pour la CFE-CGC, le Medef bénéficie d’un système qui favorisent les entreprises à fort effectif salarié, alors qu’il a le nombre le plus faible d’entreprises adhérentes comparé aux autres syndicats patronaux. “Cela nuit au dialogue national interprofessionnel et de branche”, constate la CFE-CGC qui veut une meilleure représentation des petites entreprises et relancer le débat public à ce sujet.

Côté salarié, pour sauver le soldat paritarisme, il faut aussi que les acteurs se connaissent et se reconnaissent. Un chantier qui passe selon François Hommeril par la reconnaissance et la valorisation des parcours syndicaux. Il soulève aussi la baisse des moyens liés aux mandats causée par les différentes évolutions législatives depuis vingt ans. Un constat qui concerne aussi les élus de CSE.

Réforme du CSE : plutôt une réflexion sur les moyens qu’un retour en arrière

Sur le sujet des élus du CSE, la CFE-CGC s’inquiète d’un appauvrissement des instances représentatives du personnel (IRP). Son document rappelle qu’elle “a toujours dénoncé les dangers de la fusion des IRP”. Préconise-t-elle pour autant le retour aux anciennes instances (CE, DP, CHSCT) ? “J’ai peu d’espoir sur le sujet, répond François Hommeril. La responsabilité serait de reconnaître que cela ne fonctionne pas, c’est le constat de tous ceux qui se sont penchés sur le CSE. Le législateur avait une volonté idéologique qui ne correspond pas à l’expérience du terrain. Le CSE correspond à une vision minimaliste voire méprisante du rôle d’élu à qui on assigne des missions qui ne peuvent être remplies de façon correcte”.

François Hommeril penche donc plutôt pour un renforcement de la formation des élus et un travail sur les représentants de proximité. “Cela prendra du temps, reconnaît-il, il faudra travailler petit à petit pour revenir à une représentation des salariés plus équilibrée”.

► Un replay de la conférence de presse est disponible sur YouTube

François Hommeril : “Le sujet des retraites nous appartient”
  Le président de la CFE-CGC réagit aussi aux projets de réforme des retraites qui émergent des programmes des candidats à l’élection présidentielle, en partant d’un constat simple : “J’essaie d’objectiver les choses à partir des rapports du Conseil d’orientation des retraites (COR). Il faut certes prendre ses avis avec prudence car les prospectives sont toujours chamboulées par les crises économiques et démographiques. (…) On voit arriver la fin du papy-boom, il n’y a donc pas de menace aujourd’hui sur les retraites, les réserves ont augmenté de trois milliards d’euros”. Aucune inquiétude économique donc. François Hommeril ne relâche pas la pression pour autant, peut-être en prévision de futurs conflits sociaux : “Le sujet des retraites nous appartient. Il doit être mis à l’abri de toutes les tendances idéologiques. C’est un sujet que nous maîtrisons très bien et on ne laissera pas passer les balivernes”. A bon entendeur…  

Marie-Aude Grimont

Emmanuel Macron envisage de modifier le conseil d’entreprise pour le rendre plus attractif

Devant l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis), les deux représentants du candidat Emmanuel Macron, Anne de Bayser et Pierre Bouillon, ont répondu hier aux questions de la presse sur le programme du président sortant, les retraites et l’emploi étant au centre des débats. S’il était élu, Emmanuel Macron pourrait modifier le cadre du conseil d’entreprise pour le rendre plus attractif.

Que signifie la petite phrase sibylline du programme d’Emmanuel Macron évoquant “la poursuite de la modernisation du code du travail ?” Pierre Bouillon, chef du pôle idées de la LREM (La République en Marche, le parti du président sortant), a donné devant les journalistes de l’Ajis un début de réponse : “L’idée, c’est d’aller plus loin que les ordonnances de 2017, en renforçant le rôle des salariés dans les conseils d’administration, et en facilitant le développement du conseil d’entreprise”. Rappelons que le conseil d’entreprise permet à une entreprise de mêler dans une même instance les consultations prévues pour le CSE et la compétence de négociation (en lieu et place du délégué syndical), le conseil d’entreprise étant doté, en contrepartie, d’un avis conforme de l’instance au moins sur le sujet de la formation professionnelle.

De nouveaux textes en vue

C’est, pourrait-on dire, une simplification supplémentaire des instances représentatives du personnel (IRP) seulement accessible par voie contractuelle. Mais cette possibilité offerte aux entreprises, parfois présentée en 2017 et 2018 par l’exécutif comme l’évolution souhaitable de la représentation du personnel et de la négociation en entreprise, n’a guère été utilisée. On estime le nombre de conseils d’entreprise à seulement une vingtaine, avec des dispositions peu innovantes selon certains experts de la négociation collective.

Des nouveautés sur le conseil d’administration ? 

Il faut donc s’attendre, en cas d’élection d’Emmanuel Macron, à des modifications du code du travail sur le conseil d’entreprise afin de le rendre plus attractif. Il en irait de même sur les représentants des salariés dans les conseils d’administration, mais il n’est pas évident que cela concerne les seuils déclenchant leur présente, ou le nombre des représentants des salariés dans les conseils d’administration. La réforme pourrait viser, comme le suggère par exemple l’association RDS (lire leur tribune dans cette même édition), une amélioration du statut des salariés qui siègent dans les CA. Reste que l’entourage du candidat refuse d’être plus précis sur ces projets, comme si Emmanuel Macron entendait se ménager toutes les possibilités de réforme à venir au sujet du dialogue social et des IRP.

Mais le sujet essentiel des échanges de la presse sociale avec les représentants d’Emmanuel Macron a touché hier aux retraites, à l’insertion et à l’emploi.

Retraites : 65 ans, avec prise en compte de la pénibilité 

Oui, Emmanuel Macron veut à nouveau réformer les retraites, et cette fois en relevant l’âge de départ à 65 ans. “Comment financer des projets ambitieux et humanistes ? Nous ne voulons pas augmenter les impôts, ni baisser les pensions des retraites, nous pensons qu’il y a une capacité collective à travailler davantage et plus longtemps”, justifie Anne de Bayser, une haute fonctionnaire qui a été secrétaire adjointe de l’Elysée de 2017 à octobre 2020 et qui anime aujourd’hui le groupe des relais de la société civile de la campagne d’Emmanuel Macron.

Ce ne sera pas un copier-coller du précédent projet de réforme des retraites 

Le relèvement à 65 ans, si l’on comprend bien, ne sera donc pas négociable. En revanche, la représentante du candidat estime que les questions de la pénibilité, des carrières longues et du maintien en emploi des séniors seront abordées dans la future concertation qui devrait s’ouvrir rapidement en cas de victoire d’Emmanuel Macron. Mais attention, “on ne veut pas recréer de régimes spéciaux ni une usine à gaz”. Irait-on vers trois grands régimes ? “On en discutera pour trouver le régime le plus juste et le plus lisible possible. Le précédent projet de réforme était ambitieux et cohérent mais n’était pas suffisamment simple pour convaincre malgré, on l’a oublié, de très nombreuses concertations autour de Jean-Paul Delevoye. Nous ne ferons donc pas un copier-coller du précédent projet de réforme”, prévient Anne de Bayser.

Cette dernière défend la cohérence du programme du président sortant, en reliant la réforme des retraites au projet d’une généralisation du compte épargne temps et d’une amélioration du cumul emploi retraite, deux éléments qui permettraient à ses yeux de faciliter la formation tout au long de la vie et donc le maintien dans l’emploi des séniors. Sur les retraites, avec cette affiche d’une mesure d’âge non négociable, ne risque-t-on de voir la France renouer avec grèves et manifestation ? “Les discussions seront sans doute franches et difficiles, mais sur une question aussi importante, je n’imagine pas qu’on n’ait pas autour de la table tous les partenaires sociaux”, répond Anne de Bayser.

L’insertion en emploi

Sur l’insertion et l’emploi, l’ancienne secrétaire générale de l’Elysée a défendu le projet du candidat au sujet du RSA, qui consiste à demander aux bénéficiaires de travailler 15 heures à 20 heures par semaine “pour une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle”.

30% des personnes qui ont droit au RSA ne le perçoivent pas 

Cette proposition a suscité un véritable tollé à gauche. Un tollé injustifié selon l’entourage d’Emmanuel Macron.  “On a tout entendu, comme : “Vous voulez obliger les gens à travailler sans les payer !” Mais le vrai scandale, quand on parle de pauvreté, c’est plutôt de constater que dans certains territoires, les bénéficiaires du RSA ne sont jamais accompagnés et peuvent rester au RSA pendant des années. Nous, nous pensons que personne n’est inemployable et que tout le monde peut s’insérer dans un emploi, même si cela demande du temps et des étapes. Le premier droit de ces personnes, c’est l’accompagnement, leur devoir c’est de s’inscrire dans cette démarche d’insertion”, argumente Anne de Bayser.

Pierre Bouillon ajoute que cette réforme du RSA comprendra un versement à la source du revenu social : “C’est un très grand chantier, ça peut réduire le taux de non-recours aux aides, qui est de 30% pour le RSA”.

France Travail 

Que recouvrera France Travail, un des projets importants du président sortant ? “France Travail rassemblera l’ensemble des opérateurs qui agissent en matière d’emploi et de formation, avec une déclinaison territoriale. Cela suppose donc des discussions approfondies avec les collectivités territoriales pour trouver le bon niveau d’échelle. L’idée est de mieux accompagner les demandeurs d’emplois”, avance prudemment la représentante du candidat. Pour autant, même si le candidat LREM envisage de faire varier les conditions d’indemnisation en fonction de la conjoncture (durcissement du régime en cas de croissance, assouplissement en cas de difficultés), il ne semble pas envisager de déposséder totalement les partenaires sociaux de la gestion de l’assurance chômage : “Je ne suis pas sûre qu’on gagnerait en efficacité avec un système totalement centralisé”.

Avec le véhicule électrique, le “plein” coûtera 4 à 5 fois moins cher ! 

Au sujet du pouvoir d’achat, les représentants d’Emmanuel Macron ont d’abord vanté la politique du gouvernement : “La lutte contre la vie chère, ce sont des mots anciens qui reviennent, mais c’est aussi l’action quotidienne du gouvernement. Certes nous avons une inflation, mais elle est en France deux fois moins forte que dans d’autres pays européens”. Ils ont ensuite souligné la promesse de triplement (jusqu’à 6 000€) de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, une prime défiscalisée que les entreprises peuvent décider ou pas de mettre en œuvre, promesse qui s’accompagne d’un projet de renforcement des dispositifs de partage de la valeur et d’un coup de pouce pour la transition climatique. “Le vrai levier face à l’augmentation des prix de l’essence, c’est la transition vers le véhicule électrique avec un prix de location inférieur à 100€ par mois. Un « plein d’électricité », c’est 4 à 5 fois moins cher qu’un plein de carburant”, assure Pierre Bouillon. 

Enfin, il semble que le président sortant, s’il est réélu, soit décidé à prolonger les aides à l’apprentissage et à poursuivre l’effort de formation sur les métiers en tension. 

Bernard Domergue

Le rôle du CSE dans l’accueil de la petite enfance

Le CSE peut-il soutenir les salariés qui viennent de devenir parents ? La question se pose dans un contexte tendu sur l’accueil de la petite enfance : selon Pascale Coton, qui vient de publier un avis du CESE sur le sujet, quatre enfants sur dix ne trouvent pas de place en crèche…

L’avis du CESE (conseil économique, social et environnemental) a été commandé par le Premier ministre Jean Castex (avis et synthèse en pièces jointes). Ses préconisations risquent de ne pas se concrétiser avant la mise en place du prochain gouvernement, mais les chiffres qu’il évoque sont inquiétants. Les structures d’accueil de la petite enfance proposent actuellement 59,8 places pour 100 enfants. Un manque de disponibilité chronique, installé au fil du temps et que les différents plans n’ont pas enrayé.

Pire encore selon la note de synthèse, “de véritables inégalités sociales sont observées aujourd’hui entre les parents dans l’accès à l’offre d’accueil. Elles sont renforcées par un système insuffisamment transparent et lisible”. Selon Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC et co-rapporteure de cet avis (1), les comités sociaux et économiques, les CSE, ont aussi un rôle à jouer. Derrière chaque enfant se trouvent des parents parfois salariés qui ont besoin de sérénité.

Horaires, congés, intégration des femmes au travail

Outre les bons d’achats et cadeaux de Noël, le CSE peut jouer un rôle dans l’accueil des nouveau-nés. “Les élus peuvent faire remonter les besoins des parents de décaler leurs horaires”, explique Pascale Coton. Arriver plus tard au travail pour déposer son enfant à la crèche ou chez l’assistante maternelle peut en effet permettre aux salariés jeunes parents de commencer plus facilement la journée de travail. C’est plus de sérénité à son poste et donc, des salariés plus impliqués au travail à la clé. 

Autre action des élus du CSE qui concerne les grandes entreprises : peser pour la réservation de places en crèche directement par l’employeur pour les salariés. Grâce aux crèches interentreprises, les salariés sont ainsi soulagés de la gestion du mode de garde de leur enfant. Avantage pour l’employeur : il peut ainsi bénéficier d’abattements fiscaux.

Les élus ont également leur rôle à jouer sur l’intégration de la salariée enceinte et la réintégration de la salariée de retour de congé maternité. Pascale Coton recommande une articulation des congés maternité, paternité et parental afin de couvrir (sans perte de salaire ni de cotisation) la première année de vie de l’enfant, une période cruciale pour son développement. Des points à aborder par exemple lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise. Au-delà de ces conseils, l’avis du CESE formule 15 préconisations pour améliorer l’accueil des nouveau-nés en France.

Garantir le droit de l’enfant à être accueilli

Le CESE constate que le service public d’accueil de la petite enfance n’est tout simplement pas assuré en France. Y remédier passerait par la formation des professionnels de la petite enfance atteinte de handicaps ou de maladies, l’instauration de contrôles de qualité de l’accueil des enfants dans les structures ou encore le soutien des familles précaires. Donner leur place aux communes comme “chefs de file” de l’accueil des enfants, planifier et coordonner les instruments déjà existants, valoriser les métiers de la petite enfance semblent tout aussi indispensables que le financement de nouvelles structures d’accueil. Se pose également la question du reste à charge du mode de garde. L’avis du CESE préconise de revoir le calcul de la PAJE (prestation d’accueil du jeune enfant) et notamment sa composante “complément de libre choix”, une prise en charge partielle du financement d’une assistance maternelle. En résumé, le chantier est vaste mais fondamental pour des raisons d’égalité territoriale et sociale.  

  • Avec marie-Andrée Blanc, présidente de l’UNAF (Union nationale des associations familiales)

Marie-Aude Grimont

Emploi : 3 millions d’embauches anticipés en 2022 par les employeurs

Après deux années de crise sanitaire, l’optimisme regagne les entreprises. Elles anticipent plus de 3 millions d’embauche cette année, soit une augmentation de 12 % par rapport à 2021, selon l’enquête “Besoins de main-d’œuvre” réalisée par Pôle emploi et le Crédoc, publiée hier. Au total, ce sont 323 000 projets supplémentaires par rapport à 2021. “Un niveau inédit” indique l’opérateur public qui publie chaque année ce baromètre. Cette année, 420 000 établissements ont répondu.

Pôle emploi précise toutefois que ce sondage a été effectué fin 2021 ; “les conséquences encore inconnues de la guerre en Ukraine n’apparaissent donc pas dans ces projets de recrutement”.

Dans le détail, la dynamique est portée par les services aux particuliers (+ 11,3 %) et l’industrie (+23,8 %) notamment en raison de la hausse des projets dans la métallurgie et l’équipement électrique, électronique et informatique. La construction retrouve des couleurs avec 265 000 projets de recrutement, contre 218 000 en 2021.

Corollaire de cette hausse, les difficultés de recrutement s’envolent : en 2022, 57,9 % des projets d’embauche sont jugés difficiles par les employeurs, soit une augmentation de 13 points par rapport à 2021.

actuEL CE