Une ministre de l’industrie à la transition énergétique
Agnès Pannier-Runacher devient ministre de la Transition énergétique, un domaine crucial compte tenu de la hausse des prix de l’énergie et de l’enjeu du changement climatique. Au ministère de l’Industrie, cette ancienne cadre dirigeante du privé, énarque et diplômée d’HEC, a commis quelques petites phrases pour le moins maladroites, mais elle a aussi montré un engagement très fort pour le monde industriel, assurent certains syndicalistes membres du conseil national de l’industrie, quand d’autres critiquent un bilan industriel négatif.
Les réseaux sociaux se sont beaucoup moqués de cette vidéo où l’on voit Agnès Pannier-Runacher, lors d’une opération de communication en faveur de l’industrie, tenir un discours un brin naïf et décalé sur cet univers économique : “J’aime l’industrie car c’est l’un des endroits où l’on retrouve encore, au XXIe siècle, de la magie. La magie de l’atelier où on ne distingue pas le cadre de l’ouvrier, l’apprenti de celui qui a 30 ans d’expérience (…). Il faut être fier de l’industrie. Lorsque tu vas sur une ligne de production, ce n’est pas une punition”. Il faut aussi rappeler cette déclaration d’avril 2020 alors très mal perçue par les organisations syndicales mais aussi par les travailleurs de deuxième ligne : la ministre déléguée à l’industrie expliquait alors que les Français devraient travailler plus pour rattraper « le mois perdu « du fait de la pandémie et du confinement.
Déclarations illustrant la déconnexion d’une ministre qui a été cadre dirigeant dans le privé ? Simples maladresses cachant un tempérament et un sens des réalités très forts ? Si l’on suit les propos du délégué national à l’industrie de la CFE-CGC, on peut opter pour cette dernière hypothèse. En effet, au sein du conseil national de l’industrie, où il représente la CFE-CGC, Xavier Lecoq a souvent côtoyé Agnès Pannier-Runacher quand elle était ministre délégué à l’industrie. Lors d’une réunion tenue juste avant le confinement, il se souvient avoir vivement critiqué les conditions de l’appel d’offres lancé par le gouvernement sur la 5G : “Ça ne lui a pas plu du tout. A la fin de la réunion, elle m’a couru après en m’appelant par mon prénom pour qu’on en rediscute. C’est assez rare de voir ça chez un ministre. Elle est tenace”.
Une présence sur le terrain
La ministre s’est en effet beaucoup impliquée dans l’industrie, estime le syndicaliste : “Je l’ai vue aller sur le terrain, ne pas hésiter à prendre des coups dans des situations difficiles, comme lors de son déplacement sur le site de Bosch à Rodez”, alors que le problème de la reconversion d’un site dédié au diesel automobile se posait crûment. Agnès Pannier-Runacher a également accepté de tenir les réunions exceptionnelles que lui demandaient les représentants syndicaux, au sujet du Covid ou de la guerre en Ukraine, salue Xavier Lecocq en notant que la ministre, diplômée de l’ENA, de Sciences PO et de HEC, connaît aussi le privé : elle a en effet été cadre dirigeante chez Faurecia, à la Compagnie des Alpes, chez Elis, etc (*).
Enfin, le délégué national CFE-CGC rappelle cette séquence de la Bataille de l’acier, ce documentaire consacré à l’aciérie d’Ascoval, près de Valenciennes : “On la voit le matin se préparer dans le train à annoncer aux salariés la fermeture du site. Mais après avoir rencontré les salariés et les élus locaux, elle finit par changer d’avis et se dire qu’une solution de reprise est possible. Ce n’est pas fréquent !”
Une politique industrielle contestée
Ce portrait assez favorable est nettement tempéré par Marie-Claire Cailletaud, qui représente la CGT au conseil national de l’industrie. Certes, nous dit-elle, le contact était bon avec Agnès Pannier-Runacher, “c’est quelqu’un de disponible”. Mais sur le plan de la politique industrielle, enchaîne-t-elle, son bilan n’est pas bon : “Sans doute n’avait-elle pas de marges de manœuvre, mais quand nous lui parlions de la nécessité de relocaliser la production de masques en France, elle nous répondait qu’il fallait diversifier les approvisionnements”.
Pendant le premier quinquennat Macron, ajoute la représentante CGT, si le déficit de la balance commerciale française a atteint des records, c’est notamment parce que l’industrie a continué de fondre : “Nokia a supprimé des postes à Lannion, Sanofi a continué à tailler dans sa recherche et des sous-traitants automobiles comme la Sam (300 emplois dans l’Aveyron) sont aujourd’hui menacés de délocalisation”. A ses yeux, Agnès Pannier-Runacher et Bruno Le Maire, son ministre de tutelle, n’ont pas imposé aux grands groupes d’avoir d’autres relations avec leurs sous-traitants, “par exemple en partageant le coût des externalités environnementales”, analyse la syndicaliste CGT en déplorant l’absence de contreparties aux aides type crédit d’impôt recherche. Et Marie-Claire Cailletaud de conclure : “Si elle conduit la même politique ailleurs, le bilan ne sera pas bon !” C’est ce qu’on appelle un point de vue tranché.
La connaissance de l’économie et de Bercy, un atout pour la transition écologique
Pour autant, on peut aussi penser que la connaissance par la nouvelle ministre des filières industrielles, des enjeux liés à la compétitivité et à la décarbonation de l’économie française, ainsi que sa maîtrise des rouages de Bercy, un ministère puissant, constitueront des avantages pour sa mission. Agnès Pannier-Runacher, pressentie un temps au ministère du travail, accède en effet à un portefeuille de plein exercice, celui de la transition énergétique, elle qui n’était que ministre déléguée du ministre de l’économie, Bruno Le Maire.
D’ici l’été, en cas de majorité législative pour le parti d’Emmanuel Macron, la ministre va devoir trouver sa place dans le nouveau dispositif gouvernemental censé mettre en musique la planification écologique promise par le président de la République.
3 ministères pour un dossier
En effet, ce ne sont pas moins de trois personnes qui vont gérer ce dossier. Comme Matignon veut piloter l’ensemble, il y a d’abord la création d’un nouveau secrétariat d’Etat à la planification écologique. Assuré par Antoine Peillon, ce secrétariat rattaché à la Première ministre Elisabeth Borne sera chargé, dit Matignon, “de coordonner l’élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire” et il veillera à “à la bonne exécution des engagements pris par tous les ministères en matière d’environnement”.
Il y aura ensuite Amélie de Montchalin. L’ancienne ministre de la Fonction publique devient ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires : “Les Français attendent de nous des résultats concrets et rapides. Ils peuvent compter sur moi (…) Nous devons atteindre la neutralité carbone en 2050, nous devons réduire de 40% nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et nous devons rétablir notre biodiversité”, a-t-elle déclaré vendredi.
Enfin, il y a Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. ll lui incombera, si l’on comprend bien les propos d’Elisabeth Borne lors de son interview vendredi soir sur TF1, d’accélérer la transition des filières économiques, mais aussi de réaliser la promesse du candidat Macron de proposer rapidement aux Français l’accès moyennant 100 euros par mois à la location d’une voiture électrique.
“La concertation sera au cœur de mon action”
Lors de la passation des pouvoirs, effectuée dès vendredi soir, Agnès Pannier-Runacher a jugé que l’urgence était “de contenir les prix de l’énergie et de permettre aux Français de s’équiper pour se passer des énergies fossiles”. La nouvelle ministre a rappelé les engagements d’Emmanuel Macron en matière d’écologie concernant le nucléaire (construction de 6 nouveaux réacteurs), le parc éolien en mer (construction de 50 parcs d’ici 2050), l’énergie solaire (“multiplier par 10 notre puissance solaire”), la filière hydrogène, sans oublier le conditionnement de la rémunération des dirigeants des grandes entreprises au respect des objectifs environnementaux et sociaux…Mais elle a aussi précisé qu’il n’était pas question que la transition énergétique dégrade la compétitivité des entreprises ni le pouvoir d’achat des Français. Enfin, en promettant “de mettre la concertation” au cœur de son action, elle a cité les organisations syndicales comme l’un des interlocuteurs “pour co-construire des politiques efficaces”…
Un parcours dans le public et dans le privé |
Agée de 48 ans, Agnès Pannier-Runacher est diplômée d’HEC (Hautes études commerciales), de Sciences Po, et de l’ENA, où elle a côtoyé Alexis Kolher, l’actuel secrétaire général de l’Elysée. Inspectrice des finances pendant 3 ans, elle a été directrice de cabinet à l’APHP (hôpitaux de Paris), directrice adjointe de la Caisse des dépôts et consignations, directrice exécutive du Fonds stratégique d’investissement. Elle a également occupé plusieurs postes de cadre dirigeante dans le privé, comme directrice de division R&D chez Faurecia, directrice déléguée de la Compagnie des Alpes, administratrice de plusieurs sociétés (Bourbon, Elis, Ashoka, etc.). Elle a été nommée en octobre 2018 secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie puis ministre déléguée chargée de l’industrie en juillet 2020. A Bercy, elle a été confrontée à la question de l’approvisionnement en masques pendant la crise sanitaire, aux restructurations industrielles et elle a mis en œuvre le plan de relance industriel lancé après la crise sanitaire. |
Bernard Domergue
Suppléants du CSE : précision sur le recours aux candidats non-élus
Il est nécessaire d’appliquer strictement les règles de suppléances prévues à l’article L. 2314-37 du code du travail avant de procéder à l’organisation d’élections partielles. La Cour de cassation rappelle les règles applicables et adopte une solution extensive sur le remplacement par les candidats non-élus.
Des élections partielles sont organisées à l’initiative de l’employeur si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de 6 mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique (C. trav., art. L. 2314-10).
Dans ce cadre, il a toujours été considéré qu’il faut faire jouer les règles de suppléance au préalable. Ainsi, un collège n’est plus représenté ou le nombre de titulaires du CSE est réduit de moitié, uniquement lorsque le recours aux suppléants est épuisé. C’est sur cette question que la Cour de cassation se prononce dans cet arrêt du 18 mai 2022 publié sur son site.
Départs en série du CSE
Dans cette affaire, il y a deux collèges au CSE. Le titulaire, puis le suppléant du premier collège, démissionnent, l’un de son mandat, l’autre de l’entreprise. Considérant qu’un collège n’est plus représenté, l’employeur organise des élections partielles, ce que le syndicat qui a présenté ces candidats, la CFDT, conteste. Il saisit donc le tribunal judiciaire afin que l’un de ses candidats non-élus du deuxième collège soit reconnu comme membre titulaire du premier collège, et qu’il soit fait interdiction de poursuivre le processus d’élections partielles engagé.
Le jugement rejette l’intégralité des demandes du syndicat et valide l’organisation d’élections partielles. Pour le tribunal, le premier collège n’est plus représenté, à défaut de suppléant dans ce collège, le remplacement par les membres d’un autre collège étant impossible, car « n’ayant assurément pas les mêmes intérêts collectifs ».
Application des règles de suppléances
Mais la Cour de cassation n’est pas d’accord avec le tribunal. Elle donne raison au syndicat et elle en profite pour rappeler et apporter des précisions sur les règles de suppléance prévues à l’article L. 2314-37 du code du travail.
La Cour explique qu’aux termes de ce texte, lorsqu’un délégué titulaire cesse ses fonctions ou est momentanément absent pour une cause quelconque, il est remplacé :
- par un suppléant élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle de ce titulaire. La priorité est donnée au suppléant élu de la même catégorie. S’il n’existe pas de suppléant élu sur une liste présentée par l’organisation syndicale qui a présenté le titulaire, le remplacement est assuré par un candidat non élu présenté par la même organisation. Dans ce cas, le candidat retenu est celui qui vient sur la liste immédiatement après le dernier élu titulaire ou, à défaut, le dernier élu suppléant ;
- à défaut, le remplacement est assuré par le suppléant élu n’appartenant pas à l’organisation du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix.
Le suppléant devient titulaire jusqu’au retour de celui qu’il remplace ou jusqu’au renouvellement de l’institution.
Rappel : ce sont les anciennes règles DP qui s’appliquent au CSE ! Rappelons que l’ordonnance Macron relative au CSE a conservé les règles de suppléance applicables aux délégués du personnel, et non celles applicables au comité d’entreprise. Elles sont légèrement différentes en ce qu’elles donnent une importance encore plus grande à l’appartenance syndicale. Ainsi, il faut avoir recours aux candidats non élus du même syndicat, avant d’aller chercher des suppléants dans d’autres listes syndicales. Cette règle est peu connue et n’est pas toujours appliquée dans la pratique. La Cour de cassation, en rappelant le fonctionnement de ces règles, insiste sur leur importance. Elles ont vocation à s’appliquer de façon générale, et pas seulement pour déterminer si les conditions d’organisation des élections partielles sont réunies. A noter que les règles de suppléance ne s’appliquent pas en cas d’annulation de l’élection d’un candidat pour non-respect des règles de représentation équilibrée femmes-hommes sur les listes de candidats en application de l’article L. 2314-32. Dans ce cas il n’y a pas lieu de désigner un remplaçant pour occuper le poste laissé vacant (Cass.soc., 22 sept. 2021, n° 20-16.859). |
Précision inédite sur le recours aux candidats non-élus
Il en résulte, conclut la Cour de cassation “que, en l’absence de suppléant de la même catégorie, le remplacement est assuré en priorité par un suppléant d’une autre catégorie appartenant au même collège, présenté par la même organisation syndicale, à défaut, par un suppléant d’un autre collège présenté par cette même organisation, à défaut par un candidat non élu répondant à cette condition de présentation syndicale”.
Puis la Cour censure le tribunal comme ayant violé l’article L. 2314-37 en rejetant le recours de la CFDT au motif qu’il n’y avait pas de candidats non-élus CFDT dans le premier collège, et qu’il n’existe aucun autre suppléant dans ce collège issu d’autres listes syndicales. Il faut donc aller chercher les candidats non élus CFDT du deuxième collège.
La mécanique de la suppléance dans cette affaire Dans cette affaire, la CFDT avait obtenu deux élus dans le premier collège : Z (titulaire) et V (suppléant), tous deux ayant quitté leur mandat. Il n’y a pas d’autres élus ou candidats non élus dans ce collège. La CFDT a présenté des candidats dans le deuxième collège, et elle y a obtenu un titulaire (O) et un suppléant (T). Trois autres candidats CFDT du deuxième collège n’ont pas été élus (J, F et U). Pour remplacer le titulaire CFDT du premier collège, à défaut de suppléant dans ce collège, c’est d’abord T, suppléant élu CFDT du 2e collège qui devrait devenir titulaire (l’arrêt n’est pas précis à cet égard mais il semble que cet élu soit momentanément empêché). A défaut, et en l’absence de candidats non élus dans le premier collège, c’est à J, F ou U, candidats non élus du deuxième collège, mais présentés par le même syndicat que devrait revenir le mandat (avec priorité au candidat titulaire). |
Cette solution est inédite, la circulaire de 1983 évoquant cette question ayant opté pour une interprétation plus restrictive. En effet, s’agissant du remplacement par un candidat non élu, l’administration précise que l’on fait appel “au premier candidat non élu de la liste sur laquelle figurait le titulaire à remplacer. Il est donc membre du même collège et peut avoir été présenté en qualité de titulaire ou de suppléant, la priorité étant donnée au titulaire” (Circ. DRT n° 13, 25 oct. 1983 : JO, 20 déc.).
Épuisement de tous les suppléants possibles avant le recours aux élections partielles
Si la Cour de cassation ne le dit pas expressément, il résulte clairement de cette décision que l’application stricte des règles de suppléance de l’article L. 2314-37 du code du travail est obligatoire avant d’organiser des élections partielles. En d’autres termes, pour que les conditions d’organisation des élections partielles soient réunies, il faut avoir au préalable épuisé tous les suppléants possibles, et ce en appliquant exhaustivement les règles énoncées par l’article L. 2314-37.
Dans la pratique, cette règle est appliquée, mais elle n’a jamais été énoncée par le Cour de cassation. Seule une circulaire de 1983 sous-entend cette nécessité en expliquant que “parce que les mécanismes de remplacement propres au comité d’entreprise peuvent se révéler insuffisants pour permettre un fonctionnement normal de l’institution, le législateur a prévu l’organisation d’élections partielles sous certaines conditions” (Circ. DRT n° 13, 25 oct. 1983 : JO, 20 déc.).
Séverine Baudouin
La masse salariale progresse de 2,1% sur le 1er trimestre et de 11% sur un an
Au premier trimestre 2022, la masse salariale soumise à cotisations sociales du secteur privé croît de 2,1 %, après une hausse de 1,4 % le trimestre précédent. Sur un an, la masse salariale augmente de 11% sur un an et se situe désormais 7,7 % au-dessus de son niveau du quatrième trimestre 2019. Pour l’Acoss, qui a publié vendredi ces derniers chiffres, cette hausse résulte en partie du niveau relativement bas de mars 2021, lié notamment au niveau du recours au chômage partiel dont les indemnités ne sont pas soumises à cotisations sociales. En effet, la part de l’assiette chômage partiel se réduit à 0,3 % en mars 2022 contre 3,1 % en mars 2021.
Les déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim), elles, sont stables en avril 2022 : +0,3%, après la légère diminution de 0,6 % observée en mars 2022 et la hausse de 3,7 % de février 2022. Sur trois mois, ces déclarations progressent de 3,4 % et de 40% sur un an. L’Acoss explique la stabilité du mois d’avril par la conjugaison de la diminution des embauches en CDD de plus d’un mois (- 1,3 %) et de l’augmentation de celles en CDI (+ 1,9 %).
Dans l’industrie, les déclarations d’embauche de plus d’un mois diminuent de 0,5 % en avril 2022, mais progressent de 2,2 % trois mois. Elles augmentent de 9,0 % par rapport à février 2020.
actuEL CE
Un projet de loi sur le pouvoir d’achat présenté avant les législatives
A l’issue du premier conseil des ministres du gouvernement Borne qui s’est tenu hier, la nouvelle porte-parole Olivia Grégoire a annoncé un projet de loi sur les prix “dans les prochaines semaines, avant les élections législatives”. Le texte serait ensuite présenté au Parlement après les élections législatives dont les deux tours auront lieu les 12 et 19 juin. Il contiendrait une prolongation du bouclier tarifaire (gaz et électricité) jusqu’à fin 2022 et des mesures sur le prix des carburants. Le gouvernement pourrait aussi pérenniser la prime Macron et en tripler le montant, voire déployer un chèque alimentaire. “Les ministres travaillent sur des propositions, des réunions de travail sont organisées dans les prochains jours”, a indiqué Olivia Grégoire. La porte-parole du gouvernement a précisé que “le gouvernement va chercher à augmenter les prestations sociales à commencer par les petites retraites qui seront relevées à hauteur de l’inflation”. Au menu également de ce texte, le relèvement du point d’indice des fonctionnaires et une baisse de cotisations pour les indépendants. La réforme des retraites n’a en revanche pas été abordée au conseil des ministres. Le calendrier précis de mise en œuvre reste encore inconnu.
actuEL CE
Le Pacte du pouvoir de vivre veut rencontrer Élisabeth Borne
Composé de 19 organisations environnementales, de solidarité et d’éducation, mutuelles et syndicats (CFDT, CFTC et UNSA), le Pacte du pouvoir de vivre adressera cette semaine un courrier à Élisabeth Borne afin de la rencontrer (communiqué de presse en pièce jointe). Selon Christophe Dague, coordinateur du Pacte que nous avons pu contacter, d’autres courriers seront envoyés à des membres du gouvernement, notamment au sujet de la planification écologique. Pour mémoire, le Pacte du pouvoir de vivre avait demandé à rencontrer Édouard Philippe en 2019, sans obtenir de réponse. Les membres du Pacte vont également travailler dans les prochaines semaines sur les mesures proposées dans le projet de loi sur le pouvoir d’achat (lire notre brève dans cette même édition).
actuEL CE
“Les élus des CSE ne doivent pas se laisser abuser par le discours alarmiste sur l’inflation et la rentabilité des entreprises”
Le retour de l’inflation inaugure une situation économique nouvelle. Doit-on s’attendre à une hausse du coût de la dette avec des impacts sur les politiques publiques et sur les entreprises ? Qu’en est-il de la rentabilité des sociétés à l’issue de la crise sanitaire ? Y-a-t-il des marges de manœuvre pour des augmentations salariales ? Les réponses de Yoël Amar, économiste au cabinet d’expertise et de conseil Syndex.
Quel est votre parcours ?
J’ai fait une licence de droit, un Master à Sciences Po Paris et j’ai travaillé ensuite plusieurs années dans le commissariat aux comptes. Depuis 2013, j’interviens pour Syndex auprès des élus des CSE pour les secteurs financier, banque-assurance et services, et je planche également sur les questions macro-économiques.
Comment analysez-vous la situation économique de la France compte-tenu notamment du retour de l’inflation ? Est-ce une situation nouvelle ?
Si l’on s’en tient aux chiffres, oui ! Depuis le début 2022, nous connaissons un niveau d’inflation rarement vu depuis des années, sauf lors d’une très courte période, du fait d’une flambée des prix des matières premières, après la crise financière de 2008-2009.
La France a connu une inflation à plus de 10% jusqu’en 1982
Nous sommes donc sur des chiffres élevés. Mais ils restent en-deçà des niveaux d’inflation qui avaient touché la France dans les années 70-80. Jusqu’en 1982-1983, nous dépassions les 10% d’inflation ! Aujourd’hui, la France subit un choc moins important que les autres pays européens, comme l’Allemagne et les pays de l’Est, plus exposés à la hausse des prix de l’énergie. Notre pays a un mix énergétique qui l’expose moins à la flambée des prix du gaz et du pétrole. En outre, le chiffre global de l’inflation n’a pas de sens individuellement car chacun le ressent différemment : un ménage modeste sera beaucoup plus affecté par la hausse des prix alimentaires, par exemple.
Cette inflation va-t-elle avoir pour effet une hausse des taux d’intérêt, un alourdissement du prix de la dette et donc des conséquences sur la gestion des finances publiques ?
Il y a quelques mois, je vous aurais répondu que le risque était limité, car la Banque centrale européenne avait alors une interprétation prudente, qu’elle a gardée même après le début de la guerre en Ukraine. La BCE veillait toujours à contenir l’inflation, mais elle tenait aussi compte de la stabilité financière, et donc elle limitait les écarts de taux d’intérêt par exemple entre l’Italie et l’Allemagne. Mais depuis quinze jours, on sent une évolution du discours de la BCE, qui devient plus offensive. Si l’inflation atteint un seuil trop élevé, la Banque centrale européenne laisse entendre qu’elle pourrait relever ses taux d’intérêt pour calmer cette hausse des prix en jouant sur le ralentissement de l’investissement et de la consommation.
Si un tel scénario se réalisait, quelles en seraient les conséquences pour les entreprises et les salariés ?
Les entreprises ayant contracté beaucoup de dettes, qu’elles soient à taux variable et même à taux fixe, seraient confrontées à un important coût de refinancement de cette dette. Ces charges financières supplémentaires réduiraient leurs marges de manœuvre et entraîneraient une baisse de leurs résultats. Cette remontée des taux, qui viserait à empêcher que les pays européens rentrent dans un cycle incontrôlable de hausse des prix, aurait également un effet indirect sur les entreprises.
Une remontée des taux aurait un effet récessif sur l’économie
Elle serait de nature à provoquer une récession de l’activité économique. Si cela devait arriver, cela représenterait une certaine défaite en matière de politique économique. Nous serions en effet ramenés aux années 70 et 80, lorsque la seule manière de juguler l’inflation employée par les gouvernements et les banques centrales consistait à comprimer la demande. Augmenter les taux revient à ce que les agents économiques, les particuliers et les entreprises, s’endettent moins, que ce soit pour consommer ou pour investir, ce qui a un effet récessif direct. Ce choc est alors diversement ressenti selon les secteurs de l’économie mais aussi selon les différentes catégories sociales. Il provoque généralement une hausse du taux du chômage ou, à tout le moins dans notre situation, à un ralentissement de la baisse du chômage que nous connaissons depuis 5 ans.
Quelle est la situation au sujet des prêts garantis par l’Etat (PGE) aux entreprises pendant la crise sanitaire ? Elles doivent maintenant les rembourser…
Beaucoup d’entreprises ont utilisé le PGE comme un outil de prudence, pour accumuler une réserve de trésorerie. C’est un phénomène massif, pas loin même d’être majoritaire. Ces entreprises-là n’auront pas de problème pour rembourser : le PGE leur aura coûté un peu de frais financiers, mais cela ne représente pas grand-chose. En revanche, d’autres entreprises ayant souscrit des PGE importants ont utilisé cet outil non par prudence mais pour faire face à leurs charges et éviter la faillite. Si elles venaient à être affectées par un ralentissement important de l’activité économique, leur situation pourrait être difficile. Mais tout ne serait pas à la merci d’une hausse des taux, il y aurait sans doute une intervention politique pour que le secteur bancaire centre son soutien sur les entreprises en difficulté. C’est positif pour éviter des faillites d’entreprises causées par la rigueur monétaire, mais cela peut être aussi négatif à long terme si cela revient à maintenir en vie des entreprises qui finiront par disparaître du fait qu’elles sont, par exemple, mal positionnées sur le marché…
Le taux d’activité des 24-65 ans est le plus élevé depuis 1975, selon l’Insee. Au regard de la conjoncture, ce chiffre va-t-il encore s’améliorer ou au contraire se dégrader ?
Historiquement, ce que nous observons est simple : s’il y a de la croissance, le chômage baisse. Donc la perspective d’atteindre un niveau de chômage “naturel”, estimé en France autour de 5%, est envisageable si la croissance se maintient, d’autant que nous avons toujours des départs à la retraite des baby-boomers, même si nous arrivons en fin de cycle. Si la croissance dévisse du fait d’une hausse des taux, par contre, j’imagine mal la poursuite d’une amélioration, sauf à ce que l’État lance des programmes massifs d’emplois aidés ou de formation, ce qui est souvent pratiqué en temps de crise, mais tout dépend ici de décisions politiques. Je reste pour ma part très incertain quant aux taux de croissance des prochaines années.
Il faut analyser la situation secteur par secteur
Quoi qu’il en soit, il me semble nécessaire d’avoir une lecture fine, par type de secteur, du taux d’activité et du taux de chômage. On connaît par exemple les secteurs connaissant des tensions de main d’œuvre : ce sont ceux où l’innovation est très forte, comme les métiers de l’informatique et de l’intelligence artificielle, avec une révolution digitale qui n’est pas près de s’arrêter. D’autres secteurs, comme les biens d’équipement, peuvent être violemment touchés en cas de récession, avec la chute des achats d’automobiles, d’électroménager, etc. Cette situation très diverse en cas de choc économique n’est pas nouvelle, ce qui l’est, c’est que nous partirons d’un niveau de chômage moins élevé…
Concernant la conjoncture économique, qu’observez-vous dans les entreprises dont vous accompagnez les CSE ?
Ce qui me frappe, encore une fois, c’est la grande diversité des résultats économiques selon les secteurs. Si vous travaillez dans des entreprises de service peu consommatrices de matières premières dont les prix flambent (énergies mais aussi semi-conducteurs et maintenant les produits agricoles, par exemple), vous payez essentiellement des personnes pour réaliser votre activité et donc vous êtes assez insensible à la conjoncture.
Des entreprises voient leurs marges réduites, d’autres s’en sortent très bien !
Mais vous pouvez aussi être dans des entreprises qui bénéficient de ce contexte, comme les compagnies pétrolières, par exemple, mais aussi celles qui produisent les matières dont le prix s’envole : leurs coûts restent fixes et leurs marges augmentent. Et on voit aussi des entreprises plus exposées du fait de leur besoin de ces produits de plus en plus chers. Là encore, l’analyse doit être plus fine, y compris à l’intérieur d’un même secteur. Certaines entreprises qui paraissent exposées vont bien s’en sortir si elles arrivent à faire passer à leurs clients des hausses de tarifs : c’est le cas des entreprises ayant des avantages compétitifs, des réseaux de distribution performants, etc.
Justement, comment les élus des CSE mais aussi les délégués syndicaux peuvent-ils apprécier la situation économique réelle de leur entreprise, ne serait-ce que pour “caler” des revendications salariales
Mon premier conseil, c’est de s’intéresser au passé récent de son entreprise pour voir comment elle a traversé la crise sanitaire. Par exemple, une entreprise qui paraît aujourd’hui fragilisée par la hausse du coût des matières premières peut très bien avoir profité, pendant la crise sanitaire, de la baisse qui s’est produite du coût de ces mêmes matières, et a donc pu constituer des marges et des réserves. Si votre entreprise appartenait à un secteur dont la demande s’est maintenue pendant la crise sanitaire, elle a pu également dégager des marges de manœuvre en 2020. Les élus peuvent aussi se demander à quoi a servi un éventuel prêt garanti par l’Etat : était-ce un PGE de prudence, pour constituer une trésorerie, ou un PGE visant à échapper au pire ?
Comment trouver ces informations ?
Ce sont des chiffres que l’entreprise doit fournir au CSE, notamment lors de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l’entreprise. Les élus peuvent se concentrer sur l’évolution de l’excédent brut d’exploitation (EBE) : il s’agit des revenus moins les charges, les plus directes. Pendant la crise, comment a évolué l’excédent brut d’exploitation de votre entreprise, en 2020 mais aussi en 2021, une année de rebond de l’économie française ? L’évolution de cet indicateur peut par exemple indiquer une hausse des revenus de l’entreprise couplée à une stabilisation des charges du fait d’une politique d’économies : on l’a constaté en 2021 dans de nombreuses entreprises, ce qui met en évidence l’existence d’une certaine marge de manœuvre pour les salaires et pour l’investissement.
Donc il peut exister des marges pour des augmentations salariales ?
Sur cette question, j’invite tous les représentants du personnel, quel que soit leur secteur, à imiter, en quelque sorte, les Ukrainiens ! C’est-à-dire à ne pas accepter immédiatement “la défaite”, autrement dit à ne pas prendre pour argent comptant un discours alarmiste sur le contexte inflationniste général.
Oui, pour les salaires mais aussi pour les investissements
Car ce contexte peut cacher de très fortes disparités sectorielles et des situations d’entreprises très différentes. Il faut regarder la situation de chaque entreprise. En outre, dans le cas où il existe des marges préservées, les élus ont intérêt à poser la question des investissements pour préparer l’avenir, l’avenir de l’entreprise, de ses salariés et de ses actionnaires.
Que pensez-vous de l’idée de “dividende salarié” lancé par Emmanuel Macron, c’est-à-dire le projet de rendre obligatoire un partage de la valeur ajoutée des entreprises ?
S’il s’agit de rendre les revenus des salariés encore plus variables et dépendants des résultats de l’entreprise, c’est un concept ambigu. Il s’agirait de partager le succès mais aussi le risque inhérent à une entreprise. Le risque ne serait plus porté seulement par les actionnaires mais aussi par les salariés. Historiquement, c’est d’ailleurs la stratégie adoptée par le Japon pour faire face à la crise pétrolière de 1973.
Ce peut être perçu comme un outil pour faire varier les revenus des salariés en partageant le risque pris par l’actionnaire
La question que posait la hausse du coût du pétrole à ce grand importateur qu’est le Japon ressemble aux questions que nous nous posons aujourd’hui : qui prend en charge ce coût ? Faut-il comprimer les marges, la masse salariale, faut-il compenser en exportant davantage ? Le Japon a choisi de mettre en oeuvre une politique de variabilisation des frais de personnel via un système de primes. On peut l’interpréter comme un outil de stabilisation du niveau de marges des entreprises, dans la mesure où la distribution de primes est fonction du résultat. Mais on peut le voir aussi comme un outil d’évitement des hausses de salaires fixes et comme un outil du partage du risque.
Quel regard portez-vous sur le chantier de la transition climatique de nos entreprises ? Les élus CSE doivent-ils s’en préoccuper ?
Je ne suis pas un spécialiste de ce sujet, mais il est clair que des ressources considérables doivent être allouées dans les décennies à venir pour permettre la transition de notre économie avec, là encore, des chocs et des enjeux socio-économiques différents selon les secteurs d’activité. Vu l’ampleur des changements que cela nécessite, les élus CSE doivent s’y intéresser.
Ce ne sont pas de petits sujets pour le CSE
Les échéances réglementaires se rapprochent et obligent les entreprises et leurs filières à entrer dans des sentiers de réduction des émissions de carbone, je pense par exemple à la fin programmée du véhicule thermique dans le secteur de l’automobile. Ce ne sont pas de petits sujets au regard des prérogatives du CSE sur la marche générale de l’entreprise et les choix d’investissement stratégiques. Même si, pour des élus déjà très largement sollicités, j’ai bien conscience que cela fait un peu non pas “cerise” mais plutôt “pain dur” sur le gâteau…
► Yoël Amar sera l’un des animateurs du webinaire proposé par le cabinet Syndex le 21 juin à 11h sur le thème : “Inflation : mieux la comprendre pour agir en conséquence”. Informations et inscriptions en ligne ici.
Bernard Domergue
3 têtes pour l’environnement : FO s’interroge sur cette “multi-tutelle”
Un secrétaire général à Matignon en charge de la planification écologique (Antoine Peillon), une ministre de la transition écologique (Amélie de Montchalin) et une ministre de la transition énergétique (Agnès Pannier-Runacher, la fédération FO de l’équipement, de l’environnement, des transports et des services (FEETS-FO) s’interroge sur cette “multi-tutelle”. Et le syndicat de poser ces questions : “Est-ce bien le signe d’un changement d’époque pour permettre d’emporter d’autres arbitrages que lors de la mandature précédente ? Ou bien le signal de l’éclatement assumé des pôles ministériels précédents (écologie-transports-logement-cohésion des territoires) ?” Le syndicat appelle à cesser le morcèlement de l’action publique et à “obtenir des arbitrages budgétaires pour 2022 permettant le renforcement des moyens et effectifs pour porter les politiques”.
actuEL CE
Pas (encore) d’effet de rattrapage post-Covid sur le nombre de défaillances d’entreprises
A la fin du premier trimestre 2022, environ 7 900 procédures de redressement et de liquidation ont été ouvertes dans les tribunaux de commerce. À la même période, on en comptait environ 5 600 en 2021, 8 400 en 2020 et 10 800 en 2019, selon des calculs de France Stratégie.
Ainsi, “même si la tendance du début de l’année 2022 semble montrer que les faillites d’entreprises seront plus nombreuses en 2022 qu’elles ne l’ont été en 2020 et 2021, il est bien trop tôt pour parler de rattrapage des faillites « manquantes» des années 2020 et 2021”, analyse l’institution rattachée au Premier ministre.
actuEL CE
Hausse des salaires : la CFDT propose que le CSE puisse alerter la DREETS
Ayant rencontré Olivier Dussopt la semaine dernière, la CFDT formule désormais ses propositions au nouveau gouvernement. Dans un document de 75 pages (en pièce jointe), le syndicat aborde notamment la santé au travail, le télétravail ou encore le partage de la valeur. Il propose par exemple de faire de l’organisation du travail un sujet de négociation obligatoire et de favoriser l’expression des salariés par un dialogue professionnel articulé avec le dialogue social. Autre mesure : démocratiser le télétravail en développant les lieux de “coworking”, en instaurant un chèque bureau et en investissant dans les conditions de télétravail les sommes qui ont permis à l’employeur de réaliser des économies en réaménageant les espaces de bureaux.
Au sujet des salaires, la CFDT insiste pour que de nouvelles règles de négociations au niveau des branches soient créées :
- instaurer un nouveau rendez-vous salarial tous les trois mois après une revalorisation du Smic, pour les branches dont les minimas sont inférieurs au Smic ;
- étudier une suspension des exonérations de cotisations sociales patronales dans les branches qui n’ont pas de minimas conformes ;
- contraindre les branches à transmettre une décision argumentée sur la révision des classifications ;
- permettre aux CSE d’alerter les DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) dans les entreprises qui ne pratiquent pas de politique des rémunérations “loyale et équitable”, à savoir des négociations effectives, avec le calcul d’un ratio d’écart salarial par exemple ;
- créer un droit de saisine du CSE du donneur d’ordre par le CSE du sous-traitant afin de favoriser la solidarité salariale.
La CFDT formule également 10 propositions de rénovation des ordonnances Travail de 2017, avec notamment de meilleurs moyens pour les élus du personnel, des représentants de proximité systématiques et un allongement des délais de consultation du CSE.
Enfin, le syndicat revendique un avis conforme du CSE sur l’utilisation par l’entreprise des aides publiques (avec transmission trimestrielle d’un avis motivé du CSE à la DREETS), et un droit d’alerte du CSE si les engagements sur la stratégie de l’entreprise ne sont pas tenus par l’employeur.
actuEL CE
Yves Veyrier (FO) sur la prime Macron : “Attention, camarades !”
Dans son rapport d’activité, très applaudi, qui ouvrait hier matin le congrès de FO à Rouen, Yves Veyrier a défendu “le réformisme militant” de Force ouvrière, une organisation à l’origine de l’accord interprofessionnel national de 1968 prévoyant le régime d’activité partielle. Ces dernières années, a-t-il estimé, “nous avons réinstallé FO au centre du jeu social (…), nous avons conforté notre troisième position (..) mais nous ne sommes pas condamnés à rester troisième, nous avons vocation à progresser (..) Montrons avec ce congrès que nous sommes unis”.
Le secrétaire général sortant a mis en garde les militants de Force ouvrière au sujet la prime Macron (prime exceptionnelle de pouvoir d’achat) que le gouvernement promet de porter bientôt à 6 000€ : “Attention, camarades ! Cela peut paraître beaucoup 6 000€, mais d’une part ce sera très variable d’une entreprise à l’autre, au bon vouloir des employeurs, et surtout il ne s’agit pas d’un salaire socialisé”. Ce type de prime désocialisée ne saurait à ses yeux se substituer aux augmentations salariales.
Yves Veyrier a par ailleurs rappelé que FO n’entendait pas se poser en “co-constructeur” de la loi et continuera de contester le barème de licenciements sans cause réelle et sérieuse : “Nous ne sommes pas un corps intermédiaire car nous ne sommes pas étrangers au corps des salariés. Nous sommes un syndicat !” a-t-il lancé en rappelant que FO s’est opposée aux sanctions visant les salariés dépourvus de passe sanitaire.
Enfin, le secrétaire général de FO, qui ne “donnera pas de consigne de vote” pour les législatives de juin, a répété son opposition au relèvement de l’âge légal de départ à la retraite : “62 ans et 43 années de cotisation, c’est déjà trop ! Ce n’est pas aux salariés de payer le quoi qu’il en coûte ! (..) Si nous parvenons à bloquer le passage à 65 ans, peut-être pourrons-nous voir quelles sont les conditions pour revenir à la retraite à 60 ans”.
actuEL CE
Activité partielle : les CSE ont droit à une information détaillée
La cour d’appel de Versailles confirme le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre ayant ordonné à une société autoroutière de livrer à ses CSE des informations supplémentaires justifiant sa demande de recourir à l’activité partielle, bien que la demande d’éléments allait au-delà de ceux transmis à l’administration.
La France a été relativement généreuse quant au bénéfice de l’activité partielle durant la crise sanitaire : il s’agissait alors de donner la priorité au maintien des emplois et des entreprises. Pour autant, le CSE doit disposer des données lui permettant de vérifier que la baisse d’activité que l’entreprise évoque pour justifier le recours à ce dispositif payé par l’Unedic et l’Etat est bien réelle. Le comité doit être en mesure de donner un avis éclairé lorsqu’il est informé et consulté sur ce sujet. C’est ce qui ressort d’un arrêt du 12 mai 2022 de la cour d’appel de Versailles, qui confirme le jugement du 20 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Nanterre condamnant la société ASF (Autoroutes du Sud de la France) : l’entreprise aurait dû communiquer aux CSE, au moins 7 jours avant la réunion de ces comités pour l’expression de leur avis, les pièces manquantes.
Dans cette affaire, la société ASF estimait avoir transmis aux CSE l’ensemble des informations nécessaires relativement à son projet de recourir à l’activité partielle. L’entreprise disait avoir communiqué aux CSE des éléments sur la baisse prévisible du trafic et de l’activité support, sur la période concernée (4 mois du 9 novembre 2020 au 9 mars 2021) et sur le nombre de salariés touchés (2 108 salariés), soit les trois éléments mentionnés dans l’article R. 5122-2 du code du travail. Ces éléments avaient été complétés par des réponses faites en réunion et par des documents supplémentaires. Le CSE central et les CSE avaient ensuite rendu un avis négatif le 23 avril et le 30 mars 2021 : pour les comités, ces éléments étaient insuffisants, d’où leur action en justice.
Un rappel de la mission incombant au CSE
La cour d’appel de Versailles interprète les dispositions de l’activité partielle (article R. 5122-2 du code du travail suite au décret du 30 octobre 2020), dispositions prévoyant l’information et la consultation du CSE sur la demande de l’activité partielle, comme relevant bien de l’article L. 2312-8 du code du travail, lequel donne au CSE la mission “d’assurer l’expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail (…)”.
En dépit de la formulation assez limitative de l’art. R. 5122-2 sur l’activité partielle (1), les juges assurent que le périmètre des questions déclinées dans cet article (art. L. 2312-8) permet aux CSE “de dépasser les questions relatives aux motifs justifiant le recours à l’activité partielle, la période prévisible de sous-activité et le nombre de salariés concernés et d’aborder d’autres points intéressants, de façon plus globale, l’impact de l’activité partielle sur l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise”. Le CSE a donc droit à une information précise sur la situation de l’entreprise rendant l’activité partielle nécessaire, une information allant même au-delà de celle transmise par l’employeur à l’administration pour justifier sa demande.
En l’occurrence, le motif de la baisse du trafic automobile avancé par l’ASF est jugé par la cour d’appel “insuffisant pour expliciter le passage à un tel mode d’organisation (Ndlr : l’activité partielle) relativement aux fonctions d’entretien et de sécurité du réseau alors qu’il existe des obligations tenant à la continuité du service public autoroutier générant des charges fixes de travail sans rapport avec l’évolution du trafic”. Il en va de même, soutient la cour, pour les services support, les données invoquées restant retreintes à une courte période (18 mars 2020 au 30 juin 2020), l’entreprise refusant de communiquer d’autres informations financières et de trafic “tant que Vinci n’aurait pas consolidé et publié ses comptes”.
Une absence de détails et de réponses
L’entreprise marque également plusieurs points contre elle-même lorsque, soulignent les juges, elle ne répond pas à la question des représentants des salariés “de savoir quelles tâches sont reportées, annulées ou priorisées” ou encore lorsqu’elle omet de communiquer aux CSE l’information sur “des jours d’absence déjà planifiés”, information figurant dans le courrier adressé à l’administration. En outre, l’information versée dans la base de données économiques et sociales, ainsi qu’un document d’information ultérieur, apportent peu d’éléments nouveaux aux représentants du personnel.
Tous ces éléments font dire à la cour que la direction ne peut pas considérer avoir répondu utilement aux questions des CSE. Les juges confirment donc le jugement du tribunal judiciaire faisant injonction à l’ASF de communiquer des pièces supplémentaires aux CSE, même si la demande de report de délai de consultation n’a plus lieu d’être après que l’entreprise a communiqué après le jugement de première instance certaines des pièces demandées et que les CSE ont rendu leur avis -négatif le plus souvent- en mars 2021.
Pour information, les pièces que l’entreprise aurait donc dû communiquer sans attendre aux CSE sont très précisément pointées. Il s’agit par exemple :
- de données économiques prévisionnelles : trafic des véhicules légers et des poids lourds, recettes péages, etc.
- d’éléments sur l’organisation du travail : liste des tâches et projets dont le report est envisagé mais aussi volume mensuel de tâches à la comptabilité et au service RH avec un comparatif de ces volumes en temps normal et lors du premier confinement;
- d’éléments sur l’application de l’activité partielle par régions, établissements et par services;
- d’informations sur les activités du service support liées au trafic, etc.
(1) Cet article est assez limitatif car il prévoit l’information du CSE à partir des éléments de la demande formulée par l’employeur à l’administration : motifs justifiant le recours à l’activité partielle, période prévisible de sous-activité, nombre de salariés concernés.
Bernard Domergue
Salaires, retraite, IRP : le programme social de la Nupes pour les législatives
Alors que le gouvernement d’Emmanuel Macron affiche ses priorités en faveur du pouvoir d’achat, la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes) a présenté ses propositions en vue des législatives : Smic à 1 500€, conférence sociale sur les salaires, limitation des écarts salariaux, nouveaux droits pour les instances représentatives, rétablissement du CHSCT, etc. Mais tous les points ne font pas consensus entre les alliés.
Afin d’occuper le terrain médiatique avant les législatives des 12 et 19 juin, la nouvelle Première ministre Elisabeth Borne a annoncé qu’un projet de loi de finances rectificative permettrait de prendre dès l’été des mesures en faveur du pouvoir d’achat des salariés : bouclier tarifaire pour l’énergie, triplement de la prime Macron, etc. Le gouvernement et son nouveau ministre du travail Olivier Dussopt devront également plancher sur la prime dividendes promise par Emmanuel Macron, à condition bien sûr que la majorité présidentielle dispose d’une majorité de députés. Sur ces sujets, la Nupes, la “Nouvelle union populaire, écologique et sociale”, développe des propositions très différentes. Née de l’alliance des Insoumis, des Verts et du Parti socialiste, la Nupes fait figure de premier opposant au gouvernement pour ces élections et dit viser la victoire (1).
Les mesures pour les salaires
Le programme de l’union des gauches ne consiste pas à stimuler l’épargne salariale ou à baisser les cotisations sociales. Au contraire, Jean-Luc Mélenchon entend revenir sur l’exonération des heures supplémentaires, tout en ramenant le temps de travail hebdomadaire “effectif” à 35 heures, avec l’objectif de l’abaisser à 32 heures. La Nupes promet de porter “immédiatement” le Smic à 1 500€ (pendant la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon avait évoqué 1 400€).
Pour les autres salariés, la Nupes envisage un mécanisme obligeant l’employeur à revaloriser les salaires à proportion du retour dont bénéficie l’actionnaire sur son investissement. Si l’on comprend bien, il s’agirait d’une sorte de partage de la valeur ajoutée qui ne se ferait pas sur la base d’un intéressement ou d’une participation (comme pour le projet de prime dividendes promis par Emmanuel Macron) mais sur la base d’une augmentation des salaires. Par ailleurs, la Nupes souhaite organiser “une conférence sociale générale sur les salaires ainsi que dans chaque branche”.
Au menu de cette conférence : la question des augmentations de salaires, notamment “pour les métiers occupés majoritairement par des femmes dans les secteurs du soin, du lien et du contact”, et la limitation de 1 à 20 des écarts entre le salaire le plus bas et celui le plus élevé dans chaque entreprise. La suppression des stock-options, parachutes dorés et retraites chapeaux figure également dans les propositions, même si le Parti socialiste ne partage pas cet objectif.
L’union des gauches promet, au sujet du pouvoir d’achat, des mesures exceptionnelles qui ne se limitent pas à l’énergie : blocage des prix de première nécessité dans un premier temps suivi d’une “loi permettant un encadrement négocié” d’un panel de produits de première nécessité, généralisation de l’encadrement des loyers, revalorisation des aides au logement, etc.
On retrouve également dans le programme l’idée d’augmenter les sanctions financières et pénales afin de faire respecter l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et de créer des “commissions de contrôle salarié” dans les entreprises pour parvenir à cette égalité.
Un droit de veto pour le CE mais qui ne fait pas consensus
Pendant la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon avait promis de revenir sur la loi El Khomri de 2016 et sur les ordonnances travail de 2017. Mais pour leur substituer quoi au juste ? L’Union n’a visiblement pas réussi à faire consensus sur l’ensemble de ses propositions. Ainsi, le projet d’accorder un droit de veto suspensif “au comité d’entreprise” (Ndlr : l’emploi de ce terme suggère donc un retour aux anciennes instances d’avant le CSE) ainsi que de “nouveaux droits de contrôle sur les finances de leur entreprise” suscite les réserves des socialistes et écologistes, si bien que ce sont les députés, en cas de majorité de gauche, qui auront à trancher ces points. C’est indiqué noir sur blanc dans le document : “Le Parti socialiste et Europe Écologie-Les Verts ne soutiendront pas le droit de veto suspensif des comités d’entreprise sur les plans de licenciements et proposeront que la garantie d’emploi s’appuie sur la mobilisation de dispositifs existants, notamment « Territoire zéro chômeur de longue durée”, au sein de comités locaux pour l’emploi solidaire pour une politique de l’emploi, garanti et durable”. Rappelons que c’est un gouvernement socialiste, Michel Sapin étant ministre du travail, qui a mis en place en 2013 la négociation des PSE et le mécanisme de contrôle par l’administration en cas d’accord ou de plan unilatéral, à la suite d’un accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l’emploi qui comportait aussi la création de la BDES du CE.
La possibilité d’un vote de défiance à l’égard des dirigeants à l’occasion de procédures de redressement ou de projets stratégiques figure également dans le programme. La nouvelle union populaire entend aussi “augmenter la représentation des salariés dans les instances de décision des entreprises à au moins un tiers, et la moitié dans les grandes entreprises, et y inclure d’autres parties prenantes, comme les associations environnementales ou de consommateurs”.
Enfin, on retrouve aussi la promesse formulée lors de la présidentielle d’instaurer “un quota maximal de contrats précaires dans les entreprises, de 10 % pour les petites et moyennes entreprises (PME), 5 % pour les grandes entreprises”.
La retraite et la santé au travail
A rebours d’un report à 64 voire 65 ans envisagé par Emmanuel Macron, le retour de la retraite à 60 ans, avancé par les Insoumis lors de la présidentielle, est repris dans le programme de la Nupes “avec une attention particulière pour les carrières longues, discontinues et les métiers pénibles”, étant entendu qu’il s’agit d’une retraite “à taux plein pour 40 années de cotisation”. Autrement dit, un salarié n’ayant pas ses annuités pourra partir à 60 ans mais avec une pension réduite. Un moindre mal aux yeux des Insoumis qui avancent qu’un relèvement de l’âge de départ risquerait de précipiter nombre de salariés dans le chômage alors qu’ils pourraient bénéficier d’une retraite, même incomplète.
Pour maintenir l’équilibre des régimes, l’union de gauche entend augmenter de 0,25 point par an le taux de cotisation vieillesse, créer une sur cotisation pour les hauts salaires, et soumettre “à cotisation patronale les dividendes, participation, épargne salariale, rachats d’action, heures supplémentaires”.
Côté santé au travail, on notera la reconnaissance du burn out comme maladie professionnelle, la restauration des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les moyens de ces comités devant être augmentés et leurs avis rendus “contraignants”, le doublement des effectifs de l’inspection du travail ou encore le rétablissement du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) et de tous les critères liés à la pénibilité…
La planification écologique
Par ailleurs, de très nombreuses mesures concernent la “planification écologique” : la mesure forte est un plan de 200 milliards d’euros sur 5 ans ” pour investir, développer l’emploi et la formation, et rétablir des pôles publics dans l’énergie, les transports et la santé, gérés démocratiquement, afin de réindustrialiser le pays par des plans de filières au service de la bifurcation écologique”.
Mais cette planification comporte aussi l’obligation faite à toutes les moyennes et grandes entreprises de “mettre en œuvre une comptabilité carbone pour les émissions directes et indirectes certifiée par un organisme public agréé, en commençant par les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre (GES) – énergie, transport, bâtiment, industrie lourde – puis selon la taille des entreprises, accompagnée d’une trajectoire de baisse de leurs émissions”, etc. Soit un sensible renforcement des obligations réglementaires actuelles, y compris depuis le décret précisant les nouvelles données environnementales de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) du CSE.
Sur ce domaine également, les différences d’approche au sein de cette union sont notables s’agissant du nucléaire. Le PCF veut combiner le nucléaire et le renouvelable et ne s’associe pas à l’abandon des projets d’EPR tandis que le PS propose lui “d’optimiser la durée de vie des centrales nucléaires”…
Bernard Domergue
FO : Christian Grolier soutiendra le futur secrétaire général, “quel qu’il soit”
Lors de son intervention hier à Rouen au congrès de FO, Christian Grolier, candidat au mandat de secrétaire général tout comme Frédéric Souillo, a indiqué qu’il avait reçu mandat de son syndicat (fonction publique) de voter le rapport d’activité et le rapport financier de l’équipe sortante d’Yves Veyrier. “Quel que soit le secrétaire général élu, il sera soutenu par l’ensemble du syndicat. C’est un principe : un vote majoritaire doit être respecté”, a-t-il précisé.
Frédéric Vuillaume, du syndicat FO du conseil régional Franche Comté-Bourgogne, a été l’un des rares, hier, à sévèrement critiquer l’équipe sortante accusée de pratiquer “un syndicalisme d’accompagnement” : “Jean-Claude Mailly nous avait trahi (..) Nous avions vu l’espoir renaître avec Pascal Pavageau qui avait senti la volonté des syndicats de base de revenir à un syndicalisme de lutte des classes (..) Puis Veyrier est allé de compromission en trahison comme cela a été le cas pour la validation de l’accord sur le télétravail (..) Notre démocratie interne est bien malade”.
Dejan Terglav, le secrétaire général FGTA-FO, a lui apporté son soutien à Frédéric Souillot : “Je ne suis pas inquiet, on a confiance en lui pour mener la barque de FO par rapport à tout ce qui s’annonce ou, justement, tout ce qu’on ne nous annonce pas”.
actuEL CE
CGT : Philippe Martinez souhaite passer le relais à une femme
D’après le quotidien économique Les Échos, l’actuel secrétaire général de la CGT Philippe Martinez ne souhaite pas rester à la tête de sa confédération, poste qu’il occupe depuis 2015. Il a annoncé sa volonté de passer la main hier lors de la réunion de la commission exécutive du syndicat. Le leader de la CGT propose à sa succession Marie Buisson, secrétaire générale de la fédération de l’éducation. La CGT tiendra son prochain congrès en mars 2023.
actuEL CE
Modalités d’organisation des élections : limitation de la contestation de la décision unilatérale de l’employeur
En l’absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l’employeur fixant les modalités d’organisation des élections professionnelles, un syndicat n’ayant pas émis de réserves sur lesdites modalités, ne peut contester la validité de cette décision unilatérale après la proclamation des résultats des élections.
Il apparaît que la Cour de cassation cherche à sécuriser les élections professionnelles. Au fil de sa jurisprudence, elle exclut ainsi plusieurs cas de contestation des élections a posteriori, après la proclamation des résultats, sur des motifs connus avant leur déroulement. Dans un arrêt publié du 18 mai 2022, la Cour de cassation tranche la question d’une contestation des élections fondées sur la validité de la décision unilatérale de l’employeur concernant les modalités d’organisation et de déroulement des élections.
Décision unilatérale de l’employeur sur les modalités d’organisation du scrutin à défaut d’accord et de saisine du tribunal judiciaire
Dans cette affaire, dans le cadre des élections professionnelles, deux accords sont conclus, l’un prévoyant le recours au vote électronique, et l’autre la fixation du nombre et de la composition des collèges électoraux. Mais les négociations du protocole préélectoral échouent et la Direccte (Dreets) opère la répartition des salariés et des sièges entre les collèges.
Le 27 septembre 2019, l’employeur fixe les modalités d’organisation des élections par décision unilatérale, et le premier tour se déroule du 7 au 14 novembre.
Le 29 novembre, un syndicat saisit le tribunal d’instance (tribunal judiciaire) aux fins d’annulation des élections de l’ensemble des membres, titulaires et suppléants, invoquant différentes irrégularités.
Le tribunal déboute le syndicat au motif que ce dernier a présenté des candidats aux élections sans émettre aucune réserve sur les conditions de déroulement du scrutin. Pour les juges, cela vaut nécessairement acceptation des conditions fixées par la décision unilatérale. Le syndicat n’est donc plus autorisé à contester judiciairement le choix d’un bureau de vote unique.
Mais le syndicat n’est pas d’accord, il avance que l’absence de réserves émises par un syndicat lors du dépôt d’une liste de candidats ne vaut pas acquiescement aux modalités d’organisation des élections fixées unilatéralement par l’employeur, après échec des négociations du protocole préélectoral.
Pas de contestation de la décision unilatérale en l’absence de saisine du juge en amont ou de réserves émises lors du dépôt des listes
La Cour de cassation donne raison au tribunal.
Elle commence par rappeler les termes de l’article L. 2314-28 du code du travail, qui prévoit que “les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales font l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales, conclu conformément à l’article L. 2314-6 (règles de double majorité du protocole préélectoral). Cet accord respecte les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n’a pu intervenir peuvent être fixées par une décision du juge judiciaire”.
Il en résulte, précise la Cour, “qu’à défaut d’accord satisfaisant aux conditions de validité prévues à l’article L. 2314-6 du code du travail, il appartient à l’employeur, en l’absence de saisine du tribunal judiciaire, de fixer les modalités d’organisation et de déroulement des opérations de vote”.
Ainsi, “en l’absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation de la décision unilatérale de l’employeur fixant les modalités d’organisation des élections professionnelles, une organisation syndicale, ayant présenté une liste de candidats sans avoir émis, au plus tard lors du dépôt de sa liste, de réserves sur les modalités d’organisation et de déroulement des opérations de vote ainsi fixées, ne saurait, après proclamation des résultats des élections professionnelles, contester la validité de la décision unilatérale de l’employeur fixant les modalités d’organisation des élections et demander à ce titre l’annulation des élections”.
► La Cour de cassation transpose ici à la décision unilatérale prise en l’absence d’accord, les règles applicables en cas de protocole électoral valablement conclu. En effet, un syndicat qui présente des candidats et participe au scrutin doit exprimer des réserves sur le protocole d’accord électoral, s’il entend en contester les conditions par la suite (Cass. soc., 16 avr. 2008, n°07-60.362 ; Cass. soc., 19 sept. 2007, n° 06-60.222 ; Cass. soc., 30 mars 2004, n° 02-60.359 ; Cass. soc., 8 janv. 2002, n° 00-60.270 ; Cass. soc., 28 sept. 2011, n° 10-60.245). De même, il a été jugé récemment que lorsque le protocole préélectoral est conclu aux règles de double majorité, un syndicat qui l’a signé ou qui a présenté des candidats sans émettre de réserves ne peut en contester la validité après la proclamation des résultats, quand bien même il invoquerait une méconnaissance de règles d’ordre public (Cass. soc., 24 nov. 2021, n° 20-20.962) (lire notre article).
Dans cette affaire, il n’y a pas de double majorité qui confère sa force obligatoire au protocole, mais à défaut d’accord, il y a la possibilité, pour un syndicat comme pour l’employeur de saisir le juge afin qu’il fixe les modalités d’organisation du scrutin. Ce n’est pas obligatoire, et à défaut, c’est l’employeur qui les fixe. Cette possibilité de recours donne sa légitimité à la décision unilatérale de l’employeur. A noter également qu’en cas de protocole préélectoral dont les conditions de majorité ne sont pas remplies (accord minoritaire), cela ne rend pas pour autant le protocole préélectoral irrégulier, mais a pour effet de permettre à une partie y ayant intérêt de saisir le juge d’une demande de fixation des modalités d’organisation et de déroulement du scrutin (Cass. soc., 6 oct. 2011, n° 11-60.035). La situation est comparable à celle de l’absence de protocole, pouvant être suppléée par une saisine du juge.
Le syndicat doit donc soit saisir le juge judiciaire pour qu’il fixe les modalités de déroulement des élections professionnelles à défaut d’accord. Ou, du moins, pour préserver son droit à contestation, il doit émettre des réserves au plus tard lors du dépôt de sa liste de candidats. A défaut, il ne pourra pas contester l’élection sur la base des modalités fixées par cette décision unilatérale.
Séverine Baudouin
Congrès FO : Christian Grolier retire sa candidature au mandat de secrétaire général
Frédéric Souillot est donc certain de succéder à Yves Veyrier comme secrétaire général de FO : Christian Grolier a en effet retiré sa candidature hier au nom de l’intérêt de la confédération.
Coup de théâtre hier après-midi au congrès de Force ouvrière à Rouen : Christian Grolier a transmis un message, lu à la tribune, indiquant qu’il renonçait à se porter candidat au mandat de secrétaire général de la confédération. “Cette décision n’est prise que dans l’intérêt de notre organisation. J’espère que nous pourrons continuer de militer ensemble en écoutant et en respectant les différentes sensibilités de notre belle maison”, s’est justifié le secrétaire général des fonctionnaires FO.
Frédéric Souillot reste donc seul en lice pour succéder à Yves Veyrier. “Fred saura être le secrétaire général de toute l’organisation”, s’est félicité le délégué d’une entreprise de la métallurgie tandis qu’un représentant du syndicat des ingénieurs des travaux publics (SNTPECT-FO) commentait ainsi cette décision : “Je respecte la décision de Christian Grolier et je suis fier d’avoir soutenu cette candidature qui a permis la tenue d’un vrai débat au congrès”.
“Accompagnement ou revendication ? Il faut les deux !”
De fait, les propos de certains intervenants avant l’annonce du retrait d’une des deux candidatures avaient été vifs. Frédéric Homez, pour FO métaux, avait répondu de façon virulente à certaines critiques de militants portées contre la ligne confédérale et contre la ligne du syndicat de la métallurgie, critiques visant de facto la candidature de Frédéric Souillot : “J’ai entendu que FO se “cfdétise”, c’est incroyable d’entendre ça ! On nous dit : il ne faut pas un syndicat d’accompagnement mais un syndicat de lutte ? Mais il faut les deux, camarades ! A FO métaux, nous revendiquons et nous signons des accords, c’est notre rôle conventionnel”. Et le secrétaire général de FO métaux de remercier Yves Veyrier “pour le travail accompli depuis 4 ans”. Eric Péres, au nom des ingénieurs et cadres FO, a lui aussi remercié, “pour le climat serein de ce congrès”, Yves Veyrier et Frédéric Souillot, et plaidé pour une syndicalisation plus forte. Tout comme Laurent Rescanières, de Danone, qui a salué “le courage d’Yves Veyrier” en s’adressant ainsi à Frédéric Souillot : “Fred, tu as toute notre confiance, tu pourras compter sur la FGTA (fédération agroalimentaire)”.
Des critiques parfois virulentes
D’autres intervenants ont tenu des propos critiques envers la direction confédérale sortante. Le secrétaire général de FO défense à Brest, Jean-Marc Vannier, partisan déclaré de Christian Grolier, a ironisé : “En quoi serait-ce un problème d’avoir deux candidats ? Que Frédéric Souillot retire sa candidature, il aura le congrès apaisé auquel il rêve !” Le représentant de FO Com en Vendée s’était aussi montré critique en craignant que FO ne devienne “un syndicat d’accompagnement des entreprises, qu’elles soient publiques ou privées”, un syndicat “sans adhérents” n’ayant plus les moyens d’être au contact des salariés. “La lutte et le rapport de forces sont les seuls moyens pour défendre la classe ouvrière”, a-t-il ajouté.
D’autres militants avaient également réclamé qui un audit financier de la confédération, qui un autre fonctionnement, comme cette syndicaliste d’entreprise, critiquant tout à la fois la multiplication désordonnée d’appels à la grève par secteurs, et un certain manque de démocratie interne : “En tant qu’élus et délégués, dans nos entreprises, nous rendons compte aux salariés de notre travail au CSE et dans les négociations. Pourquoi n’est-ce pas le cas dans nos fédérations ?”
Le retrait de la candidature de Christian Grolier va-t-il contribuer à apaiser ces tensions et conforter l’unité de FO ? Réponse aujourd’hui et vendredi, avec le vote du rapport d’activité et du rapport financier et l’élection de la nouvelle direction confédérale.
Bernard Domergue