IRP

Un représentant du personnel qui manque à son obligation de discrétion peut être sanctionné

Le représentant du personnel en possession d’une information de nature confidentielle au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, et présentée comme telle par l’employeur, doit respecter une obligation de discrétion. A défaut, il encourt une sanction disciplinaire.

Une obligation de discrétion s’impose, d’une part, aux membres de la délégation du personnel du CSE et aux représentants syndicaux auprès de cette instance (C. trav. art. L 2315-3) et, d’autre part, aux membres du comité d’entreprise européen (C. trav. art. L 2342-10). Le respect de cette obligation s’impose lorsque l’information revêt un caractère confidentiel, et qu’elle est présentée comme telle par l’employeur. Un manquement du représentant du personnel peut justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire par l’employeur (voir par exemple Cass. soc. 6 mars 2012 no 10-24.367).

Quelles sont les informations susceptibles de revêtir un caractère confidentiel ? C’est sur cette question que portait le litige soumis à la Cour de cassation dans un arrêt du 15 juin 2022. 

Un salarié sanctionné pour non-respect des règles de confidentialité et de sécurité

L’affaire concerne un salarié d’une banque titulaire de plusieurs mandats de représentant du personnel, dont celui de membre du comité d’entreprise européen.

Pour préparer une réunion du comité portant sur la situation financière d’une agence située en Grèce, le salarié avait préparé une liste de questions. Il lui était reproché d’avoir rédigé cette liste sur l’ordinateur portable du comité, et non sur le téléphone sécurisé mis à sa disposition par l’employeur. Il avait ensuite transféré le document sur la clé USB du comité et l’avait imprimé sur l’imprimante d’un hôtel, et non sur un ordinateur de l’entreprise permettant une impression sécurisée à distance. Ce faisant, il avait pris le risque que des tiers accèdent à ces informations, présentées comme confidentielles par l’employeur.

Le salarié avait donc fait l’objet d’un avertissement, dont il demandait l’annulation devant le juge. Il soutenait qu’il n’avait pas manqué à son obligation de confidentialité, mais seulement méconnu les règles de sécurité informatique internes à l’entreprise : or, dans l’exercice de son mandat, le salarié protégé ne peut être sanctionné que s’il abuse de ses prérogatives ou manque gravement à ses obligations professionnelles (Cass. soc. 22 novembre 2017 no 16-12.109 ; Cass. soc. 23 octobre 2019 no 17-28.429). Par ailleurs, il estimait que l’information litigieuse n’était pas de nature confidentielle, et donc pas couverte par l’obligation de confidentialité.

Les arguments de l’intéressé ont été rejetés par la cour d’appel comme par la Cour de cassation.

Une information présentant un caractère confidentiel au regard des intérêts légitimes de l’entreprise

La Cour de cassation pose le principe, inédit, selon lequel revêtent un caractère confidentiel les informations qui sont de nature confidentielle au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, ce qu’il appartient à l’employeur, en cas de contestation, d’établir. Elle analyse ensuite les éléments de preuve relevés par la cour d’appel et considère que celle-ci a pu légitimement considérer que le caractère confidentiel des informations était établi et le manquement du salarié caractérisé.

En premier lieu, le procès-verbal de la réunion du comité central d’entreprise, qui s’était tenu en présence du salarié une semaine auparavant, mentionnait expressément que les informations litigieuses étaient « encore sous embargo » et que les informations devaient donc « rester strictement confidentielles ».

 Selon la Cour de cassation, l’exigence de présentation par l’employeur du caractère confidentiel des informations, prévue par les articles L 2315-3 et L 2342-10 du Code du travail, est respectée lorsque cette indication est donnée oralement, pendant la réunion, et inscrite dans le procès-verbal (voir en ce sens, a contrario, Cass. soc. 12 juillet 2006 no 04-47.558).

Ensuite, certaines des informations revêtaient « en raison de leur nature et de leur contenu, un caractère confidentiel au regard des intérêts légitimes de l’entreprise » : il s’agissait en effet d’éléments relatifs à la gestion interne de l’entreprise et à ses projets de développement. Pour les juges, la méconnaissance par le salarié des règles de confidentialité et de sécurité informatique caractérise le manquement à son obligation de discrétion : il a en effet pris le risque que des éléments sous embargo et stratégiques pour l’entreprise tombent entre les mains de tiers.

Ainsi, pour la Cour de cassation, le représentant du personnel qui détient des informations reconnues comme confidentielles doit non seulement s’abstenir de les communiquer volontairement aux salariés ou à des tiers à l’entreprise, mais également veiller à ne pas les laisser fuiter, par exemple en les égarant ou, comme en l’espèce, en ne respectant pas les protocoles de sécurité.

 Les décisions relatives à la nature des informations pouvant être qualifiées de confidentielles sont rares. Pour l’administration et la Cour de cassation, une information est confidentielle si sa divulgation est de nature à porter préjudice à l’entreprise, et si elle n’est pas déjà largement connue du public ou des salariés de l’entreprise (Circ. DGT 2014-1 du 18-3-2014 Fiche 1 no 3.3 ; Cass. soc. 11 octobre 1972 no 71-40.509). Par ailleurs, l’employeur ne peut pas se prévaloir de la confidentialité de l’ensemble des documents remis dans le cadre d’une procédure d’information-consultation légalement obligatoire, sauf à la vider de sa substance en privant les élus de toute possibilité de communication avec les salariés (TGI Lyon 9 juillet 2012 no 12/01153; Cass. soc. 5 novembre 2014 no 13-17.270).

Laurence Méchin

Les impôts de production freinent-ils l’investissement numérique des entreprises françaises ?

Le Medef considère que les entreprises françaises sont peu engagées dans la transformation numérique. L’organisation patronale l’explique par une rentabilité insuffisante qui tient au poids des impôts de production.

“Si la dynamique est lancée, les entreprises françaises ne se sont pas encore engagées dans une transformation numérique en profondeur de leurs activités, affirme une nouvelle étude du Medef et du BCG, le Boston Consulting Group. Elles dématérialisent certains processus (ressources humaines, relation client) et ont commencé à mettre en place de nouveaux modes de commercialisation et de publicité avec la crise sanitaire mais peuvent encore progresser sur la vente en ligne. Elles sont encore peu nombreuses à se saisir du potentiel des données pour moderniser et gagner en compétitivité dans la conduite de leurs opérations. En particulier, le manque de compétences et de financement peut constituer un frein à la transformation numérique avancée de nos entreprises”, développe cette étude qui se base sur un échantillon très limité : seuls 173 chefs d’entreprise y ont répondu (29 % travaillent dans une micro-entreprise, 50 % dans une PME, 12 % dans une ETI et 9 % dans une grande entreprise).

Pour le Medef, les difficultés de financement de l’immatériel sont avant tout une question de rentabilité. “La rentabilité moyenne des entreprises françaises est plus faible que celle de tous nos compétiteurs directs, avance Christian Poyau, co-président de la commission mutations technologiques et impacts sociétaux du Medef. Il faut revenir à des niveaux de rentabilité qui soient satisfaisants pour les entreprises françaises en diminuant le poids de la fiscalité qui pèse sur elles. Les impôts de production ont été réduits d’environ 10 milliards mais il doit rester à peu près 30 milliards. Si vous injectez 30 milliards dans l’économie, c’est ce qui permettra aux entreprises de financer [l’immatériel]”, développe-t-il.

Pour se faire une idée de cet argument de la rentabilité, nous sommes partis à la pêche aux infos sur le site Eurostat lequel fournit des statistiques sur l’Union européenne. Et l’on y voit clairement, sur la base du taux de profit brut des sociétés non financières (excédent brut d’exploitation / valeur ajoutée brute), que la France est en retard. Ainsi, au 4ème trimestre 2021, ce taux de marge est près de 9 points inférieur à celui de l’Union européenne. Il est également très en dessous de concurrents tels que l’Allemagne et l’Italie.

Profitabilité brute des entreprises : la France en retard dans l’Union européenne

Source : Eurostat / Actuel expert-comptable ; la profitabilité brute est exprimée en taux de profit brut lequel est égal à l’excédent brut d’exploitation / la valeur ajoutée brute ; les chiffres présentés dans ce graphique ne concernent que les sociétés non financières

Et il n’y a pas que le Medef qui critique le poids des impôts de production. Ainsi, le conseil d’analyse économique (CAE) considérait en 2019 que “les impôts sur la production sont parmi les impôts les plus nocifs pour la productivité et la compétitivité. La C3S doit être [totalement] éliminée en priorité du fait de son « effet de cascade » particulièrement néfaste. Les effets de cascade engendrés par la C3S font que cet impôt se diffuse à l’ensemble du tissu productif, y compris les petites PME qui ne sont pas redevables de cet impôt”, développait le CAE qui recommandait aussi de faire disparaître la CVAE, une mesure d’ailleurs proposée par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle 2022.

Un bilan à nuancer selon le CPO

Pour le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), le bilan coûts-avantages des impôts de production est à nuancer. “Plusieurs rapports et études ont souligné le bilan économique défavorable des impôts de production. Ces constats ne doivent cependant pas méconnaître les recettes fiscales qui sont en jeu ni les services qu’ils permettent de financer, notamment au niveau local”.  Et d’ajouter : “les impôts de production sont susceptibles d’avoir des effets défavorables pour la compétitivité des entreprises. Leur réduction doit répondre à trois questions clés : quel lien maintenir entre les entreprises et le développement local ? Quel poids global de prélèvements sur les entreprises est-il acceptable ? Quelles ressources de compensation peuvent-elles être trouvées, sachant que leur base aura pour effet d’élargir l’assiette de l’IS ?”.

Enfin, la rentabilité n’est pas le seul facteur déterminant le financement du numérique. Pour les entreprises qui, même suffisamment profitables, ne peuvent pas autofinancer leurs investissements, le recours aux banques pour développer cet immatériel peut être compliqué. Ce que le Medef reconnaît même si pour lui ce n’est pas le sujet principal. Ce dossier renvoie aussi au manque de reconnaissance comptable des incorporels produits par l’entreprise. Le futur reporting de durabilité en cours d’élaboration dans l’Union européenne changera-t-il la donne ?

Ludovic Arbelet

Frédéric Souillot fait des salaires la priorité de FO

Le nouveau secrétaire général de Force ouvrière a tenu hier la traditionnelle conférence de presse post congrès. Il a dès son introduction fixé la priorité de FO sur la hausse des salaires, au détriment des retraites qui ne sont (pour l’instant) plus d’actualité. En revanche, la confédération revendique toujours l’abrogation des ordonnances Macron sur les CSE.

“L’augmentation des salaires, c’est maintenant !”. La formule orne depuis peu le fronton des locaux de Force ouvrière situés dans le 14ème arrondissement de Paris. Le nouveau secrétaire général fraîchement élu reprend ce slogan dès l’ouverture de la conférence de presse qui s’est tenue hier. Et Frédéric Souillot de rappeler, dans un contexte où le Covid reprend du souffle, que « 60 % des Smicards sont des femmes et des salariés dont nous avons eu besoin pendant la pandémie, dans les services à la personne ou pour nous encaisser au supermarché ». Ce sujet fixé, il a également présenté l’attribution des secteurs confédéraux (voir encadré).

Les retraites attendront : priorité aux salaires

« Il faut une augmentation des salaires pour faire face à l’inflation galopante », a martelé Frédéric Souillot. L’objectif à viser est donc clair pour le nouveau secrétaire général de FO. “Si le Président voulait faire un geste concret, c’est très simple : avec l’inflation, le montant du Smic va encore être revalorisé. Qu’il avance donc la revalorisation en septembre au lieu d’octobre”, a-t-il plaidé. FO appelle aussi à une fixation du Smic à 1 500 euros nets, “point sur lequel La France Insoumise demande comme nous et pas le contraire”.

Quant au projet de loi pouvoir d’achat, le texte n’est “pas à la hauteur” pour Frédéric Souillot, tout en reconnaissant que “les aides, les gens vont les prendre”. En revanche, menacer d’une restructuration les branches qui refusent de négocier sur les salaires lui semble inutile.

l préfère (comme la CFDT) la sanction d’une suppression des aides publiques : “Entre 142 et 143 milliards d’euros d’aides publiques ont été distribuées aux entreprises, nous a dit le gouvernement, et cela sans aucune contrepartie. Nous disons que cette contrepartie doit se trouver dans l’emploi, les conditions de travail et l’augmentation des salaires”. Pas question par ailleurs de saluer le dividende salarié, ni un effort sur l’intéressement et la participation, ni un triplement de la prime Macron : “Tout cela est hypothétique. Le pouvoir d’achat se gagne avec le salaire. Quand vous allez à la banque, elle vous prête par rapport à ce que vous gagnez, pas les éventuels 3 000 euros que vous aurez peut-être à la fin de l’année. Donc si des branches ne négocient pas les salaires, qu’on supprime les aides publiques aux entreprises”.

Le leader de FO prône également un retour de l’échelle mobile des salaires, forme d’indexation sur l’évolution des prix. Ce système fut introduit en France en 1952 pour être supprimé 30 ans plus tard par Jacques Delors en 1982. Pour Frédéric Souillot, il faut de toute façon des écarts minimaux entre les coefficients, car “si tout remonte au niveau Smic, on écrase le reste de la grille [des salaires] et il n’y a plus de proportionnalité entre les coefficients”. Autre levier : FO compte bien actionner toutes les clauses de revoyure prévues au niveau des branches.

Certes, le sujet des retraites n’est plus d’actualité “mais il va revenir”, prévient Frédéric Souillot. Sur le refus de reculer l’âge de départ, “toutes les organisations syndicales sont d’accord”. Elles se sont d’ailleurs réunies la semaine dernière et doivent se revoir la semaine prochaine, le 11 juillet. Aucune augmentation de la durée de cotisation ne sera non plus acceptée par les syndicats, selon le leader de FO, même si elles n’ont pas encore publié de communiqué commun.

CSE : les ordonnances Macron dans le collimateur de FO

Les revendications de FO remises par Frédéric Souillot à la presse contiennent une partie intitulée « Libérer les négociations collectives ». On y lit que FO “revendique l’abrogation des ordonnances travail, le rétablissement de la hiérarchie des normes et des moyens effectifs de représentation des salariés, dont les CHSCT, et une représentation du personnel adaptée aux entreprises de moins de 11 salariés”. Selon Frédéric Souillot, le ministre du Travail Olivier Dussopt aurait indiqué qu’il ne pourrait « pas dire oui » à l’abrogation des ordonnances. “Mais il y a différents moyens d’abroger, nous a indiqué le leader de FO, notamment en revenant sur la limitation à 3 mandats successifs des élus de CSE”.

« Ce sont les citoyens qui élisent les députés, pas nous »

Frédéric Souillot s’est refusé à commenter le nouveau jeu des partis mis en place à l‘Assemblée nationale depuis les élections législatives. Au contraire de Laurent Berger qui a récemment appelé dans la presse les députés à “faire preuve de responsabilité” et à “se placer dans une logique de construction de solutions”, le leader de FO relève que “ce sont les citoyens qui élisent les députés, pas nous”. Il ne sera pas non plus question de boycotter une commission de l’Assemblée en raison de l’étiquette des parlementaires qui y siègent : “On ira dans les commissions chaque fois qu’on sera auditionnés”, a déclaré Frédéric Souillot, qui espère que quand un accord national interprofessionnel sera adopté par les syndicats, une majorité de députés le transposera dans la loi.

Assurance chômage : redonner la main aux partenaires sociaux

Enfin, Michel Beaugas, secrétaire confédéral chargé de l’emploi et des retraites, a indiqué que “selon certains contacts au ministère du travail, il n’y aurait pas de nouvelle lettre de cadrage sur l’assurance chômage”. Ce document, en principe remis par le Premier ministre aux partenaires sociaux, leur donne le cadre de négociation de la nouvelle convention d’assurance chômage.

En 2018, les négociations ayant échoué, aucun accord sur les règles de l’assurance chômage n’avait été trouvé. Le régime était donc entré en carence, les règles étant fixées non par une convention avec les partenaires sociaux mais par le décret du 1er juillet 2019 (lui-même réformé par le gouvernement. Selon Michel Beaugas, le décret de carence devrait être prorogé jusqu’à la fin de l’année par décret. FO souhaite au contraire renégocier une convention d’assurance chômage. “Il faut le faire si on veut préserver le paritarisme”, a indiqué le secrétaire confédéral.

L’équipe confédérale autour de Frédéric Souillot
NomAttributions
Patrick PrivatTrésorerie et budget, boutique, gestion des relations financières avec les structures FO, gestion des prestataires externes, SCI
Rachèle BarrionFormation des adhérents, militants et délégués, stratégies et politiques pour la formation cnfédérale, instituts du travail, CFMS
Michel BeaugasEmploi/assurance chômage/formation professionnelle continue, retraites, groupes de protection sociale, AGFPN (association de gestion du fonds paritaire national), service informatique
Béatrice ClicqEgalité femmes/hommes, discriminations, migrations/immigration, économie sociale et solidaire, développeent durable, CESE
Patricia DevronOrganisation et statuts, commission des conflits et de la délimitation, gestion du personnel et des IRP de la confédération, départements et régions d’Outre-mer, droit du travail, services juridiques et contentieux, AFIP
Hélène FauvelEconomie, fiscalité, politiques et filières industrielles et de servcies, fonction publique, prospective
Eric GautronBranche maladie, dépendance et autonomie, prévention santé sécurité au travail, accidents du travail/maladies professionnelles, branche famille, recouvrement
Karen GournayNégociation collective et restructuration des branches, salaires/rémunérations/pouvoir d’achat, CSE, représentativité/travail temporaire/élections professionnelles, organisation du travail
Pascal LagrueAdhésions/implantations/élections, communication pour le développement, politique confédérale pour les jeunes/cadres/travailleurs de plateformes, logement
Cyrille LamaPresse/sitesinternets/réseaux sociaux, communication publique et interne, histoire/archives et mémoire de l’organisation
Branislav RuganiRelations internationales, comité d’entreprise européen

Marie-Aude Grimont

Consultation du CSEE : le chef d’établissement doit avoir une marge de manœuvre

Dans le cadre d’un plan de reprise d’activité après le confinement, la Cour de cassation rappelle que le CSE d’établissement est informé et consulté sur un projet d’aménagement important modifiant les conditions de travail uniquement en présence de mesure d’adaptation, relevant de la compétence du chef d’établissement et spécifique à cet établissement.

Depuis ces derniers mois, la Cour de cassation opère un travail de clarification des règles applicables en matière de répartition et d’articulation des consultations entre le CSE central d’entreprise (CSEC) et les CSE d’établissement (CSEE). Plusieurs arrêts se sont attachés à expliciter cette répartition des compétences, dans le domaine des consultations ponctuelles, comme des consultations récurrentes. Ils ont également souligné le lien entre compétence de consultation et capacité à désigner un expert (Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-19.974Cas. soc., 16 févr. 2022, n° 20-20.373Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-17.622).

L‘arrêt du 29 juin 2022, publié par la Cour de cassation, s’inscrit dans cette construction jurisprudentielle, dans le cadre d’une consultation sur un projet de plan de reprise d’activité suite au confinement.

Plan de reprise d’activité suite au confinement

Dans cette affaire, la société Enedis élabore un plan de reprise d’activité définissant les modalités de la sortie progressive du confinement à compter du 11 mai 2020. Ce plan est présenté pour consultation au CSEC le 4 mai. La direction régionale d’un établissement (Pyrénées Landes) élabore et transmet, de son côté, aux membres de son CSEE les documents suivants : « plan de reprise des activités DR Pyrénées Landes », « prévision du taux de présence sur site DR PYL », « volume prévisionnel d’activité » et 12 « fiches réflexes » .

Le CSEE demande en justice à ce que la société engage auprès de lui le processus d’information et de consultation, sous astreinte. Le comité considère que le plan de reprise d’activité élaboré par la direction régionale est une mesure d’adaptation spécifique du cadrage national relevant de la compétence du chef d’établissement. Il s’agirait, en outre, d’un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des agents, justifiant donc cette consultation au niveau de l’établissement. 

► Remarque : à noter qu’en application des article L. 2316-20 et L. 2316-21 du code du travail, le droit à consultation sur les mesures d’adaptations spécifiques d’un projet d’aménagement important modifiant les conditions de travail implique le droit pour le CSEE de recourir à un expert, dès lors que lesdites mesures d’adaptation spécifiques ont bien des incidences sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail dans l’établissement (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-17.622). Dans cette affaire, il n’était pas question d’expertise.

Sa demande est rejetée. La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel.

Consultation du CSEE sur un projet important modifiant les conditions de travail

La chambre sociale commence par rappeler les principes posés par le code du travail :

  • l’article L. 2316-20 du code du travail prévoit que le CSE d’établissement a les mêmes attributions que le CSE d’entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Il est consulté sur les mesures d’adaptation des décisions arrêtées au niveau de l’entreprise spécifiques à l’établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ;
  • l’article L. 2312-8 du code du travail précise quant à lui que CSE est informé et consulté sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  • enfin, l’article L. 2316-1 prévoit que le CSE central d’entreprise est seul consulté sur les mesures d’adaptation communes à plusieurs établissements des projets importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. 

Et la Cour de cassation d’en conclure que « le comité social et économique d’établissement est informé et consulté sur toute mesure d’adaptation, relevant de la compétence de ce chef d’établissement et spécifique à cet établissement, des aménagements importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail arrêtés au niveau de l’entreprise, dès lors que cette mesure d’adaptation n’est pas commune à plusieurs établissements ».

Exigence d’une marge de manœuvre du chef d’établissement

Puis la chambre sociale analyse les faits de l’espèce en décortiquant le plan de reprise d’activité tel que prévu au niveau central, et celui de la direction régionale :

– le plan de reprise d’activité de la société prévoit :

  • premièrement, concernant le « volet sanitaire », des règles applicables en matière de santé et de sécurité communes et homogènes (déplacement, transport, prise en charge des personnes contact, salariés sur site et à distance, seuls ou en équipe) ;
  • deuxièmement, pour les ressources humaines, un retour progressif des équipes à partir du 11 mai sur une période de quatre à six semaines, avec « en cible », le « retour physique de la moitié du collectif de travail d’ici le mois de juillet à adapter selon les contraintes d’environnement » ;
  • troisièmement, l’énonciation du principe d’un rythme de reprise adapté avec la prise en compte du contexte local de chaque direction, et la définition d’un « cadre de cohérence national » avec la nécessité de prioriser les activités par grands métiers ;

– le plan de reprise d’activité de la direction régionale Pyrénées et Landes précise :

  • qu’il décline le projet de reprise d’activité de la société ;
  • qu’il comporte une présentation du dispositif de reprise d’activité dans l’établissement, qui rappelle les mesures sanitaires et les modalités pour assurer leur respect, ainsi qu’un « planning de retour sur les sites », dont il est indiqué qu’il se fera « conformément à la note d’orientation générale pour la relance des activités du distributeur » et qu’il sera « progressif » et tiendra compte de plusieurs paramètres dont « le cadrage national d’Enedis contenu dans le plan de reprise d’activité» ;
  • et détaille, de plus, les modalités de reprise des activités en fonction des équipes et des métiers en indiquant les spécificités de chacun. 

En outre, la Cour de cassation constate que le document intitulé « Volume prévisionnel d’activités pendant la reprise », établi par la direction régionale Pyrénées et Landes, s’inscrit dans le plan de reprise d’activité de la société.

Enfin, la chambre sociale ajoute « qu’aucun élément ne permet d’établir que le chef d’établissement disposait d’une quelconque marge de manœuvre dans l’exercice de son pouvoir de décision quant aux modalités de la reprise de l’activité au sein de son établissement telles qu’elles avaient été arrêtées au niveau de l’entreprise ». Ainsi, il peut en être conclu que le plan de reprise d’activité de la direction régionale Pyrénées et Landes ne constitue pas une mesure d’adaptation spécifique à cet établissement du plan de reprise d’activité de la société.

Le CSEE n’a donc pas à être consulté.

Séverine Baudouin

Prud’hommes : les pistes du rapport des états généraux de la justice

Le président de la République doit recevoir demain le rapport des Etats Généraux de la Justice. Selon le journal Le Monde, ce rapport contient des pistes d’évolution en matière de justice au travail. Pour les prud’hommes, l’idée d’une professionnalisation des juges (“échevinage”) est écartée mais le rapport considère comme anormal les taux d’appel (60 %) et de réformation (72 %) des jugements prud’homaux, de même que des délais de jugements, trop longs. Le projet consisterait à “mieux encadrer la procédure”, à favoriser la conciliation, et à mieux répartir les moyens, la suppression des conseils rendant très peu de décisions étant envisagée. 

Selon nos confères d’actuEL-Direction Juridique, il serait proposé de transformer les conseils des prud’hommes en “tribunaux du travail”, “rattachés sur les plans administratif, organisationnel et budgétaire au tribunal judiciaire, sans modification de son fonctionnement paritaire”, qui serait piloté budgétairement par le seul ministère de la justice. A la répartition actuelle par section serait substituée une organisation par chambre. Cela permettrait dans les grands tribunaux, une certaine forme de spécialisation par type de contentieux.

La principale innovation, rapporte le Monde, consisterait à renforcer le rôle des greffiers : “après une formation spécifique, ils seraient quasiment chargés de la mise en l’état d’un dossier, avec un calendrier de procédure contractualisé avec les parties, le juge ayant un pouvoir de sanction du manque de diligence des protagonistes”. 

Cette dernière piste est sensible, les partenaires sociaux redoutant que les greffiers soient partagés et donc trop peu concentrés sur l’activité prud’homale. 

Dans le cadre de leur agenda social autonome, les partenaires sociaux ont publié une position commune sur les prud’hommes en réclamant davantage de moyens pour cette juridiction

actuEL CE

Un accord sur les délais de consultation du CSE exclut complètement l’application des délais réglementaires

Un accord de report du terme du délai de consultation du CSE exclut l’application des délais réglementaires fixés, à défaut d’accord par l’article R. 2312-6 du code du travail. Le vote d’une expertise à l’échéance de ce délai ne permet donc pas de porter le délai de consultation à deux mois rétroactivement.

Le délai de consultation du CSE est fixé par un accord collectif, ou en l’absence de délégué syndical, par un accord entre l’employeur et le CSE adopté à la majorité des titulaires, ou à défaut d’accord par les délais réglementaires fixés aux articles R. 2312-5 et R. 2312-6 du code du travail (C. trav., art. L. 2312-16).

La jurisprudence a assoupli les règles en permettant l’adoption d’un accord de prolongation des délais de consultation « d’un commun accord » avec les membres du CSE (Cass. soc.,8 juill. 2020, n° 19-10.987). Mais qu’en est-il de l’articulation entre un tel délai prolongé et les délais réglementaires de consultation, dans le cas de la désignation d’un expert à l’échéance dudit délai ?

C’est à cette question que répond l’arrêt publié de la Cour de cassation du 29 juin 2022, pour la première fois à notre connaissance.

Consultation sur la politique sociale reportée d’un commun accord

Dans cette affaire, une entreprise enclenche sa consultation sur la politique sociale en transmettant à son CSE plusieurs documents (bilan de la formation, bilan sur l’emploi des travailleurs handicapés, rapport sur l’égalité professionnelle, bilan social…) lors d’une première réunion se déroulant le 30 septembre 2020.

Il n’y a aucun accord relatif aux délais de consultation.

Le 30 octobre 2019, une nouvelle réunion a lieu mais l’avis du comité sur la politique sociale ne peut être recueilli, faute de temps pour aborder ce point de l’ordre du jour. Une nouvelle réunion est alors convoquée le 2 novembre 2020, et se tient le 12 novembre.

Lors de cette réunion, le CSE décide de recourir à un expert dans le cadre de cette consultation.

L’employeur conteste cette délibération, au motif que le délai de consultation ayant été fixé conjointement au 12 novembre, le CSE était réputé avoir rendu son avis ce jour, et ne pouvait rétroactivement rendre le délai réglementaire de 2 mois applicable sans accord.

Mais le tribunal donne raison au CSE, estimant que « la décision du CSE de recourir à un expert, prise le 12 novembre 2020, soit le dernier jour du délai préfix de consultation fixé par accord, la durée de consultation a été portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ ».

Prééminence de l’accord relatif au délai de consultation sur les délais réglementaires

Mais la Cour de cassation est de l’avis de l’employeur.

Après avoir rappelé les textes applicables en matière de délai de consultation, la Cour en conclut que « les dispositions de l’article R. 2312-6 (délais de consultation réglementaires) n’ont vocation à s’appliquer qu’en l’absence d’accord collectif de droit commun ou d’un accord entre le comité social et économique et l’employeur fixant d’autres délais que ceux prévus à cet article ».

Puis la chambre sociale explique que :

  • d’une part, les informations communiquées ou mises à disposition du comité le 30 septembre 2020 ont marqué le point de départ de la consultation et ;
  • d’autre part, l’employeur et le CSE étaient convenus par un commun accord de reporter le terme du délai de consultation au 12 novembre 2020.

Il s’en déduit « que cet accord excluait l’application des délais réglementaires fixés, à défaut d’accord, par l’article R. 2312-6 du code du travail et qu’au jour où il statuait, le délai étant échu, le comité était réputé avoir émis un avis négatif de sorte que l’expertise ne pouvait qu’être annulée ».

En d’autres termes, l’accord de report du délai de consultation entre l’employeur et le CSE s’applique, ce qui exclut l’application des délais réglementaires. Ainsi, seul un autre accord peut dorénavant reporter ce délai de consultation, la désignation d’un expert ne pouvant permettre d’exiger l’extension du délai de consultation selon les dispositions réglementaires devenues inapplicables par l’effet de l’accord.

► Si cette décision peut paraître sévère dans cette affaire (prorogation du délai « d’un commun accord »), il s’agit toutefois d’une rencontre de volontés et donc d’un accord. La décision constitue ainsi une application logique du principe de parallélisme des formes, exigeant qu’un acte pris selon une certaine procédure, ne puisse être modifié qu’en suivant une procédure identique. Il convient en conséquence d’être prudent en cas de signature d’un accord, mais également lorsque membres du CSE et employeur s’accordent, sans formalisation écrite particulière sur le report du recueil d’un avis. Ce délai devient alors le seul applicable. Il ne peut être modifié que selon les mêmes modalités, et donc uniquement par accord entre les parties prenantes. Il convient donc d’être précis sur les termes de cet accord (le PV de la réunion pouvant faire foi), et de prévoir la possibilité de la désignation d’un expert et d’une prolongation corrélative du délai le cas échéant.

Séverine Baudouin

La CGT et Solidaires appellent à une grève le jeudi 29 septembre

Les syndicats CGT et Solidaires appellent les salariés à une journée de grève interprofessionnelle le jeudi 29 septembre. Les deux organisations avancent comme motifs les revendications salariales et le pouvoir d’achat, leur opposition à une réforme des retraites et à un nouveau durcissement de l’indemnisation chômage.

actuEL CE