IRP

Les prud’hommes pourraient devenir des “tribunaux du travail”

Le président de la République demande au ministre de la Justice d’engager à partir du 18 juillet une concertation avec l’ensemble des acteurs du monde judiciaire sur la base des propositions du rapport des états généraux de la justice, remis vendredi à Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat dit vouloir prendre des mesures dès la rentrée mais aussi engager des chantiers plus longs. Le rapport suggère de transformer les prud’hommes en tribunaux du travail et de modifier la procédure pour favoriser la conciliation et réduire les délais de jugement. Explication et réactions.

Remis au président de la République vendredi 8 juillet, ce rapport de 250 pages se présente comme un état des lieux et un ensemble de propositions faisant suite aux états généraux de la justice tenus d’octobre 2021 à avril 2022. Il décrit une justice “au bord de la rupture” et aborde de multiples aspects, la justice administrative n’étant toutefois pas traitée. 

Un changement de nom 

Nous nous intéressons ici au volet concernant la justice prud’homale (Ndlr : pages 186-189 du rapport général et pages 95-102 du rapport spécialisé, lire en pièce jointe). Le rapport ne préconise pas ce qu’on appelle l’échevinage, c’est-à-dire la fin d’une justice paritaire qui serait remplacée par des juges professionnels. Mais il appelle les partenaires sociaux à tenir compte des “difficultés profondes” de la justice prud’homale et il livre des recettes que certains conseillers prud’hommes pourraient assimiler à une sorte de contrôle ou d’encadrement de leur action par l’institution judiciaire et les juges professionnels. 

Les auteurs du rapport proposent d’abord de transformer les conseils des prud’hommes (CPH) en “tribunaux de travail”.

But de ce changement de nom ? “Signifier clairement leur rôle juridictionnel et décisionnel, les valoriser et améliorer la compréhension de leur rôle pour les justiciables”. Ce changement s’accompagnerait du rattachement des conseils aux tribunaux judiciaires, “sans modification de leur fonctionnement paritaire”, leur tutelle échouant au seul ministère de la justice, le ministère du travail n’étant donc plus compétent. 

“Un nouvel équilibre procédural”

Les délais de traitement, jugés trop longs, pourraient être améliorés avec “un nouvel équilibre procédural” qui valoriserait “la conciliation” (le taux de conciliation se limite à 10%) : “Ainsi, la mise en état (Ndlr :  phase de la procédure écrite au cours de laquelle se déroule l’instruction du contentieux) devrait être suivie avec une aide accrue du greffe et le bureau de conciliation devra être constitué de juges du travail spécialisés sur ces fonctions”. 

Les modes alternatifs de règlement des différends sont préconisés 

 Le rapport, qui recommande que le parquet s’intéresse davantage à la justice prud’homale, évoque un travail commun avec les barreaux “pour contractualiser la gestion procédurale des audiences du tribunal du travail”. Il s’agit, une fois encore, de favoriser la conciliation : “Au terme de la mise en état, chaque affaire portée devant le tribunal du travail devrait ab initio (Ndlr : depuis le début) être orientée soit vers la conciliation, soit vers une audience paritaire, soit vers une audience de départage” (Ndlr : audience conduite par un juge professionnel).

Les “MARD” (modes alternatifs de règlement des différends) sont également avancés comme une solution. Les auteurs reprennent l’idée de “mettre en œuvre la pratique de la césure du procès avec médiation intégrée permettant au juge de ne trancher que la question de procédure ou de droit principale et de redonner aux parties la maîtrise de leur procès en trouvant un accord sur les conséquences de la décision du juge”. 

En outre, chaque président d’un tribunal du travail devrait établir un état des lieux des stocks et des délais de traitement et élaborer un “plan de réduction”. Le rapport fixe comme objectif de “retrouver un délai moyen de jugement d’un an à brève échéance”. 

Le greffier ferait la mise en état

Le rapport critique le taux important d’appel frappant les décisions prud’homales (59,7%), même si cela paraît propre à toutes les juridictions liées au travail étant donné la conflictualité des affaires en jeu. Il pointe aussi le faible taux de confirmation des jugements en appel (28,3%). Il en déduit qu’il faut davantage former les conseillers (1), et leur donner l’appui d’équipes “d’aide à la décision” qui pourraient accompagner les juges du travail.

“Au vu du taux élevé de départage de certains CPH (conseils de prud’hommes), peut-on lire, l’institutionnalisation de réunions régulières entre les juges du travail et les magistrats professionnels, de première instance et de cour d’appel, au-delà du recours à la procédure de départage, apparaît souhaitable”. Le sous-rapport préconise également de “rendre obligatoire une motivation des décisions de départage”.

Cette réforme consisterait aussi à renforcer et à valoriser le rôle des greffiers, qui devraient être davantage formés. Ces derniers se verraient en effet directement chargés d’opérer la mise en état des dossiers, “en référant au juge du travail en cas de difficulté”, voire la rédaction des jugements. 

Des CPH supprimés

Enfin, le rapport préconise de revoir l’organisation et la carte des prud’hommes en France, sachant que 63 CPH ont déjà été supprimés en 2018 (2). Les auteurs suggèrent ainsi de remplacer “la répartition contraignante par section” (Ndlr : commerce, industrie, activités diverses, etc.) par une organisation par chambre qui, dans les grands tribunaux du travail, pourrait correspondre à une certaine forme de spécialisation par type de contentieux”. Il est du reste déjà possible pour les conseils de créer de telles chambres. Le sous-rapport sur la justice au travail, qui insiste sur l’adaptation des moyens humains et financiers en fonction des conseils, recommande plus directement la suppression des sections agriculture et encadrement. 

Le paradoxe de l’évolution actuelle

Notons que les prud’hommes ont connu plusieurs changements ces dernières années. Depuis la loi (Macron) de 2015, la procédure de saisine est désormais écrite et assez exigeante, ce qui a pu dissuader des citoyens de défendre leur droit devant les conseils : la moyenne française de recours au juge du travail (7,4 pour 1000) est très inférieure à la moyenne européenne (10,6 pour 1000), mais cela s’explique aussi par une moindre présence des élus du personnel dans les entreprises.

En outre, l’imposition aux juges d’un barème de dommages et intérêts pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse, depuis 2017, et la rupture conventionnelle, ont contribué à diminuer le nombre d’affaires traitées par les conseils (-55% entre 2009 et 2020 !) sans pour autant régler la question de la lenteur de certains rendus de jugement.

Les partenaires sociaux, dans une position commune, ont d’ailleurs réclamé davantage de moyens pour la justice du travail à l’occasion des états généraux et donné des pistes assez différentes des préconisations de ce rapport. Reste à savoir comment ils réagiront à ces propositions qui suscitent déjà certaines critiques. Ainsi, Dominique Holle, président du CPH de Clermont-Ferrand, se montre-t-il très réticent au sujet des modes alternatifs de règlement : “Oui à la conciliation, mais attention à une forme de médiation qui se produirait à l’extérieur des prud’hommes et qui serait payante”. 

(1) Les conseillers prud’hommes désignés depuis 2018 doivent obligatoirement suivre une formation initiale : 2 jours en présentiel et 3 jours à distance.

(2) En 2019, 66 CPH traitent moins de 200 affaires par an, avec une moyenne de 128 affaires.

Savine Bernard, du SAF (syndicat des avocats de France) : “Ces propositions risquent de renforcer la gentrification des prud’hommes”   
Savine Bernard est responsable de la commission du droit social du Syndicat des avocats de France (SAF). Contactée vendredi, elle nous livre une lecture très critique du rapport sur la justice prud’homale autour de 3 points : « Un. Je ne vois dans ce rapport aucune mesure concrète permettant de renforcer les moyens humains et financiers des conseils. Or nous vivons une évolution paradoxale : le contentieux a beaucoup baissé (nous sommes passés de 163 000 saisines en 2014 à 86 000 saisines en 2020) mais les délais de jugement n’ont cessé d’augmenter (11,3 mois en 2004 et 22 mois en 2018 voire 31 mois en cas de départage) (…) Deux. On veut supprimer des CPH ayant peu d’affaires, mais sans en créer là où il y a des besoins pour tenir compte des évolutions économiques et sociales. C’est ignorer que la baisse des saisines n’affecte pas de façon égale les salariés et les conseils. Désormais, un quart des saisines est concentré sur 5 CPH ! Pourquoi ? Parce que les conditions de saisine entraînent une gentrification de l’usage des prud’hommes, où l’on trouve de plus en plus de cadres âgés. Supprimer des CPH, c’est encore cette situation d’inégalité. Trois. Le rapport va jusqu’à confier au greffier ou à un assistant la préparation et la rédaction du jugement, et évoque des outils algorithmiques, comme si cette rédaction pouvait se faire sur la base de modèles-type ou d’algorithme ! ».

Bernard Domergue

Prime pouvoir d’achat : le Conseil d’Etat préconise une consultation préalable du CSE

Dans son avis sur le projet de loi du gouvernement portant sur le pouvoir d’achat, le Conseil d’Etat recommande que la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA), désormais rebaptisée “prime de partage de la valeur”, fasse l’objet d’une consultation préalable du comité social et économique (CSE) et même qu’elle soit intégrée dans les négociations annuelles obligatoires. 

Ces recommandations sont formulées ainsi dans l’avis du Conseil d’Etat :

“Lorsqu’il existe un comité social et économique (CSE), l’employeur qui fait le choix d’instaurer la prime par décision unilatérale n’est pas tenu de le « consulter » préalablement sur les modalités retenues, mais peut se borner à l’« informer », juste avant le versement de la prime. Le Conseil d’Etat estime qu’au regard du principe rappelé ci-dessus et pour un dispositif qui peut s’installer dans la durée et se révéler structurant dans la politique salariale de l’entreprise, il serait préférable de prévoir la consultation préalable du CSE plutôt que sa seule information. Le Conseil d’Etat appelle, d’autre part, l’attention du Gouvernement sur l’absence de lien opéré par ce texte d’effet permanent avec les dispositions d’ordre public relatives à l’obligation de négociation sur « la rémunération, notamment les salaires effectifs » qui figurent, pour les entreprises qu’il vise, à l’article L. 2242-1 du code du travail, ainsi qu’avec les dispositions de l’article L. 2242-4 du même code qui fait obstacle, sauf urgence, à la faculté de prendre dans ces matières des décisions unilatérales lorsque des négociations sont en cours. Il considère plus généralement que les modalités d’instauration d’une telle prime mériteraient d’être mieux articulées avec les dispositions relatives à la négociation obligatoire en entreprise. A cet égard, il regrette que, dans les entreprises au sein desquelles ont été reconnues des organisations syndicales représentatives et ont été élus des délégués syndicaux, compétents pour négocier en matière de « rémunération et (…) de partage de la valeur ajoutée » (article L. 2242-15 du code du travail), il soit possible de créer par voie de décision unilatérale un cadre permanent de distribution de la prime, sans qu’ait d’abord été tentée la voie négociée”.

Nous verrons si les parlementaires se saisissent de ces recommandations, le projet de loi devant être examiné à partir du 18 juillet.

Le Conseil d’Etat juge par ailleurs “lacunaire” l’étude d’impact accompagnant le projet de loi. Au regard du “régime permanent d’exonération de la prime des cotisations sociales et des diverses taxes à la charge de l’employeur”, le Conseil estime que ces exonérations devront être “compensées selon des modalités à prévoir par une prochaine loi de financement de la sécurité sociale ou loi de finances”. 

ActuEL CE

Négociations salariales de branche : la CFE-CGC alerte sur le risque de déclassement

À l’issue du comité de suivi de la négociation salariale de branches, qui s’est tenue le 7 juillet, entre le ministre du Travail Olivier Dussopt et les organisations syndicales représentatives, la CFE-CGC a alerté sur le risque de déclassement des classes moyennes, susceptible d’emporter avec lui un affaissement de notre économie.

Pour la confédération de l’encadrement, les négociations de branches non conformes au Smic (dont le ministre a annoncé une troisième hausse annuelle très probable en septembre) doivent non seulement répondre à une mise en conformité au regard du Smic, mais également répercuter la hausse sur l’ensemble des minima. À ce titre, elle propose un pacte de progression salariale, permettant de “reconnaitre à sa juste valeur la prise de responsabilité”, “les documents étudiés démontrant (toutes branches confondues) un resserrement de l’éventail total moyen des salaires passant de 2,95 en 2020 à 2,91 en 2021”.

Enfin, la CFE-CGC a rappelé que la solution proposée (à savoir faire de la non-conformité des branches un critère de rapprochement de celles-ci) pour les inciter à renégocier, était inadaptée. Elle ne s’inscrit pas dans la même temporalité face à une inflation galopante. La CFE-CGC préfère “l’instauration d’une clause de revoyure automatique, dès la deuxième augmentation annuelle du SMIC, prévoyant la renégociation de l’intégralité des minima, c’est-à-dire y compris les minima cadres”.

actuEL CE

Le Medef déplore que la prime PEPA soit soumise au forfait social

Le syndicat patronal “accueille positivement” l’annonce de la reconduction de la prime PEPA via le projet de loi pouvoir d’achat. En revanche, le Medef regrette que la prime, rebaptisée prime de partage de la valeur soit soumise à un forfait social de 20 % pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (communiqué de presse en pièce jointe). Le syndicat signale que le montant des cotisations ainsi versée serait répercuté sur le montant de la prime versé aux salariés : “L’entreprise qui pouvait offrir 500 € de prime PEPA hier, ne pourra donc plus en verser que 416 € demain puisque cela lui coûtera 83 € de charges sociales en plus”. Selon le Medef, cela aurait “un effet désincitatif”.

actuEL CE

En 2020, moins de salariés sont représentés par une IRP (CSE) et par un délégué syndical

L’instauration du CSE en 2017 s’est accompagnée d’une baisse de la proportion d’entreprises couvertes par une IRP et par un délégué syndical, selon les chiffres de la Dares portant sur 2020. La négociation collective avec un délégué syndical tend à baisser tandis que la crise sanitaire paraît avoir été gérée de façon consensuelle dans les entreprises.

En 2019, donc deux ans après les élections présidentielles et législatives ayant instauré le CSE, la Dares (directions statistiques du ministère du travail) avait fait paraître des éléments sur les instances représentatives du personnel, qui montraient au passage que le cumul des mandats, un des arguments utilisés pour justifier la fusion des IRP au sein du CSE, était largement surévalué. Trois ans plus tard, de nouvelles études paraissent une fois encore au lendemain des scrutins politiques. Il s’agit de trois documents faisant une synthèse, pour l’année 2020, de la situation des instances représentatives du personnel (IRP), de la négociation collective et des relations sociales durant la crise sanitaire (lire les trois notes en pièce jointe).

Une moindre présence des IRP et des DS 

Première note : la situation des IRP. Rappelons que les entreprises avaient jusqu’au 31 décembre 2019 pour passer au CSE, le comité social et économique réunissant les CE, CHSCT et DP.

Sur quoi a débouché ce nouveau cycle électoral ? Si l’on prend les données de 2020, année encore marquée par de nombreux retards (5,6% des entreprises, notamment les plus petites, n’étant pas encore passées au CSE), on voit que ces élections se sont traduites par une nouvelle dégradation de la couverture par une instance représentative du personnel des entreprises et des salariés en France. En 2020, 41,4% des entreprises de plus de 10 salariés (employant 78,4% des salariés) comprennent une IRP. C’est un demi-point de moins qu’auparavant, alors que le taux de couverture avait déjà chuté de 2 points entre 2018 et 2019. La proportion des entreprises comptant au moins un délégué syndical (DS) est également en baisse (- 2,6 points entre 2018 et 2020) et cette baisse est encore plus forte (-5,7 points) pour les entreprises de 50 salariés et plus. L’érosion de l’implantation syndicale se vérifie aussi du côté des représentants de section syndicale : les RSS sont présents dans moins d’entreprises en 2020 (1,7%) qu’en 2017 (1,85%), mais ils représentent paradoxalement davantage de salariés (25,8% de salariés couverts, contre 24,6% en 2017).

Seules 9,3% des entreprises (employant 54% des salariés) déclarent la présence d’un DS. On constate au passage que les représentants de proximité (un mandat facultatif, à créer par accord) ne sont présents que dans 1,2% des entreprises, un chiffre à rapporter à ceux des délégués du personnel en 2017, présent dans 33,7% des entreprises et 66% des salariés. En 2020, les conseils d’entreprise (le CSE doté d’une capacité de négociation, une possibilité contractuelle) ne concernent que 300 000 salariés.

Sans surprise, plus l’entreprise emploie de salariés, plus ceux-ci ont de chance d’être représentés. Ainsi, sont dotées d’élus :

  • 32% des entreprises entre 10 et 49 salariés ;
  • 85,4% des entreprises de 50 salariés et plus. 

Les différences sectorielles restent les mêmes, les entreprises de la construction et de l’hébergement-restauration offrant moins d’IRP que celles du transport, de banque-assurance, ou de la santé et de l’action sociale. 

En matière de santé au travail, la réforme de 2017 a changé la donne en supprimant le CHSCT (fondu dans le CSE), seules les entreprises d’au moins 300 salariés étant tenues de mettre en place une commission santé, sécurité, conditions de travail (CSSCT). Résultat : seulement 47,6% des salariés sont couverts par une instance spécialisée sur les conditions de travail, contre 60% en 2017. Selon la Dares, 79,4% des entreprises d’au moins 300 salariés disposent d’une CSSCT, alors que 92,4% des entreprises de même taille disposaient d’un CHSCT trois ans avant. Notons cependant qu’une entreprise sur cinq de 50 à 299 salariés dispose d’une CSSCT dans le CSE.

Une baisse de la négociation collective 

Comment a évolué la négociation collective en 2020 ? s’interroge la Dares dans une deuxième note. Première réponse : son niveau global a baissé de 0,6 point en un an, comme on le voit la courbe ci-dessous. 

Seulement 16,6% des entreprises de 10 salariés ou plus du secteur privé (ces sociétés représentant 62% des salariés) ont mené au moins une négociation dans l’année. Dans celles des entreprises où existe un délégué syndical, cette proportion monte à 87,6%, contre seulement 22,9% pour les entreprises ne disposant que d’élus (hausse de 0,4 point).

A noter qu’un délégué syndical au moins a participé à la négociation dans l’année dans 50,6% des entreprises, contre 53,4% en 2019 et 62,2% en 2018. On peut relier cette baisse à la politique de l’exécutif visant à permettre davantage d’accords avec les élus. La première raison évoquée pour l’absence de négociation réside dans l’application directe des accords de branche (54% des entreprises n’ayant pas négocié avancent ce motif là), devant l’absence d’interlocuteur (22%) et le sentiment d’inutilité de la négociation (20,2%). 

Les thématiques les plus négociées ont été en 2020 :

  • les salaires (9,4% des entreprises), un thème où la présence d’un DS influence fortement la probabilité d’une négociation;
  • le temps de travail (6,1%);
  • les conditions de travail (5,1%, soit +1,2 point sur un an), etc. 

Si l’emploi est un thème de négociation en progression, la protection sociale est en chute (-4,9 points).

Au sujet des négociations d’accords de groupe, le palmarès des thèmes est le suivant :

  • les salaires et les primes (30,9% des accords de groupe concernent ces thèmes en 2020);
  • l’épargne salariale (24,9%);
  • le droit syndical (15,4%);
  • le temps du travail (10,5%);
  • l’emploi (10, 1%);
  • l’égalité prof. F/H (8,7%), etc. 

Concernant le rapport entre la conflictualité sociale et la négociation collective, la note de la Dares remarque que 60% des entreprises ayant connu un conflit de travail ont engagé des négociations en 2020, avec 72,2% de cas de grève à l’origine. 

Un moment de consensus lors de la crise sanitaire

Mais l’année 2020 a été surtout marquée par le début de la crise sanitaire, et ses répercussions sur les relations sociales, objet de la troisième note de la Dares. Sur les 44% d’entreprises de l’échantillon de la Dares (1) qui sont pourvues d’IRP, 74% des sociétés ayant pris au moins une mesure d’adaptation ont engagé une consultation des IRP, mais 16% ont pris des mesures sans consulter leurs IRP. Sur ces mesures d’adaptation (prévention, activité partielle, horaires, etc.), voir notre tableau en fin d’article.

Plus l’effectif est important, plus cette consultation a été fréquente : 95% des 500 salariés et plus l’ont faite, contre 66% des 10 à 49 salariés. Cette consultation s’est souvent doublée d’une négociation pour la prise de mesures contre la crise sanitaire, mais le télétravail a donné lieu en 2020 à assez peu d’accord au plus fort de la crise (390 au 1er trimestre et 420 au second).

Les salariés ont été associés aux décisions de l’entreprise dans 37% des cas, via des questionnaires, référendums, boîtes à idées, etc. Seules 4% des entreprises disent avoir connu un conflit entre la direction et les salariés, et 1% entre la direction et les représentants du personnel, concernant la prise d’une mesure liée à la crise sanitaire. Cette statistique semble corroborer le constat, souvent exprimé, d’une crise sanitaire ayant entraîné une forme de consensus au sein des entreprises, et notamment entre les élus du personnel et la direction, pour la prise de mesures urgentes…

  • L’échantillon comprend un total de 245 000 entreprises de 10 salariés et plus (dispositif d’enquête dit “Acemo”).

actuEL CE

Pouvoir d’achat : 12 syndicats demandent aux parlementaires de conditionner les aides aux entreprises

Dans un communiqué commun publié hier soir, 12 organisations syndicales (*) prennent position sur le pouvoir d’achat “alors que les débats commencent à l’Assemblée sur cet enjeu prioritaire” : “Les organisations syndicales et de jeunesse sont unanimes sur le fait que le sujet prioritaire doit être l’augmentation des salaires, des retraites et pensions, des minimas sociaux et des bourses d’études”. Selon ces organisations, “une succession de mesures ponctuelles et majoritairement financées par l’Etat ne peut constituer un ensemble suffisant pour répondre à l’urgence. Réduire les inégalités, notamment entre les femmes et les hommes, exige avant tout des mesures visant à une meilleure répartition des richesses au profit des salariés. Le salaire doit demeurer la base d’un partage des richesses rééquilibré en faveur des salariés. La prise en charge de mesures de pouvoir d’achat est aussi de la responsabilité des employeurs privés comme publics”.

Les 12 organisations estiment par ailleurs que “les exonérations et allègements de cotisations mettent à mal notre système de protection sociale collective” et réclament “une conditionnalité des aides aux entreprises” : “Le débat parlementaire doit permettre d’avancer notamment sur cette conditionnalité des aides aux entreprises qui ne jouent pas le jeu en matière salariale”. 

(*) CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO, UNSA, Solidaires, FSU, Unef, Voix Lycéenne, FIDL, MNL.

Pour FO, le projet de loi de finances rectificative “entérine des pertes de pouvoir d’achat”

Force Ouvrière déplore les pertes de pouvoir d’achat issues selon elle du projet de loi de finances rectificative pour 2022. Selon le syndicat, avec une inflation à 5 %, “le projet (…) entérine des pertes de pouvoir d’achat, avec la sous indexation du point d’indice (+3,5%), des prestations sociales (+4%) et des aides personnelles au logement (+3,5%)”. FO pointe également la suppression de recettes comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (dans le projet de loi de finances pour 2023) ou la redevance sur l’audiovisuel public. Ces suppressions lui semblent de plus “en contradiction avec l’objectif annoncé de réduire le déficit en dessous de 3% d’ici la fin du quinquennat”. Pour FO, qui dénonce les “effets pervers” des chèques et primes, seule l’augmentation structurelle des salaires permet “d’assurer le financement de la sécurité sociale et de distribuer les richesses produites par le travail” (communiqué en pièce jointe).

ActuEL CE

Projet de loi pouvoir d’achat : la commission des affaires sociales veut une consultation préalable du CSE en cas de mesure unilatérale

Lors de son examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat, la semaine dernière, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a modifié le texte. Les députés ont notamment voté un amendement prévoyant une consultation préalable du CSE (Ndlr : comme le suggérait le Conseil d’Etat) et non plus seulement une information du CSE, lorsque l’entreprise décide unilatéralement de verser la prime de partage de la valeur.

Un autre amendement adopté prévoit l’information du CSE d’une entreprise d’intérim dès que l’entreprise utilisatrice d’un de ses intérimaires verse une prime de partage de la valeur à ses salariés.

D’autres modifications concernent les points suivants : 

  • la prime de partage de la valeur pourra être individualisée en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise ; 
  • la prime de partage de la valeur pourra être versée de manière fractionnée (mais pas sur une base mensuelle) ; 
  • la prime de partage de la valeur devra faire l’objet d’un rapport d’évaluation au 30 juin 2024, visant à s’assurer que la prime de partage de la valeur ait bien atteint ses objectifs et que la prime ne vienne pas se substituer à des augmentations de rémunération. 

Ce texte doit être examiné en séance plénière par les députés à partir d’aujourd’hui. Nous reviendrons sur la version adoptée par les députés ultérieurement.

actuEL CE

Justice : une concertation en juillet et septembre, suivie d’une loi de programmation à l’automne

Lors du conseil des ministres du mercredi 13 juillet, le gouvernement est revenu sur le rapport remis au président de la République à la suite des états généraux de la Justice, un rapport comprenant des pistes pour une nouvelle réforme des conseils de prud’hommes, qui pourraient voir leur procédure revue et leur nombre réduit.

Une “très large concertation” va s’engager à partir du 18 juillet et jusqu’en septembre inclus sur les préconisations de ce rapport, “avec le Premier président de la Cour de cassation et le Procureur général près la Cour de cassation, les membres du Conseil supérieur de la magistrature, les conférences des chefs de cours et de juridictions, toutes les professions du droit, l’ensemble des syndicats, les forces de sécurité intérieure, mais également des Français, afin de recueillir leurs observations sur le rapport et ses annexes”

Selon le compte-rendu du conseil des ministres, les premières mesures se concrétiseront “dès la fin de la concertation” et un plan d’action et une loi de programmation pour la justice seront présentés “dès l’automne prochain”.

“Revisiter les ordonnances de 2017 et la loi Pacte pour renforcer la démocratie sociale”

Dans un contexte politique bouleversé et une période de forte inflation, Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha, invite dans cette chronique (1) les pouvoirs publics à revisiter les ordonnances de 2017 et la loi Pacte de 2019 afin de renforcer le rôle des CSE et la présence des représentants de salariés dans les instances de gouvernance de l’entreprise, pour construire une société moins porteuse d’inégalités sociales.

Après l’obtention d’un deuxième mandat présidentiel, Emmanuel Macron a subi un sévère revers aux élections législatives. Certes, François Mitterrand et Jacques Chirac avaient enregistré, en leur temps, une défaite plus cinglante encore, avec des oppositions disposant de la majorité absolue et imposant une cohabitation qui n’avait d’ailleurs pas tourné à leur avantage.

Mais le revers du président de la République s’accompagne d’une progression de l’abstention, qui ne se dément pas, et d’une poussée impressionnante d’un courant d’extrême-droite lors des deux scrutins. Ce courant capte le vote des catégories les plus modestes, avec notamment un vote largement majoritaire des ouvriers, ce qui devrait interpeller les forces traditionnelles de gauche, de droite et du centre.

Si la majorité présidentielle ne modifie pas le cours de sa politique économique et sociale dans le sens d’une plus forte réduction des inégalités et si les différentes oppositions n’affirment pas leur capacité à gouverner en améliorant la crédibilité et la cohérence de leurs programmes, on peut imaginer que le plafond de verre, qui bloque l’accession aux responsabilités de ce courant, ne résistera pas à l’échéance de 2027.

L’urgence absolue concerne le pouvoir d’achat

Dans une société bien fracturée, malgré l’embellie relative de l’emploi, l’essentiel se jouera sur le terrain social, et notamment dans l’entreprise, même s’il ne faut pas négliger les autres facteurs qui nourrissent cette ascension de l’extrême-droite. Les conséquences sociales de l’indispensable transition environnementale, si elles ne sont pas maîtrisées, conduiront à une explosion, dans la rue ou dans les urnes, et à l’expression du désespoir, comme l’a montré le mouvement des gilets jaunes.

Comment le gouvernement d’Élisabeth Borne et le président de la République, avec leur marge de manœuvre amputée, vont-ils répondre aux exigences multiformes et quelles peuvent être les priorités ?

L’urgence absolue concerne le pouvoir d’achat. L’autre exigence concerne le changement de méthode pour gouverner autrement, à tous les niveaux, en faisant vivre la démocratie dans toutes ses dimensions.

La loi “Pouvoir d’achat”, qui est débattue au Parlement, tente de trouver un équilibre entre les engagements pris par le gouvernement et les initiatives qui relèvent des entreprises. Les 20 milliards mis sur la table par le gouvernement ne sont pas négligeables, mais la réussite de ce programme est également suspendue à la capacité des entreprises à prendre le relais. Celles dont la santé financière et la visibilité sur les marchés sont satisfaisantes ne peuvent aujourd’hui se limiter au seul rendez-vous annuel sur la politique sociale, fût-ce au prix d’un effort qu’il convient de faire sur les rémunérations fixes. Pour le compléter, une meilleure mobilisation des dispositifs historiques de partage des performances que constituent la participation et l’intéressement apparaît tout à fait adaptée. Il s’agit de dispositifs négociés dans l’entreprise organisant une redistribution générée par l’atteinte d’objectifs communs. Au-delà de ces outils classiques de la politique salariale, le dispositif Pepa, dont le plafond va être porté à 3 000, voire 6 000€ dans certains cas, apparaît particulièrement attractif. On peut toutefois déplorer qu’il vienne limiter la volonté exprimée de la part des PME de développer l’intéressement et la participation. Un principe de réalité a prévalu compte tenu des résultats insuffisants en la matière depuis de nombreuses années. Il faudra toutefois relancer ce chantier une fois passée l’urgence sociale sur le pouvoir d’achat.

 La fusion des instances de représentation mérite aujourd’hui d’être sérieusement réévaluée

Mais, au-delà de ce problème immédiat à résoudre, compte tenu d’une poussée inflationniste, dont l’ampleur et la durée sont difficiles à maîtriser, il y a sans doute l’exigence d’un autre partage de la valeur et des richesses. Car notre société est encore marquée par des inégalités fortes, tant au niveau des revenus que des patrimoines, bien moins supportables qu’auparavant et à juste titre. La pandémie a mis en exergue des métiers difficiles, à l’utilité sociale incontestable, mais mal rémunérés. La transition écologique, dont le coût est largement occulté et sous-estimé, va bousculer les gouvernants et les citoyens, même si un large consensus se réalise autour de la nécessité de protéger notre planète. Qui va payer ? La puissance publique ? Les entreprises ? Les salariés ? Les citoyens ?

Au-delà des initiatives étatiques, en matière de politique fiscale notamment, l’entreprise est bien sûr concernée par ces enjeux de partage de la valeur. De nombreux dirigeants d’entreprise expriment aujourd’hui clairement que des exigences de rentabilité trop élevées, portées par certains actionnaires, ne sont plus compatibles avec les enjeux, les coûts et les conséquences sociales de la transition écologique ni avec la nécessité de lutter plus énergiquement contre les inégalités de revenus.

Il n’est certes pas aisé de concilier des mesures immédiates de préservation du pouvoir d’achat et des mesures plus structurelles de rééquilibrage entre salariés et actionnaires, dans le partage des richesses. Une voie est envisageable pour y parvenir et contribuerait en outre à renforcer la démocratie sociale au cœur de l’entreprise, répondant ainsi à l’exigence citoyenne de s’impliquer davantage dans les processus de décision. Mais, pour cela, une amélioration du cadre législatif, mis en place lors de la précédente mandature, est nécessaire.

Soyons clairs, les ordonnances du 22 septembre 2017 ont certainement contribué à fluidifier le marché du travail, mais si l’objectif était également d’améliorer le dialogue social au niveau de l’entreprise, nous sommes très loin du compte. On peut certes mettre en avant le nombre d’accords signés, la vitalité réelle du dialogue social pour faire face à la pandémie ou l’apprentissage plus laborieux que prévu des nouvelles règles, compte tenu des pratiques nouvelles imposées par les modifications du code du travail.

Mais la fusion des instances de représentation mérite aujourd’hui d’être sérieusement réévaluée. L’origine des carences, que met en évidence le Comité d’évaluation, présidé par Jean-François Pillard et Marcel Grignard, renvoie notamment à la faiblesse des moyens mis à la disposition des représentants du personnel, incompatible avec la réussite d’une fusion aussi délicate. L’échec est aussi lié à l’intégration dans le processus de fusion des délégués du personnel ; l’effacement de la représentation de proximité est aujourd’hui un sérieux problème, tant pour les organisations syndicales que pour les directions des ressources humaines.

Une des plus sérieuses conséquences de cette fusion non aboutie est également l’effacement relatif des questions de santé, de sécurité et de conditions de travail, dans une période où les transformations rapides et profondes des entreprises mettent forcément ces questions à l’ordre du jour.

Il faut donc rapidement corriger les ordonnances et redonner à la représentation du personnel et aux CSE les moyens de jouer leur rôle, pour faire entendre leur voix, au moment où la conciliation des objectifs économiques, sociaux et environnementaux n’est pas chose aisée, dans les entreprises comme dans les branches professionnelles.

Mais cela ne suffira pas. Dans la gestion courante de l’entreprise, même s’il est plus souvent sollicité pour donner un avis sur des décisions déjà entérinées et ne peut en conséquence jouer le rôle d’anticipation et de prévention qui devrait être le sien, le CSE occupe une place indéniable. Celle-ci est d’autant plus appréciée par les salariés que ces derniers vivent le plus souvent le pluralisme syndical qui leur est proposé comme une source de divisions, contre-productive pour la défense de leurs intérêts.

Pourquoi ne pas doter le CSE d’un pouvoir de négociation et de signature des accords d’entreprises, complétant et non se substituant aux prérogatives des syndicats ? Le CSE reste un lieu où les convergences se construisent et le secrétaire de cette instance, quelle que soit son appartenance syndicale, est bien souvent une personne de consensus, bien utile pour surmonter les obstacles. Une telle évolution a bien plus de sens que la volonté exprimée dans certains milieux de mettre en cause la représentativité syndicale dans ses formes actuelles, qui déséquilibrerait définitivement les relations entre les employeurs et les salariés.

Et puisqu’il est question de négociation collective, le législateur pourrait corriger une anomalie choquante du cadre actuel ; il serait grand temps en effet que le plan de développement des compétences, qui peine dans bien des cas à être concerté, soit enfin négocié. À l’heure des lourdes transitions qui attendent les entreprises, de l’essor du CPF (compte personnel de formation) qui reste à consolider, de la future mise en place d’un compte épargne-temps universel, ne pas faire de ce sujet essentiel, pour les entreprises comme pour les salariés, un objet de négociation, de compromis puissant et mobilisateur est très préjudiciable.

L’avenir de notre société passera par un effort soutenu et durable d’éducation et de formation ; il faut faire de cette question un enjeu de dialogue social et plus encore de négociation dans nos entreprises, pour affecter les ressources de façon judicieuse.

La présence dans les instances de gouvernance de l’entreprise et le renforcement du rôle du CSE, dans sa gestion courante, seraient complémentaires

Mais si l’on veut aller plus loin dans le sens d’un renforcement de la démocratie sociale, le rétablissement, puisque c’est de cela qu’il s’agit, des prérogatives pleines et entières des CE, CHSCT, au sein de la nouvelle instance, ne suffit pas, pas plus que l’élargissement du champ de la négociation collective. Le CSE ne sera toujours pas partie prenante des grandes décisions qui font la vie de l’entreprise.

C’est au niveau des conseils d’administration ou des conseils de surveillance que se joue la partie. Il y a aujourd’hui 13 pays sur 27, en Europe, qui permettent au tiers des administrateurs d’une société de représenter les salariés, selon des modalités diverses. La France, grâce à une évolution salutaire de la loi Pacte, pourrait être le quatorzième et donner un signe pour consolider une Europe sociale encore bien fragile.

Une présence plus forte dans les conseils d’administration ne résout pas tous les problèmes. Mais pour ne prendre que l’exemple du partage de la valeur, croit-on sérieusement que l’on trouvera des équilibres durables, au-delà des mesures conjoncturelles qu’appelle le regain de l’inflation, sans une gouvernance de l’entreprise mieux partagée, là où les décisions essentielles se prennent ?

La présence dans les instances de gouvernance de l’entreprise et le renforcement du rôle du CSE, dans sa gestion courante, seraient complémentaires. Les représentants des salariés feraient connaître leurs positions, au moment où les grandes décisions stratégiques ou organisationnelles sont prises dans les conseils d’administration. Ils n’en seraient que plus efficaces pour que le fonctionnement quotidien de l’entreprise respecte les nécessaires équilibres entre les différentes parties prenantes.

Confrontés à des responsabilités accrues, les représentants des salariés y trouveraient une légitimité renforcée, notamment auprès des jeunes générations.

L’entreprise bénéficierait de compromis exigeants et équilibrés, donnant la force nécessaire à sa raison d’être et à l’utilité sociale de ses métiers.

En revisitant les ordonnances de 2017 et la loi Pacte de 2019, le gouvernement a sans aucun doute l’occasion de répondre, sur le terrain où se joue l’avenir de millions de citoyens, à cette aspiration profonde exprimée lors des récents scrutins : plus d’écoute, plus de concertation, plus de participation aux prises de décision, pour construire une société moins porteuse d’inégalités sociales, d’absence de reconnaissance et de déclassement.

(1) Cette chronique est d’abord parue chez nos confrères d’actuEL-RH le mercredi 13 juillet.  

Pierre Ferracci

Réforme de la justice et des prud’hommes : la CGT dénonce des préconisations “aberrantes”

A la suite des états généraux de la justice, un rapport a été remis au président de la République qui préconise, notamment, une nouvelle réforme de la justice prud’homale. Tout comme le Syndicat des avocats de France (SAF), la CGT se déclare hostile aux changements envisagés. Si le syndicat est d’accord avec le constat de délais excessifs en dépit d’une réduction du nombre d’affaires, il estime illogique d’en déduire qu’il faut “modifier la procédure prud’homale en rognant sur les garanties des salariés : éloignement géographique des conseils de prud’hommes, recours à la médiation payante par des non-magistrats, pouvoirs du greffe qui empiètent sur les pouvoirs des juges, contournement du paritarisme, etc”. Pour la CGT, “ces préconisations sont d’une aberration qui laisse sans voix” et viseraient en réalité, via la transformation des conseils de prud’hommes en tribunaux du travail, “la fin de l’autonomie des conseils placés, dès lors, sous l’autorité des chefs des tribunaux judiciaires”. La confédération estime que les délais excessifs actuels tiennent d’abord au manque de moyens des prud’hommes et qu’il faut au contraire faciliter la saisine par les salariés de cette justice.

actuEL CE

Jurisprudence : le bilan 2021 du Conseil d’État

En France, le Conseil d’État a la particularité de conseiller le gouvernement dans la rédaction de ses projets de loi mais aussi d’être le juge ultime des dispositions administratives, donc le censeur potentiel du même État. Il tranche aussi certains contentieux du droit du travail. D’où l’intérêt de se pencher sur le bilan de l’année 2021 de la Haute juridiction administrative. Il est question ici de la liberté de manifester, de l’état d’urgence sanitaire, du contrôle des PSE, de fusion des branches, du licenciement du salarié protégé, etc.

1. La position du Conseil sur les projets du gouvernement

Dans la synthèse de son bilan 2021, un document relativement “grand public”, la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’État, revient sur son actualité importante, notamment celle portant sur les décisions qui concernent l’action du gouvernement (voir le document de 64 pages en pièce jointe). Voici notre résumé. 

Libertés fondamentales : la liberté de manifester en question

Saisi par la CGT et la Ligue des droits de l’homme, entre autres, le Conseil d’État, dans une décision du 10 juin 2021, a jugé illégal le document du ministère de l’Intérieur de septembre 2020 prévoyant la possibilité d’encercler les manifestants, un procédé utilisé de plus en plus fréquemment (sous le nom de “nasse”) par les forces de police pour contrôler la foule. Plusieurs dispositions de ce schéma de maintien de l’ordre sont donc annulées, au motif que les conditions du recours à cette technique ne sont pas définies assez précisément : “A défaut, rien ne garantit que l’utilisation de cette manœuvre soit adaptée et proportionnée aux circonstances. En l’état, cette mesure est susceptible de porter atteinte aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir et la liberté de manifester”. 

► Le Conseil a également veillé à la liberté d’action et d’information des journalistes, que le ministère de l’intérieur entendait contraindre à une accréditation préalable pour bénéficier d’informations lors des manifestations.

► Le Conseil se félicite du renforcement de la protection des lanceurs d’alerte dans une proposition de loi, et se réjouit de voir que sa proposition d’étendre aux lanceurs d’alerte l’action du Défenseur des droits ait enfin été reprise. 

Crise sanitaire : davantage de contrôle de l’exécutif

Parfois critiqué pour sa tendance à valider les dispositifs d’urgence prévus par l’exécutif afin de gérer le risque sanitaire de la Covid-19 ou à ne les rejeter qu’une fois qu’ils sont devenus caducs (voir notre article sur les délais du CSE et celui sur les “carences fautives” de l’Etat en début de pandémie), le Conseil d’État choisit dans son rapport annuel de prendre de la hauteur pour réclamer une évolution substantielle de notre droit afin de nous mettre en mesure d’anticiper et de gérer ce type de crise.

Le Conseil juge que les circonstances “légitiment le renforcement temporaire des prérogatives du pouvoirs exécutif”, mais il appelle à “un encadrement plus important par le Parlement ainsi que par les juges constitutionnel, judiciaire et administratif”, afin de “préserver l’État de droit”. 

La juridiction recommande : 

  • de confier au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) les compétences et les moyens nécessaires pour piloter la gestion de crise lorsque le Président de la République ou le Premier ministre prennent les commandes des opérations;
  • de clarifier l’articulation des responsabilités entre État et collectivités territoriales, en associant un schéma d’intervention spécifique à chaque grand type de crise;
  • de mieux contrôler les pouvoirs confiés au Gouvernement en consolidant le contrôle par le Parlement et par les juges;
  • d’inscrire dans la Constitution “de nouvelles règles de procédures pour le déclenchement, la prorogation et le contrôle de la constitutionnalité des états d’urgence”;
  • “d’activer un comité de liaison associant Conseil d’État et Cour de cassation, pour examiner les questions de droit susceptibles de justifier leur regard croisé”.
Droits sociaux et chômage : hormis la conjoncture, pas de censure

Le Conseil a pu reporter la date d’entrée en vigueur de certaines dispositions du gouvernement s’agissant de la réforme de l’assurance chômage, au motif de l’incertitude économique et sociale liée à la crise sanitaire. Mais il n’en a pas moins approuvé les principes de ces changements, au grand dam des organisations syndicales, dans sa décision de décembre 2021 : “Le Conseil d’État confirme que [cette réforme] n’est pas contraire au principe d’égalité. En particulier, les différences d’indemnisation ayant pour objectif d’inciter les salariés à privilégier les contrats longs ne sont pas disproportionnées et respectent la réglementation. Malgré les craintes des syndicats, ces nouvelles règles ne créent pas non plus de discrimination à l’égard les femmes : au cours de la première année, les personnes concernées par les nouvelles modalités de calcul de l’allocation seront pour 45 % des femmes et 55 % des hommes”. 

Minima hiérarchiques sans primes : le veto du Conseil

En revanche, le gouvernement, désireux de faire prévaloir la négociation au niveau de l’entreprise sur la négociation de branche, a été mis en échec par le Conseil d’État au sujet de la définition des salaires minima hiérarchiques (SMH) des conventions collectives. Alors que l’exécutif soutenait que ces minima ne doivent comprendre que le salaire de base, sans les primes associées (en l’occurrence, prime de fin d’année et prime de pause), le Conseil a annulé son arrêté dans sa décision du 6 octobre 2021. Il a décidé que ce SMH recouvre “la rémunération effectivement perçue par les salariés, c’est-à-dire le salaire de base et ses compléments”, les partenaires sociaux pouvant fixer la structure de cette rémunération. En outre, le Conseil rappelle qu’un accord d’entreprise peut toujours fixer librement les primes des salariés, mais “à condition que la rémunération effective de ces derniers soit au moins égale au SMH fixé au niveau de la branche”.

Environnement : une astreinte infligée à l’Etat

A quoi bon prendre des engagements internationaux en matière d’environnement si l’État lui-même ne les fait pas respecter ? C’est, en substance, le raisonnement qui a conduit le Conseil d’Etat, le 4 août 2021, à condamner l’État au paiement d’une astreinte de 10 millions d’euros au titre du premier semestre 2021, somme à rapporter aux 100 milliards d’euros du coût engendré par la pollution de l’air en France. Se basant sur les mesures de la qualité de l’air indiquant le dépassement des taux limites dans plusieurs grandes villes (Paris, Lyon), la Haute juridiction constate que l’Etat ne prend pas les mesures suffisantes pour respecter la réglementation européenne en matière de qualité d’air et de réduction de la pollution. 

2. Les décisions concernant le droit du travail et les IRP

Pour avoir une idée plus précise des décisions 2021 du Conseil d’État s’agissant des salariés protégés et des institutions représentatives du personnel (IRP), il faut se reporter au rapport détaillé sur l'”Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives” l’an dernier (document de 413 pages en pièce jointe). En voici un aperçu.

Le juge peut contrôler le bien-fondé de la fusion des branches

Alors que les gouvernement tend à utiliser la fusion des branches comme une menace pour celles qui ne négocient pas assez à son goût (lire notre article), le Conseil d’État s’est déjà prononcé, dans une décision du 1er juillet 2020, sur l’opportunité du contrôle du juge sur la fusion de branches professionnelles décidée par les pouvoirs publics. Le Conseil d’État pose comme condition à la fusion que les deux branches présentent “des conditions sociales et économiques analogues” et que l’opération représente un intérêt général. Le juge administratif est donc légitime à apprécier la décision de l’État à partir de ces critères.

Contre l’Autorité de la concurrence, le CSE a le droit d’agir mais…

En mars 2021, dans l’affaire de Mondadori, le Conseil d’État a reconnu que le comité social et économique (CSE) d’une société justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de la décision par laquelle l’Autorité de la concurrence autorise la prise de contrôle exclusif de cette société par une autre. Mais dans le même temps, cette décision constate “qu’aucune disposition du code du travail ou du code de commerce n’impose à l’Autorité de la concurrence de s’assurer, préalablement à l’édiction de sa décision, que les dispositions relatives à l’information et à la consultation du CSE ont été respectées par l’entreprise concernée”.

Contrôle des PSE : plusieurs décisions mises en avant

Plusieurs décisions évoquées dans le rapport annuel détaillé du Conseil concernent les PSE, la justice administrative étant compétente sur la contestation des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE).

► Le 22 juillet 2021, le Conseil d’État a décidé que le PSE “détermine définitivement le périmètre du groupe de sociétés au sein desquelles le reclassement interne du salarié doit être recherché, sans que ce périmètre puisse à nouveau être discuté à l’occasion du contentieux individuel du licenciement”. 

► Le 22 avril 2021, la cour administrative d’appel de Douai décide que le délai pour exercer un recours contre un PSE n’a pas à être écarté. Dans cette affaire, la Cour de cassation avait déclaré dans un arrêt de 2020 que le juge judiciaire était incompétent pour connaître de la demande de dommage et intérêts d’un salarié qui se fondait sur l’irrégularité des critères d’ordre des licenciements, mais la notification au salarié de l’homologation du PSE datant de 2014, cette décision judiciaire était donc “sans influence”.

► Le 6 juillet 2021, la cour administrative d’appel de Paris juge que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) n’a pas compétence pour homologuer un document portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) élaboré par une entreprise dont les effectifs sont de moins de 50 salariés.

► Le 25 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a tranché sur l’articulation entre un accord de rupture conventionnelle collective (RCC) et un PSE. L’administration doit notamment vérifier que le PSE ne méconnaît pas les stipulations d’un accord éventuel de RCC. “En l’espèce, résume le rapport, le tribunal estime que le PSE n’a pas pour objectif des suppressions d’emploi mais la modification des contrats de travail et prévoit qu’aucun licenciement pour refus de modification de contrat ne peut intervenir avant l’expiration de la durée d’exécution de l’accord RCC. Il juge que, dans ces conditions, le document unilatéral fixant le PSE ne méconnaît pas l’accord RCC”.

► Le 8 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles précise que l’administration et donc le juge également doit opérer un contrôle sur les questions de santé et de sécurité induites par un PSE qui ne se limite pas “à la vérification de la présence dans le plan de mesures en la matière”, mais que ce contrôle suppose “d’apprécier le caractère suffisant de ces mesures au regard des exigences de l’article L. 4121-1 du code du travail“. 

Licenciement d’un salarié protégé : le périmètre s’élargit en cas de fraude

Le 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a jugé que l’inspecteur du travail ayant autorisé le licenciement d’un salarié protégé avait commis une erreur de droit “en appréciant les difficultés économiques au regard de la situation du seul établissement situé en France”. Or si la loi prévoit en effet que l’appréciation des difficultés économiques se limite à la France, elle fait une exception pour les cas avérés de fraude. Ici, le tribunal de commerce avait reconnu l’existence d’une telle fraude en relevant que la société tête de groupe avait “délibérément méconnu les engagements pris devant le tribunal de commerce en matière de développement des investissements et des activités de recherche et de développement au moment du rachat de la société”, le tribunal estimant que cette société n’avait en réalité jamais eu l’intention de développer l’outil de production et avait, au contraire, “développé son activité dans des pays tiers et qu’elle n’avait affiché la volonté de développer l’activité industrielle en France qu’après avoir licencié les personnels susceptibles de mettre en œuvre la production”. Le juge administratif a annulé l’autorisation de licenciement du salarié protégé.

Repos hebdo : ne pas généraliser la dérogation 

Le 8 avril 2021, le tribunal administratif d’Orléans a annulé un arrêté de la préfète d’Indre-et-Loire qui autorisait tous les commerces de détail de la commune de Tours à déroger à la règle du repos hebdomadaire du dimanche, au motif qu’il leur fallait compenser la perte d’activité subie du fait de manifestations de novembre et décembre 2018. La préfète aurait dû procéder à un examen individualisé des différents établissements pour décider s’ils entraient dans le champ d’une autorisation exceptionnelle. Pour le juge, cette autorisation était trop générale car “toute dérogation ne peut revêtir qu’un caractère d’exception pour faire face à des situations particulières tenant à des circonstances déterminées de temps, de lieu et au regard du type d’activité exercée et de la nature des produits vendus”. 

Vaccination : attention aux données nominatives !

Signalons enfin cette décision d’un juge administratif de Limoges du 1er décembre 2021, un jugement mis en exergue dans le rapport annuel. Cette décision concerne les données liées au statut vaccinal des travailleurs. En l’occurrence, ici, le directeur d’un centre hospitalier avait diffusé dans son établissement un tableau répertoriant les agents n’ayant fourni “aucun retour concernant la vaccination ”. Dans ce tableau étaient consignés les noms de l’ensemble des personnels du centre hospitalier, y compris ceux alors placés en arrêt maladie ou ayant fait valoir récemment leurs droits à la retraite, assortis d’un code couleur identifiant ceux “ayant déjà contracté la covid-19” et ceux “refusant la vaccination”. Pour le juge des référés du tribunal administratif de Limoges, cette diffusion de données à caractère personnel de nature médicale “est de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée des intéressés ainsi qu’à son corollaire, la protection des données à caractère personnel”. En conséquence, le juge enjoint au centre hospitalier de cesser, dès la notification de l’ordonnance, la diffusion de ces informations “en dehors des services administratifs en charge de la mise en œuvre des mesures prévues à l’encontre des personnes qui n’auraient pas satisfait à leur obligation”, et lui demande “d’ordonner à l’ensemble des services du centre hospitalier de supprimer dans les 48 heures le courriel par lequel ils avaient reçu ce tableau, ainsi que les fichiers qui l’accompagnent”. 

Bernard Domergue

Projet de loi pouvoir d’achat : la commission des affaires sociales réduit le délai patronal d’ouverture des négociations de branche

Ce ne serait plus trois mois mais quarante-cinq jours. Lors de son examen du projet de loi pouvoir d’achat le 13 juillet dernier, la commission des affaires sociales a réduit le délai dans lequel le patronat est contraint d’ouvrir des négociations lorsque les minimaux de branche sont inférieurs au Smic. Cette disposition est issue de l’article L.2241-10 du code du travail. Ce raccourcissement de délai provient de deux amendements à l’article 4 du projet de loi :

  • n°AS90, déposé par les députés Paul-André Colombani et Olivier Serva, du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires ;
  • n° AS214, déposé par le député Stéphane Viry, du groupe Les Républicains.

Selon les députés porteurs de ces amendements, l’objectif est de “créer un mécanisme plus opérationnel pour les branches professionnelles qui ne respectent pas l’obligation de garantir des salaires d’un montant au moins égal au Smic”, et de “remédier au manque de dynamisme dans certaines branches, qui est préjudiciable aux salariés”.

La rapporteure de la commission, Charlotte Parmentier Lecocq, a donné un avis défavorable, faisant valoir que “rythme imposé est déjà dérogatoire par rapport aux autres domaines de négociation, ce serait mettre trop de pression”. Mais les arguments des députés favorables à ces amendements ont incité la rapporteure à revoir sa position. Adrien Quatennens (LFI/Nupes) a notamment pointé que selon le Président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux lui-même, “l’État a un double discours en la matière : officiellement, il faut augmenter les salaires mais, en coulisses, on nous dit de faire attention à ne pas nourrir l’inflation avec trop de hausses de salaires”. L’argument selon lequel des hausses de salaires favorisent l’inflation a d’ailleurs été repris par le député Renaissance Marc Ferracci. Mais pour François Ruffin (LFI/Nupes), “la régulation est nécessaire, (…) quand on renvoie quelque chose aux branches, on se décharge de sa responsabilité”. Et Arthur Delaporte (Socialiste/Nupes) de relever que “l’amendement vise à améliorer le processus de la négociation obligatoire”. Les deux amendements ont ainsi été adoptés.

Auditionné hier par la commission des affaires sociales du Sénat, le ministre du Travail Olivier Dussopt a indiqué que 99 branches présentent encore un minima inférieur au Smic. Ce chiffre devrait cependant augmenter de nouveau lors de la prochaine hausse automatique du Smic liée à la poursuite de l’inflation.

Cette modification du projet de loi doit encore être discutée en séance publique à l’Assemblée nationale. Rappelons que l’article 4 prévoit également de fusionner les branches qui présenteraient des minimas conventionnels inférieurs au Smic, comme l’a annoncé le ministre du Travail Olivier Dussopt début juillet. 

actuEL CE

[1] Réussir ses vacances et…sa rentrée : les conseils d’Anne-Charlotte Dupond

Fatigue mentale après deux ans de crise sanitaire, collectifs éparpillés, stress du travail et du mandat avec de multiples tâches… : vivement les vacances pour les représentants du personnel comme pour les salariés ! Quels conseils suivre pour profiter au mieux de la pause estivale ? Et que faire pour une rentrée réussie dans les CSE ? Voici les réponses d’Anne-Charlotte Dupond, psychologue du travail qui exerce en libéral à Lannion, où elle reçoit dans son cabinet de nombreux salariés.

Bientôt en vacances ?

Oui, mercredi soir de la semaine prochaine, et je vais tout couper après ! Je vais arrêter mon téléphone professionnel et ranger au placard “ma caisse travail”. Seule exception que je m’autorise en tant que psychologue du travail : je regarderai mes SMS une fois par semaine pour certains patients que je sais être en situation difficile (1). Et une semaine avant de reprendre, je réactiverai doucement mon activité.

Justement, que répondez-vous à cette question : comment réussir ses vacances ?

Souvent dans mon cabinet, j’entends des cadres me dire qu’ils partent en congés mais avec leur ordinateur et leur portable pour “rester joignable”. Je leur rappelle alors l’étymologie de “vacances”. Ce mot a la même racine que “vacuité”, il signifie : ce qui est vacant, vide, inoccupé.

Les vacances, c’est la permission de s’éloigner de ses obligations ! 

Et je leur lis aussi la définition du mot congés : c’est “la permission pour quelqu’un de s’éloigner d’une personne ou d’un lieu auquel on est lié par des obligations” (2). Autrement dit, il faut “couper” pendant ses vacances. Pour cela, c’est bien de se demander, dix jours ou une semaine avant son départ du travail, ce qui va faire que je vais pouvoir partir avec l’esprit dégagé, en ayant préparé deux à trois choses pour mon retour professionnel. Car les vacances, ça se prépare et ça se vit, mais le retour des vacances se prépare également. C’est en effet compliqué de “couper” complètement avec le travail en partant la tête pleine.

Ne décrivez-vous pas une pratique idéale ?

Bien sûr, tout cela est un peu théorique, mais c’est quand même bien de se demander ce qui peut ou pas attendre mon retour. C’est bien de se dire : “Mais je ne suis pas tout seul au travail !”. Quant à certains cadres de haut niveau qui ne peuvent pas se permettre d’être totalement déconnectés, je leur conseille néanmoins de se fixer des règles pour éviter de transformer leurs vacances entières en période d’astreinte, par exemple en se donnant une durée limitée de connexion par jour, type une heure quotidienne, en respectant cette limite. La règle générale, c’est d’éviter de prendre son ordinateur et son mobile professionnels, ou bien alors de les ranger sans y toucher. Si vous avez vos mails et messages professionnels sur votre téléphone personnel, je conseille de désactiver les notifications pour la période des vacances.

Cela vaut aussi pour les élus du personnel et délégués syndicaux, non? 

Bien sûr, d’autant plus qu’ils ont des responsabilités de soutien vis-à-vis des salariés qu’ils représentent et qu’ils assistent. Une patiente me racontait l’autre jour que dans son entreprise, les élus CSE se sont organisés pour qu’il y toujours parmi eux quelqu’un de disponible pendant l’été, par roulement, pour justement éviter qu’un élu soit sollicité alors qu’il est en vacances.

Chez les élus, la déconnexion peut être encore plus difficile 

Cela me paraît être une très bonne initiative. Chez les représentants du personnel, il y a une dimension militante qui peut rendre encore plus difficile la déconnexion. Or les vacances, ce n’est pas seulement se mettre du sable entre les doigts de pied, c’est donner à son corps et à son exprit le repos dont ils ont besoin, ce qui ne sera pas le cas si les notifications professionnelles continuent de vous envahir. Faire cette coupure permet de revenir en meilleure forme. 

Y-a-t-il une durée de vacances minimale ou optimale pour se reposer ?

J’ai observé que trois semaines semblaient constituer une durée idéale. La première semaine, on est encore dans la déconnexion, dans la fatigue accumulée, dans la mise à distance ; la deuxième semaine, ça va mieux et la troisième semaine, on en profite vraiment, pour faire des choses sympas, pour partir en famille ou avec des amis, voyager, etc. Les vacances servent aussi à profiter de la vie !

Au moins trois semaines, pour vraiment profiter de la vie !  

Si vous ne prenez qu’une semaine ou seulement dix jours, vous risquez soit d’être trop fatigués pour en profiter, soit vouloir quand même faire des tas d’activités au risque de vous épuiser. Vouloir “optimiser” l’investissement d’une location, c’est terrible ! Il ne faut pas que “réussir ses vacances” devienne une injonction impossible à satisfaire. Ne pas remplir son emploi du temps des vacances, c’est se laisser la possibilité d’être surpris. Passer des vacances réussies, c’est, je pense, s’autoriser à s’écouter, à accepter de ne rien faire certains jours, de laisser place à l’imprévu, de buller en écoutant de la musique, de regarder les oiseaux, bouquiner, rester au bord d’une piscine. Et riez si vous pouvez rire ! L’éloge de la paresse, en somme ! (3)

Ce n’est guère dans l’air du temps…

En effet, nous vivons dans une société de l’injonction. Au boulot, il faut être organisé et performant. Sur son temps personnel, il faut faire des activités jugées “intéressantes” mais aussi gérer son temps de façon efficace. Et pendant les vacances, il faut absolument “faire des trucs”, avoir des vacances “instagramables”.

Les vacances, ça ne sert pas à faire absolument des choses, ça sert d’abord à se reposer ! 

Mais réussir ses vacances, cela n’a pas le même sens pour tout le monde. Et cela commence par réussir son repos, car sinon vous perdrez tout le bénéfice des vacances dès la fin septembre. Car le mois de septembre, avec la reprise du travail pour les adultes et les parents, et la reprise de l’école et des activités pour les enfants, cela ressemble souvent à une course contre la montre pour organiser au mieux l’année à venir.

Comment éviter ce côté “tunnel” de septembre ? 

Avant son départ en congé, comme je le disais, il peut être utile de poser quelques jalons pour son retour, d’anticiper certaines choses. Bien sûr, quand vous êtes sur un travail posté dans une usine ou dans des tâches assignées, vous savez ce qui vous attend le lundi. Mais si vous avez un travail avec davantage d’autonomie, quelques jours avant la rentrée, cela peut être bénéfique de se projeter, de regarder l’agenda prévu, de prévoir par exemple de réserver sa matinée pour ne répondre à aucun courrier afin de garder du temps pour voir ce qui s’est passé en son absence, de faire le tour de ses collègues, etc.

 Ne vous lancez pas dès votre retour au bureau dans l’épluchage de vos mails !

 Le jour du retour au bureau, la première chose à faire n’est pas nécessaire de vider sa boite mail en épluchant tous ses messages car vous risquez de passer à côté de choses importantes. Il y a tant de mails envoyés pour un oui ou pour un non, de messages qualifiés d’urgent alors qu’ils ne le sont pas ! Et le pire du pire, c’est la grande réunion organisée pour tous, le jour de la reprise.

Et pour les élus des CSE ?

Même chose ! Si un élu a été présent pendant l’été, il faut faire le lien avec cette personne pour faire un point ensemble, voir comme le relais a été pris sur tel ou tel dossier, et envisager la suite : réunions déjà prévues, consultations, etc.

 Renouer les contacts informels avec les salariés est primordial

Il faut aussi, dans tous les cas, renouer le contact avec les salariés, voir ce qui s’est passé dans l’entreprise, mais cela fait partie de leur mandat, les élus le font spontanément me semble-t-il. Et particulièrement le jour de la reprise, le côté informel de ces contacts est très important : prendre un café ou déjeuner avec ses collègues, c’est un temps d’échanges très riche. 

Mais si de nombreux salariés et élus CSE sont en télétravail le jour de la reprise ?

La reprise en télétravail, ce n’est pas terrible ! Mais l’informel est aussi possible à distance : appelez-vous, faites des teams, échangez sur un groupe WhatsApp, faites une pause ensemble, etc. 

(1) Anne-Charlotte Dupond exerce à Lannion (Côtes-d’Armor). Les patients qu’elle reçoit, notamment des métiers hospitaliers mais aussi de certaines entreprises, la conduisent à être inquiète sur la dégradation de la santé au travail : “La reprise après le confinement et la crise Covid ne me paraît pas du tout avoir été faite dans de bonnes conditions dans les entreprises, et je vois seulement maintenant dans mon cabinet des personnes qui n’allaient pas bien au sortir de cette crise sanitaire et qui ne s’autorisent que maintenant à dire qu’elles ne vont pas bien”. Voir ici son site où elle donne informations et conseils, et notre interview au moment de la crise sanitaire, en décembre 2020. 

(2) Définition donnée par le CNRTL, le centre national de ressources textuelles et lexicales. Voir ce site du CNRS ici.

(3) Le droit à la paresse est le titre d’un livre de Paul Lafargue paru en 1880.

Bernard Domergue

Calcul de la réduction Fillon pour les salaires inférieurs au Smic : revirement du Boss

La position du Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) sur le calcul du Smic pour la réduction Fillon en présence de salaires inférieurs au Smic est annulée dans une mise à jour du 1er juillet 2022.

Le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) avait modifié le calcul du Smic à prendre en compte pour la réduction Fillon en présence de salaires inférieurs au Smic. Il indiquait que le Smic Fillon devait être proratisé dans plusieurs situations. Cette position est annulée dans une mise à jour du 1er juillet 2022.

Peuvent être inférieurs au Smic les salaires versés aux apprentis et titulaires de contrat de professionnalisation de moins de 26 ans, ainsi que le salaire versé aux jeunes ayant moins de 18 ans et moins de six mois de pratique professionnelle dans la branche d’activité, pour lesquels un abattement peut être appliqué sur le Smic.

Rappel de la position du Boss antérieure au 1er juillet

Le Boss précisait que “pour les salariés dont le contrat de travail fixe, par dérogation au droit commun, la rémunération à un niveau inférieur au Smic ou à la rémunération minimale prévue par les dispositions de la convention ou de l’accord collectif de branche, la valeur du Smic à prendre en compte dans la formule de calcul de la réduction générale est corrigée à hauteur de la part de Smic que représente la rémunération indiquée au contrat de travail”.

Cette position du Boss semblait s’écarter de la rédaction du code de la sécurité sociale et aboutissait à un montant de réduction moins élevé en cas d’heures supplémentaires ou complémentaires ou de versement de primes.

La mise à jour du Boss du 1er juillet

Désormais, le Boss précise que “pour les salariés dont le contrat de travail fixe, par dérogation au droit commun, la rémunération à un niveau inférieur au Smic ou à la rémunération minimale prévue par les dispositions de la convention ou de l’accord collectif de branche, le Smic est pris en compte dans la formule de calcul de la réduction générale pour sa valeur entière”.

En pratique, cela signifie que le Smic à prendre en compte pour le coefficient est calculé comme pour les autres salariés à partir du Smic 151,67 heures, réduit, le cas échéant, en cas de temps partiel, de durée collective du travail inférieure à 35 heures, d’absence non rémunérée ou partiellement rémunérée…, et majoré en cas d’heures supplémentaires ou complémentaires.

Pour un salaire inférieur au Smic, le coefficient obtenu sera, le plus souvent, égal au coefficient maximum.

La mise à jour du Boss du 1er juillet s’applique pour le calcul de la réduction Fillon à compter du 1er janvier 2021.

Le Boss indique en effet que “les employeurs qui, avant la modification du présent chapitre le 1er juillet 2022, proportionnaient la valeur retenue pour le calcul de la réduction à hauteur de la valeur que représente la rémunération du salarié par rapport au Smic (79 % par exemple) pourront appliquer le mode de calcul en vigueur à compter du 1er juillet 2022 pour l’ensemble des cotisations dues au titre des périodes d’activité courant depuis le 1er janvier 2021”.

Cela signifie donc que les employeurs peuvent régulariser le montant de la réduction sils avaient mis en place le prorata du Smic en fonction de la rémunération pour les salaires inférieurs au Smic.

actuEL CE

La négociation loyale du protocole préélectoral est une condition du recours à la Dreets

Ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n’a pu être conclu que l’autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux. La loyauté des négociations est une pierre angulaire de l’organisation des élections professionnelles.

La loyauté des négociations est une pierre angulaire de l’organisation des élections professionnelles. Pour la préparation des élections professionnelles, l’employeur doit convoquer les organisations syndicales à la négociation du protocole préélectoral. Dans ce cadre, le personnel est réparti entre les collèges électoraux et les sièges entre les différentes catégories de personnel. Lorsqu’au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation à négocier de l’employeur et qu’aucun accord n’a pu être obtenu, c’est l’autorité administrative qui décide de cette répartition (C. trav., art. L. 2314-13). Mais que faut-il entendre par “aucun accord n’a pu être obtenu” ? C’est sur cette condition du recours à la Dreets que la Cour de cassation se prononce, pour la première fois à notre connaissance, dans cet arrêt publié.

Rejet pour incompétence de la Dreets “en l’absence de négociations loyales et sérieuses”

Dans cette affaire, une UES (unité économique et sociale) organise ses élections professionnelles. Les sociétés composant l’UES saisissent le directeur régional du travail, le Direccte (maintenant Dreets), d’une demande de répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux après l’échec des négociations du protocole préélectoral. Le Direccte rejette cette demande au motif “qu’il n’était pas compétent en l’absence de négociations loyales et sérieuses préalables à celle-ci”. Les sociétés composant l’UES saisissent alors le tribunal judiciaire afin d’obtenir l’annulation de cette décision, la répartition judiciaire du personnel et des sièges entre les collèges ou, à titre subsidiaire, qu’il soit enjoint au Direccte de procéder à cette répartition conformément aux dispositions de l’article L. 2314-13 du code du travail.

Le jugement confirme la décision du Direccte et renvoie les parties à la négociation du protocole préélectoral.

Tentative loyale de négociation comme condition de la saisine de l’administration

Et la Cour de cassation est d’accord. Elle commence par rappeler les dispositions de l’article L. 2314-13 du code du travail. Puis elle en déduit “que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n’a pu être conclu que l’autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux”. En d’autres termes, la tentative loyale de négociation est une condition du recours à l’autorité administrative pour fixer la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux. Ainsi, la Dreets ne peut être saisie que si “aucun accord n’a pu être obtenu” après tentative loyale de négociation du protocole préélectoral.

Tentative loyale de négociation comme condition de la saisine de l’administration

Et la Cour de cassation est d’accord. Elle commence par rappeler les dispositions de l’article L. 2314-13 du code du travail. Puis elle en déduit “que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n’a pu être conclu que l’autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux”. En d’autres termes, la tentative loyale de négociation est une condition du recours à l’autorité administrative pour fixer la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux. Ainsi, la Dreets ne peut être saisie que si “aucun accord n’a pu être obtenu” après tentative loyale de négociation du protocole préélectoral.

 Remarque : dans une décision ancienne, la Cour de cassation a déjà décidé que l’intervention de l’autorité administrative ne peut être sollicitée par l’employeur s’il n’a pas d’abord tenté de recueillir un accord des organisations syndicales intéressées (Cass. soc., 8 déc. 1971, n° 71-60.240). Dans cette affaire, l’employeur n’avait même pas ouvert de négociations du protocole préélectoral, souhaitant s’en tenir aux dispositions légales. 

Contrôle du manquement à l’obligation de loyauté des négociations

Puis la chambre sociale vérifie que la négociation n’était effectivement pas loyale. Pour ce faire, elle relève que :

  • des éléments déterminants tels que les effectifs par site et la classification professionnelle des salariés n’ont pas été communiqués aux organisations syndicales invitées à négocier le protocole d’accord préélectoral malgré les demandes formulées à plusieurs reprises par ces dernières ;
  • des informations essentielles relatives aux effectifs n’ont été actualisées que l’avant-veille de la dernière réunion de négociation ;
  • la question de la répartition du personnel n’a été abordée pour la première fois que lors de cette réunion au cours de laquelle les sociétés composant l’UES ont refusé aux organisations syndicales un accès aux registres uniques du personnel autrement que par entité et sur le site de chacune d’elles en indiquant que le fichier des effectifs communiqué était suffisant ;
  • la direction a mis fin de manière unilatérale à la négociation au motif que la même réunion devait être la dernière, demandant aux organisations syndicales de se positionner sur le projet de protocole d’accord préélectoral communiqué l’avant-veille et sans que celles-ci n’aient été en mesure de contrôler les effectifs. 

NDLR : dans plusieurs affaires antérieures, la Cour de cassation a précisé que le manquement à l’obligation de négociation loyale constitue une cause de nullité de l’accord préélectoral, ainsi que des élections organisées sur cette base, et ce que le protocole ait été signé aux conditions de double majorité ou non, ou même en l’absence d’accord lorsque l’employeur a fixé unilatéralement les modalités du scrutin (Cass. soc., 13 mai 2009, n° 08-60.530 ; Cass. soc., 24 sept. 2013, n° 12-60.567 Cass. soc., 9 oct. 2019, n° 19-10.780). Dans l’arrêt du 12 juillet 2022, la Cour de cassation reprend donc ce principe dans le cadre spécifique que la répartition des sièges et des personnels entre les collèges, et des conditions de recours à l’administration en cas d’échec des négociations. La solution est logique et cohérente. A noter en outre, que dans ces affaires, c’est le refus de communication à l’ensemble des syndicats intéressés d’éléments d’information indispensables à ceux-ci qui qualifie le manquement de loyauté. Dans l’arrêt du 12 juillet 2022, les éléments relevés visent en particulier la communication préalable d’informations par l’employeur, notamment en matière d’effectif, cependant, les conditions de la négociation sont également en cause : actualisation de l’effectif l’avant-veille de la réunion de négociation, demande de positionnement immédiat des organisations syndicales et interruption unilatérale par l’employeur des négociations. 

Et d’en déduire que “les sociétés composant l’UES avaient manqué à leur obligation de loyauté dans la négociation du protocole d’accord préélectoral”, le Direccte ne pouvait donc décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux. Reste donc à l’employeur à reprendre la négociation sur des bases loyales, en remettant aux organisations syndicales les documents nécessaires et en leur laissant le temps nécessaire à la négociation. 

Remarque : rappelons en outre que, en matière d’effectifs et de contrôle des listes électorales, même si c’est à l’employeur d’en rapporter la preuve (notamment, Cass. soc., 12 juin 2012, n° 11-19.643), le syndicat doit justifier avoir, au cours de la négociation préélectorale, demandé des informations complémentaires à l’employeur sur ce décompte (Cass. soc., 12 mai 2021, n° 19-23.428), ce qui était le cas dans cette affaire. En outre, il a été précisé que pour satisfaire à cette obligation de négociation loyale, l’employeur peut, soit mettre à disposition des syndicats qui demandent à en prendre connaissance le registre unique du personnel et des déclarations annuelles des données sociales des années concernées dans des conditions permettant l’exercice effectif de leur consultation, soit communiquer à ces mêmes syndicats des copies ou extraits desdits documents, expurgés des éléments confidentiels, notamment relatifs à la rémunération des salariés (Cass. soc., 6 janv. 2016, n° 15-10.975). A cet égard, a satisfait à son obligation d’information l’employeur qui a remis au syndicat dans le cadre de la négociation du protocole préélectoral pour le calcul de l’effectif : le registre unique du personnel, la liste des CDD autres que de remplacement, la liste des intérimaires, la liste des prestataires, la liste des salariés à temps partiel ainsi qu’un tableau des effectifs (Cass. soc., 16 sept. 2020, n° 19-60.185). 

Séverine Baudouin

Les embauches en hausse de 3,6 % au 2ème trimestre 2022

Selon le communiqué de l’Acoss publié hier (en pièce jointe), les embauches de plus d’un mois hors intérim augmentent de 3,6 % au 2ème trimestre après la légère diminution enregistrée au 1er trimestre 2022. Bonne nouvelle : ce chiffre est dû notamment au progrès des embauches en CDI (+ 5,5 %). Les CDD de plus d’un mois augmentent cependant de 1,5 %. Les contrats courts restent importants puisque “les déclarations d’embauche en CDD de moins d’un mois affichent quant à elles une progression de 5,1 %”, indique l’Acoss. 

Sur un an, les déclarations d’embauche ont progressé de 13,9 %, alors que le 2ème trimestre 2021 était encore marqué par de restrictions sanitaires liées à la Covid-19.

Les résultats du 2ème trimestre 2022 sont aussi tirés vers le haut par les petites entreprises : les déclarations d’embauche de plus d’un mois augmentent de 5,2 % dans les entreprises de moins de 20 salariés (2,4 % dans les structures de plus grande taille). Selon l’Acoss, les embauches en CDD de moins d’un mois rebondissent dans les TPE (+ 15,0 % après -10,5 %), en lien notamment avec l’évolution des recrutements dans les secteurs de l’hôtellerie restauration et des arts, spectacles et activités récréatives. Le secteur des services apparaît également pourvoyeur d’emploi : les déclarations d’embauche de plus d’un mois progressent nettement dans le tertiaire (+ 3,1 %). L’industrie en revanche fait peu progresser ses embauches (+ 0,5 %). Elles apparaissent par ailleurs en baisse dans la construction (- 0,6 %).

D’un point de vue géographique, c’est l’Île-de-France qui embauche le plus (+ 20,3 %), suivie de la Corse (+ 16,2 %) et la Provence-Alpes-Côte d’Azur (+ 15,1 %).

actuEL CE

[2] Réussir ses vacances et…sa rentrée : les conseils d’Olivier Delacourt

Fatigue mentale après deux ans de crise sanitaire, collectifs éparpillés, stress du travail et du mandat avec de multiples tâches… : vivement les vacances pour les représentants du personnel comme pour les salariés ! Quels conseils suivre pour profiter au mieux de la pause estivale ? Et que faire pour une rentrée réussie dans les CSE ? Voici les réponses d’Olivier Delacourt, secrétaire du syndicat CFDT de la métallurgie d’Alsace et élu au CSE de l’imprimeur Ricoh.

Vous cumulez les casquettes de syndicaliste pour la CFDT métallurgie d’Alsace et d’élu de CSE. Préconisez-vous de déconnecter pendant les grandes vacances ?

Tout dépend de la situation et de l’actualité de l’entreprise. Quand on est en veille économique, qu’on connaît des difficultés comme de l’activité partielle de longue durée, il faut rester connecté. En revanche, si l’entreprise est calme, il n’y a pas de sujet, il faut déconnecter ! 

Y parvenez-vous avec votre double mandat syndical et CSE ?

Moi je ne suis pas un très bon exemple ! Parce que je gère un grand syndicat de métallurgie de 4 000 personnes en Alsace, avec des plans sociaux sur les bras.

 L’investissement dans les mandats rend complexe la déconnexion

Quand il n’y a pas d’urgence, c’est mieux de décrocher mais l’investissement que l’on met dans les mandats rend complexe la déconnexion. On est non-stop sur les sujets, on y pense toute la journée, cela nous travaille. Je conseille quand même de décrocher, sinon on risque de décrocher pour toujours !

Quid des salariés qui continuent de travailler par exemple pour des raisons de maintien du service. Faut-il rester en lien avec eux pendant les vacances ou les orienter vers quelqu’un d’autre ?

Si l’entreprise ferme totalement pendant trois semaines, c’est évidemment plus facile.

Instaurer un roulement entre les élus 

Mais si l’entreprise travaille en continu, c’est mieux d’organiser l’équipe avec les autres élus de manière à instaurer un roulement. Un tel sera disponible au téléphone pendant telle semaine, et tel autre pendant telle période. On se partage ainsi la tâche et cela permet d’avoir une vraie coupure. Pour cela, il faut bien sûr être plusieurs élus.

Quelle est selon vous la durée idéale des vacances ?

Au moins trois semaines. C’est important pour ceux qui se sont investis, et cela dépend de ce que l’on a traversé en cours d’année. Je recommande donc plutôt une coupure franche. Cela préserve aussi la vie de famille.

Comment vous organisez-vous pour rendre la rentrée moins difficile ?

Aujourd’hui nous avons replanifié nos réunions de CSE, prévues dans l’accord de mise en place du CSE.

Fixer l’ordre du jour en juillet 

Nous avons repoussé celle du mois d’août en septembre. Nous en avons fixé l’ordre du jour pendant la réunion de juillet. Cela nous permettra de moins “patiner” à la rentrée. Sur les consultations annuelles, je conseille d’anticiper car elles sont souvent en fin d’année. Il vaut mieux s’organiser en avance, en juillet, notamment s’il faut recourir à un expert. Cela évite d’avoir la tête dans le guidon en septembre.

Et si la négociation d’un accord est interrompue par la pause estivale, que conseillez-vous ?

Il faut bien connaître les thèmes de la négociation, je conseille de les revoir avant de partir en vacances afin de bien les maîtriser. Mais en général, les négociateurs dominent les sujets, la reprise n’est donc pas problématique. Déconnecter au mois d’août ne suffit pas pour leur faire tout oublier. Si on planifie une réunion le 25 août ou le 2 septembre, il faudra quand même la préparer, surtout si on se doute que l’employeur prépare quelque chose.

Les plans sociaux sont souvent lancés en juin ou juillet 

J’ai constaté que les plans sociaux sont très souvent lancés par les employeurs en juin ou en juillet, comme ça ils se disent que pendant l’été, les syndicats vont les laisser tranquilles. Bien sûr, ce n’est pas systématique, mais je l’ai souvent remarqué. Par exemple, pour la fermeture de l’usine Faurecia dans le Haut-Rhin, ils étaient prêts depuis un mois mais ils ont quand même lancé le process fin juin. On a dû se battre pour neutraliser deux semaines de fermeture. Ce n’était donc pas innocent…

Marie-Aude Grimont