Le CSE peut-il jouer un rôle dans la promotion sociale des enfants de salariés ?
20/04/2021
La question de l’accès inégal des enfants à l’enseignement supérieur et a fortiori aux écoles les plus prestigieuses se repose avec la décision du président de la République de “supprimer” l’ENA. Le CSE peut-il agir à son échelle pour favoriser la promotion sociale des enfants des catégories les plus modestes ? Quelques pistes de réflexion et d’action.
L’annonce par Emmanuel Macron de la suppression de l’Ecole nationale d’administration (ENA), au profit d’un nouvel Institut du service public (1), a relancé le débat autour du faible nombre d’enfants des milieux populaires qui accédent aux écoles les plus prestigieuses et à l’enseignement supérieur en général. Certains, comme l’économiste Thomas Piketty, estiment qu’il appartient à l’Etat non pas seulement de réformer les écoles élitistes, mais d’investir massivement dans l’université pour améliorer la qualité de l’enseignement donné au plus grand nombre.
Seuls 5% des enfants de parents peu ou pas diplômés sont eux-mêmes diplômés du supérieur
La question se pose néanmoins de l’accès des enfants d’ouvriers, d’employés, de techniciens ou de cadres moyens aux écoles les plus prestigieuses, celles qui préparent aux plus hautes fonctions : écoles d’administration et de sciences politiques, écoles de commerce, écoles d’ingénieur, filières universitaires les plus cotées, etc. On sait que ce sont les enfants des catégories les plus diplômées, voire les enfants des parents ayant déjà fréquenté ces filières, qui ont le plus de chance d’y accéder, dans une forme de reproduction sociale, selon les mots des sociologues. Selon l’Insee, 34 % des enfants de diplômés du supérieur ont un diplôme de niveau bac + 5 voire davantage, contre seulement 5 % de ceux dont les parents sont peu ou pas diplômés. Une inégalité qu’on retrouve au niveau des catégories socioprofessionnelles : les personnes dont le père est cadre ou profession intermédiaire sont en proportion deux fois plus nombreuses à être diplômées du supérieur que les enfants d’employés ou d’ouvriers (65 % contre 31 %) et quatre fois plus nombreuses à avoir un diplôme de niveau bac + 5 (23 % contre 5 %).
Notons au passage que cette question recouvre également celle de l’accès plus difficile pour les filles à ces filières.
Le constat a été souvent fait : une des raisons de la faible proportion d’élèves issus de familles d’origine modestes dans ces écoles tient au simple fait que l’existence de ces écoles et de leurs voies d’accès, via les “prépa” par exemple, est tout bonnement ignorée de ces familles, et donc d’élèves même brillants, ou bien jugée inaccessible. En la matière, le comité social et économique peut-il avoir un rôle à jouer afin que soient accrues les chances des enfants de salariés les moins qualifiés (ouvriers, employés, manutentionnaires, etc.) de poursuivre des études supérieures ? Voici quelques pistes de réflexion et d’action possibles en vue de tenter de réduire ce déterminisme social.
Le “capital culturel” en question
Le comité gère des activités sociales et culturelles (ASC) dont la finalité, nous dit l’article R.2312-35 du code du travail, est, notamment, “l’amélioration des conditions de bien-être” des salariés, “l’utilisation des loisirs et l’organisation sportive” mais le CSE peut aussi gérer des “centres d’apprentissage et de formation professionnelle, des bibliothèques, des cercles d’études, des cours de culture générale”. Cette liste est non limitative. On sait que la Cour de cassation a établi que le CSE peut conduire une activité sociale et culturelle dès lors qu’elle est “exercée principalement au bénéfice du personnel de l’entreprise, sans discrimination, en vue d’aménager les conditions collectives d’emploi, de travail et de vie du personnel au sein de l’entreprise”. Le comité peut ainsi mener des actions pour les enfants du personnel (crèches, colonies de vacances, vacances, etc.).
Le soutien scolaire, une forme d’aide pratique pour les enfants défavorisés
Ces actions peuvent consister aussi en une forme de soutien scolaire, via l’abonnement à un service de soutien en ligne comme le proposent certaines entreprises. Le CSE peut donc déjà agir, s’il en a les moyens et s’il le souhaite, pour offrir un appui scolaire aux enfants des salariés. On sait aussi que les sociologues insistent sur le “capital culturel”, ce socle de connaissances et d’habitudes culturelles qui s’avère déterminant dans la réussite scolaire et le passage des concours. Les colonies de vacances organisées par les comités en mariant des activités sportives et culturelles permettent aussi cet enrichissement. Le CSE de PSA à Mulhouse propose ainsi des séjours en Allemagne et au Royaume-Uni pour favoriser le bilinguisme des enfants des salariés, nous dit par exemple Régis Manzi, secrétaire FO du CSE, qui croise les doigts pour que ces séjours d’été ne soient pas annulés pour cause de Covid. Mais un abonnement à une presse de qualité peut donner aussi accès à un nouvel univers pour certains enfants. Des prestataires proposent même un panel d’abonnements dont les salariés peuvent profiter.
En temps ordinaire, le CSE peut organiser l’accès à des activités culturelles profitant aux enfants qui n’y auraient pas accès chez eux : découverte de musées, de musique classique, conférences historiques, etc. En temps de confinement, l’accès à des ressources virtuelles peut aussi être communiqué aux salariés (2).
Des réunions d’information du personnel
Le CSE peut-il faire davantage ? On sait que rien n’interdit au CSE d’inviter un artiste à se produire devant les salariés et leurs familles : ce fut, jusqu’à ces dernières années, une pratique assez répandue lors des fêtes de fin d’année. Mais rien n’empêche non plus le CSE d’inviter une personnalité extérieure à faire une sorte de conférence pour le personnel. Ainsi, le comité peut réunir tout ou partie du personnel dans son local, ou dans un autre local si l’employeur en est d’accord, pour l’informer sur des problèmes d’actualité, sur des thématiques liées à l’environnement économique et social de l’entreprise mais aussi sur les activités sociales et culturelles (art. L.2315-26 du code du travail). Ces réunions doivent avoir lieu en dehors du temps de travail des salariés et le CSE peut y inviter des personnalités extérieures (conseillers d’orientation, personnalités du monde éducatif, responsables de grandes écoles, sociologues, universitaires, etc.). S’il s’agit de personnalités syndicales, et si la réunion a lieu dans le local du CSE, le comité n’est pas tenu de demander l’autorisation préalable de l’employeur, mais elle s’impose si le CSE invite une personnalité extérieure non syndicale (3).
Cette conférence, qu’il doit être possible d’organiser en ligne si elle se déroule hors temps de travail, pourrait porter sur le système éducatif afin de sensibiliser à ces questions le plus grand nombre de salariés : comment est organisée l’orientation scolaire en France, comment se repérer dans les différentes filières, comment obtenir une bourse ? Le CSE, s’il dispose parmi ses membres d’un bon connaisseur de ces questions, peut lui même animer cette réunion d’information des salariés, et cette fois sans devoir passer par l’autorisation de l’employeur si la réunion a lieu en dehors du temps de travail.
On peut aussi imaginer que le CSE propose à une assistante sociale d’évoquer ces sujets lors de sa permanence, voire invite une personnalité ayant su s’émanciper, c’est-à-dire ayant obtenu une situation professionnelle et sociale supérieure à celle de ses parents, à raconter ses études et son parcours. L’association Le Réseau a passé ainsi une convention avec l’école Polytechnique pour que des élèves de cette prestigieuse école républicaine interviennent dans des classes d’écoles de quartiers populaires. “Ce type de rencontres rend tout de suite bien plus visible l’existence de ces écoles que bien des discours sur les filières d’orientation”, nous confie Alexandre Hascoët, directeur adjoint de Le Réseau, une association qui travaille en lien avec des services RH de grandes entreprises, et qui a pu maintenir ces échanges grâce aux visio.
Des échanges au sein d’ateliers ou d’une commission
Ceux des CSE qui disposent d’une bibliothèque ou d’une médiathèque peuvent mettre ce thème en avant via des panneaux d’affichage, en cherchant de la documentation du côté de l’Onisep. Il reste enfin la possibilité pour le CSE d’informer les salariés via un petit journal voire un tract en donnant quelques infos et contacts utiles.
Toutes ces questions peuvent faire l’objet d’échanges au sein d’ateliers ou d’une commission, d’où pourront naître des idées (une bourse d’informations sur les stages de 3e, des appels à témoigagnes de réussite scolaire et professionnelle, etc.).
Pour terminer, admettons que ces quelques pistes de réflexion et d’action pourront paraître éloignées des urgences du moment, les CSE étant confrontés aux incertitudes sanitaires et aux aléas de l’activité économique. Mais le CSE n’est-il pas, par vocation, un médiateur au service des salariés ?
(1) Dans son discours du 8 avril, Emmanuel Macron a indiqué que l’institut du service public sera “le creuset de la formation des cadres de l’Etat”, avec “une culture commune et une formation commune”. Il s’agirait pour l’Etat d’imposer un tronc commun aux 13 grandes écoles d’administration (Ecole nationale de la magistrature, Hautes études en santé publique, Institut national des études territoriales, Ecole nationale supérieure de la police, etc.). Une ordonnance serait prise dès le mois de juin.
(2) Voir par exemple cette visite virtuelle du musée du Louvre, et ses nombreuses vidéos pédagogiques.
(3) Cette possibilité est également ouverte aux sections syndicales (voir les articles L.2142-10 et L.2142-11 du code du travail).
Des ressources pour informer parents et enfants |
► Le site de l’Onisep (office national d’information sur les enseignements et les professions) propose un tchat en ligne avec des conseillers, accessible de 10h à 20h (attention, déconnexion au bout de 4 minutes lorsqu’on ne répond plus à un message), pour informer enfants et parents sur l’orientation scolaire et les filières. Les directions territoriales de l’Onisep (voir ici la carte) peuvent être aussi un contact à explorer. ► Le site de la Conférence des grandes écoles fédère 227 écoles d’ingénieur, de management, d’architecture, de design, des institust d’études politiques, etc. Il donne donc beaucoup d’informations sur ces établissements. A signaler : l’initiative de Sillages.info qui propose des formations en ligne ouvertes à tous, “labellisées, libres et gratuites, de niveau licence”. ► Certaines associations s’efforcent de relier les mondes de l’entreprise et de l’éducation. Elles peuvent être une source d’idées et de conseils sur la manière de favoriser la connaissance des élèves de leurs possibilités d’évolution scolaire et professionnelle. Citons : La Face (fondation agir contre l’exclusion) soutient des actions visant la découverte des métiers et des orientations. Elle accompagne certains élèves et certaines entreprises pour trouver des stages de troisième afin de favoriser les choix d’orientation et d’insertion; Le Réseau national des entreprises pour l’égalité des chances dans l’éducation nationale met en relation des équipes pédagogiques et des salariés et chefs d’entreprise volontaires. Son slogan : “le réseau de ceux qui n’en ont pas”; La fondation C.Génial, qui entend promouvoir les sciences, la technologue et les métiers qui s’y rattachent, fait intervenir dans les classes des collèges et lycées des ingénieurs venus témoigner de leur métier et parcours. |
Bernard Domergue
Le CSE peut désigner un expert même s’il ne participe pas à la négociation sur l’égalité professionnelle
22/04/2021
Même si la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes engagée avec les organisations syndicales a déjà commencé, le comité social et économique peut désigner un expert de son choix en vue de préparer la négociation.
Voilà la toute première jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation qui porte sur cette prérogative que possède le comité social et économique, dans les entreprises de 300 salariés et plus, de désigner un expert technique de son choix en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle (article L. 2315-95 du code du travail).
Tout commence par une délibération du 9 mai 2019 par laquelle le CSE de la société Médiapost, filiale du groupe La Poste spécialisée dans la communication de proximité, décide “de recourir à une expertise relative à la qualité de vie au travail incluant l’égalité professionnelle”.
La réaction de la direction de Médiapost ne se fait pas attendre. Le 21 mai, il est demandé au président du tribunal de grande instance d’annuler la délibération du CSE.
A l’initiative de Médiapost, l’affaire arrive en cassation.
Même si le CSE ne négocie pas l’égalité professionnelle, il peut désigner un expert quand bien même la négociation a débuté
Dans son pourvoi en cassation, l’employeur tente de faire admettre par les juges que l’expertise “Egalité professionnelle” n’est possible “que dans l’hypothèse où le comité est amené à participer à cette négociation”. Or, ici, “le comité social et économique ne participait pas à la négociation de l’accord sur l’égalité professionnelle qui était menée avec les délégués syndicaux, de sorte qu’il ne pouvait prétendre désigner un expert pour préparer cette négociation”.
L’employeur fait par ailleurs valoir qu’à partir du moment où la négociation avec les organisations syndicales avait déjà été engagée depuis décembre 2018, la désignation d’un expert en mai 2019 n’était de toute façon plus possible.
Remarque : cette chronologie s’explique par le fait que les négociations, effectivement engagées en décembre 2018, avaient été suspendues le temps de la mise en place du CSE en janvier 2019 et avaient repris au mois de mars.
Aucun de ces deux arguments n’emporte la conviction des magistrats de la Cour de cassation.
D’abord, il est précisé que le comité social et économique peut faire appel à un expert afin qu’il apporte aux organisations syndicales, en charge des négociations obligatoires prévues par le code du travail (articles L. 2242-1, 2° et L. 2242-17), toute analyse utile dans le cadre de la préparation de la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Et ce, indépendamment des possibilités de négociation collective avec les élus du CSE ou avec un salarié mandaté prévues par le code du travail (articles L. 2232-24, L. 2232, 25 et L. 2232-26).
Ensuite, s’agissant de la désignation prétendument tardive de l’expert par le CSE de Médiapost, il est décidé que “la désignation de l’expert doit être faite en un temps utile à la négociation” et que “cette expertise peut être ordonnée quand bien même la négociation a commencé à être engagée”.
L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est un sujet complexe. Une fois que la négociation a commencé, les délégués syndicaux peuvent se rendre compte qu’une aide externe serait la bienvenue pour les aider à décrypter les indicateurs de la base de données économiques et sociales, à avancer des propositions concrètes et à péraprer les réunions avec l’employeur. D’où l’intérêt de cette possibilité de désigner un expert, alors que la négociation a été engagée.
Comme avait pu le constater le président du tribunal de grande instance, la décision du CSE de voter une expertise en mai 2019, alors que les négociations étaient engagées depuis décembre 2018, s’expliquait par le fait que les négociations avaient été suspendues pendant la mise en place du CSE en janvier et février 2019 et par l’insuffisance des informations fournies par l’employeur. D’ailleurs, celui-ci avait transmis aux élus des compléments d’information en mai 2019, la négociation ne s’étant finalement achevée qu’en août 2019. En conséquence, l’expertise n’était pas tardive.
A la question de savoir à partir de quel moment la désignation sera considérée comme tardive, il est impossible d’apporter une réponse unique car tout dépend des circonstances de fait. Aussi, la prudence recommande aux élus du CSE et aux délégués syndicaux de se coordonner en amont de la négociation et de se mettre d’accord sur la nécessité ou non de désigner un expert.
L’expertise “Négociation de l’égalité professionnelle ” ne peut pas être étendue à d’autres thèmes de négociation
L’employeur, qui n’était pas d’accord avec la décision du CSE d’étendre l’expertise à la qualité de vie au travail, demandait à ce que l’étendue de l’expertise soit limitée au cadre des négociations sur l’égalité professionnelle.
Demande rejetée par le président du tribunal de grande instance au prétendu motif que les élus n’avaient pas disposé des éléments pertinents pour pouvoir se prononcer utilement sur le projet de qualité de vie au travail et d’égalité professionnelle.
En cassation, il est au contraire décidé que cette possibilité donnée au CSE de recourir à un expert en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle est “spécifiquement destinée à favoriser la négociation sur l’égalité professionnelle” et “ne peut être étendue à d’autres champs de négociation”. En conséquence, le CSE de Médiapost ne pouvait pas demander à l’expert de travailler sur la qualité de vie au travail.
Ce n’est que si la BDES est totalement muette sur l’égalité professionnelle que l’employeur doit payer 100 % de l’expertise
Normalement, l’expertise “Négociation de l’égalité professionnelle” est cofinancée par le CSE (20 %) et l’employeur (80 %). Toutefois, l’employeur doit intégralement la prendre en charge en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle dans la base de données économiques et sociales (BDES) (article L. 2315-80).
Dans cette affaire, l’employeur avait été condamné à payer 100 % de la facture de l’expert. A tort selon la Cour de cassation car il aurait fallu vérifier si la base de données économiques et sociales mise à la disposition du comité social et économique comportait ou non certains indicateurs chiffrés relatifs à l’égalité professionnelle.
Frédéric Aouate, rédacteur en chef du Guide CSE
L’existence de représentants de proximité n’est pas une preuve d’établissement distinct au sens des DS
23/04/2021
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Par cet arrêt du 31 mars 2021, la Cour de cassation illustre la définition « fonctionnelle » de l’établissement distinct pour la désignation de délégués syndicaux, et précise que la possibilité prévue par un accord collectif de désigner des représentants de proximité ne suffit pas à démontrer la présence d’une communauté de travail ayant des intérêts collectifs distincts.
Selon l’article L. 2143-3 du code du travail, un délégué syndical (DS) peut être désigné au sein d’un établissement d’au moins 50 salariés regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l’employeur, constituant une communauté de travail et ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques. Il s’agit là de la définition dite « fonctionnelle » de l’établissement distinct au sens des délégués syndicaux. Elle s’applique lorsqu’un syndicat veut désigner un DS à un niveau plus restreint que celui déterminé pour la mise en place du comité d’établissement. C’est ce qu’a souhaité faire l’Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris, au sein des magasins parisiens de la société FNAC Paris.
Désignation de sept DS au sein des sept magasins parisiens de la FNAC
La société FNAC Paris exploite sept magasins parisiens. Un accord de groupe, signé le 18 septembre 2018 entre les sociétés du groupe FNAC et trois des quatre organisations syndicales représentatives, prévoit notamment l’instauration d’un seul CSE pour la société FNAC Paris et, au regard de l’effectif, la désignation de quatre DS. Postérieurement aux élections professionnelles, l’Union syndicale CGT du commerce, de la distribution et des services de Paris a notifié à la société la désignation de sept DS d’établissement, soit un par magasin parisien. Elle estime que chaque magasin constitue un établissement distinct au regard de la définition fonctionnelle utilisée pour la désignation des DS. Mais l’employeur n’est pas d’accord. Il conteste ces désignations et en demande l’annulation. Les juges, dont le raisonnement est confirmé par la Cour de cassation (lire l’arrêt ici), font droit à sa demande.
Les magasins parisiens de la FNAC ne constituent pas des établissements distincts
Après avoir rappelé la définition de l’établissement distinct telle que prévue par l’article L. 2143-3 du code du travail, la Cour de cassation se retranche derrière l’analyse du tribunal.
Dans cette affaire, les juges ont relevé plusieurs éléments allant dans le sens de l’absence d’établissements distincts :
- Les salariés de chacun des magasins étaient soumis aux mêmes statuts collectifs, au même règlement intérieur et chartes de conduite des affaires et de bon usage du système d’information ;
- Ils étaient soumis aux mêmes conditions de travail, que ce soient en terme de métier, d’outil d’évaluation professionnelle, d’aménagement du temps de travail, de travail du dimanche conformément aux dispositions d’un accord de groupe ou encore de rémunération ;
- L’activité était commune, les magasins commercialisant les mêmes produits aux mêmes tarifs, appliquant les mêmes offres promotionnelles et pratiquant les mêmes ventes privées quelle que soit leur localisation.
Aucune différence n’était donc constatée, selon les juges, entre les conditions d’exploitation, le statut ou la nature des produits vendus de chaque magasin parisien.
La possibilité de désigner des représentants de proximité n’implique pas nécessairement la présence d’un établissement distinct à ce niveau
Les juges du fond apportent une précision inédite à ce jour à notre connaissance : la possibilité prévue par l’accord collectif de désigner des représentants de proximité ne suffit pas à démontrer la présence d’une communauté de travail ayant des intérêts collectifs distincts.
Les magasins FNAC parisiens ne constituaient donc pas des établissements distincts au sens de la définition fonctionnelle prévue par le code du travail pour la désignation des DS. La Cour de cassation confirme donc le jugement du tribunal annulant les sept désignations, et déboute les salariés ainsi que l’Union syndicale CGT.