Les heures de délégation ne doivent servir qu’à l’exercice des fonctions représentatives du personnel
L’employeur est en droit d’obtenir le remboursement des heures de délégation prises par le représentant du personnel pour se rendre aux entraînements de football de son fils.
Il va de soi que les heures de délégation sont exclusivement là pour permettre au représentant du personnel d’exercer ses fonctions représentatives. Elles ne doivent donc pas être utilisées pour des activités purement personnelles.
Hélas, comme en témoigne un arrêt de la cour d’appel de Caen du 7 juillet 2022, cela ne va de soi pour tout le monde.
L’employeur peut demander des précisions sur l’utilisation des heures
Il ne faut pas perdre de vue que l’employeur qui a un doute sur le bon usage des heures de délégation peut, après les avoir payées, demander au représentant du personnel de lui préciser les activités exercées pendant qu’il était en délégation. Sans avoir à justifier de l’utilisation qu’il a faite de ses heures (Cass. soc., 22 avr. 1992, n° 89-41.253), celui-ci a plutôt intérêt à répondre favorablement à cette demande de précisions s’il ne veut pas avoir à rembourser l’employeur.
► Remarque : il a été jugé que l’abstention d’un représentant du personnel de répondre à la demande de précisions sur les activités exercées en délégation autrement que par la transmission de bons de délégation s’analyse en un refus de réponse (Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 20-19.194). De même, le salarié qui se contente d’indiquer les dates et le nombre d’heures de délégation utilisées, sans préciser la nature des activités exercées, ne permet pas à l’employeur de s’assurer que les heures de délégation ont été utilisées pour leur exercice (Cass. soc., 30 nov. 2004, n° 03-40.434).
C’est exactement ce qui s’est passé dans cette affaire à propos d’un représentant du personnel, délégué du personnel à l’époque des faits, à qui il était reproché d’avoir “utilisé ses heures de délégation pour se rendre aux entraînements de football de son fils”. Mis en demeure par son employeur de fournir des indications sur ses activités pour les mois de janvier, février et mars 2014, l’ancien DP s’était borné à indiquer sommairement qu’il n’avait jamais utilisé ses heures pour se rendre aux entraînements de foot, à l’exclusion de toutes autres observations.
Une attestation comme preuve
De son côté, l’employeur produisait une attestation du président du club de foot certifiant que cette personne participait depuis 2009 aux entraînements du lundi soir et du mercredi après-midi. A cela venait s’ajouter une correspondance d’un salarié de l’entreprise se plaignant du comportement harcelant de l’ex-DP et indiquant que les heures de délégation étaient “une excuse pour se rendre aux entraînements de son fils”.
Estimant que l’employeur apportait ‘”des éléments tendant à établir que les heures étaient utilisées à d’autres fins”, alors que le salarié n’avait jamais fourni et ne fournissait pas d’indications sur les activités exercées, les juges décident que la demande de remboursement des heures de délégation payées entre janvier et mars 2014 était pleinement justifiée.
► Remarque : un usage détourné des heures de délégation peut aussi faire l’objet d’une sanction disciplinaire en cas d’abus. Jugé par exemple que le représentant du personnel qui prend des heures de délégation pour rentrer précipitamment chez lui en vue d’aller rattraper son perroquet commet un abus et peut être sanctionné pour abandon de poste (Cass. soc., 13 janv. 2021, n° 19-20.781).
Frédéric Aouate
Un rapport de l’Ires pour la CGT évalue à 157 milliards le montant des aides publiques aux entreprises
L’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) vient de publier le document de recherche sur les aides publiques aux entreprises réalisé à la demande de la CGT. Intitulé “un capitalisme sous perfusion”, ce document évalue à 157 milliards d’euros le montant des aides publiques aux entreprises en 2019. “Ce chiffrage résulte du cumul des dépenses fiscales (61 mds €), socio-fiscales (65 mds €), et budgétaires (32 mds €), sans prendre en compte des dépenses fiscales déclassées”, peut-on lire dans la conclusion générale de ce rapport de plus de 200 pages.
Les auteurs soulignent que le poids du soutien public aux entreprises a plus que doublé depuis le début des années 2000, passant de 3 % du produit intérieur brut (PIB= environ à 6,44 % en 2019, c’est-à-dire avant les mesures d’urgence prises durant la crise sanitaire. Selon le rapport, les masses en jeu sont considérables : “Rapportées au budget de l’Etat (y compris les dépenses socio-fiscales), elles représentent plus de 30% des dépenses du budget inscrit dans le PLF 2021, soit encore presque trois fois le budget de l’éducation nationale pour 2022, ou 1,5 fois les dépenses consacrées aux soins hospitaliers en 2020 (cumul établissements publics et privés)”.
actuEL CE
Le b.a.-ba de la discrimination pour les élus qui gèrent les ASC
Attribuer des activités sociales et culturelles est une bonne chose, c’est même l’une des missions du CSE. Mais attention, en choisissant certains critères plutôt que d’autres, une bonne intention peut se transformer en discrimination. A la clé de ce faux pas, un redressement Urssaf qui peut coûter cher ! Les ASC sont en effet exonérées de cotisations sauf si elles sont discriminatoires. Thomas Ufarte, juriste-formateur au cabinet JDS, a présenté une conférence au salon Eluceo de Paris afin de guider les élus dans ces écueils.
La salle est bien remplie, ce jeudi 15 septembre, au salon Eluceo du stade de France. Les élus, très intéressés par le sujet des ASC (activités sociales et culturelles), sont venus nombreux écouter le juriste Thomas Ufarte. Est-ce à dire que le risque discriminatoire est mal maîtrisé par les représentants du personnel ? Loin d’aller jusque-là, Thomas Ufarte les met à l’aise : « le CSE définit les prestations, il est libre d’en prévoir ou pas. Autrement dit, les salariés n’ont pas de droit acquis aux ASC ». Mais il les met aussi en garde : “Le plus piégeux, ce sont les critères d’attribution, il y en a 27, la Cour de cassation les a définis en 1975 et on les retrouve à l’article L. 1132-1 du code du travail”. Avant de rentrer dans le détail, autant commencer par quelques définitions essentielles sur le sujet.
Qu’est-ce qu’une discrimination ?
Selon Thomas Ufarte, le CSE est en réalité confronté à deux principes distincts mais souvent confondus : l’absence de discrimination et l’égalité de traitement.
L’absence de discrimination se définit comme l’interdiction de traiter de manière moins favorable des salariés placés dans une situation comparable, soit en les excluant d’une ASC soit en modulant le niveau des prestations par le sexe, l’âge, l’activité syndicale ou tout autre motif énoncé à l’article L. 1132-1 du code du travail.
Attention : une discrimination indirecte s’immisce dans les ASC quand une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence entraîne en réalité un désavantage particulier. Un tel phénomène ne peut perdurer que s’il est objectivé et justifié par un but légitime, et si les moyens pour réaliser ce but sont nécessaires et appropriés.
Un bon exemple valant mieux qu’un long discours, Thomas Ufarte illustre son propos : “Imaginons que vous vouliez réserver un avantage aux salariés à temps plein. Vous excluez donc les personnes à temps partiel. Problème : les employés à temps partiel sont très souvent des femmes. Sans le vouloir peut-être au début, vous les traitez alors moins favorablement que les hommes. C’est une discrimination indirecte”.
Enfin, l’égalité de traitement est un principe plus large que la non-discrimination : il est interdit de traiter différemment des salariés placés dans une situation identique au regard de l’avantage considéré, sauf si cette différence repose sur des critères objectifs et pertinents (Cour de cassation, 30 janvier 2008, n° 06-46.447). Par exemple, si deux salariés ont le même profil professionnel, la même ancienneté, le même âge mais que l’une est moins bien payée que l’autre, l’égalité de traitement prescrit d’aller rechercher si l’employeur a de bonnes raisons de moins payer ce salarié. Quelle qu’en soit le motif, par exemple une moindre performance, il faudra l’objectiver avec les rapports d’évaluation annuelle en présentant un motif raisonné et licite de moins rémunérer le salarié.
Déterminer les bénéficiaires : les salariés et leur famille sont prioritaires
Les bénéficiaires habituels des ASC sont définis par l’article L. 2312-78 du code du travail : il s’agit “prioritairement des salariés, de leur famille et des stagiaires”. L’adverbe “prioritairement” est important ici : il signifie que les élus peuvent ouvrir les ASC à d’autres bénéficiaires mais que ceux-ci devront demeurer subsidiaires. Par exemple, ils peuvent proposer une billetterie aux seuls salariés dans un premier temps, puis en élargir l’accès à d’autres personnes comme aux anciens salariés retraités.
Cette priorité absolue des salariés s’entend quelle que soit la nature de leur contrat de travail, qu’ils soient en CDD ou en CDI ou encore à temps partiel.
La “famille” des salariés désigne les conjoints (mariés ou partenaires de Pacs) ainsi que les concubins. Sont considérés comme “enfants” ceux dont les salariés ont la charge permanente et effective, même issus d’une nouvelle union.
Enfin, les “stagiaires” sont des bénéficiaires courants des ASC, bien que non liés à l’entreprise par un contrat de travail mais par une convention de stage. Le code de l’éducation (article L.124-16) précise même qu’ils “accèdent aux activités sociales et culturelles (…) dans les mêmes conditions que les salariés”. Selon Thomas Ufarte, cela vaut quelle que soit la durée du stage. En revanche, le CSE peut introduire une condition d’ancienneté.
A titre subsidiaire, le CSE peut donc ouvrir les ASC aux retraités ou aux salariés licenciés. Les intérimaires en bénéficient dans leur entreprise d’origine, mais doivent avoir accès aux installations de restauration collective dans l’entreprise d’emploi (article L.1251-24 du code du travail).
Critères d’accès : l’épineuse modulation
Le CSE doit fixer les critères d’accès en respectant à la fois la non-discrimination et l’égalité de traitement. L’ancienneté est un critère couramment retenu à condition de n’être pas excessive, notamment si elle a pour effet d’exclure systématiquement les salariés en CDD. Thomas Ufarte précise que “une condition d’ancienneté d’un an vaut presque toujours un redressement Urssaf. A hauteur de six mois, cela dépend des cas, et trois mois, ça passe presque toujours”.
Autre critère licite : la présence effective à un événement (le repas de fin d’année par exemple). Attention toutefois à ne pas en faire une condition de présence à un événement du CSE : il faut tenir compte des salariés qui ne se trouvent pas dans les locaux de l’entreprise en raison du télétravail ou d’un arrêt maladie par exemple. Ainsi, la remise de cadeaux de Noël peut être prévue pendant un mois dans les locaux du CSE, puis selon d’autres modalités pour les salariés absents.
Sont donc illicites les critères fondés sur le statut ou la nature juridique du contrat de travail, le statut (cadre ou non cadre) et la présence effective dans l’entreprise.
Naviguer entre critères licites et illicites
Quant à la modulation des critères, la loi ne prévoit pas expressément cette obligation. Cependant, l’absence totale de modulation fait courir un risque de redressement si l’on en croit le site de l’Urssaf. En effet, indique Thomas Ufarte, “si on ne module pas les critères d’attribution, l’Urssaf risque de voir dans l’ASC une contrepartie automatique, en nature ou en argent, de la prestation de travail. Donc de ramener l’ASC à du salaire et donc d’appliquer des cotisations”.
Comme pour l’attribution des ASC, certains critères de modulation sont licites : la rémunération des salariés, le quotient familial, l’impôt sur le revenu, le nombre d’enfants à charge ou encore le bon vieux tirage au sort. Des éléments certes intrusifs, qui poussent les élus à entrouvrir la porte de la vie privée des salariés mais qui permettent aussi de se fonder sur ces informations pour cibler les salariés qui ont le plus besoin d’aide. En revanche, la jurisprudence a écarté comme illicites la nature du contrat, la durée du travail, l’atteinte d’objectifs professionnels ou encore le site géographique.
Attention, prévient Thomas Ufarte, si respecter ce qui est indiqué sur le site de l’Urssaf protège la plupart du temps d’un redressement, à l’inverse, une procédure reste possible si un critère jugé licite crée une inégalité dans l’entreprise. Il faut donc être très vigilant dans l’application pratique des critères. Un élu présent dans la salle de conférence en profite pour demander au juriste formateur comment savoir quand se prépare un contrôle Urssaf à l’encontre du CSE. Réponse : “En général, les inspecteurs viennent contrôler l’entreprise, et c’est à l’occasion de ce déplacement qu’ils viennent contrôler aussi le CSE”.
Communiquer les critères aux salariés
Il reste ensuite à bien communiquer les différents critères aux salariés, par exemple en annexe du catalogue des ASC. L’Urssaf contrôle aussi cette communication, “c’est même la première chose qu’elle va regarder”, pointe Thomas Ufarte. Ce dernier attire aussi l’attention des élus sur le traitement de la base de données personnelles qui contiendra les informations relatives aux salariés. Les justificatifs demandés au personnel ne sont à conserver que pendant 10 ans. Pendant cette période, il faut être en mesure de les fournir à l’Urssaf. Le juriste recommande aux élus de s’appuyer sur les données que déteint l’employeur afin d’alléger leur gestion administrative : “Vous pouvez lui demander de classer les salariés par tranches de salaires. Ainsi, c’est l’employeur qui vous fournira le fichier vous permettant de savoir dans quelle tranche se trouvent les salariés ayant droit à telle ou telle ASC. Cela fait gagner du temps”.
Une précision au sujet des justificatifs : si un salarié refuse de les fournir, le CSE ne peut pas l’exclure pour autant de l’ASC, mais il peut la limiter au minimum. Autre question pratique posée par un élu : que faire si le CSE demande un acte de naissance d’un enfant, et que ce dernier étant né à l’étranger, l’acte de naissance n’est pas rédigé en français ? “Dans ce cas, demandez au salarié de faire traduire le document”, répond Thomas Ufarte. “Et si un salarié fournit un justificatif de l’année 2021 pour une ASC proposée en 2022 ?”, demande un autre élu. Réponse du juriste : “Il faut alors répondre au salarié qu’il faut un justificatif de l’année, sinon l’Urssaf risque de redresser”.
Le rescrit social : un outil à manier avec précaution |
Le rescrit social est une demande écrite formulée par l’entreprise à l’Urssaf afin de l’interroger sur une pratique. Seul le cotisant (l’employeur) peut demander un rescrit, le CSE ne peut donc pas le faire sans son accord. Il ne pourrait agir seul que pour les cotisations qu’il aurait lui-même versées et afférentes aux salaires de ses propres employés. L’Urssaf dispose ensuite de 20 jours pour solliciter des informations complémentaires. L’absence de réponse au bout de trois mois interdit tout redressement par l’Urssaf, mais uniquement fondé sur la question qui était posée dans le rescrit. Ainsi, l’Urssaf pourra opérer un redressement sur un autre point. Il faut également rester prudent en matière de rescrit car il peut aussi être utilisé par l’Urssaf pour déclencher un contrôle. Mieux vaut donc la solliciter pour des projets que pour des ASC déjà mises en œuvre… |
Marie-Aude Grimont
Seul un abus commis dans le cadre de l’exercice du mandat syndical peut justifier une sanction disciplinaire
Le fait d’adresser à une autorité de tutelle un courrier pour faire remonter les interrogations des salariés quant aux projets de la direction ne constitue pas un abus dans la liberté d’expression et l’exercice du mandat.
Il existe une règle, plusieurs fois rappelée par la jurisprudence, d’après laquelle le représentant du personnel ne peut être sanctionné pour des faits commis dans le cadre de l’exercice de son mandat qu’en cas d’abus. A titre d’exemple, il a été jugé que le fait de prendre la défense d’un salarié à l’occasion d’une réunion commerciale ne constitue pas un abus dans l’exercice du mandat (Cass. soc., 11 déc. 2019, n° 18-16.713).
L’abus a en revanche été admis dans les situations suivantes :
- un représentant du personnel qui impose sa présence à un entretien informel entre l’employeur et un salarié et qui perturbe le déroulement de l’entretien (Cass. soc., 23 oct. 2019, n° 17-28.429) ;
- un délégué syndical qui impute une absence précipitée de l’entreprise pour aller rattraper son perroquet sur ses heures de délégation (Cass. soc., 13 janv. 2021, n° 19-20.781) ;
- des élus du personnel au comportement violent qui s’en prennent de façon agressive et réitérée à la DRH, en l’empêchant de présenter les dossiers (Cass. soc., 2 juill. 2015, n° 14-15.829).
Nouvel exemple de cette jurisprudence avec un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 septembre 2022.
Un courrier en cause
L’affaire se déroule au sein d’une association chargée d’accueillir des enfants handicapés. Reprochant à une délégué syndicale “d’avoir adressé au directeur général de l’Agence régionale de santé Grand Est un courrier mettant gravement en cause l’organisation de l’établissement et les décisions de sa directrice”, l’employeur décide de sanctionner l’intéressée par une mise à pied disciplinaire.
La déléguée syndicale porte l’affaire en justice en vue d’obtenir des prud’hommes l’annulation de la sanction disciplinaire, ainsi que des dommages-intérêts pour atteinte à l’exercice de ses fonctions représentatives du personnel.
Dans son arrêt du 28 septembre 2022, la Cour de cassation valide définitivement l’annulation par la cour d’appel de la mise à pied disciplinaire.
La liberté d’expression prévaut, sauf abus
Comme le rappellent les juges, sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression et qu’il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (article L. 1121-1 du code du travail). Il est également rappelé que “le représentant du personnel, sauf abus, ne peut être sanctionné en raison de l’exercice de son mandat pendant son temps de travail”.
Or, dans cette affaire, “la salariée avait, en sa qualité de représentante du personnel, adressé … à l’Agence régionale de santé une lettre, à la demande de salariés de l’association et en l’absence de réponse de celle-ci à leurs interrogations quant aux projets envisagés par la directrice de l’établissement et leur impact sur leurs conditions de travail et la qualité de l’accueil des résidents”. D’une part, “cette lettre ne comportait aucun élément injurieux, abusif ou excessif”. D’autre part, “l’association ne démontrait pas la mauvaise foi de la salariée”.
En conséquence, rien ne justifiait la mise à pied disciplinaire prononcée par l’employeur.
Frédéric Aouate
Raffineries Total : vers un avancement des négociations salariales ?
Hier après-midi, deux syndicats sont venus en soutien des salariés grévistes des raffineries Total qui réclament des hausses de salaires. La CGT a diffusé un communiqué de presse (en pièce jointe) dans lequel elle fustige “les élus et autres personnalités [qui] remettent en cause ce droit constitutionnel, en appelant à briser la grève par le pourrissement et y compris par le recours à la force”. Le syndicat dit avoir interpellé Elisabeth Borne “pour que s’ouvrent immédiatement, dans les raffineries comme dans toutes les branches, les négociations sur les légitimes revendications des salariés”.
Avancer les négociations salariales pour tenter de déverrouiller le conflit, c’est également le message de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, interrogé sur France 5 : “Il est juste que les salariés se battent pour une revalorisation salariale. Nos militants sont présents autour de la table de négociations. C’était prévu mi-novembre, avançons la date. Il faut débloquer cette situation indigne pour les citoyens.”
Plus tôt dans l’après-midi, le Medef a lui aussi appelé aux négociations : “Il est urgent que les syndicats saisissent la main tendue par Exxon Mobil et Total Energies pour ouvrir des négociations et trouver une solution par le dialogue social”.
actuEL CE
Prime de partage de la valeur : une instruction interministérielle est publiée
La loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (article 1er) a, en quelque sorte, pérennisé la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat depuis le 1er juillet dernier. C’est d’ailleurs la mesure phare de cette loi.
S’il ressemble beaucoup à la Pepa, ce nouveau dispositif, rebaptisé pour l’occasion prime de partage de la valeur (ou PPV), n’est pas complètement identique à la Pepa. Par exemple, il est financièrement moins intéressant puisque la défiscalisation et l’exonération de CSG/CRDS attachées à la prime sont temporaires.
Pour une application sereine du dispositif ne manquait plus qu’une instruction interministérielle. Elle est diffusée dans le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) depuis le 10 octobre.
L’instruction apporte, sous la forme d’un questions-réponses, des précisions sur les conditions d’attribution et de versement de cette nouvelle prime. Elle intègre certaines des précisions apportées par l’instruction n° DSS/5B/2021/187 du 19 août 2021 s’agissant de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat qui pouvait être versée jusqu’au 31 mars 2022.
En outre, elle indique, entre autres, que :
- la prime de partage de la valeur est bien soumise à la taxe sur les salaires lorsqu’elle est assujettie à CSG/CDRS ;
- pour bénéficier du plafond d’exonération majoré (6 000 euros), l’accord d’intéressement ou de participation volontaires doit produire ses effets au titre du même exercice que celui du versement de la prime : il doit donc être conclu avant le versement de la prime mais le dépôt de l’accord auprès de l’administration peut être lui postérieur à ce versement ;
- pour les primes bénéficiant de l’exonération temporaire de CSG/CRDS et d’impôt sur le revenu, les échéances de versement ne pourront être postérieures au 31 décembre 2023 ;
- si un salarié éligible à la prime quitte l’entreprise avant le dernier versement de la prime, le reliquat doit être versé avec le solde de tout compte.
Aucune précision nouvelle sur les critères de modulation de la prime ne figure dans l’instruction.
► L’administration invite les lecteurs à lui faire remonter les questions que ne seraient pas traitées dans l’instruction.
Nous reviendrons en détail sur le contenu de cette instruction dans une prochaine édition.
actuEL CE
Activités sociales et culturelles : un plafond de 183€ pour 2023
D’après le Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS), le plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS) s’élèvera 3 666 euros en 2023, soit une hausse de 6,9% au premier janvier (Ndlr : un arrêté devra confirmer ce nouveau plafond avant la fin de l’année). En conséquence, le seuil d’exonération des bons d’achat devrait normalement s’élever à 183 euros (soit 5 % du PMSS).
actuEL CE
Crise énergétique : panorama des mesures intéressant les entreprises
Incitations à la sobriété, aides au règlement des factures, obligations d’économie dans les commerces… Les dispositifs mis en place par le gouvernement pour contenir la crise énergétique se multiplient. Tableau récapitulatif.
L’hiver se profile. Pour éviter la pénurie d’énergie, le gouvernement a présenté jeudi dernier son fameux plan de sobriété. Les entreprises sont incitées à présenter au CSE une trajectoire de réduction de leur consommation énergétique. Le même jour, deux décrets publiés au JO limitent la consommation d’énergie des commerces dans toutes les communes. De son côté, Bercy développe son arsenal d’aide aux entreprises pour faire face à la hausse du prix de l’énergie. Le point à date sur les obligations, incitations et subventions liées à la crise énergétique qui concernent les entreprises.
Action / Mesure | Précisions | Entrée en vigueur | Nature |
Économie d’énergie | |||
Éteindre les publicités lumineuses (enseignes, panneaux, etc.) entre 01h00 et 06h00 du matin | Jusqu’ici réservée aux communes de moins 800 000 habitants, l’interdiction de laisser les publicités lumineuses allumées la nuit a été généralisée à l’ensemble des communes par un décret du 5 octobre. Certaines publicités lumineuses la nuit restent autorisées : celles des aéroports, celles éclairées par projection ou transparence supportées par le mobilier urbain et celles numériques supportées par le mobilier urbain, à condition que leurs images soient fixes. À partir du 1er juin 2023, seules les publicités lumineuses installées sur l’emprise des aéroports et celles supportées par du mobilier urbain affecté aux services de transport et durant les heures de fonctionnement desdits services pourront être allumées la nuit. En cas de non-respect, l’entreprise s’expose à une contravention de 1 500 € pour les personnes physiques, au lieu de 750 € (jusqu’à 7 500 € pour les personnes morales). | 7 octobre 2022 | Obligation |
S’équiper de systèmes de fermeture manuels ou automatiques limitant les déperditions thermiques… | Un autre décret du 5 octobre oblige les exploitants de locaux dans lesquels sont exercées des activités tertiaires marchandes ou non marchandes (commerces de prêt-à-porter, bureaux, etc.), chauffés ou refroidis à l’aide d’un ou de plusieurs systèmes de chauffage ou de climatisation et donnant sur des espaces extérieurs ou sur une partie de bâtiment non chauffée ou refroidie, de s’équiper de « systèmes de fermeture manuels ou automatiques limitant les déperditions thermiques ». | 7 octobre 2022 | Obligation |
… et fermer les portes de l’établissement en journée | Lorsqu’un ou plusieurs de ces systèmes de chauffage ou de climatisation fonctionnent, ces systèmes de fermeture ne doivent pas, en condition normale d’exploitation, être maintenus ouverts par l’exploitant du bâtiment ou de la partie de bâtiment concerné, y compris pendant les heures d’ouverture aux usagers. Cette disposition ne s’applique pas lorsque des exigences de renouvellement d’air intérieur le nécessitent afin de prévenir les risques de contamination au Covid-19. En cas de non-respect, l’exploitant s’expose à une amende administrative de 750 €. | 7 octobre 2022 | Obligation |
Plan de sobriété | |||
Adapter la température du chauffage | Le gouvernement préconise de s’assurer de la bonne fermeture des locaux chauffés et d’adapter la température des bâtiments en fonction de l’occupation et de la température extérieure : 19 °C pour les pièces occupées, 16 °C hors période d’occupation et 8 °C si les lieux sont inoccupés plus de deux jours. | Dès que possible | Incitation |
Éteindre l’éclairage intérieur des bâtiments dès inoccupation | Le gouvernement conseille également de mettre en place des automatismes de détection de présence et d’asservissement à la lumière du jour, de réduire l’éclairage extérieur, d’éteindre les lumières lors des périodes de fermeture et de réduire l’éclairage extérieur, notamment publicitaire. | Dès que possible | Incitation |
Diagnostiquer la performance des bâtiments et l’isolation des infrastructures | Il convient de vérifier l’isolation des sols, fenêtres, murs, etc. Le gouvernement propose d’installer des dispositifs de gestion technique des bâtiments. Les PME de 20 à 250 salariés peuvent se tourner vers le programme d’accompagnement diag éco-flux de Bpifrance et l’Ademe. Pour identifier les économies rapidement réalisables, les CCI et CMA proposent des accompagnements et des visites énergie. | Dès que possible | Incitation |
Instaurer un suivi précis des consommations d’énergie | En installant des outils de pilotage, de suivi, de mesure en temps réel des consommations énergétiques (eau chaude, gaz, électricité, etc.). | Dès que possible | Incitation |
Sensibiliser et former les salariés aux écogestes | En les sensibilisant à l’efficacité énergétique, en les formant aux enjeux environnementaux, en les incitant à réduire l’impact de leurs déplacements, etc. | Dès que possible | Incitation |
Relayer auprès des salariés les alertes relatives aux périodes de tension sur le réseau via le dispositif ÉcoWatt | Le dispositif Ecowatt, “sorte de météo de l’électricité en temps réel” (rouge = système électrique très tendu avec coupures possibles, orange = système électrique tendu, vert = consommation normale), a été mis en place par le gestionnaire du réseau électrique français RTE, en partenariat avec l’Ademe. Disponible depuis plusieurs années dans certaines régions de France avec le site internet MonEcoWatt (Bretagne, Provence-Alpes-Côte d’Azur), ce service serait étendu d’ici le début de l’hiver à l’ensemble du territoire à travers une application, a annoncé le gouvernement. Le site Ecowatt propose un système d’alertes vigilance coupure pour avertir les utilisateurs en cas de tensions sur le réseau électrique et de potentielles coupures de courant dans chaque région. | Dès que possible | Incitation |
Mettre en place des solutions techniques moins énergivores | Actions possibles : remplacer du matériel et équipements ; déployer des LED ou des éclairages basse consommation ; optimiser les appareils à air comprimé (recherche de fuites, arrêt des compresseurs en période d’inactivité, nettoyage des filtres, diminution de la pression des soufflettes à 2 bars, etc.), les fours, les séchoirs et ventilations, les débits et températures ; diminuer la pression du réseau vapeur ou du débit d’air ; vérifier l’état des calorifuges ; installer des portes sur les meubles frigorifiques ; vérifier le bon réglage et entretenir les chaudières, les pompes de circulation d’eau chaude, les pompes à chaleur, les systèmes de climatisation réversibles, etc. | Dès que possible | Incitation |
Intégrer des dispositions de sobriété énergétique dans les contrats fournisseurs | Sous-traitants et autres parties prenantes amont et aval, y compris les clients. | Dès que possible | Incitation |
Mettre en place des dispositifs de chauffage autonome ou de récupération de chaleur | Dès que possible | Incitation | |
Favoriser la mobilité durable | Le gouvernement préconise de : regrouper les déplacements et supprimer les déplacements inutiles (la voie aérienne, exclusivement par ligne régulière, ne devra être utilisée que lorsque le temps de trajet par voie ferroviaire est supérieur à 4 heures pour un aller ou 6 heures aller-retour dans une même journée) ; déployer le forfait mobilités durables ainsi que le dispositif crédit mobilité pour les salariés bénéficiant de véhicule de fonction ; optimiser ou créer et contractualiser avec les partenaires sociaux des plans de mobilité. | Dès que possible | Incitation |
Désigner un référent “énergie” | Le gouvernement propose de désigner ou créer dans chaque établissement un ambassadeur ou référent de la sobriété énergétique. | Dès que possible | Incitation |
Présenter une trajectoire de réduction de la consommation d’énergie | Et un plan d’actions mené en faveur de la sobriété énergétique au CSE ou aux délégués syndicaux. | Dès que possible | Incitation |
Prévoir une organisation en télétravail pour les situations d’urgence | En cas de tension particulière sur le réseau (signal ÉcoWatt rouge), le gouvernement demande aux entreprises de prévoir avec les partenaires sociaux une organisation en télétravail adaptée. “Le télétravail, associé à la fermeture des bâtiments concernés, pourrait être déclenché dans les situations d’urgence en cas de tension importante sur le réseau électrique, afin de maximiser les économies d’énergie liées à l’activité dans les bâtiments”, explique-t-il dans son dossier de presse. | Dès que possible | Incitation |
Aides aux entreprises | |||
Aide aux entreprises energo-tensives | L’aide “gaz et électricité” comprend plusieurs volets plafonnés respectivement à 2 M€, 25 M€ et 50 M€, selon les spécificités de l’entreprise. Bercy a annoncé le 5 octobre “l’extension en 2023 et la simplification à venir des aides au paiement des factures d’électricité et de gaz pour les entreprises grandes consommatrices d’énergie”. | La subvention peut couvrir la période de consommation énergétique du 1er mars 2022 au 31 décembre 2022. Les demandes peuvent être déposées entre le 4 juillet 2022 et le 24 février 2023 (attention aux périodes d’éligibilité). | Subvention |
PGE résilience | Le PGE Résilience (PGER) intervient en complément du PGE instauré avec la crise sanitaire. Il est entièrement cumulable avec le ou les PGE obtenu(s) jusqu’au 30 juin 2022. Le plafond des PGER est égal à un montant correspondant à 15 % du chiffre d’affaires (CA) moyen réalisé sur les trois derniers exercices comptables clôturés. À noter, des prêts bonifiés résilience au taux de 2,25 % sont également disponible pour les PME et ETI n’ayant pas obtenu en tout ou partie de PGE, ayant des perspectives réelles de redressement de leur exploitation et ne faisant pas l’objet de procédures collectives (cf. CODEFI et CRP) | Disponible depuis le 8 avril et jusqu’au 31 décembre 2022 | Prêt |
Bouclier tarifaire | Le bouclier tarifaire, déjà prolongé jusqu’en décembre 2022 pour le gaz, et jusqu’au 1er février 2023 pour l’électricité, serait reconduit en 2023, a annoncé le gouvernement début septembre. Les TPE (< 10 salariés et chiffre d’affaires, recettes ou total du bilan annuel < 2 M€) ayant une puissance de compteur inférieure ou égale à 36 kVA et souscrit à une offre de fourniture d’électricité aux tarifs réglementés de vente (TRV) bénéficieraient en 2023 d’une hausse des tarifs d’électricité limitée à 15 % (au lieu de 4 % en 2022). | Pour l’instant, jusqu’au 31 décembre 2022 | Aide forfaitaire |
Mise en place d’une garantie de l’État pour réduire le risque de défaut de l’entreprise cliente d’un fournisseur | Le gouvernement a annoncé la mise en place dès le PLF 2023 d’une garantie de l’État pour réduire le risque de défaut de l’entreprise cliente d’un fournisseur. “L’État viendra contre-garantir les cautions bancaires demandées lors de la souscription de contrats de fourniture d’énergie et réassurer les contrats de fourniture d’énergie couverts par des assureurs crédits”, précise-t-il dans son communiqué du 5 octobre. | À venir | Garantie |
Publication d’un prix de référence de l’électricité | Le gouvernement a également annoncé le 5 octobre la “publication à venir par la CRE d’un prix de référence de l’électricité pour plusieurs profils de consommateurs professionnels”. “Cet indicateur permettra aux entreprises et collectivités de comparer ce prix de référence avec l’offre reçue d’un fournisseur avant de s’engager”. | À venir | Soutien |
Charte des fournisseurs | Une charte comprenant 25 engagements a été signée par des fournisseurs (EDF, Engie, TotalEnergies, GEG, Seolis, Soregies, Alterna Energies) et des associations de fournisseurs (AFIEG, UFE, UNELEG, ANODE, ELE) “pour aider les consommateurs [dont les entreprises] à faire face à la crise énergétique”. Parmi ces engagements : prévenir les entreprises de la fin de validité de leur contrat au moins 2 mois en avance ; favoriser la mise en place des facilités de paiement pour les entreprises en difficulté ; informer les entreprises sur les risques et opportunités des offres commerciales ayant différentes maturités d’engagement et niveau d’exposition au marché. | 5 octobre, à venir | Engagement |
Recours en cas de litige avec un fournisseur | Pour résoudre les litiges en matière d’énergie, les TPE (< 10 salariés et chiffre d’affaires, recettes ou total du bilan annuel < 2 M€) peuvent saisir le médiateur national de l’énergie. Les autres entreprises peuvent saisir le médiateur des entreprises ou, si le litige concerne le fournisseur EDF ou le fournisseur ENGIE, le médiateur de ces entreprises. | Contact |
Matthieu Barry
Violation du statut protecteur : précisions sur les droits à congés payés en cas de départ en retraite
En cas de licenciement en violation du statut protecteur, un salarié protégé demandant sa réintégration puis faisant valoir ses droits à la retraite a droit au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés, sauf pour la période d’exclusion pendant laquelle il a occupé un autre emploi.
Dans cette décision du 21 septembre 2022, la Cour de cassation apporte une précision importante sur l’indemnisation des congés payés dans le cas du salarié protégé ayant demandé sa réintégration mais ayant fait valoir ses droits à la retraite avant d’être réintégré. L’arrêt sera publié au rapport annuel de la Cour de cassation, et fait l’objet d’une notice explicative.
Départ à la retraite avant réintégration
Dans cette affaire, un salarié protégé est licencié sans autorisation administrative. Il saisit le conseil de prud’hommes aux fins de déclarer son licenciement nul et d’ordonner sa réintégration. Presque trois ans plus tard, l’instance est toujours en cours, et le salarié, qui n’a pas été réintégré, fait valoir ses droits à la retraite. Le salarié demande notamment le paiement des congés payés assis sur l’indemnité due au titre de la violation de son statut protecteur.
La cour d’appel refuse au motif que cette indemnité n’ouvre pas droit aux congés payés. Le salarié conteste. Pour lui, “un salarié dont le licenciement est annulé par une décision judiciaire en raison de la violation de son statut protecteur contre le licenciement a droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de son départ à la retraite”.
Droit à l’indemnisation des congés payés pour la période d’éviction
La Cour de cassation donne raison au salarié protégé. Ainsi, conclut la chambre sociale, “le salarié protégé, dont le licenciement est nul en l’absence d’autorisation administrative de licenciement et qui a demandé sa réintégration, a fait valoir, ultérieurement, ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration dans l’entreprise, l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur ouvre droit au paiement, au titre des congés payés afférents, à une indemnité compensatrice de congés payés. Dans l’hypothèse où le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de son départ à la retraite, il ne saurait toutefois prétendre, à l’égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi”.
En d’autres termes, même si la réintégration devient impossible du fait de son départ en retraite, le salarié protégé licencié en violation de son statut protecteur a droit à l’indemnité compensatrice pour les congés payés entre la date de son éviction et la date de son départ en retraite, déduction faite, le cas échéant, de la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi.
► Pour justifier sa solution, comme elle l’explique dans la notice explicative de l’arrêt, la Cour de cassation s’appuie sur sa jurisprudence et sur celle de la Cour de justice de l’Union européenne.
Séverine Baudouin
Ce que prévoit le PLFSS 2023 en matière de contrôle Urssaf
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 (PLFSS) a été déposé à l’Assemblée nationale le 26 septembre dernier. Il sera discuté en séance publique à compter du 20 octobre. Plusieurs mesures viennent modifier les règles du contrôle Urssaf.
L’article 6 (I, 7°) prévoit de pérenniser la limitation à 3 mois de la durée totale du contrôle Urssaf (de l’annonce de son engagement à sa clôture) dans les entreprises de 10 à moins de 20 salariés. Cette mesure était en expérimentation depuis 2018. Cette durée ne pourrait cependant pas s’appliquer en cas de travail dissimulé, obstacle à contrôle, abus de droit, comptabilité insuffisante, ou document inexploitable. De même en présence d’une documentation transmise par le cotisant plus de 15 jours après la réception de la demande de l’agent de contrôle et en cas de demande de report d’une visite de l’agent par la personne contrôlée.
L’article 6 (I, 5°) prévoit que l’agent de contrôle serait autorisé à utiliser les documents et informations obtenus lors du contrôle de toute personne appartenant au même groupe que la personne qu’il contrôle. Ce nouveau droit serait assorti de garanties pour le cotisant : il serait informé de la teneur et de l’origine des documents ou informations obtenus sur lesquels le contrôleur se fonde et une copie des documents lui serait communiquée sur sa demande.
Enfin, l’article 41 (I, 3°) prévoit que les greffiers des tribunaux de commerce soient autorisés à transmettre aux agents des organismes de protection sociale et de l’État des renseignements et documents recueillis dans l’exercice de leur mission et faisant présumer des fraudes en matière de cotisations et prestations sociales.
Ces mesures entreraient en vigueur au 1er janvier 2023.
actuEL CE
Les entreprises françaises sont-elles devenues dépendantes des aides publiques ?
Réalisé pour la CGT, un rapport de l’Ires, l’institut de recherches économiques et sociales, évalue à 157 milliards (dont 60 milliards d’exonérations de cotisations) le montant des aides publiques aux entreprises. Les auteurs mettent en question l’évaluation et l’efficacité de ces aides, la politique d’exonération des cotisations patronales et d’abaissement du coût du travail pouvant même dissuader, selon eux, les entreprises d’investir dans l’innovation et la productivité.
L’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) vient de publier un document de recherche sur les aides publiques aux entreprises réalisé à la demande de la CGT (1). Intitulé “Un capitalisme sous perfusion”, ce document de 212 pages évalue à 157 milliards d’euros le montant des aides publiques aux entreprises en 2019. “Ce chiffrage résulte du cumul des dépenses fiscales (61 mds €), socio-fiscales (65 mds €), et budgétaires (32 mds €), sans prendre en compte des dépenses fiscales déclassées”, peut-on lire dans la conclusion générale de cette étude.
Les auteurs soulignent que le poids du soutien public aux entreprises a plus que doublé depuis le début des années 2000, passant de 3 % du produit intérieur brut (PIB) égal à environ 6,44 % en 2019, c’est-à-dire avant les mesures d’urgence prises durant la crise sanitaire. Selon le rapport, les masses en jeu sont considérables : “Rapportées au budget de l’État (y compris les dépenses socio-fiscales), elles représentent plus de 30% des dépenses du budget inscrit dans le PLF 2021, soit encore presque trois fois le budget de l’éducation nationale pour 2022, ou 1,5 fois les dépenses consacrées aux soins hospitaliers en 2020 (cumul établissements publics et privés)”.
Focus sur le choix politique de baisser le coût du travail
L’étude comporte de multiples volets sur les taux de prélèvements obligatoires, sur l’innovation et le Crédit d’impôt recherche avec une appréciation très négative sur ce dispositif, etc. Nous n’aborderons ici que la partie relative au coût du travail et aux aides publiques aux entreprises destinées à faire baisser ce coût du travail (pages 81-116 du rapport). Ce chapitre traite des exonérations générales de cotisations patronales mises en place depuis 1993 et développées depuis, ainsi que le Crédit d’impôt crédit compétitivité emploi (CICE) lancé par François Hollande en 2013.
Cette politique se justifie, explique l’étude, par l’idée que la France aurait un coût du travail trop élevé. Cela entraînerait deux conséquences : un chômage important pour les travailleurs non qualifiés et des pertes de marché à l’exportation pour les entreprises françaises, celles-ci étant désavantagées par leurs concurrents étrangers.
Pour remédier à ces conséquences, ces dispositifs, utilisés par la droite (gouvernements Balladur, Juppé, Raffarin avec François Fillon ministre des Affaires sociales en 2003) comme par la gauche (gouvernement Jospin avec les compensations liées aux 35 heures, gouvernement Ayrault pour le CICE) ont représenté au fil des ans une importance croissante, de l’ordre de 60 milliards d’euros en 2019 selon l’évaluation du CAE, le Conseil d’analyse économique.
Ce total comprend :
- 24 milliards d’euros (mds €) pour les allégements généraux de cotisations sociales patronales Fillon;
- 22 mds € pour la transformation du CICE (Ndlr : en baisse pérenne de cotisations);
- 4 mds € pour le PRS (pacte de responsabilité et de solidarité, visant à approfondir la politique du CICE) de 2015;
- 4 mds € pour le PRS de 2016;
- 3,5 mds € pour la compensation de la hausse de l’impôt sur les sociétés due à la transformation du CICE.
Comment évaluer les effets de ces exonérations ?
Quels effets ont donc produit ces aides ? s’interrogent ensuite les auteurs. Ceux-ci battent en brèche le relatif consensus autour de l’idée selon laquelle l’ensemble des exonérations de cotisations patronales auraient permis de sauvegarder et créer environ 800 000 emplois. Cette estimation, notent-ils, repose sur l’extrapolation d’une autre étude, dont les auteurs (Crépon et Desplatz) soulignent qu’elle ne vaut que pour les dispositifs en vigueur de 1994 à 1997, ce chiffre de 800 000 ayant alors été répété d’étude en étude sans être réellement mis en question. Les auteurs de l’étude pour la CGT discutent ce chiffre en citant d’autres évaluations, plus modestes : certaines avancent 60 000 emplois, d’autres 165 000 emplois de 1993 à 1997, “cette augmentation plus modérée de l’emploi s’expliquant par le fait que les créations d’emplois non-qualifiés sont en grande partie compensées par des destructions d’emplois qualifiés”.
Surtout, les chercheurs soulignent d’une part que ces exonérations portant sur l’ensemble des entreprises, il est très difficile de constituer des groupes de traitement et de contrôle pour évaluer leurs effets, et d’autre part que ces politiques sont “à chaque fois annoncées à l’avance et anticipées par les entreprises, de sorte qu’il n’est pas possible de savoir à quel moment l’emploi a été influencé”. Sur les exonérations, une étude (Aiza Garsaa et Nadine Levratto) tend même à montrer en 2019 un effet “négatif” de la réduction du coût du travail sur la probabilité d’exporter.
Comment serait-ce possible ? L’effet négatif des exonérations des cotisations sociales patronales sur les exportations s’expliquerait “par la perte de compétitivité liée à la dégradation des qualifications de la main d’œuvre”. Enfin, les causes de l’évolution de l’emploi sur la période ne sont pas si évidentes à rapporter aux exonérations. Par exemple, entre 1994 et 1997, le travail à temps partiel est passé de 14,8% à 16,8% de l’emploi total, cette augmentation représentant les trois-quarts de la progression de l’emploi sur la période, d’autant que les temps partiels concernent surtout les entreprises de bas salaires.
Et si le CICE avait dégradé l’investissement et la compétitivité ?
Quant au Crédit d’impôt compétitivité d’emploi (CICE), on connaissait déjà les grandes difficultés éprouvées par France Stratégie pour tenter d’en mesurer les conséquences sur l’emploi et déceler un effet sur l’augmentation des exportations des entreprises françaises. Le rapport rédigé pour la CGT insiste sur cette difficulté, et pointe que la plupart des études existantes font ressortir “un impact modéré, voire faible sur les créations d’emplois”. Cela n’empêche pas le Conseil d’analyse économique, regrettent les auteurs, de préconiser de cibler la baisse de coût sur les bas salaires et d’opter pour une politique de modération des coûts salariaux.
A ce pari, les chercheurs opposent une discussion intéressante sur les effets attendus du CICE : “Accroître la profitabilité des entreprises aujourd’hui en baissant leurs coûts peut éventuellement les amener à croire à une profitabilité future élevée, mais rien ne le garantit. En revanche, baisser le coût du travail peut produire d’autres effets que les économistes qualifieraient “d’adverses”. En particulier, la baisse du coût du travail pourrait décourager les entreprises à investir (..) Baisser le coût du travail désincite à le remplacer par du capital, ce qui signifie qu’il décourage l’investissement productif” voire réduit les gains de productivité.
Contre-intuitive, cette hypothèse selon laquelle ajouter de nouveaux dispositifs d’exonération dégraderait in fine les gains de productivité ne serait pas si récente, ajoutent les auteurs de l’étude. Ceux-ci citent une étude de 2014 sur la révolution industrielle britannique : “C’est le coût relatif du travail élevé par rapport aux coûts de l’énergie et du capital qui a incité les entreprises à innover afin de les substituer, c’est-à-dire augmenter la productivité du travail”. Par ailleurs, le rapport s’inquiète d’un “phénomène d’accoutumance”, les entreprises devenant dépendantes des aides publiques.
Sur ce chapitre, la conclusion des auteurs est sans appel, et mériterait sans nul doute d’être discutée tant elle va à rebours de l’interprétation courante :
“Les dispositifs de réduction du coût du travail découragent les entreprises à investir pour renouveler leur équipement productif et améliorer la productivité du travail. Ce faisant, ils réduisent progressivement la compétitivité des firmes, ce qui est interprété par le politique comme une justification à de nouveaux dispositifs d’aide et de politiques de modération salariale entretenues également par la concurrence internationale dans un cercle vicieux”.
- Les auteurs de ce rapport sont Aïmane Abdelsalam, Florian Botte, Laurent Cordonnier, Thomas Dallery, Vincent Duwicquet, Jordan Melmiès, Simon Nadel, Franck Van de Velde, Loïck Tange. Ces auteurs sont tous membres du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), à l’exception de Florian Botte qui est membre du LEM (Lille Économie Management) et qui, comme T. Dallery enseigne, non pas à l‘université de Lille, mais à l’université du Littoral-Côte d’Opale.
Bernard Domergue
Grève dans les raffineries : Solidaires soutient, la CFE-CGC “comprend”, la CGT se retire des réunions sur les retraites
La pression est montée d’un cran dans le conflit social qui oppose les syndicats de TotalÉnergies et d’Esso-ExxonMobil depuis qu’Élisabeth Borne a annoncé l’organisation de réquisitions de personnel. Dans un communiqué de presse, la CGT a annoncé “suspendre, de ce fait, toutes les participations aux réunions avec le gouvernement et le patronat dans la période”. Cela peut donc concerner aussi bien le cycle de réunions en cours sur les retraites (emploi des séniors et usure professionnelle) que les prochaines réunions sur l’assurance chômage dont la première se tiendra lundi 17 octobre.
De son côté, la CFE-CGC a pris position sur le conflit des raffineries. Si elle a toujours été favorable à la négociation au préalable à toute action de grève ou de blocage”, elle relève que “de nombreux salariés de l’encadrement nous font cependant part de leur fort mécontentement quant au manque de reconnaissance de l’entreprise et comprennent le mouvement en cours”. En un mot, le syndicat des cadres ne soutient pas la grève mais comprend le mouvement. Le communiqué ajoute avoir alerté depuis plusieurs mois sur le mauvais climat social au sein de TotalÉnergies, et rappelle les bénéfices de plus de 18 milliards d’euros réalisés par l’entreprise en 2021.
Solidaires a fait connaître son soutien au mouvement de grèves, considérant qu”‘un gouvernement n’a pas à s’ériger en arbitre de la légitimité d’une grève, ni à se transformer en casseur de grève”. Le syndicat appelle au soutien des grévistes “menacés de réquisition dans les Bouches du Rhône, le Rhône et en Seine Maritime et à organiser des rassemblements unitaires (…) le plus rapidement possible sur tout le territoire”.
actuEL CE