Comité des activités sociales et culturelles interentreprises (CASCI) : le contentieux est judiciaire
Il appartient à la juridiction judiciaire de connaître de la demande tendant à l’annulation de la décision administrative relative à la mise en place du comité des activités sociales et culturelles interentreprises (CASCI), celui-ci étant assimilé par la loi au CSE.
Le comité interentreprises, rebaptisé en 2017 “comité des activités sociales et culturelles” (CASCI), peut être créé lorsque plusieurs entreprises possèdent ou envisagent de créer certaines institutions sociales communes. Dans ce cas, les CSE concernés constituent un CASCI investi des mêmes attributions que les CSE eux-mêmes dans la mesure nécessaire à l’organisation et au fonctionnement de ces institutions communes.
Le CASCI est composé d’un représentant des chefs d’entreprise, et de représentants des salariés, désignés par les CSE, selon des modalités fixées par les articles R. 2312-45 et R.2312-46 du code du travail. Si l’accord est impossible, l’inspecteur du travail décide de la répartition des sièges entre les représentants des salariés des entreprises considérées. Le silence gardé pendant plus de 4 mois par le ministre compétent saisi d’un recours hiérarchique vaut décision de rejet. Mais qu’en est-il du recours contre cette décision administrative, le cas échéant ? Le code du travail ne prévoit en effet rien à cet égard.
Le tribunal du conflit tranche cette question dans un jugement du 10 octobre 2022.
Création d’un CASCI entre plusieurs CSE
Dans cette affaire, les comités d’entreprise de sept sociétés sont adhérents au comité interentreprises “CIE 3 chênes”. En 2018, par résolution, ce CIE décide de prendre la forme d’un comité des activités sociales et culturelles interentreprises (CASCI).
► En effet, suite à l’ordonnance du 23 septembre 2017 n° 2017-1386 relative au CSE, le comité interentreprises devient le comité des activités sociales et culturelles interentreprises. Il reste identique en substance, le changement de nom tendant seulement à éviter toute confusion avec le nouveau “CSE interentreprises” (instance conventionnelle entre des entreprises juridiquement distinctes sur un même site ou une même zone qui partagent des problèmes communs, s’apparentant aux anciens délégués de site, dont les dispositions ont été abrogées).
Les sociétés ont contesté ce changement de forme, et le CASCI a saisi l’inspecteur du travail d’une demande de répartition des sièges.
Par décision du 29 avril 2021, l’inspecteur du travail a réparti les sièges du CASCI en fonction de l’effectif des entreprises et a décidé que l’élection des délégués se fera au scrutin uninominal majoritaire à un tour. Le recours formé devant le ministre du travail est implicitement rejeté, à la suite de quoi, les sociétés ont saisi le tribunal administratif d’un recours en annulation contre la décision de l’inspecteur du travail. Mais le tribunal, estimant que ce litige posait une difficulté sérieuse, a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider de la question de compétence, par application de l’article 35 du décret du 27 février 2015.
Compétence de l’inspecteur du travail en l’absence d’accord
Le Tribunal des conflits commence par rappeler les dispositions relatives au CASCI (C. trav., art. R.2312-43 et s.), et notamment que lorsque l’accord relatif à la représentation des salariés des différentes entreprises concernées est impossible, c’est l’inspecteur du travail qui décide de la répartition des sièges entre les représentants des salariés des entreprises intéressées.
Puis les juges rappellent qu’en matière d’élections professionnelles, le juge judiciaire est compétent pour connaître des recours contre les décisions administratives relatives à l’organisation des élections des membres du CSE et du CSE central (litige sur la répartition des sièges entre les catégories de personnel et les collèges, et dérogation à l’ancienneté en matière d’électorat et d’éligibilité) (C. trav., art. L. 2314-13 et L. 2314-25), et à la reconnaissance d’établissements distincts pour l’élection du CSE au niveau de l’entreprise ,de l’établissement (C. trav., art. L.2313-5 et L. 2316-8) ou de l’UES (C. trav., art. L. 2313-8).
Compétence du juge judiciaire en matière de décisions administratives relatives aux élections professionnelles
Et d’en déduire, que “par ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires préparatoires à leur adoption, le législateur a entendu que l’ensemble des décisions de l’autorité administrative se rapportant à l’organisation des élections des comités sociaux et économiques relève du juge judiciaire. Il doit en aller de même des décisions de l’inspecteur du travail, prises en application de l’article R. 2312-46 du code du travail, comme des décisions du ministre du travail en cas de recours hiérarchique formé devant lui, relatives à l’organisation de la représentation des salariés au sein du comité des activités sociales et culturelles interentreprises, qui est assimilé par la loi au comité social et économique”.
Assimilation par la loi du CASCI au CSE
Ainsi, le CASCI étant assimilé par la loi au CSE, il en résulte qu’il appartient à la juridiction judiciaire de connaître de la demande tendant à l’annulation de la décision du 29 avril 2021par laquelle l’inspecteur du travail a déterminé les modalités de l’élection des délégués du CASCI “CIE 3 Chênes”.
Cette solution a bien sûr une portée générale et ne se réduit pas à cette décision administrative précise.
► Cette solution confirme un ancien arrêt de 1982 ayant décidé que les contestations relatives à la désignation des membres du comité interentreprises relevaient de la compétence du tribunal d’instance (Cass. soc., 7 janv. 1982, no 81-60.879). Toutefois, un arrêt de 2014 pose question : celui-ci précise qu’il ne résulte d’aucun texte relatif au comité interentreprises que le jugement qui tranche une contestation relative aux élections à ce comité est rendu en dernier ressort (Cass. soc., 25 juin 2014, no 13-24.982). Il en résulterait que, contrairement au reste du contentieux électoral, la décision du tribunal judiciaire relative à la mise en place de ce comité serait susceptible d’appel. Il nous semble que cette solution est remise en cause, le Tribunal des conflits ayant réitéré que le CASCI est assimilé par la loi au CSE.
Séverine Baudouin
Prise en charge des cotisations syndicales par l’employeur : les syndicats non représentatifs ne peuvent pas être exclusy
Un accord collectif peut prévoir la prise en charge d’une partie des cotisations syndicales annuelles par l’employeur. Mais l’accord doit respecter certains principes rappelés par la Cour de cassation dans cet arrêt du 28 septembre 2022, comme par exemple le respect de la liberté de choix du salarié : un accord réservant cette prise en charge aux seuls syndicats représentatifs n’est donc pas licite.
La principale source de financement d’un syndicat réside dans les cotisations versées par les adhérents. Ces cotisations sont un critère de représentativité du syndicat, elles reflètent notamment son indépendance et sa capacité à agir, grâce à ses ressources, dans l’intérêt des salariés qu’il représente. Pour ces raisons, l’employeur ne peut, en aucun cas, prélever les cotisations syndicales sur les salaires de son personnel pour les payer aux lieu et place de celui-ci (C. trav., art. L. 2141-6).
Malgré cela, les employeurs peuvent tout de même participer au financement des syndicats, en prévoyant par exemple, par accord collectif, une prise en charge d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles. Mais à certaines conditions seulement. Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle ces conditions, qu’elle avait elle-même définies dans un arrêt du 27 janvier 2021 (Cass. Soc., 27 janv. 2021, n° 18-10.672.
Un accord collectif prévoit la prise en charge patronale des cotisations syndicales des salariés
Le litige porte ici sur la disposition d’un accord collectif qui prévoit le remboursement, par l’employeur, aux salariés syndiqués, du reste à charge des cotisations syndicales individuelles versées aux syndicats représentatifs, après soustraction de la partie fiscalement déductible de l’impôt sur le revenu. Ce remboursement est effectué par l’intermédiaire des syndicats et d’un officier ministériel.
Demande d’annulation de la disposition conventionnelle
Un syndicat demande l’annulation de cette disposition. Il estime que la prise en charge patronale ainsi prévue ne répond pas aux exigences posées par la Cour de cassation en la matière. En effet, cette prise en charge ne s’applique qu’aux cotisations syndicales versées aux syndicats représentatifs, ce qui porte atteinte au principe d’égalité avec les syndicats non représentatifs. En outre, elle concerne, après soustraction de la partie fiscalement déductible de l’impôt sur le revenu, la totalité du reste à charge des cotisations versées, ce qui porte atteinte au principe d’indépendance du syndicat.
La cour d’appel a pourtant validé la disposition conventionnelle. Elle relève que le remboursement de la part de reste à charge au titre de l’impôt sur le revenu est réalisé par le syndicat et non l’employeur. De plus, selon elle, le fait de créer un dispositif plus favorable pour les syndicats représentatifs n’est pas discriminatoire. Il s’agit d’accorder un avantage à ces syndicats sans priver les autres des moyens qui leur sont légalement attribués. En outre, cette différence de traitement est justifiée par une raison objective et matériellement vérifiable qui est de préserver l’indépendance syndicale et d’inciter à l’engagement syndical, afin de renouveler les membres des syndicats compte tenu des perspectives démographiques de départ de nombreux adhérents.
Annulation du dispositif par la Cour de cassation
La Cour de cassation invalide le raisonnement de la cour d’appel. Elle rappelle les principes posés par l’arrêt du 27 janvier 2021 (Cass. Soc., 27 janv. 2021, n° 18-10.672), repris par le syndicat dans son argumentaire, et annule le dispositif conventionnel.
En effet, un accord collectif peut instituer des mesures de nature à favoriser l’activité syndicale, et dans ce cadre, en vue d’encourager l’adhésion des salariés de l’entreprise aux organisations syndicales, prévoir la prise en charge par l’employeur d’une partie du montant des cotisations syndicales annuelles. Mais, à plusieurs conditions seulement :
- cela ne doit pas porter atteinte à la liberté du salarié d’adhérer ou de ne pas adhérer au syndicat de son choix ;
- cela ne doit pas permettre à l’employeur de connaître l’identité des salariés adhérant aux organisations syndicales ;
- cela doit bénéficier tant aux syndicats représentatifs qu’aux syndicats non représentatifs dans l’entreprise.
En outre, le montant de la participation ne doit pas représenter la totalité du montant de la cotisation due par le salarié, le cas échéant après déductions fiscales. Si tel était le cas, cela serait en contradiction avec le critère d’indépendance posé par l’article L. 2121-1 du code du travail, nécessaire à l’établissement de la représentativité d’un syndicat.
Le dispositif en place ne répond pas aux exigences de la Cour
La disposition conventionnelle en question réserve cette prise en charge aux syndicats représentatifs, et prévoit, au-delà de la déduction de l’impôt sur le revenu, un remboursement intégral du reste à charge des cotisations dues par le salarié. Les conditions posées par la Cour de cassation pour la validité d’un dispositif de prise en charge des cotisations syndicales ne sont donc pas respectées.
Cependant, au regard des conséquences manifestement excessives qu’une annulation rétroactive pourrait avoir, la Cour de cassation décide de différer les effets de cette annulation. En effet, cela créerait une situation délicate pour les adhérents bénéficiaires qui ont déjà versé leurs cotisations aux organisations syndicales représentatives en considération du remboursement du reste à charge. Cette annulation ne sera donc effective que pour les cotisations versées à compter du 1er janvier 2024.
► Remarque : le report, par le juge, des effets de l’annulation d’un accord collectif pour l’avenir est une possibilité offerte par l’article L. 2262-15 du code du travail. La Cour de cassation avait d’ailleurs déjà eu recours à ce mécanisme, auquel elle avait apporté des précisions d’application dans un arrêt du 13 janvier 2021 (Cass. Soc., 13 janv. 2021, 19-13.977).
Juliette Renard
Salarié protégé : des propos racistes et sexistes récurrents justifient son licenciement pour faute
Les propos racistes et sexistes d’un salarié protégé visant systématiquement et de manière répétée des salariées, sous sa responsabilité, ayant pour point commun d’être des femmes supposément d’origine maghrébine et de confession musulmane, justifient son licenciement pour faute.
Pour autoriser le licenciement pour faute d’un salarié protégé, l’inspecteur du travail doit rechercher si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi.
Dans cet arrêt publié le 7 octobre 2022, le Conseil d’État se prononce sur le cas d’un salarié protégé cadre ayant proféré à plusieurs reprises des propos racistes et sexistes envers ses subordonnées.
Des propos “brutaux et maladroits”
Dans cette affaire, un salarié protégé chef de service prononce, à l’encontre de trois salariées de son service, “des propos faisant explicitement référence, d’une part, au sexe de ces salariées et, d’autre part, à leur origine et à leur religion supposées, propos que la cour a qualifiés de ” brutaux ou maladroits”, ” déplacés et sexistes “, et présentant un caractère blessant pour leurs destinataires”.
Toutefois, la cour administrative d’appel, prenant en compte l’existence de tensions entre le salarié protégé et son employeur et l’absence d’antécédents disciplinaires de ce dernier, estime que le fait d’avoir proféré de tels propos ne constitue pas une faute d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
► Remarque : en effet, la jurisprudence prend en compte les tensions dans l’entreprise, l’ancienneté et les antécédents disciplinaires des salariés en cause dans leur appréciation de la faute pour justifier ou non le licenciement du salarié protégé (Guide DGT sur les salariés protégés, 20 sept. 2019, fiche 6, page 51).
Pas des “propos triviaux”
Le Conseil d’État n’a pas la même analyse. Pour lui, les propos tenus par le salarié “visaient systématiquement et de manière répétée des salariées ayant pour point commun d’être des femmes, supposément d’origine maghrébine et de confession musulmane, qui, au surplus, se trouvaient sous sa responsabilité, et ne pouvaient, dès lors qu’ils revêtent un caractère raciste pour certains, et sexiste pour d’autres, être réduits à des propos triviaux”.
Ces faits sont donc d’une gravité suffisante de nature à justifier le licenciement disciplinaire du salarié protégé, peu important l’existence de tension ou le passé disciplinaire vierge du salarié.
► Ndlr : ce n’est pas la première fois que le Conseil d’État considère que des propos racistes ou sexistes sont des faits d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement d’un salarié protégé (CE, 10 juill. 1995, n° 133802 ; CE, 24 nov. 2006, n° 282374). Cette décision du 7 octobre 2022, publiée, semble vouloir insister sur la gravité de ces faits, et ce malgré les circonstances extérieures comme l’absence de sanctions disciplinaires ou les tensions dans l’entreprise.
Séverine Baudouin
Elections professionnelles et données personnelles : la Cnil rappelle les principes à suivre
Dans un document publié sur son site, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) recense les réponses aux questions qui lui sont le plus fréquemment posées sur la collecte et l’utilisation de données des électeurs pour l’organisation des élections professionnelles.
Dans les mois à venir, de nombreuses entreprises seront amenées à organiser des élections professionnelles pour renouveler leur CSE. Ce questions-réponses de la Cnil, la Commission nationale informatiques et libertés, rappelle les principes relatifs à l’utilisation des données personnelles des électeurs.
Listes électorales
C’est le protocole préélectoral qui précise les mentions devant figurer sur la liste électorale. La Cour de cassation a indiqué que seules les informations suivantes doivent y figurer :
- nom, prénom ;
- âge ;
- appartenance à l’entreprise ;
- ancienneté (minimum 3 mois).
En effet, ces mentions déterminent la qualité d’électeur et permettent le contrôle de la régularité de la liste. En outre, elles permettent l’organisation des opérations électorales. En revanche, les informations comme l’adresse du domicile n’ont pas à figurer sur la liste électorale, sauf cas très particulier (salariés à domicile par exemple).
► Remarque : la Cnil apporte également des précisions sur les informations demandées aux fonctionnaires et agents publics. Une autre question traite du statut des centres de gestion assurant l’organisation des élections professionnelles pour le compte des collectivités territoriales.
Vote électronique
Prestataire de solution de vote électronique
La Cnil explique que le prestataire de solution de vote électronique mettant en œuvre les élections professionnelles pour le compte de l’organisateur de l’élection est en principe un sous-traitant au sens du RGPD (règlement général de protection des données). En effet, il traite des données personnelles des électeurs pour le compte et sur instruction de l’organisateur de l’élection, l’employeur, afin de répondre exclusivement aux besoins de l’organisateur de l’élection tenu d’assurer le renouvellement des représentants du personnel.
Le traitement est effectué par le prestataire à la demande de l’organisateur de l’élection qui en fixe les caractéristiques essentielles (finalité, nature des données collectées, durée de conservation des données, mesures de sécurité, etc.). Les données personnelles des électeurs (adresses email professionnelles, coordonnées postales, matricule salarié non public etc.) sont transmises au prestataire par l’organisme responsable de l’organisation de l’élection.
► Remarque : la qualification de sous-traitant implique l’application de l’article 28 du RGPD. Ainsi, le responsable de traitement (l’employeur) et le sous-traitant doivent conclure un contrat incluant plusieurs mentions obligatoires. Le contrat doit définir clairement l’objet, la durée, la nature et la finalité du traitement, ainsi que les catégories de données à caractère personnel et les catégories de personnes concernées. Le sous-traitant doit offrir des garanties suffisantes pour répondre aux exigences du RGPD, ce dont le responsable de traitement doit s’assurer.
Expert indépendant
La question est celle de la qualification de l’expert indépendant au sens du RGPD. La Cnil explique que le cadre d’intervention de l’expert étant variable, sa qualification doit être analysée au cas par cas. L’expert indépendant ne traite généralement pas de données personnelles lors de son expertise de la solution de vote électronique et du processus électoral.
Dans le cas où l’expert aurait accès à ces données de manière purement accessoire et très limité dans la pratique, il pourrait être considéré qu’il n’opère pas de traitement de données personnelles. Ainsi, l’expert ne serait ni sous-traitant ni responsable de traitement. Lorsque l’expert traite des données personnelles, l’analyse peut être guidée par les lignes directrices du Comité européen de la protection des données sur les notions de responsable de traitement et de sous-traitant, qui livrent un certain nombre de précisions et d’exemples ainsi qu’un arbre de décision.
Si votre situation correspond aux critères ci-dessous (qui composent un faisceau d’indices), il est très probable que l’expert soit sous-traitant :
- l’expert est mandaté pour effectuer un traitement de données spécifique et a reçu des instructions détaillées en la matière ;
- l’expert ne pourra pas traiter les données auxquelles il a accès pour d’autres finalités que celles indiquées par le responsable de traitement (c’est-à-dire pour une finalité qui lui est propre) ;
- l’expert ne tirera aucun bénéfice du traitement autre que la simple rémunération de ses services et ne réexploite pas les données pour son compte ;
- le responsable de traitement exerce un contrôle des activités de traitement de l’expert afin de s’assurer que celui-ci respecte les instructions et les stipulations contractuelles.
Si la plupart des critères ci-dessus ne correspondent pas à la situation, le faisceau d’indices pourrait plutôt pencher vers la qualification de l’expert en tant que responsable de traitement. Concernant le champ de l’expertise elle-même, la Cnil considère qu’elle doit couvrir l’intégralité du dispositif installé avant le scrutin (logiciel, serveur, etc.), la constitution des listes d’électeurs et leur enrôlement, ainsi que le fonctionnement du système de vote durant le scrutin et les étapes postérieures au vote (dépouillement, archivage, etc.).
L’expertise concerne ainsi plusieurs aspects du dispositif de vote :
- le logiciel de vote en lui-même ;
- l’organisation du scrutin (constitution des listes électorales, envoi des identifiants de connexion aux électeurs, information, etc.) ;
- le déploiement du système de vote ;
- le scrutin en lui-même.
Dans le cas où l’organisateur de l’élection met en place un système de vote pour plusieurs entités, une seule et même expertise peut être réalisée pour garantir la conformité du logiciel de vote, du mode d’organisation du scrutin et du déploiement du système de vote, à la condition que ces derniers soient parfaitement identiques pour toutes les entités et que l’entité puisse le prouver techniquement.
En revanche, l’expertise doit normalement veiller au bon déroulement de chacun des scrutins de manière individuelle, notamment pour le scellement et le dépouillement des urnes : cette partie de l’expertise ne peut donc pas être réutilisée a priori.
Documents de la Cnil à prendre en compte pour le vote électronique
La Cnil rappelle que le vote électronique a fait l’objet d’une recommandation de la part de la Cnil le 25 avril 2019 (entrée en vigueur le 21 juin 2020). Cette recommandation est complétée par la fiche pratique Sécurité des systèmes de vote par internet : la Cnil actualise sa recommandation de 2010 publiée sur son site internet.
Rappelons que cette recommandation présente une méthodologie afin de déterminer le niveau de risque. Le QR précise “qu’en pratique, la Cnil identifie généralement un risque de niveau 2 (intermédiaire) pour la plupart des élections des représentants du personnel aux instances représentatives, sauf cas particulier tels qu’une élection à grande échelle se déroulant dans un organisme important et dans un cadre conflictuel, qui relèvent du niveau 3 (le plus élevé)”.
Puis la Cnil ajoute “qu’une fois le niveau de risque établi, l’organisateur de l’élection (qui est également responsable du traitement) peut déterminer les objectifs de sécurité que le dispositif de vote électronique doit atteindre”. Ainsi, “dans le cadre des élections professionnelles, tout dispositif de vote par correspondance électronique devrait notamment inclure, à la manière de ce qui se fait pour le vote papier, un contrôle automatique de l’intégrité du système, de l’urne et de la liste d’émargement, ainsi qu’un dispositif d’authentification des électeurs permettant de s’assurer que les risques majeurs et mineurs liés à une usurpation d’identité sont réduits de manière significative”.
Formalités auprès de la Cnil ?
Aucune formalité particulière ne doit être réalisée auprès de la Cnil, mais, l’organisateur de l’élection, qui agit en qualité de responsable de traitement, doit à ce titre respecter ses obligations au regard du RGPD :
- la réalisation d’une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD) ;
- l’inscription préalable du traitement au registre des activités de traitement ;
- l’information des personnes, notamment sur le déroulement des opérations de vote et sur le fonctionnement du système de vote électronique (en fournissant une notice, par exemple) ;
- l’encadrement du contrat de sous-traitance s’il est fait appel à un prestataire extérieur, etc.
Mais attention, ajoute la Cnil, “lorsque l’AIPD réalisée préalablement à l’organisation du vote électronique indique que le traitement de données personnelles utilisé présente un risque résiduel élevé pour les droits et libertés des électeurs et s’il ne prend pas de mesures pour atténuer ce risque, l’organisateur de l’élection doit consulter la Cnil (art. 36 du RGPD)”.
Information des électeurs
La Cnil précise que :
- c’est l’organisateur de l’élection, responsable de traitement qui doit informer les personnes concernées. Il peut le faire lui-même ou confier cette opération à son sous-traitant, en contrôlant que l’information soit délivrée conformément à ce que prévoit le RGPD. En cas de vote électronique, l’organisateur de l’élection informe individuellement les salariés de la transmission de certaines de leurs données personnelles au prestataire de solution de vote. Il peut également déléguer, en la contrôlant, cette information au prestataire. Celui-ci pourra ensuite organiser le scrutin ;
- c’est le responsable de l’élection qui doit définir les mesures appropriées afin de fournir une information complète, aisément accessible et de nature à faciliter l’exercice des droits des électeurs dont les données sont collectées. Lorsque le responsable dispose d’un moyen simple lui permettant d’atteindre directement l’électeur (p. ex. : adresse email professionnelle, information transmise au moment de la remise de la fiche de paie), il convient de privilégier ces supports de communication. L’information rendue accessible dans un lieu de passage ne peut généralement intervenir qu’en rappel ou en complément d’une information exhaustive et directement adressée à la personne ;
- c’est au moment de la collecte de leurs données personnelles que l’information doit être délivrée aux salariés concernés, et peut être renouvelée à tout moment, lorsque cela est jugé opportun, afin notamment de faciliter l’exercice des droits des personnes. Par exemple, l’employeur informe l’agent à son embauche de la collecte de son IBAN à des fins de gestion de paie et, le cas échéant, d’une partie de celui-ci à des fins d’authentification dans le cadre du vote électronique. Une nouvelle information peut être délivrée à ce dernier peu de temps avant l’utilisation effective de cette donnée pour les élections professionnelles, afin de lui rappeler la mise en œuvre du traitement ou lorsque cela n’a pas été réalisé au moment de l’embauche.
Authentification des électeurs : identifiant et mot de passe
Si l’authentification des électeurs sur la plateforme de vote repose sur l’utilisation d’un couple identifiant/mot de passe, la Cnil recommande que ces derniers soient dédiés à l’élection et remis aux électeurs de manière sécurisée, via deux canaux de communication distincts définis avant l’élection, afin de réduire les risques d’interception par un tiers.
► Remarque : attention, à l’exception des envois par voie postale, la Cnil recommande que les mots de passe permettant l’accès à la plateforme de vote en ligne ne soient jamais communiqués à l’utilisateur “en clair”, notamment par courrier électronique. Il convient donc de privilégier, par exemple, l’envoi d’un lien à usage unique ou d’un mot de passe temporaire permettant à l’électeur de définir lui-même son mot de passe. De plus, les mots de passe ainsi définis ne doivent pas faire l’objet d’un stockage en clair par le responsable de traitement ou un sous-traitant.
La Cnil recommande par ailleurs de compléter ce processus d’authentification en demandant à l’électeur de répondre à une question secrète non triviale dont il est le seul à connaître la réponse avec le responsable de traitement (sont par exemple exclus la date de naissance, le code postal, le numéro de département et tout autre élément facilement décelable). Pour la transmission de ces moyens d’authentification, la Cnil recommande de privilégier deux canaux parmi :
- la remise en mains propres sur le lieu de travail ;
- l’envoi sur une adresse e-mail professionnelle ou un téléphone professionnel ;
- l’envoi postal au domicile de l’électeur ;
- le dépôt sur un intranet professionnel ou un coffre-fort numérique accessibles au seul salarié.
Il convient dans tous les cas de s’assurer que les canaux choisis ne sont pas tous deux accessibles à un même tiers. Ainsi, sauf en cas de demande expresse de l’électeur (que l’employeur devra démontrer), les e-mails ou les numéros de téléphone personnels ne peuvent pas être utilisés comme canaux de transmission des moyens d’authentification (identifiant et lien permettant la définition du mot de passe).
► Remarque : la signature d’une décharge de responsabilité à l’organisateur du vote par le prestataire en cas d’envoi simple est sans effet.
A noter que la connexion sur la plateforme de vote par correspondance électronique peut se faire à l’aide des mêmes identifiants lors des deux tours d’une élection. D’autre part, concernant la réinitialisation des moyens d’authentification, la Cnil précise qu’il peut être envisagé de redemander la réponse à la “question secrète” lors de la procédure de réinitialisation, en complément de la vérification des nom, prénom, date et lieu de naissance.
Une telle procédure permet de ne pas collecter davantage de données personnelles que celles déjà détenues par l’employeur. En effet, rappelle la Cnil, le Conseil d’État a jugé que la seule vérification des nom, prénom, date et lieu de naissance n’est pas suffisante, ces informations pouvant aisément être connues de tiers (CE, 26 janv. 2021, n° 437989).
Question secrète
Concernant la question secrète, la Cnil précise qu’elle peut être définie selon les modalités suivantes :
- par le responsable de traitement ou l’électeur lui-même en amont de l’élection ; ou par la reprise d’une partie de l’IBAN (International Bank Account Number) de l’électeur ;
- ou par l’utilisation d’une donnée déjà transmise à l’électeur, par exemple les derniers chiffres du salaire d’une fiche de paie antérieure ;
- ou par le recours à un autre identifiant interne non public tel qu’un numéro de matricule affecté à l’agent à l’occasion de son service.
► Remarque : à noter que la Cnil estime que l’IBAN complet ne devrait pas être utilisé, et recommande de privilégier l’utilisation d’une partie de l’IBAN (par exemple les 5 derniers chiffres) en tant que secret complémentaire (question-défi) entre l’électeur et le responsable de traitement organisant le vote ou son prestataire de solution de vote électronique (sous-traitant). L’utilisation d’un tel secret vient renforcer la sécurité de l’authentification par identifiant et mot de passe. Mais attention, pour que l’utilisation d’un morceau de l’IBAN soit légale, il est nécessaire de respecter l’une des deux conditions suivantes :
- la finalité « organisation des élections professionnelles » a été prévue dans le traitement qui a occasionné la collecte de l’IBAN ;
- sinon, l’organisateur de l’élection doit informer ses salariés que l’IBAN va être utilisé pour cette finalité, si cela n’a pas été fait au moment de la collecte de la donnée.
Séverine Baudouin
La prime de partage de valeur rencontre un plus grand succès que la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat
Selon un communiqué publié jeudi par le cabinet Deloitte, la prime de partage de valeur (PPV) est “plébiscitée”. En effet, alors qu’un peu moins d’un tiers des entreprises (29 %) avaient eu recours l’an passé à la prime Pepa (prime exceptionnelle de pouvoir d’achat) avec une montant médian octroyé de 300 euros, près de la moitié des entreprises interrogées (48 %) par le cabinet Deloitte prévoient de verser la PPV, 26% étant par ailleurs en cours de réflexion pour l’instaurer.
Les montants prévisionnels médians sont aussi revus à la hausse puisqu’ils atteignent 875 euros pour les OETAM (+ 46% par rapport au montant médian de la prime Pepa de l’an passé) et 500 euros pour les cadres (une stagnatation par rapport au montant médian de la prime Pepa de l’an passé).
► S’agissant de la monétisation des RTT, le cabinet Deloitte observe que plus de la moitié des entreprises interrogées ne prévoient pas d’instaurer de dispositif de rachat de RTT.
actuEL CE
Faut-il réindexer les salaires sur l’inflation ?
Lors de son intervention sur France 2 mercredi soir, Emmanuel Macron s’est dit opposé à toute réindexation des salaires sur l’inflation, car cela nourrirait, a-t-il expliqué, la spirale inflationniste. Que penser d’une telle mesure, revendiquée notamment par la CGT afin de permettre aux salaires et plus seulement au Smic de suivre l’inflation ? Le quotidien Libération publie un débat intéressant opposant sur ce sujet Jean Peyrelevade, qui fut directeur adjoint du cabinet du Premier ministre socialiste Pierre Mauroy de 1981 à 1983, et Eric Monnet, historien de l’économie et spécialiste de l’inflation.
Le premier soutient que la gauche a eu raison de désindexer en 1982 les salaires sur l’inflation car le pouvoir socialiste héritait du gouvernement Barre et de la présidence Giscard d’une inflation atteignant alors près de 14%. “Nous avons mis fin à toutes les indexations automatiques, sauf pour le Smic. C’est ma plus grande fierté. Grâce au tournant de la rigueur, nous avons cassé l’inflation de manière durable, passant de 14% en 1981 à 2 points en moins ensuite chaque année”, raconte Jean Peyrelevade, qui précise que cette mesure s’est accompagnée d’un blocage des prix.
Réplique de l’économiste Eric Monnet : “Il était certes nécessaire de faire baisser l’inflation, mais une fois celle-ci maîtrisée, les gouvernements ont continué une politique de désinflation compétitive aux effets très inégalitaires, alors même que le taux de chômage avait atteint 10% (..) A la fin des années 80, la distribution était devenue plus défavorable aux salariés que celle qui existait avant l’inflation des années 80, et la tendance s’est poursuivie”.
Mais peut-on comparer notre situation à celle des années 80 ? “Oui, et la pire des réponses est de dire : “L’Etat doit payer” “, répond Jean Peyrelevade. “Non, aujourd’hui, l’inflation en France est de 6% et l’augmentation des salaires est à peine la moitié. Des salaires qui n’augmentent pas suffisamment, ça va poser un problème de perte de pouvoir d’achat pour les plus modestes”, répond Eric Monnet.
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Webinaire : “BDESE : des pistes pour bénéficier d’indicateurs environnementaux utiles”
Les Editions Législatives organisent un webinaire sur le thème “BDESE : des pistes pour bénéficier d’indicateurs environnementaux utiles”.
Les élus du CSE ont maintenant des prérogatives environnementales et la BDES est devenue la BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales). Sous l’impulsion de la loi Climat et résilience, les enjeux environnementaux ont donc fait leur entrée à la table des discussions et négociations.
Sur cette nouveauté concernant à la fois les élus et les RH, les Editions Législatives vous proposent un focus sur les indicateurs environnementaux, pour en comprendre tout le sens.
Une bonne appréhension des enjeux environnementaux permet en effet de choisir les indicateurs les plus constructifs possibles, soit pour réellement engager l’organisation dans une démarche environnementale, soit, pour une entreprise plus mature, de continuer à progresser dans une logique d’amélioration continue.
Conférence animée par Clémence Andrieu, responsable de la rédaction marché HSE, Editions Législatives (Lefebvre Dalloz).
Date : mardi 8 novembre de 11h30 à 12h15.
Cliquez sur ce lien pour vous inscrire.
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Bientôt des Assises du travail ?
La CFDT indique avoir été reçue par Olivier Dussopt, le ministre du travail, afin de lui détailler son projet d’Assises du travail. Il s’agirait de réunir l’ensemble des acteurs du travail autour de cinq thèmes :
- temps de travail ;
- lien entre travailleurs et employeurs ;
- démocratie au travail ;
- qualité du travail ;
- modes de production.
Ces discussions seraient organisées par un comité de pilotage mêlant représentants de l’Etat, des organisations syndicales et patronales, et des “représentants qualifiés” (sans doute des experts du monde du travail). Rencontres et concertations se dérouleraient en trois temps :
- constats et partages d’expérience ;
- élaboration des actions à mener ;
- concrétisation des actions.
Les travaux pourraient commencer avant la fin de l’année, indique le site de la CFDT, dans le prolongement de la feuille de route issue du Conseil national de la refondation (CNR). Rappelons que seulement trois syndicats y participent à l’heure actuelle : la CFDT, la CFTC et l’Unsa…
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