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Manifestation CGT : deux élus de CSE parlent de leur mandat

La CGT avait appelé à la mobilisation interprofessionnelle, jeudi 10 novembre, sur le thème de l’augmentation des salaires, des minimas sociaux et des pensions. Nous avons rencontré au point de rassemblement deux élus de CSE venus manifester. Ils nous ont parlé des raisons de leur présence et de leur mandat d’élu, notamment de la limitation à trois mandats successifs. Et ils n’ont pas du tout la même opinion…

Le 10 novembre 2022 ne restera pas dans l’histoire syndicale comme une grande manifestation de la CGT. A quinze heures, soit une heure après le rendez-vous fixé pour lancer la marche, le nombre de sympathisants était encore limité. Difficile d’y lire un essoufflement de la mobilisation après une journée prometteuse le 18 octobre, et une journée en demi-teinte le 27 : les transports très perturbés par la grève de la RATP ont pu nuire au regroupement des manifestants. Le cortège s’est néanmoins bien étoffé au fil des rues. A Paris, il aurait réuni 2 400 personnes selon la police, 10 000 selon la CGT.

“Bien sûr, on préférerait une mobilisation générale et des grèves reconductibles, ça serait l’idéal mais le salariat n’est pas là”, explique Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale de la CGT, qui remplaçait Philippe Martinez en déplacement en province. Elle note également que les gros mouvements interprofessionnels ont mobilisé sur des demandes défensives (les retraites), alors que l’augmentation des salaires relève d’une demande offensive. “Néanmoins, même si ces journées sont espacées et répétitives, elles entretiennent les mobilisations à un autre niveau. Depuis septembre, on constate une effusion de mobilisations sur les salaires dans les entreprises et cela alimente aussi le mouvement interprofessionnel”, précise-t-elle.

Les revendications de la CGT n’ont pas varié depuis la rentrée : un Smic à 2 000€ bruts, un retour de l’échelle mobile des salaires permettant de les indexer sur l’inflation, une revalorisation des minimas sociaux et des pensions.

Selon Nathalie Verdeil, “l’augmentation des salaires est la principale préoccupation des salariés face à une inflation galopante”. Quant au partage de la valeur, nouveau sujet de négociation (lire notre article dans cette édition) avec notamment le projet de dividende salarié, elle le considère comme “un alibi pour ne pas parler des salaires” et rappelle que seuls ces derniers permettent de financer la protection sociale.

Valérie Lesage, secrétaire générale de l’union régionale île de France CGT ajoute que d’autres journées de mobilisation sont en réflexion à la CGT : “Nous avons des instances nationales la semaine prochaine qui vont en décider”.

Les salaires et les retraites, les élus du CSE venus manifester en parlent aussi comme des motifs des mobilisation. Djamel Benotmane est élu chez Fiducial Private Sécurité, une entreprise qui emploie des agents de sécurité. Loris Foreman est élu chez Paris Customers Assistance, un spécialiste des services fournis aux transports aériens.

Djamel Bentomane : “Je ne cherche pas un mandat pour faire valoir mes droits”

Djamel Bentomane cumule les fonctions d’élu du CSE, de délégué syndical CGT et de secrétaire du syndicat d’agents de sécurité Prévention Sécurité 75. Pourquoi est-il venu manifester ? “Dans notre entreprise, les salaires sont gelés. Les agents de sécurité sont payés sous le Smic, on n’arrive pas à tenir les fins de mois debout”. Il a également assisté aux dernières négociations de branche : “Les patrons nous ont proposé 3,25 %. Nous étions organisés en intersyndicale avec FO, la CFTC et la CFE-CGC. Ces derniers ont cédé et nous avons exercé notre droit d’opposition. Les patrons sont revenus nous chercher pour négocier, avec une proposition de 7,5 %. Les autres ont signé, mais nous continuons de demander 10 %”.

Djamel Bentomane est élu depuis 2014. A l’époque, il était délégué du personnel. “Le passage au CSE a fusionné les instances, mais ils n’ont pas mis les moyens. Les délégués du personnel étaient sur le terrain pour remonter toutes les infractions. Aujourd’hui un seul élu porte trois casquettes”, regrette-t-il. En revanche, la limitation à trois mandats successifs dans le CSE, une nouvelle règle souvent décriée, ne l’inquiète pas : “Je pars du principe que je suis militant de terrain. Je ne cherche pas un mandat pour faire valoir mes droits”.

Loris Foreman : “Être élu, c’est un deuxième métier dans le métier”

Loris Formean est venu pour défendre l’augmentation des salaires : “Je gagne 1 600€, il faut que je fasse des nuits, des weekends, des jours fériés pour atteindre 2 000€. Je n’ai qu’un weekend toutes les six semaines”, nous confie-t-il. Les négociations annuelles obligatoires ont abouti à 600€ de prime Macron et 86€ d’augmentation. Insuffisant pour Loris Foreman : “Ce n’est même pas la moitié de mon plein d’essence ! Nous réclamons 300€. Si mon salaire n’augmente pas, je vais devenir Smicard. C’est pour ça que je suis dans la rue, il faut se lever. Certes, on n’est peut-être pas assez, mais il y a la mobilisation dans les transports, des étudiants sont venus et j’ai vu des blouses blanches.”

Élu au CSE depuis 2019 et réélu l’année dernière, il commence son deuxième mandat et n’a donc connu que le CSE mais cela ne l’empêche pas de juger sévèrement les ordonnances Macron : “Le problème, c’est que l’élu fait tout : il est DP, CHSCT et représentant de proximité. Dans les grandes boîtes, être élu c’est un deuxième métier dans le métier car cela prend beaucoup de temps. Avec les ordonnances, on a essayé de faire taire les élus”.

La priorité selon lui serait de redonner des moyens et du pouvoir au CSE. Et quand on lui demande s’il va continuer de représenter les salariés, il nous répond : “Je voudrais bien mais c’est déjà mon deuxième mandat. Avec la limitation, je ne serai bientôt plus élu et plus salarié protégé…”.

Marie-Aude Grimont

“Négociez le calendrier de consultation du CSE !”

Dans ce point de vue, Daphné Lecointre et Julien Picard, co-fondateurs du cabinet PNL Conseil, spécialisé dans l’intervention auprès des CSE, constatent que certaines entreprises concentrent à la fin de l’année les grandes consultations annuelles, sur la base de données déjà anciennes. Pour prévenir ce travers, les consultants suggèrent aux élus des comités sociaux et économiques (CSE) de négocier un calendrier annuel de consultation de l’instance,

Les dernières réformes du marché du travail se sont appuyées sur la promesse d’un dialogue social renforcé pour accompagner le poids grandissant de la négociation d’entreprise et un certain nombre de mesures que le patronat appelait de ses vœux : baisse des cotisations sociales, assouplissement du droit des licenciements collectifs, sécurisation financière de l’employeur par un barème prud’hommal plafonnant les indemnités pour licenciement abusif, simplification et réduction des obligations et des moyens des IRP (institutions représentatives du personnel), dépénalisation de la majeure partie des entraves au CSE….

En contrepartie, un large accès à l’information (mise en place de la BDES, la Base de Données Economiques et Sociales depuis 2013, Environnementales depuis 2021), des consultations annuelles obligatoires restreintes mais avec expertises associées (loi Rebsamen de 2015), davantage de présence dans les conseils d’administrations, des dispositifs destinés à la promotion des compétences (valorisation des parcours syndicaux, mobilité sécurisée, réforme de la formation professionnelle) devaient permettre aux instances représentatives du Personnel de tenir leur rôle.

Au-delà de ces promesses, la pratique force à constater que les prérogatives des CSE sont complexifiées dans bon nombre d’entreprises, indépendamment de la crise sanitaire qui aura parfois servie d’excuse.

La réduction des moyens alloués aux représentants du personnel notamment à l’occasion des ordonnances « Macron » n’a échappé à personne. Bien sûr, il y a aussi le sujet de la BDESE dont le contenu et les modalités sont rarement au niveau des obligations légales. L’information transmise aux instances est même appauvrie là où une BDESE peu renseignée remplace les données historiquement transmises.

Une dérive inquiétante : les consultations annuelles obligatoires tardives

A défaut d’accord prévoyant des dispositions dérogatoires, le CSE d’entreprise est consulté obligatoirement chaque année sur trois thèmes :

  1. La situation économique et financière.
  2. La politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.
  3. Les orientations stratégiques et ses conséquences.

Parallèlement, les délais relatifs aux consultations sont fixés et s’articulent principalement autour de deux références :

  1. 1 mois sans intervention d’un expert.
  2. 2 mois avec intervention d’un expert.

Les délais s’ouvrent à compter de la transmission des documents par l’employeur. Ceci a une conséquence : la Direction ayant la main sur la production des informations prend également la main sur le calendrier. Dans la pratique ce sont donc les Directions qui décident d’inscrire à l’ordre du jour d’une séance du CSE les consultations annuelles obligatoires précédemment évoquées.

Il est constaté dans ces conditions des dérives calendaires pour ces consultations, en particulier sur les thèmes sociaux et stratégiques dont la matière est moins normée que pour les données comptables et financières. Ainsi, les consultations ont tendance à se retarder, occupant de plus en plus le 2nd semestre pour des données majoritairement arrêtées en fin d’année civile. Certaines entreprises particulièrement peu vertueuses vont même jusqu’à ouvrir les 3 consultations sur le dernier mois de l’année. L’ancienneté des données pose alors question quant à l’intérêt et à l’utilité de débattre de sujets devenus trop éloignés de l’actualité.

Et finalement c’est sans doute la plus dramatique et la moins avouable des conséquences des dernières réformes : décourager par restriction des moyens alloués aux représentants du personnel et complexifier leur capacité à exercer utilement leurs prérogatives économiques.

La nécessité de fixer un calendrier des informations-consultations annuelles obligatoires

Dans un environnement réglementaire de moins en moins lisible, il est plus que jamais utile de revenir aux fondamentaux. L’article L.2312-8 du code du travail est, à ce titre, une pièce centrale :

  • D’une part, il ne fixe aucune limite au champ d’intervention du CSE, ni aux domaines d’information auquel il doit avoir accès.
  • D’autre part, il stipule explicitement que la première mission du CSE est de défendre les intérêts des salariés.
L’article L.2312-8 du Code du travail (extrait) “Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions. Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise”.

Une bonne pratique de dialogue social passe par l’élaboration d’un calendrier des négociations et informations-consultations annuelles obligatoires, voire la désignation d’un expert en début d’exercice en considérant que ce dernier va accompagner l’instance tout au long de l’année, et ce, indépendamment des dates auxquelles l’information-consultation va être mise à l’ordre du jour. Cela peut être négocié avec les DS, acté par un engagement avec le CSE et peut être appuyé par les modalités formalisées dans la lettre de mission de l’expert.

NDLR : les auteurs de ce point de vue, Daphné Lecointre et Julien Picard, sont co-fondateurs du cabinet PNL Conseil, spécialisé dans l’intervention à destination des CSE.

Daphné Lecointre et Julien Picard

Les élections partielles n’échappent pas à la règle de représentation proportionnée des femmes et des hommes

Les listes de candidats présentés par une organisation syndicale à l’occasion d’élections partielles du comité social et économique (CSE) doivent respecter la proportion de femmes et d’hommes du collège électoral.

Moins de deux ans après sa mise en place, en juillet 2019, le CSE d’une société spécialisée en ingénierie, conseil et services informatiques perd la moitié de ses élus titulaires. L’employeur se voit alors contraint d’organiser des élections partielles afin de pourvoir 6 postes de titulaires et 12 de suppléants.

Rappelons que si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des élus titulaires est réduit de moitié ou plus et que l’on est à plus de 6 mois de la fin de la mandature, l’employeur est tenu d’organiser ce qu’on appelle des élections partielles (art. L. 2314-10 du code du travail). L’objet de ces élections est de “réparer” un comité social et économique amputé d’une partie de ses élus et de lui permettre de fonctionner à nouveau normalement jusqu’à la fin des mandats en cours. Attention toutefois : tant que l’on peut remédier à la situation en faisant jouer les règles de remplacement des titulaires par des suppléants, il n’y a pas lieu d’organiser des élections partielles (Cass. soc., 18 mai 2022, n°21-11 347).

Liste de candidats sans femme

Dans cette affaire, le syndicat Solidaires Informatique dépose, au sein du collège unique prévu pour l’élection initiale du CSE, une liste de 4 candidats, tant pour les titulaires que pour les suppléants, composée uniquement d’hommes. 

A l’issue du second tour, M. [J] est élu en tant que titulaire et MM. [RU], [P], [M] le sont en qualité de suppléants. A la demande de l’employeur, le tribunal judiciaire de Lyon annule l’élection de MM [J] et [M] pour violation des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes. 

Pour les juges, la question du respect de la parité pour la liste du syndicat devait s’apprécier à chaque dépôt de la liste. Donc, à l’élection initiale du CSE et à l’élection partielle. 

Après avoir notamment rappelé que “les élections partielles se déroulent sur la base des dispositions en vigueur lors de l’élection précédente”, c’est-à-dire en application du protocole préélectoral conclu pour l’élection initiale du CSE, la Cour de cassation entérine le jugement du tribunal judiciaire. 

Remarque. Les listes qui comportent plusieurs candidats à l’élection du CSE doivent être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale (art. L.2314-30 du code du travail). En cas de non-respect par une liste de candidats des règles de représentation proportionnée entre les femmes et les hommes, le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats (art. L.2314-32).

Comme cela avait été constaté, les listes présentées par Solidaires Informatique comportaient un homme en surnombre au regard de la proportion de F/H figurant dans le protocole d’accord préélectoral (28,1% de femmes et 71,9% d’hommes) établir pour les élections initiales. Il convenait donc bien d’annuler, en application de l’art. L.2314-32 du code du travail, l’élection du dernier élu du sexe surreprésenté, soit M. [J] sur la liste des titulaires et M. [M] sur la liste des suppléants. 

Frédéric Aouate

Profits des multinationales : FO réclame une “fiscalité plus juste” et un meilleur partage

Afin de réduire les inégalités de revenus grandissantes, FO réclame une “fiscalité plus juste”, notamment celle s’appliquant aux multinationales. Le syndicat s’appuie sur le dernier rapport de l’observatoire des multinationales selon lequel les entreprises du CAC 40 ont réalisé 157 milliards de profits en 2021, soit quatre fois plus qu’en 2020, et ont versé 80 milliards d’euros à leurs actionnaires (57 Mds de dividendes et 23 Mds de rachat d’actions). Ce chiffre comprend certes les marges exceptionnelles du fait de l’explosion des coûts de l’énergie mais ces versements de dividendes ne se limitent pas aux multinationales de l’énergie, argumente FO, “puisque certains secteurs (Commerce, banque, assurance, laboratoires pharmaceutiques…) ont engrangé des bénéfices records tout en poursuivant les suppressions d’emplois en 2021 !” Le syndicat s’inquiète du fait que le taux réel d’imposition des multinationales et des grands groupes du CAC 40 “est bien en deçà du taux de l’Impôt sur les sociétés abaissé à 25% en France et du taux moyen de 22% au niveau de l’OCDE”.

Alors qu’une négociation s’ouvre en ce moment entre les partenaires sociaux sur le thème du partage de la valeur, FO affirme que le choix des grandes entreprises de “privilégier le versement des dividendes” montre que “des marges de manœuvre existent mais ne sont pas dirigées en priorité vers les salariés alors même qu’une majorité de ménages subit au quotidien la hausse des prix à la consommation, notamment les plus précaires !”

actuEL CE

La fin annoncée du comité d’évaluation des ordonnances fait réagir la CGT

La CGT réagit vivement aux propos d’Olivier Dussopt. Le ministre du travail a évoqué le 15 novembre, devant l’association des journalistes de l’information sociale, la fin du comité d’évaluation des ordonnances travail sur leur dernier rapport de ce comité). Cette fin a d’ailleurs été annoncée par la présidence de ce comité aux différents membres. La CGT estime qu’il s’agit d’une décision politique et “idéologique” : “C’est sans doute parce que les derniers rapports d’évaluation sur les ordonnances « Macron » concluaient à un « dialogue social » dégradé dans les entreprises que le gouvernement décide simplement de supprimer le comité d’évaluation desdites ordonnances”. 

Pour le syndicat, “l’impact négatif des ordonnances”, “confirmé par la crise sanitaire”, nécessite une révision de ces ordonnances. Et la CGT de rappeler qu’elle revendique : 

  • “d’attribuer aux suppléants les mêmes droits qu’aux titulaires et leur permettre de participer aux réunions ;
  • de rendre obligatoire la mise en place de représentants de proximité par établissement avec un crédit d’heures équivalent aux membres du CSE ;
  • la mise en place de commissions SSCT à partir de 50 salariés, avec des prérogatives qui sont celles des CHSCT-E (environnement) et des heures de délégation pour fonctionner ;
  • la mise en place de CSE par établissement distincts dès 50 salariés, avec une augmentation du nombre d’élus et des heures de délégation ;
  • le droit systématique pour les organisations syndicales et les représentants du personnel à l’information dématérialisée en direction des salariés;
  • la fin de la possibilité d’accords dérogatoires et des référendums patronaux ;
  • la suppression des accords de performance collective (APC) et des ruptures conventionnelles collectives (RCC) qui sont à durée illimitée, sans motif économique, sans contreparties, en deçà même de ce qui est prévu dans un PSE”.

Devant les journalistes, le ministère a indiqué le 15 novembre que de possibles “ajustements” aux ordonnances pourraient être étudiés dans le cadre des assises du travail.

actuEL CE